FROM HARM TO HOME - RELIEFWEB
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
#7 Avril | Mai 2019 www.rescue.org From Harm To Home Le Bulletin bimestriel d’information de l’International Rescue Committee au Tchad Relèvement économique: 1000 femmes formées aux activités génératrices de revenus FOCUS | P. 4 SANTE RELEVEMENT ECONOMIQUE Deux postes de santé nouvellement créés Premières récoltes pour les groupements dans la province du Lac | P. 3 maraîchers d’Iriba et Guéréda | P. 8 EVENEMENT ZOOM SUR NOS TALENTS Préserver l’accès humanitaire en période de Docteur Moumouni Bonkoungou: clinicien risque : 20 points focaux sécurité formés à spécialiste en santé mentale à Iriba et l’analyse des risques | P. 6 Farchana | P. 10
EDITORIAL DE FRANCIS SALA-DIAKANDA, DIRECTEUR PAYS “Il n’est de richesses que d’hommes” employés et pour renforcer Parlant de développement à long d’avantage leur engagement en- terme, ce numéro 7 de notre bulle- vers les valeurs, la mission et le tin d’information met en avant un travail de l’organisation. Ceci dans volet particulièrement important de le but d’avoir des équipes toujours notre programme de bien-être plus motivées et efficaces pour le économique : les actions généra- bénéfice des populations que trices de revenus. Bien plus nous servons. Dans notre straté- qu’une aide ponctuelle, l’objectif gie pays, l’accent est mis sur les d’IRC est de renforcer les capaci- hommes : avoir des hommes et tés économiques de nos bénéfi- femmes de qualité à la place qu’il ciaires sur un long terme, en per- faut. « Il n’est de richesses que mettant aux bénéficiaires de créer d’hommes » disait l’économiste des chaînes de valeur. Ainsi, vous français Jean Bodin. C’est effecti- verrez que grâce à l’appui d’IRC, vement grâce au fort engagement certaines femmes ont ouvert une de mes collaborateurs que notre boulangerie dans le camp de réfu- stratégie pays peut évoluer de giés d’Iridimi (province du Wadi- Chers partenaires, chers collabo- bien à excellent. Fira), d’autres ont installé un stand rateurs, de vente de produits céréaliers sur Je vous avais parlé de notre vo- le marché de Kiskra (province du lonté de réduire nos équipes au Lac), d’autres encore ont ouvert profit des services techniques éta- une boucherie ou encore une en- S uite à une enquête in- tiques, notamment en vue de ren- terne que nous avons treprise de vente de moutons et forcer les ressources humaines réalisée en fin d’année de chèvres. Les belles histoires des districts sanitaires dans le dernière sur l’engage- sont nombreuses, je vous laisse cadre de notre approche d’intégra- ment des employés IRC Tchad les découvrir. tion. Il est ainsi crucial que toute dans le travail, l’équipe dirigeante l’énergie que nous mettons à for- Bonne lecture! a entamé une série de discussions mer nos collaborateurs soit trans- ouvertes dans tous les bureaux, mise et rediffusée au niveau de dans le but d’échanger avec le notre partenariat avec les services personnel sur les résultats de l’en- techniques étatiques, afin d’assu- quête. J’ai ainsi eu la joie d’effec- rer un plus grand ancrage et une tuer plusieurs visites de terrain afin plus grande durabilité de nos inter- d’identifier avec l’ensemble des ventions dans l’optique de contri- équipes IRC Tchad les actions buer à un développement à long appropriées pour répondre aux terme. préoccupations principales des The International Rescue Committee Programme du Tchad Rue de Bordeaux, Béguinage | 2e arrondissement LA MISSION D’IRC B.P: 5208, N’Djaména | Tel: +235 22 51 17 21 Aider les personnes dont les vies et les moyens de subsistance sont D6789:8;7 ?69@:6AB: Francis Sala-Diakanda ébranlés par les conflits et les CAB:76>;:8;7D catastrophes à survivre, se relever et Aleksandra Roulet-Cimpric, Abdelaziz Abdelmadjid, Oussoumane prendre en main leur avenir. Aboubacar, Mouhamadou Diaw, Alexis Dingamadji, Nestor Dji- madoumnodji, Lucien Kikwayaba, Solange Koi, Goita Oussmane, Jacques Savalam, Alladoum Tamardje, R8
