Politique pénitentiaire et droits des détenus en Belgique

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Politique pénitentiaire et droits des détenus
en Belgique
Jean Detienne
Président de la Commission
Royale des Patronages
Vincent Seron
Maître de conférences
Université de Liège

Introduction

La politique pénitentiaire belge a connu depuis la fin de la seconde guerre
mondiale, une évolution importante1. Il faut toutefois reconnaître que le droit
pénitentiaire est difficile d’accès, c’est une matière règlementée par de nom‐
breuses normes éparpillées dans des textes parfois non publiés et souvent
peu lisibles2.

Une évolution très nette s’est toutefois dessinée ces dernières années, no‐
tamment grâce à l’influence de certaines décisions rendues par la Cour euro‐
péenne des droits de l’homme3 et des visites du Comité européen pour la
prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégra‐
dants4. Un véritable droit pénitentiaire s’élabore, même s’il reste encore cons‐
titué d’un ensemble de normes disparates5.

1   Dupréel, J., Leçons à tirer du traitement pénitentiaire appliqué aux détenus pour infrac‐
    tion contre la sûreté extérieure de l’Etat, B.A.P., 1949, pp. 1‐10.
2   Beernaert, M.‐A., Manuel de droit pénitentiaire, Louvain‐la‐Neuve, Anthémis, 2007, p. 13.
3   Van Drooghenbroeck, S., La Convention européenne des droits de l’homme, Les dossiers du
    Journal des Tribunaux, n° 30 et 57, Bruxelles, Larcier; Velu, J., Ergec, R., La Convention
    européenne des droits de l’homme, RPDB, t. VII, 1990, Bruxelles, Bruylant. Lire notam‐
    ment les arrêts Aerts c/Belgique du 30 ‐07‐1998, et Borgers c/Belgique du 30‐10‐1991.
4   Le Comité a visité la Belgique du 14 au 23 novembre 1993, du 31 août au 12 septembre
    1997, du 25 novembre au 7 décembre 2001 et du 18 au 27 avril 2005.
5   Beernaert, M.‐A., op. cit., p. 7; Detienne, J., Le droit disciplinaire pénitentiaire: un droit en
    évolution, in: Strafrecht als roeping, Liber amicorum Lieven Dupont, Leuven, Universitaire
    Pers, 2005, p. 359‐398.

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Aperçu du régime carcéral et de la politique pénitentiaire belge

Bref descriptif du paysage pénitentiaire

À l’heure actuelle, la Belgique compte 34 établissements pénitentiaires dont
un établissement de défense sociale. Le dernier établissement pénitentiaire a
été construit en 20046.
Par ailleurs, pour la partie francophone du pays, deux hôpitaux psychiatri‐
ques dépendant du ministère de la Santé Publique au sein du gouvernement
wallon possèdent une section pour la défense sociale, l’une réservée aux
hommes, l’autre aux femmes7.

Sériation

Selon leur régime juridique, les établissements pénitentiaires peuvent être ré‐
partis en deux catégories à savoir les maisons d’arrêt et les établissements
pour peines.
Les maisons d’arrêt accueillent principalement les individus placés en déten‐
tion préventive suite à un mandat d’arrêt du juge d’instruction, mais égale‐
ment les personnes faisant l’objet d’un ordre de réintégration du procureur
du Roi en cas de libération conditionnelle ou d’un ordre émanant de l’Office
des étrangers.
Dans les maisons pour peines, sont incarcérées les personnes qui ont été con‐
damnées à exécuter une peine privative de liberté ou qui subissent une autre
mesure.
Cette distinction est cependant devenue tout à fait théorique en raison no‐
tamment de la surpopulation persistante. De plus en plus d’établissements
font office à la fois de maison d’arrêt et de maison pour peine, soit par voca‐
tion, soit à cause de la surpopulation.
S’agissant du niveau de sécurité contre l’évasion, l’arrêté royal du 21 mai
1965 portant Règlement général des établissements pénitentiaires répartit les
établissements d’exécution des peines en trois groupes8:

6   L’accord de gouvernement conclu ce 18 mars 2008 prévoit quant à lui une “extension ef‐
    fective” de la capacité carcérale.
7   Du côté néerlandophone, Merksplas (qui dépend de la Direction des établissements péni‐
    tentiaires) et Rekkem (qui dépend de la Communauté flamande) accueillent également
    les internés.
8   Le titre III de la loi du 12 janvier 2005 (voir infra) prévoit quant à lui que la question de la
    répartition des prisons en fonction de leur destination ou d’autres critères (par ex. la di‐
    mension, le degré de sécurité) soit réglée par arrêté royal. Il en va de même en ce qui
    concerne la destination des prisons ou des différentes sections de ces établissements.

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– les établissements ouverts où la sécurité est assurée dans un régime éduca‐
  tif qui s’appuie sur une discipline volontairement acceptée sans utiliser les
  moyens de contraintes habituels sauf en cas de nécessité;
– les établissements semi‐ouverts, avec régime sécurisé pour la nuit et travail
  en atelier ou au grand air, formation le jour;et
– les établissements fermés où un régime de sécurité (mur d’enceinte, grilles,
  appareils de détection, et cetera) est organisé en permanence pour les dé‐
  tenus qui ne peuvent pas être orientés vers un établissement ouvert ou
  semi‐ouvert.

Population pénitentiaire

Au 1er mars 2007, la Belgique comptait 10.008 détenus pour une capacité to‐
tale de 8.559 places, dont 383 pour les femmes.
Parmi ces dix mille détenus, 965 étaient des internés de défense sociale, 422
étaient de sexe féminin et 612 étaient placés sous surveillance électronique9.

