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Université Paris Descartes
                               Faculté de médecine

                                    2019-2020                 N°
                                                              N°

            MÉMOIRE POUR LE DIPLÔME UNIVERSITAIRE
                 D’HISTOIRE DE LA MÉDECINE

                                 Présenté et soutenu
                                  Le 10 octobre 2020

                                           Par

                         Bruno Julien Gustaaf De Turck
            Né le 16 janvier 1970 à Berchem Sainte-Agathe, Belgique

     La réanimation par injections sous-cutanées d’oxygène et ses
                  préconiseurs : une histoire franco-belge ?

Enseignements dirigés par :
M. Le Professeur Jean-Noël FABIANI - Directeur du D.U
M. Le Professeur Johan PALLUD - Co-directeur du D.U
M. Le Professeur Patrick BERCHE - Co-directeur du D.U
M. Claude HAREL - Coordinateur pédagogique du D.U
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Bruno De Turck – Mémoire DU Histoire de la Médecine – [2020]

« mieux vaut sauver un mourant, que d’enterrer cent morts »
……………………………………………………………………………...proverbe chinois

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                                            qui m’aident dans ma passion pour l’histoire
                              et qui restent à me tolérer pendant mes années d’étude

En mémoire de mon père, Paul De Turck (1931-2003), qui m’a transmis l’amour pour l’histoire
et l’esprit interrogatif. Pendant des années, il m’a accompagné aux brocantes et marchés aux
puces où j’ai trouvé les pièces qui constituent ma collection privée sur l’histoire de l’anesthésie
et de la réanimation.

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                                    Remerciements

À mon grand exemple et confrère Dr Jean-Bernard Cazalaà, Chevalier de la Légion d’Honneur,
qui m’a fait connaître ce cours et qui est un des plus grands promoteurs de l’histoire de
l’Anesthésie. Ce passionné d’histoire, auteur de différents articles et fondateur du CHAR, m’a
donné à plusieurs occasions un podium pour passer mes histoires d’anesthésie. Il est devenu
un grand ami à qui je dois beaucoup.

Remerciements à mon confrère Dr Guy Gustin, médecin généraliste retraité de Châtelet,
passionné de l’histoire de sa commune. Il m’a énormément aidé avec les recherches sur la vie
de l’inventeur belge de l’« Hypodermox ».

Un grand merci à Dr (Her)Bert Van Craeyvelt, un confrère, anesthésiste à plein cœur, qui
surveille la vie du patient avec un dévouement exemplaire. Ce bibliophile éloquent m’a appris
énormément de choses, aussi bien en clinique qu’en histoire de l’anesthésie.

Merci à Justine Odeurs pour son aide à l’orthographe de ce mémoire. Je lui suis très
reconnaissant.

Merci à tout le personnel (infirmiers, infirmières, personnel administratif et les équipes
sanitaires), à tous mes confrères en anesthésie et au service d’urgence de l’hôpital AZ Sint-
Lucas à Gand, qui m’ont soutenu pendant mes 18 ans d’exercice de mon métier.

Remerciements à la BIU Santé Paris, dont le fonds documentaire en licence ouverte est d’une
aide précieuse pour rédiger ce mémoire.

Remerciements aux Archives Nationales et la base de données « Léonore », qui sont d’une
très grande assistance pour trouver les honneurs que la France rend à ses illustres
compatriotes.

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Table des matières
Remerciements .......................................................................................................................... 4
Liste des abréviations ................................................................................................................. 8
Introduction................................................................................................................................ 9
1      Première partie : l’oxygène sous-cutanée en réanimation.............................................. 11
    1.1        La théorie au sujet des réanimations de noyés et d’asphyxiés ............................... 14
       1.1.1          La réanimation des noyés et des asphyxiés (fin XIXe - début XXesiècle) ........ 15
       1.1.2          Pourquoi des injections sous-cutanées ............................................................ 18
    1.2        La pratique de l’injection.......................................................................................... 21
       1.2.1          Technique de l’injection ................................................................................... 21
       1.2.2          Volumes à administrer ..................................................................................... 22
       1.2.3          Effets indésirables ............................................................................................ 23
2      Deuxième partie : les appareils et leurs inventeurs ......................................................... 25
    2.1        Appareils à ballon d’O2 ............................................................................................. 25
       2.1.1          Dómine José juan (1869-1931) et Chabás Bordehore José (1877-1963) ......... 25
       2.1.2          Ramond Félix Pierre (1871-1960)..................................................................... 27
       2.1.3          Desmarest Ernest Edmond (1877-1946) .......................................................... 28
       2.1.4          Rapin (?) et Jousset André Gabriel (1876-1940) .............................................. 29
       2.1.5          Bovier-Lapierre Joseph ( 1881-1942) ............................................................... 31
       2.1.6          Kleiman Lucien Joseph (1889- ?) ...................................................................... 31
       2.1.7          McCrae Alexandre John (1872-1918) ............................................................... 32
       2.1.8          Grimberg Arthur (1890-1934) .......................................................................... 33
       2.1.9          Sapelier César Joseph Emmanuel (1853-1919) ................................................ 34
       2.1.10         Estabial Eugène François Marcel (1891-1957) ................................................. 35
       2.1.11         Prével Maurice (?) ............................................................................................ 35
       2.1.12         Ishibashi Ifu ( ?) et Oshibushi Nobuo ( ?) ......................................................... 35
    2.2        Appareils à O2 « naissant » ...................................................................................... 36
       2.2.1          Dupuis Charles (?)............................................................................................. 36
       2.2.2          Fialip Robert Jean Marie (1890-1949) .............................................................. 37
       2.2.3          Agasse-Lafont Edouard (1877-1964) et Douris Roger F. Albert (1882-1962) .. 39
       2.2.4          Mary Hiéronymus Antoine Gustave (1896-1974) ............................................ 40
       2.2.5          Giroux Marie Joseph René (1888-1967)........................................................... 42
    2.3        Appareils à obus d’oxygène ..................................................................................... 42
       2.3.1          Bayeux Raoul Alphonse Robert (1862-1929) ................................................... 42
       2.3.2          Cot Charles Gustave Eugène Louis (1881-1945) .............................................. 44

