Pratiques alternatives d'irrigation pour le Nord Mali - Avril 2014 Christophe Rigourd (IRAM)
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RAPPORT FINAL Pratiques alternatives d’irrigation pour le Nord Mali Christophe Rigourd (IRAM) Moussa Camara (IRAM / IER) Avril 2014
Ce document a été réalisé avec l’aide financière de Handicap International. Le contenu de ce document relève de la seule responsabilité de ses auteurs et ne peut pas être considéré comme reflétant la position de la République du Mali, du Conseil Régional de Tombouctou, d’Handicap International ou d’Agronomes et Vétérinaires Sans Frontières. Ce rapport a été rédigé à l’issue d’un atelier de capitalisation de deux jours organisé les 4 et 5 mars 2014 au CRES de Bamako. Il valorise les travaux de l’atelier et les contributions des participants suivants : Mohamed Ibrahim et Boucary A Bocoum (Conseil régional de Tombouctou), Issiaka Maïga (CRA Tombouctou), Modibo Diarra (DRA Tombouctou), Benoît Couturier et Birima Coulibaly (Handicap International), Marc Chapon (AVSF), Yéhia Maïga (OP Irrigation DAYE), Zeinabou Abousef (OP Irrigation Nafagoumo), Djiré Darby (OP Irrigation/maraîchage), , Garantigui Traoré (DGR), Dalino Coulibaly et Dizana Sanogo (UNSO / TONKA), Mahamadou Guinkine (Projet Faguibine -OMVF), Fadiala Danioko, Abdoulaye Coulibaly et Fadiala Kamissoko (PCDA), Matthias Klieve et Pierre Guirou (IPRODI / Mali Nord), Sekou Salla GUINDO et Bréhima Tangara (IER), Amadou Keita (2ie), Oumar Aboubacrine (Africare), Moussa Kalifa (UAVES), Amadou Abdoulaye CISSE (AFAR), Cheickna Magassouba (AMADER), Souleymane Berthe et Maïga Alhousseini Issa (CNESOLER), Bakary Diarra (Kickstart), Amadou Thiero (FODESA), Amadou Waïgalo (Faranfasi so), Thomas Hertzog, (IPRO), Bernard André (BIT). Un remerciement particulier à l’Association malienne de l’irrigation et du drainage (AMID) qui a relayé l’appel à contribution dans son réseau et mobilisé trois experts pour l’atelier : Paul Coulibaly (AMID / DGR), Mohamed Dicko (AMID / IER) et François Gadelle (AMID). Christophe Rigourd (IRAM) et Moussa Camara (IRAM/ IER) ont facilité l’atelier et rédigé ce document. • iram Paris (siège social) 49, rue de la Glacière 75013 Paris France Tél. : 33 (0)1 44 08 67 67 • Fax : 33 (0)1 43 31 66 31 iram@iram-fr.org • www.iram-fr.org • iram Montpellier Parc scientifique Agropolis Bâtiment 3 • 34980 Montferrier sur Lez France Tél. : 33 (0)4 99 23 24 67 • Fax : 33 (0)4 99 23 24 68
Sommaire SOMMAIRE 3 LISTE DES SIGLES 5 RESUME EXECUTIF 7 EXECUTIVE SUMMARY 9 1. METHODOLOGIE 11 1.1. Une capitalisation des pratiques alternatives d’irrigation pour le Nord Mali 11 1.2. Champ et nature du travail 11 1.3. Démarche d’identification de pratiques alternatives d’irrigation pour le Nord Mali 14 2. CONTEXTE 18 2.1. Bref historique des systèmes irrigués au Nord Mali 18 2.2. Typologie des systèmes irrigués au Nord Mali et multi-usage 19 2.3. Les grands enjeux des systèmes irrigués au Nord Mali 25 3. PROPOSITION DE PRATIQUES ALTERNATIVES POUR REPONDRE AUX ENJEUX DES SYSTEMES IRRIGUES DU NORD MALI 32 3.1. Exhaure et pompage de l’eau : peut-on réduire la dépendance énergétique ? 32 3.2. Distribution de l’eau : Peut-on réduire les consommations en eau, donc en énergie, et faciliter le travail d’irrigation ? 37 3.3. Quelles alternatives de captage de l’eau pour les périmètres maraîchers ? 40 3.4. Systèmes de cultures : quelles possibilités de systèmes de cultures moins dépendants des énergies fossiles, plus résilients et plus respectueux de l’environnement ? 42
3.5. Des pratiques pour renforcer la dimension multi usages des zones lacustres et ainsi renforcer la résilience des exploitations 49 3.6. Quels services et accompagnements pour les exploitants et leurs organisations ? 53 4. SYNTHESE ET RECOMMANDATIONS 58 4.1. Quelles priorités de pratiques alternatives et quelles perspectives ? 58 4.2. Des pratiques qui répondent différemment aux trois enjeux énergétiques, de résilience et environnementaux : plaidoyer pour l’agro- écologie 60 4.3. Synthèse des pratiques alternatives selon les types de systèmes irrigués 63 5. ANNEXES 64 5.1. Programme de l’atelier de capitalisation sur les pratiques d’irrigation pour les régions du Nord Mali, CRES, Bamako les 4 et 5 mars 2014 64 5.2. Personnes ressources ayant participé à l’atelier de capitalisation 66 5.3. Bibliographie 68
Liste des sigles AFAR Action pour la formation et l’autopromotion rurale AMADER Agence malienne pour le développement de l’énergie domestique et de l’électrification rurale AMID Association malienne de l’irrigation et du drainage ARID Association régionale pour l’irrigation et le drainage en Afrique de l’Ouest et du Centre BM Banque mondiale CNESOLER Centre national de l’énergie solaire et des énergies renouvelables CPS Centre de prestation de services CRA Chambre régionale d’agriculture DNGR Direction nationale du génie rural DRA Direction régionale de l’agriculture FAO Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture FIDA Fonds international pour le développement agricole FODESA Programme fonds de développement en zone sahélienne GMP Groupe motopompe IER Institut d’économie rurale IPTRID Programme international pour la recherche et la technologie en irrigation et drainage IPRODI Programme d’irrigation de proximité / Mali Nord IWMI International water management institute MAE Ministère des affaires étrangères (France) MINUSMA Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali. OPA Organisation professionnelle agricole (ou OP) OMVF Office pour la mise en valeur du système Faguibine PASSIP Programme d’appui au sous-secteur de l’irrigation de proximité PCDA Programme compétitivité diversification agricoles PIV Périmètre irrigué villageois PM Périmètre maraîcher PPIV Petit périmètre irrigué villageois SARI Système agro-écologique de riziculture intensive SRI Système de riziculture intensive UAVES Union pour un avenir écologique et solidaire 2ie Institut International d'Ingénierie de l’Eau et de l’Environnement 5
