PREMIERE PARTIE: LE COUT DU CHOMAGE EN BELGIQUE

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PREMIERE PARTIE:
LE COUT DU CHOMAGE EN
                                            BELGIQUE

« Le véritable remède contre le chômage est qu’il n’y ait plus de travail
          pour personne mais pour chacun une place dans la société. »

                                               (Jacquard A., 1999, p.206)
Introduction à la première partie

                            Introduction à la première partie

Depuis près de 40 ans, le nombre de chômeurs ne cesse de progresser dans la plupart des pays
européens. Les différents gouvernements se retrouvent ainsi face à un obstacle économique et
social majeur qu’ils tentent de combattre par la mise en place de politiques d’insertion
professionnelle et de création d’emplois.

Actuellement, le taux de chômage en Belgique est plus ou moins équivalent à la moyenne
européenne (respectivement 8,2% et 8,1%). Il est loin derrière les niveaux de la Pologne (13,8%)
ou de la Slovaquie (13,4%), voire même de l’Allemagne (9,8%) ou de la France (9,2%).1 Ce chiffre
dissimule pourtant des réalités différentes en fonction du groupe de population considéré. Ainsi,
au sein même de la Belgique, le chômage varie fortement d’une région à une autre. Il est plutôt
faible en Flandre (5,5%), plus important en Wallonie (11,9%), sans parler du cas de la Région de
Bruxelles-Capitale (16,5%). La statistique du taux de chômage ne reflète également pas le temps
que l’individu passe dans cette situation. En Belgique, quelle que soit la Région considérée, le
chômage de longue durée touche près de 55% des demandeurs d’emploi, ce taux atteignant 74%
pour les chômeurs âgés de 50 à 64 ans. Il ne frappera également pas avec la même intensité selon
la position des individus sur le cycle de vie, le taux de chômage des jeunes de moins de 25 ans
dépassant les 20%.2 Des réalités différentes ressortent également en fonction de la source de
données utilisée. Ainsi, si l’Enquête sur les Forces de Travail comptabilisait 383.200 chômeurs au
sens de l’OIT en 20063, l’ONEM4 estimait, quant à elle, le nombre de demandeurs d’emploi
inoccupés à 490.175 pour la même période.

Qu’il s’agisse du monde politique, médiatique ou scientifique, on use et abuse quotidiennement
de ces statistiques. Or, s’il existe énormément de manières différentes de faire parler les chiffres
relatifs au chômage, on peut avoir tendance à oublier que, derrière cette banalisation statistique,
se trouvent des personnes vivant une situation angoissante à laquelle peuvent être associées des
séquelles persistantes et cumulatives dans leurs effets. En effet, comme souligné dans
l’introduction générale, les dommages causés par le chômage ne s’arrêtent pas à des
considérations financières, telles que la perte de salaire. Il peut également entraîner une

1 Eurostat, Enquêtes sur les forces de travail, Taux de chômage harmonisé, moyennes annuelles, 2006.
2 Direction générale Statistique et Information économique, 2007.
3 Source : Direction générale Statistique et Information économique - Enquête sur les forces de travail, disponible

sur http://www.statbel.fgov.be/figures/d31_fr.asp#1.
4 Source : ONEM, 2007. L’ONEM est un organisme fédéral, compétent principalement en matière de gestion des

allocations de chômage et d’application de la réglementation du chômage.

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Introduction à la première partie

dépréciation du niveau de capital humain, avoir des répercussions sur la santé mais également sur
le bien-être psychologique, atteindre la stabilité familiale voire engendrer une exclusion de la
société.

Face à ce constat, il nous semble primordial de mieux comprendre les implications que cette
situation peut engendrer pour les personnes qui se voient exclues du monde professionnel.
L’objectif de cette partie consistera donc à étudier les difficultés rencontrées par les chômeurs
belges dans leur processus d’insertions sociale et professionnelle.

La première question abordée consistera à déterminer si les individus ayant vécu une période de
chômage connaissent plus de difficultés à se réinsérer durablement sur le marché du travail par
rapport aux personnes n’ayant pas fait cette expérience. En d’autres termes, cela revient à se
demander s’il y a une certaine rotation dans le phénomène du chômage ou bien si ce sont les
mêmes personnes qui se retrouvent dans cette situation année après année (Arulampalam W.,
2002). Cette question fait intervenir la notion de persistance du chômage. Il semble être
généralement admis qu’en Europe, le nombre de fois qu’un individu se retrouve au chômage et le
temps qu’il y passe augmentent la probabilité pour que ce même individu se retrouve au chômage
dans le futur (Gregg P. et Tominey E., 2005). Comme nous le verrons dans le premier chapitre,
plusieurs causes peuvent expliquer cette corrélation. Elle peut soit provenir de la présence de
caractéristiques défavorables augmentant le risque de se retrouver au chômage dans le passé et
dans le futur, soit découler d’une véritable relation de causalité entre les périodes passées et
présentes de chômage. La deuxième possibilité est appelée dépendance d’état du chômage
(Heckman J. et Borjas G., 1980). Dans ce cas, les chômeurs peuvent être considérés comme un
groupe stigmatisé.