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       2.3.3           Thiriar Adrien Jules (1846-1913) et Martin Herman (1864-1938) ................... 46
       2.3.4           Martinet Paul Charles Alfred (1868-1922) ....................................................... 48
       2.3.5           Lesieur Georges Jean Baptiste Maurice (1866- ?) ............................................ 49
       2.3.1           Fourcade Maurice L. Jean (1885-1961) et Jaloustre Léon A. (1882-1938) ...... 50
       2.3.2           Silten / Silberstein Ernst (1866-1943) .............................................................. 52
       2.3.3           Lian Constant Camille (1882-1962) et Navarre Philippe-Charles (1881- ?) ..... 53
       2.3.4           Darraspen Vincent Ernest (1896-1975) et Cuillé Jean Marie G (1872-1950) ... 54
       2.3.5           Melchior Adolf (1898-1962) ............................................................................. 55
       2.3.6           Latinne Eloi Lucien Guislain Alphonse (1885-1959) ......................................... 57
    2.4        Synthèse chronologique des appareils et inventeurs .............................................. 59
3      Troisième partie : la fin des iO2sc en réanimation ........................................................... 60
    3.1        Déjà dès 1911 ........................................................................................................... 60
       3.1.1           La Grande Guerre ............................................................................................. 60
       3.1.2           La période entre les deux guerres .................................................................... 61
       3.1.3           La 2e Guerre Mondiale ..................................................................................... 62
    3.2        1957, la date des nouvelles règles de réanimation ................................................. 62
Conclusion ................................................................................................................................ 64
Index ......................................................................................................................................... 65
Table des illustrations .............................................................................................................. 66
Bibliographie ............................................................................................................................ 73
Liste des annexes...................................................................................................................... 93
Annexe 1 ................................................................................................................................... 94
Annexe 2 ................................................................................................................................... 95
Résumé ..................................................................................................................................... 96

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                            Liste des abréviations

O2      oxygène

iO2sc   Injection(s) sous-cutanée(s) d’oxygène

sc      sous-cutané(e) ou hypodermique

iv      intraveineux (se)

PO2sc   pression partielle sous-cutanée d’oxygène

ULB     Université Libre de Bruxelles

                                                                                            8
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                                          Introduction

L’acquisition dans des brocantes de trois appareils qui servent à injecter l’oxygène sous-cutanée
à des asphyxiés et des noyés a suscité ma curiosité pour ce mode de réanimation. Le fait que
deux de ces appareils sont de fabrication française et l’autre belge fait supposer que ce moyen
de réanimation du début du XXe siècle a été limité à ces deux pays.
La voie sous-cutanée est une voie thérapeutique très répandue chez les vétérinaires. En
médecine, elle reste encore à ce moment idéale pour des traitements de longue durée sans
actions immédiates. Le manuel de réanimation de 2015 (le plus récent, car les nouvelles règles
de réanimation seront publiées fin 2020), basé sur les résultats et les études des dernières
années, dicte qu’en réanimation seul dans les chocs allergiques cette voie est encore utilisée
pour administrer l’adrénaline 1.
La pratique de la réanimation par injections sous-cutanées de l’oxygène (iO2sc) aux noyés ou
asphyxiés n’a pas tenu longtemps (de 1910 à environs 1930). Il semble néanmoins exister une
quinzaine d’appareils différents et un nombre équivalent d’inventeurs.
L’histoire des iO2sc pour toutes sortes de traitement a déjà été extensivement décrite par
Melchior A.2 et par Curry T.3, néanmoins on ne trouve nulle part l’efficacité de ce moyen de
secours pour les noyés et asphyxiés, ni les plans de tous ces appareils ou l’histoire de vie de
leurs créateurs.
La méthode utilisée pour ce mémoire consiste en une recherche approfondie par Internet, une
consultation (pendant 10 mois, tenu compte du confinement dû au COVID-19) de différents
livres et revues anciennes, une fouille dans les archives, une exploration des objets de la
collection privée de l’auteur et, en ce qui concerne l’« Hypodermox » et son inventeur le Dr
Latinne, d’interviews de personnes témoins.
Citant l’essayiste Henri Massis que « c’est l’homme qui fait l’histoire et non pas l’histoire qui
fait l’homme4 », ce mémoire tente de faire une liste exhaustive des appareils et des vies parfois
remarquables des inventeurs.

1
  Conseil Français de Réanimation Cardio-pulmonaire (CFRC), directives de réanimation, 2015.
2
  Adolf Melchior, onderhuidsche zuurstoftherapie. thèse de doctorat soutenu le 7 mai 1930 à l’université
d’amsterdam, SW Melchior, amersfoort; 1930, 262p.
3
  Timothy B. Curry et autres, the history of subcutaneous oxygen therapy. journal of clinical anesthesia 2006;
18(5): 388-95.
4
  Henri Massis, dans « citations de célébrités », citation n°41009, le Parisien, s.d..

                                                                                                            9
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Là où les dates de naissance ou de décès sont introuvables, le symbôle (?) est utilisé.
Ce mémoire décrit la période du traitement par iO2sc. Il tente de démontrer que cette méthode
de réanimation, maintenant devenue obsolète, a été une histoire franco-belge.

