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#7 Avril | Mai 2019
                                                                           www.rescue.org

                 From Harm To Home
Le Bulletin bimestriel d’information de l’International Rescue Committee au Tchad

                Relèvement économique:
                1000 femmes formées aux activités
                génératrices de revenus
                                               FOCUS | P. 4

 SANTE                                         RELEVEMENT ECONOMIQUE
 Deux postes de santé nouvellement créés       Premières récoltes pour les groupements
 dans la province du Lac | P. 3                maraîchers d’Iriba et Guéréda | P. 8

 EVENEMENT                                     ZOOM SUR NOS TALENTS
 Préserver l’accès humanitaire en période de   Docteur Moumouni Bonkoungou: clinicien
 risque : 20 points focaux sécurité formés à   spécialiste en santé mentale à Iriba et
 l’analyse des risques | P. 6                  Farchana | P. 10
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EDITORIAL DE FRANCIS SALA-DIAKANDA, DIRECTEUR PAYS

 “Il n’est de richesses que d’hommes”
                                           employés et pour renforcer               Parlant de développement à long
                                           d’avantage leur engagement en-           terme, ce numéro 7 de notre bulle-
                                           vers les valeurs, la mission et le       tin d’information met en avant un
                                           travail de l’organisation. Ceci dans     volet particulièrement important de
                                           le but d’avoir des équipes toujours      notre programme de bien-être
                                           plus motivées et efficaces pour le       économique : les actions généra-
                                           bénéfice des populations que             trices de revenus. Bien plus
                                           nous servons. Dans notre straté-         qu’une aide ponctuelle, l’objectif
                                           gie pays, l’accent est mis sur les       d’IRC est de renforcer les capaci-
                                           hommes : avoir des hommes et             tés économiques de nos bénéfi-
                                           femmes de qualité à la place qu’il       ciaires sur un long terme, en per-
                                           faut. « Il n’est de richesses que        mettant aux bénéficiaires de créer
                                           d’hommes » disait l’économiste           des chaînes de valeur. Ainsi, vous
                                           français Jean Bodin. C’est effecti-      verrez que grâce à l’appui d’IRC,
                                           vement grâce au fort engagement          certaines femmes ont ouvert une
                                           de mes collaborateurs que notre          boulangerie dans le camp de réfu-
                                           stratégie pays peut évoluer de           giés d’Iridimi (province du Wadi-
Chers partenaires, chers collabo-          bien à excellent.                        Fira), d’autres ont installé un stand
rateurs,                                                                            de vente de produits céréaliers sur
                                           Je vous avais parlé de notre vo-
                                                                                    le marché de Kiskra (province du
                                           lonté de réduire nos équipes au
                                                                                    Lac), d’autres encore ont ouvert
                                           profit des services techniques éta-
                                                                                    une boucherie ou encore une en-

S
           uite à une enquête in-          tiques, notamment en vue de ren-
           terne que nous avons                                                     treprise de vente de moutons et
                                           forcer les ressources humaines
           réalisée en fin d’année                                                  de chèvres. Les belles histoires
                                           des districts sanitaires dans le
           dernière sur l’engage-                                                   sont nombreuses, je vous laisse
                                           cadre de notre approche d’intégra-
ment des employés IRC Tchad                                                         les découvrir.
                                           tion. Il est ainsi crucial que toute
dans le travail, l’équipe dirigeante       l’énergie que nous mettons à for-        Bonne lecture!
a entamé une série de discussions          mer nos collaborateurs soit trans-
ouvertes dans tous les bureaux,            mise et rediffusée au niveau de
dans le but d’échanger avec le             notre partenariat avec les services
personnel sur les résultats de l’en-       techniques étatiques, afin d’assu-
quête. J’ai ainsi eu la joie d’effec-      rer un plus grand ancrage et une
tuer plusieurs visites de terrain afin     plus grande durabilité de nos inter-
d’identifier avec l’ensemble des           ventions dans l’optique de contri-
équipes IRC Tchad les actions              buer à un développement à long
appropriées pour répondre aux              terme.
préoccupations principales des