La deuxième problématique que nous souhaitions étudier se rapporte aux conditions de travail
auxquelles est confronté le chômeur une fois réengagé. Plus spécifiquement, nous désirions en
apprendre davantage sur les conditions salariales. Si on s’en réfère à la théorie économique, un
épisode de chômage pourrait tout aussi bien permettre une évolution favorable que défavorable
des salaires. Il entraînerait des répercussions positives dans le cas où cette période serait mise à
profit pour trouver un emploi qui correspondrait mieux aux aspirations et aux qualifications du
chômeur. Néanmoins, une période de chômage entraîne une détérioration du niveau de capital
humain, une baisse du salaire de réservation et peut également s’avérer préjudiciable lors des
entretiens d’embauche. La conséquence directe serait, qu’une fois réemployé, le chômeur se
retrouve avec un salaire plus faible que ce qu’il aurait connu précédemment. La présence de
pénalité salariale faisant suite à une expérience de chômage est bien établie aux Etats-Unis et en
Grande-Bretagne (Farber H., 1997 ; Gregory M. et Jukes R., 2001 ; Arulampalam W., 2001). Les

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Introduction à la première partie

résultats sont néanmoins plus mitigés pour l’Europe continentale (Gangl M., 2005 ; Arranz J. et
al., 2005). Deux études sur la Belgique mènent à des résultats plutôt contradictoires. Nous avons
donc décidé d’étudier à nouveau la problématique en y associant cette fois l’effet de la durée de la
période de chômage sur l’évolution des salaires futurs.

La troisième question posée se rapporte plus généralement à l’insertion sociale des chômeurs. De
façon évidente, le chômage peut conduire à une baisse de revenus découlant de la perte de salaire.
L’analyse des différentes questions posées ci-dessus nous amènera peut-être également à la
conclusion que cette expérience engendre une pénalité salariale ou reconduise fréquemment au
chômage. Dans ce cas, la détérioration du bien-être financier se verrait accrue. Egalement, la
présence de persistance impliquerait que le chômage est concentré de manière disproportionnée
sur une partie de la population, menant ainsi à des problématiques d’inégalité de revenus. En
outre, les répercussions pourraient se propager dans d’autres domaines et atteindre ainsi les
conditions de vie de manière plus large, voire mener à une vie sociale moins active par rapport
aux personnes en emploi. Ces considérations nous amènent à un premier point important : il
serait peut-être judicieux lors de l’analyse de la relation entre chômage et pauvreté d’étendre le
concept de cette dernière à d’autres dimensions que celle des revenus. En outre, comme expliqué
dans le chapitre introductif, l’analyse ne peut se limiter à la seule expérience de chômage de
l’individu. Le risque de pauvreté ne se limite en effet pas à son seul comportement. Il peut
également être affecté par les évènements de vie de son ménage de manière plus générale. La
troisième question posée consistera à déterminer l’impact des transitions sur le marché du travail
des différents membres du ménage ainsi que les modifications dans la structure familiale sur les
flux d’entrée vers et de sortie hors de la pauvreté des individus.

La base de données la plus adéquate pour étudier la persistance du chômage et ses conséquences
en termes d’insertion sur le marché du travail ainsi qu’en termes de marginalisation parmi la
population belge nous est apparue comme évidente. Seul le Panel Démographie Familiale
(« Panel Study on Belgian Households » (PSBH)) répondait à toutes nos attentes. Ce dernier
consiste en un questionnaire soumis chaque année au même échantillon d’individus et de familles
à Bruxelles, en Flandre et en Wallonie, sélectionnés de façon aléatoire au sein de la population
belge. La première enquête remonte à 1992. Cette année-là, près de 4.500 ménages et 8.800
individus ont été interrogés. En 1994, le panel belge est intégré à l’ « European Community
Household Panel » (ECHP), permettant ainsi d’établir des comparaisons européennes
longitudinales. Néanmoins, malgré son incorporation à l’ECHP, le PSBH conserve un champ
d’investigation plus large. En 1997, 860 ménages supplémentaires ont été rajoutés à l’échantillon.

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Introduction à la première partie

Les données ont été collectées pour la dernière fois en 2002 sur une population composée de
près de 3.000 ménages et 5.400 individus.

Le questionnaire du PSBH aborde de nombreux thèmes tels que la structure et les relations
familiales, le logement, la santé, la mobilité géographique, les conditions de vie, les valeurs, les
opinions, etc. Cette large gamme de sujets abordés nous permet tout aussi bien d’estimer une
équation des déterminants du chômage, qu’une équation de salaire ou encore des équations
d’entrée dans ou de sortie hors de la pauvreté. En particulier, cette base de données comporte des
questions très ciblées relatives au chômage, posées aussi bien aux travailleurs qu’aux chômeurs.
On peut ainsi retrouver des informations concernant la raison qui a poussé l’individu à suspendre
son activité économique, le moyen par lequel l’individu a trouvé son emploi actuel ou les
démarches qu’il mène pour trouver un emploi, la durée des différentes périodes de chômage
vécues, le nombre d’heures de travail désiré, le revenu souhaité, une éventuelle prise de contact
avec les organismes de placement, etc. On y retrouve également des informations précises sur les
travailleurs telles que leur statut en emploi, leur horaire de travail, leurs revenus mensuels (brut et
net) ainsi que de nombreuses données sur l’entreprise dans laquelle ils travaillent. Enfin, ce qui
peut s’avérer très utile étant donné notre contexte d’étude, elle permet de suivre mois après mois
l’activité principale de l’individu, du moins sur les périodes pour lesquelles il a été interrogés.
Egalement, cette base de données comporte un certain nombre de questions permettant de
calculer différentes formes de pauvreté, que ce soit monétaire, subjective ou des conditions de
vie. On y retrouve en effet des informations sur le revenu du ménage et ses différentes
composantes, des questions subjectives relatives à l’évaluation du niveau de vie du ménage par
ses différents membres ainsi que des questions plus objectives relatives à la possession de biens
durables, aux conditions de logements, etc. Le questionnaire contient également des informations
pertinentes concernant la composition du ménage et les liens rattachant les différents membres le
composant.

