MATIÈRE À RÉFLEXION - PORTRAITS DE PATIENTS EN 2024 - N 2 - Forum Managed Care

 
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MATIÈRE À RÉFLEXION - PORTRAITS DE PATIENTS EN 2024 - N 2 - Forum Managed Care
MATIÈRE À
RÉFLEXION                          N° 2

             PORTRAITS
            DE PATIENTS
              EN 2024

Une publication du fmc réalisée en collaboration avec la fondation Patientenkompetenz
MATIÈRE À RÉFLEXION - PORTRAITS DE PATIENTS EN 2024 - N 2 - Forum Managed Care
FMC M ATIÈRE À RÉFLEXION N°2

Sommaire
3/5 Éditorial
 4 Impressum
 6 Contexte
12 Portrait de Nicole
16 Portrait d’Emma
20 Portrait de Thomas
24 Portrait d’Auguste
28 Possibilités d’action et incitations
31 Bibliographie (non exhaustive)
32 Exemples d’application
48 Le portefeuille de prestations
50 Les soutiens du fmc

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MATIÈRE À RÉFLEXION - PORTRAITS DE PATIENTS EN 2024 - N 2 - Forum Managed Care
ÉDITORIAL

Compétence des patients :
une approche agréablement différenciée
La compétence des patientes et des patients est une notion
qui a pris une place plus importante au cours des dernières
années dans les discussions sur les priorités à placer dans les
politiques de santé. On peut le constater notamment par la
priorité qui lui est conférée dans le programme « santé 2020 »
du Conseil fédéral.                                                                                          Jean-François Steiert,
                                                                                                             Conseiller national,

Dans la dimension parfois populiste des débats publics, la                                                   Vice-président de la Fédération

compétence est souvent non seulement mise en lien immédiat                                                   Suisse des Patients FSP

avec la responsabilité individuelle, mais souvent laissée en
rade ensuite pour réduire le débat à la dimension financière
de la responsabilité : « si les patients paient plus de leur
poche, ils arrêteront de consommer des prestations inutiles ».              Les quatre exemples de patients construits par les auteurs n’ont –
Dans le pays de l’OCDE qui connaît la part la plus im-                      heureusement – pas l’ambition d’une approche systématique,
portante de financement privé du système de santé, une telle                mais fournissent des pistes de réflexion riches et variées sur
approche relève soit de l’ignorance (il n’y a pas de corré-                 l’intérêt de la société à investir dans le développement
­­lation entre la participation financière individuelle et le coût          coordonné de compétences de patients et de leurs proches
du système) ou du cynisme (l’assertion est certes fausse,                   par l’intermédiaire des différents prestataires et acteurs
mais permet de légitimer des mesures de désolidarisation dans               impliqués. La plupart des pistes évoquées ont fait leurs preuves
l’assurance-maladie obligatoire).                                           dans la pratique, mais n’existent aujourd’hui généralement
                                                                            que de manière isolée, souvent peu accessible aux patients.
Dans ce contexte, l’approche de la présente publication sur                 Les options d’actions et d’incitations retenues en conclusion
le lien entre les principes des soins intégrés et le renforcement           de la publication nous montrent comment les rendre acces­
de compétences en santé au sens large des patientes et des                  sibles, par chaque groupe d’acteurs du système, au plus
patients, tant au niveau individuel que collectif, est agréablement         grand nombre possible de patients – notamment en étendant
rafraichissante : à l’image caricaturale du patient-profiteur               au niveau collectif le développement des compétences
qui cherche à consommer le plus possible de prestations médi-               des patients, par le renforcement de leurs organisations et leur
cales pour ses primes versées – ce qui peut certes arriver                  implication tant dans les processus de politique de la santé
mais reste marginal – elle substitue la perspective de la patiente          que dans le développement des compétences individuelles des
ou du patient à même de participer aux meilleurs choix                      patients. Ces développements et la à disposition généralisée
possibles pour son bien-être intrinsèque. C’est sans doute l’une            des pistes évoquées ont un coût, mais la plus-value de ce
des pistes les plus intéressantes et prometteuses pour optimiser            coût semble incontestable. Il y aurait de quoi agir rapidement
l’utilisation des ressources tant dans l’intérêt individuel de la           au-delà des habituels clivages partisans !
patiente et du patient que dans celui du système de santé
et, ce qui est souvent oublié dans de telles réflexions, de la
société dans son ensemble.

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MATIÈRE À RÉFLEXION - PORTRAITS DE PATIENTS EN 2024 - N 2 - Forum Managed Care
FMC M ATIÈRE À RÉFLEXION N°2

Impressum
Éditeur:
fmc – le forum suisse des soins intégrés
Zugerstrasse 193, 6314 Neuägeri, www.fmc.ch

Textes:
Peter Berchtold, Urs Zanoni
                                                   Des exemplaires supplémentaires de fmc
Des conseils d’experts:                            Matière à réflexion N°2 peuvent être obtenus
Delia Schreiber, fondation Patientenkompetenz      gratuitement chez l’éditeur (info@fmc.ch). La
                                                   version PDF peut être téléchargée depuis le site
Illustrations:                                     Web www.fmc.ch.
Anna Hartmann

Graphisme:
grafisch.ch, Neuägeri, www.grafisch.ch             Nous remercions les expert(e)s de
                                                   nos partenaires Or, nos partenaires
Impression:                                        et la fondation Patienten­kompetenz
Heller Druck AG, Cham, www.hellerdruck.ch          de leur collaboration dans le déve­
ISBN: 978-3-9524595-1-5                            loppement des portraits de patients
© fmc, décembre 2015                               en 2024.

