ROUSSEAU "2010-2011" Promotion Jean-Jacques - l'ENA
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Promotion Jean-Jacques ROUSSEAU «2010-2011» Cycle International Long Master en Administration Publique Gestion des Fonds structurels en Bulgarie : quels enseignements pour les Balkans occidentaux Mémoire présenté par M. Akil KRAJA Sous la direction de : M. Fabrice LARAT Directeur adjoint de la formation et responsable du pôle masters auprès de l’ENA Mai 2011 1
Sommaire L'objectif de ce travail est de tirer les premières leçons à mi-chemin de la programmation 2007-2013 bulgare dans la gestion des fonds FEDER et de cohésion. La Bulgarie étant un nouveau pays membres, ces leçons peuvent servir comme une base utile pour les pays des Balkans occidentaux souhaitant aussi intégrer l’UE dans un avenir proche. Comme les principaux enjeux de la gestion de ces fonds concernent l’administration publique, une importante section de ce travail analysera les facteurs contribuant à l’amélioration ou la détérioration de la qualité des capacités administratives dans ces pays. Ce document se termine enfin par un aperçu général de la gestion partagée. Bien que le cadre réglementaire soit identique pour tous les pays membres, la pratique de la gestion partagée est différente d'un pays à l'autre. Ayant à l'esprit les disparités socio-économiques justifiant l'existence du Fonds de cohésion et de l'objectif «convergence», la principale proposition de ce travail est de dire que ces mêmes disparités devraient servir de base pour une approche différenciée de la gestion partagée entre les pays bénéficiant des aides européennes. 2
PLAN Introduction I - La gestion non optimale des fonds structurels en Bulgarie A) La sous performance bulgare dans la préparation, l’implémentation et le suivi des fonds structurels B) Le défi d’une administration publique efficiente, attractive et décentralisée C) Le difficile positionnement de la Commission Européenne vis-à-vis d’un ancien pays candidat II – L’incertaine perspective européenne des Balkans occidentaux A) Bulgarie – Balkans occidentaux : une comparaison pertinente et justifiée B) Les administrations balkaniques : une multitude d’enjeux et de situations diverses C) Les stratégies européennes dans les Balkans occidentaux, ou le mirage de l’adhésion III – Enjeux et stratégie d’européanisation A) Trois approches de la gestion partagée B) Analyse des hypothèses de base C) Vers une nouvelle mise en oeuvre des fonds structurels Conclusion 3
"After entering the EU and NATO, Bulgarian leaders, intellectuals, journalists, and analysts did not answer the most important question: What next? What is the next vision, dream, purpose? How do we imagine the nation tomorrow? What is the priority? Tourism, nature, high tech, low carbon? And please do not answer “Everything”. If you have 10 priorities, it means you have none. Instead everybody kept on saying: EU money is coming! Prepare to utilize it! [...] “Prepare!” everybody said, and nobody got prepared. Everyone was focused on tools, and no one on substance. [...]The big money is coming with the post‐accession cohesion funds and if Bulgaria won’t be able to absorb them properly, EU membership will be in vain.1” Cet article tiré de la presse locale est très représentatif de la problématique bulgare de la gestion des fonds structurels après l’adhésion à l’Union Européenne en 2007. Il est à la fois prémonitoire et accusateur, pour ce qu’il allait être le plus grand enjeux et embarras de la politique européenne de ce pays balkanique de 8,2 millions d’habitants. La Bulgarie a du mal à combattre la corruption, à reformer ses institutions et à utiliser efficacement les fonds alloués par l’Union Européenne. Le rapport de la Commission Européenne de 2008 sur la gestion des fonds structurels faisant état de « graves faiblesses observées au niveau des capacités administratives et judiciaires » et de « procédures centralisées désormais obsolètes » ; de « l'absence d'obligation de rendre compte et le manque de transparence » ou encore d’une « corruption à haut niveau et criminalité organisée [qui] exacerbent ces problèmes de faiblesse généralisée ». Il conclut avec le grave constat de la remise en question de la « capacité [Bulgare] à assurer une bonne gestion et une utilisation efficace des fonds de l'UE »2. L’ancien Premier Ministre Sergei Stanishev avouant, « la vérité est que la Bulgarie est en train d’apprendre comment gérer les fonds européens 3». Une situation qui s’est traduite trois ans après son adhésion à l’Union Européenne, par la réalisation de seulement 120,7 millions d’euros programmés, soit 2,2%, des 6.853 milliards des fonds structurels4 qui lui sont attribués. Ce faible taux d’absorption est concternant à deux titres. D’une part car l’objectif principal de la politique de cohésion5, est l’amélioration de la compétitivité des économies régionales les plus retardées par une véritable redistribution des richesses visant le rapprochement économique et 1 Bulgaria: Long, Hot Summer by Boyko Vassilev, 18 September 2008, transitions Online ‐ tol.org 2 RAPPORT DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL sur la gestion des fonds de l’UE en Bulgarie, Bruxelles, le 23.7.2008, COM(2008) 496 final 3 EU suspends funding for Bulgaria, BBC World Service, 2008/07/2 4 FEDER et fonds de cohésion, fonds vérifiés au 1er mai 2010 5 A noter que le Fonds social européen (FSE) existe depuis 1958, et le Fonds européen de développement régional (FEDER), depuis 1975. C’est leur mise en cohérence avec l’un l’autre dans une logique de planification commune et pluriannuelle qui représente la naissance de la politique de cohésion, et l’adoption de cinq objectifs prioritaires première réglementation le 24 juin 1988, qui représente la naissance de la politique de cohésion. 4
