OUTILS DE GESTION ET DE PLANIFICATION - CAHIER TECHNIQUE N 89 - PROTÉGER LA MER ENSEMBLE
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Citation recommandée : LUnEAU L., MAISOn E., Protéger la mer ensemble : comment ça se passe ? L’articulation des aires marines protégées vécue par les gestionnaires. Montpellier, Aten, 2014, 76 pages. Coll. « Cahiers techniques », n°89. Photo de couverture : By-Jean-Michel-Banos Illustration : By-Sa Jessica Deschamps
OUTILS DE GESTION ET DE PLANIFICATION CAhIER tEChnIQUE n°89 PROTÉGER LA MER ENSEMBLE : COMMENT çA SE PASSE ? L’articulation des aires marines protégées vécue par les gestionnaires Laure LUnEAU Elodie MAISOn
Comité de pilotage Cet ouvrage a été réalisé dans le cadre du Forum des gestionnaires d’aires marines protégées françaises (www.forum-aires-marines.fr). Coordination Cédric MARtEAU – Rnn tAF Laurent GERMAIn Mickaël MARY – Site natura 2000 Baie Elodie MAISOn du Mont Saint-Michel Emmanuel thEVEnIn hervé MOALIC – Agence des aires marines protégées Rédaction Olivier MUSARD – Agence des aires marines protégées Laure LUnEAU Pascal PROVOSt – Rnn Sept-Iles Elodie MAISOn Isabelle RAUSS – Conservatoire du littoral Comité de pilotage : Philippe ROBERt – PhILMER Patrick tRIPLEt – Rnn Baie de Somme Frédéric BAChEt – Parc marin de la Pierre VIGnES – MedPAn Côte Bleue Dolorès BODMER – Province nord de Comité de lecture nouvelle-Calédonie Emmanuel CAILLOt – RnF Antoine DECOUt – Syndicat Energies Marion CORRE – Site natura 2000 Renouvelables Posidonies de la côte palavasienne Patrick DEROGIS – EnVSn Guy-François FRISOnI – RnC Bouches de Bonifacio Jacques DUMAS – FFESSM Perrine DUCLOY – CnPMEM Emmanuel JOYEUX – Rnn Baie de l’Aiguillon Sylvie GAUChEt – FFESSM Jean-François LAFFOn - Rnn Cerbère- Lucile tOULhOAt – CnPMEM Banyuls Agathe LARZILLIERE – PnR Armorique Cécile LEFEUVRE – PnM Iroise (AAMP) Philippe LE nILIOt – PnM Iroise (AAMP) Gérald MAnnAERtS – Agence des aires marines protégées Delphine MAROBIn-LOUChE – PnR Camargue 4 CAhIER tEChnIQUE n°89
Nous remercions particulièrement Sophie hEYD – Aten Et l’ensemble des personnes ayant toutes les personnes ayant participé thierry hOUARD – Pn de la Guadeloupe répondu au questionnaire de retour à l’élaboration de ce guide Soraya ISSOP MAMODE – Rn marine d’expérience : de la Réunion Alessandra ACCORnERO-PICOn – Bertrand JAOUEn – Econav Dominique BLAnChARD – CIPMEM Pn des Calanques Julien JEAn – Maison du Fier François COLAS – Agence des aires Alain BARCELO – Pn de Port-Cros Dominique LEOtURE – PGEM de marines protégées Anne-Sophie BARnAY – Agence des Moorea Thomas DEBRIL – Conseil scientifique aires marines protégées Emilia MEDIOnI – Ville de Marseille AAMP Emmanuel BULOt – Agence des aires Paul MIGnOn – PnM Golfe du Lion Damien DELAUnAY – CRPMEM marines protégées (AAMP) Aquitaine/CDPMEM Gironde Gianluigi CANCEMI – Office de Colin nIEL – Pn de la Guadeloupe Louis Gérald D’ESCRIEnnE – OnCFS l’environnement de la Corse Guillaume PAQUIGnOn – Agence des délégation Auvergne Languedoc Maddy CAnCEMI – RnC Bouches de aires marines protégées Roussillon Bonifacio Ronan PASCO – Sites natura 2000 Valentin GAUthIER - Ville de Saint-Cyr Catherine CAnOVA RAMEt – Commu- Golfe du Morbihan et Rivière de Pénerf sur-Mer (DPM Port d’Alon) nauté d’agglomération du Boulonnais Marion PEIRAChE – Pn de Port-Cros Jérôme JOURDAIn – CnPMEM Eric ChARBOnnEL – Parc marin de la Alain POnSERO – Rnn Baie de Alice KhAYAtI – CRPMEM Aquitaine/ Côte Bleue Saint-Brieuc CDPMEM Gironde Mahé ChARLES – Agence des aires Karine POthIn – Rn marine de la Catherine MEUR FEREC – Conseil marines protégées Réunion scientifique AAMP Emmanuel COUtURES – Province sud Pascal RAGOt – Site natura 2000 Gérard MOntASSInE – CRPMEM de nouvelle-Calédonie Archipel des Glénan Caroline PEtIt – Rivages de France Benjamin DURAnD – Pn des Calanques Romain REnOUX – Rnn Saint Martin Antoine PIChOn – CSnPSn Amandine EYnAUDI – Agence des hervé ROQUES – Rnn Lilleau des aires marines protégées niges Bruno FERRARI – PnM Golfe du Lion Julian StOnE – Econav (AAMP) Emmanuel thEVEnIn – Aten Xavier hARLAY – PnM Estuaires Michel thILMAn – Pn de la picards et mer d’Opale (AAMP) Guadeloupe Juliette hERRY – Projet de PnR Golfe Raymond VIALA – DPM Cap taillat du Morbihan Laure VInCEnt – Aten CAhIER tEChnIQUE n°89 5
SOMMAIRE Vers une coodination des aires marines protégées : présentation du recueil d’expériences 8 Ce qu’il faut savoir avant de se lancer : se compléter, se coordonner, s’articuler 9 1. Les aires marines protégées : des outils complémentaires pour protéger la mer 13 1.1 Qu’est ce qu’une AMP ? 14 1.2 Créer des AMP : pourquoi ? 17 1.3 Des AMP qui se complètent 18 1.4 Des statuts superposés : est-ce possible ? 20 1.5 Aspects juridiques : risques et avantages 23 1.6 D’autres politiques aux côtés des AMP 24 2. La gouvernance : politiques et enjeux de protection interconnectés 27 2.1 Qui mène la barque ? 28 2.2 Acteurs et décideurs : comment on s’organise ? 31 2.3 S’associer pour prendre des décisions 33 2.4 Comment conjuguer gestion cohérente et enjeux politiques locaux ? 35 2.5 Suivre le même cap pour être acceptés et reconnus ? 36 2.6 Quelle influence sur l’aménagement et les activités ? 38
3. Les gestionnaires : agir seul ou en commun vers des objectifs partagés 43 3.1 Intervenir au-delà de mon périmètre ? 44 3.2 Vers une bonne planification 46 3.3 Organiser une gestion cohérente sur les sites 49 3.4 Coordonner les actions de police 50 3.5 Mutualiser les moyens 53 3.6 Est-ce que ça marche ? 54 4. Evoluer ensemble 56 4.1 Une affaire d’hommes et de femmes 58 4.2 Des réseaux pour échanger 60 4.3 Des messages communs 62 4.4 Des outils partagés 63 4.5 Des projets collectifs 66 4.6 Comment anticiper les changements ? 68 Citations 70 Références et annexes 72 Abréviations et acronymes utiles 74