                                                                                                  10
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         1 Première partie : l’oxygène sous-cutanée en
                                              réanimation

L’oxygénothérapie commence avec la découverte presque simultanée (vers 1771-4) de la
molécule d’oxygène (O2) par Carl Wilhelm Scheele, Joseph Priestley et Antoine Laurent
Lavoisier. Scheele nomme l’O2 « l’air de feu », Priestley l’appelle « l’air déphlogistiqué » et
c’est Lavoisier qui lui donne en 1777 son nom de « générateur d’acide » ou « oxy-gène 5,6,7».
En 1783, le physicien Toulousain Caillens traite une jeune femme atteinte de tuberculose
(« phtisie pulmonaire ») avec des inhalations journalières à l’O2 8. C’est le premier traitement
à l’O2. Au « Pneumatic Institute » de Thomas Beddoes à Bristol en Angleterre, fondé en 1799,
les physiologistes ont testé l’effet de l’inhalation de différents gaz, comme l’O2, pour un grand
nombre de maladies 9. Jamais Beddoes ou ses collègues n’ont réclamé un véritable traitement
par ces gaz. Les patients ont inhalé durant des courtes périodes une concentration d’O2 souvent
supérieure à 21%. Parfois la concentration d’O2 inhalé était moindre que la concentration de
l’air ambiant7. Une éthique tendancieuse a fait en sorte que cet institut n’a pas eu de bonne
réputation et que l’usage du « gaz de vie » a été associé au charlatanisme. L’O2 a été administré
aux malades agoniques, courts d’haleine et en manque d’air, comme dernier traitement.
Beaucoup de Médecins propagent que l’O2 peut sauver la vie. Très vite, on a remarqué qu’avec
l’O2 les morts ne revenaient pas à la vie. L’O2 n’était pas le remède miracle. Un médecin belge,
Dr Goedertier, confirme cette pensée et écrit dans la revue « Bruxelles Médicale » du 2 août
1933 :
          « durant plusieurs années, dans différents pays, l’O2 a servi lors des derniers
          moments de vie et pour sauver les cas désespérés, et c’est pour cela que l’O2
          a une réputation si mauvaise [traduction par l’auteur] 10. »

5
   Christina Kossobutzki, Die Geschichte der inhalativen Sauerstofftherapie, Thèse de doctorat soutenue à
l’Université de Lübeck le 12-03-2009, Lübeck, 2009, p. 9.
6
  Timothy B. Curry et autres, the history of subcutaneous oxygen therapy, op. cit., p. 388.
7
  Christopher Grainge, Breath of life : the evolution of oxygen therapy, dans : Journal of the Royal Society of
Medicine, Londres, 2004; 97 : pp. 489-493.
8
  Jean (?) Caillens, observations sur un nouveau moyen de remédier à la phtisie pulmonaire, dans : Gazette de
Santé, Paris, 1783; p. 38.
9
  Julian M. Leigh, Early treatment with oxygen.The Pneumatic Institute and the panacea, dans : Anaesthesia 1974;
29 : pp. 194-208.
10
   José B. Chabás, Oxigenoterapia, Manuel Marin, Barcelone, 1945 ; 206p.

                                                                                                             11
Bruno De Turck – Mémoire DU Histoire de la Médecine – [2020]

Les premières inhalations se font à l’aide de robinets en communication avec des vessies de
porc huilées (Ingenhousz), des bouteilles (Hunter) ou des sacs de taffetas vernis (Chaussier)
remplis d’O2. Demarquay Jean Nicolas (1814-1875) distribue l’O2 en France à partir d’un
réservoir proposé par le fabriquant d’instruments de chirurgie Galante, constitué d’un tonnelet
en caoutchouc muni d’un soufflet 11.

                     Image 1: réservoir de Galante. Limousin S. Note sur les inhalation
                     d’oxygène, 1866. ©BIU santé Paris.

Limousin Stanislas (1831-1887), un pharmacien parisien, a créé en 1866 le « ballon
d’oxygène » que différents médecins utilisèrent dans le traitement des broncho-pneumonies
infantiles 12.

                         Image 2: ballon d’oxygène. Limousin S. Note sur les
                         inhalation d’oxygène, 1866. ©BIU santé Paris.

11
     Maurice Goulon, La réanimation, naissance et développement d’un concept, Maloine, Paris, 2004 ; p. 107.
12
     Stanislas Limousin, Note sur les inhalations d’oxygène, Limousin S, Paris, 1866 ; 15p.

                                                                                                               12
Bruno De Turck – Mémoire DU Histoire de la Médecine – [2020]

Après la fermeture du « Pneumatic Institute » l’O2 perd son intérêt. D’autant plus qu’il y a la
crainte concernant la toxicité éventuelle du gaz inspiré 13,.
Depuis lors, les inhalations d’O2 connaissent des enthousiastes et des opposants. Ces derniers
disent que l’oxygène dans l’air est parfaitement suffisant à la capacité respiratoire du sang.
Selon eux, il est inutile d’augmenter la tenue d’O2 dans l’air inspiré. Pour les opposants, il vaut
mieux augmenter la surface de contact du sang et de l’oxygène. L’idée d’injecter l’O2 dans
l’hypoderme dans les états asphyxiques ne vient pas de cet argument. Cette méthode n’est pas
non plus préconisée avec la prétention (injuste) de remplacer les inhalations du gaz. On cherche
simplement d’autres voies d’administration, comme la voie intraveineuse ou rectale. Dr SB
Birch publie dans le Lancet en 1869 un article sur du pain oxygéné et de l’eau oxygénée. Il
préconise aussi les inhalations de l’O2 14,15.
Comby pense même à l’utilisation de l’ozone (O3) qu’il déclare comme un super-oxygène en
raison de sa trivalence 16! (« non novi sub sole 17,18 »).
C’est en 1777, que Lazzaro Spallanzani, en Italie, après avoir réalisé chez le chien la première
injection sous-cutanée de l’O2 (iO2sc), observe que le tissu cellulaire l’absorbe complètement
et qu’à son contact le sang devient rouge vif 19.

                                Image 3: portrait de Spallanzani
                                Lazzaro. ©www.Researchgate.net.

13
   Christopher Grainge, Breath of life : the evolution of oxygen therapy, op.cit., p. 491.
14
   Scholes Butler Birch, Some remarks on the exhibition of oxygen as a therapeutic, in connexion with a new,
agreeable, and easy form of administration by the stomach, Lancet 10 avril, 1869; 193, 2380: pp. 492-3.
15
   Christina Kossobutzki, Die Geschichte der inhalativen Sauerstofftherapie, op. cit., p. 128.
16
   Maurice Goulon, La réanimation, naissance et développement d’un concept, op.cit., p. 108.
17
   Francesco Ceccherelli et autres, Analgesic effect of subcutaneous administration of oxygen-ozone. A blind
study in the rat on the modulation of the capsaicin-induced edema, dans : Acupuncture Electrotherapy Research
1998 ; 23(3-4) : pp. 171-184.
18
   L’utilisation des injections d’ozone « explose » en ce moment, ndlr.
19
   Charles G.E.L. Cot, Asphyxies du temps de paix et du temps de guerre, Lorillot, Paris, 1932; pp. 267-70.