social entre les régions les plus riches et les plus pauvres. «La politique de cohésion est la "main visible" du marché qui vise à assurer un développement équilibré et durable tout en encourageant l’intégration économique dans l’Union toute entière1», affirmait l’ancienne Commissaire Danuta Hubner en 2008. Une logique qui deviendrait ‘invisible’ si les régions visées par cette politique n’arrivaient pas à en tirer bénéfice sous pretexte de leur ‘incapacité’ à absorber administrativement ces fonds. Quelle serait la raison d’être des politiques structurelles sinon ? Est-ce que la Commission se considère responsable de cette utilisation non optimale des fonds structurels en Bulgarie ? D’autre part, il représente aussi un échec de la politique européenne et de la méthode dite d’européanisation. L’élargissement de 2007 et le constat fait aujourd’hui notamment avec la Bulgarie, risquent de davantage retarder la future adhésion des Balkans occidentaux. Quels sont ainsi les enseignements de l’expérience Bulgare pour les autres pays candidats et potentiellement candidats qui permettraient d’éviter les mêmes erreurs? Est-ce que l’instauration d’un Instrument d’aide de Préadhésion, calqué sur la structure des fonds structurels, pourrait se traduire par l’accélération du processus d’adhésion ? L'Union peut-elle poursuivre l’européanisation de ses banlieu sans offrir de perspective d'intégration (Rupnik: 2008)? Une définition de l’européanisation L’européanisation représente la force d’attractivité de l’UE et sa capacité à impulser des réformes administratives et politiques d’envergure en utilisant une stratégie de menaces et de primes principalement économiques. L’accès aux fonds structurels représente dans ce sens l’ultime récompense pour les sacrifices et réformes demandés. Si le terme de la conditionnalité est aussi utilisé dans le langage officiel de l’UE (Papadimitriou, Gateva 2009), la définition la plus largement accepté sera celle de Radaelli (2000: 4) qui décrit l’européanisation comme un mélange de : « processes of (a) construction, (b) diffusion and (c) institutionalization of formal and informal rules, procedures, policy paradigms, styles, ways of doing things and shared beliefs and norms which are first defined and consolidated in the making of EU decisions and then 1 P‐3, Danuta Hubner, ancienne Commissaire responsible pour la politique régionale, Les regions à l’avant propos, Inforegio Panorama, n.26, juin 2008, 5
incorporated in the logic of domestic discourses, identities, political structures and public policies' » L’européanisation, dans le contexte de ce travail, est donc compris comme le processus réunissant des critères sociopolitiques, juridiques et économiques utilisés pour décrire la politique européenne d’élargissement et la mise en conformité des pays candidats à l’héritage institutionnel européen. Mais, pour certains auteurs, celui-ci correspond à un processus permanent. Il consisterait dans l’émergence et le développement de structures de gouvernance européennes distinctes auxquelles tous les pays membres doivent s’adapter d’une manière continue (Risse et al. 2001). Il s’agit d’un mouvement vivant, créant de nouvelles normes et qui touche l’ensemble des États, qu’ils soient des pays fondateurs comme l’Italie, nouvellement membre comme la Bulgarie ou dans la voie de l’adhésion comme l’Albanie et la Serbie (Graziano, 2010). Mais selon qu’il s’agisse d’un ancien ou d’un nouvel État membre, d’un pays candidat ou potentiellement candidat, l’européanisation peut prendre à la fois la forme d’une exportation – un acteur décide d’imposer son modèle à un autre acteur (Lippert, 2001) ; d’une diffusion – changer autrui en l’attirant vers soi (Balla 2001) ; ou encore d’un transfert politique (policy) par la formation et l’échange (Wolman & Page 2002). Son degré de succès dépend en conséquence aussi bien du processus utilisé et pas seulement des objectifs sous-jacents. Il s’agit d’un apprentissage intergouvernemental responsabilisant, engageant durablement les agents publics qui deviennent « aware of information relating to the policy domain of one political system and subsequently transfer this into another policymaking system – where it is used or stored for potential use” (Dolowitz, 2009 : 7). L’optique des définitions de Radaelli et Dolowitz fait partie du courant de l’institutionnalisme sociologique et rationnel : aucune transformation ne peut réussir si les acteurs engagés ne prennent pas en considération l’environnement, le parcours et les repérés socio-pragmatiques de leurs interlocuteurs (Amblard et al., 1996 ; Vink, 2007). Pour que le changement soit pérenne, les agents soutenant la transformation doivent être capable d’insérer ‘les leçons’ au sein du système décisionnel et convaincre les détenteurs du pouvoir de la pertinence de ceux-ci. A la différence d’une logique « tayloriste », ou l’organisation est maniable et s’adapte à toute forme pourvu qu’elle soit efficiente, 6