«Le fleuve Niger est au Mali ce que le Nil est à l’Egypte. » Intervention d’un participant à l’atelier de capitalisation des pratiques alternatives d’irrigation pour le Nord Mali tenu les 4 et 5 mars 2014 à Bamako. 6
Résumé exécutif Ce rapport décrit douze pratiques alternatives d’irrigation répondant aux enjeux actuels des systèmes irrigués du Nord Mali, et en particulier, des pratiques moins dépendantes des énergies fossiles, renforçant les capacités de résilience des exploitants agricoles et contribuant au respect de l’environnement. Les fiches descriptives ainsi que de nombreux documents de références sont également accessibles sur le site internet www.irrigation-nord-mali.org. Ces douze pratiques réunies par thématiques sont : Concernant le pompage : le pompage solaire photovoltaïque et les pompes à pédales ; Des systèmes de distribution d’eau économes en eau et à faibles coûts ; Le forage à la tarière manuelle et à la moto-tarière ; Concernant les systèmes de cultures : les pratiques agro-écologiques sur les périmètres maraîchers, le système de riziculture intensive SRI et le jardin potager africain JPA sous irrigation goutte à goutte ; Des pratiques pour renforcer la dimension multi usages de ces zones : la bourgouculture améliorée et les schémas d’aménagements pastoraux ; Des pratiques concernant les services aux irrigants, l’accompagnement et les problématiques de gestion : des pratiques pour renforcer la place des femmes dans les périmètres irrigués villageois (PIV), ainsi que des pratiques pour résoudre les problèmes cruciaux de gestion au travers de centres de prestation de services (CPS) aux organisations professionnelles agricoles (OPA) et de conseil aux irrigants par un centre de prestation de services. D’autres pratiques sont également listées mais non décrites en détail dans ce rapport. Premièrement, afin de renforcer les capacités de résilience des exploitations agricoles et des systèmes irrigués, une approche multi usages de ces zones est indispensable. Cela signifie qu’un programme de relance de l’agriculture dans le Nord ne devrait pas se focaliser exclusivement sur la riziculture de PIV (agriculture). En effet, une meilleure prise en compte de l’élevage, comme élément du système, est indispensable : les pratiques de bourgouculture améliorée et de schémas d’aménagements pastoraux peuvent y contribuer. Ensuite il ne faut pas se concentrer exclusivement sur l’irrigation en maîtrise totale de l’eau, mais aussi soutenir les systèmes de crues et de décrues, les systèmes de submersion contrôlée ainsi que les techniques de conservation des eaux et des sols / restauration des eaux et des sols. Deuxièmement, certaines pratiques alternatives « simples » sont prêtes à être diffuser largement dans le Nord. Il s’agit du forage à la tarière manuelle et à la moto-tarière, des pompes à pédales de troisième génération, du pompage solaire photovoltaïque pour les périmètres maraîchers et les vergers, de l’agro-écologie et du renforcement de la place des femmes dans les PIV. 7
Bien que le modèle PIV actuel ne constitue pas une nouveauté et est dépendant des énergies fossiles, ce modèle reste malgré tout pertinent car bien connu et maîtrisé localement (par les ONG et les agriculteurs) pour une relance rapide de l’agriculture au Nord. D’autres pratiques sont intéressantes mais avec un champ de diffusion plus limité. Il s’agit des technologies de distribution économes en eau et à faibles coûts ainsi que du jardin potager africain (JPA) qui peuvent intéresser surtout les maraîchers individuels privés. D’autres pratiques sont très pertinentes, répondent bien aux enjeux des systèmes irrigués du Nord, mais seront plus complexes à diffuser. Il s’agit des systèmes de riziculture intensive SRI et SARI (système agro-écologique rizicole intensif), ainsi que des centres de prestation de services fournissant du conseil de gestion aux OPA et du conseil aux irrigants. Des programmes de recherche action de plus grande ampleur seront donc nécessaires à leur diffusion. Améliorer la gestion OPA est par ailleurs un impératif pour pérenniser les aménagements. Le pompage solaire (photovoltaïque ou thermique) pour les PIV et les grands périmètres irrigués est à priori intéressant mais exigera des processus d’innovations techniques et institutionnels importants. Parmi l’ensemble de ces pratiques, les pratiques d’agro-écologie (et par extension de SARI) et de pompage solaire semblent le mieux articuler les trois enjeux énergétiques, de résilience et environnementaux et devraient donc recevoir une attention particulière. 8
Executive summary This report presents twelve best practices for Northern Mali irrigation systems. These are alternatives to existing practices: they are less dependent on fossil energy, they strengthen farmers’ resilience and they contribute to the protection of the environment. Additional information is also available on the following web-site: www.irrigation-nord-mali.org . These twelve practices are: Regarding pumping: solar pumping and treadle pumps; Low cost water saving technologies; Manual drilling and simple motor-drilling; Regarding cropping systems: agro-ecology practices for gardening, system of rice intensification SRI and JPA (African garden practice); Practices enhancing the multi-purpose use of Northern areas such as bourgou cultivation and pastoral infrastructure planning; Practices tackling the important issue of collective management of irrigation scheme such as: NGO practices empowering women on irrigation schemes and the establishment of service centres for water users associations and farmers’ organisations. Other practices are also mentioned but not described. Firstly, to strengthen farmers’ resilience, adopting a multi-purpose approach of these areas is a must. One shouldn’t therefore solely focus on rice cultivation on irrigation schemes (i.e. agriculture), but should also favour pastoralism (i.e. livestock farming) through improved bourgou cultivation and pastoral infrastructure planning. Then within the agricultural sector, one should also consider the high value of flood recession agriculture and water and soil conservation technics. Secondly, some best practices are relatively