Vers une coordination des aires marines protégées : Présentation du recueil d’expériences L a création d’aires marines protégées (AMP) est de plus en plus considérée, à l’échelle locale, communautaire et mondiale, comme un moyen de faire face à la dégradation généralisée des espaces côtiers et marins. Au fur et à mesure de l’évolution des conceptions de la protection de la nature, la France s’est dotée d’un panel d’outils juridiques très diversifiés et d’un établissement public sous tutelle du Ministère en charge de l’écologie, dédié à la protection du milieu marin : l’Agence des aires marines protégées (AAMP). Quinze outils juridiques, applicables en mer, sont aujourd’hui considérés comme AMP au titre de la loi française. La création de ces AMP vise à mettre en place des dis- positifs de protection sur des territoires qui en sont dépourvus ou à compléter des dispositifs existants pour faire face à l’évolution des enjeux. Ainsi, certains territoires sont dotés de différentes AMP qui se jouxtent ou se superposent. Face à la multiplication des outils, un groupe de gestionnaires (métropolitains et ultramarins) membres du Forum des AMP s’est constitué, depuis 2008, en groupe de travail, pour tenter de répondre à la question de la complémenta- rité et de l’articulation des catégories d’AMP entre elles en échangeant leurs retours d’expérience. Pourquoi ce guide ? Le présent cahier technique a pour objectif de permettre une meilleure com- préhension de l’articulation des aires marines protégées entre elles, du point de vue de leur mise en place, de leur gouvernance ou encore de la gestion de ces espaces, en présentant des retours d’expériences de gestionnaires. A qui s’adresse ce guide ? U ne plaquette de synthèse ainsi qu’une présentation dynamique accompagnent ce cahier technique et mettent en avant les Ce guide s’adresse avant tout aux acteurs impliqués dans la gestion des aires points clés émergeant des retours d’expé- marines protégées : les gestionnaires d’AMP qui sont confrontés au quotidien 2.1 vgdvyefgeff riences des gestionnaires. aux questions soulevées 2.2 jgfjhgjgjhzfbvjvbfh hbfjhdans fuigf le présent document, ainsi que les services de l’Etat, élus 2.3 hgdjegf gfegf et autres acteurs impliqués dans la gestion d’espaces marins et ct89.espaces-naturels.fr 2.4littoraux jkhfkhzfk(comme les représentants des usagers membres de comités de jfhf khufhufhfkh pilotage 2.5 ghgjyou de ygyuguy gyuf gestion). 8 CahieR technique n°89
Crédit photo : Parc naturel marin de Mayotte Avertissement Le présent cahier technique est issu des échanges avec les gestionnaires et a été élaboré sur la base du recueil de leurs expériences. Il ne prétend pas donner des recommandations ou une méthode clé en main sur les meilleures façons de coordonner les AMP entre elles. Il apporte un éclairage à travers la présentation d’exemples d’articulation qui fonctionnent, en illustrant comment les gestionnaires se sont confrontés à cette problématique et comment ils tentent d’y répondre, dans les limites de leurs compétences et de leurs moyens, et dans des contextes territoriaux souvent particuliers. Cet ouvrage est adapté au contexte marin. CahieR technique n°89 9
Ce qu’il faut savoir avant de se lancer : se compléter, se coordonner, s’articuler Le côté mille-feuilles de ces protections, Extrait de l’article Jean-Pierre nicol : extension du parc et Natura 2000 en mer, agace. On ne veut rien sanctuariser ! Publié sur www.varmatin.com Vous le comprenez ? (16 novembre 2008). E n France, l’organisation de la protec- tion de la nature n’est pas toujours facile à appréhender : comment faire comprendre que le « mille-feuilles » de statuts qui se superposent parfois sur un même territoire, peut avoir un sens ? C’est pourtant le cas : par exemple, un parc naturel marin (outil contractuel), défini sur une vaste superficie, peut très bien héberger en son sein une ou plusieurs réserves naturelles (outil réglementaire) qui correspondent à une volonté de protection forte et pérenne de certains espaces. Ce besoin de compréhension de l’arti- toutefois, pour asseoir la légitimité de culation mise en place localement est ce type de superposition spatiale, il souvent exprimé par les représentants convient d’être capable d’en expliquer la d’usagers et les élus concernés sur leur cohérence et la justification. Il peut aussi territoire. En outre, cette problématique être nécessaire ou opportun de recher- est au cœur des préoccupations des Aujourd’hui, dans le contexte de mo- cher un meilleur fonctionnement des dis- gestionnaires d’AMP eux-mêmes qui dernisation de l’action publique, de ré- positifs existants sur un même territoire recherchent la meilleure articulation pos- formes visant à la simplification des ou- ou de les mettre en synergie : cela peut sible (entre eux pour la gestion, avec les tils de protection des espaces naturels, par exemple conduire à une simplifica- décideurs pour la gouvernance, etc.). il est nécessaire de travailler ensemble : tion des dispositifs de gouvernance ou à se concerter, se coordonner, articuler une suppression des redondances, une les outils pour une gestion intégrée des mise en cohérence des périmètres, une Plusieurs questions se posent : comment territoires, afin de répondre plus effica- mise en commun de moyens techniques valoriser et respecter la complémentari- cement aux objectifs de protection et de terrain ou d’analyse, tout en prenant té des outils de protection, leur histoire, aux enjeux d’évolution du milieu marin et en compte, en respectant, voire en s’ap- tout en clarifiant la gouvernance, et en de son utilisation. Enjeux pour lesquels puyant sur les particularités de chacun cherchant à mutualiser l’organisation et la France est engagée pour l’ensemble de ces outils. les moyens de chacun ? des politiques publiques. 10 CAhIER tEChnIQUE n°89