Cadre juridique

La politique pénitentiaire trouve ou devrait trouver son fondement dans la
législation et les Conventions internationales ratifiées par la Belgique, les‐
quelles font partie intégrante de l’arsenal législatif10. Depuis quelques années,
du moins sur un plan théorique, nous sommes passés d’un régime d’une lé‐
galité contestable11 à une légalité fondée sur des normes consacrées par la loi.

La législation

Le premier des textes à relever dans l’énumération qui va suivre est la Consti‐
tution belge qui, même si elle concerne peu le droit pénitentiaire, définit les
droits de toute personne se trouvant sur le territoire national. Il en découle
d’emblée une constatation: “la catégorie des détenus ne fait l’objet d’aucune
disposition constitutionnelle spécifique. Leurs droits fondamentaux doivent
dès lors être déterminés à partir des droits fondamentaux reconnus à tout ci‐

9    Service Public Federal Justice, Justice en chiffres 2007.
10   La Cour de Cassation (Cass., 27 mai 1971, Pas., 1971, I, 886) a décidé que les juridictions
     belges ne peuvent appliquer les normes de droit interne, fussent‐elles d’ordre public,
     qu’autant qu’elles soient conformes aux normes des traités internationaux ayant des ef‐
     fets directs dans l’ordre juridique interne.
11   Dupont, L., Op weg naar een beginselenwet gevangeniswezen, Universitaire Pers, Louvain,
     1998, p. 116.

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toyen. Pour chacun d’eux, il s’agit de savoir dans quelle mesure la situation
de détention justifie que des restrictions y soient apportées”12.
Indépendamment de la Constitution, le Code pénal reste très discret quant à
l’exécution des peines privatives de liberté. On peut relever notamment
l’article 30 (imputation de la détention préventive sur la durée de la peine
privative de liberté), l’article 30bis (exécution de la peine dans les établisse‐
ments désignés par le Roi), les articles 40 et 41 relatifs à l’emprisonnement
subsidiaire et les articles 86 à 96 qui visent l’extinction des peines.
Le Code d’instruction criminelle n’est pas plus loquace que le Code pénal. On
peut toutefois relever les articles 165, 197 et 376 relatifs à l’exécution des ju‐
gements et arrêts par le ministère public, les articles 615 à 618 qui concerne la
détention arbitraire et 619 à 634 sur l’effacement des condamnations et la ré‐
habilitation en matière pénale.
Une série de lois particulières complètent ces codes. Nous en retiendrons
plus particulièrement la loi du 19 juillet 1991 relative à la motivation formelle
des actes administratifs13 qui impose aux autorités administratives l’obliga‐
tion de motiver leurs décisions. Importante en matière disciplinaire, elle est
régulièrement invoquée par les détenus et peut entraîner une annulation de
décisions disciplinaires14 par le Conseil d’Etat.
Nous retiendrons enfin la loi du 23 mai 1990 sur le transfèrement interétati‐
que des personnes condamnées et, s’agissant du statut juridique interne du
détenu, la loi du 12 janvier 2005 dite loi de principes concernant l’administra‐
tion pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus15. Cette loi, modi‐
fiée entretemps par les lois des 23 décembre 2005 et 20 juillet 2006, attend
toujours d’entrer en vigueur en toutes ses dispositions par plusieurs arrêtés
royaux d’application16.
En ce qui concerne le statut juridique externe du détenu, on ne peut passer
sous silence la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des per‐
sonnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à
la victime dans le cadre des modalités d’exécution de la peine. Complétant la
précédente, on mentionnera la loi du 17 mai 2006 instaurant les tribunaux

12   Verdussen, M., Contours et enjeux du droit constitutionnel pénal, Bruylant, Bruxelles, 1995,
     p. 474; Detienne, J., Les droits fondamentaux des détenus et le droit belge, Revue péniten‐
     tiaire et de droit pénal, 2003, pp 525‐548; Dupréel, J., Les droits des détenus, B.A.P., 1958, p.
     369.
13   Les principes ont été repris dans la circulaire ministérielle 1777 du 2 mai 2005.
14   C.E., 31 juillet 2004, arrêt n° 134189; C.E., 25 mars 2005, arrêt n° 142686.
15   Voir également les circulaires ministérielles n° 1791, 1792 et 1793 du 11 janvier 2007 rela‐
     tives aux titres II, VI et X de la loi de principes.
16   Ce constat a également été émis par le CPT lors de sa dernière visite en Belgique. Voy. le
     Rapport au Gouvernement de la Belgique relatif à la visite effectuée en Belgique par le CPT du 18
     au 27 avril 2005, CPT/Inf (2006), Strasbourg, 20 avril 2006, § 88.

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d’application des peines et celle du 26 avril 2007 relative à la mise à la dispo‐
sition du tribunal de l’application des peines.
Enfin, en matière de défense sociale et de mesures de sûreté, il faut mentionner
la loi du 27 avril 2007 relative à l’internement des personnes atteintes d’un
trouble mental et celle du 26 avril 2007 relative à la mise à la disposition du
tribunal de l’application des peines17.

Les dispositions règlementaires

À défaut d’une mise en application intégrale de la loi du 12 janvier 2005, l’ar‐
rêté royal du 21 mai 1965 portant règlement général des établissements péni‐
tentiaires régit encore à l’heure actuelle une part importante du statut juridi‐
que interne des détenus18.
Cet arrêté est complété par l’arrêté ministériel du 12 juillet 1971 portant ins‐
tructions générales pour les établissements pénitentiaires. Il convient égale‐
ment de retenir l’arrêté royal du 14 mai 1971 portant “Instructions spéciales
applicables aux agents des services extérieurs de l’administration des établis‐
sements pénitentiaires”.
À côtés de ces dispositions règlementaires, gravitent des centaines de circu‐
laires destinées à régler les modalités pratiques du régime pénitentiaire. Ces
circulaires révèlent cependant des inconvénients majeurs dont celui d’avoir
une valeur juridique assez incertaine.