simple and are ready for wide dissemination in Northern Areas. These are manual and simple motor-drilling, treadle pumps, solar pumping for small gardening, agro-ecology and practices empowering women on irrigation schemes. Although the PIV model (village level irrigation scheme) relies heavily on fossil energy, one should bear in mind that it is still a good option to ensure food security in the short run: it is indeed well known by farmers and technicians / NGOs. It should therefore not be ruled out although it depends on fossil energy. Other practices are worth mentioning though their scope of dissemination is narrower. These are low cost water saving technologies and the JPA (African garden) mainly suitable for individual private irrigation on small gardens. Thirdly, some practices are definitely very relevant but will be more complex to disseminate. This is the case of the system of rice intensification (SRI), the agro-ecological system of rice intensification (SARI) and the establishment of service centres for water users associations and 9
farmers’ organisations. Service centres are direly needed to tackle collective management issues, but this will require an action oriented program on its own. Solar pumping for PIV (village level irrigation schemes) and large-scale irrigation schemes is also interesting but will require significant technical and institutional changes. Within all these practices agro-ecology (including SARI) and solar pumping (in priority for gardening) are the most relevant to address simultaneously energy, resilience and environmental issues, while the establishment of service centres is a must to ensure the sustainability of the existing irrigation schemes. 10
1. Méthodologie 1.1. Une capitalisation des pratiques alternatives d’irrigation pour le Nord Mali Depuis la crise politico-sécuritaire dans le Nord Mali, Handicap International en partenariat avec Agronomes et Vétérinaires Sans Frontières et le Conseil Régional de Tombouctou, soutient les différentes campagnes agricoles dans les cinq cercles de la région de Tombouctou. Ces interventions ont permis de constater que l’agriculture dans le Nord Mali en général, et dans la région de Tombouctou en particulier, est confrontée aux aléas climatiques fréquents et est tributaire des énergies fossiles. Cette situation fragilise de plus en plus la production et vulnérabilise les exploitations agricoles. Par conséquent, il est opportun de réfléchir à des alternatives d’irrigation plus respectueuses de l’environnement, avec une capacité d’adaptation à l’évolution de celui-ci, moins dépendantes des énergies fossiles et capables de renforcer la résilience des exploitants agricoles. Le Conseil Régional de Tombouctou, la Direction Régionale de l’Agriculture de Tombouctou, Handicap International et Agronomes et Vétérinaires Sans Frontières ont donc pris l’initiative de faire la capitalisation de pratiques alternatives d’irrigation pour le Nord Mali. Ces pratiques alternatives d’irrigation doivent répondre aux enjeux actuels des systèmes irrigués du Nord Mali, et en particulier, doivent contribuer au respect de l’environnement, doivent être moins dépendantes des énergies fossiles et doivent renforcer les capacités de résilience des exploitants agricoles des régions Nord Mali. Ces pratiques alternatives, non exhaustives, sont présentées au travers de ce manuel ainsi que du site internet www.irrigation-nord-mali.org 1.2. Champ et nature du travail 1.2.1. De quel Nord Mali parle-t-on ? L’étude ne concerne pas l’ensemble du Nord Mali. Elle concerne en particulier la zone du fleuve dans la Région de Tombouctou et ses 5 cercles - Diré, Goundam, Gourma-Rharous, Niafunké, Tombouctou - zone comprenant le delta central du Niger et la boucle du Niger. Par extension ces pratiques sont aussi intéressantes pour la zone du fleuve autour de Gao. En revanche ce travail ne concerne pas les zones beaucoup plus au Nord comme Kidal. Cependant certaines pratiques pourraient aussi être valables pour les zones oasiennes. 11
Carte de la boucle du Niger et du delta central du Niger (Source IGN) 12
1.2.2. Intérêts et limites du concept de « bonnes pratiques » Au cours de ce travail de capitalisation de pratiques alternatives d’irrigation, on a souvent eu recours au concept de « bonnes pratiques ». Selon la FAO (2004) le concept de « bonnes pratiques » est un raccourci facile, et utile, mais dangereux. La FAO le définit ainsi : pratique individuelle ou collective dont la mise en œuvre dans un contexte donné permet de meilleures performances agronomiques, hydrauliques, économiques et financières ou organisationnelles. Une « bonne pratique » peut-être adoptée largement sur un aménagement, seulement par quelques producteurs, ou encore être en test (ndlr : en milieu paysan). Mais dans tous les cas il s’agit de pratiques réelles, et non de recommandations théoriques. Dans le cadre de ce travail de capitalisation les pratiques alternatives identifiées – les « bonnes pratiques » – sont d’ordre hydraulique, agronomique, organisationnelle / institutionnelle et répondent aux trois enjeux de respect de l’environnement, de moindre dépendance aux énergies fossiles et de renforcement de la résilience des exploitations. Cependant de travail de capitalisation présente certaines limites : D’abord il ne s’agit pas des priorités pour le Nord Mali. D’une part le Nord Mali est avant tout une grande zone d’élevage transhumant alors que ce travail concerne les zones irriguées et donc plutôt les agriculteurs. Cependant certaines pratiques présentées concernent aussi les éleveurs et ce travail milite notamment pour mieux prendre en compte les usages (et usagers) multiples de ces zones. D’autre part, étant donné le contexte actuel au Nord, une des priorités serait certainement de travailler sur les relations entre les différentes communautés, or cette problématique sort complètement du champ de cette capitalisation. Ensuite ce travail ne part pas exclusivement d’une priorisation des contraintes ou des enjeux des systèmes irrigués auxquels il faudrait faire face, mais plutôt d’une rencontre