METROPOLE ET OUTRE-MER Qu’en pensent les gestionnaires ? Témoignage d’Emmanuel Caillot, Réserves naturelles de France, en charge du développement de l’Observatoire du patrimoine naturel littoral RNF-AAMP « La question de l’articulation des aires Il me semble que ce guide marines protégées s’est posée avec doit viser cet idéal qui in fine, l’arrivée de l’outil parc naturel marin, qui, se détermine au cas par cas : au-delà d’être perçu comme une AMP l’articulation est étroitement liée supplémentaire dans le paysage local aux contextes locaux (périmètres de de la protection de la nature, doit être portage des AMP historiques, souvent un dispositif fédérateur entre les AMP et bien plus large que le périmètre classé ; tous les acteurs du territoire d’emprise. niveau d’acceptabilité par l’ensemble Ce nouvel outil doit permettre d’aller plus des acteurs ; légitimité et reconnais- loin en matière de protection du patri- sance institutionnelle, etc.) qui peuvent moine naturel littoral et marin, tout en être très différents. Enfin, il faut aussi Le résultat d’une bonne articulation intégrant d’autres finalités qui dépassent rappeler que cet équilibre recherché pourrait concrètement se traduire par la la protection stricte et intéressent “l’uti- repose avant tout sur la qualité des définition d’objectifs à long terme parta- lisation durable du territoire’’ par l’en- relations humaines qui, en fonction des gés par l’ensemble des acteurs sur un semble des acteurs. personnalités des principaux leaders même territoire. Ces finalités seraient locaux, vont véritablement dimension- définies selon le rôle fonctionnel de L’idée que je me fais d’une bonne arti- ner la portée (l’acceptabilité) des actions chaque AMP pour une gestion évolu- culation repose sur l’association d’ac- menées en faveur du patrimoine naturel tive et des actions cohérentes et com- teurs variés pour des projets construits marin et au final leur appropriation (por- plémentaires. En cela, une articulation et portés en commun et dont le portage tage commun). locale bien pensée devient essentielle est avant tout défini pour son efficacité : pour alimenter les stratégies en faveur en renforçant par exemple ce qui est Pour résumer, une articulation réus- de la conservation du patrimoine naturel, déjà porté par des AMP existantes sans sie pourrait être proche de la mise en notamment celles relatives à la création pour autant leur en ôter le pilotage ; en réseau des AMP d’un même territoire et à la gestion des AMP : l’amélioration complétant les actions en cours en ma- fonctionnel, au sens écologique mais des connaissances du territoire, per- tière de gestion et protection du patri- aussi culturel, pour inclure l’ensemble mettant d’affirmer de nouveaux enjeux, moine naturel pour une meilleure prise des acteurs autour d’un objectif com- lesquels devront bénéficier d’outils de en compte d’enjeux marins encore mal mun et partagé : celui d’améliorer la gestion adaptés. » connus ; en choisissant le mode de gou- qualité environnementale du territoire et vernance le plus adapté, etc. Cette arti- de définir ensemble une gestion durable culation, recherchant avant tout l’opéra- des ressources naturelles, intégrant les tionnalité, doit aussi s’imaginer dans des activités humaines. contextes sans parc naturel marin à des échelles de réflexion adaptées à chacun des enjeux du territoire. CahieR technique n°89 11
Le réseau des AMP françaises : des expériences à partager L’articulation des AMP entre elles : ce sont les gestionnaires qui en parlent. Ci-dessous figure la liste des AMP interrogées pour la réalisation du présent recueil d’expériences. Façade Manche-Mer du nord et Atlantique 1- PNM Estuaires picards et mer d’Opale 7 - Site Natura 2000 Golfe du Morbihan 2 - Projet de PNM Golfe normand breton 8 - RNN Baie de l’Aiguillon 3 - DPM Chausey / Site Natura 2000 9 - Projet de PNM Pertuis et Gironde 4 - RNN 7 îles 10 - Projet de PNM Arcachon 5 - PNM Iroise 6 - Site Natura 2000 Archipel des Glénan Façade Méditerranée 11 - RNN Cerbère-Banyuls 16 - PN Calanques 12 - PNM Golfe du Lion 17 - Récifs Prado et Natura 2000 îles de Marseille 13 - Site Natura 2000 Côte palavasienne 18 - DPM Cap Taillat 14 - PNR Camargue 19 - Pelagos 15 - Parc marin de la Côte Bleue 20 – RNC Bouches de Bonifacio (GETC-PMIBB) Outre-mer 21 - Province Nord Nouvelle Calédonie 22 - Province Sud Nouvelle Calédonie 23 - RNN marine de la Réunion 24 - PGEM Moorea Principales aires marines protégées ayant participé à l’élaboration du présent recueil d’expériences. Source : Aten / Forum des AMP (2013). 12 CahieR technique n°89
1 Les aires marines protégées : 1.1 Qu’est-ce qu’une AMP ? 1.2 Créer des AMP : pourquoi ? des outils complémentaires 1.3 Des AMP qui se complètent pour protéger la mer 1.4 Des statuts superposés : est-ce possible ? 1.5. Aspects juridiques : risques et avantages 1.6 D’autres politiques aux D epuis le début du XX siècle, nous ème compte la nature « ordinaire », les consi- cotés des AMP avons cherché à protéger les pay- dérations socio-économiques ont été sages, espèces et espaces naturels progressivement prises en compte, avec particuliers de notre territoire, d’abord à pour objectif de ne pas systématique- terre, puis en mer. Initialement, la protec- ment exclure l’homme de la nature pour tion de la nature était centrée principale- la protéger, mais de tenir compte des ment sur la volonté de conserver les es- activités présentes sur le site (naissance pèces et espaces considérés dans leur de la notion de développement durable). état « originel », ou face à des menaces L’évolution des outils existants et la créa- immédiates liées à des aménagements. tion de nouveaux outils intégrateurs (do- Cette vision est à l’origine des premiers maine public maritime affecté ou attribué outils de protection développés en au Conservatoire du littoral, parc naturel France : réserves naturelles, parcs natio- marin, Natura 2000 étendu en mer, etc.) naux, arrêtés de protection de biotope, a permis de dépasser les blocages liés By - Derek Keats etc., plutôt focalisés sur des espaces à la crainte de mise sous cloche des ter- restreints ou inhabités. Par la suite, pour ritoires naturels et d’ouvrir le dialogue étendre les politiques de protection sur avec les politiques d’aménagement et Ainsi, l’évolution des conceptions de des surfaces plus cohérentes en termes de développement économique durable. la protection de la nature permet au- de réseau et de connectivité prenant en jourd’hui de disposer d’un panel d’outils de protection des milieux (notamment du milieu marin), imprégnés chacun par leur propre histoire et leurs propres caracté- Missions du Conservatoire Parcs naturels marins ristiques. du littoral étendues (2006) AMP au vu de Réserves naturelles* au DPM la loi du Parcs nationaux* Arrêtés de biotope (2002) Natura 2000 mer (2008) Elle pose la question de la nécessité de 14 avril 2006 (1960) (1976) chaque outil et de leur complémenta- 1950 1960 1970 1980 1990 2000 rité qui amène les gestionnaires des es- paces protégés et les usagers à définir Convention mondiale Réserves de biosphère Convention de Nairobi Convention d’OSPAR pour chaque projet, la place de la nature pour les zones (1992) Traité de l’Antarctique humides* Convention de (Afrique et des activités humaines. AMP au vu de (sites Ramsar) Barcelone de l’est) (1958) (Méditérannée) (1985) Réserves nationales de Chasse et de l’arreté du (1971) (1976) Faune Sauvage* 3 juin 2011 (1991) Sites nationaux inscrits Calendrier de création des quinze catégories au patrimoine mondial* (1972) Convention de Carthagène d’AMP reconnues en droit français. (Caraïbes) (1983) * ayant une partie maritime Source : L. Vong / Agence des aires marines protégées (2012). CahieR technique n°89 13