              The International Rescue Committee
              Programme du Tchad
              Rue de Bordeaux, Béguinage | 2e arrondissement                               LA MISSION D’IRC
              B.P: 5208, N’Djaména | Tel: +235 22 51 17 21
                                                                                  Aider les personnes dont les vies et
                                                                                  les moyens de subsistance sont
              D6789:8;7 ?69@:6AB: Francis Sala-Diakanda
                                                                                  ébranlés par les conflits et les
              CAB:76>;:8;7D                                                       catastrophes à survivre, se relever et
              Aleksandra Roulet-Cimpric, Abdelaziz Abdelmadjid, Oussoumane        prendre en main leur avenir.
              Aboubacar, Mouhamadou Diaw, Alexis Dingamadji, Nestor Dji-
              madoumnodji, Lucien Kikwayaba, Solange Koi, Goita Oussmane,
              Jacques Savalam, Alladoum Tamardje,

              R8
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SANTE
Deux postes de santé nouvellement créés
dans la province du Lac

D
           ans le souci d’offrir aux bé-
           néficiaires des services de
           soins durables au plus
           proche de chez eux, IRC
Tchad et l’équipe cadre du district sa-
nitaire de Liwa (province du Lac) ont
ouvert le 11 avril 2019 deux postes de
santé dans les sites des personnes
déplacées internes (PDI) de Magui et
Salia, grâce au financement de
l’Agence suédoise de développement
et coopération internationale (ASDI)
dans le cadre du projet « Fournir et
améliorer l’assistance humanitaire
axée sur la santé, la nutrition et la pro-
tection des populations touchées par
l’urgence dans la région du Lac-
Tchad».
Ces postes de santé, constitués cha-
cun d’un infirmier, d’une sage-femme
et d’un agent technique de santé re-
crutés par le ministère de la Santé
publique et pris en charge par IRC,
permettent d’assurer les soins de san-
té primaires. Ils offrent un paquet mini-
mum d’activités comprenant des soins
curatifs, préventifs et promotionnels        Selon le responsable du nouveau           ments ont été réalisés dans cette
de santé et nutrition à destination de       poste de santé de Magui, plus de 500      structure sanitaire en miniature. Des
8 500 PDI ainsi qu’aux populations           consultations ont été enregistrées le     postes de santé qui, peut-être, pour-
des alentours des cantons. Une ou-           premier mois de l’ouverture du poste,     ront être érigés par la suite en centres
verture salutaire pour les membres de        avec un taux de fréquentation crois-      de santé afin de couvrir au maximum
la communauté déjà durement affec-           sant et un engouement de la popula-       les besoins des bénéficiaires.
tés par la crise dans la province du         tion. Au mois de mai, cinq accouche-
Lac.

                                                                     Quelles sont vos premières impressions après
                                                                     votre consultation dans ce nouveau poste de
                                                                     santé ?
                                                                     « Je suis rassurée ! L’ouverture de ce poste de san-
                                                                     té est une révolution pour nous ! Je n’ai plus besoin
                                                                     d’attendre l’arrivée hebdomadaire de la clinique mo-
                                                                     bile. Le personnel soignant est disponible tous les
                                                                     jours. Ils effectuent de bonnes prises en charge gra-
                                                                     tuites. Nous pouvons venir à n’importe quelle heure,
                                                                     ce qui nous laisse la possibilité d’effectuer nos di-
                                                                     vers travaux. J’aimerais remercier IRC de nous faire
                                                                     bénéficier d’un poste de santé pour les soins gratuits
                                                                     et d’un centre des femmes pour la protection contre
                                                                     les violences basées sur le genre. »
                                                                     Fanta Kourou, 23 ans, venue consulter au poste
                                                                     de santé de Magui

                                                               3
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FOCUS
      PRÈS DE 1000 FEMMES FORMÉES AUX ACTIVITÉS
     GÉNÉRATRICES DE REVENUS DANS LES PROVINCES
                 DU LAC ET DU WADI-FIRA

Certaines ont ouvert une boulangerie, d’autres un salon de coiffure ou encore un stand de
                                                                                 © IRC Tchad
vente de produits agricoles sur le marché. Que ce soit dans la province du Lac ou du Wadi
-Fira, près de 1 000 femmes ont bénéficié d’un programme d’IRC pour mettre en place des
activités génératrices de revenus. Reportage.