                                                                                                          13
Bruno De Turck – Mémoire DU Histoire de la Médecine – [2020]

Pierre Nynsten (1774-1817) essaye l’iO2sc et l’O2 par injection intraveineuse en 1811                           20
                                                                                                                     .
Demarquay et Leconte en 1859 sont d’autres pionniers. Après leurs expériences, on remarque
plusieurs études insignifiantes, jusqu'à ce que le professeur Thiriar à Bruxelles en 1899 emploie
l’iO2sc pour le traitement de l’anthrax et ses complications 21,22.
Les iO2sc sont de nouveau proposées par Béraud et Garrelon au cours d’une ascension du Mont
Blanc au début du XXe siècle 23.
C’est par suite d’une erreur dans la technique d’une injection de sérum à une personne typhique
que le Dr José Juan Dómine et Dr José Chabás de Valence, se fondants sur l’article de Thiriar
et ignorants les essais de Demarquay, sont amenés à juger des grands bénéfices de l’introduction
de l’O2 sous la peau en 190024,25. Chabás écrit qu’il emploie les iO2sc pour toutes sortes de
maladies : anthrax, dermatoses, névralgies, eczémas, ostéites, méningites, etc. Il essaye
l’oxygénothérapie par la voie gastrique, rectale et vésicale. En Amérique et en Allemagne on
traite différentes maladies avec des iO2sc, comme en neurologie ou en psychiatrie 26 et pour le
mal de dos. Il y a néanmoins peu de description de l’usage pour le traitement des asphyxié ou
noyés 23. Occasionnellement, des magazines de métallurgie ou minière rapportent ce moyen de
réanimation27.

     1.1 La théorie au sujet des réanimations de noyés et d’asphyxiés

Au début du XXe siècle le nombre de décès par asphyxie, bien qu’impossible à préciser, est
considérable28. le nombre augmente avec les progrès industriels qui multiplient les sources de
carbone, l’utilisation de gaz et vapeurs délétères et l’emplacement de lignes électriques. Les
asphyxies accidentelles deviennent plus nombreuses. Les accidents miniers fréquents amènent
des asphyxiés. Puis vient la Grande Guerre avec ses gaz suffocants et des taux de morts par
asphyxie inimaginables. C’est une des raisons principales pour laquelle l’intérêt grandi pour la
réanimation et la physiologie respiratoire.

20
   Timothy B. Curry et autres, the history of subcutaneous oxygen therapy, op. cit., p. 8.
21
   Jules Thiriar, la technique opératoire et les indications générales de la méthode oxygénée, dans : Gazette des
hôpitaux civils et militaires, Paris, 1904 ; 77e année : p. 1473.
22
   Adolf Melchior, onderhuidsche zuurstoftherapie, op. cit., p. 12.
23
   Armand Béraud, Les injections hypodermiques d’oxygène dans le traitement des dyspnées et de l’asphyxie,
Université Paris Diderot, Paris, 1911 ; 149p.
24
   José B. Chabás, Oxigenoterapia, op.cit., p. 10.
25
   José B. Chabás, injection hypodermique d’oxygène, dans : Revista de higiene y sanidad 1927; (17): p. 529.
26
    HP Kuttner, Subkutane Sauerstoff- und Kohlensäuretherapie in der Neurologie und Psychiatrie, dans :
Monatsschrift Psychiatrie und Neurologie 1931, 79, p.
27
   Camille Mathy, Belgian Letter: the Hypodermox, dans : Industrial and engineering chemistry 1929; 7(12): p. 5.
28
   Philippe Leveau, Histoire de la réanimation respiratoire vue à travers celle des noyés, dans: Annales françaises
d’anesthésie et de réanimation 1996; 15(1): pp. 86-100.

                                                                                                               14
Bruno De Turck – Mémoire DU Histoire de la Médecine – [2020]

Pour les noyés, René-Antoine Ferchault de Réaumur (1683-1757) recense en 1740 les pratiques
traditionnelles de secours dans son « Avis pour donner du secours à ceux que l'on croit
noyés 29». Les sociétés de secours aux noyés apparaissent, premièrement, et non surprenant,
dans les villes avec des cours d’eau, comme à Amsterdam en 1767. Celle de Paris est fondée
en 1772. En 1774, à Londres, se crée la « Society for the Recovery of Persons Apparently
Drowned » , qui existe encore sous le nom de la « Royal Humane Society » . Ces sociétés
dictent les mesures à prendre et les techniques à employer en cas de noyade ou d’asphyxie,
basées surtout sur des rapports de cas 28.

        Image 4: Page de titre              Image 5: la maison à Amsterdam où se
        de la « Society for the             situe la « Maatschappij tot Redding van
        Recovery of Persons                 Drenkelingen », Amsterdam 2010
        Apparently
        Drowned», 1774

      1.1.1 La réanimation des noyés et des asphyxiés (fin XIXe - début XXesiècle)

        Le traitement des asphyxiés exige ainsi, avant tout moyen thérapeutique d’ordre
médical, des secours d’extrême urgence. Ces secours doivent être appliqués par quiconque
(même sans formation médicale) et sans délai28,30. Il convient de les régler pour qu’ils soient
toujours sans danger, aussi efficace que possible et si simple qu’on peut les enseigner à toute la
population. Les secours donnés aux noyés et aux asphyxiés à la fin du XVIIe siècle consistent
d’abord à faire coucher la victime, dénouer les liens, desserrer le col et la ceinture. On essaie
ensuite de stimuler par une « flagellation énergique » avec un mouchoir mouillé d’eau froide

29
   Jan A. Kool, Geschiedkundige beschouwing van de Maatschappij tot redding van drenkelingen, De Ruyter,
Amsterdam, 1854; 302p.
30
   Philippe Leveau, Histoire de la réanimation respiratoire vue à travers celle des noyés, op. cit., p. 88.