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MATIÈRE À RÉFLEXION - PORTRAITS DE PATIENTS EN 2024 - N 2 - Forum Managed Care
ÉDITORIAL

Über die Entdeckung
des Patienten im 21. Jahrhundert
Die Medizin hat sich im 20. Jahrhundert sehr erfolgreich
mit der Entschlüsselung und Therapie von Krankheiten befasst.
Sie wird dies weiterhin tun. Aber sie muss und wird künftig
auch Neuland betreten. Es braucht keine prophetische Gabe
um dieses Neuland zu benennen – es heisst: der kompe-
tente Patient und seine Ressourcen zur Krankheitsbewältigung.
                                                                                                        Prof. Dr. med. Gerd Nagel,
Bis heute war das Gesundheitswesen geprägt vom patho­                                                   Gründer und Präsident der

tropen Paradigma (pathotrop = Krankheits-zentriert). Im Zentrum                                         Stiftung Patientenkompetenz

aller Bestrebungen der Leistungserbringer stand die Krankheit
im Menschen. Seit der Wende vom 20. zum 21. Jahrhundert
redet man immer mehr auch vom salutotropen Paradigma
(salutotrop = Gesundheits-zentriert). Dieser Paradigmenwandel          Wenn es um die Nutzung persönlicher Ressourcen zur Krank-
geht nicht auf die Leistungserbringer im Gesundheitswesen              heits- oder – allgemeiner gesprochen – zur Krisenbewältigung
zurück, sondern auf die Leistungsempfänger selbst, auf Patienten       geht, muss zunächst eines festgehalten werden: Krisen sind
und Versicherte, Selbsthilfeverbände und unterstützende                normal im Leben. Jede Person verfügt aber über einen «Vorrat»
Organisationen – der Mensch und nicht die Krankheit steht              an Ressourcen, um solche Krisen zu meistern. Der Arzt Para-
im Zentrum.                                                            celsus meinte dazu: «Die Kraft des Arztes liegt im Patienten.»
                                                                       Und in der alten Medizin hiess es: medicus curat, natura
Um möglichen Missverständnissen gleich vorzubeugen: Der                sanat – der Arzt behandelt, die Natur heilt. Wobei hier Natur
moderne, kompetente Patient ist kein Alternativer! Er hat              den «inneren Arzt» des Menschen meint. Oder eben: die
selbstverständlich nichts gegen die Mittel und Möglichkeiten           persönlichen Ressourcen zur Gesunderhaltung und zur Heilung.
der modernen Medizin. Er weist jedoch auf eine der am                  Schade nur, dass vielen Menschen das Bewusstsein für die
meisten vernachlässigten und erst noch günstig zu habenden             eigenen Ressourcen fehlt, wie wir in unseren Gesprächen immer
Ressourcen im Gesundheitswesen hin: das Selbstheilungs­                wieder feststellen müssen.
potenzial des Menschen.
                                                                       Damit sind wir zurück beim Thema: die Entdeckung des
Dass zur Krankheitsbewältigung auch der betroffene Mensch              Pa­tienten im 21. Jahrhundert. Einerseits steht die Medizin
mit seinen Ressourcen beitragen kann, dürfte heute selbst              vor der Herausforderung, den Patienten mit seinen Ressourcen
der strengste Advokat der pathotropen Medizin nicht mehr               noch besser in ihre Behandlungskonzepte zu integrieren.
bezweifeln. Die wissenschaftliche Literatur weist eindeutig            An­dererseits gilt diese Herausforderung auch für die Patienten:
darauf hin, dass zum Beispiel Krebspatienten, die ihre Res­            Wir müssen unsere eigenen Kräfte der Krisenbewälti­gung
sourcen nutzen und sich kompetent in ihre eigenen Ange­                (wieder)­entdecken und sie einbringen.
legenheiten «einmischen», signifikant dazu beitragen, ihre
Lebensqualität zu verbessern, die Therapie erträglicher                In diesem Sinne trägt auch die vorliegende Publikation zur Ent­
zu gestalten und den Heilungsverlauf günstig zu beeinflussen.          deckung des Patienten im 21. Jahrhundert bei.

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MATIÈRE À RÉFLEXION - PORTRAITS DE PATIENTS EN 2024 - N 2 - Forum Managed Care
FMC M ATIÈRE À RÉFLEXION N°2

Contexte
Il est grand temps de faire en sorte que les patients s’impliquent
davantage dans le processus de traitement et de suivi les
concernant et de les inciter à réveiller le médecin qui sommeille
en eux. En effet, les véritables experts d’une maladie ou de
troubles sont ceux qui en souffrent. Eux seuls (et éventuellement
leurs proches) vivent le processus de traitement et de suivi
dans son intégralité. En outre, ce sont eux qui supportent les coûts
de ce processus, que ce soit par le biais de primes, d’impôts
ou directement de leur poche.

En Suisse comme dans de nombreux autres pays, des or-
ganisations de patients, des fournisseurs de prestations,
des assureurs ou encore des autorités ont réagi à ce                 On entend par compétence du patient
besoin en lançant des initiatives ou des programmes vi-              la capacité de celui-ci
sant à promouvoir la compétence du patient en matière                •   à relever les défis posés par sa maladie,
de santé. Le Conseil fédéral exige lui aussi, dans sa                •   à identifier ses propres ressources et celles
stratégie globale « Santé2020 », le « renforcement des                   de tiers en vue de maîtriser sa maladie,
compétences en matière de santé et de la responsabilité              •   à exploiter ces ressources,
individuelle des assurés et des patients afin qu’ils utilisent       •   à tenir compte de ses propres besoins,
plus efficacement le système de santé, qu’ils puissent               •   à faire en sorte d’atteindre ses objectifs,
mieux prévenir les maladies et qu’ils se préoccupent                 •   et à préserver son autonomie.
davantage de leurs maladies » (OFSP 2013/2015).
De même, l’Académie Suisse des Sciences Médi-                        Gerd Nagel, fondation Patientenkompetenz
cales ASSM, a publié cette année un rapport intitulé
« Compétences en matière de santé en Suisse – situation
et perspectives » (ASSM 2015). Cette évolution est à la
fois réjouissante et essentielle, car les perspectives de
guérison des patients sont plus favorables si ceux-ci sont
impliqués dans la planification du traitement, s’ils sont
convaincus de la pertinence des interventions médicales
et s’ils font confiance aux professionnels chargés du
traitement (Gigerenzer 2011).