l’objectif ici est l’appropriation par un réel transfert et acceptation du savoir-faire et non pas par le fait de calquer simplementun un système proposé (Dolowitz, 2009). Conforme à cette vision, lorsque les États décident de soutenir le transfert d’une innovation administrative ou d’une politique gouvernementale, l’appropriation par l’administration réceptrice suivra une dynamique zigzaguée. Comme pour tout être vivant, l’apprentissage sera au début long et laborieux (phase de transfert) pour monter rapidement dans un second moment jusqu’à ce qu’il touche son sommet (phase d’implémentation) pour enfin se stabiliser, voire parfois redescendre au point initial (phase d’adhésion ou de rejet) (Dolowitz 2009, Levi-Faur 2005, Meseguer 2003). En somme, si l’européanisation est considérée comme un processus d’apprentissage et de transfert politique permanent, concernant l’ensemble des États membres, la principale implication pour le cas Bulgare et les Balkans occidentaux dans la gestion des fonds structurels consiste à réfuter d’emblée tout déterminisme administratif ou historique. L’ensemble des États membres sont censés rencontrer des difficultés lors de la réalisation des stratégies européennes car celles-ci sont le résultat d’un transfert politique externe à leur environnement d’origine. Ainsi, tout européanisation demande des efforts d’adaptation et encore plus pour certains pays. D’une part, la sous-consommation des crédits alloués par les fonds structurels évoquée au début de cette introduction, est en effet un problème rencontré par l’ensemble des pays de l’UE. La règle de dégagement d’office1 avait été instaurée par ailleurs pour la première fois pour la période de programmation 2000-2006 et en tant que remède à la faible consommation des crédits alloués pour la programmation 1994-1999. L’exemple de la France est assez parlant dans ce sens : douze mois avant la fin de la clôture des engagements pour la période 1994- 99, l’administration française n’avait engagé que 57% des crédits de l’ancien objectif 2 et consommé seulement 10%2. Malgré le rattrapage in extremis des fonds restants en 2000, environ 20% des crédits ont été perdus correspondant à 1,7 milliard d’euros. Un problème rencontré à nouveau lors de la programmation 2000-2006. En référence au calendrier utilisé pour la Bulgarie précédemment, la France au 1er juillet 1 La régle de dégagement d’office ou du N+2/3 (année en cours + 2/3 ans suivants) consiste au dégagement d’offoce des sommes alloués qui ne sont utilisé au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivante de l’engagement budgétaire au titre du programmation 2007‐2013, une année suplémentaire N+3 est donnée aux pays bénéficiant des fonds structures. 2 P‐44, Rapport d’information n° 337, au nom de la délégation du Sénat à l’aménagement et au développement durable du territoire (1) sur la réforme de la politique régionale européenne, Par M. Jean FRANÇOIS‐PONCET et Mme Jacqueline GOURAULT, Session ordinaire 2005 – 2006, 7
2002 et deux ans après le début de la programmation 2000-06 avait programmé seulement 15% des crédits européens et réalisé 6%. Ces retards étaient dus largement à la lourdeur administrative liée à la gestion des fonds structurels et le temps nécessaire à l’adaptation – ou le transfert politique - de l’administration française aux règles des fonds structurels. Malgré l’introduction du principe de dégagement d’office dont l’objectif souhaité était la création d’un rythme soutenu de la consommation, les principaux facteurs ralentisseurs, selon un rapport du Sénat, seraient : “[La] complexité et [la] lourdeur des procédures administratives et comptables, intervention de multiples co-financeurs, cadre trop contraignant des DOCUP, insuffisance des mesures d’animation et d’appui aux projets… A cela s’ajoutaient des difficultés conjoncturelles telles que l’effet de report lié à la mise en oeuvre tardive des projets de la programmation 1994- 1999 et le retard pris dans l’application de la nouvelle programmation, du fait de la validation tardive des DOCUP par la Commission européenne”1. D’autre part, dans son rapport annuel de 2006 la Cour des Comptes Européenne avait conclu que les dépenses déclarées par les 25 États membres comportaient un taux d’erreurs trop élevé avec seulement 31% des projets audités remboursés correctement et qui n’étaient pas concernés par des erreurs de conformité2. Le rapport a estimé de plus que les systèmes de gestion et de contrôle des fonds structurels, tant pour les États Membres que pour la Commission, n’étaient pas suffisamment efficients. Seulement la moitié des audits menés auprès de la Commission répondaient à l’ensemble des qualités requises pour une supervision efficace. En conclusion, la Cour estimait que 12% des sommes totales remboursées par la Commission aux États membres n’aurait jamais du l’être3. La raison de cette situation problématique serait due à la « délégation du risque » selon l’ancien Président du Comité budgétaire du Parlement Européen, M. Terry Wynn. Il estime que la grande partie des irrégularités découlait du transfert du risque des États membres à la Commission. En plus de la grande complexité des règles communautaires, quatre caractéristiques principales définissent ce transfert: - La faible importance donnée aux fonds structurels par certains États membres (ou par ses autorités sub-nationales) si comparé aux fonds nationaux ; - la variabilité des standards de qualité et de contrôle entre et au sein même des États membres ; 1 ibid. P‐45, en référence à « La France sans fonds structurels ? », rapport n° 701 (2002‐2003) de MM. Joël Beaugendre et Philippe Folliot au nom de la Délégation de l’Assemblée nationale à l’Aménagement et au Développement durable du territoire, 19 mars 2003. 2 P‐150, Annual Report concerning the financial year 2006, Court of Auditors 3 P‐152, Ibid. 8