Alors que plus de 11% de la superficie terrestre est Partie 1 protégée, moins d’un pour cent des océans le sont. […] La protection de la mer est désormais le plus grand défi à relever en matière d’aires protégées. » 1.1 Fiche 1.4 Message du Directeur exécutif du Programme des nations Unies pour l’environnement, Klaus toepfer, prononcé au nom du Secrétaire général, Kofi Annan, au Congrès mondial sur les Parcs tenu à Durban (Afrique du Sud- 2003). Publié sur www.un.org (8 septembre 2003). Crédit photo : Poissons récifaux (B.Cauvin © GIP RnMR) 1.1 Qu’est ce qu’une AMP ? L a stratégie nationale pour la créa- tion et la gestion des aires marines protégées (rédigée en 2007 et révisée tionaux, les réserves naturelles (natio- nales, régionales, de Corse), les arrêtés de biotope, les parcs naturels marins, D’autres espaces naturels protégés, établis par des statuts ne faisant pas partie de ces quinze catégories d’AMP, en 2012) définit une aire marine proté- les sites natura 2000 (sites désignés au répondent à l’acceptation internationale gée (AMP) comme étant, selon le droit titre de la Directive Oiseaux 2009/147/ du terme AMP, tel que défini par l’UICN français, un espace délimité en mer, sur CE et/ou au titre de la Directive habi- notamment. Par exemple les actions lequel est fixé un objectif de protection tats-Faune-Flore 92/43/CEE), les parties menées par les collectivités comme le de la nature à long terme, qui peut être maritimes du domaine public relevant du Parc marin de la Côte Bleue. associé à un objectif local de dévelop- Conservatoire du littoral. pement socio-économique ou de gestion L’arrêté du 3 juin 2011 vient compléter durable des ressources et pour lequel cette liste avec neuf nouvelles caté- 4,5 PnM estuaires picards et mer des mesures de gestion sont prises et d’Opale, ZSP Carthagène Agoa gories : les sites nationaux ayant une 4 appliquées. 3,81 % 3,5 Création du réseau PnM Glorieuses, Pn Calanques partie maritime inscrits au patrimoine 3 natura 2000 et extension Pn Port-Cros mondial, les réserves de biosphère, les 2,5 PnM golfe du Lion et prise en compte des nouvelles catégories (arrêté de juillet 2011) sites nationaux inscrits de la convention 2 PnM Mayotte Pour atteindre les objectifs que la France 1,5 de Ramsar ayant une partie maritime, Extension du réseau s’est fixés en mer et sur le littoral, une natura 2000 en mer, PnM iroise 1 les aires marines protégées au titre 0,5 Rnn des terres diversité d’outils juridiques de protection australes françaises des conventions de mers régionales 0 des espaces naturels répond à cette 19 92 20 06 20 08 20 20 20 20 10 11 12 13 (Conventions de Barcelone, OSPAR, définition. Selon la loi n°2006-436 du Carthagène, nairobi, traité de l’Antarc- 14 avril 2006 (article L334-1 III du code Evolution de la proportion d’aires marines protégées tique), ainsi que les parties marines des dans les eaux françaises, 1989-2013 de l’Environnement), les aires marines réserves nationales de chasse et de (d’après la Loi du avril 2006). protégées comprennent : les parcs na- faune sauvage. 14 CAhIER tEChnIQUE n°89
Partie 1 FRANCE VS ROYAUME-UNI À chacun ses AMP OUTRE-MER France et Royaume-Uni, deux pays plusieurs MCZ sont susceptibles d’être aux politiques de protection en mer dis- créées. La méthode consiste à créer des tinctes, se retrouvent associés autour MCZ sur des zones exemptes de pro- Des dispositifs de protection d’objectifs supranationaux partagés tection Natura 2000, l’association des Fiche 1.1 pour assurer une gestion cohérente de deux protections ayant pour objectif de d’espaces naturels adaptés leur espace maritime commun. « Com- former un réseau cohérent. La stratégie aux particularités ultra-marines parer les politiques de protection en mer britannique systématise une analyse à de ces deux états est à la fois simple et l’échelle de chaque « façade » et se base complexe : simple parce qu’une lecture sur une approche scientifique. Elle asso- L’outre-mer français est composé des grandes lignes montre des carac- cie ensuite les acteurs du Royaume-Uni, de cinq départements (Guyane, tères conformes et communs ; complexe et de France lorsqu’ils sont concernés, à Guadeloupe, Martinique, Réunion parce qu’en détail, des écarts culturels la définition des objectifs et des modali- et Mayotte) et de six collectivités et organisationnels subsistent. Chaque tés de gestion. (Polynésie française, Nouvelle- pays est marqué par sa propre histoire, PNM : A chaque projet de création d’un Calédonie, Wallis et Futuna, Saint- l’identité insulaire du Royaume-Uni est PNM correspond un secteur d’étude. Pierre et Miquelon, Saint-Martin et fondamentale car elle explique une pré- La décision de création, la définition du Saint-Barthélémy), d’un territoire occupation plus précoce sur les ques- périmètre s’appuient sur les sites Natura (Terres australes et antarctiques tions marines par rapport à la France, 2000 et les autres AMP pré-existantes. françaises) ainsi que d’une île dis- notamment par une reconnaissance Les orientations de gestion sont définies posant d’un statut législatif parti- plus avancée des potentialités écono- à travers une mission d’étude portée par culier (Clipperton). À cette plura- miques des voies maritimes et des res- l’Agence des aires marines protégées, lité de situations correspond une sources marines. Quant à la France, un conduite par les préfets et associant lar- diversité de cadres juridiques et de de ses atouts majeurs est de posséder le gement les acteurs du territoire. catégories d’espaces protégés. Les second territoire maritime en termes de départements d’outre-mer français superficie (après les états-Unis d’Amé- MCZ vs PNM : Ainsi, dans le cas des sont soumis au droit national, sous