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PORTR AITS DE PATIENTS

Compétence du patient et                                             La focalisation sur le patient et la participation de celui-ci
soins intégrés                                                       nécessitent donc l’identification de ces spécificités indi-
                                                                     viduelles, qui dépendent moins du diagnostic et de la
La compétence du patient et les soins intégrés sont étroite­         maladie (même si ceux-ci jouent également un rôle) que
ment liés. En effet, ce sont avant tout les patients et leurs        des traits de caractère et des aptitudes de chacun. On sait
proches qui disposent d’une vue d’ensemble du processus              depuis longtemps tout ce que cela implique (Gerteis 1993):
de traitement et de suivi, vivent de près les conséquences
des différentes mesures et sont en contact avec les spé-             •   Un comportement différent de la part du patient
cialistes. Aucun autre partenaire, pas même le médecin                   selon la gravité de la maladie, les perspectives
de famille ou le case manager, ne possède la même                        de guérison, les incertitudes et l’évolution de l’état
expérience; du point de vue du patient, leur contribution                de santé
à la réalisation de l’ensemble du processus n’est que                •   Des attentes différentes en matière de communication,
partielle (bien qu’elle soit importante et récurrente). Par              d’information et de relation avec les spécialistes
conséquent, il est évident que, d’une part, le point de              •   Une disposition et des aptitudes différentes à
vue du patient constitue une source essentielle lorsqu’il                exprimer ses préférences, ses souhaits et ses besoins
s’agit de considérer l’intégralité du processus de traite-           •   Des capacités différentes à gérer l’inégalité en
ment et de suivi ainsi que sa qualité et, d’autre part, les              matière d’information entre le patient et les spécialistes
différents besoins des patients ne peuvent être identifiés           •   Un degré d’intérêt différent quant aux examens,
qu’au moyen d’une vision intégrée des soins.                             aux diagnostics, aux traitements et à l’évolution de
                                                                         l’état de santé, et donc une disposition différente
Compétence du patient et                                                 à demander des informations à ce sujet
focalisation sur celui-ci                                            •   Des aptitudes différentes à assimiler les informations
                                                                         relatives aux examens, aux diagnostics, aux
Le développement de la compétence du patient exige                       traitements et à l’évolution de l’état de santé
une focalisation des fournisseurs de prestations sur celui-ci        •   Une volonté et des possibilités différentes de contri­
et la possibilité pour le patient de contribuer à la prise               buer à la prise de décisions relatives aux examens
de décisions (d’ordre médical) et à la conception du                     et aux thérapies (ou d’exiger une participation aux
processus. Ce sont cette nécessité mutuelle et le fait qu’il             décisions) et de choisir entre différentes options
n’y ait pas qu’un seul type de patient ou de malade qui                  de traitement
rendent le thème si complexe. En effet, nous traitons, sui-
vons et accompagnons des individus qui ont chacun une                Important: ce sont ces spécificités individuelles, plus
histoire, des ressources et des besoins qui leur sont propres.       que celles liées à la maladie, qui font des patients des
                                                                     experts de leur maladie et qui rendent complexe la
                                                                     tâche des spécialistes de la santé. A cela s’ajoute le
                                                                     fait qu’une responsabilisation progressive des patients (à
                                                                     laquelle nous nous attendons) accentue encore davantage
                                                                     ces différences.

                                                                 7
FMC M ATIÈRE À RÉFLEXION N°2

Objectifs                                                           comporter quel que soit leur problème de santé ou leur
                                                                    maladie. Selon nous, il n’existe pas de délimitation claire
La matière à réflexion Portraits de patients en 2024 éla-           entre ces modèles, et ceux-ci ne doivent surtout pas être
borée par le fmc prend en compte ces spécificités et                considérés comme des comportements que l’on retrouve
décrit via les portraits de Nicole, d’Emma, de Thomas               systématiquement chez les patients. Chacun d’entre eux
et d’Auguste comment les patients et les spécialistes de            peut très bien se comporter différemment au fil du temps.
la santé pourraient se comporter à l’avenir. Le contenu
du document est le résultat d’un processus à plusieurs              Ces portraits, destinés à être utilisés par l’ensemble des
niveaux: à partir de faits scientifiques, un groupe d’ex-           acteurs, organisations, spécialistes et patients, ont pour
perts du fmc a élaboré ces portraits avec le comité straté-         objectif de contribuer à:
gique et les 340 participants au symposium fmc 2015.
                                                                    •   permettre de mieux comprendre le principe de
A l’avenir, les spécialistes de la santé et les organisations           compétence des patients en matière de santé;
réunissant des fournisseurs de prestations devront être             •   promouvoir la focalisation sur le patient dans le
en mesure d’identifier les spécificités propres à chaque                cadre de la fourniture de prestations et souligner son
patient. Il ne s’agit pas d’en connaître tous les détails               importance pour les soins intégrés;
(ce qui serait bien trop complexe), mais d’identifier des           •   susciter des discussions et des débats entre
modèles de comportement tels que ceux présentés dans                    les différents acteurs;
les portraits de Nicole, d’Emma, de Thomas et d’Auguste.            •   proposer des points de repère et des marges de
Ils illustrent comment les patients sont susceptibles de se             manœuvre à tous les acteurs.

                                                                    Cas des immigrés

                                                                    Les personnes d’une autre culture et d’une autre reli-
                                                                    gion constituent un groupe à part, d’autant plus que
                                                                    nombre d’entre eux éprouvent des difficultés d’ordre
                                                                    linguistique. Il est très difficile de les familiariser avec
                                                                    le système de santé suisse tout en prenant en con-
                                                                    sidération leurs diffé­rences culturelles et religieuses.
                                                                    La Croix-Rouge suisse ainsi que d’autres organisations
                                                                    examinent cette problématique depuis longtemps
                                                                    (voir page 46).

                                                                8
PORTR AITS DE PATIENTS

    « Voyez ce que je vois ! » : de la perspective du patient vers plus d’intégration

    Les 340 participants au symposium fmc 2015 ont évalué                  Il a également été demandé aux participants comment les
    l’état actuel de la focalisation sur le patient: sur une échelle       subventions devaient selon eux être réparties à l’avenir.
    de 0 à 10, la valeur moyenne est de 5,6 dans le cadre                  Le résultat est le suivant: 39 % en moyenne pour les mesures
    du contact direct avec le patient (50 % des réponses sont              entrant dans le cadre du contact direct avec le patient,
    comprises entre 4 et 7), de 4,1 au niveau des organi-                  34 % pour celles des organisations/associations, et 27 %
    sations/associations et de 3,4 à l’échelle de l’ensemble               pour celles portant sur l’ensemble du système.
    du système.