E
          lle a installé son stand à l’en-   par le programme de Bien-être écono-      est passé de 80 000 à 140 000 Fcfa.
          trée du marché hebdoma-            mique d’IRC afin de bénéficier d’une      Le commerce des produits agricoles
          daire de Kiskra (province du       formation en entreprenariat et de         m’a été transmis par mes parents de-
          Lac), et depuis trois semaines     mettre en place une activité généra-      puis mon plus jeune âge car ils étaient
qu’elle vient chaque mercredi, les           trice de revenus. « Grâce à IRC, j’ai     des grands producteurs agricoles. J’ai
clients se bousculent devant ses bas-        créé mon entreprise de vente et de        choisi d’appeler mon entreprise San-
sines de céréales. Assida Alhadji Ka-        stockage de produits agricoles. En        dou Koussinia, qui veut dire « Bonne
naye, 21 ans, trois enfants, a été ciblée    quatre semaines, mon chiffre d’affaires   semence     »    en   Boudouma.       »

                                                                4
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Remise de l’allocation de départ de 80 000 Fcfa aux bénéficiaires
par le Délégué de l'action sociale, Dilerom (province du Lac)

  Les histoires comme celle d’Assida                 protection et l’autonomisation des                    Dans la province du Lac, les bénéfi-
  sont nombreuses parmi les bénéfi-                  femmes et filles en dotant les femmes                 ciaires de ce programme d’activités
  ciaires d’IRC Tchad, qui a pour l’une              de compétences et connaissances                       génératrices de revenus sont en majo-
  des priorités de soutenir les femmes               entrepreneuriales nécessaires pour                    rité des femmes déplacées internes et
  et filles dont les vies et les moyens de           débuter ou développer une activité                    membres de la communauté hôte,
  subsistance ont été ébranlés par les               commerciale et de disposer de                         fréquentant les centres des femmes
  crises, en leur donnant accès à l’utili-           sources de revenus fiables et diversi-                d’IRC. Elles ont été identifiées sur la
  sation et au contrôle des ressources               fiées.                                                base d’un référencement réalisé par le
  financières afin de pouvoir survivre, se                                                                 programme de Protection et Autono-
  relever et prendre leur avenir en main.                                                                  misation des Femmes, dans le res-
                                                                                                           pect strict de principes directeurs de
  Dans sa stratégie globale de réponse
                                                                                                           confidentialité. Dans le Wadi-Fira, les
  en faveur des populations frappées
                                                                                                           femmes réfugiées et membres des
  par les crises, l’IRC s’est engagé à
                                                                                                           communautés hôtes ont été identi-
  utiliser 25% de son financement dans
                                                                                                           fiées suivant des critères de vulnérabi-
  les activités de transfert monétaire
                                                                                                           lité utilisés lors du ciblage cash en
  d’ici 2020. Au Tchad, IRC avait déjà
                                                                                                           priorisant les femmes chefs de mé-
  mis en place des distributions de cash
                                                                                                           nages.
  inconditionnel à usages multiples réa-
  lisées au profit de 2 820 bénéficiaires                                                                  Pendant plus d’un mois, toutes ces
  dans la province du Lac grâce aux                                                                        femmes ont été formées par les assis-
  financements des bailleurs OFDA/                                                                         tants mobilisateurs des programmes
  USAID (Bureau américain pour l'assis-                                                                    d’IRC Tchad sur l’entreprenariat
  tance en cas de catastrophe à l'étran-                                                                   CEFE (Compétences Economiques
  ger), GAC (Affaires mondiales du Ca-                                                                     basées sur la Formation des Entre-
  nada) et ASDI (Agence suédoise de                                                                        prises), l'un des principaux pro-
  développement et coopération inter-                                                                      grammes de développement de l’en-
  nationale) et 2 294 ménages bénéfi-                                                                      treprenariat à l’échelle mondiale. Les
  ciaires dans les provinces du Wadi-                                                                      assistants mobilisateurs, formés en
  Fira grâce aux financements de la                                                                        amont par des formateurs certifiés
  Fondation Bloomberg. Depuis le mois                                                                      CEFE, ont ainsi permis aux femmes
  de mars, IRC s’est investi dans la                                                                       de maitriser les contours de la créa-
  mise en œuvre d’activités intégrées                                                                      tion et de la gestion d’une entreprise,
  de renforcement économique de 945                                                                        la théorie des « 4P » (Produit, Place,
  femmes vulnérables dans ces deux                                                                         Prix, Promotion) fondamentale dans
  provinces. Ces activités ont principale-                                                                 les affaires, mais aussi plus simple-
                                                     Assida Alhadji Kanaye vendant ses condiments sur le
  ment pour objectif de promouvoir la                                                                      ment d’être en mesure de connaitre
                                                     marché de Kiskra (province du Lac)