SANTE Deux postes de santé nouvellement créés dans la province du Lac D ans le souci d’offrir aux bé- néficiaires des services de soins durables au plus proche de chez eux, IRC Tchad et l’équipe cadre du district sa- nitaire de Liwa (province du Lac) ont ouvert le 11 avril 2019 deux postes de santé dans les sites des personnes déplacées internes (PDI) de Magui et Salia, grâce au financement de l’Agence suédoise de développement et coopération internationale (ASDI) dans le cadre du projet « Fournir et améliorer l’assistance humanitaire axée sur la santé, la nutrition et la pro- tection des populations touchées par l’urgence dans la région du Lac- Tchad». Ces postes de santé, constitués cha- cun d’un infirmier, d’une sage-femme et d’un agent technique de santé re- crutés par le ministère de la Santé publique et pris en charge par IRC, permettent d’assurer les soins de san- té primaires. Ils offrent un paquet mini- mum d’activités comprenant des soins curatifs, préventifs et promotionnels Selon le responsable du nouveau ments ont été réalisés dans cette de santé et nutrition à destination de poste de santé de Magui, plus de 500 structure sanitaire en miniature. Des 8 500 PDI ainsi qu’aux populations consultations ont été enregistrées le postes de santé qui, peut-être, pour- des alentours des cantons. Une ou- premier mois de l’ouverture du poste, ront être érigés par la suite en centres verture salutaire pour les membres de avec un taux de fréquentation crois- de santé afin de couvrir au maximum la communauté déjà durement affec- sant et un engouement de la popula- les besoins des bénéficiaires. tés par la crise dans la province du tion. Au mois de mai, cinq accouche- Lac. Quelles sont vos premières impressions après votre consultation dans ce nouveau poste de santé ? « Je suis rassurée ! L’ouverture de ce poste de san- té est une révolution pour nous ! Je n’ai plus besoin d’attendre l’arrivée hebdomadaire de la clinique mo- bile. Le personnel soignant est disponible tous les jours. Ils effectuent de bonnes prises en charge gra- tuites. Nous pouvons venir à n’importe quelle heure, ce qui nous laisse la possibilité d’effectuer nos di- vers travaux. J’aimerais remercier IRC de nous faire bénéficier d’un poste de santé pour les soins gratuits et d’un centre des femmes pour la protection contre les violences basées sur le genre. » Fanta Kourou, 23 ans, venue consulter au poste de santé de Magui 3
FOCUS PRÈS DE 1000 FEMMES FORMÉES AUX ACTIVITÉS GÉNÉRATRICES DE REVENUS DANS LES PROVINCES DU LAC ET DU WADI-FIRA Certaines ont ouvert une boulangerie, d’autres un salon de coiffure ou encore un stand de © IRC Tchad vente de produits agricoles sur le marché. Que ce soit dans la province du Lac ou du Wadi -Fira, près de 1 000 femmes ont bénéficié d’un programme d’IRC pour mettre en place des activités génératrices de revenus. Reportage. E lle a installé son stand à l’en- par le programme de Bien-être écono- est passé de 80 000 à 140 000 Fcfa. trée du marché hebdoma- mique d’IRC afin de bénéficier d’une Le commerce des produits agricoles daire de Kiskra (province du formation en entreprenariat et de m’a été transmis par mes parents de- Lac), et depuis trois semaines mettre en place une activité généra- puis mon plus jeune âge car ils étaient qu’elle vient chaque mercredi, les trice de revenus. « Grâce à IRC, j’ai des grands producteurs agricoles. J’ai clients se bousculent devant ses bas- créé mon entreprise de vente et de choisi d’appeler mon entreprise San- sines de céréales. Assida Alhadji Ka- stockage de produits agricoles. En dou Koussinia, qui veut dire « Bonne naye, 21 ans, trois enfants, a été ciblée quatre semaines, mon chiffre d’affaires semence » en Boudouma. » 4