En outre, notre champ d’investigation nécessite le recours à une base de données en panel, qui
suit les mêmes individus dans le temps et apporte ainsi des éléments de réponses quant aux
trajectoires individuelles. Cela nous permettra, premièrement, de déterminer si ce sont les mêmes
personnes qui se retrouvent au chômage pendant la période étudiée ou si chaque année, les
individus dans cette situation sont différents. On pourra également suivre l’évolution du
travailleur sur le marché du travail sur la période sur laquelle il a été interrogé et déterminer ainsi
l’évolution de son salaire en fonction des situations vécues. Enfin, cette structure particulière des
données nous permettra de savoir à quel moment précisément les individus entrent et sortent de
la pauvreté et quels sont les évènements qui peuvent y être associés. Une base de données en

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Introduction à la première partie

panel permet également de contrôler les effets individuels non observés, ce qui n’est pas sans
intérêt comme nous le verrons dans les différentes sections composant cette partie.

En résumé, la présente partie sera structurée en trois chapitres. Le premier analysera la
persistance du chômage en Belgique au niveau micro-économique. Un modèle économétrique
des déterminants du chômage sera estimé afin de démontrer l’éventuelle existence d’un effet de
stigmatisation au sein de la population active belge. Le deuxième chapitre étudiera les
conséquences que peuvent induire l’incidence mais également la durée d’une période de chômage
sur la dynamique des salaires. Le troisième chapitre se concentrera sur les différentes
conceptualisations et mesures de la pauvreté et analysera la relation existante entre cette dernière
et le chômage. Plus spécifiquement, nous tenterons de déterminer les facteurs influençant les
entrées et les sorties de la pauvreté, qu’ils concernent les transitions sur le marché du travail des
différents membres du ménage ou encore les changements survenus au niveau de la composition
familiale. Enfin, à partir de l’ensemble des résultats obtenus tout au long de ces trois chapitres,
nous tenterons de tirer des leçons pouvant s’avérer utiles au vu du contexte belge actuel
caractérisé par un taux de chômage élevé et un nombre important d’individus vivant dans une
situation précaire.

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Partie 1, chapitre I: Analyse micro-économique de la persistance du chômage en Belgique

                                         CHAPITRE I :
      ANALYSE MICRO-ECONOMIQUE DE LA PERSISTANCE DU
                                CHÔMAGE EN BELGIQUE

      Introduction

L’Europe a connu, à partir des années 70, une forte progression de ses taux de chômage. Ceux-ci
ne sont plus jamais redescendus aux niveaux qui prévalaient durant la période des Golden Sixties.
En tant que petite économie ouverte, la Belgique n’a pas échappé à l’escalade. Cette montée du
chômage a suscité de nombreuses recherches sur les causes et les mécanismes de la persistance
observée. A côté de la remise en question de la relative « générosité » des systèmes de sécurité
sociale européens, la notion d’hystérèse a ainsi été introduite. Cette dernière incorpore l’idée selon
laquelle le taux de chômage d’équilibre dépendrait en partie de ses réalisations passées. Plusieurs
facteurs théoriques ont été avancés pour expliquer cette relation de causalité s’appuyant
notamment sur les modèles d’ « insider-outsider » (voir par exemple Lindbeck A. et Snower D.,
1986 ou Blanchard O. et Summers L., 1989) ou de dépréciation de capital humain (voir par
exemple Burda M., 1988).

Si, au départ, les outils utilisés pour étudier ce phénomène se rapportaient essentiellement aux
fondements macro-économiques, certains économistes se sont également intéressés aux
comportements individuels (voir par exemple Lynch L., 1985 ; Van den Berg G. et van Ours J.,
1996). Notamment, une partie de la littérature a étudié la problématique de la persistance dans
l’occurrence du chômage (Heckman J. et Borjas G., 1980 ; Corcoran M. et Hill M., 1985;
Narendranathan W. et Elias P., 1993; Arulampalam W., 2002). Les auteurs ont voulu déterminer
de quelle façon les expériences passées de chômage influaient sur les perspectives futures relatives
à l’insertion sur le marché du travail. Plus spécifiquement, est-ce que ce sont les mêmes
personnes qui se retrouvent au chômage année après année ou est-ce que, au contraire, les
individus au chômage sont différents ? Le premier cas corroborerait la présence de persistance du
chômage alors que dans le deuxième cas, chaque individu serait susceptible de se retrouver au
chômage avec une probabilité égale. Si la persistance du chômage existe réellement, elle pourrait
s’expliquer par la présence de caractéristiques défavorables, observables ou non, rendant certains
individus plus vulnérables sur le marché du travail et influant sur leur propension à vivre des
expériences de chômage. Il se pourrait également qu’une expérience de chômage en tant que telle