                                                                            5
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FOCUS / EVENEMENT

leur chiffre d’affaire, leurs gains ou            membres du Comité Départemental                      ciaire s’est vu remettre par IRC grâce
leurs pertes.                                     d’Action (CDA) et de Comité Local                    à un partenariat avec Express Union
                                                  d’Accord (CLA). Afin de renforcer la                 une allocation en espèce de 80 000
Chaque bénéficiaire a été assistée
                                                  cohésion sociale entre les bénéfi-                   Fcfa, lui permettant de démarrer son
pour élaborer un plan d’affaire dans un
                                                  ciaires et limiter les risques de concur-            activité. Des subventions qui s’élèvent
domaine porteur, qui lui est familier ou
                                                  rence, les bénéficiaires ont été structu-            ainsi à plus de 75 millions de Fcfa. Les
qui lui tient à cœur. Boucherie, boulan-
                                                  rées en groupements composés cha-                    cérémonies de remise de cette alloca-
gerie, salon de coiffure, vente de
                                                  cun de 10 à 15 membres. A la fin du                  tion de départ ont été l’occasion pour
chèvres ou de produits agricoles, les
                                                  mois d’avril, lors de plusieurs cérémo-              les autorités administratives d’ « inciter
nombreux plans d’affaires ont été vali-
                                                  nies officielles en présence des autori-             les bénéficiaires à se mettre rapide-
dés en collaboration avec les
                                                  tés administratives, chaque bénéfi-                  ment au travail afin de générer des
                                                                                                       revenus pour améliorer leur bien-être
                                                                                                       socio-économique afin d’éviter de re-
                                                                                                       courir aux stratégies d'adaptation né-
                                                                                                       gatives, susceptibles de les exposer
                                                                                                       davantage à des violences sexistes ».
                                                                                                       Chaque groupement a ensuite été as-
                                                                                                       sisté par l’équipe d’IRC effectuer les
                                                                                                       achats des équipements / marchan-
                                                                                                       dises de démarrage. Afin de renforcer
                                                                                                       un suivi de proximité auprès de ces
                                                                                                       bénéficiaires, l’équipe du programme a
                                                                                                       mis en place des outils de suivi hebdo-
                                                                                                       madaires et mensuels afin d’apporter
                                                                                                       des conseils et un accompagnement
                                                                                                       nécessaire pour pérenniser les activi-
                                                                                                       tés. Dès les premières semaines, les
                                                                                                       bénéficiaires avaient enregistré des
                                                                                                       bénéfices de 20 000 à 30 000 FCFA
                                                                                                       en moyenne. Un pari réussi.

Suivi de Fatime Mal-Yacine, 30 ans, bénéficiaire d’AGR en embouche caprine à Salia (province du Lac)

Préserver l’accès humanitaire en période de
risque : 20 points focaux sécurité formés à
l’analyse des risques

