MATIÈRE À RÉFLEXION - PORTRAITS DE PATIENTS EN 2024 - N 2 - Forum Managed Care
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MATIÈRE À RÉFLEXION N° 2 PORTRAITS DE PATIENTS EN 2024 Une publication du fmc réalisée en collaboration avec la fondation Patientenkompetenz
FMC M ATIÈRE À RÉFLEXION N°2 Sommaire 3/5 Éditorial 4 Impressum 6 Contexte 12 Portrait de Nicole 16 Portrait d’Emma 20 Portrait de Thomas 24 Portrait d’Auguste 28 Possibilités d’action et incitations 31 Bibliographie (non exhaustive) 32 Exemples d’application 48 Le portefeuille de prestations 50 Les soutiens du fmc 2
ÉDITORIAL Compétence des patients : une approche agréablement différenciée La compétence des patientes et des patients est une notion qui a pris une place plus importante au cours des dernières années dans les discussions sur les priorités à placer dans les politiques de santé. On peut le constater notamment par la priorité qui lui est conférée dans le programme « santé 2020 » du Conseil fédéral. Jean-François Steiert, Conseiller national, Dans la dimension parfois populiste des débats publics, la Vice-président de la Fédération compétence est souvent non seulement mise en lien immédiat Suisse des Patients FSP avec la responsabilité individuelle, mais souvent laissée en rade ensuite pour réduire le débat à la dimension financière de la responsabilité : « si les patients paient plus de leur poche, ils arrêteront de consommer des prestations inutiles ». Les quatre exemples de patients construits par les auteurs n’ont – Dans le pays de l’OCDE qui connaît la part la plus im- heureusement – pas l’ambition d’une approche systématique, portante de financement privé du système de santé, une telle mais fournissent des pistes de réflexion riches et variées sur approche relève soit de l’ignorance (il n’y a pas de corré- l’intérêt de la société à investir dans le développement lation entre la participation financière individuelle et le coût coordonné de compétences de patients et de leurs proches du système) ou du cynisme (l’assertion est certes fausse, par l’intermédiaire des différents prestataires et acteurs mais permet de légitimer des mesures de désolidarisation dans impliqués. La plupart des pistes évoquées ont fait leurs preuves l’assurance-maladie obligatoire). dans la pratique, mais n’existent aujourd’hui généralement que de manière isolée, souvent peu accessible aux patients. Dans ce contexte, l’approche de la présente publication sur Les options d’actions et d’incitations retenues en conclusion le lien entre les principes des soins intégrés et le renforcement de la publication nous montrent comment les rendre acces de compétences en santé au sens large des patientes et des sibles, par chaque groupe d’acteurs du système, au plus patients, tant au niveau individuel que collectif, est agréablement grand nombre possible de patients – notamment en étendant rafraichissante : à l’image caricaturale du patient-profiteur au niveau collectif le développement des compétences qui cherche à consommer le plus possible de prestations médi- des patients, par le renforcement de leurs organisations et leur cales pour ses primes versées – ce qui peut certes arriver implication tant dans les processus de politique de la santé mais reste marginal – elle substitue la perspective de la patiente que dans le développement des compétences individuelles des ou du patient à même de participer aux meilleurs choix patients. Ces développements et la à disposition généralisée possibles pour son bien-être intrinsèque. C’est sans doute l’une des pistes évoquées ont un coût, mais la plus-value de ce des pistes les plus intéressantes et prometteuses pour optimiser coût semble incontestable. Il y aurait de quoi agir rapidement l’utilisation des ressources tant dans l’intérêt individuel de la au-delà des habituels clivages partisans ! patiente et du patient que dans celui du système de santé et, ce qui est souvent oublié dans de telles réflexions, de la société dans son ensemble. 3
FMC M ATIÈRE À RÉFLEXION N°2 Impressum Éditeur: fmc – le forum suisse des soins intégrés Zugerstrasse 193, 6314 Neuägeri, www.fmc.ch Textes: Peter Berchtold, Urs Zanoni Des exemplaires supplémentaires de fmc Des conseils d’experts: Matière à réflexion N°2 peuvent être obtenus Delia Schreiber, fondation Patientenkompetenz gratuitement chez l’éditeur (info@fmc.ch). La version PDF peut être téléchargée depuis le site Illustrations: Web www.fmc.ch. Anna Hartmann Graphisme: grafisch.ch, Neuägeri, www.grafisch.ch Nous remercions les expert(e)s de nos partenaires Or, nos partenaires Impression: et la fondation Patientenkompetenz Heller Druck AG, Cham, www.hellerdruck.ch de leur collaboration dans le déve ISBN: 978-3-9524595-1-5 loppement des portraits de patients © fmc, décembre 2015 en 2024. 4
ÉDITORIAL Über die Entdeckung des Patienten im 21. Jahrhundert Die Medizin hat sich im 20. Jahrhundert sehr erfolgreich mit der Entschlüsselung und Therapie von Krankheiten befasst. Sie wird dies weiterhin tun. Aber sie muss und wird künftig auch Neuland betreten. Es braucht keine prophetische Gabe um dieses Neuland zu benennen – es heisst: der kompe- tente Patient und seine Ressourcen zur Krankheitsbewältigung. Prof. Dr. med. Gerd Nagel, Bis heute war das Gesundheitswesen geprägt vom patho Gründer und Präsident der tropen Paradigma (pathotrop = Krankheits-zentriert). Im Zentrum Stiftung Patientenkompetenz aller Bestrebungen der Leistungserbringer stand die Krankheit im Menschen. Seit der Wende vom 20. zum 21. Jahrhundert redet man immer mehr auch vom salutotropen Paradigma (salutotrop = Gesundheits-zentriert). Dieser Paradigmenwandel Wenn es um die Nutzung persönlicher