Les intervenants de la politique pénitentiaire

La politique pénitentiaire a subi le contrecoup des réformes institutionnelles19
lors de la constitution des communautés et régions. L’administration péni‐
tentiaire a actuellement pour mission de gérer les personnes privées de liber‐
té dans les prisons (maisons d’arrêt et prisons pour peines). Les communau‐

17   Il est toutefois à relever que ces deux dispositions légales ne sont pas encore entrées en
     vigueur.
18   Le Rapport au Roi qui le précède en définit la philosophie en ces termes: “le régime au‐
     quel les condamnés sont soumis doit tendre à l’affermissement de leur sens moral, civi‐
     que et familial. Il doit leur procurer suivant les cas l’éducation, l’instruction, la connais‐
     sance d’un métier, l’habitude du travail ainsi que l’assistance médicale requise par leur
     état physique ou mental. Les méthodes doivent cultiver chez les détenus le sentiment
     qu’ils continuent à faire partie de la communauté sociale. La conception et l’organisation
     de la discipline, des conditions d’hébergement, du travail, des études et des loisirs doi‐
     vent s’inspirer plutôt de ce qui rapproche de l’existence libre que de ce qui en éloigne et
     elles tendent à sauvegarder ou à susciter le sens de la dignité et des responsabilités hu‐
     maines”.
19   Loi spéciale du 8 août 1980.

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tés et régions se sont vues, quant à elles, confier les activités socioculturel‐
les20. Celles‐ci comprennent notamment: l’éducation permanente, les sports et
la formation post‐scolaire et parascolaire et, dans les matières personnalisa‐
bles21, l’éducation sanitaire22, ainsi que l’aide aux personnes qui inclut no‐
tamment l’aide sociale aux détenus en vue de leur réinsertion23.
Ce partage de compétences au sein des établissements pénitentiaires ne va
toutefois pas sans poser problème et créer des difficultés24.

Statut juridique externe du détenu

Les compétences du ministre de la Justice ont évolué depuis la création des
tribunaux d’application des peines et l’entrée en vigueur de la loi relative au
statut juridique externe des personnes condamnées25.
Nous examinerons successivement et brièvement les compétences respecti‐
ves du ministère de la Justice et des tribunaux d’application des peines26.

La compétence du Ministre de la Justice

Sous réserve d’une évolution future qui rendrait le tribunal d’application des
peines compétent, les modalités d’exécution de la peine à octroyer par le mi‐
nistre (et plus précisément le Service des Cas Individuels) restent:

20   Art. 4, loi 8 août 1980.
21   Art. 5, I, 1°, 2° loi 8 août 1980.
22   Art. 5, I, 1°, 2° loi 8 août 1980.
23   Art. 5, II, 7° loi 8 août 1980.
24   Civ. Liège (réf.) 14 avril 1993, Kellens, G., Kéfer, F. et Seron, V., Code pénitentiaire, Bruxel‐
     les, La Charte; Rapport au Gouvernement de la Belgique relatif à la visite effectuée en Belgique
     par le CPT suite à la visite du 31 août au 12 septembre 1997, CPT/Inf (98) 11, Strasbourg, 18
     juin 1998, § 85; Detienne, J., De la réinsertion du système pénitentiaire, op. cit., pp. 269‐
     295.
25   Loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une
     peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités
     d’exécution de la peine (dénommée ci‐après loi statut externe).
26   Pour un approfondissement de la question: Beernaert, M.‐A., Vers des tribunaux de
     l’application des peines et une définition du statut juridique “externe” des personnes
     condamnées à une peine privative de liberté, Rev. dr. pén., 2007, pp. 7‐49; De Rue, M., Le
     statut juridique externe des détenus, in: A. Masset et Ph. Traest (éds), L’exécution des pei‐
     nes – De strafuitvoering, Les Dossiers de la Revue de droit pénal et de criminologie,
     Bruxelles, La Charte, 2006, pp. 281‐337; Jacobs, A., Le statut externe du détenu, in: A.
     Masset (éd.), Actualités de droit pénal et de procédure pénale, C.U.P., vol. 91, Bruxelles, Lar‐
     cier, 2006, pp. 165‐242.

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– les permissions de sortie27;
– les congés pénitentiaires28;
– l’interruption de l’exécution de la peine29.

Les permissions de sortie permettent au condamné de quitter la prison pour
une durée qui ne peut excéder seize heures en vue:
– de défendre des intérêts sociaux, moraux, juridiques, familiaux, de forma‐
  tion ou professionnels qui requièrent sa présence hors de la prison;
– de subir un examen ou un traitement médical en dehors de la prison;
– de préparer sa réinsertion sociale30.

Le détenu ne doit présenter aucune contre‐indication et doit adhérer aux
conditions susceptibles de lui être imposées.
Le congé pénitentiaire permet au condamné de quitter la prison trois fois
trente‐six heures par trimestre. Il a pour objectif de favoriser les contacts fa‐
miliaux, affectifs et sociaux du condamné et de préparer sa réinsertion31.
Quant à l’interruption de l’exécution de la peine, qui suspend l’exécution de la
peine pour une durée de trois mois au maximum, renouvelable, elle est ac‐
cordée au condamné pour des motifs graves et exceptionnels à caractère fa‐
milial. Elle pourra être refusée en cas de contre‐indication dans le chef du
condamné.

La compétence du juge et du tribunal de l’application des peines

En dehors des compétences reprises supra, le juge et le tribunal d’application
des peines sont compétents pour:
– la détention limitée et la surveillance électronique32;
– la libération conditionnelle33;
– la mise en liberté provisoire en vue de l’éloignement du territoire ou de la
  remise34.