rique), principalement grâce à ses terri- MCZ, la démarche de création est des- réserve de possibles adaptations. toires d’Outre-mer ». cendante et consultative et évite la La Polynésie française et les pro- superposition avec des sites Natura Guidés chacun par des stratégies défi- vinces de la Nouvelle-Calédonie, 2000. Dans le cas des PNM, la volonté nies au niveau gouvernemental pour Wallis et Futuna et Saint-Barthé- est de prendre en charge les sites Natura répondre aux mêmes engagements in- lémy sont dotées d’une compétence 2000 et de définir le périmètre dans une ternationaux, les établissements français propre en matière de protection de logique intégrative et remontante et britanniques d’appui aux politiques l’environnement. Ces collectivités publiques pour la protection du milieu ont développé leurs propres dis- marin, procèdent différemment : com- D’après : Vong L., (2010). positifs de protection en prenant paraison des marine conservation zone Des aires marines protégées : en considération leurs spécificités (MCZ), équivalentes en taille et objectifs Etude comparative France et juridiques, écologiques mais aussi de gestion des écosystèmes, aux parcs Grande-Bretagne, des méthodes socio-économiques, auxquelles naturels marins français (PNM). différentes pour des objectifs supranatio- peuvent se rajouter des statuts na- naux communs. Université du Littoral Côte tionaux lorsque la loi le prévoit. Les MCZ : Du côté anglais, le Joint Nature d’Opale / Agence des aires collectivités françaises d’Outre-mer Conservation Council (JNCC) définit une marines protégées. complètent ainsi l’éventail français zone d’étude étendue, dans laquelle des espaces protégés. CahieR technique n°89 15
« Pourquoi conserver ? Pourquoi des AMP ? Partie 1 Est-ce là la meilleure façon de protéger le patrimoine national de services fournis par les écosystèmes côtiers et marins ? La réponse […] est « non ». La meilleure façon de garantir la protection [...] serait un ensemble de poli- tiques et de pratiques nationales et régionales qui garantiraient l’exploitation Préface du guide En Gouver- responsable de tous les espaces marins et côtiers, et de toutes les ressources nance Partagée ! Un guide pra- naturelles en présence. Malheureusement, aucun pays au monde ne peut tique pour les aires marines protégées en 1.2 Fiche 1.4 prétendre aujourd’hui avoir atteint un tel objectif. […] Des instruments interna- Afrique de l’Ouest, Alfredo Simão da Silva tionaux et régionaux prônent la création d’AMP comme moyen de faire face et Mathieu Ducrocq (2010). à la dégradation généralisée des espaces côtiers et marins. Ces instruments confèrent une légitimité élevée à cette approche. » GOLFE DU MORBIhAn Les AMP pour maintenir les services rendus par les écosystèmes marins et côtiers : étude des herbiers de zostères VALMER (www.valmer.eu) est un projet de coopération franco-britannique (Interreg IVAa très froid. Les bars ont également réapparu. Manche) associant scientifiques (écologues et économistes) et gestionnaires pour l’évaluation En fait, les jeunes bars se nourrissent notam- intégrée (écologie, socioéconomie) des services écosystémiques marins et côtiers. Le projet a ment de la crevette d’herbiers. Cet exemple pour objectif de quantifier, qualifier et communiquer sur la valeur (économique, sociale et en- permet d’illustrer l’intérêt d’une approche éco- vironnementale) des services écosystémiques rendus sur six sites pilotes (trois français : Parc systémique. naturel marin d’Iroise, Golfe du Morbihan, Golfe Normand-Breton et trois anglais : Poole Har- bour, North Devon et Plymouth Sound). VALMER permet d’améliorer l’utilisation de l’évaluation Le cadre méthodologique mis en place par des services écosystémiques dans la gestion et la gouvernance d’espaces côtiers et marins, par les partenaires scientifiques du projet per- le biais d’approches multicritères et transfrontalières compatibles pour l’évaluation des services met non pas de donner une unique valeur rendus par les écosystèmes et une appropriation par les acteurs de la notion de services éco- monétaire aux herbiers mais plutôt d’éva- systémiques pour une gestion participative. luer qualitativement les services rendus par cet habitat et de voir comment l’impact des activités les affectera. Pour cela, le recours « nous avons opté pour une approche par ha- Après un état des lieux qui se termine en à divers outils (scénarios, modélisations) per- bitat. notre sujet d’étude concerne un habitat septembre 2013, nous connaissons mieux mettra d’ici 2015 d’obtenir des informations caractéristique du Golfe du Morbihan : l’her- les services rendus par les herbiers de zos- utiles et exploitables pour nous gestionnaires. bier de zostères. Les usagers n’ont pas tou- tères dans le Golfe : zone de frayère pour Par exemple, les impacts potentiels des dif- jours conscience de son importance, l’objectif les seiches, zone d’alimentation pour les oi- férents types de mouillage sur les surfaces de l’évaluation des services rendus par les seaux, zone de nurserie et nourricerie pour d’herbiers. Ce type de résultat nous aidera à herbiers de zostères est de pouvoir construire certains poissons, habitat préférentiel pour favoriser les changements de pratique vers et partager entre les différents acteurs une l’hippocampe, etc. Par exemple, de 1930 à plus de durabilité. Il sera néanmoins difficile vision commune de cette plante aquatique, 1960, les zostères ont disparu dans le Golfe de quantifier l’impact de tous les usages. Des reconnue comme habitat remarquable au du Morbihan en raison d’une maladie (was- exemples de superbes herbiers de zostères niveau international et européen. Le projet ting disease). Pendant cette même période, sous des parcs ostréicoles nous démontrent pourra ainsi aider à qualifier les bénéfices les pêcheurs ont constaté qu’il y avait moins bien qu’usages et protection ne sont pas in- d’une protection et d’un développement res- de bars. Les herbiers de zostères sont reve- compatibles, à nous de trouver le bon équi- pectueux des usages. nus au début des années 60 après un hiver libre ». Ronan Pasco, chargé de mission mer et littoral et Juliette herry, chargée de mission GIZC, 16 CAhIER tEChnIQUE n°89 pour le projet de Parc naturel régional du Golfe du Morbihan.