Ressourcen zur Krank- geht nicht auf die Leistungserbringer im Gesundheitswesen heits- oder – allgemeiner gesprochen – zur Krisenbewältigung zurück, sondern auf die Leistungsempfänger selbst, auf Patienten geht, muss zunächst eines festgehalten werden: Krisen sind und Versicherte, Selbsthilfeverbände und unterstützende normal im Leben. Jede Person verfügt aber über einen «Vorrat» Organisationen – der Mensch und nicht die Krankheit steht an Ressourcen, um solche Krisen zu meistern. Der Arzt Para- im Zentrum. celsus meinte dazu: «Die Kraft des Arztes liegt im Patienten.» Und in der alten Medizin hiess es: medicus curat, natura Um möglichen Missverständnissen gleich vorzubeugen: Der sanat – der Arzt behandelt, die Natur heilt. Wobei hier Natur moderne, kompetente Patient ist kein Alternativer! Er hat den «inneren Arzt» des Menschen meint. Oder eben: die selbstverständlich nichts gegen die Mittel und Möglichkeiten persönlichen Ressourcen zur Gesunderhaltung und zur Heilung. der modernen Medizin. Er weist jedoch auf eine der am Schade nur, dass vielen Menschen das Bewusstsein für die meisten vernachlässigten und erst noch günstig zu habenden eigenen Ressourcen fehlt, wie wir in unseren Gesprächen immer Ressourcen im Gesundheitswesen hin: das Selbstheilungs wieder feststellen müssen. potenzial des Menschen. Damit sind wir zurück beim Thema: die Entdeckung des Dass zur Krankheitsbewältigung auch der betroffene Mensch Patienten im 21. Jahrhundert. Einerseits steht die Medizin mit seinen Ressourcen beitragen kann, dürfte heute selbst vor der Herausforderung, den Patienten mit seinen Ressourcen der strengste Advokat der pathotropen Medizin nicht mehr noch besser in ihre Behandlungskonzepte zu integrieren. bezweifeln. Die wissenschaftliche Literatur weist eindeutig Andererseits gilt diese Herausforderung auch für die Patienten: darauf hin, dass zum Beispiel Krebspatienten, die ihre Res Wir müssen unsere eigenen Kräfte der Krisenbewältigung sourcen nutzen und sich kompetent in ihre eigenen Ange (wieder)entdecken und sie einbringen. legenheiten «einmischen», signifikant dazu beitragen, ihre Lebensqualität zu verbessern, die Therapie erträglicher In diesem Sinne trägt auch die vorliegende Publikation zur Ent zu gestalten und den Heilungsverlauf günstig zu beeinflussen. deckung des Patienten im 21. Jahrhundert bei. 5
FMC M ATIÈRE À RÉFLEXION N°2 Contexte Il est grand temps de faire en sorte que les patients s’impliquent davantage dans le processus de traitement et de suivi les concernant et de les inciter à réveiller le médecin qui sommeille en eux. En effet, les véritables experts d’une maladie ou de troubles sont ceux qui en souffrent. Eux seuls (et éventuellement leurs proches) vivent le processus de traitement et de suivi dans son intégralité. En outre, ce sont eux qui supportent les coûts de ce processus, que ce soit par le biais de primes, d’impôts ou directement de leur poche. En Suisse comme dans de nombreux autres pays, des or- ganisations de patients, des fournisseurs de prestations, des assureurs ou encore des autorités ont réagi à ce On entend par compétence du patient besoin en lançant des initiatives ou des programmes vi- la capacité de celui-ci sant à promouvoir la compétence du patient en matière • à relever les défis posés par sa maladie, de santé. Le Conseil fédéral exige lui aussi, dans sa • à identifier ses propres ressources et celles stratégie globale « Santé2020 », le « renforcement des de tiers en vue de maîtriser sa maladie, compétences en matière de santé et de la responsabilité • à exploiter ces ressources, individuelle des assurés et des patients afin qu’ils utilisent • à tenir compte de ses propres besoins, plus efficacement le système de santé, qu’ils puissent • à faire en sorte d’atteindre ses objectifs, mieux prévenir les maladies et qu’ils se préoccupent • et à préserver son autonomie. davantage de leurs maladies » (OFSP 2013/2015). De même, l’Académie Suisse des Sciences Médi- Gerd Nagel, fondation Patientenkompetenz cales ASSM, a publié cette année un rapport intitulé « Compétences en matière de santé en Suisse – situation et perspectives » (ASSM 2015). Cette évolution est à la fois réjouissante et essentielle, car les perspectives de guérison des patients sont plus favorables si ceux-ci sont impliqués dans la planification du traitement, s’ils sont convaincus de la pertinence des interventions médicales et s’ils font confiance aux professionnels chargés du traitement (Gigerenzer 2011). 6
PORTR AITS DE PATIENTS Compétence du patient et La focalisation sur le patient et la participation de celui-ci soins intégrés nécessitent donc l’identification de ces spécificités indi- viduelles, qui dépendent moins du diagnostic et de la La compétence du patient et les soins intégrés sont étroite maladie (même si ceux-ci jouent également un rôle) que ment liés. En effet, ce sont avant tout les patients et leurs des traits de caractère et des aptitudes de chacun. On sait proches qui disposent d’une vue d’ensemble du processus depuis longtemps tout ce que cela implique (Gerteis 1993): de traitement et de suivi, vivent de près les conséquences des différentes mesures et sont en contact avec les spé- • Un comportement différent de la part du patient cialistes. Aucun autre partenaire, pas même le médecin selon la gravité de la maladie, les perspectives de famille ou le case manager, ne possède la même de guérison, les incertitudes et l’évolution de l’état expérience; du point de vue du patient, leur contribution de santé à la réalisation de l’ensemble du processus n’est que • Des attentes différentes en matière de communication, partielle (bien qu’elle soit importante et récurrente). Par