27   Art. 4 et 5 loi statut externe.
28   Art. 6 à 9 loi statut externe.
29   Art. 15 à 20 loi statut externe.
30   Dans cette dernière hypothèse, la permission de sortie ne pourra être octroyée que dans
     les deux années précédant la date d’admissibilité du condamné à la libération condition‐
     nelle et pourra être assortie d’une certaine périodicité.
31   Un tel congé ne peut être octroyé que dans l’année qui précède la date d’admissibilité à la
     libération conditionnelle.
32   Art. 21 à 23 loi statut externe.
33   Art. 24 et 25 loi statut externe.
34   Art. 26 loi statut externe.

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La détention limitée permet au condamné de quitter, de manière régulière,
l’établissement pénitentiaire pour une durée déterminée de maximum douze
heures par jour pour défendre des intérêts professionnels, de formation ou
familiaux qui requièrent sa présence hors de l’établissement pénitentiaire.
Autre mode d’exécution de la peine privative de liberté, la surveillance électro‐
nique permet au condamné de subir tout ou partie de sa peine en dehors de la
prison selon un plan d’exécution déterminé (dont le respect est contrôlé no‐
tamment par des moyens électroniques) et moyennant des conditions aux‐
quelles il a dû préalablement adhérer.

La libération conditionnelle se caractérise par le fait qu’elle permet au condam‐
né de continuer à subir sa peine en dehors de la prison, moyennant le respect
de conditions durant un délai d’épreuve déterminé. L’article 25 de la loi rela‐
tive au statut juridique externe établit une distinction entre les condamnés à
une ou plusieurs peines dont la partie exécutoire s’élève à trois ans ou moins,
d’une part, et les condamnés à une ou plusieurs peines dont la partie exécu‐
toire excède trois ans, et les condamnés à perpétuité, d’autre part:
– dans le premier cas de figure, le condamné doit avoir subi un tiers de sa
   peine, sans prendre en considération une éventuelle situation de récidive
   légale;
– le même seuil d’admissibilité d’un tiers est prévu dans le second cas de fi‐
   gure, pour les personnes qui n’ont pas été condamnées en état de récidive;
   dans le cas contraire, ce seuil est porté aux deux tiers de la peine, sans que
   la durée des peines déjà subies excède quatorze ans;
– pour les condamnés à la réclusion à perpétuité, enfin, la date d’admissibi‐
   lité à la libération conditionnelle est atteinte après dix ans ou, en cas de ré‐
   cidive, seize ans.
Le condamné doit répondre aux conditions qui lui seront fixées.

La mise en liberté provisoire en vue de l’éloignement du territoire ou de la remise est
accordée aux condamnés étrangers qui font l’objet d’une décision de renvoi
ou d’expulsion, de même qu’à ceux à l’égard desquels une décision d’extra‐
dition a été prise ou un mandat d’arrêt européen décerné. Les conditions de
temps (peines inférieures ou supérieures à 3 ans) pour entrer en ligne de
compte pour une mise en liberté provisoire en vue de l’éloignement du terri‐
toire sont les mêmes que celles prévues pour la libération conditionnelle.

La loi du 17 mai 2006 fait par ailleurs une distinction entre les peines privati‐
ves de liberté de trois ans ou moins35 et celles de plus de trois ans36.

35   Voir Titre VI, chap. I loi statut externe.

246
Les peines privatives de liberté de trois ans ou moins37

Le juge d’application des peines peut, à l’exception de la mise en liberté pro‐
visoire en vue de l’éloignement du territoire ou de la remise, accorder des
modalités d’exécution de la peine pour autant qu’il n’existe pas de contre‐
indications dans le chef du condamné, contre‐indications qui portent sur:
– l’impossibilité pour le condamné de subvenir à ses besoins;
– un risque manifeste pour l’intégrité physique de tiers;
– le risque de voir le condamné importuner les victimes;
– l’attitude du condamné à l’égard des victimes des infractions qui ont don‐
   né lieu à sa condamnation.

Les victimes sont soit informées soit appelées à faire connaître les éventuelles
conditions particulières qui, dans leur intérêt, pourraient être imposées au
condamné au cas où il bénéficierait d’une des mesures prévues.

Les peines privatives de liberté de plus de trois ans38

Outre des conditions identiques reprises au cas précédent, le dossier de l’in‐
téressé doit contenir un plan de réinsertion sociale indiquant les perspectives
de réinsertion du citoyen qui va bénéficier d’une des mesures susmention‐
nées39. Le tribunal de l’application des peines octroie la modalité d’exécution
de la peine lorsqu’il constate que toutes les conditions prévues par la loi sont
remplies et si le condamné marque son accord sur les conditions imposées40.
Le condamné est soumis aux conditions générales suivantes:
– ne pas commettre d’infractions;
– sauf pour la détention limitée, avoir une adresse fixe et, en cas de change‐
   ment, communiquer sans délai l’adresse de sa nouvelle résidence au mi‐
   nistère public et, le cas échéant, à l’assistant de justice chargé de la gui‐
   dance;
– donner suite aux convocations du ministère public et, le cas échéant, de
   l’assistant de Justice chargé de la guidance.

36   Voir Titre VI, chap. II loi statut externe.
37   Entrée en vigueur: au plus tard le 1er juillet 2008.
38   Entrée en vigueur: 1er février 2007.
39   Lorsqu’on connaît les conséquences psychologiques et physiques des longues peines
     pour les condamnés, il faut savoir que la réadaptation à la vie sociale, surtout pour les
     isolés sans famille, doit nécessairement précéder la réinsertion.
40   Art. 54, al. 2 loi statut externe.

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Ces conditions générales n’excluent pas des conditions particulières indivi‐
dualisées qui permettent la réalisation du plan de réinsertion sociale, de ré‐
pondre aux éventuelles contre‐indications ou qui s’avèrent nécessaires dans
l’intérêt des victimes.
En raison de l’évolution ultérieure de la situation du condamné, le ministère
public peut saisir le juge d’application des peines ou, le cas échéant, le tribu‐
nal de l’application des peines, en vue de la révocation ou de la suspension
voire de la révision des modalités d’exécution de la peine41.

