Pandémie de la Covid-19 : l'Allemagne comme la France, l'Italie, la Pologne et les Pays-Bas adoptent des mesures spécifiques1 - Schultze & Braun

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Insolvabilité et restructuration en Allemagne – Annuaire 2021

     Pandémie de la Covid-19 : l’Allemagne comme la
     France, l’Italie, la Pologne et les Pays-Bas adoptent
     des mesures spécifiques1

     La fermeture de la vie publique, parfois avec des confinements qui durent des
     semaines, a entraîné un effondrement de l’économie dans de nombreux pays
     européens, mais aussi dans le monde entier. Tous les États ont réagi à cette
     situation par des mesures immédiates et ont adapté provisoirement les
     réglementations existantes, pratiquement du jour au lendemain, ou ont créé de
     nouveaux instruments pour soutenir les entreprises, grandes et petites. Dans les
     développements qui suivent, nous vous présentons des exemples de règles
     spécifiques adoptées en Allemagne, en France, en Italie, en Pologne et aux Pays-
     Bas à la suite de la pandémie.

     L’une des premières mesures du législateur allemand a été la suspension de
     l’obligation de déposer une demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité.
     En outre, des reports d’impôts sans intérêt et une réduction de la taxe sur la
     valeur ajoutée ont été décidés. Dans un deuxième temps, les programmes de
     crédit de la Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW) ont été étendus et de nouveaux
     ont été créés – comme le prêt rapide de la KfW – afin d’assurer une injection
     financière pour les entreprises en difficulté.

     L’obligation de déposer le bilan a également été suspendue en France et en
     Pologne. La loi néerlandaise sur l’insolvabilité, en revanche, ne prévoit pas
     l’obligation de déposer une demande d’ouverture. De même, avant la crise de la
     Covid-19 aux Pays-Bas, l’instrument du chômage partiel n’existait pas. A travers le
     Tijdelijke Noodmaatregel Overbrugging voor Werkgelegenheid (NOW – Mesure
     d’urgence temporaire pour remédier à la situation de l’emploi), un nouveau
     règlement a été introduit, comparable à l’instrument allemand du chômage
     partiel. Il n’y a pas non plus de chômage partiel en Pologne. Toutefois, il existe la
     possibilité d’un accord avec les représentants des salariés sur la réduction du
     temps de travail. Ces deux pays partagent un autre point commun : la Pologne et
     les Pays-Bas ont tous deux utilisé les mesures de lutte contre la pandémie pour
     introduire une procédure de restructuration extrajudiciaire, tout comme
     l’Allemagne.

     La France a fait un pas de plus et a immédiatement adopté tout un plan de
     relance économique, le plan « France Relance », qui vise non seulement à
     combattre les conséquences de la pandémie à court terme, mais aussi à remettre
     l’économie française sur les rails à long terme et à poursuivre le processus de
     transition écologique. Par exemple, le plan de relance comprend des incitations à
     l’achat de véhicules plus respectueux de l’environnement et la promotion de la
     rénovation des bâtiments en fonction de l’efficacité énergétique.

     1   Suivre les activités législatives dans ce domaine est aussi difficile que de gérer une crise grave d’une entreprise. Toute entreprise
         de ce type doit cependant respecter une date butoir. La date limite pour la rédaction de cet article était le 31 décembre 2020.

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Insolvabilité et restructuration en Allemagne – Annuaire 2021

En ce qui concerne le court terme, la France n’a pris aucune mesure d’ampleur
pour stimuler la consommation, comme la réduction de la TVA adoptée en
Allemagne. La stratégie du gouvernement français consiste à mener une politique
axée sur l’offre en accordant des avantages fiscaux conséquents aux entreprises.
Toutefois, en comparaison à l’Allemagne, il convient de rappeler le régime
extrêmement généreux du chômage partiel, qui a été utilisé dans une large
mesure.

En raison de la pandémie, l’Italie a reporté la réforme de sa loi sur l’insolvabilité, qui
était initialement prévue. L’introduction prévue d’un système d’alerte précoce aurait
aggravé les difficultés auxquelles ont été confrontées les entreprises touchées par
la pandémie. Au lieu de cela, l’Italie a adopté diverses mesures d’aide, telles que
l’éloquent super bonus de 110 %, qui vise à promouvoir les investissements.

1. Allemagne
Par Jürgen Erbe, MBA, Docteur en droit, Rechtsanwalt (Avocat en Allemagne),
spécialiste en droit de l’insolvabilité

a. Mesures en droit de l’insolvabilité 2

La « loi sur la suspension temporaire de l’obligation de déposer une demande                                                          COVInsAG
d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité et sur la limitation de la responsabilité
des organes dirigeants en cas d’insolvabilité causée par la pandémie de la Covid-
19 » (abrégée en loi sur la suspension de l’insolvabilité Covid-19 ou COVInsAG) a
modifié les dispositions du droit de l’insolvabilité. Cette loi porte essentiellement
sur l’obligation du débiteur de déposer une demande d’insolvabilité (art. 1er
COVInsAG), le droit d’un tiers (créancier) de déposer une demande d’ouverture
(art. 3 COVInsAG) et les conséquences pendant la suspension (art. 2 COVInsAG).
Par la « loi sur le développement du droit de redressement et de l’insolvabilité »
(abrégée en SanInsFOG) le COVInsAG a été complété par les articles 4 à 7. Ces
modifications entrent en vigueur au 1er janvier 2021.