d’information et de relation avec les spécialistes conséquent, il est évident que, d’une part, le point de • Une disposition et des aptitudes différentes à vue du patient constitue une source essentielle lorsqu’il exprimer ses préférences, ses souhaits et ses besoins s’agit de considérer l’intégralité du processus de traite- • Des capacités différentes à gérer l’inégalité en ment et de suivi ainsi que sa qualité et, d’autre part, les matière d’information entre le patient et les spécialistes différents besoins des patients ne peuvent être identifiés • Un degré d’intérêt différent quant aux examens, qu’au moyen d’une vision intégrée des soins. aux diagnostics, aux traitements et à l’évolution de l’état de santé, et donc une disposition différente Compétence du patient et à demander des informations à ce sujet focalisation sur celui-ci • Des aptitudes différentes à assimiler les informations relatives aux examens, aux diagnostics, aux Le développement de la compétence du patient exige traitements et à l’évolution de l’état de santé une focalisation des fournisseurs de prestations sur celui-ci • Une volonté et des possibilités différentes de contri et la possibilité pour le patient de contribuer à la prise buer à la prise de décisions relatives aux examens de décisions (d’ordre médical) et à la conception du et aux thérapies (ou d’exiger une participation aux processus. Ce sont cette nécessité mutuelle et le fait qu’il décisions) et de choisir entre différentes options n’y ait pas qu’un seul type de patient ou de malade qui de traitement rendent le thème si complexe. En effet, nous traitons, sui- vons et accompagnons des individus qui ont chacun une Important: ce sont ces spécificités individuelles, plus histoire, des ressources et des besoins qui leur sont propres. que celles liées à la maladie, qui font des patients des experts de leur maladie et qui rendent complexe la tâche des spécialistes de la santé. A cela s’ajoute le fait qu’une responsabilisation progressive des patients (à laquelle nous nous attendons) accentue encore davantage ces différences. 7
FMC M ATIÈRE À RÉFLEXION N°2 Objectifs comporter quel que soit leur problème de santé ou leur maladie. Selon nous, il n’existe pas de délimitation claire La matière à réflexion Portraits de patients en 2024 éla- entre ces modèles, et ceux-ci ne doivent surtout pas être borée par le fmc prend en compte ces spécificités et considérés comme des comportements que l’on retrouve décrit via les portraits de Nicole, d’Emma, de Thomas systématiquement chez les patients. Chacun d’entre eux et d’Auguste comment les patients et les spécialistes de peut très bien se comporter différemment au fil du temps. la santé pourraient se comporter à l’avenir. Le contenu du document est le résultat d’un processus à plusieurs Ces portraits, destinés à être utilisés par l’ensemble des niveaux: à partir de faits scientifiques, un groupe d’ex- acteurs, organisations, spécialistes et patients, ont pour perts du fmc a élaboré ces portraits avec le comité straté- objectif de contribuer à: gique et les 340 participants au symposium fmc 2015. • permettre de mieux comprendre le principe de A l’avenir, les spécialistes de la santé et les organisations compétence des patients en matière de santé; réunissant des fournisseurs de prestations devront être • promouvoir la focalisation sur le patient dans le en mesure d’identifier les spécificités propres à chaque cadre de la fourniture de prestations et souligner son patient. Il ne s’agit pas d’en connaître tous les détails importance pour les soins intégrés; (ce qui serait bien trop complexe), mais d’identifier des • susciter des discussions et des débats entre modèles de comportement tels que ceux présentés dans les différents acteurs; les portraits de Nicole, d’Emma, de Thomas et d’Auguste. • proposer des points de repère et des marges de Ils illustrent comment les patients sont susceptibles de se manœuvre à tous les acteurs. Cas des immigrés Les personnes d’une autre culture et d’une autre reli- gion constituent un groupe à part, d’autant plus que nombre d’entre eux éprouvent des difficultés d’ordre linguistique. Il est très difficile de les familiariser avec le système de santé suisse tout en prenant en con- sidération leurs différences culturelles et religieuses. La Croix-Rouge suisse ainsi que d’autres organisations examinent cette problématique depuis longtemps (voir page 46). 8
PORTR AITS DE PATIENTS « Voyez ce que je vois ! » : de la perspective du patient vers plus d’intégration Les 340 participants au symposium fmc 2015 ont évalué Il a également été demandé aux participants comment les l’état actuel de la focalisation sur le patient: sur une échelle subventions devaient selon eux être réparties à l’avenir. de 0 à 10, la valeur moyenne est de 5,6 dans le cadre Le résultat est le suivant: 39 % en moyenne pour les mesures du contact direct avec le patient (50 % des réponses sont entrant dans le cadre du contact direct avec le patient, comprises entre 4 et 7), de 4,1 au niveau des organi- 34 % pour celles des organisations/associations, et 27 % sations/associations et de 3,4 à l’échelle de l’ensemble pour celles portant sur l’ensemble du système. du système. Evaluation de la focalisation sur le patient Evaluation de la répartition des subventions (0=aucune, 10=max.) (0–100 %) Contact direct Contact direct avec le patient avec le patient Ensemble du système (Confédération, Ensemble du 6 cantons) 5. système (Confédération, 39 3.4 cantons) 27 0 0 4.1 34 10 100 % Organisations, Organisations, associations associations 9