Remise de l’allocation de départ de 80 000 Fcfa aux bénéficiaires par le Délégué de l'action sociale, Dilerom (province du Lac) Les histoires comme celle d’Assida protection et l’autonomisation des Dans la province du Lac, les bénéfi- sont nombreuses parmi les bénéfi- femmes et filles en dotant les femmes ciaires de ce programme d’activités ciaires d’IRC Tchad, qui a pour l’une de compétences et connaissances génératrices de revenus sont en majo- des priorités de soutenir les femmes entrepreneuriales nécessaires pour rité des femmes déplacées internes et et filles dont les vies et les moyens de débuter ou développer une activité membres de la communauté hôte, subsistance ont été ébranlés par les commerciale et de disposer de fréquentant les centres des femmes crises, en leur donnant accès à l’utili- sources de revenus fiables et diversi- d’IRC. Elles ont été identifiées sur la sation et au contrôle des ressources fiées. base d’un référencement réalisé par le financières afin de pouvoir survivre, se programme de Protection et Autono- relever et prendre leur avenir en main. misation des Femmes, dans le res- pect strict de principes directeurs de Dans sa stratégie globale de réponse confidentialité. Dans le Wadi-Fira, les en faveur des populations frappées femmes réfugiées et membres des par les crises, l’IRC s’est engagé à communautés hôtes ont été identi- utiliser 25% de son financement dans fiées suivant des critères de vulnérabi- les activités de transfert monétaire lité utilisés lors du ciblage cash en d’ici 2020. Au Tchad, IRC avait déjà priorisant les femmes chefs de mé- mis en place des distributions de cash nages. inconditionnel à usages multiples réa- lisées au profit de 2 820 bénéficiaires Pendant plus d’un mois, toutes ces dans la province du Lac grâce aux femmes ont été formées par les assis- financements des bailleurs OFDA/ tants mobilisateurs des programmes USAID (Bureau américain pour l'assis- d’IRC Tchad sur l’entreprenariat tance en cas de catastrophe à l'étran- CEFE (Compétences Economiques ger), GAC (Affaires mondiales du Ca- basées sur la Formation des Entre- nada) et ASDI (Agence suédoise de prises), l'un des principaux pro- développement et coopération inter- grammes de développement de l’en- nationale) et 2 294 ménages bénéfi- treprenariat à l’échelle mondiale. Les ciaires dans les provinces du Wadi- assistants mobilisateurs, formés en Fira grâce aux financements de la amont par des formateurs certifiés Fondation Bloomberg. Depuis le mois CEFE, ont ainsi permis aux femmes de mars, IRC s’est investi dans la de maitriser les contours de la créa- mise en œuvre d’activités intégrées tion et de la gestion d’une entreprise, de renforcement économique de 945 la théorie des « 4P » (Produit, Place, femmes vulnérables dans ces deux Prix, Promotion) fondamentale dans provinces. Ces activités ont principale- les affaires, mais aussi plus simple- Assida Alhadji Kanaye vendant ses condiments sur le ment pour objectif de promouvoir la ment d’être en mesure de connaitre marché de Kiskra (province du Lac) 5
FOCUS / EVENEMENT leur chiffre d’affaire, leurs gains ou membres du Comité Départemental ciaire s’est vu remettre par IRC grâce leurs pertes. d’Action (CDA) et de Comité Local à un partenariat avec Express Union d’Accord (CLA). Afin de renforcer la une allocation en espèce de 80 000 Chaque bénéficiaire a été assistée cohésion sociale entre les bénéfi- Fcfa, lui permettant de démarrer son pour élaborer un plan d’affaire dans un ciaires et limiter les risques de concur- activité. Des subventions qui s’élèvent domaine porteur, qui lui est familier ou rence, les bénéficiaires ont été structu- ainsi à plus de 75 millions de Fcfa. Les qui lui tient à cœur. Boucherie, boulan- rées en groupements composés cha- cérémonies de remise de cette alloca- gerie, salon de coiffure, vente de cun de 10 à 15 membres. A la fin du tion de départ ont été l’occasion pour chèvres ou de produits agricoles, les mois d’avril, lors de plusieurs cérémo- les autorités administratives d’ « inciter nombreux plans d’affaires ont été vali- nies officielles en présence des autori- les bénéficiaires à se mettre rapide- dés en collaboration avec les tés administratives, chaque bénéfi- ment au travail afin de générer des revenus pour améliorer leur bien-être socio-économique afin d’éviter de re- courir aux stratégies d'adaptation né- gatives, susceptibles de les exposer davantage à des violences sexistes ». Chaque groupement a ensuite été as- sisté par l’équipe d’IRC effectuer les achats des équipements / marchan- dises de démarrage. Afin de renforcer un suivi de proximité auprès de