Conformément à l’article 1er du COVInsAG, l’obligation de déposer une demande                                                         Suspension de
d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité (art. 15a du Code allemand de                                                             l’obligation de
l’insolvabilité / art. 42 al. 2 du Code civil allemand) est suspendue si le                                                           demander
déclenchement de cette obligation est dû à des circonstances causées par la                                                           l’ouverture d’une
pandémie de la Covid-19 et s’il existe des perspectives concrètes d’éliminer la                                                       procédure
cause de l’insolvabilité. Si le débiteur n’était pas insolvable au 31 décembre 2019,                                                  d’insolvabilité
il existe une présomption légale selon laquelle les difficultés sont la conséquence
de la pandémie de la Covid-19 et existe une perspective de remédier à une
insolvabilité. La suspension s’applique également à la cause d’ouverture de
surendettement. Par le nouvel article 1, alinéa 3 du COVInsAG l’obligation de
demander l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité conformément à l’article 1,
2   Des informations actualisées sur les réglementations spéciales en matière d’insolvabilité et de droit du travail sont également
    disponibles à l’adresse suivante www.schultze-braun.de, à la rubrique Corona.

                                                                                                                                                          17
Insolvabilité et restructuration en Allemagne – Annuaire 2021

                         alinéa 1 du COVInsAG est également suspendue pour des dirigeants des
                         entreprises qui ont fait une demande d’octroi d’aides publiques pour atténuer les
                         conséquences de la pandémie de la Covid-19 entre le 1er novembre et le 31
                         décembre 2020.

     Adaptation de la    Afin de garantir que la suspension de l’obligation de déposer une demande
            demande      d’insolvabilité ne soit pas contrecarrée par des demandes de tiers (créanciers), le
      d’ouverture par    législateur a inclus à l’article 3 du COVInsAG une disposition en conséquence qui
              un tiers   soumet les perspectives de succès des demandes d’insolvabilité (de tiers) à des
                         exigences modifiées. Les demandes d’insolvabilité présentées par les créanciers
                         entre le 28 mars 2020 et le 28 juin 2020 n’ont été justifiées que si le débiteur était
                         déjà dans l’incapacité de payer ses dettes exigibles au 1er mars 2020.

     Conséquences de     L’article 2 du COVInsAG prévoit les conséquences de la suspension. En principe, les
        la suspension    gérants et autres organes de direction sont responsables des paiements effectués
                         après la survenance de l’insolvabilité s’il peut leur être reproché de ne pas avoir
                         fait preuve des diligences d’un dirigeant prudent. Ce chef de responsabilité
                         s’applique indépendamment de la suspension de l’obligation de déposer une
                         demande d’ouverture. Toutefois, les paiements qui sont effectués dans le cadre
                         de la marche ordinaire des affaires, en particulier ceux qui servent à maintenir ou
                         à reprendre l’exploitation ou à mettre en œuvre un concept de réorganisation,
                         sont réputés avoir été effectués avec la diligence d’un dirigeant prudent et
                         consciencieux (art. 2 al. 1er n° 1 COVInsAG). En même temps, les exigences en
                         matière de nullité de la période suspecte (art. 2 al. 1er n° 2 et 4 COVInsAG) et de
                         responsabilité du prêteur (art. 2 al. 1er n° 3 COVInsAG) sont accrues, si une
                         procédure d’insolvabilité est ouverte ultérieurement.

       Modifications     Dans les nouveaux articles 4 à 7 du COVInsAG les dispositions suivantes ont été
     apportées par le    ajoutées : l’article 4 abrège de douze à quatre mois la période de pronostic pour
          SanInsFoG      examiner la survenance du surendettement, lorsque le surendettement a été
                         causé par la pandémie de la Covid-19. Les numéros 1 à 3 de cet article définissent
                         les circonstances en présence desquelles ceci est présumé. Par le SanInsFoG, les
                         conditions d’accès à la procédure en gestion directe sans dessaisissement du
                         débiteur ont été durcies. Toutefois, l’article 5 du COVInsAG prévoit l’application de
                         la version antérieure des articles 270 à 285 InsO, régissant la gestion directe, si le
                         besoin d’entrer dans une procédure d’insolvabilité en gestion directe sans
                         dessaisissement du débiteur a son origine dans la pandémie. Les conditions sont
                         prévues à l’article 5, alinéas 2 et 3 du COVInsAG. S’il est porté à la connaissance du
                         tribunal que les causes de l’insolvabilité ne sont pas dues à la pandémie, il est
                         habilité à annuler a posteriori la procédure en désignant un administrateur de
                         l’insolvabilité provisoire. L’article 6 du COVInsAG prévoit une disposition
                         comparable selon laquelle l’état d’insolvabilité du débiteur n’empêche pas
                         l’ouverture d’une procédure en gestion directe sans dessaisissement, si les
                         conditions prévues aux numéros 1 à 3 de cet article sont remplies. Cette disposition
                         mérite l’attention, sa version antérieure ayant catégoriquement exclue l’ouverture
                         d’une procédure en gestion direct lorsque le débiteur est insolvable.

                         Le nouvel article 7 du COVInsAG concerne les aides financières et leur traitement
                         dans le cadre d’un plan de restructuration ou d’insolvabilité.

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Insolvabilité et restructuration en Allemagne – Annuaire 2021

                Jürgen Erbe, MBA, Docteur en droit, Avocat (Allemagne), spécia-
                liste en droit de l’insolvabilité, dirige le bureau de Schultze &
                Braun de Mannheim. Ses activités dominantes sont l’exercice de
                mandat d’administrateur de l’insolvabilité et d’administrateur en
                charge de la surveillance des actes du débiteur en gestion directe,
                ainsi que le conseil de dirigeants dont la société est placée en pro-
 cédure d’insolvabilité sans dessaisissement. Maître Erbe est régulièrement
 ­désigné comme administrateur de l’insolvabilité par les tribunaux de Mann-
  heim, Heidelberg, Darmstadt, Ludwigshafen et Worms.
  E-mail : JErbe@schultze-braun.de

b. Mesures en matière de droit du travail et de droit de la sécurité sociale

Par Alexander von Saenger, Avocat (Allemagne), spécialiste en droit du travail

Dans un premier temps, la « loi sur l’amélioration temporaire du régime des             Loi « KugV »
prestations de chômage partiel en raison de la crise » et les ordonnances qui en
découlent (Kurzarbeitergeldverordnung – KugV) ont facilité les conditions d’octroi à
court terme des prestations pour activité partielle. Les allégements sont en vigueur
depuis le 1er mars 2020. Pour des entreprises ayant mis en place le chômage partiel
avant le 31 mars 2021, ils sont limités dans le temps, jusqu’au 31 décembre 2021.