FMC M ATIÈRE À RÉFLEXION N°2 En bref Ils illustrent les différentes façons • dont les individus gèrent avec les professionnels leur Le rôle des patients évolue. Leur responsabilité individuelle maladie et les informations qui en découlent, ainsi et la focalisation des spécialistes de la santé sur ceux-ci que les moyens d‘autodétermination en la matière; gagneront en importance à l’avenir dans le système de • que ces attitudes varient au cours de l‘existence et santé, qu’il s’agisse des soins en général ou des soins de l‘évolution de la maladie, voire même en fonction intégrés en particulier. Nous partons du principe que de l’interlocuteur; cette responsabilisation et cette focalisation prendront • comment ces attitudes peuvent influer la focalisation différentes formes et seront plus ou moins marquées. sur le patient dans les soins intégrés et la prise Les quatre portraits de Nicole, d’Emma, de Thomas et en charge. d’Auguste visent donc à susciter des discussions. Attitude du patient à l’égard de sa maladie Résilience Hostilité, Pessimisme, activité passivité Hétéronomie Attentes du patient Franchise, quant à la communication intégration, de la part des spécialistes estime Rapidité, clarté, Attentes Discrétion, exhaustivité différentes précaution Façon d’exprimer Claire, ses souhaits congruente Timide, Déterminée, agressive Inconnue imprécise Mode de gestion de l’inégalité Partenariat en matière d’information entre le patient et les spécialistes Hostilité, Recherche d’aide Divers agressivité Intérêt du patient à l’égard Importants des informations Importants (constitue (constitue la base Faibles et disposition à demander le fondement de de son attitude face (se sent menacé) activement des précisions sa représentation du Variables à la maladie) diagnostic et Capacité du patient à de la thérapie) assimiler les informations Actif relatives aux examens, Passif Divers aux diagnostics, aux traitements Exigeant et à l’évolution de l’état de santé Différente selon la Permanente et Contribution du patient à la Rare et formulée situation exprimée de manière prise de décisions concernant avec retenue Divergent revendicatrice les examens et les thérapies 10
PORTR AITS DE PATIENTS Emma Nicole Thomas Auguste 11
FMC M ATIÈRE À RÉFLEXION N°2 Portrait de Nicole 12
PORTR AITS DE PATIENTS Description Aujourd’hui âgée de 40 ans, Nicole n’avait jamais eu de problèmes de santé jusqu’à ce que les médecins lui diagnostiquent une maladie tumorale il y a deux ans. Elle savait alors que les chances de guérison étaient bien plus élevées qu’auparavant grâce aux thérapies modernes. Entrepreneuse indépendante élevant seule ses enfants, elle est depuis longtemps habituée à prendre les choses en main: elle s’est donc soumise pendant plus d’un an à un traitement incluant deux opérations ainsi que des séances de chimiothérapie et de radiothérapie. Nicole ne s’est jamais repliée sur elle-même, pas même quand elle a commencé à perdre ses cheveux: elle s’est fait confectionner une perruque et a continué à prendre soin de son apparence même durant le traitement de chimiothérapie. 13
FMC M ATIÈRE À RÉFLEXION N°2 Attitude à l’égard de la maladie Nicole dispose depuis plusieurs années déjà d’un dossier électronique de patient, qui Son sens de l’humour et sa joie de vivre aident lui est utile pour gérer les données relatives à Nicole à rester optimiste. Elle discute ouverte- sa santé ainsi qu’en cas de maladie ou d’ac- ment de sa maladie avec sa famille, ses enfants cident. Elle peut désormais déterminer quels et ses amis, et attend donc des médecins et du spécialistes peuvent voir et exploiter, de façon personnel soignant qu’ils instaurent une relation sécurisée, les différentes informations essenti- de partenariat et fassent preuve de franchise elles au traitement et au suivi. Par exemple les à son égard. Nicole se confronte activement données de laboratoires, les radiographies réa- à sa maladie et est en mesure d’exprimer ses lisées lors d’examens, les rapports médicaux, les besoins de façon claire et pertinente. Elle ex- médicaments qu’elle doit prendre, ses directives amine avec intérêt les informations qui lui sont anticipées ou encore son dossier de vaccinati- transmises concernant les examens, les diagno- on. Elle dispose ainsi en permanence d’une vue stics, les traitements et le processus de guérison, d’ensemble des informations consultables sous et pose souvent des questions ciblées afin de forme électronique par les différents spécialistes mieux comprendre les raisons, les avantages et (cabinet médical, hôpital, pharmacie, aide et les inconvénients des différentes mesures. Son soins à domicile, thérapeutes, etc.). attitude soulage le personnel soignant, qui part du principe qu’elle comprend les nombreuses in- Nicole est convaincue que le succès d’un formations qui lui sont communiquées, et qu’elle traitement passe par un partenariat entre le pa- est en mesure de contribuer à la prise de déci- tient et le corps médical et que les décisions sions relatives aux examens et aux thérapies, et doivent être prises collectivement. Dans le même de choisir entre différentes possibilités de jargon médical, cette approche est appelée traitement. « prise de décision partagée », ou « shared décision making » en anglais. Tout commence Focalisation sur le patient en 2024 par une clarification du mandat: quels problèmes doivent être traités? Quand? Par qui? Par la Malgré sa grave maladie et l’incertitude concer suite également, dans le cadre du processus nant l’évolution de son état de santé, Nicole de réflexion et de décision, le point de vue souhaite être impliquée activement dans le traite- du patient doit avoir le même poids que celui ment et le suivi, et contribuer à décider de ce qui du médecin (ou d’un autre spécialiste), et tous doit et ne doit pas être réalisé. En contrepartie, deux doivent se partager les responsabilités. elle assume sa part de responsabilité dans ce Différents instruments peuvent être utilisés à ce cadre. En collaboration avec l’équipe chargée titre: formulaires, tableaux relatifs aux risques de son suivi, avec l’oncologue compétent, avec ou aux probabilités, documents récapitulant les son médecin de famille et avec d’autres spécia- connaissances actuelles concernant un thème listes, elle définit donc de manière contraignan- précis, illustrations, outils électroniques (applica- te comment elle peut agir sur le processus de tions pour ordinateur ou pour smartphone), etc. guérison en dehors du cadre des consultations et visites nécessaires. 14