Compétences particulières du Juge de l’application des peines42

Dans le cadre de la loi du 17 mai 2006, le juge de l’application des peines dis‐
pose de compétences particulières43.
Il peut accorder une libération provisoire pour raisons de santé. Il peut en
outre recalculer le degré de la peine en cas de concours de plusieurs infrac‐
tions. Il peut, enfin, décider de remplacer une condamnation passée en force
de chose jugée par une peine privative de liberté dont la partie exécutoire
s’élève à un an ou moins par une peine de travail s’il existe de nouveaux
éléments qui ont modifié dans une large mesure la situation sociale, familiale
ou professionnelle du condamné depuis que la peine privative de liberté a
été prononcée44.
Les décisions du juge d’application des peines et du tribunal d’application
des peines relatives à l’octroi, au refus ou à la révocation des modalités
d’exécution de la peine sont susceptibles de pourvoi en cassation tant par le
ministère public que par le condamné. Ledit pourvoi a un effet suspensif.

Statut juridique interne du détenu

Sachant que les droits fondamentaux des personnes privées de liberté doi‐
vent être déterminés à partir des droits fondamentaux reconnus à tout ci‐
toyen45, il convient de préciser dans quelle mesure la situation de détention

41   Titre VIII, chap. I à III loi statut externe.
42   Entrée en vigueur: au plus tard le 1er juillet 2008.
43   Titre XI loi statut externe.
44   Art. 72 à 95 loi statut externe. La durée de la peine de travail est fixée par le juge de
     l’application des peines dans les limites de la nature de l’infraction pour laquelle le con‐
     damné a été condamné. La durée est de quarante‐cinq heures minimum et de trois cents
     heures maximum. À défaut d’exécution de la peine de travail, la peine privative de liber‐
     té prononcée par le juge pénal sera exécutée.
45   Verdussen, M., op. cit.

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justifie que des restrictions y soient apportées et quelles restrictions sont ac‐
ceptables en cas de privation de liberté, car “le pouvoir de décision de l’ad‐
ministration pénitentiaire n’est pas sans limite et le contrôle judiciaire peut
s’exercer en cas d’abus ou d’incompatibilité avec la dignité humaine”46.
Cette situation a été fort bien résumée par un agent pénitentiaire lorsqu’il dé‐
clare: “au niveau du comportement envers les détenus, je voudrais qu’il soit
plus social. Ces hommes sont privés de leur liberté mais il ne faut pas ajouter
à cette punition”47.

Les droits fondamentaux des détenus et la Constitution belge48

In limine, il convient de définir ce qu’est un droit fondamental. Comme a pu
le préciser le juge des référés à propos de l’article 3 de la Convention euro‐
péenne des droits de l’homme, “il s’agit d’une protection intangible et inalié‐
nable. Il ne saurait y être renoncé. Habitude, tolérance voire consentement
exprès sont inopérants à en priver le justiciable”49. Même si des exceptions
peuvent exister, encore faut‐il qu’elles soient organisées par la loi.

Les droits fondamentaux des détenus en tant que citoyens d’un Etat de droit
impliquent:
– le droit d’être soumis à un régime organisé par la loi comme tout citoyen libre:
  l’exécution des peines privatives de liberté doit reposer sur la loi. Il a fallu
  attendre la loi du 12 janvier 2005 pour donner une base légale à l’exécution
  des peines50.

46   Civ. Mons (réf.), 15 juillet 1987, Kellens, G. et alii, Code pénitentiaire; il convient de rappeler
     ici les conclusions du Congrès pénitentiaire international de Stockholm d’août 1878 qui
     s’était penché longuement sur la question de savoir si l’administration des prisons devait
     jouir d’un pouvoir discrétionnaire (T.I., pp. 109‐138) pour parvenir à la conclusion que
     “le mode d’exécution des peines devait être suffisamment réglé par la loi pour que
     l’égalité de la peine ne puisse pas être altérée par les procédés de l’administration et des
     directeurs de prison”.
47   Vandenberg, G., Saint‐Gilles ‘by night’, Antenne 2000, n° 5, 1er janvier 2001, p. 19; Tulkens,
     F., Des peines sans droit , J.T., 1988, p. 581.
48   Detienne, J., Les droits fondamentaux des détenus et le droit belge, Revue pénitentiaire et
     de droit pénal, n° 3, septembre 2003, pp. 525‐548.
49   Civ. Liège (réf.), 23 décembre 1988, Kellens, G. et alii, Code pénitentiaire; C.E., 17 juin 1987,
     J.L.M.B., 1987, p. 1063 et suivantes et note P. Martens.
50   L’intervention du pouvoir législatif en vue de donner un fondement juridique moderne à
     l’exécution des peines et mesures privatives de liberté afin d’assurer la conformité du sta‐
     tut juridique des détenus avec les dispositions des traités internationaux sur les droits
     humains fondamentaux est devenue à bien des égards un impératif juridique incontour‐

                                                                                                   249
– le droit à la normalisation du régime carcéral: citoyen d’un Etat de droit, le dé‐
  tenu dispose d’un droit fondamental à pouvoir bénéficier des législations
  applicables à la collectivité. Ce sera, notamment, le cas de la législation sur
  les accidents de travail51 et les conditions de travail52.
– le droit à la motivation des décisions disciplinaires: ce n’est que très récemment
  que la procédure disciplinaire a fait l’objet d’une circulaire ministérielle53.
  Le Conseil d’Etat avait d’ailleurs déjà rencontré le problème de la motiva‐
  tion des décisions disciplinaires54.

Le titre II de la Constitution intitulé ‘des Belges et de leurs droits’55 définit les
droits de l’ensemble des citoyens et ne comporte aucune disposition qui vise‐
rait à exclure la population carcérale de son bénéfice.