Partie 1 1.2 Créer des AMP : pourquoi ? L es aires marines protégées doivent concourir au maintien ou à l’atteinte du bon état écologique des milieux ma- Cet emboîtement de textes se trouve re- pris dans la Stratégie Nationale pour la Biodiversité (SNB 2011-2020), avec un Fiche 1.2 rins. Sous des impulsions politiques au volet marin constitué par la stratégie de plus haut niveau, la stratégie française création et de gestion des AMP, discutée Liens entre les services rendus par les AMP et leurs finalités de création : de création des aires marines protégées et renforcée lors des Grenelles de l’envi- à quoi servent les AMP ? vise à s’intégrer dans les stratégies plus ronnement et de la mer. L’objectif adopté globales et à répondre aux engagements est ambitieux : 20 % des eaux sous juri- Source : Plan bleu (2010) / AAMP. politiques et aux accords internationaux diction française en aires marines pro- Réalisation : Forum des AMP (2013) pour les océans et les mers régionales. tégées d’ici 2020 et un accent mis sur la mise en place du réseau Natura 2000 FONCTIONS RENDUES PAR LES SERVICES ECOSYSTEMIQUES F1 : Le bon état des FINALITES DE CREATION DES AIRES MARINES PROTEGEES en mer, des parcs nationaux et parcs espèces et habitats à statut, patrimoniaux naturels marins, de la stratégie DPM du Des engagements à ou méritant de l’être F2 : Le bon état des Conservatoire du littoral, de réserves na- FONCTIONS espèces et habitats toutes échelles : turelles et les futures « réserves halieu- DE PRODUCTION hors statut, cible de la gestion de l’AMP tiques marines ». F5 : L’exploitation durable Tout d’abord, sur le plan international, des ressources la France s’est engagée dans plusieurs F6 : Le développement durable des usages conventions pour la préservation du Pour mettre en œuvre les objectifs de F7 : Le maintien milieu marin : Convention des Nations- préservation du milieu marin, les dif- du patrimoine FONCTIONS maritime culturel Unies sur le droit de la mer, Convention férentes catégories d’aires marines CULTURELLE F6 : La(les) valeur(s) sur la diversité biologique, Conventions protégées françaises répondent à huit ajoutée(s) (sociale, économique, scientifique, de mers régionales (Ospar, Barcelone, finalités de création (par exemple les ca- éducatives) Carthagène, Nairobi, Nouméa, Antarc- tégories d’objectifs pour lesquels l’AMP FONCTIONS F4 : Le bon état DE REGULATION des eaux marines tique). a été créée). Pour chacune de ces finali- F3 : Le rendu de fonctions écologiques clefs (frayères, A l’échelle européenne, plusieurs direc- tés, un dispositif de suivi et d’évaluation FONCTIONS nurseries, producti- SUPPORT vité, repos, alimentation, tives encadrent la mise en œuvre de ces (tableau de bord) doit être mis en place migration) textes et engagent la France à restau- pour rendre compte de l’efficacité de rer, maintenir ou améliorer la qualité des l’AMP et des services qu’elle rend. eaux marines et les habitats et espèces qui y vivent : les directives «Oiseaux » Fonction de production : Fonction de régulation : (DO) et « Habitats-Faune-Flore » (DHFF) Production de ressources alimentaires (pêche, Régulation de la qualité de l’air encadrent la création du réseau Natura conchyliculture, pisciculture) Régulation du climat mondial 2000 autour d’espèces et d’habitats Production de matières premières (y compris médi- Atténuation des risques naturels (inclus érosion) représentatifs de la biodiversité euro- cinales et ornementales) Régulation du cycle de l’eau inclus dans Aménités Energies renouvelables Traitement des rejets péenne ; la Directive-Cadre sur l’Eau Ressources génétiques et biochimiques Régulation des maladies et des parasites à destina- (DCE) a pour objectif d’atteindre un bon tion humaine : inclus dans Traitement des rejets Fonction culturelle et informationnelle : état écologique des milieux aquatiques Fonction support : et la Directive-Cadre Stratégie pour le Fourniture de support aux activités récréatives Fourniture d’aménités, (inclus paysage, climat local, Habitat, refuse, frayère, nurserie : considérés Milieu Marin (DCSMM) vise à restaurer cycle de l’eau) comme des processus écologiques intermédiaire à ou maintenir un bon état écologique du Support culturel et spirituel la réalisation des services écologiques finaux milieu marin. CahieR technique n°89 17
« Le parc naturel marin, Partie 1 c’est une couche de plus dans le mille feuilles du car- ton administratif » By - Jean-Michel Banos René Vambre, conseiller municipal Fiche 1.3 de Rang-du-Filers et délégué à la communauté de communes Opale Sud. Extrait du journal hebdomadaire Le réveil de Berck, édition du 19/10/2011. 1.3 Des AMP qui se complètent L ’intérêt ou la nécessité de créer une aire marine protégée peut s’apprécier à différentes échelles (internationale, - Objectifs de protection : ils peuvent va- rier selon l’outil considéré. huit grandes finalités potentielles de création d’une nationale, régionale, locale) et sur la AMP sont définies. Chaque AMP peut base de plusieurs critères. Chaque outil répondre à une ou plusieurs de ces fina- possède ses caractéristiques propres lités. Dans certaines situations, les dis- qui lui confèrent des similitudes ou des positifs existants ne suffisent pas à faire Finalités de création des aires marines protégées françaises divergences avec les autres outils. Ces face aux nouveaux enjeux : de nouvelles Source : Stratégie création et gestion des AMP caractéristiques définissent les modali- AMP sont alors créées en complément. et Le Ministère en charge de l’environnement (2013). tés de création et de gestion des aires marines protégées : Bon état Bon état Rendus de Bon Exploi- Dévelop- Maintien du Valeur ajoutée Quelques tation espèces et autres fonctions état des pement patrimoine sociale, écono- - Modalités juridiques de protection catégories habitats à espèces et écologiques eaux durable durable culturel mique, scienti- d’AMP des res- statut habitats clés marines des usages maritime fique, éducative des espaces naturels : réglementaire, sources contractuel, maîtrise