PORTR AITS DE PATIENTS Nicole est disposée à contribuer, sur de- personnes se retrouvent pour discuter ensemble mande de l’oncologue, à l’élaboration de de la fin de leur vie. Cela lui a donné des idées lignes directrices (« guidelines »). Ces docu pour étoffer ses directives anticipées. ments, de même que les parcours cliniques (« clinical pathways »), constituent des instruments Nicole fait aussi partie du Conseil de santé reconnus permettant de traiter des maladies selon de sa commune, qui regroupe des personnes l’état actuel des connaissances scientifiques issues des sphères politiques et administrati- (médecine fondée sur les faits) ou de mettre en ves, des spécialistes des milieux médicaux et œuvre de manière optimale certaines mesures de sociaux (réseau local de médecins, hôpital ré traitement. Ces deux outils nécessitent générale- gional, aide et soins à domicile, EMS, bureau ment une collaboration entre des professionnels de consultation de Pro Senectute), mais aussi de différentes disciplines et sont utilisés durant des personnes défendant le point de vue des plusieurs phases du traitement. Nicole a rejoint un patients, des malades nécessitant des soins ou un groupe de patients dont l’objectif est de discuter soutien et de leurs proches. En tant que groupe de lignes directrices et de parcours cliniques de réflexion, le Conseil de santé aborde des et d’émettre des recommandations dans la questions ayant trait au système de santé régio- perspective du patient. nal; les thèmes traités peuvent être suggérés par ses membres ou par des tiers. Les résultats de ces Nicole a bien entendu envisagé la possibi- discussions sont ensuite mis à la disposition des insti- lité que les traitements n’aient pas le succès es- tutions et organisations participantes, qui peuvent compté et qu’elle doive subir des soins palliatifs. ainsi optimiser ou développer sur cette base les Elle a par ailleurs lu un article sur les « Cafés prestations qu’elles fournissent à la population. mortels », manifestations lors desquelles des 15
FMC M ATIÈRE À RÉFLEXION N°2 Portrait d’ Emma 16
PORTR AITS DE PATIENTS Description Agée de 52 ans, Emma souffre depuis plusieurs décennies de problèmes de santé consécutifs à une malformation congénitale ayant déjà nécessité plusieurs opérations. Depuis son plus jeune âge, elle ressent régulièrement une certaine tristesse liée d’une part à ses souffrances quotidiennes et d’autre part à une situation familiale difficile durant sa jeunesse. Elle n’a quasiment jamais parlé de ses pro blèmes à d’autres personnes. Depuis sa tentative de suicide à l’âge de 17 ans, Emma subit régulièrement des soins psychiatriques stationnaires. Elle a débuté il y a six mois une psychothérapie ambulatoire, mais a rarement la force de se rendre jusqu’au cabinet de sa thérapeute en raison de ses douleurs. 17
FMC M ATIÈRE À RÉFLEXION N°2 Attitude à l’égard de la maladie germer en elle un peu de courage et d’assurance, et elle ne veut en aucun cas perdre à nouveau Souvent fatiguée et déprimée, Emma est régulièr cet acquis. Le suivi étroit dont elle a fait l’objet ement absente du travail. Malgré la compréhension dans un centre de traitement de la douleur lui et l’engagement dont fait preuve son employeur, a également fait beaucoup de bien; depuis, il elle rencontre souvent des problèmes car elle lui arrive régulièrement d’oublier momentanément ne respecte pas les accords convenus et fait ses souffrances. L’ensemble du personnel soig- régulièrement des erreurs dans le cadre de son nant l’incite depuis longtemps à exprimer plus travail. Elle se sent alors isolée et exclue. Emma fortement ses besoins et à soutenir activement le éprouve encore beaucoup de difficultés à parler traitement, mais n’y parvient qu’en partie. de sa situation et de ses problèmes. Elle prend les choses trop à cœur et se sent souvent poussée Emma tient un journal de patient dans lequel dans ses derniers retranchements. Emma se montre elle indique trois fois par jour le type, la locali- extrêmement renfermée et sur la défensive vis-à- sation et l’intensité de ses douleurs et des autres vis du personnel soignant. Seule sa thérapeute troubles dont elle souffre. Le personnel soignant est parvenue à établir un lien de confiance avec peut ainsi évaluer continuellement l’efficacité et elle et à l’aider. Toutefois, le fait qu’elle n’ait les effets secondaires des différentes mesures souvent pas la force d’aller la consulter la met engagées, appréhender ses troubles de manière sous pression. Pour la thérapeute, le suivi d’une bien plus précise que dans le cadre d’une consul- telle patiente est un travail exigeant mais réjoui tation normale et réagir de façon ciblée. ssant car elle a pu constater une amélioration, faible mais constante. Sur les conseils de sa thérapeute, Emma a accepté d’être accompagnée dans le cadre Focalisation sur le patient en 2024 d’un coaching. Les coachs