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PHARMACOTHÉRAPIE

                           Mise à jour dans le traitement des troubles anxieux
                                               Jean-Pierre Bernier, Isabelle Simard

                                                                    population, puisqu’elle s’étend de 10,4 à 28,8 % selon le
 Résumé
                                                                    type de trouble anxieux1-3. Ils peuvent constituer un grand
   Objectif : Discuter de la place des traitements phar-            fardeau pour les patients et leurs proches, en plus d’en-
 macologiques dans les troubles anxieux les plus                    traîner des coûts importants pour la société en termes d’u-
 fréquents, soit le trouble d’anxiété généralisé, le trou-          tilisation accrue des services de santé et de diminution de
 ble panique et l’anxiété sociale.                                  la productivité au travail1. Dans le présent article, nous dis-
                                                                    cuterons de l’anxiété et des médicaments qui permettent
    Source des données : Les lignes directrices de                  de lutter contre cette condition. Les principaux troubles
 l’Association des psychiatres du Canada publiées en juil-          anxieux qui seront abordés sont le trouble d’anxiété
 let 2006 ont été révisées. Une recherche orientée sur le           généralisée (TAG), l’anxiété sociale (AS) et le trouble
 traitement des troubles anxieux a également été effec-             panique (TP). Le syndrome de stress post-traumatique et
 tuée dans Medline sur une période allant de 1995 à 2006,           le trouble obsessionnel compulsif ne seront pas pris en
 en utilisant les mots clés suivants : anxiety disorder,            considération ici.
 panic disorder, social phobia, antidepressant, benzo-
 diazepine.                                                         Définition de l’anxiété

   Analyse de données : Le traitement de l’anxiété                     L’anxiété est une émotion normale qui se manifeste
 peut être complexe. Il nécessite un diagnostic appro-              lorsqu’on se sent menacé. L’anxiété peut être à la fois béné-
 prié, et le choix de la thérapie repose sur les facteurs de        fique et néfaste selon la situation où elle survient. Ainsi,
 risque du patient, ses antécédents et la présence de               au-delà de la réponse à une menace réelle, l’anxiété devient
 comorbidités. Il importe de bien soulager les patients             pathologique lorsqu’elle est excessive en intensité ou dans
 atteints puisque, de par leur nature invalidante, ces trou-        sa durée et qu’elle interfère avec le fonctionnement de la
 bles ont un impact majeur sur leur qualité de vie.                 personne.

    Après avoir abordé la classification et l’étiologie de             Les manifestations cliniques de l’anxiété se regroupent
 l’anxiété, nous mettrons en lumière les lignes directri-           en deux composantes majeures, soit physiques ou soma-
 ces de traitement pour ces différents troubles anxieux,            tiques (accélération du rythme cardiaque, souffle court,
 en précisant la place de chacune des options thérapeu-             tremblements, etc.) et mentales (inquiétude, peur, diffi-
 tiques, la durée de traitement et les médicaments à                culté de concentration, etc.)3,4.
 éviter. L’utilisation des benzodiazépines sera également
 traitée et leur place dans la thérapie sera précisée.                 Certains facteurs de risque sont associés aux troubles
                                                                    anxieux. Les plus importants sont la présence d’antécé-
   Conclusion : Les troubles anxieux sont parmi les                 dents familiaux ou encore d’antécédents personnels d’an-
 troubles mentaux les plus répandus. Un diagnostic                  xiété ou de timidité marquée au cours de l’enfance ou de
 approprié est très important, puisque le choix d’un                l’adolescence. Le fait d’avoir vécu des événements stres-
 médicament devra être fait en fonction du trouble d’an-            sants ou traumatisants, comme des mauvais traitements,
 xiété présenté par le patient. Des études futures                  peut également précipiter un trouble anxieux. Enfin, la
 devraient guider le développement de nouvelles                     présence d’un trouble psychiatrique et le fait d’être une
 approches thérapeutiques et préciser la durée optimale             femme sont identifiés comme étant des facteurs augmen-
 de la thérapie.                                                    tant le risque de souffrir d’un trouble anxieux1.
   Mots clés : troubles anxieux, trouble d’anxiété
 généralisé, trouble panique, anxiété sociale, traitement
 pharmacologique.