entre enjeux identifiés (énergie, vulnérabilité et environnement) et solutions possibles déjà existantes au Mali ou dans la sous-région. Les pratiques alternatives identifiées ne permettent donc malheureusement pas de répondre à toutes les contraintes de tous les systèmes irrigués du Nord. Elles répondent cependant bien à des contraintes essentielles. Elles peuvent donc venir alimenter un programme de relance agricole, mais ne constituent pas à elles seules ce programme de relance. Enfin ce travail de capitalisation ne constitue pas non plus une étude de faisabilité de ces pratiques alternatives dans le Nord Mali bien que la question de la pertinence de ces pratiques pour le Nord soit étudiée. Pour autant cette capitalisation peut aider les décideurs politiques, les développeurs, les OPA à améliorer leurs interventions actuelles, ou à formuler de nouvelles interventions notamment dans le cadre de programmes de relance agricole en s’appuyant sur des pratiques alternatives qui ont montré leur pertinence. 13
1.3. Démarche d’identification de pratiques alternatives d’irrigation pour le Nord Mali 1.3.1. Processus d’identification de pratiques alternatives Le travail, confié à l’IRAM qui a mobilisé deux consultants1, a impliqué les activités suivantes : La valorisation de nombreux travaux plus ou moins récents de capitalisation de « bonnes pratiques » en irrigation en Afrique de l’Ouest et au Mali : IPTRID 2001, FAO/IPTRID/MAE 2004 (cf. ci-après les bonnes pratiques identifiées), PCDA 2004, BM/FAO/FIDA/ARID/IWMI/Practica 2010 et 2011, IPRODI 2010, PASSIP 2013 (cf. ci- après les bonnes pratiques identifiées) ; La revue de la bibliographie générale sur le Nord Mali et notamment du programme Mali Nord ; La réalisation d’une courte mission de terrain à Tombouctou par l’expert national ; La réalisation de quelques entretiens complémentaires sur Bamako ; Le lancement d’un appel à contributions auprès de professionnels du secteur. Cet appel à contribution a notamment été relayé par l’AMID (Association Malienne des Irrigations et du Drainage) afin d’être diffusé plus largement. L’organisation d’un atelier de deux jours à Bamako les 4 et 5 mars 2014. Cet atelier a réuni environ 35 professionnels du secteur qui ont pu débattre d’une vingtaine de pratiques pendant deux jours. L’atelier a notamment permis d’apprécier la pertinence des pratiques proposées. Douze pratiques ont semblé particulièrement pertinentes pour le Nord Mali et sont donc présentées dans ce rapport. 1.3.2. Outils mobilisés pour identifier les pratiques alternatives Deux outils principaux ont été utilisés pendant cette étude : D’une part une typologie des systèmes irrigués au Nord Mali a été élaborée. Cette typologie est présentée dans la section suivante. Cette typologie permet de cerner la diversité des systèmes irrigués au Nord et aussi de bien préciser pour quel type de système irrigué chaque pratique est pertinente. D’autre part pour chacune des pratiques alternatives il a fallu caractériser son stade d’avancement en termes d’innovation comme indiqué page suivante afin de distinguer les pratiques simples pouvant être diffusées rapidement des pratiques plus complexes devant faire l’objet de recherche action dans le Nord ou nécessitant davantage d’accompagnement. 1 Christophe Rigourd, agroéconomiste à l’Iram et Moussa Camara, hydraulicien à l’IER. 14
Stade d’avancement de l’innovation Bonnes pratiques éprouvées, qui ont fait largement leurs Réponse immédiate de preuves dans le Nord, même si elles peuvent présenter des relance agricole = limites. Il existe des référentiels, des évaluations, des vulgarisation large assez capitalisations et déjà une diffusion assez large. simple Bonnes pratiques qui ont été testées dans le Nord avec succès, Réponse immédiate de en milieu paysan, qui marchent dans certains contextes du relance agricole nécessitant Nord, ou dans des contextes agro-climatiques proches, mais des ajustements éventuels qui n’ont pas encore fait l’objet d’une vulgarisation large. Il et des accompagnements n’existe pas encore de référentiel technique solide. Bonnes pratiques prometteuses mais qui ne disposent pas de Recherche action en milieu référentiels techniques à jour. Des tests limités ont été paysan nécessaire, conduits, pas toujours évalués, pas capitalisés à ce jour, dans adaptations à faire des contextes différents, ou en station (pas toujours en milieu paysan). Bonnes pratiques qui exigent des choix stratégiques majeurs, Recherche, décision des changements majeurs, une réflexion à long terme. politique importante, possiblement risqué 26 « bonnes pratiques » pour les périmètres irrigués par pompage en Afrique de l’Ouest (Source FAO/IPTRID/MAE 2004) : 1. Contrôle des adventices par pré-irrigation et travail du sol. 2. Implication de la coopérative dans la production de semences de qualité. 3. Conduite des pépinières. 4. Technique peu intensive en main-d’œuvre de compostage des pailles de riz parcelle. 5. Mise en boue et planage à l'aide de la herse rotative. 6. Plantation d'eucalyptus sur les périmètres rizicoles. 7. Plantation de bananiers en bordure de parcelle. 8. Désherbage chimique des canaux avec un herbicide total. 9. Ouvrage automatique de régulation de la distribution de l'eau. 10. Délégation de la gestion hydraulique à une structure privée indépendante. 11. Contrat d'entretien des GMP (groupe motopompe): professionnalisation de l'entretien. 12. Les travaux collectifs d'entretien du réseau. 13. Contrôle de qualité des travaux d'entretien. 14. Pratiques organisationnelles de planification agricole. 15. CalCul: logiciel d'aide à la construction d'un calendrier cultural prévisionnel pour le riz irrigué. 16. Provision pour entretien exceptionnel (du GMP). 17. Constitution d'une réserve de trésorerie. 18. Convention crédit - approvisionnement - vente - provisions. 19. Redevance: transparence, coût réel et règles de recouvrement clairement définies. 20. Définition claire et application effective des règles et des sanctions. 21. Mesures d'accompagnement à l'autogestion: alphabétisation fonctionnelle. 15