- les instruments de dégagement d’office ex-post de la Commission qui incitent les administrations nationales vers une gestion de crise et non pas à la recherche d’un remède de long terme. - la très longue chaîne de l’approbation du budget au remboursement final des dépenses1. L’approche utilisée Il ne s’agira pas en conséquence dans ce travail d’analyser et de critiquer l’architecture de la gestion des fonds structurels qui est reconnue pour ses problématiques et lourdeurs administratives. Les exemples décrits ci-dessous en témoignent parfaitement. L’objectif est d’utiliser (1) la politique de cohésion comme un cadre d’étude (2) de l’interaction entre les administrations nationales et européennes dans le transfert du savoir-faire et d’adaptation aux règles communautaires (3) dans un contexte d’européanisation et d’adhésion à l’UE. Comme déjà indiqué, il sera question de l’expérience Bulgare et des enseignements qui peuvent en être déduits pour les Balkans occidentaux. Pour ce faire, la méthode choisie consiste à étudier principalement les enjeux sociologiques/manageriels à l’inverse des questions économiques et juridiques qui ne seront traités qu’en arrière plan. Nous nous intéresserons à de multiples indicateurs parmi lesquels : le taux d’absorption des fonds structurels ; le nombre de corrections financières ; la fréquence et la qualité de la communication entre les acteurs engagés ; la lourdeur, la durée et la qualité des procédures administratives ; la qualité de la gestion RH etc. Cela signifie de même que le travail sera concentré exclusivement sur l’étude de la gestion des fonds structurels et non pas sur l’impact et l’ambition de la politique de cohésion (développement économique ou effacement des disparités régionales). Enfin, nous analyserons uniquement les données liées aux Fonds Européen de Développement Régional (FEDER), le Fonds de cohésion (FC) et l’Instrument d’aide au Préadhésion (IAP), pour la période de programmation 2007-2013. Mais avant de rentrer dans le vif du sujet, il est approprié de faire un bref rappel de la politique de cohésion et du fonctionnement des fonds structurels. 1 P‐32, Financial Management and Fraud in the European Union: Perceptions, Facts and Proposals, Fiftieth Report, The European Union Committee, House of Lords, 13 November 2006, Vol.1 9
Les objectifs et les fonds de la programmation 2007 - 2013 La programmation 2007-2013 a introduit de nombreuses améliorations dans la conceptualisation, la gestion et le suivi de la politique de cohésion de l’Union Européenne. Le dispositif a été largement allégé pour induire un meilleur contrôle et une meilleure utilisation des fonds, une plus grande simplification des procédures et un plus grand impact des projets soutenus1. La nouvelle programmation se décline désormais avec seulement 3 objectifs et 3 instruments contre 9 objectifs (dont le fonds de cohésion et 4 initiatives communautaires) mis en oeuvre par 6 instruments différents pour la programmation 2000-2006 2. L’objectif convergence est destiné aux États membres dont le PIB/hab des régions NUTS2 est inférieur à 75% de la moyenne communautaire. Il vise à soutenir le développement socio-économique des régions les moins développées en finançant des projets dans le domaine de l’innovation et de la science, des infrastructures, de l’environnement et de l’efficacité administrative. Le FEDER, le FSE et le fonds de cohésion peuvent financer tout projet de l’objectif convergence. Le fonds de cohésion est en revanche destiné seulement aux seuls États membres avec un revenu national brut inférieur à 90% de la moyenne communautaire et ne peut donc financer que des projets d’infrastructure et environnementaux.. L’objectif compétitivité régionale et emploi bénéficie à l’ensemble des régions de l’UE qui ne sont pas éligibles à l’objectif convergence ou au soutien transitoire appelé « phasing-out ». Ce dernier ne concerne que les régions qui étaient couvertes par l’objectif convergence mais dont le PIB a dépassé 75% du PIB moyen de l’UE-25 mais pas celui de l’UE-153. Une région bénéficiant de l’objectif convergence ne peut donc pas bénéficier à la fois de ce 2ème objectif. L’objectif coopération territoriale européenne concerne l’ensemble des régions relevant des deux objectifs convergence et compétitivité régionale. Il est financé par le FEDER et le FSE et soutien des projets de coopération tant au niveau transfrontalier que transnational ou interrégional touchant à de vastes secteurs tels 1 Diminution des piéces à joindre aux dossiers et de leur contenu (ex. Une collectivité territoriale était obligé de déliberer pour confirmer son engagement lorsque maintenant un courrier officiel suffit); les avances au démarrage limitées à 7% sont augmentés à 20%, etc. Voir rapports Sénat et Assemblée Nationale, cf. Bibliographie 2 Voir annexe 3 Sous le même objectif compétitivité et emploi, il existe un autre groupe dit de “phasing‐in” qui ne concerne que les régions dont le PIB a dépassé 75% du PIB moyen UE 15 mais qui étaient sous l’objectif convergence. 10
l’environnement et la gestion des risques, le développement économique rural ou côtier, la mise en réseau des PME transfrontalières etc. Ces trois objectifs réunissent à eux seuls plus de 35% du budget européen et prés de 347 milliards d’euros pour la période 2007-2013. Une somme répartie à 81,5% pour l’objectif convergence, 16% pour l’objectif compétitivité régionale et emploi et 2,5% pour l’objectif coopération territoriale européenne. Le fonds de cohésion, représentant 20% du total et environ 25% du fonds éligible sous l’objectif convergence. A noter toutefois que pour tout projet financé par les fonds structurels un taux de cofinancement est demandé aux Pays membres. L’UE ne finançant ainsi qu’entre 75% à 85% les projets admissibles à l’objectif convergence ; entre 50% et 85% ceux de l’objectif compétitivité régionale et emploi ; entre 75% et 85% les initiatives de coopération territoriale et à hauteur de 85% les projets relevant du fonds de cohésion. Les Principes Les fonds structurels sont régis par des principes visant à responsabiliser et renforcer le partenariat et l’utilisation qui est faite par l’État membre. Ils sont appliqués aux trois objectifs, et selon la réglementation 1083/2006 portant dispositions générales sur les fonds structurels1, ils sont réunis autour des éléments suivants : - les principe de complémentarité, de cohérence, de coordination et de conformité (article 9) rappelant que les fonds viennent en complément des financement nationaux et que leurs actions conjointes