Introduction                                                        Jean-Pierre Bernier, B. Pharm, M.Sc., est pharmacien à
                                                                    l’Hôpital du Saint-Sacrement du Centre hospitalier affilié
   Les troubles anxieux, tels qu’ils sont définis dans le           universitaire de Québec
Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorder                Isabelle Simard, B. Pharm, M.Sc., est pharmacienne à
(DSM-IV-TR), constituent le groupe de désordres psychia-            l’Hôpital du Saint-Sacrement du Centre hospitalier affilié
triques dont la prévalence est la plus élevée dans notre            universitaire de Québec
204 Pharmactuel   Vol. 40 N° 4 Août - Septembre 2007
Classification des troubles anxieux                             recherchés par le traitement. Les principaux objectifs visés
                                                                sont la diminution de l’intensité et de la fréquence des
  Le diagnostic différentiel des troubles anxieux offre un      symptômes, l’amélioration de la qualité de vie, la diminu-
défi de taille. Un diagnostic précis permettra de mieux         tion du risque de récidive et le soulagement des comorbidi-
orienter le traitement. L’évaluation du patient doit com-       tés, comme la dépression5,6. Enfin, les caractéristiques du
prendre l’examen physique et mental, puisque les symp-          patient, comme son âge, ses antécédents médicaux et psy-
tômes d’anxiété peuvent être une manifestation d’une            chiatriques, la gravité de sa maladie, sa réponse antérieure
condition médicale (angine, hypothyroïdie, démence, ma-         aux traitements, la prise d’autres médicaments (les inter-
ladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC), anémie,          actions médicamenteuses) et son potentiel d’abus vont
etc.) ou psychiatrique (schizophrénie, troubles affectifs,      guider le professionnel dans le choix du traitement.
abus de substances, etc.). Près de 75 % des patients ayant
reçu un diagnostic de troubles anxieux souffriront d’un         Mesures non pharmacologiques
autre trouble psychiatrique concomitant1.
                                                                  Une bonne hygiène de vie est à conseiller à tous les
   Les désordres liés à l’anxiété peuvent être primaires        patients atteints d’un trouble anxieux. Il leur est recom-
(troubles anxieux) ou secondaires à une maladie (liés aux       mandé de pratiquer une activité physique régulière, d’avoir
médicaments, etc.)4.                                            une bonne alimentation, d’éviter tout stimulant, comme le
                                                                tabac et la caféine, et de maintenir des heures de sommeil
  Le DSM-IV-TR établit la classification des désordres
                                                                régulières3,4. D’autres thérapies, comme la psychothérapie,
anxieux primaires de la façon suivante2 :
                                                                la relaxation et la méditation, peuvent être utiles. Toutes
 - Le trouble panique (avec ou sans agoraphobie)                ces options peuvent aider les patients à soulager leur con-
 - L’agoraphobie sans attaque de panique                        dition, mais elles ne suffiront généralement pas à elles
 - Les phobies spécifiques                                      seules à soulager tous les symptômes physiques et men-
 - Le trouble d’anxiété sociale ou phobie sociale               taux de leurs troubles anxieux. Elles sont donc un complé-
   (généralisée ou non)                                         ment au traitement pharmacologique.
 - Le trouble obsessionnel compulsif
 - Le syndrome de stress post-traumatique                         À ce jour, la thérapie cognitivo-comportementale (TCC)
 - Le syndrome d’anxiété aigu                                   est la forme de psychothérapie la plus étudiée7,8. Elle con-
 - Le trouble d’anxiété généralisée                             siste à apprendre aux patients à reconnaître comment
 - Le désordre d’anxiété non spécifique                         leurs pensées contribuent à l’anxiété et à percevoir leurs
                                                                inquiétudes de façon plus rationnelle. La TCC peut se
Neurobiologie de l’anxiété                                      dérouler selon différentes formes, soit individuelles ou en
                                                                groupe, et selon différentes approches, soit l’approche par
   Un circuit neuronal en provenance du noyau central et        exposition, l’approche cognitive, le contrôle des émotions,
de l’amygdale est soupçonné être à l’origine de la peur et de   etc. Certaines comparaisons directes entre la TCC et la
l’anxiété. Certaines dysfonctions liées à ce circuit seraient   pharmacothérapie indiquent qu’elles sont à peu près équi-
communes dans les désordres anxieux. Non clairement             valentes en terme d’efficacité1. À l’heure actuelle, les don-
élucidée à ce jour, la neurobiologie de l’anxiété semble        nées sont cependant insuffisantes pour soutenir d’emblée
impliquer différents systèmes de neurotransmetteurs, dont       son utilisation en combinaison avec la pharmacothérapie,
l’acide -aminobutyrique (GABA), la sérotonine, la noradré-     mais il semble que, pour certains troubles anxieux, l’ajout
naline, le glutamate, les neuropeptides, tels que la cholé-     d’une TCC à la médication peut diminuer le taux de rechute
cystokinine, le facteur de relâchement de la corticotrophine    lorsque le traitement est interrompu1. Il serait intéressant
(CRF), le neuropeptide Y et la substance P.                     d’avoir des études à plus long terme qui compareraient la
  Davantage de recherches ainsi qu’une meilleure com-           TCC à d’autres traitements pharmacologiques. Pour l’ins-
préhension de la pathophysiologie des troubles anxieux          tant, on propose que le patient qui participe au choix de
sont nécessaires pour permettre des interventions pharma-       traitement y adhère davantage pour ainsi accroître ses
cologiques plus ciblées et de meilleurs résultats cliniques.    chances de succès. En effet, un traitement obtenu selon la
                                                                préférence du patient accroît la probabilité de la poursuite
  L’étiologie des troubles anxieux, quant à elle, semble        de ce traitement1.
multifactorielle et aurait des composantes héréditaires et
environnementales, comme des évènements stressants              Trouble d’anxiété généralisée
survenant pendant l’enfance3,4.                                   Selon le DSM-IV-TR, le trouble d’anxiété généralisé
Facteurs influençant le choix de la thérapie                    (TAG) est défini par la présence d’anxiété ou de soucis
                                                                excessifs et persistants concernant un certain nombre
  Plusieurs options thérapeutiques s’offrent aux praticiens     d’événements ou d’activités pendant une période d’au
lorsqu’un traitement doit être instauré. Le choix de la         moins six mois2. Les symptômes du TAG peuvent s’accom-
thérapie peut être facilité par l’identification des buts       pagner de symptômes somatiques (agitation, fatigue, diffi-