22. Pratique d'organisation et de gestion: partage des responsabilités et décentralisation vers les OP de base, indépendantes financièrement. 23. Décorticage artisanal du paddy. 24. Prise en compte de l’aval de la filière par la coopérative: décorticage par mini-rizerie et politique riz de qualité. 25. Organisation supra-périmètre en comité inter PIV. 26. Réhabilitation physique, organisationnelle et financière des aménagements hydroagricoles. Bonnes pratiques proposées par le manuel des bonnes pratiques en irrigation de proximité (PASSIP 2013) Les bonnes pratiques par rapport à la planification 1. Approche participative dans l’irrigation de proximité 2. Concentration géographique des aménagements de l’IP 3. Identification et priorisation des sites d’aménagement dans une approche territoriale multi- acteurs 4. Coopération déléguée entre bailleurs de fonds 5. Elaboration des maquettes pour l’aménagement des bas-fonds et la participation paysanne 6. Application des technologies modernes dans la conception des aménagements hydroagricoles et leur suivi & Évaluation Les bonnes pratiques par rapport à la réalisation des ouvrages 7. Le Revêtement des canaux d’irrigation 8. Périmètres irrigués villageois (PIV) type Mali-Nord / IPRODI 9. Grands barrages-digues enterrées 10. Petits barrages avec seuils d’épandage 11. Micro-barrage en pierres maçonnées 12. Micro-barrage en béton cyclopéen 13. Diversification des revenus des femmes par des jardins 14. Surcreusement des canaux d’alimentation en eau des lacs et des mares 15. Administration du processus de réalisation d’un aménagement Les bonnes pratiques par rapport à la mise en valeur 16. Le système de riziculture intensif (SRI) 17. Mise en valeur de terres adjacentes à la petite irrigation 18. Apport de fumure organique dans les parcelles de petite 19. Gestion intégrée de la production et des déprédateurs (GIPD 20. Introduction des variétés de tomates d’un cycle cultural échelonné 21. Promotion de la Bourgou-culture 22. Combinaison de l’agroforesterie et du maraîchage pour réhabiliter des terres dénudées : Cas de la coopérative « benkadi » de Syn 23. Irrigation à partir d’un réseau californien 24. Pisciculture comme moyen de valorisation des barrages 25. Apprentissage participatif-recherche action pour la gestion intégrée du riz (APRA-GIR) 26. La délégation de gestion des équipements aux exploitants 27. Professionnalisation de la fourniture, maintenance et gestion des groupes motopompes (GMP) 28. Centre de démonstration et de diffusion des technologies (CDDT) 29. Convention locale pour la gestion des aménagements hydro-agricoles 30. Les audits publics comme moyen de contrôle citoyen sur la mise en œuvre des projets 16
31. Processus de satisfaction des intérêts multiples des exploitants d’un bas-fond : accords et conventions au niveau local 32. Approche paysanne formateur endogène : Dispositif de personnes ressources paysannes 33. Sensibilisation aux MST (maladies sexuellement transmissibles) 34. Garantie de prêts des producteurs 35. Crédit agricole et fonds de démarrage pour les coopératives dans l’irrigation de proximité Les bonnes pratiques par rapport à la conservation, transformation et commercialisation 36. Case aérée de conservation des produits maraichers facilement périssables 37. Utilisation du séchoir à gaz (type Atesta-Sikasso) pour traitement des produits d’origine végétale et animale 38. Pistes d’écoulement de la production 39. Mise en place et accompagnement des cadres de concertation entre la commune et le secteur privé 40. Plateformes technologiques pour l’appui économique aux producteurs 41. Système d’achat temporaire du riz 42. Crédit de stockage (warrantage) 43. Approche de commercialisation groupée par des organisations paysannes faitières (OPF) 44. Les bourses aux céréales 17
2. Contexte 2.1. Bref historique des systèmes irrigués au Nord Mali Les pratiques de l’irrigation - par opposition aux cultures strictement pluviales - sont très anciennes au Nord Mali et il existe une multitude de systèmes irrigués. En premier le long du fleuve il s’est agi de cultures de décrues et de crues, de riz flottant ou de bourgoutières. La riziculture est ainsi très ancienne dans la zone. Des aménagements de prises très sommaires étaient alors réalisés au niveau des mares. Champs de riz en bordure du fleuve Avec la période coloniale les premiers aménagements « modernes » ont été réalisés permettant notamment la mise en place de systèmes de submersion contrôlée et de maîtrise totale de l’eau. C’est notamment le cas du Lac Horo dont l’aménagement a d’abord relevé de l’Office du Niger dans les années 1940. A partir des années 1960, puis 1970, les systèmes irrigués ont grandement évolués. D’abord une réforme foncière a été conduite en 1972 autour des lacs dont la portée sociale et en termes d’aménagement de l’espace a été très importante. Puis après la grande sécheresse de 1972-74 les premiers grands périmètres irrigués par pompage et en maîtrise totale de l’eau ont été réalisés à Kouriomé (Ile de paix), Hamadja et Daye près de Tombouctou. Après la sècheresse de 1982-84 un nouveau type d’aménagement est développé avec le modèle des périmètres irrigués villageois PIV. En parallèle des aménagements plus simples et moins coûteux de mares en submersion contrôlée se développent également. A partir des années 1990 les modalités de gestion des grands périmètres irrigués évoluent puisqu’ils sont transférés aux usagers. L’irrigation privée individuelle se développe également notamment pour le maraîchage, tandis-que les PIV continuent à se développer ainsi que les aménagements de mares. Aujourd’hui cohabitent donc une multiplicité de systèmes irrigués dans les régions Nord, d’où la nécessité d’une typologie de ces systèmes comme préalable au travail de capitalisation de pratiques alternatives d’irrigation. La seule région de Tombouctou compte 59.133ha de submersion contrôlée de plus de 100ha, 9.919ha de bas-fonds aménagés, 6.664ha de grands périmètres irrigués (de plus de 100ha) et 33.909ha de petits périmètres irrigués (de moins de 100ha) (données de la DNGR au 31/12/2013). 18