Le remboursement à 100 % des cotisations de sécurité sociale pour les heures de         Travailleurs
travail perdues constitue un levier important. Une autre nouveauté est                  intérimaires
l’extension de la réglementation sur l’indemnité de chômage partiel pour les
travailleurs intérimaires.

Dans le cadre du Pacte de protection sociale II, le législateur a décidé d’augmenter    Augmentation de
progressivement l’indemnité de chômage partiel. Lorsque le droit au chômage             l’indemnité de
partiel est né avant le 31 mars 2021, les taux majorés s’appliquent dans un premier     chômage partiel
temps jusqu’au 31 décembre 2021. Pour pouvoir bénéficier de l’indemnité majorée
de chômage partiel, la perte d’heures de travail doit être d’au moins 50 %.

La même loi a également simplifié les importantes possibilités de percevoir des
revenus supplémentaires à l’allocation du chômage partiel.

                Alexander von Saenger, Avocat (Allemagne), spécialiste en droit
                du travail, dirige le département de droit du travail de Schultze &
                Braun à Brême, en charge de toute la moitié Nord de l’Allemagne.
                Ses activités dominantes sont le conseil en droit social dans le
                cadre de mesures de restructuration et au cours de processus de
 fusions et acquisitions, tant dans le cadre qu’en dehors de procédures d’insol-
 vabilité. Il intervient pour des administrateurs de l’insolvabilité, des entre-
 prises mais aussi des investisseurs.
 E-mail : ASaenger@schultze-braun.de

                                                                                                          19
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                           c. Aides financières

                           Par Nils Andersson-Lindström, Rechtsanwalt (Avocat en Allemagne)

           Conditions      Afin d’apporter un soutien financier aux entreprises touchées par la pandémie, le
                           législateur a adopté toute une série de mesures. Comme toutes ces mesures de
                           soutien sont des aides d’État, elles sont soumises à la condition que les
                           demandeurs ne soient pas des entreprises en difficulté au sens du droit de
                           l’Union européenne au 31 décembre 2019. Ce serait le cas, par exemple, si des
                           raisons de déposer une demande en ouverture d’une procédure d’insolvabilité
                           existaient déjà à ce moment-là, si une aide dite au sauvetage avait déjà été
                           accordée ou encore si le capital social avait été réduit de moitié en raison de
                           pertes. Une grande entreprise peut être considérée en difficulté, lorsque, depuis
                           les deux exercices précédents sur les comptes sociaux, le ratio emprunt/capitaux
                           propres de l’entreprise est supérieur à 7,5 fois les fonds propres et si le résultat
                           d’exploitation ne suffit pas à payer les intérêts.

                           L’État fédéral a élargi ou créé divers programmes de prêts de la banque d’État
                           Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW).

     Simplification de     Les conditions d’octroi de prêts dans le cadre des programmes existants de prêts
       l’octroi de prêts   aux entreprises, de financements syndiqués et de prêts à la création d’entreprises
                           par les fonds du plan de relance européen, adopté le 21 juillet 2020 par le Conseil
                           européen, ont été considérablement améliorées. En particulier, des taux d’intérêt
                           plus bas, une évaluation simplifiée des risques de la part de la KfW et une garantie
                           de l’État allant jusqu’à 90 % des montants prêtés ont été accordés. Comme tous
                           ces programmes impliquent un risque résiduel pour la banque de l’emprunteur,
                           celle-ci doit procéder, conformément aux règles prudentielles, à une évaluation de
                           la solvabilité, ce qui peut entraîner une perte de temps considérable.

        Prêt rapide        Pour y remédier, le gouvernement fédéral a créé le prêt rapide de la KfW (KfW-
         de la KfW         Schnellkredit). Il est accessible aux entreprises de plus de dix salariés qui sont
 (KfW-Schnellkredit)       actives sur le marché depuis le 1er janvier 2019 au plus tard. Le volume du prêt
                           s’élève au maximum à trois mois de chiffre d’affaires de l’année 2019. Il est limité
                           à 800.000 euros pour les entreprises de plus de 50 salariés et à 500.000 euros
                           pour les entreprises de moins de 50 salariés. Le taux d’intérêt est de 3 % pour une
                           durée de dix ans. Le risque de crédit est entièrement pris en charge par la KfW,
                           grâce à une garantie du gouvernement fédéral. Le prêt doit être accordé sans
                           autre évaluation des risques afin de pouvoir le mettre à disposition le plus
                           rapidement possible. Dans la pratique, cependant, l’on constate aussi des retards
                           considérables à cet égard, causés par des évaluations de solvabilité – en fin de
                           compte injustifiées – effectuées par les banques respectives.

 Aide relais et aides      Les aides relais Corona (Corona-Überbrückungshilfen) – un outil conjoint du
         du mois de        gouvernement fédéral et des Länder – ont été accordées sous la forme d’une
          novembre         subvention non remboursable. Ne pouvant être sollicitée que pour les mois de
                           juin à août (ÜH I) et ensuite de septembre à décembre 2020 (ÜH II), les aides
                           étaient basées sur la baisse attendue du chiffre d’affaires au cours des mois
                           éligibles par rapport aux mois respectifs de l’année précédente. Les aides relais
                           ont permis de rembourser les coûts fixes pour une part allant jusqu’à 80 % (ÜH I)
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Insolvabilité et restructuration en Allemagne – Annuaire 2021

ou 90% (ÜH II), en fonction de l’ampleur de la perte du chiffre d’affaires, jusqu’à
un maximum de 50.000 euros par mois. De plus, les entreprises directement ou
indirectement touchées par la pandémie, ont pu avoir recours à l’aide dénommée
« du mois de novembre », accordant une subvention non remboursable de 75%
du chiffre d’affaires du mois de novembre de l’année précédente. En raison de
l’obligation de faire appel à des commissaires aux comptes, conseillers fiscaux ou
avocats pour soumettre la demande, ces aides ont été peu utilisées.