de patients aident en particulier les personnes souffrant de maladies Emma évite le contact avec d’autres personnes ou de troubles chroniques à agir sur l’évolution et éprouve beaucoup de difficultés à nouer des du traitement. La question principale est la sui- relations amicales. On lui a pourtant expliqué, vante: comment le patient peut-il améliorer sa notamment dans le cadre de sa thérapie, que situation personnelle malgré ses problèmes? La cet aspect était essentiel et à quel point le fait de personne détient-elle en elle-même le potentiel parler de ses problèmes, d’établir une relation de et les ressources permettant d’y parvenir (p. ex. confiance avec d’autres personnes et d’aborder intérêt particulier, capacité spécifique) ou ceux-ci ses craintes avec le personnel soignant pouvait sont-ils présents dans son environnement (p. ex. faire du bien. Ces derniers temps, Emma a senti voisins, offres de soutien de la part d’organisa- 18
PORTR AITS DE PATIENTS tions spécialisées)? L’objectif premier du coaching D’autres mesures sont progressivement mises est de permettre au patient d’identifier ce po- en œuvre pour impliquer plus étroitement Emma tentiel et ces ressources et de les exploiter. Bien dans les différentes phases du traitement et ainsi qu’Emma ait montré des signes d’amélioration augmenter les chances de réussite de la thérapie. dès la première rencontre avec son coach, c’est Il existe à cet effet toute une série de méthodes avec soulagement qu’elle a appris qu’en cas de et d’instruments reconnus, p. ex. des instructions besoin, le coaching pouvait également s’effectuer personnalisées concernant la prise de médica- par téléphone ou par Skype. ments, des vidéos présentant des exercices à réaliser chez soi, ou encore un soutien par télé- Le coach a recommandé au personnel char- phone, par SMS ou par Internet (télémonitoring/ gé du suivi d’Emma d’appliquer systématique- télébiométrie). ment avec elle la technique du « teach back », qui consiste à demander au patient de reformuler les principaux points abordés lors des différentes phases de l’entretien. Cela permet de savoir ce que le patient a compris ou mal compris. Cette méthode a surtout fait ses preuves avec des personnes éprouvant ou semblant éprouver des difficultés d’ordre linguistique ou social. 19
FMC M ATIÈRE À RÉFLEXION N°2 Portrait de Thomas 20
PORTR AITS DE PATIENTS Description Aujourd’hui âgé de 29 ans, Thomas souffre depuis ses huit ans d’une maladie métabolique complexe. Alors qu’au début il respectait à la lettre le traitement indiqué, il s’est rebellé à la puberté en affirmant ne pas vouloir vivre uniquement pour s’occuper de sa maladie. Cet état d’esprit, plus important à ses yeux à l’époque que les mesures thérapeutiques, a bien failli lui coûter la vie il y a un peu plus de dix ans à la suite d’une crise. Depuis, Thomas s’est calmé et, malgré quelques rechutes bénignes, il applique strictement le traitement et les contrôles prescrits. Bien que de premières séquelles tardives de la maladie commencent à apparaître, il se sent en pleine forme, fait énormément de sport et ne se prive pas de dépenser toute son énergie. 21
FMC M ATIÈRE À RÉFLEXION N°2 Attitude à l’égard de la maladie Focalisation sur le patient en 2024 La maladie de Thomas nécessite régulièrement Thomas n’est pas avare de critiques, notamment de nombreux examens de contrôle (parfois rela- lorsqu’il doit répéter l’historique de sa maladie tivement complexes) ainsi que des adaptations à un nouveau médecin de l’hôpital ou lorsque de la thérapie. Contrairement à auparavant, il son médecin de famille reçoit bien trop tard (à est particulièrement soucieux de comprendre le ses yeux) les résultats des examens réalisés par moindre détail et attend donc des spécialistes le spécialiste. Un confrère de son médecin de une communication claire et ouverte ainsi que famille a récemment demandé à ce dernier s’il des informations exhaustives. Il a longuement s’agissait bien de son patient qui, lors d’un grand réfléchi à ses besoins et à ses souhaits, et ne colloque relatif aux soins intégrés, avait parlé de manque pratiquement aucune occasion d’exiger son expérience de la maladie dans le cadre d’un la prise en compte de ceux-ci. Il s’énerve donc exposé intitulé « Le patient fragmenté », qui s’était facilement lorsqu’il a l’impression que l’on accorde avéré très nuancé mais aussi très critique. En tout trop peu d’importance à son point de vue, et cas, l’ensemble du personnel soignant s’entend aime répéter qu’il en sait davantage sur sa mala à reconnaître que l’engagement dont fait preuve die que ses médecins car il la vit au quotidien. Thomas est remarquable. Il affirme en outre avoir lu pratiquement tous les ouvrages relatifs à sa maladie disponibles sur Pour pouvoir contrôler aussi précisément que Internet et dans les bibliothèques. Les spécialistes possible l’évolution de sa maladie, Thomas a qui le suivent, et en particulier son médecin de décidé, en concertation avec ses médecins, de famille, le voient comme un patient très exige- tenir un journal de patient sous forme électro- ant car, lors de chaque visite et examen, il fait nique. Il y consigne systématiquement les mes- valoir ses arguments ou conteste des décisions. ures médicales et sanitaires qu’il met lui-même Son médecin de famille considère que cette atti- en œuvre (p. ex. prise de médicaments, valeurs tude présente toutefois aussi des avantages, car mesurées par ses soins, performances sportives). Thomas participe véritablement à la prise de Il y indique également comment il se sent, p. ex. décision et contribue ainsi à le décharger. quelle est son humeur ou s’il a bien dormi. Cela permet à Thomas ainsi qu’au personnel soignant d’identifier à temps les évolutions notables de sa santé physique et psychique, et ainsi de réagir de manière adaptée. Son journal de patient constitue également le point de départ d’un « voyage du patient » (« patient journey ») dans le cadre duquel sont décrites du point de vue du patient les diverses phases de l’évolution de la maladie, de la perception des premiers symptômes jusqu’au suivi médical et à une éventuelle réinsertion (professi- onnelle) en passant par les différents diagnostics 22