                                                                                                        15
Bruno De Turck – Mémoire DU Histoire de la Médecine – [2020]

31,32
        . On tente de réveiller le malade par des inhalations excitantes, telles que celles des sels
ammoniacaux, de l’éther ou de l’acide acétique. Le « marteau de Mayor 33» (marteau trempé
dans de l’eau bouillante) fut abandonné en 1912, par contre, on pratique immédiatement une
« respiration artificielle » selon la technique de Marshall Hall, de Jean-Jacques-Joseph Leroy
d’Etiolles, de Henry R Silvester, de Benjamin Howard ou de Edward Sharpey-Schafer. Ceci
parfois à l’aide d’appareils de Panis, Cot ou Hederer 34,35,36,37,38,39,40.

                          Image 6 : la respiration artificielle selon HR Silvester

           A côté de cela, le traitement héroïque reste la saignée41. Une saignée de 300-500
grammes a un effet immédiat d’amener une diminution de l’encombrement du système veineux.
Pour un traitement médicamenteux on différencie entre les asystolies d’origine cardiaque ou
extracardiaque 42. Les asystolies du premier type bénéficient d’un traitement à base d’injections
(sc ou iv ) de 25 gouttes (0,5mg) de digitaline parfois suivi d’injections d’huile camphrée ou de
caféine. La trinitrine (1-2 gouttes d’une solution alcoolique) et les ventouses appliquées à la

31
   Constantin Oddo, La médecine d’urgence, Octave Doin et fils, Paris, 2e éd., 1912; 979p.
32
   Mathieu J.B. Orfila, Secours à donner aux personnes empoisonnées et asphyxiées, Béchet Jeune, Paris, 1825;
288p
33
   Pierre F.O. Rayer, L’emploi du marteau de Mayor pour ranimer la vie chez les agonisants, dans : Répertoire de
Pharmacie, receuil pratique, Lartigue A, Bureau du journal, Paris, 1846; tome 3: p. 381.
34
   Bruno J.G. De Turck, Charles Hederer and his pulmoventilateur, dans : Resuscitation 2008; 79(1): pp. 7-10.
35
   Charles Hederer, l’Arme Chimique et ses Blessures. Cours pour Officiers Supérieurs « Z », impr. de l’artillerie
navale, Toulon, 1932; 192p.
36
   Thomas O. Garland, Artificial Respiration, Faber and Faber, Londres, 1952; 60p.
37
   Diana E. Manuel, Marshall Hall 1790-1857, Rodopi, Amsterdam, 1996; 378p.
38
   Henri de Varigny, Essais sur la mort. Mort véritable et fausse mort, Librairie Felix Alcan, Paris; 1929; 318p.
39
   Conseil Générale de la Croix Rouge de la Belgique, Cours d’ambulanciers-auxiliaires de la Santé Publique,
Presses Tilbury, Bruxelles, 1939; 13e ed.: 286p.
40
   Alfred Stenuit et Georges De Voghel, manuel de sauvetage dans les mines, duculot-Roulin, Tamines , 1909 ;
279p.
41
   Constantin Oddo, La médecine d’urgence, op.cit., pp.260-270.
42
   Léonce Barthe, Toxicologie chimique, Vigot frères, Paris, 1918, 580p.

                                                                                                              16
Bruno De Turck – Mémoire DU Histoire de la Médecine – [2020]

base du thorax complètent le traitement. Pour les asystolies d’origine extracardiaque le
traitement se compose de tonifiants (comme la spartéine ou la caféine), de diurétiques (la
théobromine) en ajoutant ici-aussi les ventouses et la saignée. Les manuels de méthodes de
respiration artificielle ne mentionnent pas l’usage adjoint de l’O2. Le rôle des poumons et de
l’O2 a été longuement secondaire. L’oxygénothérapie se développe lentement qu’à partir du
moment où ses bases physiologiques sont mieux comprises (comme par Paul Bert ou Charles
Richet43). En 1857 Claude Bernard observe que « l’oxyde de carbone déplace l’oxygène du
sang [sic] 44» et en 1901, Gréhant montre que l’inhalation d’O2 constitue le traitement
spécifique des asphyxiés.
C’est la Première Guerre Mondiale, avec les gaz suffocants et meurtriers, qui stimule John Scott
Haldane (1860-1936) à développer les masques à O2 et l’oxygénothérapie par inhalation 45,46.
Sa publication en 1917 s’intitule « the therapeutic administration of oxygen » et représente
l’origine de l’administration rationnelle de l’O2. Pendant le siècle qui suivit cet écrit, peu de
choses ont été ajoutées. Haldane décrit en détail la régulation respiratoire par le gaz carbonique
et ses effets sur la concentration de l’hydrogène sanguin. Il conçoit l’anoxémie en trois types
(insuffisance d’O2, d’hémoglobine ou de circulation sanguine) et trouve la correspondance entre
ventilation et perfusion. Le centre respiratoire, récemment découvert par d’autres, et la toxicité
de l’oxygène sont étudiés. Ce physiologiste écossais affirme :
          « on peut argumenter que l’administration de l’oxygène est pour le mieux
          palliative ou sans aucun effet, parce qu’elle n’enlève pas la cause de la
          condition pathologique. Comme physiologiste, je ne souscris pas à ce
          raisonnement. Le corps vivant n’est pas une machine mais un organisme qui
          tente constamment de maintenir ou de revenir à la normale. Dans cette
          situation, l’apport d’oxygène n’est pas inutile, mais auxiliaire à la
          récupération [traduction de l’auteur] ».
        En 1922, Haldane publie son livre « Respiration ». Les pas vers la compréhension des
effets thérapeutiques de l’O2 s’accélèrent. Dès lors, le bénéfice de l’O2 est accepté
mondialement, mais beaucoup de médecins sont encore réticents à l’emploi continu de l’O2.

43
   Maurice Goulon, La réanimation, naissance et développement d’un concept, op.cit., p.108.
44
   Dennis W. Glover, The history of respiratory therapy, discovery and evolution, Authorhouse Bloomington,
Indiana, 2010 ; 137p.
45
   John S. Haldane, Respiration, Oxford University Press, Londres, 1922; 427p.
46
   Kaarthik C. Sekhar et S.S.C. Chakra Rao, John Scott Haldane : the father of oxygen therapy, dans: Indian Journal
of Anaesthesia 2014; 58(3): pp. 350-352.