Le gouvernement fédéral a créé le Fonds de stabilisation économique (Wirt­              Fonds de
schaftsstabilisierungsfonds – WSF) pour soutenir les grandes entreprises                stabilisation
d’importance systémique. La condition préalable au financement du WSF est une           économique
perspective claire de continuation autonome après que la pandémie ait été               (Wirtschaftsstabi-
surmontée, sans qu’aucune autre option de financement ne soit disponible. Le            lisierungsfonds)
WSF accorde des garanties pour les instruments de dette et obligations émis
jusqu’au 31 décembre 2021, afin d’éviter des difficultés de trésorerie et de
permettre le refinancement sur le marché des capitaux. Le WSF permet également
au gouvernement fédéral d’investir directement dans des entreprises en crise aux
conditions du marché, par exemple sous la forme de participations sans droit de
vote (comme dans le cas de Lufthansa), de droits de participation aux bénéfices,
d’obligations (comme dans le cas de TUI) ou d’une acquisition directe d’actions,
dans la mesure où ces interventions sont nécessaires pour stabiliser l’entreprise.

                Nils Andersson-Lindström, Avocat (Allemagne), accompagne ré-
                gulièrement des entreprises à l’occasion d’opérations de fu-
                sions-acquisitions et de financement dans des situations de crise
                et d’insolvabilité.
                E-mail : NAndersson@schultze-braun.de

d. Mesures fiscales

Par Oksana Miglietti, Commissaire aux comptes et Expert-comptable (Allemagne),
et Arno Abenheimer, Rechtsanwalt (Avocat en Allemagne), spécialiste en droit
fiscal et Expert-comptable (Allemagne)

Afin de stabiliser l’économie, le gouvernement fédéral et les Länder ont adopté
des mesures fiscales et sociales pour les sociétés et les indépendants, en plus des
nombreux programmes d’aide énumérés ci-dessus.

Jusqu’au 31 mars 2021, des reports d’impôts sans intérêt peuvent être demandés          Reports et
à l’administration fiscale pour l’impôt sur le revenu, l’impôt sur les sociétés et la   remboursements
taxe sur le chiffre d’affaires, ou à la commune pour la taxe professionnelle. Pour
pouvoir bénéficier de ce report, il faut que le contribuable soit directement et
significativement affecté par la pandémie de la Covid-19. Ces reports vont
jusqu’au 30 juin 2021. Un report du prélèvement à la source de l’imposition des
salaires est cependant exclu.

                                                                                                             21
Insolvabilité et restructuration en Allemagne – Annuaire 2021

                           Pour les cotisations sociales, il existait une procédure simplifiée de report des
                           échéances de mars à mai 2020 jusqu’à ce que soit due celle de juin 2020. Dans
                           cette mesure, il a été renoncé à la réclamation d’intérêts de retard, de pénalités
                           pour retard de paiement et de frais de rappel. La condition pour en bénéficier
                           était l’utilisation préalable d’autres aides telles que le chômage partiel, les
                           subventions et les prêts. Les possibilités de report s’appliquaient également aux
                           cotisations pour les personnes assurées à titre facultatif. À partir de juin 2020,
                           l’échelonnement des paiements est devenu possible. Outre cette procédure
                           simplifiée de report, il existe toujours la possibilité d’un report (portant intérêt)
                           en cas de difficultés considérables. Les cotisations sociales liées au chômage
                           partiel sont remboursées intégralement par l’Agence fédérale pour l’emploi
                           jusqu’au 30 juin 2021. Du 1er juillet 2021 au 31 décembre 2021, la moitié de ces
                           cotisations sera remboursée pour toutes les entreprises qui auront bénéficié du
                           chômage partiel avant le 30 juin 2021.

       Ajustement des      Les contribuables peuvent ajuster le montant des acomptes d’impôt sur le
     acomptes d‘impôt      revenu, d’impôt sur les sociétés et de taxe professionnelle (montant imposable) à
                           leur situation économique. Une avance spéciale de TVA, déjà versée pour 2020
                           dans le cadre de la demande de prorogation permanente de délai, peut être
                           entièrement remboursée.

     Compensation des      Les petites et moyennes entreprises peuvent, en vue d’une régularisation des
      pertes attendues     acomptes d’impôts déjà payés en 2019, reporter en arrière les pertes attendues
                           de l’exercice 2020 et les compenser avec les bénéfices de l’exercice 2019.

           Taux de TVA     Le taux normal de TVA a été diminué de 19 % à 16 % pour la période du 1er juillet
                           2020 au 31 décembre 2020 et le taux réduit de 7 % à 5 %. En outre, une mesure
                           plus ambitieuse a été décidée pour le secteur de la restauration : la fourniture de
                           denrées alimentaires est soumise dans tous les cas au taux d’imposition réduit
                           au cours de la période allant du 1er juillet 2020 au 30 juin 2021. Toutefois, la vente
                           de boissons n’est pas soumise au taux d’imposition réduit.

               Mesures     Les arriérés d’impôts et les impôts exigibles ne doivent pas faire l’objet de
     d’exécution forcée    mesures d’exécution forcée avant le 30 juin 2021. Les pénalités pour défauts de
                           paiement entre le 19 mars 2020 au 31 décembre 2020 sont supprimées lors du
                           remboursement de la dette principale.