    Evaluation de la focalisation sur le patient                           Evaluation de la répartition des subventions
    (0=aucune, 10=max.)                                                    (0–100 %)

Contact direct                                                                Contact direct
avec le patient                                                               avec le patient

                                                 Ensemble du
                                                   système
                                               (Confédération,                                                  Ensemble du
                      6

                                                   cantons)
                    5.

                                                                                                                  système
                                                                                                              (Confédération,
                                                                                        39
                                         3.4

                                                                                                                  cantons)
                                                                                                         27

                                    0
                                                                                                     0

                                   4.1                                                              34
                                                            10
                                                                                                                                100 %

                  Organisations,                                                        Organisations,
                   associations                                                          associations

                                                                       9
FMC M ATIÈRE À RÉFLEXION N°2

           En bref                                                               Ils illustrent les différentes façons
                                                                                 •   dont les individus gèrent avec les professionnels leur
           Le rôle des patients évolue. Leur responsabilité individuelle             maladie et les informations qui en découlent, ainsi
           et la focalisation des spécialistes de la santé sur ceux-ci               que les moyens d‘autodétermination en la matière;
           gagneront en importance à l’avenir dans le système de                 •   que ces attitudes varient au cours de l‘existence et
           santé, qu’il s’agisse des soins en général ou des soins                   de l‘évolution de la maladie, voire même en fonction
           intégrés en particulier. Nous partons du principe que                     de l’interlocuteur;
           cette responsabilisation et cette focalisation prendront              •   comment ces attitudes peuvent influer la focalisation
           différentes formes et seront plus ou moins marquées.                      sur le patient dans les soins intégrés et la prise
           Les quatre portraits de Nicole, d’Emma, de Thomas et                      en charge.
           d’Auguste visent donc à susciter des discussions.

               Attitude du patient
         à l’égard de sa maladie                   Résilience
                                                                                                                  Hostilité,
                                                                                Pessimisme,                       activité
                                                                                 passivité                                          Hétéronomie

              Attentes du patient                   Franchise,
       quant à la communication                    intégration,
       de la part des spécialistes                    estime                                                   Rapidité,
                                                                                                                clarté,                    Attentes
                                                                                     Discrétion,
                                                                                                              exhaustivité                différentes
                                                                                     précaution
                Façon d’exprimer                       Claire,
                     ses souhaits                    congruente
                                                                                  Timide,                      Déterminée,
                                                                                                                agressive             Inconnue
                                                                                 imprécise

   Mode de gestion de l’inégalité                 Partenariat
  en matière d’information entre
     le patient et les spécialistes                                                                            Hostilité,
                                                                           Recherche d’aide                                                  Divers
                                                                                                              agressivité

      Intérêt du patient à l’égard
                                                    Importants
                 des informations                                                                           Importants (constitue
                                                 (constitue la base                  Faibles
       et disposition à demander                                                                              le fondement de
                                                de son attitude face            (se sent menacé)
        activement des précisions                                                                          sa représentation du
                                                                                                                                      Variables
                                                   à la maladie)
                                                                                                                diagnostic et
             Capacité du patient à                                                                             de la thérapie)
        assimiler les informations                         Actif
           relatives aux examens,                                                      Passif                                              Divers
aux diagnostics, aux traitements                                                                                   Exigeant
et à l’évolution de l’état de santé

                                                 Différente selon la                                      Permanente et
     Contribution du patient à la                                           Rare et formulée
                                                       situation                                       exprimée de manière
   prise de décisions concernant                                             avec retenue                                           Divergent
                                                                                                          revendicatrice
    les examens et les thérapies

                                                                           10
PORTR AITS DE PATIENTS

                                   Emma

         Nicole

Thomas

                                           Auguste

                            11
FMC M ATIÈRE À RÉFLEXION N°2

Portrait de

Nicole

             12
PORTR AITS DE PATIENTS

Description
Aujourd’hui âgée de 40 ans, Nicole n’avait jamais
eu de problèmes de santé jusqu’à ce que les médecins
lui diagnostiquent une maladie tumorale il y a deux
ans. Elle savait alors que les chances de guérison étaient
bien plus élevées qu’auparavant grâce aux thérapies
modernes. Entrepreneuse indépendante élevant seule
ses enfants, elle est depuis longtemps habituée à
prendre les choses en main: elle s’est donc soumise
pendant plus d’un an à un traitement incluant deux
opérations ainsi que des séances de chimiothérapie et
de radiothérapie. Nicole ne s’est jamais repliée sur
elle-même, pas même quand elle a commencé à perdre
ses cheveux: elle s’est fait confectionner une perruque
et a continué à prendre soin de son apparence même
durant le traitement de chimiothérapie.