ces bénéficiaires, l’équipe du programme a mis en place des outils de suivi hebdo- madaires et mensuels afin d’apporter des conseils et un accompagnement nécessaire pour pérenniser les activi- tés. Dès les premières semaines, les bénéficiaires avaient enregistré des bénéfices de 20 000 à 30 000 FCFA en moyenne. Un pari réussi. Suivi de Fatime Mal-Yacine, 30 ans, bénéficiaire d’AGR en embouche caprine à Salia (province du Lac) Préserver l’accès humanitaire en période de risque : 20 points focaux sécurité formés à l’analyse des risques « Vous allez vous répartir en deux groupes. Un groupe va jouer les re- belles, le 2ème groupe va jouer les humanitaires. Le but de ce jeu de rôle est de négocier l’accès hu- manitaire auprès des rebelles. » C’est saires à l’évaluation des risques, qu’ils soient d’ordre des infrastructures, du trouble à l’ordre publique ou du conflit, en passant par la criminalité ou le mili- tantisme. Vingt personnes dont sept femmes ont participé à l’atelier. «Depuis deux ans, nous veillons à ce niveau de risque dans chaque base, avec une analyse de fond faite selon trois niveaux : les équipes, les pro- grammes et l’organisation. Cela tou- jours dans l’optique de préserver l’ac- cès humanitaire en période de risque. « J’ai beaucoup insisté sur la nécessi- par cette mise en scène que s’est ou- que les questions liées à la sécurité té d’apprendre à communiquer, à véri- vert l’après-midi du 2ème jour de forma- soient ouvertes à nos collègues fier ses sources d’information, à les tion des points focaux sécurité d’IRC femmes. Pas seulement pour respec- recouper et à analyser les données » Tchad, chargés de la gestion de la ter l’équilibre du genre, mais aussi témoigne le formateur. Car en plus sûreté et de la sécurité sur leurs sites, parce que cela nous permet d’avoir d’avoir une bonne connaissance du en plus de leurs fonctions principales. une meilleure vue et appréciation du milieu et des principes humanitaires, Cette formation animée par Franck contexte. Lorsque la remontée des les points focaux sécurité doivent être Janouin, Conseiller IRC Sureté et Sé- renseignements se fait uniquement reconnus par leurs pairs à l’interne et curité pour l’Afrique de l’Ouest, a eu par les hommes, on remarque une à l’externe, avoir de bonnes capacités lieu du 6 au 8 mai à N’Djaména, avec perte d’informations», affirme Franck de communication et savoir garder la pour objectif principal de donner aux Janouin. Les participants ont bénéficié tête froide en toutes circonstances. points focaux sécurité les clefs néces- d’outils qui permettent d’évaluer le Tout un programme ! 6
Zara Moussa Djali, la boulangère du camp de réfugiés d’Iridimi E lle l’a appelée la boulangerie « Nour Al Houda », c’est-à-dire « La Lumière», comme pour témoigner du rayon de soleil qui illumine sa vie depuis l’ou- verture de sa boulangerie au début du mois de mai 2019. Zara Moussa Djali, réfugiée de 61 ans originaire du Soudan et vivant depuis 16 ans dans le camp d’Iridimi (province du Wadi-Fira) a réalisé un de ses rêves grâce à l’appui d’IRC Tchad et de son partenariat avec la Fondation Bloomberg. Cette veuve mère de huit enfants a bénéficié de la formation en entreprenariat menée par IRC du 6 février au 20 avril dans la province du Wadi-Fira pour lancer son propre commerce. « Avant d’avoir accès aux services d’IRC, j’étais au courant de beaucoup d’activités qu’IRC apporte aux personnes les plus vulnérables dans notre camp depuis 2017. L’année dernière, lors de la saison des pluies où ne nous pouvions Fcfa pour monter son affaire, soit une mise de départ de plus cultiver, plusieurs d’entre nous ont été sélectionnées 800 000 Fcfa pour ouvrir la boulangerie. « Nous travaillons pour bénéficier d’une distribution d’argent. Je n’ai pas eu la toutes ensemble avec une répartition des taches bien pré- chance d’être parmi ces personnes et avoue les avoir regar- cise, comme dans toute entreprise, selon ce que nous dées avec envie » témoigne-t-elle. Mais la patience aidant, avons appris à la formation. Ainsi nous avons une respon- Zara Moussa Djali a ensuite été choisie par le personnel