           Contrôles de    Depuis le 16 mars 2020 et jusqu’à nouvel ordre, les contrôles de sécurité sociale
        sécurité sociale   effectués par la Deutsche Rentenversicherung Bund sont instruits par voie
                           électronique.

                 Délais    Le délai pour la transmission des déclarations fiscales de 2018 a été prolongé
                           jusqu’au 31 mai 2020 et concernant les déclarations fiscales 2019 jusqu’au 31 mars
                           2021, pour les contribuables qui sont assistés par un cabinet d’expertise
                           comptable. Le délai de dépôt des déclarations d’imposition sur les salaires peut
                           être prolongé de deux mois au maximum, sur décision prise au cas par cas, à la
                           demande de l’employeur. L’employeur doit prouver qu’il est empêché de
                           transmettre les déclarations d’imposition sur les salaires dans les délais, sans que
                           cela ne soit dû à une faute personnelle.

22
Insolvabilité et restructuration en Allemagne – Annuaire 2021

Les conséquences de la pandémie sur le bilan doivent être considérées comme               Impact comptable
des événements postérieurs à la clôture et ne doivent pas être prises en compte
dans les états financiers au 31 décembre 2019. Pour les comptes annuels dont la
date de clôture est postérieure au 31 décembre 2019, il est généralement admis
que les conséquences de la crise du coronavirus doivent être considérées comme
des événements valorisables et prises en compte dans le bilan. Au 31 mars 2020,
on suppose généralement que la pandémie doit apparaître comme prise en
compte dans les états financiers.

La perte reportée en arrière est limitée à un montant d’un million d’euros, ou de 2       Augmentation du
millions d’euros dans le cas d’un couple marié. Ces montants ont été portés               plafond de
respectivement à 5 et à 10 millions d’euros pour les années 2020 et 2021, afin que        déduction des
les pertes reportables puissent être majorées en 2019 et 2020.                            pertes

Le contribuable peut opter pour l’amortissement dégressif au lieu de                      Réintroduction
l’amortissement linéaire pour les actifs corporels acquis ou fabriqués en 2020 et         des amortisse-
2021. L’amortissement dégressif est basé sur la valeur comptable (ou sur la valeur        ments dégressifs
résiduelle). Le pourcentage d’amortissement peut aller jusqu’à 2,5 fois le montant
de l’amortissement linéaire, mais ne doit pas dépasser 25 %.

La période de rétroactivité pour les restructurations qui sont inscrites au registre      Prolongation de la
du commerce en 2020 et 2021 et pour les apports qui sont effectués en 2020 et             période de
2021 a été étendue de huit à douze mois.                                                  rétroactivité pour
                                                                                          les restructurations
La date d’exigibilité de la taxe sur le chiffre d’affaires à l’importation a été
reportée d’environ 6 semaines, c’est-à-dire au 26 du deuxième mois suivant                Date d‘exigibilité
l’importation. Cela a un effet positif sur la trésorerie des entreprises, ces dernières   de la TVA à
profitant d’une prorogation permanente du délai de transmission de la                     l‘importation
déclaration mensuelle de taxe sur le chiffre d’affaires, puisqu’un crédit de TVA
résultant de l’imputation accélérée de la taxe sur le chiffre d’affaires à
l’importation est désormais possible.

Une prime exceptionnelle, exonérée d’impôts et de cotisations sociales jusqu’à            Prime exception-
un montant de 1.500 euros, peut être versée par l’employeur à ses salariés, en            nelle exonérée
plus du salaire, de façon à alléger les frais supplémentaires causés par la crise du      d‘impôt pour les
coronavirus. La prime exceptionnelle doit être versée entre le 1er mars 2020 et le        salariés
30 juin 2021.

En 2020, les familles seront soutenues par une prime unique de 300 euros par              Prime pour les
enfant.                                                                                   familles

Le montant de l’abattement fiscal accordé aux parents isolés a été porté de 1.908         Abattement fiscal
euros à 4.008 euros pour les années 2020 et 2021.                                         pour les parents isolés

S’il n’y a pas de bureau à domicile ou si le contribuable renonce à la déduction des      Forfait télétravail
frais pour un bureau à domicile, il peut déduire un montant de 5 euros pour
chaque jour calendaire, où il exerce son activité professionnelle ou commerciale
exclusivement à son domicile et ne se rend pas à un lieu d’activité situé en dehors
du domicile, à concurrence de 600 euros au maximum par an.

                                                                                                                23
Insolvabilité et restructuration en Allemagne – Annuaire 2021

                                                 ksana Miglietti, Expert-comptable (Allemagne), exerce
                                                O
                                                comme Commissaire aux comptes et Expert-comptable au sein
                                                du département audit et conseil fiscal. Ses domaines d’activité
                                                dominante sont la tenue de la comptabilité des entreprises, l’au-
                                                dit des acomptes annuels, l’évaluation des entreprises, le droit
                                                fiscal ainsi que les analyses de gestion.
                                                E-mail : OMiglietti@schultze-braun.de

                                                 rno Abenheimer, Rechtsanwalt (Avocat en Allemagne) spécia-
                                                A
                                                liste en droit fiscal et Expert-comptable (Allemagne) exerce au
                                                sein du département audit et conseil fiscal. . Ses domaines d’ac-
                                                tivité dominante sont le droit fiscal, le contentieux fiscal et le
                                                conseil fiscal en droit de l’insolvabilité.
                                                E-mail : AAbenheimer@schultze-braun.de

