Pauvreté et procréation dans les bidonvilles d'Asuncion Extreme Poverty and Fertility: Demographic Study of a Marginal Population Pobreza y ...
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Document generated on 07/11/2022 4:41 p.m. International Review of Community Development Revue internationale d’action communautaire I. Politiques d’État et stratégies de survie : l’enjeu du logement Pauvreté et procréation dans les bidonvilles d’Asuncion Extreme Poverty and Fertility: Demographic Study of a Marginal Population Pobreza y procreación en las villas miseria de Asunción Juan F. Schoemaker Number 17 (57), Spring 1987 Article abstract Survivances et modèles de développement It has been noted in a number of works that the urban marginal population has a markedly higher fertility level than more privileged social strata. This URI: https://id.erudit.org/iderudit/1034366ar tendency has usually been attributed to behaviors that are traditional, DOI: https://doi.org/10.7202/1034366ar irrational and imbued with a fatalistic attitude characteristic of marginal population groups, the heirs of countrified behavior models. And it is these attitudes and behavior models that prevent them from having a more See table of contents "modern" view of life, which is why they hesitate to practice birth control. This school of thought has been the more or less explicit doctrine of the family planning movement and it has in large part contributed to the development of Publisher(s) policies and programs by international organizations working in the area of population issues. But in our opinion this concept is at best empirically Lien social et Politiques inaccurate and at worst, clearly biased in its ideological content, which deflects attention from the real causes of poverty and underdevelopment. In this essay ISSN we take on the first aspect; that is, its empirical validity. On the basis of a 0707-9699 (print) recent study we will show that far from being irrational, the reproductive 2369-6400 (digital) behavior of marginalized women is part of a logical and coherent strategy designed to strengthen the chances of survival of the family group. Explore this journal Cite this article Schoemaker, J. F. (1987). Pauvreté et procréation dans les bidonvilles d’Asuncion. International Review of Community Development / Revue internationale d’action communautaire, (17), 37–42. https://doi.org/10.7202/1034366ar Tous droits réservés © Lien social et Politiques, 1987 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/
Pauvreté et procréation dans les bidonvilles d'Asuncion1 J.F. Schoemaker Bien que, dans les pays du Tiers lation Bomb (Ehrlich, 1970), The dis que les pays non développés monde, la relation entre le compor- Population Dilemma (The American sur le plan économique ne le sont tement reproducteur et la classe Assembly, 1963) et The Population pas ». Cette affirmation ressemble sociale ne soit pas toujours claire, Problem (Johnson, 1973). Ces deux beaucoup à celle de Taeuber (1963 : le fait que la fécondité des margi- courants de pensée s'appuient sur 33), qui classe l'humanité dans deux naux urbains soit extrêmement éle- l'idée, explicite ou implicite, que la catégories : « les peuples démogra- vée est généralement accepté. Étant cause principale du sous- phiquement développés et les peu- donné que la « démographie de la développement des pays du Tiers ples démographiquement sous- pauvreté » est un sujet qui n'a pas monde est leur croissance démo- développés ». Suivant une orienta- été exploré suffisamment, il n'existe graphique incontrôlée. Ils partagent tion semblable, Stycos (1962) pas de cadre théorique qui permet- aussi une vision catastrophique de exprime sa conviction que la limi- trait une interprétation et une com- l'avenir de l'humanité si la crois- tation des naissances n'a pas été préhension satisfaisantes de cette sance démographique n'est pas adoptée dans certains pays de tendance. effectivement arrêtée. l'Amérique latine à cause de l'ab- Une école de pensée, domi- Le présupposé de base du mou- sence d'organisation familiale adé- nante dans les années soixante, a vement de planification familiale est quate et de la prévalence des tabous encore beaucoup