doivent être en cohérence avec les priorités européennes - l’additionnalité de la contribution des Fonds structurels ne se substitue pas aux dépenses structurelles publiques ou assimilables d’un État membre (article 15) et des corrections financières peuvent être appliqués si non-respect du principe. - le partenariat impliquant une véritable coopération entre les acteurs locaux, élus, société civile, partenaires économiques etc. (article 11) et ceux des administration centrales dans l’élaboration, la mise en œuvre et le suivi des Programmes opérationnels. - la proportionnalité en ce qui concerne Les ressources financières et administratives utilisées par la Commission et les États membres pour la mise le choix des indicateurs pour mesurer un programme, les obligations en matière d’évaluation, de gestion, de rapports (selon l’article 13.1) - l’égalité hommes femmes et la non-discrimination (article 16) ainsi que le développement durable (article 17) correspondant à une nouveauté de la période 2007-2013 - enfin, la programmation et la gestion partagée décrits plus en détail ci-dessous. 1 RÈGLEMENT (CE) No 1083/2006 DU CONSEIL du 11 juillet 2006, portant dispositions générales sur le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion, et abrogeant le règlement (CE) no 1260/1999 11
La Programmation Dans la perspective d’un meilleur impact et coordination entre les institutions européennes et les États Membres, le Conseil de l’Union européenne a introduit sur proposition de la Commission les « Orientations stratégiques de la Communauté pour la cohésion »1. La déclinaison nationale de celles-ci est obligatoire pour tout les pays membres et doit se refléter dans le « Cadre de référence stratégique nationale (CRSN) ». Le CRSN représente un nouvel instrument de la programmation du budget 2007 – 2013. Il définit des objectifs politiques et socio-économiques et des axes prioritaires pour l’ensemble du territoire de l’État membre ainsi que pour chaque « Programme opérationnel (PO) ». Les PO, présentant le dernier degré de la nouvelle programmation, peuvent se décliner soit par aire géographique (ex. PO régionale) soit par secteur national (ex. PO environnement). Les PO, qu’ils soient régionaux ou sectoriels, doivent couvrir la même période que le budget UE 2007-2013 et un seul parmi les trois objectifs décrit précédemment. Sauf pour les projets environnementaux et d’infrastructure financés aussi par le fonds de cohésion, un PO ne peut bénéficier que du financement d’un seul fond à la fois. Rédigés par les services de l’État membre, les PO sont analysés par la Commission et validés par celle-ci seulement s’ils contribuent aux orientations stratégiques de la Communauté pour la cohésion et s’ils sont en concordances avec le CRSN. Étant donné que le CRSN sert de base aux PO, il sera aussi analysé et validé par la Commission avant toute participation financière des fonds structurels. Chaque PO doit exposer enfin des « axes prioritaires » et la répartition des montants alloués pour chaque axe. La contribution communautaire au niveau de chaque axe prioritaire doit représenter au moins 20% des dépenses de l’État membre consacrés à cet axe. Ces mesures représentent une simplification des procédures de programmation comparés à la période 2000-2006 lorsque les montants alloués étaient répartis au niveau des mesures de mise en œuvre et non pas au niveau 1 2006/702/CE: Décision du Conseil du 6 octobre 2006 relative aux orientations stratégiques communautaires en matière de cohésion : — améliorer l'attrait des États membres, des régions et des villes en améliorant l'accessibilité, en garantissant une qualité et un niveau de services adéquats, et en préservant l'environnement, — encourager l'innovation, l'esprit d'entreprise et la croissance de l'économie de la connaissance en favorisant la recherche et l'innovation, y compris les nouvelles technologies de l'information et de la communication, et — créer des emplois plus nombreux et de meilleure qualité en attirant un plus grand nombre de personnes sur le marché du travail ou vers la création d'entreprises, en améliorant la capacité d'adaptation des travailleurs et des entreprises, et en augmentant l'investissement dans le capital humain. 12
de l’axe. Cela avait alourdit et rendu plus complexe le travail de conceptualisation pour les administrations nationales. D’autres améliorations sont introduites pour la programmation 2007-2013, en ce qui concerne la phase de finalisation des projets notamment la mise en place du « Suivi stratégique » qui n’existait pas lors de la période précédente. Celui-ci permet un meilleur dialogue entre les acteurs européens et nationaux et une responsabilisation accrue dans l’implémentation des stratégies régionales. D’une part, les États membres et la Commission doivent rendre désormais à deux reprises un « Rapport Stratégique » national et européen informant sur les contributions de chaque PO à la politique de cohésion ; l’évolution de la situation socio-économique ; les exemples de bonne pratique ou les réalisations concrètes etc. D’autre part, si les évaluations ex-ante, à mi parcours et ex-post étaient obligatoires pour chaque intervention lors de la précédente période, la programmation 2007-2013 ne prévoit une évaluation ex-ante par programme que pour l’objectif de convergence. Le choix pour les objectifs 2 et 3 étant laissé à la discrétion des États membres. Les évaluation à mi-parcours ont été allégés aussi en les utilisant selon les besoins des administrations. Ces deux mesures visent à renforcer la qualité du suivi des États membres tout en permettant le dégagement d’une vision d’ensemble au niveau européen. Les Acteurs associés Au niveau européen, la gestion des fonds structurels n’est pas centralisée au sein d’un seul service ou DG