                                                                             Pharmactuel Vol. 40 N° 4 Août - Septembre 2007   205
culté de concentration, irritabilité, tension musculaire et        24 % des patients sous placebo après huit semaines de
perturbation du sommeil) ou physiques (tremblements,               traitement12. De même, une autre étude ayant effectué un
sudation, nausées, diarrhée, mains moites, xérostomie,             suivi de 24 semaines a démontré un taux de rémission de
etc.)9. Environ 5 % des Canadiens en seront affectés au            73 % des patients randomisés dans le groupe paroxétine
cours de leur vie, et la maladie surviendra habituellement         contre 34 % des patients dans le groupe placebo13.
avant l’âge de 25 ans8. L’incidence chez les femmes est deux       L’escitalopram a également fait l’objet de publications
fois plus élevée que chez les hommes8. Parmi les facteurs          nombreuses, et des données probantes appuient son utili-
de risque figurent des antécédents familiaux de troubles           sation dans le traitement du TAG1. Les effets secondaires
anxieux, une exposition au stress, des antécédents de trau-        des ISRS sont généralement de moindre intensité que ceux
matisme physique ou émotif et le tabagisme. Les adoles-            des ADT, et ils se résument à des nausées, la bouche sèche,
cents et les jeunes adultes qui fument courraient un risque        de la sédation, des maux de tête, des troubles sexuels et
cinq à six fois plus élevé de souffrir du TAG que les non-         du gain de poids (tableau I).
fumeurs8.
                                                                      La venlafaxine a aussi été étudiée dans le traitement du
Traitement pharmacologique de première ligne                       TAG et aurait une efficacité et des effets indésirables sem-
du TAG                                                             blables aux ISRS (tableau I). Des études à court terme
                                                                   (8 semaines) et à long terme (6 mois) ont démontré son
   Les antidépresseurs sont maintenant recommandés en              efficacité par rapport au placebo7,9,11. Elle a également reçu
première ligne pour le traitement du TAG. Comme le TAG             l’indication officielle dans le traitement du TAG au Canada
survient fréquemment en association avec la dépression,            et demeure une excellente solution de remplacement des
les antidépresseurs offrent l’avantage de pouvoir traiter à la     ISRS lorsque ceux-ci sont inefficaces ou moins bien
fois les symptômes dépressifs et les symptômes anxieux5,7.         tolérés. De plus, elle semble être particulièrement béné-
Tous les antidépresseurs ayant un effet sur la sérotonine          fique pour soulager les symptômes psychiques, comme
ont la capacité de soulager les symptômes psychiques du            l’inquiétude avec rumination1.
TAG, comme l’appréhension et l’inquiétude4. Ils ont tous
un délai d’action d’environ quatre à six semaines, et cer-         Durée de traitement avec un antidépresseur
tains patients peuvent présenter une exacerbation tempo-
                                                                      Les patients qui répondent bien au traitement devraient
raire de leurs symptômes anxieux lorsque l’on entreprend
                                                                   le poursuivre pendant au moins douze mois afin de réduire
le traitement3,7. Ainsi, il est plus avantageux de commencer
                                                                   le risque de rechute1,3,9,12. Si le soulagement des symptômes
le traitement à des doses plus faibles que celles recom-
                                                                   n’est que partiel après quatre à six semaines de traitement,
mandées pour la dépression et de les augmenter plus lente-
                                                                   la dose de l’antidépresseur pourrait être augmentée. Si le
ment selon la tolérance. Les doses initiales suggérées au
                                                                   traitement est inefficace à des doses optimales après huit
tableau I devraient être réduites de moitié lorsqu’il s’agit
                                                                   semaines, un traitement avec un autre ISRS ou la venlafa-
d’entreprendre un traitement chez une personne souffrant
                                                                   xine pourrait être tenté1,9,12. La substitution ou l’ajout d’un
de TAG.
                                                                   second médicament (association) devrait être envisagé
  Les premiers antidépresseurs à avoir été étudiés dans            chez les patients qui ne répondent pas à la monothérapie
cette indication sont les antidépresseurs tricycliques             (figure1).
(ADT). Dans une étude comparative, l’imipramine a
                                                                   Benzodiazépines dans le TAG
démontré une efficacité supérieure au diazépam, à la tra-
zodone et au placebo5,7,10. Puisque les ADT sont associés à          Les benzodiazépines (BZD) ont plusieurs avantages,
des effets indésirables importants, comme l’hypotension            dont celui de soulager rapidement et efficacement les
orthostatique, la tachycardie et des effets anticholi-             patients, tout en ayant peu d’effets secondaires9. Elles peu-
nergiques, et qu’ils sont potentiellement létaux en cas de         vent aider à réduire la gravité, la durée et la fréquence des
surdosage, on leur préfère les nouveaux agents mieux               symptômes4. Pour ces raisons, elles demeurent un traite-
tolérés, tels les inhibiteurs sélectifs du recaptage de la séro-   ment à privilégier comme thérapie complémentaire en
tonine (ISRS) 7,9,11.                                              début de traitement, avant que l’efficacité de l’antidé-
                                                                   presseur commence à se manifester adéquatement1.
   De par leur innocuité et leur profil d’effets indésirables,
                                                                     Il semble que les personnes susceptibles de tirer le
les ISRS sont maintenant le traitement de choix du TAG.            meilleur parti d’un traitement à l’aide d’une BZD sont celles
Bien qu’ils n’aient pas été comparés entre eux, les ISRS           ayant des symptômes somatiques aigus, chez qui il est
sont probablement d’efficacité semblable4,7. Ils ont tous          nécessaire d’obtenir un effet anxiolytique rapide5,7,9. La
été étudiés pour cette indication, mais la paroxétine a fait       place des BZD en monothérapie est controversée et devrait
l’objet de publications plus nombreuses, et c’est le seul          être réservée à un traitement à court terme en l’absence de
ISRS à avoir reçu l’indication officielle au Canada.               symptômes dépressifs ou d’autres comorbidités1,5,7. Il faut
Comparée au placebo, la paroxétine a amélioré de façon             garder à l’esprit qu’entre 33 et 50 % des patients n’auront
significative les symptômes des patients, et une rémission         pas de rémission avec une BZD seule et qu’il y a un
a été obtenue chez 42 % d’entre eux comparativement à              risque de récurrence plus élevé qu’avec un autre type

206 Pharmactuel   Vol. 40 N° 4 Août - Septembre 2007
Tableau I : Comparaison des antidépresseurs (adapté de Fricchione8)
                               Médicaments                                   Doses usuelles
                              (Présentation)                  Dose            Aug.          Cible         Max                           Effets indésirables
                                                            initiale*
                        Escitalopram                         5-10 mg       A5-10 mg        10-20 mg       20 mg       Effets indésirables communs des ISRS
                        Co rég : 10 mg, 20 mg                            q1-2 sem après                               • Troubles gastro-intestinaux :
                                                                          4-6 sem à la                                    Diarrhées/constipation/nausées/vomissements
                                                                          dose initiale                               • Système nerveux central :
                                                                                                                          Anxiété/agitation/insomnie/réactions extrapyramidales
                        Citalopram                           10-20 mg    A10-20 mg/j q     20-40 mg      80 mg            (REP)/sédation
                        Co rég : 20 mg, 40 mg                            1-2 sem après                                • Troubles sexuels : 30 à 50 %
                                                                          4-6 sem à la                                • Autres :
                                                                          dose initiale                                   Céphalées/gain de poids/sécheresse de la bouche/sudationA

                        Paroxétine                         20 mg die     A10 mg/j q 1-2    20-40 mg      60 mg        Particularités des différents ISRS
                        Co rég : 10 mg, 20 mg, 30 mg                     sem après 4-6                                Fluoxétine     Antidépresseur stimulant
                        Forme CR : 12,5 mg, 25 mg                        sem à la dose                                               Anxiété, insomnie, troubles sexuels
ISRS