                                                                                                               17
Bruno De Turck – Mémoire DU Histoire de la Médecine – [2020]

Haldane réplique: « l’oxygénothérapie en intermittent est comme amener un noyé à la surface
de l’eau de temps à autre [traduction par l’auteur]47 ».

       1.1.2 Pourquoi des injections sous-cutanées

        Quoique les effets de morsures de serpents ou de flèches empoisonnées sont connus
depuis l’Antiquité, il faut attendre des siècles avant que la seringue et les aiguilles soient
inventées. Des formes d’injection intraveineuse sont décrites au XVIIe siècle. Sir Christopher
Wren (1632-1723) emploie une seringue fabriquée d’une vessie et d’une plume d’oie pour
injecter du vin et de l’opium dans la veine d’un chien48. Il emploie ces substances psychoactives
pour bien démontrer l’effet de l’injection chez l’animal. Wren essaie d’injecter en iv chez un
« servant délinquant d’un ambassadeur étranger [sic] », mais cela tourne mal49.
En 1660, Johann D Major de Kiel et Johann S Elsholtz de Berlin essaient des injections en iv
de substances non purifiées chez l’homme, mais aussi sans succès et ces injections ne
réapparaitront qu’à la fin du XIXe siècle         50,51
                                                          . Alexander Wood d’Édimbourg et le Lyonnais
Charles-Gabriel Pravaz sont généralement connus comme inventeurs de l’injection sous-
cutanée, mais d’autres comme De Graaf, Taylor, Washington et Rynd appliquaient déjà cette
technique d’administration52.
        L’intérêt d’introduire par la peau des médicaments dans le corps vient très probablement
des vaccinations ou inoculations à grand succès du début du XIXe siècle. Au début, la technique
consiste en formant une ampoule sous la peau ou en grattant la couche primaire de la peau pour
ensuite placer la substance sur la plaie en espérant l’absorption. En 1836, le chirurgien Gustave-
Victor Lafargue (de Saint-Emilion) a l’idée de tremper une lancette de vaccination dans la
morphine et de la pousser sous la peau. Au milieu du XIXe siècle, ce chirurgien introduit des
pastilles de morphine sous la peau en trouant cette couche à l’aide d’une grande aiguille et il
injecte ces pastilles par le trou. Cette technique est appelée « la seringue sèche ».

47
   Christopher Grainge, Breath of life : the evolution of oxygen therapy, op.cit., p. 490.
48
   Svend Norn et autres, Injektionens Historie [On the history of injection], dans: Dansk Medicinhistorisk Arbog
2006; 34: pp. 104–106.
49
   David I. Macht, The History of intravenous and subcutaneous injecting of drugs, dans : The Journal of the
American Medical association, 1916; p. 856.
50
   Robin Perrin, oxygénation par lunettes nasales et effets sur la FiO2 et la gazométrie artérielle chez le chien
sain, Toulouse, Thèse d’exercice en médecine vétérinaire, École Nationale Vétérinaire de Toulouse, 2012 ; pp. 1-
152.
51
   Dennis W. Glover, The history of respiratory therapy, discovery and evolution, Authorhouse Bloomington,
Indiana, 2010; 137p.
52
   Harry H. Kane, Drugs that enslave : the Opium, Morphine, Chloral and Hashisch habits, Blakiston, Philadelphia;
1881; 232p.

                                                                                                             18
Bruno De Turck – Mémoire DU Histoire de la Médecine – [2020]

         La voie hypodermique ou sous-cutanée est considérée comme meilleure que la voie
intraveineuse, probablement grâce à l’intérêt des inoculations, à la crainte de solutions septiques
(au temps de Pasteur) et aux dangers de potence de l’injection iv. (Peut-être que les vétérinaires
jouent aussi un rôle, du fait que les injections par voie sc sont plus facile à réaliser chez les
animaux).
Harry Hubbell Kane décrit en 1880 l’injection iv comme une « conséquence involontaire »
d’une injection sc53.
         En 1916, D.I. Macht note tardivement: « quoique la médication iv soit efficace dans
certaines circonstances, son intérêt est plus restreint que la médication par la voie
hypodermique [sic]54».
Wood, Pravaz et Luer améliorent les seringues au point de vue de précision et de sécurité. La
stérilisation des aiguilles par la chaleur est introduite par Pasteur. Chamberland et Robert Koch
additionnent des conservateurs, comme l’acide carbolique (phénol). La stérilité a été le facteur
décisif pour Limousin qui invente des ampoules en verre en 1886 55.
Les physiciens d’époque, comme Alexandre Wood (1817-1884), ne croient pas dans l’action
systémique des médicaments injectés en sc. Ils jurent par contre dans l’effet local. Il a été
suggéré que cette méconnaissance des effets systémiques crée un grand nombre de patients
morphinomanes56. Un chirurgien à Londres, Charles Hunter (1835-1878), est la connexion
entre les opiacés sc et leurs effets systémiques quand il doit changer de site d’injection à cause
d’un abcès. Il s’ensuit un débat animé entre Wood et Hunter sur les effets systémiques des
injections SC 57.
         À la fin du 19e siècle, on emploie la voie sous-cutanée pour injecter des cardiotoniques,
comme l’huile camphrée, de la caféine ou des potions de strychnine ou de spartéine, en cas
de syncope grave ou de troubles respiratoires aigus 58.
Béraud, en 1911, préfère l’iO2sc aux inhalations du gaz dans les cas où l’on ne dispose que de
faibles quantités d’oxygène. Comme, selon lui, celles-ci ne nécessitent qu’une quantité très
minime d’O2 pour des effets au moins aussi prononcé que ceux des inhalations :« l’oxygène en

53
   Harry H. Kane, Drugs that enslave : the Opium, Morphine, Chloral and Hashisch habits, op.cit., p. 71.
54
   David I. Macht, The History of intravenous and subcutaneous injecting of drugs,op. cit., p. 2.
55
   Svend Norn et autres, Injektionens Historie [On the history of injection],.op. cit., p. 104.
56
   Richard Davenport-Hines, The pursuit of oblivion : the social history of drugs, [En ligne], Hachette, Angleterre,
2012; 480p.
57
   Svend Norn et autres, Injektionens Historie [On the history of injection], ibid., p. 108.
58
   Alfred P.C. Martinet, les injections sous-cutanées d’oxygène dans les états hyposphyxiques, dans: Comptes
rendus de la société de thérapeutique de Paris, Paris,1913; Séance du 12 mars 1913, pp. 573-74.