                        2. France
        Introduction    Quelques jours après le début du confinement ordonné le 17 mars 2020, le
                        législateur français a adopté le 23 mars 2020 la loi d’urgence pour lutter contre
                        l’épidémie de Covid-19,3 créant ainsi les bases pour déclarer l’urgence épidémique
                        nationale, par décision en Conseil des ministres. Le gouvernement a également
                        été autorisé à promulguer des textes législatifs par ordonnance dans un délai de
                        trois mois. Le gouvernement d’Edouard Philippe a fait largement usage de cette
                        possibilité4 et a publié plus de 30 décrets en quelques jours.5

                        a. Mesures en droit de l’insolvabilité

                        Patrick Ehret, Rechtsanwalt & Avocat (AMCO), Spécialiste en droit international et
                        de l’Union européenne

      Suspension de     Le gouvernement français a dû rapidement revoir son point de vue initial selon
      l’obligation de   lequel l’aide d’urgence aux entreprises ne nécessitait pas d’ajustement dans le
     déposer le bilan   domaine du droit de l’insolvabilité. Les ordonnances n° 2020-341 du 27 mars
                        20206 et n° 2020-596 du 20 mai 20207 ont initialement suspendu jusqu’au 23
                        août 2020 l’obligation de déposer une demande d’ouverture dans les 45 jours

                        3   Publiée au Journal Officiel n° 0072 du 24 mars 2020 et entrée en vigueur immédiatement.
                        4 Pour une vue d’ensemble de la législation spéciale Covid-19 en France : https://www.e-tlf.com/2020/09/01/mesures-relatives-a-
                          la-lutte-contre-la-propagation-du-virus-covid-19-arrete-du-14-03-20/.
                        5   Pour une vue d’ensemble des 30 premières ordonnances : https://www.franceinvest.eu/actualites/30-ordonnances-publiees-
                            pour-faire-face-a-lepidemie-du-covid-19.
                        6 Ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations
                          agricoles à l’urgence sanitaire et modifiant certaines dispositions de procédure pénale, publiée au Journal Officiel n° 0076 du 28
                          mars 2020.
                        7   Ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations
                            agricoles aux conséquences de l’épidémie de Covid-19, publiée au Journal Officiel n° 0124 du 21 mai 2020.

24
Insolvabilité et restructuration en Allemagne – Annuaire 2021

suivant la survenance du motif d’ouverture de la procédure collective. Cela à la
condition que la société en question ne soit pas déjà insolvable à la date limite du
12 mars 2020. Le but de cette mesure était de permettre aux entreprises touchées
par l’impact économique de la pandémie d’utiliser les procédures préventives de
la conciliation et de la sauvegarde, qui exigent l’absence de cessation des
paiements ou que le délai de 45 jours ne soit pas encore expiré. En outre, les
organes de direction des sociétés concernées devaient être protégés, en ce sens
que leur responsabilité pour insuffisance d’actifs en cas de demande tardive
devait être exclue.

Outre les simplifications procédurales pour la demande et la conduite des
procédures préventives et d’insolvabilité, la durée maximale de la procédure de
conciliation a été prolongée à 10 mois au total au maximum, par une ordonnance
spécialement motivée à rendre par le président du tribunal. Aussi, le délai
d’attente de trois mois avant de pouvoir déposer une demande en faveur d’une
nouvelle procédure a été suspendu. L’élément préventif de la conciliation a été
renforcé par l’octroi de pouvoirs supplémentaires aux commissaires aux comptes
dans le cadre de la procédure dite d’alerte. En outre, a été introduite la possibilité,
dans cette procédure auparavant purement consensuelle, d’imposer une
interdiction d’engagement de procédures en justice et de mesures d’exécution
forcée à un créancier qui refuse d’accorder le report demandé par le conciliateur.

Pour les entreprises faisant l’objet d’une procédure d’insolvabilité, le plan de
cession sera facilité dans la mesure où les dirigeants peuvent désormais
également se voir attribuer l’entreprise dans des conditions simplifiées. Cette
mesure avait été critiquée et a expiré le 31 décembre 2020.

Afin de protéger les entreprises qui sont en train d’exécuter leurs plans, la
possibilité a été créée de prolonger de deux ans au maximum les plans
d’allègement de la dette, qui sont souvent appliqués à l’encontre de la volonté
des créanciers. En outre, les remboursements peuvent être suspendus pendant
deux ans au maximum. Au lieu d’une durée maximale de dix ans, les nouveaux
plans pourront désormais avoir une durée maximale de douze ans.

Enfin, le législateur français a saisi l’occasion de la pandémie pour édicter des                                                          Renforcement de
dispositions transitoires applicables jusqu’au 31 décembre 2021, visant à renforcer                                                        la boite à outils
les instruments de restructuration en prévision de la transposition de la directive
sur les restructurations8 qui doit être mise en œuvre d’ici la mi 2021. D’une part,
les seuils du champ d’application des procédures semi-collectives dites de
sauvegarde (financière) accélérée ont été abaissés afin d’encourager davantage
les solutions consensuelles dans le cadre de la procédure de conciliation. D’autre
part, le « privilège de l’argent frais » a été étendu à la phase de continuation et au
financement du plan. Enfin, des mesures ont été mises en œuvre pour faciliter les
rebonds de commerçants et pour promouvoir une deuxième chance.

8 Directive (UE) 2019/1023 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relative aux cadres de restructuration préventive,
  à la remise de dettes et aux déchéances, et aux mesures à prendre pour augmenter l’efficacité des procédures en matière de
  restructuration, d’insolvabilité et de remise de dettes, et modifiant la directive (UE) 2017/1132 (directive sur la restructuration et
  l’insolvabilité).

                                                                                                                                                               25
Insolvabilité et restructuration en Allemagne – Annuaire 2021

            Nouvelle        La pandémie de la Covid-19 a conduit au renforcement du télétravail et à un
 réglementation de          certain nombre d’adaptations du droit du travail français. La plus importante
  l’activité partielle      d’entre elles est la nouvelle réglementation de l’activité partielle, qui couvre 70 %
                            du salaire brut limité à 4,5 fois le salaire minimum. Dans le cadre du plan de
                            relance économique annoncé début septembre, 7,6 milliards d’euros ont été
                            affectés au financement de cette activité partielle de longue durée.