2.2. Typologie des systèmes irrigués au Nord Mali et multi- usage La typologie présentée ici est très simplificatrice d’une réalité qui est beaucoup plus complexe. Rappelons que l’objectif de ce travail n’est pas de réaliser une monographie détaillée et complète des systèmes irrigués au Nord Mali et que la typologie sera surtout utilisée ici comme outil dans le cadre d’un processus d’identification de pratiques alternatives d’irrigation. Plusieurs exemples permettent d’illustrer cette complexité des réalités irriguées : Par exemple autour du Lac Horo une étude a identifié 13 sous-secteurs qui correspondraient à autant de sous-types de systèmes de productions très différents (A. Adamczewski et T. Hertzog, 2008). Un agriculteur exploitera rarement un seul espace correspondant à un seul système irrigué. En plus d’une parcelle sur un PIV il pourra par exemple avoir des cultures de décrues, des cultures pluviales et éventuellement pratiquer l’élevage ou d’autres activités (commerce, migration…). Les limites entre types de systèmes irrigués sont parfois poreuses. Par exemple la pré- irrigation de cultures de bourgou ou de riz flottant tend à se développer. Il ne s’agit alors plus seulement de submersion contrôlée, mais de submersion contrôlée avec pré- irrigation grâce à une petite motopompe. Enfin il existe des spécificités locales non décrites dans cette typologie. Par exemple telle zone sera connue pour ses cultures de tabac, tel PIV appartenant à telle communauté aura des modalités de gestion différentes de tels autres PIV d’une autre communauté. Bien que cette typologie soit un outil utile dans le cadre de ce travail elle ne devrait donc pas dispenser d’une analyse diagnostique fine de chaque situation locale avant toute intervention de développement afin de reconnaître et prendre en compte la complexité de la réalité. En soulignant la diversité des systèmes irrigués au Nord Mali cette typologie milite pour ne pas se limiter seulement à la prise en compte des PIV rizicoles et pour dépasser un biais pro-PIV (ou pro-maîtrise totale de l’eau) un peu trop marqué chez les aménagistes et les développeurs. En effet si les PIV constituent un élément essentiel de la sécurité alimentaire des familles qui y ont une parcelle, ils présentent aussi des limites : très faible surface par famille et donc faible intérêt économique, forte dépendance énergétique (gazole et engrais) du modèle hydraulique et agronomique, coût élevé de réalisation et difficultés de gestion collective. Les aménagements rizicoles en maîtrise totale de l’eau (PIV, PPIV, grands périmètres) ne sont ni la solution miracle pour garantir la sécurité alimentaire ni l’unique solution. Si l’on souhaite réduire la dépendance énergétique et renforcer la résilience des exploitations, les systèmes de décrues, de crues ou de submersion contrôlée sont alors très pertinents conjointement aux PIV, d’où la nécessité d’aménagements de mares ou de lacs (surcreusement de chenaux), ainsi que la combinaison de ces différents systèmes pour un même exploitant. Enfin face au coût élevé des aménagements, aux problèmes de rentabilité, aux difficultés de gestion collective, à l’augmentation du prix des énergies fossiles, la maîtrise de l’eau ne devrait être vue seulement sous l’angle de l’irrigation et du drainage. Une meilleure maîtrise de l’eau en agriculture pluviale permettrait aussi d’accroître et stabiliser la production tout en protégeant l’environnement. Cela passe par des techniques de conservation des eaux et des sols (cordons 19
pierreux, demies lunes2, etc), d’irrigation d’appoint de cultures pluviales avec du stockage local des eaux de pluie, de pratiques d’agroforesterie et d’agro-écologie pour améliorer la qualité du sol. Par ailleurs s’agissant d’une typologie des systèmes irrigués, on ne traduit pas ici l’ensemble des usages possibles de espaces et des ressources du Nord Mali, ni l’ensemble des usagers. Or cette zone est bien marquée par des usagers multiples appartenant à différentes communautés et des usages multiples : agriculture, élevage, pêche… Des pratiques favorisant le multi usages sont donc très pertinentes et sont décrites dans ce rapport. 2 Réseau de dépressions en demi-cercle permettant de retenir l’eau et le sol et d’y concentrer la matière organique http://www.fidafrique.net/IMG/pdf/Leaf5.pdf 20
Types de systèmes Descriptions Décrue du fleuve, la diminution progressive de la côte du plan d’eau du fleuve libère des terres valorisées à l’aide de la recharge superficielle et de l’humidité résiduelle. Ce système est plus présent dans la zone lacustre, ainsi que la zone riveraine du fleuve. Cultures de décrues (exemple : maïs, riz, Faible sécurisation de la production qui nécessite une bonne maîtrise du retrait temporel de la crue. etc.) Les mares éloignées du fleuve, qui ne subissent pas forcement l’influence du fleuve dégagent d’énormes potentialités culturales qui justifient d’ailleurs les projets et programmes d’aménagements dont elles font l’objet. Rencontrée dans les zones de fortes lames d’eau. Le système consiste à faire végéter le riz avant l’arrivée de la crue. Riziculture flottante L’implantation de la culture est parfois facilitée par du pompage au regard de l’arrivée de plus en plus tardive de la saison des Sans maîtrise de pluies. Le riz continue sa végétation avec la crue. l’eau En général pas d’aménagement spécifique et de contrôle de la crue. Elle est essentiellement une exploitation collective d’une ressource naturelle, mais très rentable. De plus en plus il existe des bourgoutières individuelles ou privées. L’implantation de la Bourgouculture culture est parfois facilitée par du pompage qui éviterait des situations de noyade des aires naturelles de développement de la culture. Les tests de pré irrigation du bourgou ont été effectués par AVSF avec des résultats assez prometteurs. La submersion libre se pratique aussi sur les rives avec des aménagements simples sans ouvrage de prise ou d’admission de l’eau. Cultures de submersion libre Les superficies ne sont pas importantes. Ces parcelles sont dans une disposition favorable. La