                                                                                                                19
Bruno De Turck – Mémoire DU Histoire de la Médecine – [2020]

sous-cutané rend le sang asphyxique sa couleur rutilante et ses propriétés à dose
considérablement plus faible qu’employé en inhalation [sic]59 ».
Au début du 20e siècle beaucoup de médecins testent l’iO2sc, la plupart d’entre eux sont
Français, mais il y a aussi Thiriar et Martin (Bruxelles), Melchior (Amsterdam), Chabás et
Dómine (Valence), Warden (Londres), McCrae (Ontario), Evans et Durshordwe (Buffalo) et
les japonais Ishibashi et Oshibushi, etc. 60,61,62 .

                                         Image 7: Dr JH Evans,
                                         © International Anesthesia
                                         Research Society 1991

En France, les vétérinaires Ferrant (1927) et Petitdidier (1930) décrivent les techniques et les
applications de l’oxygénothérapie de l’époque dans leurs thèses vétérinaires respectives 63. La
voie sous-cutanée permet, selon eux, de mettre « l’O2 en contact direct avec les tissus d’une
façon peut-être moins rapide que par la voie veineuse, mais d’une manière plus sûre et
durable[sic] ». Cette voie est la méthode de choix en médecine vétérinaire car la peau des
animaux domestiques est « ample et le tissu conjonctif relativement lâche [sic] ».
En 1930, Melchior Adolf d’Amsterdam conclue par : « pour les uns les iO2sc peuvent
s’employer pour toutes maladies, mais que d’autres médecins ne voient pas d’amélioration par
ces injections64 [traduction par l’auteur] ». Il finit par dire que les asphyxiés doivent être traités
spécifiquement par l’inhalation d’O2 et non par iO2sc. Des manuels de secouristes de la Croix
Rouge mentionnent en 1960, 38 ans après l’article d’Haldane, que dans les cas d’asphyxie par

59
   Yves Delage, Roux E. l’anoxhémie des altitudes et son traitement par l’oxygène hypodermique, dans: l’Année
Biologique, Compte Rendu de l’Académie de Sciences, librairie lhomme, Paris, 1912; p. 339.
60
   Adolf Melchior, onderhuidsche zuurstoftherapie, op. cit., p.74-78.
61
   John H. Evans et Clarence J. Durschordwe Clinical experiences with subcutaneous oxygen therapy, dans :
Current Research in Anesthesia 1937 ; 16 : pp. 211-18.
62
   John A. McCrae, The subcutaneous injection of oxygen as therapeutic measure, dans : American Journal of
Medical Sciences 1914 ; 148 : pp. 836-38.
63
   Robin Perrin, oxygénation par lunettes nasales et effets sur la FiO2 et la gazométrie artérielle chez le chien
sain, op. cit., p. 19.
64
   Adolf Melchior, onderhuidsche zuurstoftherapie, ibid., pp.104-105.

                                                                                                             20
Bruno De Turck – Mémoire DU Histoire de la Médecine – [2020]

submersion avec un noyé bleu (ce qui suppose « qu’il s’est débattu et que l’eau a pénétré dans
les organes respiratoires [sic] ») l’oxygène, par n’importe quel moyen, n’a aucune valeur65!

     1.2 La pratique de l’injection

        Au début, les injections sous-cutanées sont généralement laissées aux personnes avec
une formation médicale. L’intérêt à la réanimation après 1918 et en période de grippe espagnole
dévastatrice implique que l’on essaie d’inventer des appareils portatifs et prêts à l’usage par
quiconque66.
       1.2.1 Technique de l’injection

        Différents manuels de réanimation de cette époque décrivent la même technique. On fait
l’asepsie par les moyens habituels (alcool, teinture d’iode) de la région où l’on désire pratiquer
l’injection. Les endroits de préférence sont la face externe de la cuisse, la région inter-scapulaire
ou le flanc. Pour Ramond 67, Martinet68 et les autres médecins la face externe de la cuisse a une
légère préférence. Cela permet de continuer durant l’injection, la pratique d’une respiration
artificielle à l’aide des appareils mentionnés plus haut. On n’utilise jamais l’abdomen comme
endroit d’injection, car le risque des organes génitaux gonflés est considérable. Plusieurs
médecins s’opposent à la région sous-scapulaire ou médiastinale, vu que les iO2sc conduisent
à une auscultation difficile des poumons.
        On introduit une aiguille de calibre assez grand, préalablement stérilisée par flambage à
l’alcool ou à l’eau bouillante, sous la peau, comme s’il s’agit d’une injection hypodermique
habituelle. On essaie de placer la pointe de l’aiguille entre la couche graisseuse et la couche
aponévrotique. Ensuite, on fait pénétrer lentement l’O2 par l’aiguille à l’aide d’un des appareils
connus. La région choisie se gonfle petit à petit. Une fois l’injection terminée, on retire l’aiguille
et on recouvre le trou dans la peau de façon stérile69.

65
   Conseil Générale de la Croix Rouge de la Belgique, Cours de secouriste, Bruxelles, 1960; 280p, p. 180.
66
   Adolf Melchior, onderhuidsche zuurstoftherapie, op. cit., annexe.
67
   Félix P. Ramond, les injections sous-cutanées d’oxygène dans les asphyxies, dans : La Presse Médicale 1910,
Masson et Cie, 12 novembre 1910; n°91: p. 856.
68
   Alfred P.C. Martinet, les injections sous-cutanées d’oxygène dans les états hyposphyxiques, op. cit., p. 574.
69
   Adolf Melchior, onderhuidsche zuurstoftherapie, ibid., p. 100.