                                           Patrick Ehret, Rechtsanwalt (avocat en Allemagne) et Avocat, di-
                                           rige le French Desk de Schultze & Braun. Il conseille des entre-
                                           prises dans les problématiques franco-allemandes de droit des
                                           affaires et de droit de l’insolvabilité.
                                           E-mail : PEhret@schultze-braun.fr

                            b. Aides financières

                            Par Ellen Delzant, Rechtsanwältin (Avocate en Allemagne) et Avocate au Barreau
                            de Paris

      Prêts garantis par    Pour faire face au choc économique lié à la crise du coronavirus, le gouvernement
                l‘État et   a mis en œuvre un dispositif de prêts garantis par l’État (PGE), permettant aux
      ­allègements dans     entreprises de contracter des prêts par l’intermédiaire de leurs banques. Les PGE
     le cadre de l’octroi   sont garantis par Bpifrance jusqu’à 90 %, pour un montant total de 300 milliards
                de prêts    d’euros. Ce dispositif est en principe ouvert à toutes les entreprises jusqu’au 30
                            juin 2021, quelles que soient leur taille et leur forme juridique. Sont exclues les
                            entreprises qui se trouvaient en liquidation judiciaire, en redressement judiciaire
                            ou en sauvegarde au 31 décembre 2019.

                            En outre, Bpifrance permet aux PME et aux PMI de bénéficier de différents
                            programmes de prêt (Prêt rebond, Prêt Atout), mis en place dans le cadre de la
                            crise du coronavirus, sans avoir à fournir de garantie.

                            Afin de soutenir les entreprises exportatrices françaises, un programme spécial a
                            été mis en place pour la durée de la pandémie afin d’obtenir des garanties et des
                            financements à l’exportation de la part de la Banque d’État française. Ce
                            programme est conçu pour compléter les mécanismes existants de réassurance
                            de l’assurance-crédit fournisseur, permettant aux entreprises exportatrices
                            d’augmenter la couverture fournie par leurs assureurs crédit, sur la base de la
                            réassurance fournie par Bpifrance.

      Soutien sectoriel     En outre, des plans de soutien ont été élaborés pour des secteurs spécifiques,
                            notamment en faveur des industries de l’automobile, de l’aéronautique ou du
                            tourisme. Ils prévoient des aides spéciales, des participations de l’État, des prêts
                            et d’autres mesures.

26
Insolvabilité et restructuration en Allemagne – Annuaire 2021

Le 3 septembre 2020, le gouvernement français a annoncé un plan de relance sur               Plan de relance
deux ans d’un volume de 100 milliards d’euros, baptisé « France Relance ». Ce plan vise      « France Relance »
à relancer à court terme l’économie française, durement touchée par la crise du
coronavirus, et à la faire évoluer sur le long terme, en favorisant l’investissement dans
les secteurs innovants et dans la transformation écologique, tout en créant des
incitations fiscales pour les entreprises. Les quelque 70 mesures différentes
s’articulent autour de trois axes principaux : la transition écologique (30 milliards), le
développement de la compétitivité des entreprises (35 milliards) et la cohésion sociale,
en particulier le maintien ou la création d’emplois (35 milliards). Afin de promouvoir la
compétitivité, les coûts de production des entreprises sont réduits grâce à des baisses
d’impôts substantielles. En outre, il est prévu de renforcer les fonds propres des
entreprises françaises pour un volume total de trois milliards d’euros grâce à une
garantie de l’État, fournie par Bpifrance, pour les prêts participatifs des banques et des
fonds d’investissement. Des milliards supplémentaires doivent être investis dans la
promotion de projets d’investissement sur les marchés clés et la relocalisation
d’industries d’importance stratégique. Les petites et moyennes entreprises doivent
également recevoir un soutien pour leur transformation numérique.

                E llen Delzant, Rechtsanwältin (Avocate en Allemagne) et Avo-
                 cate, est experte en droit européen des procédures collectives.
                 Elle est membre du French Desk de Schultze & Braun et conseille
                 les entreprises dans les questions de redressement et de restruc-
                 turation transfrontalières.
                 E-mail : EDelzant@schultze-braun.fr

c. Mesures fiscales

Par Jérémy Reis, Expert-comptable (admis en France)

Les mesures fiscales de la France pour lutter contre les conséquences de la Covid-
19 sont intervenues en deux temps. Des mesures d’urgence ont rapidement été
prises pour faire face aux difficultés à court terme liées à la pandémie. Pour le
moyen et le long terme, un plan de relance présenté début septembre 2020 a
pour ambition de redonner la confiance nécessaire pour le redémarrage de
l’activité. Pour une reprise économique à long terme, le plan de relance mentionné
ci-dessus « France Relance » a été adopté.

Tout d’abord, la date de dépôt des déclarations de résultats des professionnels,             Reports de délais
normalement fixée en mai, a été reportée au 30 juin 2020 pour les entreprises                et reports de
rencontrant des difficultés matérielles liées à la crise actuelle.                           paiement

Toute entreprise rencontrant des difficultés d’ordre financier pouvait demander
le report de paiement du solde d’IS ou de CVAE jusqu’au 30 juin 2020. Les
échéances de mai de taxe sur les salaires sont reportables de 3 mois sur simple
demande, si des difficultés financières du fait de la crise le justifient.

                                                                                                                  27
Insolvabilité et restructuration en Allemagne – Annuaire 2021

                             Pour la déclaration de TVA annuelle « CA12 », qui est à déposer au 5 mai de chaque
                             année, une tolérance fiscale a été accordée en faveur des professionnels qui
                             rencontraient des difficultés pour obtenir les éléments matériels permettant de
                             préparer la déclaration.