«             Vous allez vous répartir
             en deux groupes. Un
             groupe va jouer les re-
             belles, le 2ème groupe va
jouer les humanitaires. Le but de ce
jeu de rôle est de négocier l’accès hu-
manitaire auprès des rebelles. » C’est
                                                   saires à l’évaluation des risques, qu’ils
                                                   soient d’ordre des infrastructures, du
                                                   trouble à l’ordre publique ou du conflit,
                                                   en passant par la criminalité ou le mili-
                                                   tantisme. Vingt personnes dont sept
                                                   femmes ont participé à l’atelier.
                                                   «Depuis deux ans, nous veillons à ce
                                                                                                       niveau de risque dans chaque base,
                                                                                                       avec une analyse de fond faite selon
                                                                                                       trois niveaux : les équipes, les pro-
                                                                                                       grammes et l’organisation. Cela tou-
                                                                                                       jours dans l’optique de préserver l’ac-
                                                                                                       cès humanitaire en période de risque.
                                                                                                       « J’ai beaucoup insisté sur la nécessi-
par cette mise en scène que s’est ou-              que les questions liées à la sécurité               té d’apprendre à communiquer, à véri-
vert l’après-midi du 2ème jour de forma-           soient ouvertes à nos collègues                     fier ses sources d’information, à les
tion des points focaux sécurité d’IRC              femmes. Pas seulement pour respec-                  recouper et à analyser les données »
Tchad, chargés de la gestion de la                 ter l’équilibre du genre, mais aussi                témoigne le formateur. Car en plus
sûreté et de la sécurité sur leurs sites,          parce que cela nous permet d’avoir                  d’avoir une bonne connaissance du
en plus de leurs fonctions principales.            une meilleure vue et appréciation du                milieu et des principes humanitaires,
Cette formation animée par Franck                  contexte. Lorsque la remontée des                   les points focaux sécurité doivent être
Janouin, Conseiller IRC Sureté et Sé-              renseignements se fait uniquement                   reconnus par leurs pairs à l’interne et
curité pour l’Afrique de l’Ouest, a eu             par les hommes, on remarque une                     à l’externe, avoir de bonnes capacités
lieu du 6 au 8 mai à N’Djaména, avec               perte d’informations», affirme Franck               de communication et savoir garder la
pour objectif principal de donner aux              Janouin. Les participants ont bénéficié             tête froide en toutes circonstances.
points focaux sécurité les clefs néces-            d’outils qui permettent d’évaluer le                Tout un programme !

                                                                          6
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Zara Moussa Djali, la boulangère du camp de réfugiés d’Iridimi

E
           lle l’a appelée la boulangerie « Nour Al Houda »,
           c’est-à-dire « La Lumière», comme pour témoigner
           du rayon de soleil qui illumine sa vie depuis l’ou-
           verture de sa boulangerie au début du mois de mai
2019. Zara Moussa Djali, réfugiée de 61 ans originaire du
Soudan et vivant depuis 16 ans dans le camp d’Iridimi
(province du Wadi-Fira) a réalisé un de ses rêves grâce à
l’appui d’IRC Tchad et de son partenariat avec la Fondation
Bloomberg. Cette veuve mère de huit enfants a bénéficié de
la formation en entreprenariat menée par IRC du 6 février
au 20 avril dans la province du Wadi-Fira pour lancer son
propre commerce.