Nous examinerons successivement la situation des détenus au regard du
respect de la vie privée, de la liberté d’expression, de la liberté d’association
et de la liberté de conscience.

Le respect de la vie privée

En détention, le respect de la vie privée recouvre deux aspects de la vie du
condamné, à savoir, le respect du lieu de vie et le respect de la correspon‐
dance.
L’inviolabilité du lieu de vie, comme le souligne Marc Verdussen56, ne pour‐
rait être absolue. Le texte de l’article 15 de la Constitution l’exclut d’ailleurs
formellement, en autorisant le législateur à assortir cette inviolabilité d’un
certain nombre d’exceptions. Mais, à la différence de la pratique actuelle,
chaque incursion dans la cellule d’un détenu devrait obligatoirement se fon‐
der sur une disposition de nature législative. Qui plus est, la restriction ap‐
portée ainsi par le législateur à l’inviolabilité du domicile cellulaire devrait
trouver une justification objective et raisonnable.

     nable (Avant‐projet de loi de principes concernant l’administration pénitentiaire et le sta‐
     tut juridique des détenus, Exposé des motifs, Doc. parl., Ch. repr., n° 50‐1076/001).
51   Loi du 10 avril 1971.
52   Voir entre autres les arrêtés royaux du 27 mars 1998, (Service interne pour la prévention
     et la protection au travail), 12 août 1993 (utilisation des équipements de travail) et 7 août
     1995 (équipements de protection individuelle).
53   Circulaire ministérielle n° 1777 du 2 mai 2005.
54   C.E., Arrêts Wadeh du 21 décembre 2001 et 15 janvier 2002, Journ. proc., 8 mars 2002; de
     Beco, R., Cuykens, S., La prison et les droits des détenus, Journ. proc., mars 2002, n°s 432,
     433 et 434.
55   Art. 8 à 32.
56   Verdussen, M., op. cit., p. 483.

250
Comme le précise la loi du 12 janvier 200557 cette mesure de contrôle ne peut
être abusive par rapport à son objet. Le détenu a un droit au respect de sa cel‐
lule qui participe au respect de sa dignité.

La liberté d’expression

Même si le milieu carcéral n’est pas propice à l’égalité des armes probatoi‐
res58, le juge des référés n’a pas manqué de souligner que “l’administration
pénitentiaire ne conteste pas, et ne saurait le faire, que comme toute autre
personne le demandeur a droit aux libertés de conviction et d’expression.
L’Etat a le devoir de s’abstenir d’y opposer des obstacles non légitimés par
les seules réserves admissibles définies aux paragraphe 2 des articles 9 et 10
de la Convention européenne des droits de l’homme. Il a le devoir positif
d’en assurer l’effectivité, tout particulièrement envers les personnes qui, tels
les prisonniers, dépendent essentiellement de son pouvoir pour leur subsis‐
tance”59.
La liberté de conviction et d’expression est un droit que l’Etat se doit de res‐
pecter même en prison. Comme le précise l’article 14 de la Constitution, les
seules limites justifiées sont celles susceptibles d’être imposées par la répres‐
sion des infractions commises à l’occasion de l’exercice de ces droits.

La liberté de réunion

Le règlement général, toujours d’application à défaut d’entrée en vigueur de
la loi de principes du 12 janvier 2005, prévoit en ses articles 56 et 58, alinéa 1,
des regroupements, notamment dans le cadre d’activités, les séances éduca‐
tives, les cercles d’étude.
Comme la liberté d’expression, la liberté de réunion pourrait se réaliser et
prendre pour fondement un certain consensualisme qui permettrait aux dé‐
tenus de discuter avec l’administration certaines modalités de l’exécution de
leur peine60.
Il s’agirait là d’une réadaptation à la vie collective qui permettrait d’envisa‐
ger une réinsertion sociale mieux préparée.

57   Art. 109, § 1er, al. 2 loi de principes.
58   Civ. Liège (réf.), 23 décembre 1988, Kellens, G. et alii, op. cit.
59   Civ. Liège (réf.), 31 janvier 1989, Kellens, G. et alii, op. cit.
60   Miranda Rodrigues, A., Consensualisme en prison, in: Nouvelles orientations du régime pé‐
     nitentiaire, Actes des Journées internationales de la Fondation internationale pénale et pé‐
     nitentiaire, Lisbonne, 21‐25 mai 1999, Procuradoria‐Geral da Republica, Gabinete da Do‐
     cumentação e Direito comparado, Lisboa, 2000; Detienne, J., De la réinsertion du système
     pénitentiaire, op. cit., p. 267 et suivantes.

                                                                                            251
La liberté d’association

L’article 27 de la Constitution dispose: “les Belges ont le droit de s’associer;
ce droit ne peut être soumis à aucune mesure préventive”. Cette disposition
est totale. Faut‐il admettre avec Marc Verdussen61 que la liberté d’association
ne souffre aucune restriction, ni préventive, ni restrictive?
Il semble que des groupements ou associations créant des séances éducatives
ou des cercles d’étude ne devraient pas connaître d’opposition de l’admini‐
stration. Il pourrait en être de même de la formation de groupes de lecture de
la presse62.
Il apparaît important de permettre aux détenus de se réadapter à une vie en
collectivité en leur permettant de poursuivre des objectifs légitimes dans le
respect d’un ordre et d’une sécurité librement acceptés.