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Partie 1, chapitre I: Analyse micro-économique de la persistance du chômage en Belgique

induise un effet de stigmatisation et augmente ainsi la probabilité de se retrouver au chômage
dans le futur. Ceci implique une véritable relation de causalité entre les périodes passées et
présentes de chômage. La deuxième possibilité est appelée dépendance d’état du chômage. 5

En ce qui concerne la Belgique, l’analyse de la base de données socio-économiques « Panel
Démographie Familial » souligne la présence d’une forte persistance dans l’incidence du chômage
au niveau individuel. Ainsi, près de 40% des personnes qui ont vécu une période de chômage en
1994 étaient à nouveau dans cette situation en 2002. Les épisodes de chômage relativement longs
en Belgique ne peuvent pas expliquer, à eux seuls, ce constat.

Dès lors, la Belgique serait-elle caractérisée, comme de nombreux pays européens, par un effet de
stigmatisation dans l’occurrence du chômage ou bien est-ce que la relation observée serait
uniquement expliquée par des caractéristiques individuelles défavorables ? Une meilleure
compréhension des causes de la persistance du chômage en termes d’occurrence est une étape
préalable nécessaire à l’implémentation de politiques adéquates de lutte contre le chômage. Selon
Arulampalam W. et al. (2000), si la persistance du chômage est uniquement expliquée par des
caractéristiques individuelles défavorables, les politiques de court terme pour réduire le chômage
n’auront pas d’effet sur le taux de chômage d’équilibre étant donné que les expériences de
chômage actuelles n’ont aucun impact sur la probabilité d’un chômage futur. A l’opposé, dans le
cas de présence de dépendance d’état, les implications politiques sont importantes puisque vivre
une expérience de chômage, plus particulièrement si elle est longue ou répétée, peut avoir des
effets désastreux sur les individus en termes d’opportunités sur le marché du travail. Cela
signifierait une probabilité plus importante de retourner au chômage induisant des coûts bien plus
élevés que la perte courante de revenu. Dans ce cas, il est nécessaire d’inclure ces coûts dans toute
évaluation politique. La présence d’un effet de stigmatisation démontrerait également que les
politiques qui réduisent le chômage de court terme (tel que les politiques de création d’emplois ou
de subventions salariales aux entreprises) auront des effets à long terme en réduisant le taux
naturel de chômage. De plus, la prévention d’une période de chômage initiale est d’une extrême
importance, ce qui indique le besoin de se focaliser sur l’éducation et la formation (Arulampalam
W., 2001).

L’objectif de ce chapitre consistera donc à étudier le phénomène de persistance dans l’incidence
du chômage au sein de la population active belge et plus exactement d’en déterminer les causes à
l’aide d’une équation des déterminants du chômage. Il s’agira de dissocier les influences
respectives des caractéristiques individuelles, observables ou non, et de la dépendance d’état. Le

5   ou effet de stigmatisation.

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Partie 1, chapitre I: Analyse micro-économique de la persistance du chômage en Belgique

modèle utilisé sera un probit dynamique incorporant l’hétérogénéité individuelle non observée
ainsi qu’une correction pour la problématique de la condition initiale. Ce modèle sera appliqué
aux données issues du Panel Démographie Familiale pour une période courant de 1994 à 2002.

Ce chapitre est structuré de la manière suivante. Une première section passera en revue les
apports théoriques concernant la persistance du chômage, en s’attardant plus particulièrement sur
le phénomène de la dépendance d’état. On y dressera également un tableau récapitulatif des
résultats empiriques portant sur l’existence potentielle et la mesure de l’effet de stigmatisation en
Europe ainsi qu’aux Etats-Unis. Une deuxième section décrira la base de données utilisée ainsi
que l’échantillon et les variables employés. Le modèle économétrique, qui servira à démontrer
l’éventuelle présence d’un effet de stigmatisation, sera développé dans la section 3. Enfin, avant
de conclure et de passer aux recommandations d’ordre politique, on analysera les résultats des
régressions et on calculera les effets marginaux de la dépendance d’état dans les sections 4 et 5.

      1. Cadre théorique et résultats empiriques

Heckman J. et Borjas G. (1980) ont été parmi les premiers à modéliser l’impact d’une expérience
antérieure de chômage sur le comportement futur des individus sur le marché du travail. Suite à
leurs travaux, une vaste littérature sur le sujet s’est développée, plus particulièrement concernant
la mesure des dépendances de durée et de récurrence. En général, les auteurs s’accordent pour
dire qu’il existe effectivement un lien entre des périodes successives de chômage impliquant que
quelqu’un qui a connu des périodes de chômage dans le passé a une plus grande probabilité de se
retrouver au chômage dans le futur par rapport à une personne qui n’en a pas connu. Il n’existe
néanmoins pas de consensus sur les causes de cette persistance observée. Il en a dès lors découlé
deux grands courants dans la littérature. Pour le premier, l’observation d’un lien entre des
périodes de chômage successives s’explique soit par la présence de caractéristiques sous-jacentes
rendant les individus plus vulnérables au chômage, soit par l’existence de corrélation factice. Pour
le second, la persistance observée découle d’une véritable relation de causalité, entraînant ce que
la littérature appelle une dépendance d’état structurelle ou réelle. Cette dernière est définie
comme étant « a genuine behavioural effect in the sense that an otherwise identical individual who
did not experience unemployment would behave differently in the future than an individual who
experienced unemployment » (Heckman H. et Borjas G., 1980, p.247).