de la Commission Européenne. Il est important de noter que nombreux acteurs sont engagés dans un processus décisionnel et organisationnel complexe. Ainsi, le FEDER et le Fonds de Cohésion sont suivis par la DG Politique Régionale lorsque le FSE l’est par la DG Emploi, affaires sociales et inclusion. Une séparation qui n’est pas toujours bien recueillie par les autorités nationales car cela implique deux interlocuteurs européens pour un seul national. Comme il en fait question par la suite de ce travail, cette séparation implique aussi parfois une concurrence inter DG et une faible communication et collaboration entre celles-ci. L’Office Européen de lutte anti-fraude (OLAF) supple les DG en matière de fraude, d’irrégularités et de détournement des subventions européennes. La Banque et le Fond Européen d’Investissement (BEI et FEI), la Banque Européenne pour la 13
Reconstruction et le Développement (BERD) ainsi que la Banque de développement du Conseil de l’Europe (CEB) sont également engagées dans la réalisation des projets financés par les fonds structurels par le soutien qu’ils apportent en matière de cofinancement. De plus, ces dernières sont également coresponsables avec la Commission de la gestion de JEREMIE, JESSICA, JASPERS et JASMINE1 offrant un soutien technique et financier en matière de développement des PME, d’urbanisme, de réalisation de grands projets etc. Au niveau national, chaque PO doit avoir ses propres organes nationaux de gestion, du suivi et du contrôle. Ceux-ci sont au nombre de trois et pratiquement les mêmes que lors de la période 2000-2006. Il s’agit tout d’abord d’une autorité de gestion responsable de l’organisation, de la mise en œuvre et du suivi du PO. C’est elle qui préconise les appels aux projets, leur sélection et l’évaluation de leur implémentation. Elle doit rendre annuellement un rapport d’exécution à la Commission ainsi qu’un rapport final de la mise en œuvre de l’OP au plus tard en 2017. Dans les cas d’un PO régional, l’autorité de gestion est représentée soit par une collectivité territoriale soit par un service préfectoral. A l’inverse, dans le cas d’un PO sectoriel, l’autorité de gestion réleve très souvent d’un ministère ou d’une direction centrale. Dans certains cas, les autorités de gestion peuvent être soutenues par une autorité d’implémentation L’autorité de certification certifie et contrôle l’exactitude des frais et dépenses subventionnés et leur conformité aux règles européennes et nationales. Elle centralise, certifie et transmet à la Commission l’ensemble de ces dépenses ainsi que toutes les demandes de paiement. Son rôle est donc d’assurer la comptabilité et le suivi des fonds européens en cas d’irrégularités. L’autorité d’audit, correspond à un organe indépendant désigné par l’État membre pour chaque ou plusieurs OP à la fois. Elle est tenue de rédiger des rapports d’audits annuels, de formuler des avis etc. mais aussi de présenter une stratégie d’audit à la Commission si le programme excède 750 millions d’euros et si la contribution des fonds structurels dépasse 40% du total des dépenses publiques. Cette mesure concerne donc surtout les pays éligibles à l’objectif convergence et bénéficiant du fonds de cohésion. 1 JASPERS: Joint Assistance in Supporting Projects in European Regions; JEREMIE: Joint European Resources for Micro to medium Enterprises; JESSICA: Joint European Support for Sustainable Investment in City Areas; JASMINE: Joint Action to Support Micro‐finance Institutions in Europe 14
La gestion partagée 80% du budget de l’Union européenne est consommé par biais de la « gestion partagée1 ». Mais, selon l’article 317 du traité, et cela quelque soit le mode de gestion retenu, la Commission reste, en dernier ressort, le responsable de l’exécution budgétaire de l’Union Européenne même si le processus de gestion des fonds structurels est largement entre les mains des administrations nationales. Ainsi, conforme au principe de subsidiarité, la gestion partagée doit être comprise comme la coopération entre « Les États membres [et] la Commission pour faire en sorte que les crédits soient utilisés conformément aux principes de la bonne gestion financière2 ». Mais, ces principes ne prenant pas en considération l’efficience de l’utilisation et l’efficacité de l’impact des fonds, le rôle de la Commission sera limité uniquement dans le contrôle adéquat, l’audit détaillé et la bonne utilisation du budget UE par les États membres. Rappelons ainsi l’obligation de États membres de faire valider leurs stratégies d’audit et autorités de gestion par la Commission avant de pouvoir bénéficier des fonds. Il s’agit notamment de la validation de « l’évaluation de conformité » des processus mis en œuvre au regard de différents critères touchant à la comptabilité, les passations des marchés, l’audit, le contrôle interne, l’allocation de subventions et la gestion des informations comme définis par les règlements financiers3. Plus concrètement, l’article 14 de la réglementation 1083/2006 portant sur les fonds structurels, définit la gestion partagé comme : 2. La Commission assume ses responsabilités d'exécution du budget général de l'Union européenne selon les dispositions suivantes: a) elle s'assure de l'existence et du bon fonctionnement des systèmes de gestion et de contrôle dans les États membres […] b) elle interrompt ou suspend tout ou partie des paiements […] en cas d'insuffisance des systèmes nationaux de gestion et de contrôle, et applique toute autre correction financière requise […]; c) elle s'assure du remboursement des acomptes et procède au dégagement d'office des engagements budgétaires […] 1 On recense 4 types de formes de l’exécution budgétaire de l’UE : gestion centralisé ; gestion partagé avec les États membres ; gestion décentralisé avec des pays tiers et la gestion conjointe avec des organisations internationales. Pour la définition exacte de la gestion partagé au sens de ce mémoire, il est fait référence à l’article 53, paragraphe 1, point b), du règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil du 25 juin 2002 portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes 2 Article 317: La Commission exécute le budget en coopération avec les États membres, conformément aux dispositions des règlements pris en exécution de l'article 322, sous sa propre responsabilité et dans la limite des crédits alloués, conformément au principe de la bonne gestion financière. Les États membres coopèrent avec la Commission pour faire en sorte que les crédits soient utilisés conformément aux principes de la bonne gestion financière. 