                                                                            initiale                                                 Non recommandé pour les personnes âgées
                                                                                                                                     (pas un bon choix)
                        Sertraline                         50 mg die     A50 mg/j q 1-2 50-150 mg        200 mg
                                                                                                                      Sertraline     Antidépresseur stimulant
                        Capsules : 25 mg, 50 mg, 100 mg                  sem après 4-6                                               Effets anticholinergiques (bouche sèche,
                                                                         sem à la dose                                               constipation)
                                                                            initiale                                                 Prendre avec un repas (souper), car nourriture
                                                                                                                                     augmente absorption de 30 à 50 %
                        Fluoxétine                         20 mg die      A20 mg/j q       20-40 mg      80 mg
                                                                                                                      Citalopram     Antidépresseur généralement stimulant
                        Capsules : 10 mg, 20 mg                          mois après 4-6
                                                                                                                                     Le plus sélectif des ISRS, donc génère moins
                        Sln buvable : 20 mg/5 ml                         sem à la dose                                               d’effets indésirables
                                                                            initiale
                                                                                                                      Paroxétine     Antidépresseur sédatif
                        Fluvoxamine                        50 mg die      A50 mg/j q      100-200 mg     300 mg                      Effets anticholinergiques ++ pas recommandé
                        Co rég : 50 mg, 100 mg                             sem après                                                 pour personnes âgées
                                                                          4-7 jours ad                                               Troubles sexuels +++, gain de poids ++ (le plus
                                                                                                                                     marqué)
                                                                          100 mg die
                                                                                                                      Fluvoxamine Antidépresseur sédatif ++
                                                                                                                                  Beaucoup d’interactions médicamenteuses

                        Venlafaxine                          37,5-75 mg A37,5-75 mg/j     75-225 mg      375 mg       • Hypotension/Hypertension
                        Capsules libération prolongée (XR) : die         q 4-7 jours                                  • Nausées
                        37,5 mg, 75 mg, 150 mg                                                                        • Sudation
                                                                                                                      • Céphalées
                                                                                                                      • Agitation/Insomnie
                                                                                                                      • Sécheresse de la bouche
                                                                                                                      • Constipation
                                                                                                                      • Troubles sexuels
                        Mirtazapine                        15-30 mg      A7,5-15 mg/j q 30-45 mg       60 mg          • Somnolence +++
                        Co rég : 30 mg                     HS            1-2 sem                                      • Augmentation de l’appétit, Gain de poids
                        Forme RD : 15 mg, 30 mg, 45 mg                                                                • Sécheresse de la bouche
                                                                                                                      • Constipation
                                                                                                                      • Étourdissements
                                                                                                                      • Rêves anormaux
                                                                                                                      Pas de troubles gastro-intestinaux, peu ou pas de céphalées
                                                                                                                      et peu ou pas de troubles sexuels

                        Bupropion                          100-150 mg    A à 150 mg 150-300 mg 300 mg                 • Agitation/anxiété/insomnie/cauchemars
AUTRE ANTIDÉPRESSEURS

                        Co SR : 100 mg, 150 mg             die           BID après 2-4         autre                  • Prurit/urticaire/éruptions cutanées
                        Co XL 150 et 300 mg                                  sem                                      • Nausées
                                                                                                                      • Convulsions
                                                                                                                      • Céphalées
                                                                                                                      Son rôle reste à définir dans le TP et l’AS
                                                                                                                      Non utilisé dans le TAG
                                                                                                                      Peu ou pas de troubles sexuels, pas de gain de poids

                        Buspirone                          7,5 mg bid A5 mg/jr            15 mg bid    60 mg/j       • Étourdissements, céphalées
                        Co rég : 10 mg                                   q 2-4 j                                     • Insomnie, excitabilité
                                                                                                                     • Nausées
                                                                                                                     • REP
                                                                                                                     • Engourdissements, paresthésies
                                                                                                                     Ne doit pas être utilisé sur une base prn.

                        Note:
                        * : Réduire les doses de départ de moitié en présence d’un trouble d’anxiété généralisée
                        Aug : augmentation ; ISRS : inhibiteur sélectif du recaptage de la sérotonine ; Co : comprimé ; TP : trouble panique ; AS : anxiété sociale ;
                        TAG : trouble d’anxiété généralisée ; REP : réaction extrapyramidale.

                                                                                                                      Pharmactuel Vol. 40 N° 4 Août - Septembre 2007          207
Figure 1 : Algorithme du traitement du trouble d’anxiété généralisée
           (adapté de Rynn et Brawman-Mintzer12)

                                                                      DIAGNOSTIC :
                                                                 Trouble anxiété généralisée

            BZD                           OUI                  Soulagement rapide nécessaire

                                                                            NON

    Réponse adéquate                                          ISRS ou venlafaxine ou buspirone
   après 1-2 semaines ?                  NON                            ET/OU TCC

                                                             Réponse adéquate après 8 semaines
            OUI                                                   à des doses optimales ?                               OUI

                                                                                                                Continuer la thérapie
                                                                            NON
                                                                                                              pendant au moins 12 mois

  Continuer la thérapie à                                1- Changer contre un autre agent de 1e ligne
 court terme ou thérapie                                 2- Ajouter BZD ou remplacer par un agent
  intermittente pour les                                    de 2e recours
 patients avec problèmes                                 3- Remplacer par un agent de 3e recours
       épisodiques.

 LÉGENDE
 ISRS : Inhibiteurs du recaptage de la sérotonine
 TCC : Thérapie cognitivo-comportementale
 BZD : Benzodiazépines

d’anxiolytique lorsqu’on cesse le traitement5. Les patients                férences au niveau de leurs propriétés pharmacocinétiques
qui ne répondent pas à une BZD après deux semaines de                      et pharmacodynamiques, comme leur rapidité d’action,
traitement devraient recevoir un autre type de thérapie9                   leur durée d’action et leur métabolisme (tableau II). Ces
(figure 1).                                                                propriétés permettent à la fois de comprendre l’action des
                                                                           BZD ainsi que d’orienter le clinicien dans la sélection du
   Les BZD sont à proscrire pour les personnes chez qui                    médicament. Ainsi, plus un médicament est lipophile, plus
une diminution de l’acuité mentale et psychomotrice est à                  il se distribuera rapidement dans le système nerveux cen-
éviter, pour les patients qui risquent d’en abuser ainsi que               tral et aura un début d’action rapide. C’est ce qui se pro-
pour ceux dont une dépression du système nerveux cen-
                                                                           duit avec des molécules, comme le diazepam, le
tral est à craindre (ex. : alcooliques, personnes âgées)7.
                                                                           flurazépam et le triazolam. Ces trois médicaments sont
En effet, une augmentation de certains effets secondaires
                                                                           cependant transformés en plusieurs métabolites actifs
des BZD, tels que la sédation, les troubles cognitifs, le
                                                                           ayant une longue demi-vie d’élimination, ce qui peut
trouble de la concentration et de la mémoire, l’anxiété,
                                                                           entraîner une accumulation et se traduire par de la séda-
l’agitation paradoxale et la dépression, est à craindre chez
                                                                           tion, des troubles de mémoire, des difficultés de concen-
ces types de patients.
                                                                           tration et une dépendance physique. Pour limiter la toxicité
Choix d’une BZD dans le traitement du TAG                                  des BZD, on utilise plutôt des agents ayant une liposolubi-
                                                                           lité faible à modérée et une demi-vie d’élimination
 Toutes les BZD sont d’efficacité semblable dans le traite-                moyenne de 24 heures et moins. Il est également préférable
ment du TAG4,7,10. Le choix d’une BZD repose sur leurs dif-                de choisir une BZD ayant une bonne vitesse d’absorption