       Echelonnement         Les petites et moyennes entreprises qui ont des difficultés pour payer leurs
           des impôts        impôts ont pu demander un étalement sur une durée de 12, 24 ou 36 mois. Ce
                             dispositif concerne les impôts dus entre le 1er mars et le 31 mai 2020. La demande
                             d’échelonnement était à faire à l’aide d’un formulaire avant le 31 décembre 2020.

      Baisse de l’impôt      Une politique de réduction de l’IS a été menée en France depuis quelques années,
     sur les sociétés (IS)   bien avant l’apparition de la Covid-19. Le taux de l’IS est passé de 33,33 % à 28 %
                             en 2020. Il était prévu de ramener le taux à 26,5 % en 2021 puis 25 % en 2022.
                             Cette baisse, pour laquelle un possible ralentissement dans sa mise en place avait
                             été envisagé avant la crise sanitaire, sera maintenue dans sa trajectoire
                             initialement prévue, afin que les entreprises puissent faire face aux conséquences
                             liées à la pandémie.

        Plan de relance      Le plan « France Relance » prévoit une réduction des impôts à la charge des
                             entreprises au 1er janvier 2021.

                             En France, la CET (contribution économique territoriale) est un impôt local,
                             composé de la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée) et de la CFE (cotisation
                             foncière des entreprises). Les efforts gouvernementaux se concentrent
                             principalement sur ces deux impôts.

                             Tout d’abord, une réduction de 50 % de la CVAE est prévue pour toutes les
                             entreprises redevables.

                             De plus, une réduction de 50 % des impôts fonciers sera appliquée aux
                             établissements industriels (usines, ateliers etc.). Deux impôts sont principalement
                             concernés : la CFE (cf. supra) et la taxe foncière. La baisse de la taxe foncière
                             profitera aux entreprises qui sont propriétaires de leurs locaux.

                             Une autre mesure, plus technique, concerne le plafonnement de la CET. Auparavant,
                             la CET était plafonnée à hauteur de 3 % de la valeur ajoutée. Ce plafond est désormais
                             ramené à 2 %. Cela signifie que les entreprises dont la CET excède 2 % de la valeur
                             ajoutée vont obtenir un dégrèvement qui s’imputera sur le montant de la CFE.

                             Ces mesures ont été pensées dans l’objectif de profiter principalement aux
                             petites et moyennes entreprises, qui sont les plus fragiles dans un contexte
                             économique incertain.

                                            Jérémy Reis, Expert-comptable (admis en France), exerce auprès
                                            du French Desk de Schultze & Braun.
                                            E-mail : JReis@schultze-braun.de

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Insolvabilité et restructuration en Allemagne – Annuaire 2021

3. Italie
Par Allessandro Honert, Rechtsanwalt et Avvocato (Avocat en Allemagne et en Italie),
et Sara Puglia Mueller, Docteur en économie, Expert-comptable et Commissaire
aux comptes (Italie)

Depuis le début de la crise de coronavirus, le législateur italien a mis en œuvre
une série de mesures destinées à apporter un soutien économique aux
entreprises.

a. Mesures en droit de l‘insolvabilité

En ce qui concerne les dispositions spécifiques au droit de l’insolvabilité en Italie,    Report de l’entrée
il convient de mentionner le deuxième décret visant à atténuer les conséquences           en vigueur de la
de la pandémie (Decreto Legge Liquidità n° 23 du 8 avril 2020), dont l’article 5 a        réforme du droit
reporté l’entrée en vigueur de la réforme du droit de l’insolvabilité au 1 er             de l’insolvabilité
septembre 2021. La réforme devait à l’origine entrer en vigueur le 15 août 2020.
Elle prévoit comme élément central la création d’un système d’alerte basé sur des
indicateurs de crise légalement définis. Dans la crise macroéconomique actuelle,
ce système d’alerte précoce a menacé de se dénaturer en un « accélérateur de
feu » de déclenchement de procédures d’insolvabilité.

En outre, l’article 6 du Decreto Legge Liquidità prévoit la suspension temporaire
des dispositions relatives au maintien des capitaux propres applicables aux
sociétés jusqu’au 31 décembre 2020. Cette mesure vise à éviter qu’un éventuel
surendettement de la société ne contraigne l’organe de direction à notifier au
registre des sociétés la dissolution de la société.

Au-delà du 31 décembre 2020, il est important de noter que, conformément à                Continuité de
l’article 7 du Decreto Legge Liquidità, la continuité de l’exploitation (going concern)   l’exploitation
est présumée au titre du bilan de l’exercice se terminant le 31 décembre 2020 si          présumée
tel était le cas dans le dernier bilan adopté avant la crise de coronavirus. Cette
mesure vise à éviter qu’à la suite de cette crise, les entreprises soient obligées de
déclarer des valeurs liquidatives dans le bilan, ce qui, dans de nombreux cas,
entraînerait le surendettement de l’entreprise.

Les effets du droit de l’insolvabilité au-delà de 2020 se feront sentir dans la
disposition de l’art. 8 du Decreto Legge Liquidità, selon laquelle les prêts
d’actionnaires accordés entre le 9 avril et le 31 décembre 2020 ne sont pas soumis
à une subordination de créance, normalement exigée par la loi. En conséquence,
les remboursements de ces prêts d’actionnaires ne peuvent être contestés même
si une procédure d’insolvabilité est ensuite ouverte dans les douze mois.

L’article 9 du Decreto Legge Liquidità a des implications pratiques majeures : le         Prolongation des
délai pour les paiements en exécution des procédures de concordat préventif et            délais
des accords de restructuration de la dette dus entre le 23 février 2020 et le 31
décembre 2021 est prolongé de six mois. En outre, avant la date de confirmation

                                                                                                               29
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