foncière, label, etc. Réserve naturelle ● ● ● ● Site natura 2000 ● Un outil de protection peut parfois rele- Parc national ayant ver de plusieurs approches différentes. une partie maritime ● ● ● ● ● ● ● ● Parc naturel marin ● ● ● ● ● ● ● ● - Champ d’application géographique : DPM Conserv. ● ● ● ● ● ● les AMP ont des champs d’application littoral qui peuvent s’étendre des eaux inté- Site Unesco ● ● Site Ramsar ● ● ● ● ● rieures jusqu’aux 200 milles marins de- Convention Ospar ● puis la ligne de base. RnCFS ● Convention naïrobi ● - Application dans le temps : les docu- Convention ments de gestion ne reposent pas sur Carthagène ● le même pas de temps, la révision de Commission pour la conserv. de ces documents est en général prévue la faune et de la ● tous les 5 à 15 ans en fonction de l’AMP flore marines de l’Antarctique considérée. Convention ● Barcelone Réserve Mab ● ● ● ● Arrêté prot. biotope ● 18 CAhIER tEChnIQUE n°89
Partie 1 GOLFE DU LIOn En 2012, l’Observatoire national « Maintenant qu’il y a le Parc naturel marin, de la mer et du littoral évaluait à quelle place pour la Réserve au sein de celui-ci ? » environ 30 % de la surface totale des AMP françaises, classée en Fiche 1.3 au moins deux catégories d’aires Cette question s’est posée à la Réserve marines protégées géographi- naturelle marine de Cerbère-Banyuls quement superposées. (RnCB) quand le Parc naturel marin du Source : www.onml.fr (2013). Golfe du Lion (PnM GL) a englobé la réserve dans un périmètre plus de 600 fois supérieur au sien. Crédit photo : Elodie Maison RNCB : Au-delà d’un simple outil de protection réglementaire de l’environ- nement, la Réserve naturelle marine de Cerbère-Banyuls, gérée par le Conseil Général depuis 1977, joue également un rôle important dans le tissu éco- nomique et social et s’intègre dans la politique départementale de dévelop- naturel marin, quant à lui plus vaste, est pement durable. Par exemple, l’activité tourné vers un objectif de gestion durable de plongée sous-marine, représentant du milieu marin. Cultiver les différences 30 000 plongées pour la réserve à l’an- et travailler ensemble sur les objectifs En COMPLEMEnt née sur un total de 60 000 dans l’en- communs, c’est l’objectif d’articulation semble du département, illustre le réel entre la réserve et le parc ». La bonne besoin de mise en place d’une gestion articulation avec la réserve sera la clé du Il existe plusieurs guides qui re- intégrée. Des interrogations, au cœur censent et décrivent les différents bon fonctionnement du parc. La réserve des perspectives d’évolution des AMP, et le parc sont complémentaires et pas outils de protection dont font par- ont donc émergé : quelle évolution de tie les aires marines protégées, seulement en matière de connaissances la réserve maintenant qu’il y a un parc ? et d’investigations scientifiques. Le parc notamment les fiches juridiques Il est important pour la réserve de pouvoir publiées par l’Aten (http://ct78. pourra assurer son rôle de protection et jouer un rôle de périmètre d’expérimen- de conservation en s’appuyant, en par- espaces-naturels.fr/) et le guide tation dans tous les domaines (pédago- de l’Union Internationale pour la tie, sur la réserve existante qui y contri- gique, socio-économique, scientifique, bue. Renforcer le rôle de la réserve et conservation de la nature (UICn) etc.), tout en gardant à l’esprit son rôle intitulé Les Espaces protégés maintenir une dynamique forte sont premier : celui de la protection réglemen- donc essentiels, il est important que le français (http://www.uicn.fr/Les- taire forte. espaces-proteges-francais-un. parc porte ses AMP. html). La description et le fonc- Interview croisée de Jean-François Laffon, tionnement de chacun des outils conservateur de la Réserve naturelle marine PNM GL : La réserve est depuis 40 ans de Cerbère-Banyuls, Bruno Ferrari, chargé y sont détaillés : le présent cahier une réserve active, exemplaire, de forte de mission au Parc naturel marin du Golfe du technique complète donc ces ou- notoriété qui garantit protection et bio- Lion et Paul Mignon, directeur du Parc naturel vrages en axant le propos sur leur diversité en réglementant la présence marin du Golfe du Lion. articulation. de l’homme sur son périmètre. Le parc CAhIER tEChnIQUE n°89 19
1.4 Des statuts superposés : est-ce possible ? Partie 1 Parmi toutes les catégories d’AMP Une future loi-cadre sur la Biodiversité Fiche 1.4 existantes, que peut-on superposer ? LEGENDE Vers une réforme des outils de préservation Superposition possible juridiquement. de la biodiversité Superposition juridiquement impossible. ~ Cas particulier. « Les outils existants pour la préservation de la biodiversité, terrestres et marins, résultent d’évolutions successives, qui ne sont pas toujours intervenues dans le cadre d’une logique d’ensemble. Vu comme une boîte à outil, le code de l’environ- nement semble peu lisible, redondant, mais aussi manquer de certains outils. Cette critique est notamment exprimée, en particulier par des élus, pour ce qui concerne les outils juridiques de protection des espaces naturels. Il est proposé d’inclure dans la loi des mesures immédiates de clarification, mais aussi d’y fixer des objectifs de lisibilité, de simplification et de modernisation des outils de protection des espaces naturels. » Extrait du débat régional Languedoc-Roussillon sur le projet de loi-cadre biodiversité, 2013 [1] Pas d’incompatibilité juridique mais cette superposition ne serait pas envisagée P politiquement. [2] Pour un site natura 2000 inclus à + de 50% dans un Pn, la gestion our les nouvelles catégories d’AMP : les désignations est assrée par le Pn. [3] Dans ce cas le Pn prend en charge la gestion. [4] Pour un site peuvent concerner des sites déjà classés en AMP au titre natura 2000 inclus à + de 50% dans un PnM, la gestion est assrée par le PnM. [5] Les périmètres des PnR, qui peuvent désormais s’étendre en mer, ne peuvent des six premières catégories ou bien désigner de plus grandes néanmoins se superposer à ceux des PnM. étendues qui incluent ou