Différentes explications peuvent être trouvées dans la littérature économique qui clarifient
la relation de causalité existant entre des périodes successives de chômage (voir par exemple
Heckman J. et Borjas G., 1980 ; Corcoran M. et Hill M., 1985; Narendranathan W. et Elias P.,

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Partie 1, chapitre I: Analyse micro-économique de la persistance du chômage en Belgique

1993; Arulampalam W. et al., 2000 ; Arulampalam W., 2002). Elles découlent principalement des
théories du signal, du capital humain et des marchés segmentés.

Une première justification à l’existence d’un effet de stigmatisation du chômage trouve sa source
dans le comportement des entreprises. Lors de leurs procédures d’embauche, ces dernières ne
peuvent pas observer la productivité de leurs futurs travailleurs. Elles vont donc utiliser différents
critères pour classer et sélectionner les candidats et peuvent notamment les juger sur base de leur
parcours passé sur le marché du travail. Ainsi, les périodes de chômage qu’un individu aurait
éventuellement vécues peuvent être utilisées comme indicateurs d’une plus faible productivité ou
en tout cas d’une moindre fiabilité dans le cas où les firmes placent suffisamment de confiance
dans ce type d’information pour prendre leur décision d’embauche. Ce comportement aura pour
conséquence que le chômeur sera systématiquement effrayé lors de ses entretiens d’embauche
(Heckman J. et Borjas G., 1980 ; Lockwood B., 1991 ; Hämäläinen K., 2003). Toujours dans les
procédés utilisés par les firmes, la politique du dernier entré, premier sorti peut également créer
une relation de causalité entre des périodes successives de chômage (Narendranathan W. et Elias
P., 1993; Cahuzac E., 1998).

Un deuxième ensemble de justifications trouve sa source dans le comportement des individus.
Certains auteurs argumentent qu’un individu ayant vécu une période de chômage n’aura plus les
mêmes comportements et les mêmes préférences qu’auparavant, ces derniers influant sur le statut
de l’individu sur le marché du travail aujourd’hui et dans le futur (Heckman J. et Borjas G., 1980).
Ainsi, par exemple, selon la théorie du capital humain, le chômage empêche l’accumulation
d’expérience au sein d’une firme (liée à la perte permanente du capital humain spécifique à la
firme) permettant d’accroître sa productivité mais entraîne également une détérioration des
compétences et des connaissances plus générales. Egalement, si on s’en réfère aux théories du
« job search », des périodes de chômage longues ou répétées pourraient induire un certain
découragement de la part des individus, impliquant une baisse de leur salaire de réservation. Les
conséquences communes découlant de ces théories peuvent être une dégradation des salaires
ultérieurs, une altération des perspectives futures d’embauche ou encore un emploi de moindre
qualité, qui aggravera davantage la perte de qualification.

Cependant, si les modèles théoriques suggèrent effectivement la présence d’un lien de causalité
entre les périodes passées et futures de chômage, il n’est pas aussi évident de l’établir
empiriquement étant donné notamment la présence de corrélation factice (ou encore,
communément dans la littérature, une dépendance d’état factice). Cette dernière pourrait provenir
de différentes sources.

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Partie 1, chapitre I: Analyse micro-économique de la persistance du chômage en Belgique

La propension à vivre un épisode de chômage peut varier avec les caractéristiques des individus.
Si ces dernières ne sont pas correctement prises en compte, ce n’est pas l’expérience de chômage
en tant que telle qui accroît la probabilité de se retrouver au chômage dans le futur. Ce sont
plutôt les caractéristiques sous-jacentes expliquant le chômage passé et futur qui expliquent la
relation observée. Si ces différences entre individus sont observables et mesurables, elles seront
généralement introduites dans le modèle comme variables de contrôle. Cependant, il se peut que
ces différences soient non observables pour l’analyste mais bien pour d’autres individus tels que
les firmes.6 Il n’empêche que ces dernières peuvent influencer les arrivées d’offres d’emploi ou le
maintien dans l’emploi actuel et ainsi affecter la propension à se retrouver au chômage ou à en
sortir. C’est ce qui s’appelle communément l’hétérogénéité individuelle non observée. Le fait de
ne pas prendre en compte ce phénomène peut mener à une dépendance d’état factice: les
épisodes passés de chômage peuvent apparaître comme étant des déterminants essentiels du
chômage alors qu’il ne s’agirait en fait que de variables qui permettraient d’approcher des
caractéristiques inobservables et corrélées dans le temps (Heckman J. et Borjas G., 1980). Ceci
mènerait in fine à une surestimation de l’effet de dépendance d’état. La seule façon de pouvoir
séparer les effets de la dépendance d’état et de l’hétérogénéité individuelle non observée est
d’utiliser des données en panel.

L’estimation de la dépendance d’état pourrait également être biaisée du fait de la présence de
deux autres sources de corrélation factice. Une même expérience de chômage peut chevaucher
plusieurs périodes, ce qui, lors de l’analyse, pourrait mener à la conclusion qu’un individu se
retrouve plusieurs fois au chômage alors qu’il ne s’agirait en fait que d’un seul et même épisode.
Ceci mènerait à une estimation factice de la persistance du chômage si un nombre conséquent
d’individus expérimentent des épisodes de chômage d’une durée supérieure à la période
considérée (mois ou année). Une corrélation factice pourrait également apparaître dans le cas où
l’expérience des individus sur le marché du travail, antérieure à leur entrée dans l’échantillon n’est
pas correctement prise en compte (Flaig G. et al., 1993 ; Narendranathan W. et Elias P., 1993 ;
Arulampalam W., 2002).