                                       13
FMC M ATIÈRE À RÉFLEXION N°2

Attitude à l’égard de la maladie                          Nicole dispose depuis plusieurs années
                                                      déjà d’un dossier électronique de patient, qui
Son sens de l’humour et sa joie de vivre aident       lui est utile pour gérer les données relatives à
Nicole à rester optimiste. Elle discute ouverte-      sa santé ainsi qu’en cas de maladie ou d’ac-
ment de sa maladie avec sa famille, ses enfants       cident. Elle peut désormais déterminer quels
et ses amis, et attend donc des médecins et du        spécialistes peuvent voir et exploiter, de façon
personnel soignant qu’ils instaurent une relation     sécurisée, les différentes informations essenti-
de partenariat et fassent preuve de franchise         elles au traitement et au suivi. Par exemple les
à son égard. Nicole se confronte activement           données de laboratoires, les radiographies réa-
à sa maladie et est en mesure d’exprimer ses          lisées lors d’examens, les rapports médicaux, les
besoins de façon claire et pertinente. Elle ex-       médicaments qu’elle doit prendre, ses directives
amine avec intérêt les informations qui lui sont      anticipées ou encore son dossier de vaccinati-
transmises concernant les examens, les diagno-        on. Elle dispose ainsi en permanence d’une vue
stics, les traitements et le processus de guérison,   d’ensemble des informations consultables sous
et pose souvent des questions ciblées afin de         forme électronique par les différents spécialistes
mieux comprendre les raisons, les avantages et        (cabinet médical, hôpital, pharmacie, aide et
les inconvénients des différentes mesures. Son        soins à domicile, thérapeutes, etc.).
attitude soulage le personnel soignant, qui part
du principe qu’elle comprend les nombreuses in-           Nicole est convaincue que le succès d’un
formations qui lui sont communiquées, et qu’elle      traitement passe par un partenariat entre le pa-
est en mesure de contribuer à la prise de déci-       tient et le corps médical et que les dé­cisions
sions relatives aux examens et aux thérapies, et      doivent être prises collectivement. Dans le
même de choisir entre différentes possibilités de     jargon médical, cette approche est appelée
traitement.                                           « prise de décision partagée », ou « shared
                                                      décision making » en anglais. Tout commence
Focalisation sur le patient en 2024                   par une clarification du mandat: quels problèmes
                                                      doivent être traités? Quand? Par qui? Par la
Malgré sa grave maladie et l’incertitude concer­      suite également, dans le cadre du processus
nant l’évolution de son état de santé, Nicole         de réflexion et de décision, le point de vue
souhaite être impliquée activement dans le traite-    du patient doit avoir le même poids que celui
ment et le suivi, et contribuer à décider de ce qui   du médecin (ou d’un autre spécialiste), et tous
doit et ne doit pas être réalisé. En contrepartie,    deux doivent se partager les responsabilités.
elle assume sa part de responsabilité dans ce         Différents instruments peuvent être utilisés à ce
cadre. En collaboration avec l’équipe chargée         titre: formulaires, tableaux relatifs aux risques
de son suivi, avec l’oncologue compétent, avec        ou aux probabilités, documents récapitulant les
son médecin de famille et avec d’autres spécia-       connaissances actuelles concernant un thème
listes, elle définit donc de manière contraignan-     précis, illustrations, outils électroniques (applica-
te comment elle peut agir sur le processus de         tions pour ordinateur ou pour smartphone), etc.
guérison en dehors du cadre des consultations et
visites nécessaires.

                                     14
PORTR AITS DE PATIENTS

   Nicole est disposée à contribuer, sur de-           personnes se retrouvent pour discuter ensemble
mande de l’oncologue, à l’élaboration de               de la fin de leur vie. Cela lui a donné des idées
lignes directrices (« guidelines »). Ces docu­         pour étoffer ses directives anticipées.
ments, de même que les parcours cliniques
(« clinical pathways »), constituent des instruments       Nicole fait aussi partie du Conseil de santé
reconnus permettant de traiter des mala­dies selon     de sa commune, qui regroupe des personnes
l’état actuel des connaissances scientifiques          issues des sphères politiques et administrati-
(médecine fondée sur les faits) ou de mettre en        ves, des spécialistes des milieux médicaux et
œuvre de manière optimale certaines mesures de         sociaux (réseau local de médecins, hôpital ré­
traitement. Ces deux outils nécessitent générale-      gional, aide et soins à domicile, EMS, bureau
ment une collaboration entre des professionnels        de consultation de Pro Senectute), mais aussi
de différentes disciplines et sont utilisés durant     des personnes défendant le point de vue des
plusieurs phases du traitement. Nicole a rejoint un    patients, des malades nécessitant des soins ou un
groupe de patients dont l’objectif est de discuter     soutien et de leurs proches. En tant que groupe
de lignes directrices et de parcours cliniques         de réflexion, le Conseil de santé aborde des
et d’émettre des recommandations dans la               questions ayant trait au système de santé régio-
perspective du patient.                                nal; les thèmes traités peuvent être suggérés par
                                                       ses membres ou par des tiers. Les résultats de ces
   Nicole a bien entendu envisagé la possibi-          discussions sont ensuite mis à la disposition des insti-
lité que les traitements n’aient pas le succès es-     tutions et organisations participantes, qui peuvent
compté et qu’elle doive subir des soins palliatifs.    ainsi optimiser ou développer sur cette base les
Elle a par ailleurs lu un article sur les « Cafés      prestations qu’elles fournissent à la population.
mortels », manifestations lors desquelles des

                                                                   15
FMC M ATIÈRE À RÉFLEXION N°2

Portrait d’

Emma

             16
PORTR AITS DE PATIENTS

Description
Agée de 52 ans, Emma souffre depuis plusieurs
décennies de problèmes de santé consécutifs à une
malformation congénitale ayant déjà nécessité
plusieurs opérations. Depuis son plus jeune âge, elle
ressent régulièrement une certaine tristesse liée
d’une part à ses souffrances quotidiennes et d’autre
part à une situation familiale difficile durant sa
jeunesse. Elle n’a quasiment jamais parlé de ses pro­
blèmes à d’autres personnes. Depuis sa tentative
de suicide à l’âge de 17 ans, Emma subit régulièrement
des soins psychiatriques stationnaires. Elle a
débuté il y a six mois une psychothérapie ambulatoire,
mais a rarement la force de se rendre jusqu’au
cabinet de sa thérapeute en raison de ses douleurs.