d'influence dans que la fécondité élevée des pays sociaux. Selon Davis (1967), si les le domaine de la démographie : le sous-développés est le résultat de femmes des pays sous-développés mouvement de planification fami- l'irrationalité et de l'absence d'at- veulent avoir plusieurs enfants, c'est liale. Il est intéressant de noter que titude « moderne » en matière de parce qu'elles ont hérité des modè- l'apparition de ce mouvement coïn- fécondité. D'après Raulet (1970 : les de comportement reproductifs cide avec celle d'une littérature 213), par exemple, « il est possible des temps où la forte mortalité infan- quasi apocalyptique sur « l'explo- d'affirmer que les pays économique- tile exigeait une fécondité également sion de la population », illustrée par ment développés sont "modernes élevée. Des points de vue sembla- des ouvrages tels que The Popu- du point de vue démographique tan- bles sont énoncés par des auteurs
Revue internationale d'action communautaire 17/57 ment rationnel et convenable pour nous, par une attitude fataliste ou Pauvreté et procréation dans les bidonvilles d'Asuncion les couches sociales plus défavo- traditionaliste, ou par la méconnais- risées. Outre Mamdani et Caldwell, sance des moyens contraceptifs. on peut citer Meillassoux (1975), Plutôt, face à une situation d'ex- Nag, Peet et White (1977), Gregory trême pauvreté, ces femmes adop- et Piché (1981), Nag (1981) et Stark tent des stratégies de survie qui con- (1981a, 1981b). Tous ces travaux s'in- sistent à avoir un grand nombre téressent aux populations rurales d'enfants. Ces derniers auront plus des pays non développés. En ce qui tard des activités rémunératrices qui concerne les marginaux urbains, il leur permettront de contribuer au y a un grand manque de recher- soutien de la famille, ou encore ils ches empiriques à partir desquel- participeront aux tâches ménagè- les on pourrait élaborer des hypo- res. Cela ne veut pas dire que les thèses de base. Pourtant, il est très femmes ont des enfants dans le seul 38 tels que Berelson (1969), Cadbury raisonnable d'avancer que pour les but d'en tirer profit. Mais elles voient (1962) et d'autres. familles urbaines défavorisées avoir un certain avantage au fait d'avoir Cette position est fortement cri- beaucoup d'enfants est aussi ration- une famille relativement nombreuse, tiquée par Mamdani (1972), qui attri- nel et convenable que pour les famil- et donc elles se soucient moins de bue l'insuccès d'un programme de les rurales. limiter les naissances. planification familiale mis à l'essai En effet, pour les marginaux, Quelques auteurs ont contesté dans un village du Punjab (Inde) non l'augmentation de la taille de la l'emploi de l'expression « stratégies pas au fait que les villageois étaient famille implique la multiplication, de survie », mais nous la jugeons irrationnels, mais au fait qu'ils dési- réelle ou potentielle, des sources adéquate. Stratégie veut dire dans raient beaucoup d'enfants : ils d'aide économique. Ces enfants ce cas adoption de certains com- avaient besoin de ces enfants pour commencent à travailler à un âge portements qui tendent à réduire augmenter le nombre de travailleurs très précoce, soit dans des activi- les probabilités d'une détérioration dans la famille et améliorer ainsi leur tés rentables, soit dans des tâches des conditions de vie de la famille. probabilité de survie. Récemment, domestiques, qui peuvent avoir Cette détérioration mettrait en dan- Nag et Kak (1984) ont fait une sorte aussi une valeur économique impor- ger l'existence même du groupe de reprise de l'enquête de Mam- tante. Même des auteurs qui con- familial ou de ses membres. En dani, et malgré leur scepticisme à testent le fait que les enfants cons- effet, pour la plupart, les marginaux l'égard des résultats présentés par tituent un avantage économique ont un niveau de vie minimal. Le celui-ci, leurs conclusions appuient admettent qu'ils sont des « fournis- fait que le taux de mortalité infan- l'hypothèse qu'une baisse de la seurs de temps », c'est-à-dire que tile soit deux fois plus élevé dans fécondité se produit seulement leur participation aux activités les bidonvilles que dans l'ensem- quand il y a des changements domestiques