production souffre des risques d’inondations énormes. Dépression naturelle, elle collecte les eaux des lignes de ruissellement dominées par la ligne topographique de partage des eaux. Sa potentialité se mesure à travers le volume, la superficie du plan d’eau, la disponibilité de terres agricoles adjacentes et son aptitude à l’aménagement (disposition topographique pour l’abreuvement des animaux, les caractéristiques physiques des Mares sols de la cuvette comme la vitesse d’infiltration verticale, conditions d’accès à l’eau, le contexte hydrodynamique et hydrogéologique, etc. …). De nombreuses mares aménagées permettent le développement de ce système. Améliorations récentes du système traditionnel (prise moderne, grille à poisson…) bien maîtrisé par les populations. Les rendements moyens paddy sont d’environ 1t/ha. La submersion contrôlée sur les rives du Niger. A la différence des zones lacustres il n'y a pas de grandes étendues de plan Maîtrise partielle d'eau. Cependant il y a des biefs où le lit est calibré par endroit comme des biefs dominés par des chenaux divagants sur Submersion contrôlée Zones riveraines de l’eau lesquels sont construits des ouvrages d'admission vers les plaines inondables. Certaines zones difficilement inondables sont sécurisées par des endiguements et les producteurs ont la latitude de faire des remises en eau au besoin. Le système fonctionne à travers les ouvrages d’admission d’eau sur des plaines inondables dont le contrôle se fait à travers des côtes consignes qui sont fonction de la topographie de terrain. Les espaces sous cette dynamique de crue et de retrait de celle- ci sont d’une grande aptitude culturale. Zones lacustres Les cultures de crues sont des spéculations adaptées aux fortes lames d’eau (variété de riz à forte lame d’eau), les cultures de décrues sont des spéculations de cycle court (variété de maïs 110 jours, légumineuses 90-110 jours). Les cultures sont alimentées en eau par la crue en période de crue et elles le sont en période décrue par l’humidité résiduelle, la remontée capillaire et les reprises par pompage. 21
La riziculture de bas-fond est un système qui construit un réservoir d’eau à travers un petit barrage de retenu qui draine les eaux de l’impluvium dont il est l’exutoire. Les bas-fonds de la région sont dans un contexte assez différent de Sikasso (zone de forte concentration de bas-fonds au Sud Mali) où les fonds topographiques sont plus encaissés avec des superficies plus grandes et une biodiversité plus importante. Les Bas-fonds espaces oasiens présentent la plus part des bas-fonds avec des sols limono-argileux de faible vitesse d’infiltration (1 à 2 mm/jour). Le sol n’est pas gravillonnaire comme à Sikasso. Les bas-fonds aménagés font l’objet d’exploitation rizicole et d’abreuvement des animaux. Un des objectifs non moins important est la recharge de la nappe favorable au maintien de l’équilibre bioécologique. Système de riziculture de plaines de grandes superficies aménagées (plusieurs centaines d’hectares) avec des ouvrages modernes de contrôle du service de l’irrigation (régulateurs sur le réseau, partiteurs de débits et modules à masques, …). Il est Grands périmètres Grands périmètres équipé de station de pompage fixe avec pompe hydrovis. 1 aménagement regroupe plusieurs villages, avec une gestion irrigué de riziculture irrigués par complexe. Exemples des Périmètres irrigué près de Tombouctou de Korioumé (550ha aménagés plus 200ha de plantation pompage d’eucalyptus ceinturant le Nord et l’Est du périmètre), d’Hamadja (environ 620 ha exploités), N’Day (environ 400ha exploités). Grands périmètres Système de production à base de blé sur grande plaine aménagée avec des ouvrages modernes de mobilisation de l’eau et de irrigués de blé contrôle de l’irrigation. La station de pompage est fixe avec des hydrovis. Exemple à Diré. Un système qui exploite des superficies allant de 15 à une cinquantaine d’hectares fonctionnant par pompage au groupe moto pompe GMP. Le système regroupe un village ou un à quelques groupes homogènes dans un même village. ère Plusieurs générations de PIV se sont succédées: Fort développement à partir des années 1980 (1 génération de PIV pour la PIV peu fonctionnels sécurité alimentaire), puis vers 90 2ème génération (pour le développement économique). Typiquement de 15 à 40ha, pompage par GMP 10 à 30 cv, distribution par canaux ouverts le plus souvent non-revêtus (sauf certaines parties et des primaires) et bassin de dissipation revêtu. Maîtrise totale de Foncier communautaire (existe souvent des conflits autour du foncier), 1 PIV = 1 village, de 0,25 à 0.3ha/famille. Un PIV l’eau regroupe donc de 40 à 160 personnes. Gestion complexe par comité de gestion (redevance, entretien, tour d’eau). Certains PIV Riziculture de sont spécifiquement féminins (quelques rares cas qui souvent affichent de bonnes performances) périmètre irrigué PIV fonctionnels Surtout riziculture (le maraîchage sur PIV serait très limité à Tombouctou), Rendement de 5.5 à 6t/ha. Renouvellement de la villageois fertilité des sols : essentiellement basée sur engrais chimique (accès difficile), parfois fumier. Quand les rendements baissent en 1 PIV par village dessous de 3,5t/ha les périmètres sont abandonnés. Il faut sûrement différencier les PIV suivant : l’état des infrastructures (PIV réalisé dans les règles de l’art ou pas, ensablement des canaux, vétusté des canaux et GMP, déplacement du PIV sur une autre terre, aménagement sommaire…), le niveau de fonctionnalité du comité de gestion (redevance, confiance…), leur connexion au marché ou s’ils sont dans une zone de concentration ou non, l’appartenance ethnique, etc. PIV féminins On peut distinguer les PIV selon leur fonctionnalité, ou selon qu’ils sont mixtes, essentiellement masculins ou féminins, suivant les communautés qui les exploitent, etc. Riziculture de petit périmètre irrigué Système similaire au périmètre irrigué villageois à la différence qu’il est plus petit (environ 5 ha). Moyens d’exhaure : Petit 22