La liberté de conscience

Comme les libertés de réunion et d’association, la liberté de conscience ne
peut connaître d’autres limites que celles engendrées par la répression des
délits commis à l’occasion de son expression63.
À propos de la distribution d’un mensuel à un détenu, le juge des référés a
tenu a préciser que “lorsque l’administration infléchit les rapports inter‐
individuels qu’elle engendre ou se refuse à engendrer des droits subjectifs,
qu’elle nie ou limite l’étendue ou l’exercice de ces droits, son action est sus‐
ceptible de constituer une faute civile dommageable dont l’appréciation et la
réparation appartiennent au juge judiciaire”64. Dans sa décision ce magistrat
a tenu à rappeler que “comme toute autre personne, le demandeur a droit
aux libertés de conviction et d’expression”65.
Il découle de ce qui précède que tout détenu demeurant un citoyen à part en‐
tière trouve dans la Constitution des droits subjectifs auxquels la détention
ne peut porter atteinte dans la mesure où il les exerce pacifiquement.

61   Op. cit.
62   Art. 61, Règlement général.
63   Art. 19, Constitution.
64   Dans le même sens Cass., 30 octobre 1987, J.T., 1987, p. 448; Civ. Liège (réf.), 19 janvier
     1989, Kellens, G. et alii, op. cit.
65   Civ. Liège (réf.), 31 janvier 1989, Kellens, G. et alii, op. cit.

252
La loi de principes du 12 janvier 200566

Principes fondamentaux

Faisant écho aux recommandations du CPT67 et rédigé dans l’esprit des Rè‐
gles pénitentiaires européennes et de la résolution du Parlement européen du
17 décembre 1998, le statut juridique interne des détenus est construit sur
quelques principes fondamentaux importants, évoqués au titre II de la loi68.

Le détenu, un citoyen

La loi de principes est tout d’abord sous‐tendue par une approche du statut
juridique du détenu en tant que sujet de droit. Dans cette perspective, le dé‐
tenu ne peut être soumis à aucune limitation de ses droits politiques69, civils,
sociaux, économiques ou culturels autre que les limitations qui découlent de
sa condamnation pénale ou de la mesure privative de liberté, celles qui sont
indissociables de la privation de liberté et celles qui sont déterminées par ou
en vertu de la loi70.

La limitation des effets préjudiciables de la détention

Cette approche partant du statut juridique fait elle même partie d’un concept
pénitentiaire qui en définit par ailleurs le contenu et en vertu duquel, en ap‐
plication du principe de normalisation, il convient d’empêcher les effets pré‐

66   Sur ce point, voy. notamment: Bartholeyns, F., Beghin, J., La loi de principes du 12 janvier
     2005, vecteur de changements dans l’univers carcéral belge?, Rev. dr. pén., 2005, pp. 862‐
     893; Mary, Ph., La nouvelle loi pénitentiaire. Retour sur un processus de réforme (1996‐
     2006), Courrier hebdomadaire du CRISP, n° 1916, 2006; Seron, V., La loi de principes concer‐
     nant l’administration pénitentiaire et le statut juridique des détenus: vers la fin d’un non‐
     droit?, J.T., 2006, pp. 553‐562.
67   Au cours de ses visites en Belgique, le Comité européen pour la prévention de la torture
     et des peines ou traitements inhumains ou dégradants a régulièrement insisté sur la né‐
     cessité de prévoir un statut permettant à toute personne privée de sa liberté non seule‐
     ment de connaître ses droits, mais également de bénéficier de recours pour en obtenir le
     respect.
68   Entré en vigueur le 15 janvier 2007, à l’exception de l’article 7.
69   À moins d’être exclu ou suspendu des droits électoraux, tout détenu peut durant sa pri‐
     vation de liberté participer aux élections législatives. Malgré les circulaires de l’admi‐
     nistration pénitentiaire, il faut néanmoins constater une participation quasi nulle des dé‐
     tenus aux élections en raison du manque de publication de celles‐ci au sein des prisons.
70   Art. 6, § 1er loi de principes. L’article 9, § 1er précise quant à lui que “le caractère punitif de
     la peine se traduit exclusivement par la perte totale ou partielle de la liberté de mouve‐
     ment et les restrictions à la liberté qui y sont liées de manière indissociable”.

                                                                                                   253
judiciables évitables causés par la détention71. Cette approche de la limitation
du dommage carcéral passe par la poursuite d’objectifs individualisés, cons‐
tructifs et orientés vers l’avenir, une exécution de la peine privative de liberté
axée sur la réparation72 et la réinsertion.
La nécessité de limiter les effets préjudiciables de la détention s’accompagne
de deux autres principes complémentaires.
Premièrement, un principe de respect qui implique que l’exécution de la
peine ou mesure privative de liberté s’effectue dans des conditions psycho‐
sociales, physiques et matérielles qui respectent la dignité humaine, permet‐
tent de préserver ou d’accroître chez le détenu le respect de soi et sollicitent
son sens des responsabilités personnelles et sociales73 .
Deuxièmement, un principe de participation qui veille quant à lui à organiser
une gestion plus participative de la prison par le biais d’un organe de concer‐
tation afin de permettre aux détenus de s’exprimer sur les questions d’intérêt
communautaire74.

Planification de la détention

Les objectifs de réinsertion et de réparation évoqués ci‐dessus supposent
l’élaboration d’un plan de détention individuel qui est à développer progres‐
sivement puis à réadapter au cours de la détention. Ce plan est ainsi établi
dans la perspective d’une exécution de la peine privative de liberté qui limite
les effets préjudiciables, est axée sur la réparation et la réinsertion, et se dé‐
roule en sécurité75.
Ce plan contient notamment une esquisse du parcours de détention et des
propositions de participation du condamné aux diverses activités et pro‐
grammes proposés (par exemple, les activités qu’il va exercer, l’encadrement
psychosocial dont il va bénéficier).