libère les adultes d'une ble de la capitale montre jusqu'à majeurs dans la société (dans ce grande partie de ces tâches. Grâce quel point c'est leur existence physi- cas particulier, l'introduction de la à cela, les adultes ont plus de temps que même qui est en jeu. technologie moderne, des innova- pour des activités rentables (Lindert, Pour évaluer l'hypothèse des tions institutionnelles et l'expansion 1980). Dans la population que nous stratégies de survie, nous avons exa- de l'instruction formelle) qui ré- avons étudiée, par exemple, nous miné le comportement procréateur duisent l'utilité économique des avons constaté que la majorité des et les attitudes des femmes mar- enfants. familles marginales n'ont pas de ginales d'Asuncion, capitale et prin- Après plusieurs années de réfrigérateur ou d'eau courante dans cipale ville du Paraguay. Définies recherche, Caldwell (1982, 1983) leur maison. Cela veut dire qu'il faut opérationnellement, les femmes arrive à une conclusion semblable aller au marché ou au dépanneur marginales sont celles qui résident à celle de Mamdani. Selon lui, la du coin chaque jour, voire plusieurs dans les bidonvilles. Naturellement, haute fécondité des populations de fois par jour. Il faut aussi se dépla- notre analyse se limite aux femmes l'Afrique tropicale (et du Tiers cer souvent jusqu'au robinet public en âge de procréer. monde) est le produit d'une stra- le plus proche. Avoir des enfants Dans les bidonvilles d'Asuncion, tégie consciente et rationnelle pour faire ces tâches peut signifier comme dans tous les milieux (même s'il n'utilise pas ces mots). une aide importante. urbains défavorisés de l'Amérique Plusieurs auteurs, en fait, soutien- En d'autres mots, la haute fécon- latine, l'affaiblissement du revenu nent que le fait d'avoir beaucoup dité qui caractérise les femmes mar- que les adultes actifs sont capables d'enfants peut être un comporte- ginales ne s'explique pas, selon de produire entraîne une augmen-
tation du nombre de personnes acti- l'incidence des avortements (si l'on qu'elles sont moins informées ou ves. Plus le revenu des adultes qui suppose que ces derniers sont pour parce qu'elles ont moins de moyens travaillent est faible, plus les mem- la plupart spontanés), ne semblent financiers est difficilement soute- bres de la famille ont des activités pas dépendre du revenu familial. nable. Si elles pratiquent moins la rémunératrices. L'intensification de Par ailleurs, les grossesses non contraception, et si elles commen- l'activité économique de ses mem- désirées ne sont pas plus nombreu- cent à le faire après avoir eu un plus bres est donc une des stratégies ses chez les femmes pauvres que grand nombre d'enfants, c'est vrai- de survie de la famille, pour empê- chez les autres. Enfin, on ne peut semblablement parce qu'elles pré- cher l'aggravation de la pauvreté. pas dire que le rapport de cause fèrent les familles nombreuses, ou On pourrait raisonnablement pen- à effet va dans le sens inverse, et du moins parce qu'elles sont moins ser que le fait d'avoir une famille que c'est parce que les femmes ont motivées à limiter leur famille. On nombreuse pourrait faciliter cette beaucoup d'enfants que le revenu a pu établir, d'ailleurs, un rapport intensification. familial est faible. Cette relation très étroit entre le comportement En effet, l'aggravation de la pau- pourrait se vérifier si nous utilisions en matière de contraception et le vreté semble entraîner aussi une le revenu familial per capita. Dans nombre d'enfants nés vivants que augmentation de la fécondité. Ainsi, ce cas, évidemment, plus la famille les femmes ont vers la fin de leur la fécondité des femmes qui rési- est nombreuse, plus le revenu per période de procréation. En fait, la dent dans les bidonvilles est net- capita tendrait à être faible. Nous variable qui explique statistiquement tement supérieure. L'indice sythé- avons utilisé, précisément pour évi- le mieux la fécondité est le nom- tique de fécondité de ces femmes ter ce biais, le revenu moyen des bre d'enfants vivants lorsque la pour l'année 1984 est de 5,32, alors adultes actifs. Or il est peu vraisem- femme a commencé la contracep- que d'après les résultats de l'En- blable que le revenu