3 villageois PPIV GMP ; Distribution par réseau ouvert le plus souvent mais aussi quelques tests goutte à goutte / réseau californien . Foncier villageois, quelques familles. Niveau de structuration moins forte que celui des PIV. Riziculture comme sur les PIV. Petits périmètres Aménagements de petites tailles, quelques hectares (5 maximum, souvent plus petits), sécurisés par une clôture grillagée, à Petit périmètres maraîchers haie vive ou haie morte. Puits maraîchers traditionnels ou modernes (busés), ou rarement des forages. Le plus souvent exhaure maraîchers et distribution de l’eau manuelle (puisette, calebasse). Ils sont le plus souvent exploités par des femmes bien qu’on y trouve des Petits périmètres collectifs périmètres exclusivement masculins et mixtes. Pour les périmètres féminins, souvent 30 à 70 femmes et donc de très petites maraîchers féminins superficies par femme. Cultures maraîchères. Petits systèmes Palmiers dattiers. Système présent dans l’extrême Nord (Kidal notamment). oasiens Très petits Très petite taille, environ 500m². Exhaure et distribution manuelles. Une seule famille. Petits périmètres périmètres Maraîchage essentiellement : on distingue le maraîchage pour la famille (potager) et le maraîchage commercial. irrigués individuels maraîchers Bénéficient de peu d’appui conseil (peu d’appui de projets) Vergers (agrumes et jujubier greffés), environ 1ha, eau souterraine avec pompage (électrompes immergées sur forage et puits) Vergers privés et château d’eau, foncier privé. 3 Réseau d’irrigation enterré. 23
REPRESENTATIVITE DES DIFFERENTS TYPES (Superficies aménagées au 31/12/2013, Source DNGR) (nd : donnée non disponible) Niveau de maîtrise de l’eau Région de Tombouctou Région de gao Types de systèmes croissant Cultures de décrues (exemple : maïs, riz, etc.) Nd Nd Riziculture flottante Nd Nd Sans maîtrise de l’eau Bourgouculture Nd Nd Cultures de submersion libre (Riz) Nd Nd Mares Submersion contrôlée de plus de 100ha = Submersion contrôlée de plus de 100ha = Riziculture en submersion 59.133ha. D’avantage d’aménagement des 16.306 ha Zones riveraines Maîtrise partielle de l’eau contrôlée mares en rive gauche du fleuve qu’en rive Zones lacustres droite Riziculture de Bas-fonds Bas fonds = 9.919 ha Bas fonds = 270 ha Grands périmètres en riziculture Grands périmètres de plus de 100 ha = Grands périmètres de plus de 100 ha = 0 ha Grands périmètres irrigués Grands périmètres de blé 6.664 ha Petits périmètres de moins de 100 ha = Petits périmètres de moins de 100 ha = 1.344 PIV peu fonctionnels 33.909 ha. Il y a des zones de ha concentration de PIV à Attara, Diré, Riziculture de PIV PIV fonctionnels Kessou. PIV féminins Maîtrise totale de l’eau Riziculture de PPIV Petit PM Petits périmètres maraîchers collectifs Petits périmètres maraîchers féminins Petits systèmes oasiens Petits Très petits périmètres maraîchers périmètres irrigués Vergers privés individuels 24
2.3. Les grands enjeux des systèmes irrigués au Nord Mali Le Nord Mali est marqué depuis plusieurs décennies par des évènements de natures diverses et qui se sont aggravés récemment : évènements sociaux (tensions voir conflits entre communautés, émergence d’extrémisme religieux), évènements politiques (mouvement de rébellion, tensions avec le pouvoir central), évènements économiques (manque chronique de développement économique et développement de trafics), évènements militaires (interventions armées). Périmètres maraîchers en bordure du fleuve Autant d’enjeux complexes qui sont au cœur des problématiques de développement du Nord- Mali mais vont bien au-delà du cadre de cette étude. On se limite donc ici à une revue des enjeux concernant spécifiquement les systèmes irrigués. 2.3.1. Enjeux et problèmes principaux Le « retard de crue ». Derrière cette formule présentée par les acteurs comme le problème majeur se cachent plusieurs réalités d’origines diverses : Arrivée tardive de la crue, plus forte variation quant à sa date d’arrivée, moindre ampleur de la crue, envasement du fleuve, érosion du fleuve, etc. Cela traduit en fait des changements majeurs dans le fonctionnement du fleuve. L’ensemble des systèmes sont affectés mais de façon différente : les systèmes de riz flottant et de culture de décrue sont impactés par la moindre crue ; les grands périmètres irrigués par pompage aux hydrovis par le fait que les cotes de fonctionnement des hydrovis sont caduques et qu’elles ne fonctionnent plus à leur point optimal ; l’ensemble des systèmes irrigués par une durée parfois plus courte de saison de culture ou par des coûts de pompage plus élevés en cas de moindre crue. En fait on manque encore de compréhension sur le fonctionnement du fleuve (les eaux de surface) malgré de nombreux travaux de recherche (de modélisation). On manque aussi de connaissances actualisées sur les nappes (les eaux souterraines) et notamment de cartes actualisées de la nappe et de points de suivis. Par ailleurs le fonctionnement du fleuve est amené à évoluer encore d’avantage à l’avenir étant donné les projets de barrages à l’étude. Ce problème de « retard de crue » rejoint le problème plus vaste des changements climatiques avec en particulier une plus forte variation du climat, avec davantage d’épisodes extrêmes et une plus forte récurrence des mauvaises années. Certains soulignent que « l’on n’a jamais vu deux années de suite identiques en termes de crue et de pluie, et que les aléas climatiques semblent arriver avec plus de fréquence maintenant ». Le partage et la gestion des ressources naturelles entre usages multiples et entre communautés multiples est complexe. Les systèmes agraires et les modes d’exploitation des ressources naturelles sont très anciens, complexes, mais ont aussi été grandement modifiés au cours des décennies passées, notamment suite à la réforme foncière autour des lacs et au développement de l’irrigation qui empiète sur les zones pastorales (comme l’illustre l’exemple du Lac Horo). Pour certains l’accès au foncier serait la première cause de conflits dans la région de Tombouctou. La question est particulièrement sensible dans la zone lacustre et autour des lacs. 25
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