Différents auteurs ont voulu tester empiriquement la présence d’un éventuel effet de
stigmatisation qu’une expérience de chômage pourrait entraîner. La littérature la plus établie
concerne l’analyse de la dépendance de durée, c’est-à-dire s’il existe une relation de dépendance
entre la durée de chômage et la probabilité d’en sortir. Cependant, plus récemment, certains
économistes se sont penchés sur l’analyse de la dépendance en termes de récurrence en
6 Ces variables non observées peuvent avoir trait à la productivité du travailleur (ponctualité, responsabilité, etc.)
mais pourraient également concerner l’apparence (la taille, le poids ou encore la couleur de la peau) et faire figures
éventuellement de facteurs discriminants.

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Partie 1, chapitre I: Analyse micro-économique de la persistance du chômage en Belgique

s’appuyant sur des techniques de panel. Les prochains paragraphes se proposent de passer en
revue les principaux résultats de ces articles.

Les études américaines ne trouvent pas la présence de dépendance d’état dans la récurrence du
chômage malgré l’observation d’une certaine persistance dans les données brutes (Heckman J. et
Borjas G., 1980 ; Corcoran M. et Hill M., 1985). Selon ces auteurs, l’observation de persistance
dans les données brutes est expliquée par l’hétérogénéité non observée et par la méthode de
collecte de données.

A l’opposé, le phénomène de dépendance d’état semble bel et bien présent en Europe. En ce qui
concerne l’Angleterre, Narendranathan W. et Elias P. (1993) et Gregg P. (2001) se sont
concentrés sur les jeunes actifs sur base du « National Child Development Study », une base de
données portant sur une cohorte d’individus nés la même semaine en 1958. Les auteurs
démontrent effectivement la présence d’un effet de stigmatisation parmi les jeunes actifs anglais.
Selon Narendranathan W. et Elias P. (1993), après avoir tenu compte des hétérogénéités observée
et non-observée, la probabilité de devenir chômeur est 2,3 fois plus élevée pour les jeunes qui
étaient au chômage l’année précédente par rapport aux jeunes en emploi. Gregg P. (2001) met
également en avant que les personnes qui font face au chômage ne représentent qu’une minorité
de la force de travail et que ce sont dès lors souvent les mêmes individus qui redeviennent
chômeurs. Néanmoins, si les deux auteurs démontrent la présence de dépendance d’état, cet effet
est relativement faible. Arulampalam W. et al. (2000) et Arulampalam W. (2002), sur base du
«British Household Panel Survey», vont non seulement mettre en avant la présence de dépendance
d’état mais démontrent également que cette dernière a un effet beaucoup plus important, et ce,
pour l’ensemble de la population active masculine, toutes catégories d’âge confondues, que celui
estimé dans les deux études citées précédemment. Ils différencient leurs résultats par catégorie
d’âge et montrent que les individus de moins de 25 ans font face à une dépendance d’état plus
faible que les personnes plus âgées. Ils expliquent ce résultat en postulant que la théorie du signal
peut fonctionner de façon différente pour les jeunes et les plus âgés: le « job-shopping » est plus
accepté parmi les plus jeunes, parce que ceux-ci, au début de leur carrière, vont plus souvent
changer de travail et ce, jusqu’à ce qu’ils trouvent un emploi qui leur convienne. Les employeurs
vont donc moins tenir compte des périodes de chômage vécues par les jeunes. Ceci ayant pour
conséquence que les jeunes actifs sont moins effrayés par une expérience de chômage que les
personnes plus âgées, malgré le fait que les premiers font face à une fréquence de chômage plus
élevée. Les auteurs concluent que politiquement parlant, ceci implique que les programmes ciblés
sur les hommes plus âgés auront un impact plus important sur le taux naturel de chômage que les

                                                    -26-
Partie 1, chapitre I: Analyse micro-économique de la persistance du chômage en Belgique

politiques centrées sur les jeunes, même si l’impact de l’effet de stigmatisation est présent pour
tous les groupes d’âge.

La présence d’un effet de stigmatisation a également été démontrée en Allemagne par les études
de Flaig G. et al. (1993) et de Muhleisen M. et Zimmerman K. (1994). Toutes deux utilisent les six
premières vagues du «German Socio Economic Panel (GSOEP)» (1984-1989). Les premiers auteurs
montrent que la probabilité pour un individu de se retrouver aujourd’hui au chômage est dix fois
plus importante si celui-ci était au chômage en période précédente que s’il occupait un emploi. La
dépendance d’état a également été démontrée en Finlande (Hämäläinen K., 2003) et en Autriche
(Winter-Ebmer R. et Zweimuller J., 1992).

La plupart des auteurs ayant étudié la dépendance d’état dans la récurrence du chômage ont
également démontré l’importance de prendre en compte l’hétérogénéité individuelle non
observée afin de ne pas surestimer le rôle joué par l’effet de stigmatisation dans la persistance
observée du chômage.