208 Pharmactuel     Vol. 40 N° 4 Août - Septembre 2007
et qui atteigne rapidement un pic plasmatique afin                       sation d’une molécule comme le lorazépam est à privilé-
d’obtenir un soulagement rapide des symptômes. Le clona-                 gier puisqu’elle possède une demi-vie d’élimination plus
zépam, le lorazépam et l’alprazolam sont des molécules                   courte et n’a pas de métabolites actifs.
qui présentent ces caractéristiques, et elles sont des
options thérapeutiques intéressantes pour le traitement                  Choix d’une BZD pour la personne âgée
du TAG. Le clonazépam est fréquemment utilisé dans la
pratique clinique, car sa demi-vie prolongée offre l’avan-                  Les BZD ne sont pas une première ligne de traitement
tage de réduire l’anxiété rebond. Quant à l’oxazépam et au               optimale pour les personnes âgées souffrant d’un TAG. En
temazépam, leur vitesse d’absorption plus lente en fait des              effet, les BZD les exposent à des troubles cognitifs et psy-
molécules moins attrayantes pour cette indication, étant                 chomoteurs et peuvent causer une somnolence diurne
donné leur plus long délai d’action. Cependant, comme                    excessive et ainsi augmenter le risque de chute14. Le lorazé-
elles ont un plus faible volume de distribution se traduisant            pam, l’oxazépam et le temazépam, de par leur pharma-
par une durée d’action plus longue, elles peuvent devenir                cocinétique, ne s’accumulent pas et ne sont pas éliminés
des options thérapeutiques intéressantes pour les patients               par oxydation, une voie métabolique qui s’épuise avec
qui nécessitent un effet anxiolytique plus soutenu.                      l’âge. Ils sont donc à privilégier lorsqu’une BZD doit être
                                                                         utilisée pour une personne âgée.
  Toutes les BZD ont un métabolisme hépatique. La plu-
part subiront une première oxydation suivie d’une conju-                 Durée de traitement avec une BZD
gaison. Beaucoup de métabolites obtenus par oxydation
ont une activité pharmacologique et une demi-vie d’élimi-                  Le TAG tend à être une maladie chronique avec ou sans
nation plus longue que leur molécule mère. Il peut parfois               périodes de rémission12,14. Lorsqu’une BZD est utilisée en
en résulter une dépression du système nerveux central et                 monothérapie, les rechutes à l’arrêt du traitement survien-
une somnolence diurne. Afin d’éviter ces problèmes, l’utili-             nent chez 50 à 80 % des patients3. Il y a peu de données sur

Tableau II : Comparaison des benzodiazépines (adapté des références 3,40)
NOMS                              DOSE        DÉBUT        DEMI-VIE   VOIE   MÉTABOLITES  DOSES                             DOSE
(générique)                    ÉQUIVALENTE   D’ACTION      MOYENNE MÉTABOLIQUE ACTIFS    USUELLES                          MAXIMUM
                                   (mg)        (MIN)         (H)                           (mg/j)                            (mg)
 DURÉE D’ACTION COURTE À INTERMÉDIAIRE
ALPRAZOLAM
Co rég : 0,25 – 0,5 mg, 1 mg       0,5         15-60              12         OXYDATION         MINEUR         0,25-4           4-10
TS 2 mg                                                         (9-20)        (CYP 3A4)
BROMAZEPAM                          3          30-60              20         OXYDATION         MINEUR          3-30             30
Co rég : 1,5 mg, 3 mg, 6 mg                                     (8-30)
LORAZEPAM                                                                 CONJUGAISON
Co rég : 0,5 mg, 1 mg, 2 mg         1          30-60              15    (SÉCURITAIRE CHEZ LA    NON            0,5-8            10
Co S/L : 0,5 mg, 1 mg, 2 mg                                     (8-24)    PERSONNE ÂGÉE)
OXAZEPAM                                                           8      CONJUGAISON
Co rég : 10 mg, 15 mg, 30 mg       15          60-90            (3-25) (SÉCURITAIRE CHEZ LA     NON           10-45            120
                                                                          PERSONNE ÂGÉE)
TEMAZEPAM                                                                 CONJUGAISON
Caps: 15 mg, 30 mg                 10          60-90              11    (SÉCURITAIRE CHEZ LA    NON           15-30             30
                                                                (3-25)    PERSONNE ÂGÉE)
TRIAZOLAM                          0,25        15-30               2       OXYDATION            NON         0,125-0,25          0,5
Co rég : 0,125 mg, 0,5 mg                                       (1,5-5)     (CYP 3A4)
 DURÉE D’ACTION LONGUE
CHLORDIAZEPOXIDE
Caps : 5 mg, 10 mg, 15 mg          25          15-45             100         OXYDATION          OUI           5-100            200
CLONAZEPAM
Co rég : 0,25 mg, 0,5 mg, 1 mg,    0,25        30-60          34       OXYDATION
2 mg                                                        (19-60) RÉDUCTION AZOTÉE NON                      0,25-8            10
CHLORAZEPATE
Caps : 3,75 mg, 7,5 mg, 15 mg      10          30-60             100         OXYDATION          OUI          3,75-60            90
DIAZEPAM
Co rég : 2 mg, 5 mg, 10 mg         5           15-30           100           OXYDATION          OUI           2-40              40
FLURAZEPAM                         15          30-60           100           OXYDATION          OUI           15-30             30
Caps : 15 mg, 30 mg                                         (40-250)
NITRAZEPAM                         2,5         60-120           30          RÉDUCTION
Co rég : 5 mg, 10 mg                                         (15-48)          AZOTÉE            NON            5-10             10