71   Art. 6, § 2. L’application du principe de normalisation se traduit notamment dans les nor‐
     mes relatives au travail, aux soins de santé (le détenu a le droit de bénéficier de soins de
     santé de qualité équivalents à ceux dispensés dans la société libre et a le droit de consul‐
     ter le médecin de son choix) et aux conditions de vie en milieu pénitentiaire (tel le droit
     pour les détenus de porter leurs vêtements personnels).
72   L’orientation réparatrice donnée à l’exécution de la peine est traduite dans l’article 9 de la
     loi de principes, au sein duquel figure l’objectif de la réparation du tort causé aux victi‐
     mes par l’infraction.
73   Art. 5, § 1er loi de principes; Civ. Liège (réf.), 9 novembre 1987, Kellens, G. et alii, op. cit.:
     l’administration pénitentiaire doit assurer sa mission de sécurité en veillant en même
     temps au respect de la dignité des êtres humains dont elle a la garde.
74   Art. 7, § 1er loi de principes.
75   Art. 9, § 3 loi de principes.

254
Conditions de vie en milieu carcéral

Conditions physiques et matérielles de la détention – régime de vie

La loi de principes prévoit notamment que tout détenu a, en règle générale,
le droit de porter ses propres vêtements76 et doit pouvoir être en mesure de
soigner son apparence et son hygiène corporelle de façon quotidienne77.
Concernant l’alimentation des détenus, celle‐ci doit être fournie en quantité
suffisante et adaptée, le cas échéant, aux exigences de leur état de santé78. Par
ailleurs, les détenus disposent, dans certaines limites fixées par les instruc‐
tions particulières et hormis le cas de figure d’une sanction disciplinaire le
leur interdisant, du droit de se procurer, à leurs frais, certains objets et ali‐
ments supplémentaires parmi ceux qui sont proposés par le service de can‐
tine79.
S’agissant du régime de vie, le législateur a privilégié, sauf exception, une
exécution de la peine ou de la mesure privatives de liberté qui se déroule
dans le cadre d’un régime de vie en communauté ou d’un régime de vie en
semi‐communauté80.
Le détenu a le droit d’aménager à sa guise l’espace de séjour qui lui est attri‐
bué, pour autant qu’il respecte les dispositions du règlement d’ordre inté‐
rieur relatives à l’ordre et à la sécurité81.

Contacts avec le monde extérieur

Tout détenu dispose du droit d’entretenir des contacts avec le monde exté‐
rieur, dans les limites définies par ou en vertu de la loi82.

76   Art. 43 loi de principes.
77   Art. 44 loi de principes.
78   Art. 42 loi de principes.
79   Art. 47 loi de principes.
80   Par régime de vie en communauté, il convient d’entendre, au sens de l’article 49, la pré‐
     sence des détenus dans des lieux de travail et de séjour communs et la participation col‐
     lective des activités organisées dans la prison. Dans le cadre du régime de vie en semi‐
     communauté, les détenus demeurent dans leur espace de séjour attribué mais il leur est
     proposé des activités qu’ils peuvent exercer en communauté (art. 51). S’agissant de la ca‐
     tégorie des inculpés, on fera mention de la disposition particulière suivant laquelle ils
     disposent à tout moment, sauf disposition légale contraire, de la possibilité de se retirer
     dans leur espace de séjour, sans préjudice de leur droit de prendre part à des activités
     communes (art. 52).
81   Art. 41 loi de principes.
82   Art. 53 loi de principes.

                                                                                           255
Hormis ces restrictions, chaque personne détenue a, en principe par l’entre‐
mise du directeur de la prison, le droit d’envoyer et de recevoir un nombre il‐
limité de lettres83.
De manière générale, les inculpés ont le droit de recevoir des visites quoti‐
diennes84. Les détenus condamnés peuvent quant à eux bénéficier de mini‐
mum trois visites par semaine85, la durée minimale des visites étant, tant
pour la catégorie des inculpés que celle des condamnés, d’une heure. Par ail‐
leurs, des visites dans l’intimité destinées à préserver ou renforcer les rela‐
tions affectives et sexuelles, d’une durée minimale de deux heures par mois,
doivent en principe être octroyées au détenu qui en exprime la demande86.
Chaque détenu a également le droit de téléphoner journellement, à ses frais, à
des personnes extérieures à la prison87. L’utilisation, par le détenu, de tout
autre moyen de communication non prévu par loi (comme un accès libre à
Internet par exemple) est proscrit88.
Enfin, les articles 60 à 70 règlent les contacts (écrits ou oraux) entre le détenu
et son avocat, les représentants diplomatiques et agents du corps consulaire
ainsi qu’avec les médias.

Religion et philosophie

Moyennant le respect des droits d’autrui, la loi reconnaît le droit fondamen‐
tal de tout détenu de vivre et de pratiquer sa religion ou sa philosophie, de
manière individuelle ou en communauté89. En conséquence, il a le droit de
bénéficier d’une assistance religieuse, spirituelle ou morale d’un représentant
de son culte ou de ses convictions philosophiques et de pratiquer les cultes et
les activités communes qui s’y rattachent90.
Comme sous le règlement général de 1965, la loi de principes garantit aux dé‐
tenus l’accès aux représentants de cultes non reconnus.

83   Art. 54 loi de principes.
84   Art. 58, § 1er loi de principes.
85   Art. 58, § 2 loi de principes.
86   Art. 58, § 4 loi de principes. Les conditions et modalités de ces visites doivent faire l’objet
     d’un arrêté d’exécution.
87   Art. 64, § 1er loi de principes. Des restrictions peuvent toutefois être apportées à ce droit,
     dans la mesure où il existe des indices personnalisés que la communication téléphonique
     est susceptible de menacer le maintien de l’ordre ou de la sécurité (art. 64, § 3.)
88   Art. 65 loi de principes.
89   Art. 71, § 1er loi de principes.
90   Art. 71, § 2 loi de principes. Premières dispositions à être entrées en vigueur, les articles
     71, 72, § 1er, 73, 74, § 1er à § 4 de la loi de principes sont d’application depuis le 1er no‐
     vembre 2005.

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