A notre connaissance, il existe une seule étude portant sur la dépendance d’état en Belgique
(Cahuzac E., 1998). Cette dernière démontre que les expériences passées de chômage ne sont pas
informatives en ce qui concerne le statut futur sur le marché du travail, tout au moins en ce qui
concerne les employés (« white collars »). L’auteur conclut que, en Belgique, tout comme aux
Etats-Unis, la persistance observée dans le phénomène du chômage est essentiellement expliquée
par la collecte de données et par les caractéristiques individuelles sous-jacentes aux expériences
passées et présentes de chômage.

Dans le cadre de ce chapitre, nous avons décidé de tester à nouveau l’hypothèse de dépendance
d’état sur base d’une méthodologie différente de celle de l’auteur précité. En effet, Cahuzac E.
(1998) utilise un modèle de type logit conditionnel à effets fixes et n’intègre que les
caractéristiques invariantes dans le temps, par l’inclusion d’un terme d’hétérogénéité non observé.
En outre, son échantillon, repris d’une base de données administrative, ne comprend que les
employés (francophones). Nous aurons recours, quant à nous et comme le montrera la section
suivante, à une base de données socio-économique, qui comprend l’ensemble des salariés
(employés et ouvriers). Cette base de données nous permettra également d’incorporer un plus
grand nombre de variables par rapport à la base de données administrative utilisée par Cahuzac
E. (1998). Enfin, la période étudiée sera différente et portera sur les années 90, contrairement à
l’auteur précité qui s’est, quant à lui, concentré sur les années 70-80.

                                                   -27-
Partie 1, chapitre I: Analyse micro-économique de la persistance du chômage en Belgique

      2. Les données et l’échantillon

L’échantillon utilisé pour tester l’hypothèse de la présence d’un effet de stigmatisation dans
l’incidence du chômage parmi la population active belge provient de la base de données en panel
Panel Démographie Familiale (« Panel Study on Belgian Households » (PSBH)), qui, pour rappel,
couvre les années 1992-2002.7 Toutefois, le questionnaire s’est vu modifié en 19948, rendant
difficile l’harmonisation de certaines variables entre les périodes 1992-1993 et 1994-2002. Par
conséquent, la période étudiée ne débutera qu’en 1994 et courra jusqu’en 2002.

Deux critères ont essentiellement orienté notre décision d’opter pour cette base de données.
Premièrement, comme expliqué précédemment, le questionnaire couvre énormément de sujets,
qu’il s’agisse de données biographiques ou d’informations liées à la vie quotidienne des individus.
En particulier, cette base de données comporte des questions très ciblées relatives aux
expériences de chômage, posées aussi bien aux chômeurs qu’aux travailleurs. Deuxièmement,
l’avantage d’une base de données en panel par rapport à une étude transversale qui analyse des
observations à un moment bien précis est qu’il est possible de suivre les mêmes individus dans le
temps. Cela permet, d’une part, de tenir compte des effets individuels non observés. D’autre part,
cette étude en panel apporte des réponses quant à la trajectoire individuelle sur le marché du
travail. Plus spécifiquement, il est possible de suivre les individus mois après mois à partir de
1994. Cette information nous permet notamment d’analyser les transitions sur le marché du
travail et de déterminer si ce sont les mêmes personnes qui se retrouvent au chômage pendant la
période étudiée ou si chaque année, les individus au chômage sont différents.

Le tableau 1.1 compare la situation des individus sur le marché du travail en 1994 par rapport à
celle de 2002 et nous donne quelques éclaircissements quant à la problématique de la persistance
du chômage en termes de récurrence. On peut observer que, sur l’ensemble des personnes au
chômage en 1994, 40% étaient à nouveau dans cette situation en 2002, 37% étaient en emploi et
23% sont devenues inactives. En outre, 86% des personnes occupées sur le marché de l’emploi
en 1994 l’étaient également en 2002. Ce constat donne tout le sens de notre étude. En effet, la
problématique de chômage de longue durée en Belgique ne peut pas expliquer à elle seule cette
proportion importante d’individus qui retournent au chômage 8 ans plus tard. Une explication
serait que ces individus sont dotés de caractéristiques défavorables les rendant plus vulnérables
sur le marché du travail. Il se pourrait également qu’une période de chômage en tant que telle

7Cf. l’introduction de la première partie pour plus d’informations au sujet de cette base de données.
8Dans l’optique de pouvoir être intégré dans la base de données européenne « European Community Household
Panel » (ECHP).

                                                     -28-
Partie 1, chapitre I: Analyse micro-économique de la persistance du chômage en Belgique

constitue une expérience stigmatisante qui accroît la probabilité de retour au chômage (présence
de dépendance d’état).