                                                                                      Pharmactuel Vol. 40 N° 4 Août - Septembre 2007   209
la durée de traitement optimale du TAG, mais une BZD ne              Les -bloqueurs, comme le propranolol, peuvent aider à
doit pas être utilisée sur le long terme afin d’éviter la dépen-   soulager certains symptômes physiques de l’anxiété, tels
dance. Idéalement, elle devrait être utilisée pour couvrir la      les tremblements, les bouffées congestives et la tachy-
période où l’antidépresseur n’a pas encore atteint sa pleine       cardie. Par contre, les -bloqueurs ne sont pas aussi effi-
efficacité, soit les deux à quatre premières semaines de           caces que les benzodiazépines, et ils ne sont plus
thérapie1,8,9,12,15. Il est possible cependant que certains        recommandés pour le traitement du TAG1,3.
patients n’arrivent pas à cesser de prendre la BZD et néces-
sitent une thérapie au long cours. Une thérapie intermit-            Quelques anticonvulsivants ont été étudiés dans le traite-
tente avec une interruption de traitement toutes les six à         ment de divers troubles anxieux. Le gabapentin et le
huit semaines peut alors être envisagée pour éviter la             lévétiracetam ont fait l’objet de quelques rapports de cas,
dépendance aux BZD4,12.                                            mais seule la prégabaline a fait l’objet d’études ran-
                                                                   domisées18-20. Elle a démontré une efficacité supérieure au
Traitement pharmacologique de deuxième                             placebo et équivalente aux BZD sur des suivis de quatre à
et troisième ligne du TAG                                          six semaines18-20. Elle possède un début d’action rapide et
                                                                   un profil d’effets indésirables plus favorable que les BZD.
   La buspirone, un agoniste partiel des récepteurs séro-          Elle n’a cependant pas reçu d’indication officielle au
toninergiques 5-HT1A, peut être une solution de remplace-          Canada pour le traitement du TAG, et des études à long
ment intéressante des benzodiazépines. Elle possède                terme sont nécessaires.
l’avantage de ne pas entraîner de dépendance physique, de
symptômes de sevrage ou de troubles cognitifs. Plusieurs             Les antipsychotiques, dont la quétiapine, la rispéridone
études ont démontré que son efficacité était supérieure à          et l’olanzapine, ont fait l’objet de quelques rapports de cas
celle du placebo et semblable à celle des benzodia-                et d’une petite étude randomisée en double-aveugle1,21,22.
zépines3,9,16. Cependant, à l’inverse de ceux-ci, la buspirone     Même si les résultats ont été positifs, des études supplé-
serait plus efficace pour traiter les symptômes psychiques         mentaires sont nécessaires pour établir leur utilité, et ils
plutôt que somatiques et pourrait être envisagée chez les          doivent être réservés aux cas réfractaires, comme traite-
patients ayant des symptômes dépressifs associés à l’an-           ment adjuvant à ceux de premier ou de deuxième recours1.
xiété9,16. Son début d’action est cependant plus lent et se
rapproche de celui des antidépresseurs, soit environ deux            Des rapports de cas et de petites études ont évalué l’effi-
semaines9. Elle doit être administrée de façon régulière en        cacité de la mirtazapine et de la trazodone dans le traite-
trois doses quotidiennes (tableau I). Il semblerait que les        ment du TAG1. Bien que les résultats aient été positifs, leur
patients récemment traités (< 1 mois) avec une benzo-              utilisation est réservée à un traitement de troisième
diazépine répondraient moins bien à la buspirone et                recours étant donné le manque de données probantes.
auraient plus d’effets secondaires9,17. On peut cependant             Des recherches sont présentement en cours pour met-
éviter cette situation en diminuant très lentement la ben-         tre au point de nouveaux médicaments. On pourrait voir
zodiazépine lorsqu’on envisage l’administration de bus-            apparaître dans les prochaines années des antagonistes de
pirone3. Son profil d’effets secondaires avantageux                la cholécystokinine et des neurokinines (NK), qui sont des
(tableau I) fait de la buspirone un choix de traitement            neurotransmetteurs peptidiques favorisant l’apparition de
intéressant lorsque la dépendance physique et l’altération         symptômes anxieux. D’autres agonistes des récepteurs
des fonctions psychomotrices et cognitives sont préoccu-           sérotoninergiques 5-HT1A font également l’objet de
pantes, mais elle n’offre pas d’avantages cliniques par rap-       recherches. Le rôle de ces différents médicaments reste à
port aux antidépresseurs en plus d’être considérée comme           définir.
étant moins efficace que la venlafaxine1.
                                                                   Trouble panique
  Le bupropion peut être envisagé comme traitement de
deuxième recours. Il s’est avéré plus efficace que l’escitalo-       Le trouble panique (TP) se définit par la récurrence d’at-
pram dans un essai contrôlé randomisé, où il a obtenu des          taques de panique survenant de façon inattendue et qui se
taux de rémission de 63 % contre 39 % pour l’escitalopram1.        présentent par l’apparition soudaine et intense d’un senti-
                                                                   ment de peur ou d’anxiété23. Pour une description plus
   L’hydroxyzine, un antihistaminique, a démontré une cer-         complète, le lecteur est invité à se référer aux critères dia-
taine utilité dans le traitement du TAG. Son effet sédatif         gnostiques du DSM-IV-TR2.
pourrait être une explication à son effet anxiolytique, mais
rien n’a été clairement démontré. Tout comme les antidé-             Les attaques de panique sont accompagnées d’anxiété
presseurs, il aurait une efficacité à long terme, mais son         anticipatoire incommodante et souvent, mais non systé-
début d’action serait encore plus lent3,5. Ses effets anti-        matiquement, d’agoraphobie. En effet, entre le tiers et la
cholinergiques en font un choix de traitement peu intéres-         moitié des patients présentant un TP ont également des
sant pour les personnes âgées. Des études comparatives             symptômes d’agoraphobie1. Le TP est une condition sou-
contrôlées seraient nécessaires pour définir sa place dans         vent chronique et affecte la qualité de vie du patient tant
la thérapie, et il demeure une option de troisième recours1.       au niveau social qu’occupationnel.
210 Pharmactuel   Vol. 40 N° 4 Août - Septembre 2007
Étant donné la présence de symptômes somatiques non              Le choix de l’agent se fera essentiellement selon le pro-
spécifiques l’établissement d’un diagnostic de TP pose un       fil de tolérance, le coût, la médication concomitante, les
défi de taille. Le médecin doit prendre en considération        antécédents médicaux et la préférence du patient. Les
les autres conditions médicales pouvant simuler une             doses suggérées sont les mêmes que pour le traitement de
attaque de panique, comme les maladies cardiovasculaires        la dépression, mais il faut souvent cibler la portion élevée
ou pulmonaires. Le TP peut aussi être le symptôme d’une         de la zone thérapeutique pour obtenir les résultats recher-
autre condition psychiatrique, comme l’anxiété sociale ou       chés (tableau I). Les patients souffrant de TP sont particu-
le trouble obsessionnel compulsif. En effet, la présence        lièrement sensibles aux effets indésirables de la
de comorbidités psychiatriques est fréquente et le TP se        médication, et il est recommandé de commencer le traite-
retrouve rarement isolé3,4,23.                                  ment à faible dose et de l’ajuster selon la tolérance toutes
                                                                les une à deux semaines23.
  Le TP atteint deux fois plus de femmes que d’hommes.
Le groupe d’âge à risque s’étend de 25 à 44 ans. Bien que la    Les benzodiazépines dans le traitement
prévalence moyenne soit établie entre 1 à 4 % de la popu-       du trouble panique
lation générale, le TP non compliqué ou subsyndromique
                                                                  Les BZD sont particulièrement utiles pour le soulage-
serait probablement plus fréquent3. Le TP est une maladie
                                                                ment rapide d’une attaque de panique. L’utilisation opti-
chronique récurrente, oscillant entre rechutes et rémis-
                                                                male d’une BZD devrait se faire sur une base non régulière
sions. On rapporte que seulement 10 à 35 % des patients
                                                                soit en début de traitement avec un antidépresseur ou en
traités atteindront une rémission complète3.
                                                                adjuvant à celui-ci lors de crises aiguës23.
Symptômes associés au trouble panique
                                                                  Bien qu’elles aient été démontrées aussi efficaces que
   Les symptômes associés à une attaque de panique com-         les antidépresseurs dans plusieurs essais cliniques, leur
prennent, entre autres : de la tachycardie, des douleurs        utilisation à long terme peut causer un problème de phar-