3 Voir: Accord interinstitutionnel sur la discipline budgétaire et la bonne gestion financière 2007 – 2013, signé le 17 mai 2006 15
Vu le rapport de la Cour des Comptes de 2006 et le grand taux d’erreurs dans la mise en oeuvre des fonds structurels lors des précédentes périodes de programmation, cette tendance pour plus de contrôle de la part de la Commission paraît légitime. La Commission adoptera ainsi en 2008 un plan avec 37 actions renforçant encore plus son rôle de superviseur. Cela c’est traduit par une importante hausse des corrections financières appliqués aux États membres d’environ 3.801 milliards d’euros entre 2008 et 2009 (période programmation 2000-2006) contre 3.567 milliards entre 2000 et 2007 (période de programmation 1994-1999)1. En deux ans, la Commission a quasiment triplé les montants des corrections financières appliqués aux États membres. Cette même politique intransigeante sera constatée en ce qui concerne la validation des évaluations de conformité. Ainsi, la Roumanie aura validé 4 évaluations en 2009 et seulement 1 en 2008 ; l’Italie ne l’avait pas encore fait pour 4 de ses 28 OP régionaux jusqu`au début de 2010; l’Espagne a validé ses 2 dernières évaluations en 2009 tout comme 2 PO allemands ayant été resoumis pour validation en décembre 2009. Au total, deux ans après l’introduction de ces instruments, la Commission n’avait pas encore approuvé 8,4% des évaluations de conformité et 2,9% des stratégies d’audit des États membres bénéficiant des fonds structurels (chiffres février 2010)2. En dépassant cette approche limitée au contrôle et l’exécution de corrections en cas de fraudes ou d’irrégularités, une deuxième définition plus large de la gestion partagée peut être proposée. Selon la réglementation 1083/2006, la Commission peut participer d’une manière indirecte dans l’implémentation des fonds par: - concertation avec l’État membre lors de la conceptualisation de la CRSN (article 28) - l’approbation ou pas des PO et des modifications soumises par l’État membre (article 32) ; - la facilitation des contacts avec l’BEI, la BERD, la BM ou d’autres institutions financières en vue d’obtenir un co-financement pour des actions spécifiques au profit de l’État membre concerné (article 36) ; - l’approbation ou non des projets majeurs soumis par l’État membre en évaluant leur objectif et leur impact, les corrections apportées etc. (section 2, article 39-41) ; -l’initiative pour engager une Assistance technique spécifique (conseil, études, évaluations, information etc.) nécessaires pour l’implémentation des réglementations (article 45) ou la tenue d’évaluations stratégiques visant la distribution des bonnes pratiques/identification des problèmes touchant les PO (article 47, 49) ; -participant au Comité de suivi à titre consultatif (article 64) etc. 1 Impact of the action plan to strengthen the Commission's supervisory role under shared management of structural actions, COM(2010)52, 18.2.2010 2 Page 5, COMMUNICATION FROM THE COMMISSION TO THE EUROPEAN PARLIAMENT, THE COUNCIL AND THE COURT OF AUDITORS Impact of the action plan to strengthen the Commission's supervisory role under shared management of structural actions, COM(2010)52 final, Brussels 18.02.2010 16
Même en appliquant une large interprétation de la gestion partagée, les outils dont dispose la Commission sont davantage orientés vers le contrôle et le suivi des fonds que le souci d’une bonne implémentation de ceux-ci. Elle détient ainsi de grandes responsabilités financières mais sans disposer d’outils suffisants pour supporter l’impact et l’absorption efficiente de ces fonds par les États membres. Un fonctionnaire de la Commission, décrit cet enjeu comme suit: “One is regularity. That means that we need to be sure that the money was spent is legal, is not marked by fraud or mistakes. Secondly, we need to make sure that money is being spent, that's what we call absorption. But that's essentially the efficiency of the implementation. Here we don't have a clear mandate because essentially if the Member State wants to mess it up, it can just go ahead. Is it really our concern as representatives of European tax payers to make sure that Member States spend the money? You can argue on both ways. I think it is our concern. If we don't make sure the money is spent, we would not obtain the impact that we have promised to our politicians. And that is the third thing which is the economic impact of our investments. Do they serve the finality we have commonly agreed at the starting of the period ?”1 Il est donc intéressant de voir que le suivi de l’absorption des fonds structurels n’est pas pris en compte par les réglementations communautaires. La complexité du système de gestion serait donc uniquement pour que les fonds ne soient pas détournés à des fins douteux et illicites? La réponse revient encore au principe de l’européanisation. Les fonds structurels ne visent pas uniquement les régions les plus pauvres de l’Union mais aussi celles qui disposent de l’administration publique