« Avant d’avoir accès aux services d’IRC, j’étais au courant
de beaucoup d’activités qu’IRC apporte aux personnes les
plus vulnérables dans notre camp depuis 2017. L’année
dernière, lors de la saison des pluies où ne nous pouvions           Fcfa pour monter son affaire, soit une mise de départ de
plus cultiver, plusieurs d’entre nous ont été sélectionnées          800 000 Fcfa pour ouvrir la boulangerie. « Nous travaillons
pour bénéficier d’une distribution d’argent. Je n’ai pas eu la       toutes ensemble avec une répartition des taches bien pré-
chance d’être parmi ces personnes et avoue les avoir regar-          cise, comme dans toute entreprise, selon ce que nous
dées avec envie » témoigne-t-elle. Mais la patience aidant,          avons appris à la formation. Ainsi nous avons une respon-
Zara Moussa Djali a ensuite été choisie par le personnel             sable des Ressources Humaines, deux trésorières, deux
IRC lors de la mise en place de l’Association d’Epargne et           secrétaires et cinq chargées de clientèle. Nous nous
de Crédit (AVEC) puis pour la formation en entrepreneuriat           sommes réparties en deux groupes afin de nous relayer
qui a rassemblé 75 femmes vulnérables des camps de réfu-             quotidiennement pour faire fonctionner l’entreprise et pou-
giés de Touloum et Iridimi et de deux villages hôtes. Suite à        voir mener également d’autres activités individuelles » dé-
cette formation en entreprenariat, chaque femme a été en             taille-t-elle.
mesure d’identifier le commerce qu’elle souhaitait ouvrir.
                                                                     Les premiers bilans sont plutôt positifs et l’espoir est très
                                                                     grand pour les dix femmes entrepreneures. Le jour de l’ou-
                                                                     verture de la boulangerie, elles ont vendu à la communauté
                                                                     réfugiée d’Iridimi, aux populations des villages environnants
                                                                     et aux équipes des différentes institutions qui interviennent
                                                                     dans le camp pas moins de 101 pains. A peine un mois plus
                                                                     tard, elles en vendaient déjà quotidiennement plus de 200
                                                                     avant midi. « Notre grosse journée est le samedi, jour de
                                                                     marché au camp d’Iridimi. Le dimanche, la boulangerie est
                                                                     fermée, nous nous reposons. »
                                                                     L’ouverture de cette boulangerie offre à Zara et à ses asso-
                                                                     ciées la possibilité d’être un peu plus indépendantes des
                                                                     appuis des autres pour répondre à leurs besoins du quoti-
                                                                     dien. Il semble déjà loin le temps où Zara devait marcher
                                                                     chaque jour 15 kilomètres pour aller faire des travaux cham-
                                                                     pêtres tels le cerclage des champs et la récolte des cultures
                                                                     et gagner entre 500 et 750 Fcfca pour tenter de survivre.
                                                                     Avec la vente de ses pains, Zara gagne entre 5000 et 8000
                                                                     Fcfa par jour travaillé. Une recette qui permet de couvrir les
Certaines femmes se sont rassemblées pour mieux réussir.             frais de location du local et des matières premières ainsi
C’est ainsi que Zara a élaboré un plan d’affaires en associa-        que de faire vivre plus convenablement sa famille. « Comme
tion avec neuf autres femmes désireuses comme elle d’ou-             toutes les autres femmes avec qui je travaille, je suis très
vrir une boulangerie. « Dès le début, l’idée de la boulangerie       fière de mon activité qui est rentable et fonctionne bien. Ce-
s’est imposée à moi. Même s’il y a déjà quelques boulange-           la nous donne un peu de dignité auprès de notre entourage
ries dans le camp, le besoin en pain est très élevé. Avec les        et même dans nos ménages » témoigne-t-elle, les yeux pé-
compétences commerciales que nous avons acquises pen-                tillants de joie et de fierté.
dant la formation, nous avons plus de clients et de points de        Avec mille idées en tête pour développer son entreprise,
vente que nos concurrents, et tous nos pains sont vendus             son prochain défi consiste à acquérir son propre local pour y
avant midi. »                                                        installer sa boulangerie et réduire le coût lié à la location.
Chaque entrepreneure, en plus d’un appui et d’un suivi ré-           « Même à 61 ans, je ne baisse jamais les bras. J’apprends
gulier des agents IRC, a reçu une subvention de 80 000               à mes enfants à être créatifs et courageux, car dans la vie,
                                                                     tout n’est pas facile mais tout est possible ! »

                                                                 7
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RELEVEMENT ECONOMIQUE

Premières récoltes pour les groupements
maraîchers d’Iriba et Guéréda

O
            ignons, tomates, carottes,     d’une semaine pour 140 000 Fcfa,            compostage, suivie de la mise en
            pastèques, laitues, courges,   sans compter une quinzaine de               place d’un composte dans chaque site.
            navets et piments. Ce sont     caisses invendables à cause de l’inva-      Lors de ces formations, un accent par-
            les fruits des premières ré-   sion d’insectes. A Machallah, la vente      ticulier est mis sur les techniques mo-
coltes des femmes des huit groupe-         de courges et de navets a rapporté          dernes et adaptées au changement
ments maraîchers constitués à Iriba et     57 000 FCFA en une semaine.                 climatique. Les groupements sont su-
Guéréda (province du Wadi-Fira) de-                                                    pervisés par les mobilisateurs commu-
puis le mois de novembre grâce au          Depuis le début du projet, IRC Tchad a      nautaires appuyés par les agents de
financement de la Fondation Bloom-         doté les groupements en semences,           terrain IRC en charge des moyens de
berg. Ces groupements, composés de         outils aratoires, motopompes, cubes         subsistance et par le partenaire de
femmes issues de ménages vulné-            d’eau et produits phytosanitaires pour      l’ANADER. Le principal défi de ces
rables, ont pour but d’augmenter les       lutter contre les parasites et a organisé   groupements est lié à la faible disponi-
rendements des cultures grâce à des        en janvier dernier en partenariat avec      bilité de l’eau dans la zone. Si certains
techniques innovantes afin d’augmen-       l’ANADER (Agence Nationale d’Appui          puits sont presque taris, des dé-
ter les revenus des ménages et d’amé-      au Développement Rural) une forma-          marches sont en cours pour en cons-
liorer leur alimentation. 90% des ré-      tion théorique et pratique sur les tech-    truire de nouveaux et en réhabiliter
coltes sont destinées à la vente, les      niques de mise en place des cultures        certains. Dans le groupement de Ma-
10% restants étant gardés pour leur        maraîchères. 110 femmes ont pu amé-         challah, les bénéficiaires ont creusé
consommation. Dans le groupement           liorer leurs connaissances techniques       des puits traditionnels pour pallier ce
de Baronfollo par exemple, les femmes      dans la production moderne des cul-         problème. Les femmes n’ont pas dit
ont effectué leur 3ème récolte : 40        tures maraîchères. Cette formation a        leur dernier mot !
caisses de tomates vendues en moins        été complétée par une formation sur le