des adultes tion. Cela nous porte à penser que quête démographique rétrospective qui ont une activité rémunératrice la fécondité est en effet l'objet d'un de 1977 l'indice est de 2,9 pour l'en- soit déterminé ou influencé par le mécanisme de décision conscient semble de la ville3. Ce qui est plus nombre d'enfants de la famille. et non pas un phénomène aléatoire. intéressant, c'est que même dans Par contre, l'examen du compor- Ce résultat implique également que, le contexte de pauvreté générali- tement en matière de contraception malgré la diffusion des moyens con- sée des bidonvilles, les variations de même que des attitudes mani- traceptifs traditionnels, ces femmes de revenu sont associées à des dif- festées par les femmes elles-mêmes parviennent à avoir un certain con- férences significatives dans le nom- indique que dans ce domaine la trôle sur leur fécondité. bre moyen d'enfants par femme. volonté et la rationalité jouent un Les attitudes révèlent aussi une Indépendamment de la scolarité ou rôle important. Indépendamment de certaine cohérence. Plus la situa- de l'âge des femmes, plus le revenu leur degré de scolarité, plus les fem- tion de la famille est critique, plus de la famille est faible, plus elles mes sont pauvres, moins elles uti- les femmes considèrent que les ont d'enfants. Puisque les différen- lisent de contraceptifs. Quant aux enfants devraient commencer à tra- ces de revenu entre ces familles ne femmes qui ont pratiqué la contra- vailler jeunes et moins elles pen- sont pas très importantes, il appert ception, plus elles sont pauvres, sent que la famille devrait investir que même une amélioration plus elles tendent à la retarder, c'est- dans leur éducation. Autrement dit, modeste de la situation économi- à-dire plus elles ont d'enfants quand plus elles sont pauvres, plus elles que peut avoir un impact significatif elles commencent à utiliser des con- voient les enfants comme une sur la fécondité. traceptifs. source d'aide additionnelle pour la La relation entre le niveau de Notons qu'ici nous ne parlons famille. Qui plus est, ces attitudes fécondité et le degré de pauvreté pas seulement des contraceptifs effi- semblent influencer le comporte- de la famille ne semble pas fortuite. caces, dont l'utilisation suppose, en ment procréateur : les femmes qui Tout d'abord, l'information sur les principe, un certain bagage d'infor- favorisent le travail des enfants et méthodes contraceptives efficaces mation et un certain pouvoir d'achat. qui ne cherchent à leur assurer est très répandue parmi les fem- Nous parlons de toutes les métho- qu'un niveau de scolarisation assez mes marginales, même les plus des, y compris les méthodes tra- faible tendent à avoir une fécondité pauvres et les moins instruites. De ditionnelles, qui sont connues sensiblement supérieure. plus, les facteurs que l'on pourrait même par les femmes les moins On pourrait contester cette rela- juger plutôt indépendants de la instruites et qui sont facilement tion de cause à effet et dire que ces volonté d'atteindre une famille d'une accessibles. Donc l'hypothèse selon attitudes n'expliquent pas la forte certaine taille, tels l'âge à la pre- laquelle les femmes les plus pau- fécondité de ces femmes, mais que, mière naissance, la durée d'expo- vres commencent à pratiquer la au contraire, c'est parce qu'elles ont sition au risque de conception et contraception plus tard parce beaucoup d'enfants qu'elles préfè-
Revue internationale d'action communautaire 17/57 résultats vont dans le sens des suivra durant quelques années. Pauvreté et procréation dans les bidonvilles d'Asuncion hypothèses voulant que plus la Une conclusion importante res- situation économique est grave, plus sort de cette étude : cette popula- les femmes favorisent, consciem- tion a besoin d'un programme sub- ment, une famille nombreuse. ventionné qui rende les méthodes Par ailleurs, on s'en doute, le contraceptives modernes accessi- niveau de scolarisation de la femme bles à tous. Très souvent les fem- est un facteur d'une importance fon- mes essaient de contrôler leur damentale. Nous avons constaté fécondité au moyen de méthodes que, quelle que soit la situation éco- qui ont peu ou qui n'ont pas d'effi- nomique