sable des Ressources Humaines, deux trésorières, deux IRC lors de la mise en place de l’Association d’Epargne et secrétaires et cinq chargées de clientèle. Nous nous de Crédit (AVEC) puis pour la formation en entrepreneuriat sommes réparties en deux groupes afin de nous relayer qui a rassemblé 75 femmes vulnérables des camps de réfu- quotidiennement pour faire fonctionner l’entreprise et pou- giés de Touloum et Iridimi et de deux villages hôtes. Suite à voir mener également d’autres activités individuelles » dé- cette formation en entreprenariat, chaque femme a été en taille-t-elle. mesure d’identifier le commerce qu’elle souhaitait ouvrir. Les premiers bilans sont plutôt positifs et l’espoir est très grand pour les dix femmes entrepreneures. Le jour de l’ou- verture de la boulangerie, elles ont vendu à la communauté réfugiée d’Iridimi, aux populations des villages environnants et aux équipes des différentes institutions qui interviennent dans le camp pas moins de 101 pains. A peine un mois plus tard, elles en vendaient déjà quotidiennement plus de 200 avant midi. « Notre grosse journée est le samedi, jour de marché au camp d’Iridimi. Le dimanche, la boulangerie est fermée, nous nous reposons. » L’ouverture de cette boulangerie offre à Zara et à ses asso- ciées la possibilité d’être un peu plus indépendantes des appuis des autres pour répondre à leurs besoins du quoti- dien. Il semble déjà loin le temps où Zara devait marcher chaque jour 15 kilomètres pour aller faire des travaux cham- pêtres tels le cerclage des champs et la récolte des cultures et gagner entre 500 et 750 Fcfca pour tenter de survivre. Avec la vente de ses pains, Zara gagne entre 5000 et 8000 Fcfa par jour travaillé. Une recette qui permet de couvrir les Certaines femmes se sont rassemblées pour mieux réussir. frais de location du local et des matières premières ainsi C’est ainsi que Zara a élaboré un plan d’affaires en associa- que de faire vivre plus convenablement sa famille. « Comme tion avec neuf autres femmes désireuses comme elle d’ou- toutes les autres femmes avec qui je travaille, je suis très vrir une boulangerie. « Dès le début, l’idée de la boulangerie fière de mon activité qui est rentable et fonctionne bien. Ce- s’est imposée à moi. Même s’il y a déjà quelques boulange- la nous donne un peu de dignité auprès de notre entourage ries dans le camp, le besoin en pain est très élevé. Avec les et même dans nos ménages » témoigne-t-elle, les yeux pé- compétences commerciales que nous avons acquises pen- tillants de joie et de fierté. dant la formation, nous avons plus de clients et de points de Avec mille idées en tête pour développer son entreprise, vente que nos concurrents, et tous nos pains sont vendus son prochain défi consiste à acquérir son propre local pour y avant midi. » installer sa boulangerie et réduire le coût lié à la location. Chaque entrepreneure, en plus d’un appui et d’un suivi ré- « Même à 61 ans, je ne baisse jamais les bras. J’apprends gulier des agents IRC, a reçu une subvention de 80 000 à mes enfants à être créatifs et courageux, car dans la vie, tout n’est pas facile mais tout est possible ! » 7
RELEVEMENT ECONOMIQUE Premières récoltes pour les groupements maraîchers d’Iriba et Guéréda O ignons, tomates, carottes, d’une semaine pour 140 000 Fcfa, compostage, suivie de la mise en pastèques, laitues, courges, sans compter une quinzaine de place d’un composte dans chaque site. navets et piments. Ce sont caisses invendables à cause de l’inva- Lors de ces formations, un accent par- les fruits des premières ré- sion d’insectes. A Machallah, la vente ticulier est mis sur les techniques mo- coltes des femmes des huit groupe- de courges et de navets a rapporté dernes et adaptées au changement ments maraîchers constitués à Iriba et 57 000 FCFA en une semaine. climatique. Les groupements sont su- Guéréda (province du Wadi-Fira) de- pervisés par les mobilisateurs commu- puis le mois de novembre grâce au Depuis le début du projet, IRC Tchad a nautaires appuyés par les agents de financement de la Fondation Bloom- doté les groupements en semences, terrain