PORTR AITS DE PATIENTS et traitements. Ces « patient journeys » permettent tiennent un blog à l’intention des autres malades de raconter l’histoire du patient en mots et en en y indiquant également leur expérience avec images et de la compléter avec des commen- des fournisseurs de prestations et des thérapies. taires. Les différents fournisseurs de prestations et institutions disposent ainsi d’une base leur per- Thomas s’engage en outre avec d’autres ma- mettant d’analyser, d’évaluer et éventuellement lades dans le cadre d’une initiative nationale de d’adapter le traitement et le suivi. patients. L’objectif de ces groupes de pression est en général de faire en sorte que l’on prenne Thomas s’engage non seulement pour lui-même, davantage en compte leurs préoccupations, mais aussi pour toutes les autres personnes souf- p. ex. en vue de l’autorisation rapide d’une nou- frant de la même maladie métabolique. Etant velle thérapie prometteuse, de la prise en charge donné que les véritables experts concernant une de cette thérapie par une assurance sociale maladie sont ceux qui en souffrent, leur expérience (dans la plupart des cas l’assurance obligatoire est de plus en plus souvent exploitée, ce qui pro- des soins), ou encore d’un meilleur soutien social fite à la fois aux patients et au corps médical. Il aux malades. Afin que les recherches s’intensi- existe toute une série d’approches qui vont dans fient au sujet de la maladie métabolique dont la même direction: des groupes d’entraide qui souffre Thomas, les quelque milliers de membres échangent régulièrement des informations avec de l’initiative mettent à disposition les informa- des spécialistes, des malades qui en aident d’au- tions les concernant ainsi que les données rela- tres à vivre avec leur maladie et à organiser leur tives à leur maladie, au cas où les chercheurs quotidien en fonction de celle-ci, des patients qui auraient des questions bien précises. se tiennent à disposition des spécialistes pour faire office de mentors, ou encore d’autres qui 23
FMC M ATIÈRE À RÉFLEXION N°2 Portrait d’ Auguste 24
PORTR AITS DE PATIENTS Description Agé de 76 ans, Auguste souffre de démence à un stade avancé. Il a ressenti les premiers symptômes de la maladie il y a quatre ans environ; à l’époque, il se sentait fréquemment fatigué et peu performant. Il a ensuite rapidement perdu le sens de l’orientation, ne sachant soudainement plus où il devait aller; par la suite, il a oublié comment téléphoner, lire ou encore écrire. Les premières phases de la maladie se sont avérées très difficiles pour lui, car il se rendait compte qu’il oubliait de plus en plus de choses et que ses capacités mentales ne cessaient de diminuer. Malgré ses capacités limitées, il se sent désormais bien dans ce nouvel état et semble même apprécier son quotidien, ce qui représente un soulagement pour sa compagne s’oc cupant de lui et pour ses quatre enfants très impliqués. La dégradation de ses capacités s’est toutefois avérée très difficile pour sa compagne: « Tout à coup, il ne reste plus rien de la personne avec laquelle on a jusque-là par tagé sa vie », a-t-elle ainsi expliqué récemment à sa fille aînée. 25
FMC M ATIÈRE À RÉFLEXION N°2 Attitude à l’égard de la maladie Heureusement, avant de perdre sa capa- cité de discernement, Auguste a défini dans le Les membres de sa famille sont très divisés quant cadre de ses directives anticipées (pouvant être à savoir si Auguste est véritablement heureux consultées sous forme électronique), conjointe- dans cet état: certains voient comme une chance ment avec son médecin de famille et en accord le fait qu’Auguste se sente bien dans sa peau avec ses proches, comment il souhaitait que l’on malgré la diminution de ses capacités mentales, procède dans différentes situations s’il n’était plus tandis que d’autres regrettent surtout cette dégra- capable de discernement: mesures de maintien dation et considèrent que, dans cet état, on ne de la vie, accompagnement de fin de vie, lieu peut pas véritablement parler de joie de vivre et de décès, levée du secret médical, procuration de bien-être. Ces divergences de point de vue à des proches en cas de décisions médicales sont difficiles à vivre pour sa famille et compli- importantes devant être prises, don d’organes et quent le travail des spécialistes qui le suivent, en analyses à des fins de recherche. Les médecins particulier son médecin de famille et le personnel et les proches sont légalement tenus de respec- soignant de l’aide et soins à domicile, qui doivent ter ces directives anticipées, qui peuvent être régulièrement jongler avec des attentes et exigen- complétées par d’autres documents, p. ex. un ces différentes, voire en partie contradictoires, mandat pour cause d’inaptitude réglant les ques- p. ex. concernant les personnes à qui les infor- tions administratives et financières au cas où la mations doivent être communiquées ou le degré personne concernée ne serait plus capable de d’implication des proches dans le cadre du suivi discernement. et du traitement. C’est précisément à cause des divergences Focalisation sur le patient en 2024 de point de vue entre