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Hawa Barh Idriss, 39 ans, Andjilé, Guéréda

Que cultivez-vous ?                          éviter les engrais chimiques en utili-    Combien de kilos de légumes avez-
                                             sant les biomasses et utiliser les se-    vous vendus?
Je cultive des choux, des oignons, de        mences locales.
l’ail, de l’oseille, des carottes, des sa-                                             Nous vendons les légumes en sacs de
lades, des concombres, des pas-              Combien êtes-vous de femmes               50 kilos. Nous avons pour l’instant
tèques et de la roquette. Avant qu’IRC       dans votre groupement et comment          vendu 8 sacs au marché de Kounoun-
ne vienne nous former et nous fournir        vous répartissez-vous le travail ?        gou, pour une recette de 21 000 Fcfa.
des outils et des semences pour dé-
marrer mon activité, je cultivais déjà       Nous sommes au nombre de 23 et            Quel est votre principal défi?
des tomates, de l’ail, du piment, des        sommes divisées en 3 équipes, tra-
                                             vaillant chacune durant une semaine.      Nous rencontrons des problèmes avec
oignons, des aubergines et de la sa-
                                             Nous nous répartissons le travail entre   les animaux qui détruisent souvent
lade. Mais le niveau de rendement
                                             le sarclage, l’irrigation ou encore la    nos cultures. Plus de 40 pieds de to-
était bien plus faible, puisque par
                                             récolte. Chaque jeudi, j’organise des     mates ont été complètement détruits.
exemple l’irrigation se faisait manuel-
                                             réunions avec tous les membres du         En attendant de pouvoir mettre en
lement alors que nous disposons
                                             groupe afin de discuter des avancées      place une clôture, nous faisons des
maintenant de motopompes. J’ai ap-
                                             et trouver des solutions aux éventuels    tours de garde jours et nuits.
pris entre autres les spécificités des
différents types de cultures, comment        problèmes.

                                                                                 « J’ai appris les spécificités des
                                                                                         différents types de
                                                                                   cultures, comment éviter les
                                                                                 engrais chimiques et utiliser les
                                                                                        semences locales. »

                                                                9
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ZOOM SUR NOS TALENTS

Docteur Moumouni Bonkoungou
Clinicien spécialiste en santé mentale à Iriba
et Farchana