                TABLEAU 1.1.                ANALYSE DES TRANSITIONS SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL ENTRE 1994 ET 2002

                                                                   Statut sur le marché du travail, 2002
    Statut sur le marché du travail, 1994                Travailleurs    Chômeurs        Inactifs         Total
    Travailleurs                                            86,17            4,08          9,74          100,00
    Chômeurs                                                36,95           39,90         23,15          100,00
    Inactifs                                                42,83            4,64         52,54          100,00
    Total                                                   74,29            7,10         18,61          100,00
    Source : PSBH, 1994-2002 et calculs propres

L’échantillon de base utilisé pour tester la présence d’une dépendance d’état est composé
d’hommes et de femmes âgés de 18 à 57 ans9 et actifs sur le marché du travail en 1994. L’individu
restera dans l’échantillon jusqu’à la fin de la période étudiée (2002) sauf s’il quitte la vie active, s’il
a des valeurs manquantes ou n’est plus interviewé. De plus, les nouvelles entrées (après 1994) ne
seront pas acceptées, la spécification économétrique du modèle nécessitant une date commune
d’entrée pour tous les individus.10 Cette sélection nous permet donc d’avoir des observations sur
plusieurs années consécutives pour le même individu, ce qui permet d’identifier son statut sur le
marché du travail en période précédente.

La définition de l’échantillon, notamment par la détermination d’une date d’entrée commune
pour tous les individus entraîne une attrition dans le nombre d’observations.11 L’échantillon reste
néanmoins représentatif, tout au moins en ce qui concerne la répartition par genre, par âge et par
région. Il faut toutefois faire remarquer qu’on peut observer à partir de l’annexe 1.1, une
diminution au cours du temps de la participation des individus de nationalité étrangère ainsi que
des personnes peu diplômées (au maximum un niveau de secondaire inférieur). Une baisse
similaire mais de moindre ampleur peut être observée à partir des données issues des Enquêtes
sur les Forces de Travail. Notre échantillon souffrirait par conséquent d’un léger biais d’attrition
qui toucherait plus particulièrement les peu diplômés et les personnes de nationalité étrangère.
Or, il est probable qu’une expérience de chômage constitue une expérience plus stigmatisante
pour ces catégories particulières de la population. Par conséquent, l’effet de stigmatisation calculé
dans la section 4 de ce chapitre sera probablement légèrement sous-estimé.

9  Les individus âgés de moins de 18 ans ont été exclus de notre échantillon, l’obligation scolaire en Belgique
concernant tous les jeunes âgés de 6 à 18 ans. Les personnes âgées de plus de 57 ans en 1994 ont également été
écartées de telle façon que l’échantillon ne comporte pas de pensionnés sur toute la période étudiée. En effet,
l’objectif consiste à étudier uniquement le comportement des personnes actives sur le marché du travail. Cela
impliquait que ces individus devaient être âgés de moins de 65 ans lors de la dernière vague de l’enquête (2002) et par
conséquent de moins de 57 ans en 1994. En effet, l’âge de la pension légale est fixé à 65 ans en Belgique. Les
personnes devenues inactives sur cette période pour une autre raison seront également écartées.
10 Plus exactement, cela concerne la spécification de la condition initiale. Voir section suivante.
11 Cf. annexe 1.1.

                                                            -29-
Partie 1, chapitre I: Analyse micro-économique de la persistance du chômage en Belgique

La variable d’intérêt est l’expérience de chômage. L’enquête du PSBH demande aux personnes
interrogées d’indiquer leur activité principale, pour chaque mois de chaque année (exception faite
des vagues relatives à la période 1992-1993). A partir de cette variable, nous avons décidé qu’un
individu sera considéré comme ayant vécu une période de chômage s’il déclare comme activité
principale « avoir été chômeur » au moins un mois durant l’année considérée.

A partir de la sélection de notre échantillon et de la définition de la variable d’intérêt, il nous est
possible de calculer la persistance du chômage sur les données brutes année après année, telle que
donnée au tableau 1.2. La méthodologie consiste à utiliser les probabilités conditionnelles au
statut sur le marché du travail de la période précédente. On calcule dans un premier temps la
probabilité d’être au chômage en t étant donné que l’on était au chômage en t-1. Ensuite, on
calcule la probabilité d’être au chômage en t étant donné que l’on était en emploi la période
précédente. La différence entre ces deux probabilités nous donne une mesure de la persistance.
Le tableau 1.2 reporte ces probabilités de transition vers le chômage en fonction de la situation en
période précédente ainsi qu’une mesure de persistance (Arulampalam W., 2002). On remarque
d’une part, que cette dernière est très élevée et d’autre part, qu’il y a une tendance à la hausse sur
la fin de la période. Ce taux élevé de persistance peut être partiellement expliqué par la présence
d’une dépendance d’état. Cependant, il est important de garder à l’esprit qu’une corrélation factice
peut émerger si un même épisode de chômage chevauche plusieurs années ou si les
caractéristiques sous-jacentes, observables ou non, influençant la propension à vivre une
expérience de chômage ne sont pas correctement prises en compte. L’objectif dans la suite de ce
chapitre consistera donc à distinguer la corrélation factice de la dépendance d’état afin de mieux
comprendre le phénomène de persistance du chômage en Belgique.

                TABLEAU 1.2.                  PERSISTANCE DU CHÔMAGE AU SEIN DE L’ÉCHANTILLON

                                1994          1995    1996    1997    1998    1999    2000    2001    2002    Total
Prob(yt=1|yt-1=1) (1)              -          78,21   82,16   76,52   78,93   76,92   79,88   84,62   81,82   79,37
Prob(yt=1|yt-1=0) (2)              -          2,47    3,06    2,41    1,41    1,78    1,12    1,90    0,43    1,98
Persistance (1) - (2)              -          75,74   79,10   74,11   77,52   75,14   78,76   82,72   81,39   77,39
Source : PSBH, 1994-2002 et calculs propres

                                                               -30-
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