IRC en charge des moyens de berg. Ces groupements, composés de outils aratoires, motopompes, cubes subsistance et par le partenaire de femmes issues de ménages vulné- d’eau et produits phytosanitaires pour l’ANADER. Le principal défi de ces rables, ont pour but d’augmenter les lutter contre les parasites et a organisé groupements est lié à la faible disponi- rendements des cultures grâce à des en janvier dernier en partenariat avec bilité de l’eau dans la zone. Si certains techniques innovantes afin d’augmen- l’ANADER (Agence Nationale d’Appui puits sont presque taris, des dé- ter les revenus des ménages et d’amé- au Développement Rural) une forma- marches sont en cours pour en cons- liorer leur alimentation. 90% des ré- tion théorique et pratique sur les tech- truire de nouveaux et en réhabiliter coltes sont destinées à la vente, les niques de mise en place des cultures certains. Dans le groupement de Ma- 10% restants étant gardés pour leur maraîchères. 110 femmes ont pu amé- challah, les bénéficiaires ont creusé consommation. Dans le groupement liorer leurs connaissances techniques des puits traditionnels pour pallier ce de Baronfollo par exemple, les femmes dans la production moderne des cul- problème. Les femmes n’ont pas dit ont effectué leur 3ème récolte : 40 tures maraîchères. Cette formation a leur dernier mot ! caisses de tomates vendues en moins été complétée par une formation sur le 8
Hawa Barh Idriss, 39 ans, Andjilé, Guéréda Que cultivez-vous ? éviter les engrais chimiques en utili- Combien de kilos de légumes avez- sant les biomasses et utiliser les se- vous vendus? Je cultive des choux, des oignons, de mences locales. l’ail, de l’oseille, des carottes, des sa- Nous vendons les légumes en sacs de lades, des concombres, des pas- Combien êtes-vous de femmes 50 kilos. Nous avons pour l’instant tèques et de la roquette. Avant qu’IRC dans votre groupement et comment vendu 8 sacs au marché de Kounoun- ne vienne nous former et nous fournir vous répartissez-vous le travail ? gou, pour une recette de 21 000 Fcfa. des outils et des semences pour dé- marrer mon activité, je cultivais déjà Nous sommes au nombre de 23 et Quel est votre principal défi? des tomates, de l’ail, du piment, des sommes divisées en 3 équipes, tra- vaillant chacune durant une semaine. Nous rencontrons des problèmes avec oignons, des aubergines et de la sa- Nous nous répartissons le travail entre les animaux qui détruisent souvent lade. Mais le niveau de rendement le sarclage, l’irrigation ou encore la nos cultures. Plus de 40 pieds de to- était bien plus faible, puisque par récolte. Chaque jeudi, j’organise des mates ont été complètement détruits. exemple l’irrigation se faisait manuel- réunions avec tous les membres du En attendant de pouvoir mettre en lement alors que nous disposons groupe afin de discuter des avancées place une clôture, nous faisons des maintenant de motopompes. J’ai ap- et trouver des solutions aux éventuels tours de garde jours et nuits. pris entre autres les spécificités des différents types de cultures, comment problèmes. « J’ai appris les spécificités des différents types de cultures, comment éviter les engrais chimiques et utiliser les semences locales. » 9
ZOOM SUR NOS TALENTS Docteur Moumouni Bonkoungou Clinicien spécialiste en santé mentale à Iriba et Farchana A u Tchad, comme dans beau- coup de pays africains, les malades mentaux ne sont pas considérés et les maladies mentales peu connues. Les malades sont souvent vus comme étant possé- dés par de mauvais esprits. En dehors du service de psychiatrie à N’Djaména composé d’un psychiatre âgé et ma- lade, il n’existe pas de structure qui les prenne en charge. Cependant, un homme se bat tous les jours pour faire reconnaître ces maladies stigmatisées et mésestimées. Cet homme, c’est le Docteur Moumouni Bonkoungou, clini- cien spécialiste en santé mentale pour IRC à Iriba (province du Wadi-Fira) et Farchana (province du Ouaddaï). Origi- naire de Bobo-Dioulasso au Burkina- Faso, il a fait en 2011 le choix difficile de quitter sa femme et ses trois enfants pour transmettre son savoir et aider les