la plus sensible. Ce constat est clairement assumé par l’ensemble des responsables de la Commission européenne, tant par le niveau des contrôles appliqués que par la complexité de l’exercice imposé. La politique de cohésion vise en conséquence aussi, voire plus, le renforcement des capacités administratives de ces régions économiquement et politiquement sensibles que le soutien de leur économies. M. Robert Shotton, ancien responsable de la DG Regio en charge des nouveaux États membres entre 1989 et 1993 et notamment de la Grèce, définit ce rôle de la Commission comme un processus de construction gouvernementale. La gestion partagée revient donc à une forme d’apprentissage, d’échange ou de transfert du savoir-faire entre les institutions européennes et nationales2 : “En fait, [en Grèce], nous avons participé ainsi, pendant des années, à un processus de «construction gouvernementale» afin de rapprocher la vision théorique du terrain. [...] Il a fallu à ces pays du Sud de l’Europe plusieurs années pour aligner leur système, et ils ont essayé, avec notre aide, de mettre au point une méthode de planification plus efficace. Telle était la 1 Commission Europenne, entretien realise le 20 avril 2010 2 P‐34, Robert Shotton, directeur des affaires générales à la direction générale de la santé et des consommateurs, Les regions à l’avant propos, Inforegio Panorama, n.26, juin 2008. 17
situation, il y a dix ans seulement. Ces pays se sont ensuite lancés dans des tâches plus complexes, comme la mise en place de partenariats public-privé ou la mise en oeuvre de projets pointus de recherche et développement technologiques. [...] Tout cela pour dire qu’une grande partie de notre travail a en fait consisté à permettre aux fonctionnaires du gouvernement en charge des deniers publics à se doter des outils et des mécanismes les plus efficaces.”. Les hypothèses de base Vu la densité des acteurs et des problématiques imposés par la gestion des fonds structurels, il serait pertinent de délimiter des hypothèses préliminaires aux quelles nous pourrons confronter les conclusions de ce travail ultérieurement : 1) les difficultés récurrentes de l’absorption non optimale des fonds structurels par les administrations nationales servent de justification à la Commission pour davantage responsabiliser celles-ci aux enjeux d’efficience et d’efficacité publique ; 2) l’effort de responsabilisation des autorités nationales par la Commission, n’étant pas clairement prévu dans les règlements communautaires, se traduira par l’apparition de nouvelles formes « informelles » du transfert du savoir-faire ; 3) le temps nécessaire d’adaptation d’une administration nationale et le facteur humain seront sous-estimés par l’UE qui ne prendra pas suffisamment en compte l’environnement externe de celle-ci ; 4) le nombre important d’acteurs engagés dans la gestion des fonds structurels, pourrait nuire à la qualité de la communication et des échanges si un cadre stratégique clair n’est pas imposé ; 5) le principe de dégagement d’office, n’intervenant pas en amont de la gestion des fonds structurels, ne permettra pas une meilleure absorption par les pays membres et encore moins par la Bulgarie ; 6) l’accès aux fonds structurels n’est pas conditionné à des critères d’efficience de l’administration publique et à sa capacité à gérer d’importantes quantités d’argent; 7) le processus de responsabilisation ou d’européanisation des Balkans occidentaux présentera des traits similaires au parcours Bulgare ; 8) l’absence d’une perspective claire d’adhésion, combiné avec une lourdeur évidente de la structure de gestion des fonds structurels, sapera les efforts de l’UE à renforcer l’administration publique balkanique. 18
I - La gestion non optimale des fonds structurels en Bulgarie Avec un PIB de moins de 75% de la moyenne de l'UE, la Bulgarie est admissible au financement de l'UE en vertu de l'objectif de convergence. Dans cette perspective et depuis leur adhésion à l’UE en 2007, les autorités Bulgares ont mis en place l’ensemble de structures demandées par la réglementation décrite lors de l’introduction de ce travail et bénéficié d’une allocation de 6,5 milliards d'euros au titre des fonds structurels, soit 3,9% par an du PIB /an de la Bulgarie. Les spécificités de la structure de gestion Bulgare tout comme sa performance, (A) seront analysées par une variété et multitude de critères (B), y compris la réaction et l’adaptation de la Commission à situation variable (C). A) La sous performance bulgare dans la préparation, l’implémentation et le suivi des fonds structurels De la structure (i) et la préparation (ii), à la mise en œuvre des projets (iii), le faible taux d'absorption des fonds structurels en Bulgarie (iv) représente un parmi d’autres nombreux défis pour la gestion des fonds structurels en Bulgarie, tout comme les irrégularités et les fraudes (v) ou la recherche permanente de propositions d’amélioration du système et des procédures administrative (vi). i) Une structure centralisée L'objectif de convergence couvre à la fois le développement régional et la croissance des États membres dans une logique d’interaction perpétuelle entre les deux. L’avancement de l’un, fait avancer en même temps l’autre. Mais il est pertinent de se demander si la portée de cette logique est toujours réaliste, lorsqu’un pays ne dispose pas d’une réelle autonomie gouvernementale et d’autorités régionales propres. En raison de l’héritage institutionnel communiste, la gestion des politiques régionales en Bulgarie suit une approche top-down centralisée qui a empêché l'autonomisation nécessaire de son organisation territoriale ainsi que le renforcement des bénéficiaires et des partenaires locaux. Basée sur un amendement de 1998 de 19
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