thoraciques, de la sudation, des tremblements, le souffle       macodépendance et entraîner l’apparition de symptômes
court, une sensation d’étouffement, des nausées, des            de sevrage à l’arrêt du traitement. De plus, un retour des
malaises abdominaux, des étourdissements, des troubles          symptômes du TP peut survenir à la cessation d’une BZD,
de la posture, une dépersonnalisation, la peur de perdre le     et ce, indépendamment de l’agent utilisé et de la durée de
contrôle ou de devenir « fou », la peur de mourir, des fris-    traitement23.
sons et des bouffées de chaleur. À ceux-ci peuvent                L’alprazolam et le clonazépam sont les BZD les plus
s’ajouter des symptômes somatiques d’origine cardiaque,         étudiées pour cette indication27. Jusqu’ici, aucune étude
gastro-intestinale ou neurologique2,23.                         n’a démontré de supériorité d’une BZD en particulier. La
Traitement pharmacologique de première ligne                    plus longue durée d’action du clonazépam favoriserait
                                                                cette molécule par rapport à l’alprazolam, qui peut être
du trouble panique
                                                                associé à des symptômes rebonds étant donné sa plus
   Les objectifs du traitement du TP consistent à diminuer      courte durée d’action. Les doses usuelles sont présentées
la fréquence et la gravité des attaques de panique ainsi qu’à   au tableau II, mais il faut noter que des doses plus élevées
réduire l’anxiété d’anticipation, l’évitement phobique lié à    sont souvent nécessaires pour soulager une attaque de
la panique et l’incapacité fonctionnelle liée à l’anxiété1.     panique. Le choix de l’agent réside donc dans l’analyse du
                                                                profil du patient et du profil pharmacocinétique de la
   Entre 70 à 90 % des patients trouveront un soulagement       molécule3,4,23.
significatif à l’aide de la pharmacothérapie23. Elle soulage
initialement les attaques de panique, mais ses effets sur       Le traitement pharmacologique de deuxième
les comportements d’évitement se font sentir plus tardi-        ligne du trouble panique
vement. Les ISRS ainsi que la venlafaxine sont les pre-            Au cours d’essais cliniques, les ADT se sont avérés
miers choix de traitement du TP24,25. Bien que seules la        efficaces pour le traitement du TP. Bien qu’ils aient une
paroxétine et la sertraline soient officiellement indiquées,    efficacité comparable aux ISRS, leur profil défavorable
les autres membres de cette classe ont tout de même             d’effets indésirables et leur potentiel toxique en surdosage
démontré leur efficacité au cours de nombreux essais            font en sorte qu’on les réserve désormais à une deuxième
cliniques23. Entre autres, le citalopram a eu des effets com-   ligne de traitement3,4,23.
parables à ceux d’un placebo dans une étude randomisée
                                                                  Bien que peu de données soient disponibles sur son
en double aveugle. Le citalopram, à raison de 20 à 60 mg
                                                                utilisation dans cette indication, il semblerait que la mir-
par jour, s’est avéré supérieur au placebo (p < 0,05) après     tazapine pourrait être une solution de remplacement
huit semaines de traitement sur les échelles d’évaluation,      intéressante à envisager28,29.
dont l’Hamilton Anxiety Scale (HAM-A)26. Des données
récentes appuient également l’utilisation de l’escitalopram       Les résultats parfois contradictoires des études portant
pour cette indication1.                                         sur les inhibiteurs de l’enzyme monoamine oxydase
                                                                             Pharmactuel Vol. 40 N° 4 Août - Septembre 2007   211
(IMAO) (exemple : phénelzine) pour cette indication ainsi       lisée implique toute situation sociale potentiellement
que le mauvais profil de tolérance de ces médicaments les       embarrassante, comme parler, manger et écrire en public,
relèguent au dernier rang des options pharma-                   utiliser les toilettes publiques et parler aux étrangers ou à
cologiques3,4,23. La buspirone et le bupropion n’ont, quant à   une figure d’autorité. La forme non généralisée implique
eux, pas démontré d’efficacité pour cette indication en         un malaise associé seulement à une ou deux situations pré-
monothérapie3,4,23. De petites études ouvertes indiquent que    cises. Parler en public est probablement la forme d’anxiété
les antipsychotiques atypiques peuvent avoir une certaine       sociale non généralisée la plus répandue3,30.
efficacité dans le traitement des patients atteints de TP
résistants1.                                                      L’impact de cette maladie, sur le plan occupationnel,
                                                                affectif et social, est majeur pour la personne qui en est
La durée du traitement pharmacologique                          atteinte. Une corrélation inversement proportionnelle
du trouble panique                                              existe entre l’intensité de l’anxiété sociale et le degré occu-
                                                                pationnel ainsi que le revenu de la personne qui en souffre30.
   Le traitement initial devrait durer environ douze
semaines. À ce moment, le patient devrait ressentir un          Symptômes de l’anxiété sociale
soulagement significatif de ses symptômes. Bien que cer-
taines améliorations puissent être constatées dès la pre-          Le rougissement est probablement le symptôme spéci-
mière semaine, des progrès significatifs devraient être         fique qui caractérise le mieux l’anxiété sociale. Parmi les
observés sur une période de six à huit semaines1. Si la         autres symptômes, se trouvent les tremblements, la suda-
réponse obtenue n’est que partielle après huit à douze          tion, la tachycardie, le fait d’être figé ou l’utilisation de
semaines, il faut alors envisager d’augmenter la dose de        stratégies d’évitement. Souvent, l’enjeu pour le clinicien
l’agent en cours ou de le remplacer par un autre (figure 2).    consiste à différencier l’anxiété sociale du TP, étant donné
Le traitement doit alors être poursuivi pendant douze à         la similitude des symptômes présentés. L’anxiété sociale
dix-huit mois supplémentaires et l’arrêt du traitement doit     diffère du trouble panique par le fait qu’elle implique davan-
être tenté seulement après l’obtention de la rémission com-     tage la peur de l’humiliation et du regard des autres plutôt
plète. L’arrêt de la médication devrait se faire graduelle-     que la peur de l’apparition des symptômes d’anxiété ou
ment sur deux à six mois. Les patients qui sont                 d’une attaque de panique. Le fait que le TP puisse se présen-
partiellement soulagés ou qui présentent une recrudes-          ter sans situation sociale embarrassante constitue égale-
cence de leurs symptômes à l’arrêt du traitement devraient      ment un bon indice. Dans le diagnostic différentiel, le
envisager une pharmacothérapie à long terme. En général,        clinicien doit aussi envisager la présence d’un trouble de
près de 30 % des patients atteindront une rémission alors       la personnalité cherchant l’évitement, qui pourrait être une
que 40 à 50 % auront une réponse partielle et que 20 à          manifestation différente d’anxiété sociale2,30.
30 % seront résistants au traitement3,4,23.
                                                                Prévalence de l’anxiété sociale
Résistance au traitement pharmacologique
                                                                   L’anxiété sociale est le troisième désordre psychiatrique
   Avant de considérer un patient résistant au traitement,      en importance après la dépression et l’abus de substances,
on doit d’abord s’assurer d’avoir atteint la dose maximale      ce qui en fait le plus fréquent des troubles anxieux. En
tolérée de l’agent et poursuivi la médication pendant une       effet, sa prévalence se situerait à 13 %30. Elle affecterait
période suffisamment longue. C’est alors seulement que la       davantage les femmes que les hommes dans une propor-
substitution du produit par un autre agent de première          tion de trois femmes pour deux hommes30. Une autre
ligne est envisageable.                                         caractéristique de cette maladie est son début précoce,
                                                                puisqu’elle apparaît en moyenne durant l’adolescence, vers
   À la suite d’un échec avec un second agent de première       quinze à dix-huit ans30. Une des problématiques majeures
ligne, on pourrait tenter l’utilisation d’un agent de deu-      liée à cette condition est que seule une faible proportion
xième ligne, la combinaison ou encore l’ajout d’un agent        des patients consultent un spécialiste avant l’apparition de
potentialisateur. Malheureusement, peu d’agents de poten-       comorbidités, ce qui complique le diagnostic et le traite-
tialisation sont reconnus pour le traitement du TP. Des         ment3,30,31.
données préliminaires mentionnent la buspirone ou
encore des anticonvulsivants, tels l’acide valproïque ou le     Pharmacothérapie de première ligne de l’anxiété
gabapentin3,4.                                                  sociale généralisée