les proches d’Auguste que son médecin de famille a insisté pour définir Ces divergences de point de vue au sein de la avec eux un plan de traitement et de suivi pour famille se sont avérées particulièrement diffici- celui-ci et pour rendre ces données accessibles les à gérer récemment lorsqu’Auguste a souffert sous forme électronique aux spécialistes con- d’une forte fièvre et que son état s’est rapidement cernés. En plus de l’ensemble des données médi- et gravement dégradé. Son médecin de famille cales et personnelles d’Auguste, ce plan inclut les lui a diagnostiqué une pneumonie et a demandé directives anticipées du patient ainsi que d’autres jusqu’où le traitement devait être poursuivi. Cet- informations indispensables. Le principal objectif te question était particulièrement délicate étant d’un tel plan est de mettre les mêmes informa- donné que l’on ne peut pas véritablement parler tions à la disposition de toutes les personnes de « focalisation sur le patient » lorsque ce dernier concernées, depuis n’importe où et à n’importe n’est plus en mesure de définir lui-même ce qu’il veut et que ses proches ont différents avis et points de vue à ce sujet. 26
PORTR AITS DE PATIENTS quelle heure, et ainsi d’éviter tout malentendu. Il veillant à leur santé et acquièrent de nombreuses existe également des plans destinés plus spéci- connaissances sur le système social et de santé fiquement aux proches et aux personnes n’ap- ainsi que sur la façon dont ils peuvent les exploiter partenant pas au milieu médical: ils permettent de manière ciblée pour eux et pour leur père. de coordonner sous forme électronique d’autres mesures, qu’il s’agisse de convenir de rendez- Sur les conseils du médecin de famille, la vous dans le cadre du traitement, d’organiser des compagne d’Auguste a rejoint le Conseil des repas ou des transports, de contrôler la prise de proches du foyer psychogériatrique auquel médicaments, de réaliser des achats ou encore sont également rattachés l’aide et soins à domi de fournir un soutien dans le cadre de la corres- cile et l’EMS. Ce Conseil traite des thèmes pondance avec les assureurs et les autorités. suggérés par ses membres ou par la direction de l’institution; il peut s’agir aussi bien de processus Un fils et une fille d’Auguste ont fait appel à (insatisfaisants) que de la décoration de la un coach spécialisé dans le soutien aux proches cafétéria. Le résultat des discussions est ensuite de patients atteints de démence. Leur but est communiqué à l’institution et contribue dans la de savoir comment utiliser de manière optima- mesure du possible à des améliorations. Dans le leurs ressources dans le cadre de l’assistance certains cas, un Conseil des proches peut égale à leur père et être en mesure de parler avec ment faire office d’organe de médiation ou de le personnel soignant d’une seule voix et dans conciliation. l’intérêt d’Auguste. Le coach leur a également recommandé de suivre un cours pouvant leur permettre d’améliorer leurs propres compéten- ces en matière de santé. Ils apprennent ainsi à prendre quotidiennement des décisions tout en 27
FMC M ATIÈRE À RÉFLEXION N°2 Possibilités d’action et incitations La compétence du patient en matière de santé et la focalisation des fournisseurs de prestations sur celui-ci s’expriment naturelle ment dans le cadre du contact direct. Tous les partenaires doivent s’impliquer dans la promotion et le développement de ces deux aspects; des initiatives de la part de tous les acteurs et à tous les niveaux sont donc souhaitables. Ces initiatives ne peuvent toutefois être efficaces et axées sur le patient que si elles sont développées par plusieurs partenaires selon une perspective intégrée (et non pas de manière isolée ou frag mentée). C’est pourquoi les possibilités d’action et incitations formulées ci-après s’adressent à tous les acteurs. Ces mesures peuvent être mises en œuvre en de nombreux endroits; cer- taines sont déjà en cours de concrétisation, voire d’ores et déjà introduites. Pour les organisations de patients et ligues de santé • Les ligues de santé, les organisations de patients • Les organisations suisses de patients se réunissent et la fondation Info-Entraide Suisse tissent un réseau au sein d’une organisation faîtière défendant les de groupes d’entraide destinés aux patients. différents intérêts des patients et pouvant influer plus fortement sur la politique en matière de santé. • Les organisations de patients mettent sur pied des offres de formation et de cours destinées aux patients • Les ligues de santé sont représentées par des pati- et à leurs proches (universités des patients). Elles en- ents au sein de commissions officielles et d’organisa couragent et soutiennent le recueil d’un second avis tions de soins et mettent en place des groupes de afin de souligner l’importance de la participation pression à l’échelle nationale afin de donner plus de des patients à la prise de décisions d’ordre médical. poids aux revendications des patients. • En collaboration avec les partenaires (communes, • Les organisations de patients participent à des assureurs, etc.), les ligues de santé créent des centres enquêtes relatives à la satisfaction des patients et à de santé dans lesquels les assurés et les patients la focalisation sur ceux-ci, considèrent ces aspects peuvent obtenir des informations et des conseils de comme des indicateurs essentiels de qualité et s’en- qualité. gagent en vue de publier ces enquêtes. • Les ligues de santé mettent en place par le biais des médias sociaux des communautés pour leurs groupes de patients et encouragent ainsi l’échange entre patients. 28
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