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                          Image 8: l’injection sous-cutanée. © Melchior A., Onderhuidsche
                          Zuurstoftherapie, SW Melchior, Amersfoort,1930; pp. 97-99.

       1.2.2 Volumes à administrer

        Pour les grandes asphyxies, le Médecin Lieutenant-Colonel Cot70 envisage d’emblée
d’injecter une dose de 500 centimètres cubes au minimum, ce que Sapelier certifie71. Bayeux
n’ose injecter que 300cc par jour, et jamais plus que 50cc par minute72. D’autres médecins
affirment que l’on peut même administrer l’O2 jusqu'à un litre en une dose sans inconvénients73.
Béraud, en 1911, indique qu’il infiltre jusqu’à 3-4 litres et ces doses peuvent être répétées
pendant la journée. Ramond confirme, selon Béraud, avoir injecté jusqu’à 12-15 litres pendant
une journée74. Bayeux affirme qu’il faut bien mesurer le volume, la vitesse d’injection et la
pression du liquide injecté, mais pour d’autres médecins ceci ressemble plutôt une publicité
commerciale pour son appareil75.
        Les médecins Warden (d’Amérique) et McCrae (du Canada) décrivent que la dose
d’injection a la grandeur de la moitié d’une orange76.

70
   Charles G.E.L. Cot, Asphyxies du temps de paix et du temps de guerre, op.cit., p. 12.
71
   Emmanuel J.C. Sapelier, Archives nationales, s.d., base de données « Leonore », dossierLH/2457/16
72
   Raoul A.R. Bayeux, comment faut-il pratiquer les injections sous-cutanées d’oxygène ?, dans : Clinique de Paris,
1923; 18 : pp. 59-64.
73
   Adolf Melchior, onderhuidsche zuurstoftherapie, op. cit., p. 99.
74
   Armand Béraud, Les injections hypodermiques d’oxygène dans le traitement des dyspnées et de l’asphyxie,
op.cit., p. 30.
75
   Adolf Melchior, onderhuidsche zuurstoftherapie, ibid., p. 79.
76
   John A. McCrae, The subcutaneous injection of oxygen as therapeutic measure, op. cit., p. 856.

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       1.2.3 Effets indésirables

        Le Dr Cot affirme qu’il n’y a aucun incident à craindre. Après l’iO2sc, il existe toujours
un peu d’emphysème sous-cutané qui met plusieurs jours pour se résorber77. Si on décide
d’injecter dans la région inter-scapulaire, ces bulles d’emphysème gênent ensuite
l’auscultation78. Contrairement à ce que la plupart des médecins craignent, et selon le même
auteur, une embolie gazeuse n’a jamais été constatée après une iO2sc.
        Adolf Melchior mentionne que le risque des embolies gazeuses augmentent en fonction
du volume injecté, de la pression sur la seringue ou en injectant plus rapidement79.
        Thiriar et son confrère Martin, de Bruxelles, osent rapporter un cas où, à cause d’un
défaut de l’appareil, toute la couche sous-cutanée du patient de 13 ans a gonflé. Heureusement,
le jeune « ballon » guérit 80.
        D’autres effets locaux indésirables sont la formation d’une tuméfaction diffuse,
soulevant toute la zone cutanée sous-jacente, une colorisation de la peau à l’endroit de
l’injection, une légère élévation de la température locale et une sensation de douleur à la région
injectée.
        Les effets de généralisation qui suivent l’iO2sc sont un ralentissement du rythme
respiratoire et une diminution très sensible des pulsations cardiaques.
        La nocivité des atmosphères superoxigénées est assez tôt reconnue 81.
        Des études récentes des iO2sc et des injections sous-cutanées d’Ozone pour toutes sortes
de traitements (même comme antidouleur) démontrent que l’injection est suivi d’une douleur
intense ou une sensation de brûlure qui peut persister plusieurs jours68,82. Selon Béraud en 1911,
ces phénomènes douloureux passagers ne nécessitent pas de traitement.
        Dómine signale qu’après l’injection une hématose rapide des muqueuses des yeux, des
lèvres et du vagin se manifeste. Selon le même investigateur, les urines présentent quelques

77
   Charles G.E.L. Cot, Asphyxies du temps de paix et du temps de guerre, op. cit., p. 12.
78
   Armand Béraud, Les injections hypodermiques d’oxygène dans le traitement des dyspnées et de l’asphyxie,
op.cit., p. 13.
79
   Adolf Melchior, onderhuidsche zuurstoftherapie, op. cit., p. 80.
80
   Jules Thiriar, la technique opératoire et les indications générales de la méthode oxygénée, op. cit., p. 1473.
81
   Maurice Goulon, La réanimation, naissance et développement d’un concept, op.cit., p. 108.
82
   Marco Mainini , Maria L. Rosato et autres, Oxygen-ozone therapy and local administration induced pain, dans :
Ozone Therapy 2017; 2(1) : pp.5-6.

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modifications, comme la polyurie, l’augmentation de l’urée excrétée et moins de pouvoir de
détoxification83.
         À côté d’un risque d’une injection involontaire iv, il existe aussi un risque d’infection
locale, se manifestant par une rougeur et un gonflement de la peau à l’endroit injecté84. Il y a
néanmoins des médecins qui affirment que les iO2sc ont des effets anti-inflammatoires et anti-
bactériens85.

                                      Image 9 :Le Dr Cot instruit les Sapeurs-
                                      Pompiers une iO2sc, © Cot C., Asphyxies du
                                      temps de paix et du temps de guerre, Lorillot,
                                      Paris, 1932; p. 268.

83
   Armand Béraud, Les injections hypodermiques d’oxygène dans le traitement des dyspnées et de l’asphyxie,
ibid., p. 30.
84
   Edward M. Sullivan et autres, Physician Assistant, a guide to clinical practice, Elsevier inc., 2008; 4e éd.: 960p.
85
   Adolf Melchior, onderhuidsche zuurstoftherapie, op. cit., pp. 64-67.

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