A
           u Tchad, comme dans beau-
           coup de pays africains, les
           malades mentaux ne sont pas
           considérés et les maladies
mentales peu connues. Les malades
sont souvent vus comme étant possé-
dés par de mauvais esprits. En dehors
du service de psychiatrie à N’Djaména
composé d’un psychiatre âgé et ma-
lade, il n’existe pas de structure qui les
prenne en charge. Cependant, un
homme se bat tous les jours pour faire
reconnaître ces maladies stigmatisées
et mésestimées. Cet homme, c’est le
Docteur Moumouni Bonkoungou, clini-
cien spécialiste en santé mentale pour
IRC à Iriba (province du Wadi-Fira) et
Farchana (province du Ouaddaï). Origi-
naire de Bobo-Dioulasso au Burkina-
Faso, il a fait en 2011 le choix difficile
de quitter sa femme et ses trois enfants
pour transmettre son savoir et aider les
malades mentaux du Tchad à se re-
construire. « Les maladies dont le taux
de létalité est faible ne constituent pas
une 1ère urgence en Afrique. Au ni-
veau national, la santé mentale est
souvent reléguée au second plan. Mais
en attendant, les gens souffrent de
nombreux traumatismes. Il est impératif
d’apprendre à protéger, aimer et soi-
gner ces malades» témoigne-t-il.
Le Dr Bonkoungou travaille pour IRC
depuis juin 2017 avec pour mission
principale de former les médecins, les
infirmiers ainsi que les relais commu-
nautaires en santé mentale, en plus de
ses consultations et entretiens psycho-
logiques. D’abord présent dans les
camps de réfugiés de la province du
Lac, Wadi-Fira, Ouaddai et Ennedi Est,
il s’est consacré à partir de 2018 uni-
quement aux provinces de l’Est du            infirmiers dans un pays où il n’y a qu’un   mentale. Des gens viennent ici depuis
Tchad avec un objectif en tête : faire en    seul psychiatre. On ne peut pas ren-        le Soudan ou la Centrafrique pour bé-
sorte que tous les infirmiers soient ca-     voyer un malade mental soi-disant           néficier de consultations » constate-t-il.
pables de prendre en charge les ma-          parce qu’il n’y a pas de spécialistes. Ce
lades mentaux, de la même manière            n’est pas une excuse acceptable.            Le Dr Bonkoungou, avec son équipe
que n’importe quelle maladie. «Ma plus       Alors, à mon humble niveau, je pour-        d’IRC Tchad, soigne diverses maladies
grande fierté est d’avoir formé tous ces     vois le pays en spécialistes en santé       mentales et neurologiques comme

                                                                10
l’épilepsie, la psychose, la dépression,     voient pas, ils ne peuvent pas croire. Et     ratrices de revenus grâce à laquelle elle
l’état de stress post traumatique ou de      pourtant, s’ils connaissaient toutes les      a monté son petit commerce. Elle est
stress chronique et les maladies psy-        histoires terribles qu’on me confie tous      maintenant réinstallée au Canada avec
chosomatiques. L’épilepsie constitue la      les jours… »                                  ses filles et son fils.
1ère cause en santé mentale dans les
camps de l’Est, avec plus de 46,88%          Et le docteur d’évoquer le cas de cette       Ou encore cet homme, arrivé du Sou-
d’épileptiques parmi les malades qui         femme en Centrafrique violée avec ses         dan et souffrant de troubles, d’agita-
viennent consulter dans les 10 camps         deux filles jusqu’à l’évanouissement,         tions, de délires, d’hallucinations, de
de l’Est (73,8% de réfugiés, 26,2 %          sous les yeux de son petit garçon,            nudité. Il a été enfermé dans un hangar
d’autochtones). « L’épilepsie est sou-       après que son mari a été tué devant           sans soin pendant des années, toujours
vent liée au traumatisme psychologique       eux par les milices anti-balaka. Arrivée      nu. « C’est là que je l’ai rencontré. Je
vécu lors de la guerre et de la fuite des    à Farchana en état de stress post-            lui ai donné des médicaments et suis
populations de chez eux, combinée au         traumatique avec des cauchemars, des          venu le voir très régulièrement. Un jour
stress qui est souvent un facteur dé-        maux de tête, une hypervigilance, il lui      je suis arrivé pour ma visite habituelle
clencheur. De nombreux traumatismes          a été extrêmement difficile d’avouer son      avec mon assistante et il a cherché à
sont liés aussi aux violences basées         histoire. Après plusieurs longues con-        se couvrir. Un déclic s’était produit. Il
sur le genre, comme les viols ou les         sultations avec le Dr Bonkoungou et un        est ensuite venu par lui-même au
mariages forcés » affirme-t-il. « Notre      traitement médicamenteux approprié,           centre pour se faire soigner et travaille
plus grande difficulté vient du fait qu’on   elle a réussi à se libérer et à tout racon-   maintenant comme blanchisseur. C’est
ne se sent pas compris par ceux qui          ter. Elle a été orientée vers une ONG         pour des personnes comme eux que je
nous entourent. Quand les gens ne            qui mettait en place des activités géné-      me bats. »

Formation des prestataires de soins (responsables des centres de santé, chefs de zone, infirmiers et agents IRC) à Iriba sur
la prise en charge des maladies mentales et neurologiques

                                                                11
IRC TCHAD EN IMAGE

Activités récréatives des femmes dans un centre des femmes de Dar El Kheir (province du Lac)

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