                                      17
FMC M ATIÈRE À RÉFLEXION N°2

Attitude à l’égard de la maladie                        germer en elle un peu de courage et d’assurance,
                                                        et elle ne veut en aucun cas perdre à nouveau
Souvent fatiguée et déprimée, Emma est régulièr­        cet acquis. Le suivi étroit dont elle a fait l’objet
ement absente du travail. Malgré la compréhension       dans un centre de traitement de la douleur lui
et l’engagement dont fait preuve son employeur,         a également fait beaucoup de bien; depuis, il
elle rencontre souvent des problèmes car elle           lui arrive régulièrement d’oublier momentanément
ne respecte pas les accords convenus et fait            ses souffrances. L’ensemble du personnel soig-
régulièrement des erreurs dans le cadre de son          nant l’incite depuis longtemps à exprimer plus
travail. Elle se sent alors isolée et exclue. Emma      fortement ses besoins et à soutenir activement le
éprouve encore beaucoup de difficultés à parler         traitement, mais n’y parvient qu’en partie.
de sa situation et de ses problèmes. Elle prend
les choses trop à cœur et se sent souvent poussée          Emma tient un journal de patient dans lequel
dans ses derniers retranchements. Emma se montre        elle indique trois fois par jour le type, la locali-
extrêmement renfermée et sur la défensive vis-à-        sation et l’intensité de ses douleurs et des autres
vis du personnel soignant. Seule sa thérapeute          troubles dont elle souffre. Le personnel soignant
est parvenue à établir un lien de confiance avec        peut ainsi évaluer continuellement l’efficacité et
elle et à l’aider. Toutefois, le fait qu’elle n’ait     les effets secondaires des différentes mesures
souvent pas la force d’aller la consulter la met        engagées, appréhender ses troubles de manière
sous pression. Pour la thérapeute, le suivi d’une       bien plus précise que dans le cadre d’une consul-
telle patiente est un travail exigeant mais réjoui­     tation normale et réagir de façon ciblée.
s­sant car elle a pu constater une amélioration,
faible mais constante.                                     Sur les conseils de sa thérapeute, Emma a
                                                        accepté d’être accompagnée dans le cadre
Focalisation sur le patient en 2024                     d’un coaching. Les coachs de patients aident en
                                                        particulier les personnes souffrant de maladies
Emma évite le contact avec d’autres personnes           ou de troubles chroniques à agir sur l’évolution
et éprouve beaucoup de difficultés à nouer des          du traitement. La question principale est la sui-
relations amicales. On lui a pourtant expliqué,         vante: comment le patient peut-il améliorer sa
notamment dans le cadre de sa thérapie, que             situation personnelle malgré ses problèmes? La
cet aspect était essentiel et à quel point le fait de   personne détient-elle en elle-même le potentiel
parler de ses problèmes, d’établir une relation de      et les ressources permettant d’y parvenir (p. ex.
confiance avec d’autres personnes et d’aborder          intérêt particulier, capacité spécifique) ou ceux-ci
ses craintes avec le personnel soignant pouvait         sont-ils présents dans son environnement (p. ex.
faire du bien. Ces derniers temps, Emma a senti         voisins, offres de soutien de la part d’organisa-

                                      18
PORTR AITS DE PATIENTS

tions spécialisées)? L’objectif premier du coaching      D’autres mesures sont progressivement mises
est de permettre au patient d’identifier ce po-       en œuvre pour impliquer plus étroitement Emma
tentiel et ces ressources et de les exploiter. Bien   dans les différentes phases du traitement et ainsi
qu’Emma ait montré des signes d’amélioration          augmenter les chances de réussite de la thérapie.
dès la première rencontre avec son coach, c’est       Il existe à cet effet toute une série de méthodes
avec soulagement qu’elle a appris qu’en cas de        et d’instruments reconnus, p. ex. des instructions
besoin, le coaching pouvait également s’effectuer     personnalisées concernant la prise de médica-
par téléphone ou par Skype.                           ments, des vidéos présentant des exercices à
                                                      réaliser chez soi, ou encore un soutien par télé-
   Le coach a recommandé au personnel char-           phone, par SMS ou par Internet (télémonitoring/
gé du suivi d’Emma d’appliquer systématique-          télébiométrie).
ment avec elle la technique du « teach back »,
qui consiste à demander au patient de reformuler
les principaux points abordés lors des différentes
phases de l’entretien. Cela permet de savoir
ce que le patient a compris ou mal compris.
Cette méthode a surtout fait ses preuves avec
des personnes éprouvant ou semblant éprouver
des difficultés d’ordre linguistique ou social.

                                                                 19
FMC M ATIÈRE À RÉFLEXION N°2

Portrait de

Thomas

              20
PORTR AITS DE PATIENTS

Description
Aujourd’hui âgé de 29 ans, Thomas souffre depuis ses
huit ans d’une maladie métabolique complexe.
Alors qu’au début il respectait à la lettre le traitement
indiqué, il s’est rebellé à la puberté en affirmant
ne pas vouloir vivre uniquement pour s’occuper de sa
maladie. Cet état d’esprit, plus important à ses
yeux à l’époque que les mesures thérapeutiques, a bien
failli lui coûter la vie il y a un peu plus de dix ans
à la suite d’une crise. Depuis, Thomas s’est calmé et,
malgré quelques rechutes bénignes, il applique
strictement le traitement et les contrôles prescrits. Bien
que de premières séquelles tardives de la maladie
commencent à apparaître, il se sent en pleine forme,
fait énormément de sport et ne se prive pas de
dépenser toute son énergie.

                                       21
FMC M ATIÈRE À RÉFLEXION N°2

Attitude à l’égard de la maladie                       Focalisation sur le patient en 2024

La maladie de Thomas nécessite régulièrement           Thomas n’est pas avare de critiques, notamment
de nombreux examens de contrôle (parfois rela-         lorsqu’il doit répéter l’historique de sa maladie
tivement complexes) ainsi que des adaptations          à un nouveau médecin de l’hôpital ou lorsque
de la thérapie. Contrairement à auparavant, il         son médecin de famille reçoit bien trop tard (à
est particulièrement soucieux de comprendre le         ses yeux) les résultats des examens réalisés par
moindre détail et attend donc des spécialistes         le spécialiste. Un confrère de son médecin de
une communication claire et ouverte ainsi que          famille a récemment demandé à ce dernier s’il
des informations exhaustives. Il a longuement          s’agissait bien de son patient qui, lors d’un grand
réfléchi à ses besoins et à ses souhaits, et ne        colloque relatif aux soins intégrés, avait parlé de
manque pratiquement aucune occasion d’exiger           son expérience de la maladie dans le cadre d’un
la prise en compte de ceux-ci. Il s’énerve donc        exposé intitulé « Le patient fragmenté », qui s’était
facilement lorsqu’il a l’impression que l’on accorde   avéré très nuancé mais aussi très critique. En tout
trop peu d’importance à son point de vue, et           cas, l’ensemble du personnel soignant s’entend
aime répéter qu’il en sait davantage sur sa mala­      à reconnaître que l’engagement dont fait preuve
die que ses médecins car il la vit au quotidien.       Thomas est remarquable.
Il affirme en outre avoir lu pratiquement tous les
ouvrages relatifs à sa maladie disponibles sur             Pour pouvoir contrôler aussi précisément que
Internet et dans les bibliothèques. Les spécialistes   possible l’évolution de sa maladie, Thomas a
qui le suivent, et en particulier son médecin de       décidé, en concertation avec ses médecins, de
famille, le voient comme un patient très exige-        tenir un journal de patient sous forme électro-
ant car, lors de chaque visite et examen, il fait      nique. Il y consigne systématiquement les mes-
valoir ses arguments ou conteste des décisions.        ures médicales et sanitaires qu’il met lui-même
Son médecin de famille considère que cette atti-       en œuvre (p. ex. prise de médicaments, valeurs
tude présente toutefois aussi des avantages, car       mesurées par ses soins, performances sportives).
Thomas participe véritablement à la prise de           Il y indique également comment il se sent, p. ex.
décision et contribue ainsi à le décharger.            quelle est son humeur ou s’il a bien dormi. Cela
                                                       permet à Thomas ainsi qu’au personnel soignant
                                                       d’identifier à temps les évolutions notables de sa
                                                       santé physique et psychique, et ainsi de réagir
                                                       de manière adaptée.