de la famille, la scolarité cacité. Environ 60 % des femmes influe de façon déterminante sur les qui ont pratiqué la contraception ont attitudes de la femme aussi bien utilisé des méthodes traditionnel- que sur son comportement procréa- les au moins une fois. Cela signi- 40 rent voir ces derniers commencer teur. D'un côté, elle contribue à élar- fie qu'elles ne sont pas toujours en à travailler plus jeunes et étudier gir l'horizon et à donner une pers- mesure de contrôler leur compor- moins, de façon à alléger la charge pective différente face à l'avenir et tement reproducteur de façon aussi qu'ils représentent. Toutefois, nous face à la vie en général. D'un autre satisfaisante qu'elles le voudraient. avons trouvé qu'indépendamment côté, le fait d'être plus instruite impli- Il y a, par conséquent, une propor- de l'âge, de la scolarité et du nombre que une marge de manoeuvre plus tion non négligeable de grosses- d'enfants survivants la pratique grande et de meilleures possibili- ses et d'enfants non désirés. actuelle de la contraception est tés de se débrouiller dans l'exis- Étant donné que presque tou- moins importante parmi les femmes tence. Cela signifie également que tes les femmes connaissent les qui veulent que leurs enfants com- la femme est capable de concevoir moyens contraceptifs efficaces, mencent à travailler plus jeunes et des stratégies de survie autres que l'hypothèse la plus plausible est qui pensent ne leur assurer qu'un la procréation et la maximisation de qu'elles recourent aux méthodes tra- niveau de scolarité minimale. Si l'activité économique des enfants. ditionnelles parce que les autres elles avaient acquis ces attitudes Cette étude laisse par ailleurs leur sont financièrement inacces- à cause de la pression que leurs entrevoir l'adoption de nouveaux sibles. Nous ne mentionnons que nombreux enfants représentent, comportements en matière de con- ce dernier facteur, parce que d'après vraisemblablement, elles devraient traception et de procréation parmi cette enquête et les autres auxquel- être plus motivées pour éviter d'au- les générations les plus jeunes. Nos les nous avons participé, l'utilisa- tres grossesses et elles devraient résultats montrent qu'indépendam- tion de contraceptifs ne semble pas donc utiliser plus de contraceptifs. ment du degré de scolarité les fem- entraîner de coûts sociaux. Autre- D'autre part, on doit croire que si mes de moins de 35 ans ont beau- ment dit nous n'avons pas vu d'in- elles ont moins recours aux con- coup plus souvent recours aux con- dices d'une pression sociale ou d'un traceptifs actuellement, c'est parce traceptifs et commencent à les uti- contrôle émanant de la commu- qu'elles sont plus enclines à avoir liser avant d'avoir beaucoup d'en- nauté, qui empêcherait ou rendrait d'autres enfants. Rappelons qu'il fants. Il est possible qu'à cause des difficile l'obtention des moyens con- s'agit de femmes qui, en principe, changements qui se sont produits traceptifs. Les femmes discutent de sont exposées au risque de con- dans la société au cours des der- ces moyens et du comportement ception. nières années les familles ou les procréateur en général de façon très Nous croyons donc avoir de bon- femmes soient en train de mettre libérale et très ouverte. En fait, elles nes raisons d'affirmer que les fem- en pratique de nouvelles stratégies font preuve d'une ouverture d'es- mes ont ces attitudes à cause de de survie. Ces stratégies seraient prit plus grande que celle qui paraît l'extrême pauvreté et que ces atti- vraisemblablement moins axées sur exister dans les couches sociales tudes, à leur tour, contribuent à favo- l'augmentation du nombre d'enfants plus favorisées. riser une fécondité plus élevée. et favoriseraient peut-être davantage Le budget et le pouvoir d'achat Il faut tenir compte du fait que la scolarisation des enfants. Quoi des marginaux étant très restreints, ces résultats proviennent d'une qu'il en soit il est évident que le ce programme devrait être subven- analyse transversale, raison pour niveau de fécondité des marginaux tionné, sinon totalement, du moins laquelle nous n'avons pas suffisam- accuse une tendance à la baisse. en grande partie. Ce serait le seul ment d'information pour confirmer Les pratiques de contraception des moyen d'atteindre la majorité de ces hypothèses avec plus de cer- nouvelles générations semblent indi- cette population. Il importe de sou- titude. Mais il est évident que nos quer que cette tendance se pour- ligner, par ailleurs, que ce pro-