malades mentaux du Tchad à se re- construire. « Les maladies dont le taux de létalité est faible ne constituent pas une 1ère urgence en Afrique. Au ni- veau national, la santé mentale est souvent reléguée au second plan. Mais en attendant, les gens souffrent de nombreux traumatismes. Il est impératif d’apprendre à protéger, aimer et soi- gner ces malades» témoigne-t-il. Le Dr Bonkoungou travaille pour IRC depuis juin 2017 avec pour mission principale de former les médecins, les infirmiers ainsi que les relais commu- nautaires en santé mentale, en plus de ses consultations et entretiens psycho- logiques. D’abord présent dans les camps de réfugiés de la province du Lac, Wadi-Fira, Ouaddai et Ennedi Est, il s’est consacré à partir de 2018 uni- quement aux provinces de l’Est du infirmiers dans un pays où il n’y a qu’un mentale. Des gens viennent ici depuis Tchad avec un objectif en tête : faire en seul psychiatre. On ne peut pas ren- le Soudan ou la Centrafrique pour bé- sorte que tous les infirmiers soient ca- voyer un malade mental soi-disant néficier de consultations » constate-t-il. pables de prendre en charge les ma- parce qu’il n’y a pas de spécialistes. Ce lades mentaux, de la même manière n’est pas une excuse acceptable. Le Dr Bonkoungou, avec son équipe que n’importe quelle maladie. «Ma plus Alors, à mon humble niveau, je pour- d’IRC Tchad, soigne diverses maladies grande fierté est d’avoir formé tous ces vois le pays en spécialistes en santé mentales et neurologiques comme 10
l’épilepsie, la psychose, la dépression, voient pas, ils ne peuvent pas croire. Et ratrices de revenus grâce à laquelle elle l’état de stress post traumatique ou de pourtant, s’ils connaissaient toutes les a monté son petit commerce. Elle est stress chronique et les maladies psy- histoires terribles qu’on me confie tous maintenant réinstallée au Canada avec chosomatiques. L’épilepsie constitue la les jours… » ses filles et son fils. 1ère cause en santé mentale dans les camps de l’Est, avec plus de 46,88% Et le docteur d’évoquer le cas de cette Ou encore cet homme, arrivé du Sou- d’épileptiques parmi les malades qui femme en Centrafrique violée avec ses dan et souffrant de troubles, d’agita- viennent consulter dans les 10 camps deux filles jusqu’à l’évanouissement, tions, de délires, d’hallucinations, de de l’Est (73,8% de réfugiés, 26,2 % sous les yeux de son petit garçon, nudité. Il a été enfermé dans un hangar d’autochtones). « L’épilepsie est sou- après que son mari a été tué devant sans soin pendant des années, toujours vent liée au traumatisme psychologique eux par les milices anti-balaka. Arrivée nu. « C’est là que je l’ai rencontré. Je vécu lors de la guerre et de la fuite des à Farchana en état de stress post- lui ai donné des médicaments et suis populations de chez eux, combinée au traumatique avec des cauchemars, des venu le voir très régulièrement. Un jour stress qui est souvent un facteur dé- maux de tête, une hypervigilance, il lui je suis arrivé pour ma visite habituelle clencheur. De nombreux traumatismes a été extrêmement difficile d’avouer son avec mon assistante et il a cherché à sont liés aussi aux violences basées histoire. Après plusieurs longues con- se couvrir. Un déclic s’était produit. Il sur le genre, comme les viols ou les sultations avec le Dr Bonkoungou et un est ensuite venu par lui-même au mariages forcés » affirme-t-il. « Notre traitement médicamenteux approprié, centre pour se faire soigner et travaille plus grande difficulté vient du fait qu’on elle a réussi à se libérer et à tout racon- maintenant comme blanchisseur. C’est ne se sent pas compris par ceux qui ter. Elle a été orientée vers une ONG pour des personnes comme eux que je nous entourent. Quand les gens ne qui mettait en place des activités géné- me bats. » Formation des prestataires de soins (responsables des centres de santé, chefs de zone, infirmiers et agents IRC) à Iriba sur la prise en charge des maladies mentales et neurologiques 11
IRC TCHAD EN IMAGE Activités récréatives des femmes dans un centre des femmes de Dar El Kheir (province du Lac) 12
Vous pouvez aussi lire