                                                           Son journal de patient constitue également
                                                       le point de départ d’un « voyage du patient »
                                                       (« patient journey ») dans le cadre duquel sont
                                                       décrites du point de vue du patient les diverses
                                                       phases de l’évolution de la maladie, de la
                                                       perception des premiers symptômes jusqu’au suivi
                                                       médical et à une éventuelle réinsertion (professi-
                                                       onnelle) en passant par les différents diagnostics

                                      22
PORTR AITS DE PATIENTS

et traitements. Ces « patient journeys » permettent     tiennent un blog à l’intention des autres malades
de raconter l’histoire du patient en mots et en         en y indiquant également leur expérience avec
images et de la compléter avec des commen-              des fournisseurs de prestations et des thérapies.
taires. Les différents fournisseurs de prestations et
institutions disposent ainsi d’une base leur per-           Thomas s’engage en outre avec d’autres ma-
mettant d’analyser, d’évaluer et éventuellement         lades dans le cadre d’une initiative nationale de
d’adapter le traitement et le suivi.                    patients. L’objectif de ces groupes de pression
                                                        est en général de faire en sorte que l’on prenne
    Thomas s’engage non seulement pour lui-même,        davantage en compte leurs préoccupations,
mais aussi pour toutes les autres personnes souf-       p. ex. en vue de l’autorisation rapide d’une nou-
frant de la même maladie métabolique. Etant             velle thérapie prometteuse, de la prise en charge
donné que les véritables experts concernant une         de cette thérapie par une assurance sociale
maladie sont ceux qui en souffrent, leur expérience     (dans la plupart des cas l’assurance obligatoire
est de plus en plus souvent exploitée, ce qui pro-      des soins), ou encore d’un meilleur soutien social
fite à la fois aux patients et au corps médical. Il     aux malades. Afin que les recherches s’intensi-
existe toute une série d’approches qui vont dans        fient au sujet de la maladie métabolique dont
la même direction: des groupes d’entraide qui           souffre Thomas, les quelque milliers de membres
échangent régulièrement des informations avec           de l’initiative mettent à disposition les informa-
des spécialistes, des malades qui en aident d’au-       tions les concernant ainsi que les données rela-
tres à vivre avec leur maladie et à organiser leur      tives à leur maladie, au cas où les chercheurs
quotidien en fonction de celle-ci, des patients qui     auraient des questions bien précises.
se tiennent à disposition des spécialistes pour
faire office de mentors, ou encore d’autres qui

                                                                  23
FMC M ATIÈRE À RÉFLEXION N°2

Portrait d’

Auguste

              24
PORTR AITS DE PATIENTS

Description
Agé de 76 ans, Auguste souffre de démence à un
stade avancé. Il a ressenti les premiers symptômes de
la maladie il y a quatre ans environ; à l’époque,
il se sentait fréquemment fatigué et peu performant.
Il a ensuite rapidement perdu le sens de l’orientation,
ne sachant soudainement plus où il devait aller; par
la suite, il a oublié comment téléphoner, lire ou
encore écrire. Les premières phases de la maladie se
sont avérées très difficiles pour lui, car il se rendait
compte qu’il oubliait de plus en plus de choses et que ses
capacités mentales ne cessaient de diminuer. Malgré
ses capacités limitées, il se sent désormais bien dans ce
nouvel état et semble même apprécier son quotidien,
ce qui représente un soulagement pour sa compagne s’oc­
cupant de lui et pour ses quatre enfants très impliqués.
La dégradation de ses capacités s’est toutefois avérée très
difficile pour sa compagne: « Tout à coup, il ne reste
plus rien de la personne avec laquelle on a jusque-là par­
tagé sa vie », a-t-elle ainsi expliqué récemment à sa
fille aînée.