gramme viserait à aider ces gens à planifier leur famille et non pas à établir des mécanismes pour con- trôler leur reproduction. Malgré leur similitude apparente, ces deux orientations sont diamétralement opposées. Le contrôle de la popu- lation comporte une intervention effectuée et dictée de l'extérieur. La planification familiale, dans la mesure où elle est libre de propa- gande et de moyens de pression, aide les familles à contrôler elles- mêmes leur comportement procréa- teur, en fonction de leurs besoins et de leurs choix. NOTES Bibliographie La question qui se pose main- 1 Cet article est basé sur une thèse de THE AMERICAN ASSEMBLY. P.M. HAU- tenant, est de savoir dans quelle Ph. D. de l'auteur, récemment soumise SER, éd. 1963. The Population Dilemma. mesure ce programme modifierait à l'Université de Montréal. Englewood Cliffs, N.J., Prentice Hall. 2 la fécondité des femmes margina- Ces taux ont été calculés par la méthode ARGUELLO, 0. 1981. « Estrategias de super- les. Nous avons vu qu'une certaine P/F de Brass, à l'aide des modèles de vivencia : un concepto en busca de con- fécondité de Coale et Trussell (voir Coale tenido », Demografia y Economia, 15, 2. rationalité amène ces femmes à etTrussell, 1974; Nations Unies, 1983). avoir beaucoup d'enfants, et à en BERELSON, B. 1969. « Beyond Family Plan- 3 Malheureusement, nous n'avons pas d'in- ning », Studies in Family Planning, 38. avoir d'autant plus que la situation dice comparable plus récent. Les données BONDESTAN, L. 1980. « The Political Ide- économique de la famille se dété- du dernier recensement de la capitale ology of Population Control », dans riore. Nous avons vu aussi qu'une n'ont pas encore été publiées, et le rap- L. BONDESTAN et S. BERGSTROM. port de l'Enquête nationale de fécondité amélioration de la situation écono- de 1979 n'a pas fourni cet indice. Poverty and Population Control, New mique de la famille, même s'il ne York, Academic Press. s'agit pas d'une amélioration radi- BRASS, W. et autres. 1973. The Demography cale, peut produire des change- of Tropical Africa. Princeton, Princeton University Press. ments importants du comportement BRASS, W. 1975. Methods for Estimating Fer- procréateur. tility and Mortality from Limited and Vraisemblablement, si l'on veut Defective Data. Chapel Hill, University provoquer une baisse substantielle of North Carolina Press. de la fécondité dans la population BRIZUELA DE RAMIREZ, F. 1981a. « Fecun- marginale, un programme de pla- didad general y fecundidad diferencial en el Paraguay », dans STP, CELADE et nification familiale devrait être inté- DGEC. Encuesta Demografica Nacional gré à un programme global d'amé- del Paraguay : 1977. San Jose, CELADE. lioration des conditions de vie de BRIZUELA DE RAMIREZ, F. 1981b. « La cette population. Cette dernière doit fecundidad », dans Encuesta Nacional avoir accès à une meilleure scola- de Fecundidad, Asuncion, Paraguay, Direccion General de Estadistica y risation et à des emplois produc- Censos. tifs et stables. Quelqu'un a affirmé CADBURY, G.W. 1962. « Outlook for Govern- que pour les pays du Tiers monde ment Action in Family Planning in the la meilleure pilule est le dévelop- West Indies », dans C.V. KISER, éd. pement. En ce qui concerne les Research in Family Planning. Princeton, Princeton University Press. populations urbaines marginales, nous ne sommes sans doute pas CALDWELL, J.C. 1982. Theory of Fertility Decline. New York, Academic Press. très loin de la vérité si nous affir- CALDWELL, J.C. 1983. « Direct Economic mons que la meilleure pilule est la Costs and Benefits of Children », dans justice. R.A. BULATAO et R.D. LEE. Determi- Juan F. Schoemaker nants of Fertility in Developing Countries. New York, Academic Press. Département de démographie Université de Montréal COALE, A. et J. TRUSSEL. 1974. « Model Fertility Schedules Variations in the Age
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