Anxiété sociale (phobie sociale)                                   Les antidépresseurs de la classe des ISRS constituent la
                                                                première ligne du traitement de l’anxiété sociale généra-
  L’anxiété sociale (AS) est associée à une peur intense et     lisée. Leur efficacité et leur innocuité ont été démontrées
non rationnelle du jugement et de l’observation d’autrui et     au cours d’essais cliniques contrôlés. Bien que seule la
implique la crainte de l’humiliation lors des contacts          paroxétine possède l’indication officielle au Canada, un
sociaux ou dans une situation où il faut se montrer perfor-     effet de classe des ISRS est reconnu31,32. Un essai a démon-
mant. Elle peut être généralisée ou non. La forme généra-       tré l’efficacité de l’escitalopram, le plus récent ISRS mis

212 Pharmactuel   Vol. 40 N° 4 Août - Septembre 2007
Figure 2 : Algorithme du traitement du trouble panique (Adapté des références 4,5)

                                                                    DIAGNOSTIC :
                                                                    Trouble Panique

                                                                                                                               Envisager une BZD
                                                              Symptômes aigus présents                      OUI
                                                                                                                                 à court terme

                                                                          NON

                                                               Considérer traitement de
                                                         1e ligne : antidépresseur (ISRS/ven-
                                                                  lafaxine et/ou TCC

      Maintien                    OUI                                   Rémission

  Tenter sevrage si                                                       NON
   BZD présente

                                                              Substituer pour autre agent
  Traitement avec                                                     de 1e ligne
 pharmacothérapie
 durant 12-18 mois
   et tenter arrêt                                                      Rémission

    Si TCC : 4-12                                                         NON
   sessions, visite
 contrôle q mois par
       la suite
                                                              Considérer agent 2e ligne ou
                                                                combinaisons d’agents

                                          OUI                           Rémission

                                                                          NON
LÉGENDE
BZD : Benzodiazépines
TCC : Thérapie cognitivo-comportementale
Agent 1e ligne: - ISRS (inhibiteurs sélectifs de recaptage de la sérotonine)
                     • Parozétine           • Citalopram
                     • Fluvoxamine          • Escitalopram
                     • Sertraline
Agents 2e ligne : - IMAO (phenelzine)
                  - Mirtazapine
                  - antidépresseurs tricycliques
Agents potentialisateurs : - Pindolol et autres

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