                                       25
FMC M ATIÈRE À RÉFLEXION N°2

Attitude à l’égard de la maladie                            Heureusement, avant de perdre sa capa-
                                                        cité de discernement, Auguste a défini dans le
Les membres de sa famille sont très divisés quant       cadre de ses directives anticipées (pouvant être
à savoir si Auguste est véritablement heureux           consultées sous forme électronique), conjointe-
dans cet état: certains voient comme une chance         ment avec son médecin de famille et en accord
le fait qu’Auguste se sente bien dans sa peau           avec ses proches, comment il souhaitait que l’on
malgré la diminution de ses capacités mentales,         procède dans différentes situations s’il n’était plus
tandis que d’autres regrettent surtout cette dégra-     capable de discernement: mesures de maintien
dation et considèrent que, dans cet état, on ne         de la vie, accompagnement de fin de vie, lieu
peut pas véritablement parler de joie de vivre et       de décès, levée du secret médical, procuration
de bien-être. Ces divergences de point de vue           à des proches en cas de décisions médicales
sont difficiles à vivre pour sa famille et compli-      importantes devant être prises, don d’organes et
quent le travail des spécialistes qui le suivent, en    analyses à des fins de recherche. Les médecins
particulier son médecin de famille et le personnel      et les proches sont légalement tenus de respec-
soignant de l’aide et soins à domicile, qui doivent     ter ces directives anticipées, qui peuvent être
régulièrement jongler avec des attentes et exigen-      complétées par d’autres documents, p. ex. un
ces différentes, voire en partie contradictoires,       mandat pour cause d’inaptitude réglant les ques-
p. ex. concernant les personnes à qui les infor-        tions administratives et financières au cas où la
mations doivent être communiquées ou le degré           personne concernée ne serait plus capable de
d’implication des proches dans le cadre du suivi        discernement.
et du traitement.
                                                            C’est précisément à cause des divergences
Focalisation sur le patient en 2024                     de point de vue entre les proches d’Auguste que
                                                        son médecin de famille a insisté pour définir
Ces divergences de point de vue au sein de la           avec eux un plan de traitement et de suivi pour
famille se sont avérées particulièrement diffici-       celui-ci et pour rendre ces données accessibles
les à gérer récemment lorsqu’Auguste a souffert         sous forme électronique aux spécialistes con-
d’une forte fièvre et que son état s’est rapidement     cernés. En plus de l’ensemble des données médi-
et gravement dégradé. Son médecin de famille            cales et personnelles d’Auguste, ce plan inclut les
lui a diagnostiqué une pneumonie et a demandé           directives anticipées du patient ainsi que d’autres
jusqu’où le traitement devait être poursuivi. Cet-      informations indispensables. Le principal objectif
te question était particulièrement délicate étant       d’un tel plan est de mettre les mêmes informa-
donné que l’on ne peut pas véritablement parler         tions à la disposition de toutes les personnes
de « focalisation sur le patient » lorsque ce dernier   concernées, depuis n’importe où et à n’importe
n’est plus en mesure de définir lui-même ce qu’il
veut et que ses proches ont différents avis et points
de vue à ce sujet.

                                      26
PORTR AITS DE PATIENTS

quelle heure, et ainsi d’éviter tout malentendu. Il   veillant à leur santé et acquièrent de nombreuses
existe également des plans destinés plus spéci-       connaissances sur le système social et de santé
fiquement aux proches et aux personnes n’ap-          ainsi que sur la façon dont ils peuvent les exploiter
partenant pas au milieu médical: ils permettent       de manière ciblée pour eux et pour leur père.
de coordonner sous forme électronique d’autres
mesures, qu’il s’agisse de convenir de rendez-            Sur les conseils du médecin de famille, la
vous dans le cadre du traitement, d’organiser des     compagne d’Auguste a rejoint le Conseil des
repas ou des transports, de contrôler la prise de     proches du foyer psychogériatrique auquel
médicaments, de réaliser des achats ou encore         sont également rattachés l’aide et soins à domi­
de fournir un soutien dans le cadre de la corres-     cile et l’EMS. Ce Conseil traite des thèmes
pondance avec les assureurs et les autorités.         suggérés par ses membres ou par la direction de
                                                      l’institution; il peut s’agir aussi bien de processus
   Un fils et une fille d’Auguste ont fait appel à    (insatisfaisants) que de la décoration de la
un coach spécialisé dans le soutien aux proches       cafétéria. Le résultat des discussions est ensuite
de patients atteints de démence. Leur but est         communiqué à l’institution et contribue dans la
de savoir comment utiliser de manière optima-         mesure du possible à des améliorations. Dans
le leurs ressources dans le cadre de l’assistance     certains cas, un Conseil des proches peut égale­
à leur père et être en mesure de parler avec          ment faire office d’organe de médiation ou de
le personnel soignant d’une seule voix et dans        conciliation.
l’intérêt d’Auguste. Le coach leur a également
recommandé de suivre un cours pouvant leur
permettre d’améliorer leurs propres compéten-
ces en matière de santé. Ils apprennent ainsi à
prendre quotidiennement des décisions tout en

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FMC M ATIÈRE À RÉFLEXION N°2

Possibilités d’action et incitations
La compétence du patient en matière de santé et la focalisation
des fournisseurs de prestations sur celui-ci s’expriment naturelle­
ment dans le cadre du contact direct. Tous les partenaires doivent
s’impliquer dans la promotion et le développement de ces
deux aspects; des initiatives de la part de tous les acteurs et à
tous les niveaux sont donc souhaitables. Ces initiatives ne
peuvent toutefois être efficaces et axées sur le patient que si
elles sont développées par plusieurs partenaires selon une
perspective intégrée (et non pas de manière isolée ou frag­
mentée). C’est pourquoi les possibilités d’action et incitations
formulées ci-après s’adressent à tous les acteurs. Ces mesures
peuvent être mises en œuvre en de nombreux endroits; cer-
taines sont déjà en cours de concrétisation, voire d’ores et déjà
introduites.

Pour les organisations de patients et ligues de santé

•   Les ligues de santé, les organisations de patients              •   Les organisations suisses de patients se réunissent
    et la fondation Info-Entraide Suisse tissent un réseau              au sein d’une organisation faîtière défendant les
    de groupes d’entraide destinés aux patients.                        différents intérêts des patients et pouvant influer plus
                                                                        fortement sur la politique en matière de santé.
•   Les organisations de patients mettent sur pied des
    offres de formation et de cours destinées aux patients          •   Les ligues de santé sont représentées par des pati-
    et à leurs proches (universités des patients). Elles en-            ents au sein de commissions officielles et d’organisa­
    couragent et soutiennent le recueil d’un second avis                tions de soins et mettent en place des groupes de
    afin de souligner l’importance de la participation                  pression à l’échelle nationale afin de donner plus de
    des patients à la prise de décisions d’ordre médical.               poids aux revendications des patients.

•   En collaboration avec les partenaires (communes,                •   Les organisations de patients participent à des
    assureurs, etc.), les ligues de santé créent des centres            enquêtes relatives à la satisfaction des patients et à
    de santé dans lesquels les assurés et les patients                  la focalisation sur ceux-ci, considèrent ces aspects
    peuvent obtenir des informations et des conseils de                 comme des indicateurs essentiels de qualité et s’en-
    qualité.                                                            gagent en vue de publier ces enquêtes.

•   Les ligues de santé mettent en place par le biais des
    médias sociaux des communautés pour leurs groupes
    de patients et encouragent ainsi l’échange entre
    patients.
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