non ces six précédentes catégories, ce Représentation des règles de superposition qui explique la possibilité d’un double statut. Par exemple : des six premières catégories d’AMP. Source : AAMP. - Les réserves de biosphère ayant une partie marine bénéficient Réalisation : Forum des AMP (2013). du statut de l’outil de protection du territoire auquel elles sont associées. - La désignation de zones marines protégées au titre de la - La Convention de Barcelone et la Convention de Cartha- Convention OSPAR s’appuie sur des sites déjà désignés natio- gène désignent respectivement en « Aires spécialement proté- nalement dans les eaux sous juridiction nationale : réserves, gées d’intérêt méditerranéen » et en « Zones protégées », des sites natura 2000, PnM. AMP déjà existantes. C’est le cas par exemple pour les Sanc- tuaires Pelagos et Agoa. - Les lagons de Nouvelle-Calédonie, bénéficiant des statuts de protection spécifiques au pays, sont des biens marins inscrits - Le Grand Cul de sac marin en Guadeloupe reconnu au titre de sur la liste du Patrimoine mondial qui leur permet une recon- la Convention RAMSAR est inclus dans le Parc national de la naissance en aires marines protégées au titre de la loi française. Guadeloupe. 20 CAhIER tEChnIQUE n°89
CAMARGUE Partie 1 De nouvelles protections dans le Parc naturel régional de Camargue 1.4 Fiche 1.4 Trois AMP pour concilier protection et Deux nouvelles AMP et un cantonnement de 750 m permettant, notamment, une conti- Fiche développement de pêche pour faire face aux enjeux nuité en mer avec le cantonnement. En effet, le Conservatoire du littoral, propriétaire des Le PnR Camargue est un outil qui peut me- Depuis 2005, à la demande des pêcheurs terrains et prochainement attributaire de la ner des actions en mer au droit de son terri- aux petits métiers, le projet de création d’une gestion du DPM, envisage d’élaborer un plan toire terrestre. Il a pour objectifs d’impulser, « réserve marine » dans le golfe de Beau- de gestion concerté du site. Sur le DPM et plus de coordonner et d’animer des actions de duc a été lancé. Ce projet, s’inscrivant dans spécifiquement sur la pointe des Sablons, la gestion et de protection dans une optique la convention cadre entre les autorités mari- préservation des habitats marins, lagunaires, de développement durable, d’amélioration times et le PnR, ainsi que dans les actions dunaires et les zones de nidification des oi- des connaissances et de valorisation du ter- prévues dans le cadre de natura 2000, vise seaux littoraux (sternes naines, gravelots à ritoire. En dehors des zones protégées, les à favoriser le rôle de nurserie du golfe. En collier interrompu), a motivé la mise en œuvre règles sur son périmètre sont les mêmes que 2010, les pêcheurs ont choisi la création d’un d’un arrêté de protection de biotope (APB), sur le territoire national. Sur le périmètre du cantonnement de pêche, assorti de mesures nouvel outil qui viendra compléter la protection PnR, on décompte deux AMP : le PnR est de gestion sur 450 hectares. Ils participeront de l’interface terre-mer dans le PnR. animateur du site natura 2000 Camargue au suivi et à la gestion, partenariat traduit par (jusqu’aux trois milles au titre de la Directive des conventions et une charte de bonnes habitat et jusqu’aux douze milles au titre de la pratiques. Au droit des sites que le PnR a Delphine Marobin Louche, chargée de mission Directive Oiseaux), pour lequel il assure, par en partie en gestion, le Conservatoire du lit- littoral, milieu marin et ressources halieutiques exemple, un suivi des herbiers de zostères toral souhaite étendre l’attribution du domaine et coordinatrice du site natura 2000 « Bancs naines de Beauduc. Le PnR assure égale- public maritime des Saintes-Maries-de-la-Mer sableux de l’Espiguette » du Parc naturel ré- ment la gestion de la réserve de biosphère au Grau de la dent, sur une bande marine gional de Camargue (dont environ 20% se situe en mer), en parte- nariat avec le Syndicat mixte pour la protec- tion et la gestion de la Camargue gardoise. Les opérations conduites dans le cadre de MEDItERRAnEE ce programme visent à poursuivre la dyna- mique d’acquisition des connaissances, lan- cée à l’échelle du delta du Rhône ainsi qu’à Est-ce que le fait d’avoir été ajouté à la liste des ASPIM a changé le valoriser, à travers ce label, les savoirs et les statut juridique international du Sanctuaire Pelagos? pratiques respectueuses de l’environnement, par exemple les produits et productions de tullio Scovazzi : Dans le cadre du Protocole de 1995 relatif aux aires spécialement Camargue. Pour autant, la Camargue connaît protégées et la diversité biologique en Méditerranée, une fois que [l’aire marine actuellement des changements socio-écono- protégée] est incluse dans la liste des Aires spécialement protégées d’importance miques importants. De nouveaux défis sont méditerranéenne (ASPIM), toutes les parties contractantes au Protocole «doivent à relever, notamment le maintien de l’activité reconnaître l’importance particulière de ces zones pour la Méditerranée», ainsi de la pêche à la telline, étroitement liée à la que «se conformer aux mesures applicables aux ASPIM et de ne pas autoriser préservation du gisement. Ou encore, la pré- ni entreprendre d’activités qui pourraient être contraires à ces objectifs» (Art. 8, servation de la bande littorale face aux évolu- tions foncières et aux changements globaux. par. 3) . […] En d’autres termes, alors que seuls trois Etats ont conclu l’Accord du Sanctuaire PELAGOS [France, Italie et principauté de Monaco], tous les états par- tie prenante au protocole [Algérie, France, Italie, Liban, Maroc, Espagne, tunisie, France-Italie-Monaco] doivent se conformer aux mesures de cet accord. Extrait de l’article Le cadre juridique des AMP en mer ouverte et en haute mer : entretien avec Crédit photo : Bateau de pêche au petits métiers. Tullio Scovazzi publié sur http://www.medmpaforum2012.org (novembre 2012). PnR Camargue CAhIER tEChnIQUE n°89 21
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