Prévention des addictions : interventions probantes et évaluation - Dossier - Santé publique France
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PRÉVENTION ⁄ PROMOTION ⁄ ÉDUCATION Dossier Prévention des addictions : interventions probantes et évaluation Septembre 2019 / Numéro 449
La Santé en action : à lire désormais sur téléphones portables et tablettes. est éditée par : Santé publique France 12, rue du Val d’Osne 94415 Saint‑Maurice Cedex – France Vous êtes habitué à lire vos revues sur votre Smartphone ou sur Tél. : 01 41 79 67 00 Fax : 01 41 79 67 67 votre tablette ? Depuis le premier trimestre 2019, La Santé en action www.santepubliquefrance.fr est disponible en format spécifiquement adapté à ces supports. Santé publique France est l’agence nationale La Santé en action – la revue trimestrielle de Santé publique de santé publique. Etablissement public administratif sous tutelle du ministère chargé France – est consacrée exclusivement à la prévention, l’éducation de la Santé, l’agence a été créée par le décret et la promotion de la santé. Elle est destinée à l’ensemble n° 2016‑523 du 27 avril 2016 et fait partie des professionnels concernés (éducation, santé, social, etc.). de la loi de modernisation du système de santé (loi n°2016‑41 du 26 janvier 2016). Il suffit de télécharger une application compatible avec la lecture de ce format (epub) pour bénéficier en particulier : Directeur de la publication : Jean‑Claude Desenclos Î d’un sommaire interactif qui permet d’accéder de manière sélective à l’article choisi ; RÉDACTION Î d’une ergonomie adaptée au plus grand nombre ; Rédacteur en chef : Yves Géry Î de nombreux liens qui facilitent la navigation vers les Assistante de rédaction : ressources. Danielle Belpaume PHOTOS : Couverture : coiffe à plumes, art amérindien, Brésil. La Santé en Action : © Ville de Marseille, Dist. RMN-Grand Palais / David Giancatarina. Page 7 : © Julien Jaulin – Photographe chez Î est disponible gratuitement en format numérique, en version HansLucas. Page 17 : plume nasale, plumes d’oreilles, population Erikbatsa. © Ville de Marseille, Dist. RMN- pdf téléchargeable depuis le site de Santé publique France. Grand Palais / David Giancatarina. Page 19 : masque pour Il est possible de consulter à tout moment l’ensemble des les danses tecuani, Mexique. © Ville de Marseille, Dist. RMN-Grand Palais / Claude Almodovar / Michel Vialle. numéros et des articles parus depuis 2000 ou le dernier Page 21 : masque bois peint sculpté, Mexique. © Ville de numéro paru ; Marseille, Dist. RMN-Grand Palais / Jean-Luc Maby. Page 23 : aigle, tableau de laine huichol. © Ville de Î est accessible en abonnement. Il suffit de quelques clics Marseille, Dist. RMN-Grand Palais / David Giancatarina. sur la page du site de Santé publique France pour recevoir Page 24 : homme au milieu de deux serpents, tableau de laine huichol, auteur José Benitez, Mexique. © Ville de dans sa boîte mail la revue trimestrielle dès sa parution ; Marseille, Dist. RMN-Grand Palais / David Giancatarina. Î existe en version papier gratuite. Celle‑ci reste cependant Page 25 : quatre hommes, tableau de laine huichol. © Ville de Marseille, Dist. RMN-Grand Palais / David Giancatarina. réservée aux professionnels exerçant dans des lieux collectifs Page 28 : cercle, tableau de laine huichol, Mexique. © Ville de Marseille, Dist. RMN-Grand Palais / David Giancatarina. (établissements scolaires, centres de santé, hôpitaux, communes Page 31 : plante de peyotl, tableau de laine huichol, auteur et collectivités, bibliothèques, etc.). José Benitez. © Ville de Marseille, Dist. RMN-Grand Palais / David Giancatarina. Art amérindien pour l’ensemble des illustrations. Page 35 : © Afbeelding van Gary Cassel – Pixabay. Page 36 : © Afbeelding van Luisella Planeta Leoni – Pixabay. Page 37 : © Daniel Nieto – Pexel. Page 41 : © Centre social de Louviers / Illustration extraite de la publication « Gens du voyage, des habitants ignorés » FCSF, FNASAT, 2017. Page 42 : © Maison du nouveau logis UN DOSSIER ILLUSTRÉ PAR L’ART AMÉRINDIEN, Les Pins 72 Perpignan / Illustration extraite de la publication « Gens du voyage, des habitants ignorés » AFRICAIN, OCÉANIEN FCSF, FNASAT, 2017. Page 44 : © BB(63)-Ville de Nevers- crèche Clapotis centre-ville. Page 48 : © Aude Alcover – Le musée d’Arts africains, océaniens, amérindiens (MAAOA) situé à Marseille présente Société Icon Sport pour l’événement 120 ans de sport by ASPTT (Limoges, mai 2018) des collections originales : reliquats des présentations coloniales, anciennes collections privées, dépôts, collectes plus récentes. Les œuvres exposées sont notamment des masques, FABRICATION statues, reliquaires pour l’Afrique ; une collection d’art populaire (masques, céramiques, Conception graphique : offparis.fr tableaux de fils, arbres de vie, sculptures) pour le Mexique ; de magnifiques parures de Réalisation graphique : Jouve plumes amérindiennes, etc. Ce lieu entend ainsi « rendre intelligibles aujourd’hui ces Impression : Imprimeries La Galiote Prenant objets, témoignages de l’histoire de la culture des hommes et des sociétés dont ils sont ADMINISTRATION issus ». Ces objets d’art sont « à la fois témoins culturels et œuvres à part entière, issus Gestion des abonnements : de civilisations dont l’art fut trop longtemps négligé, voire ignoré ». Marie‑Josée Bouzidi (01 71 80 16 57) sante‑action‑abo@santepubliquefrance.fr No ISSN : 2270‑3624 Pour en savoir plus Dépôt légal : 3e trimestre 2019 http://www.marseille.fr/node/630 Tirage : 7 000 exemplaires https://photo.rmn.fr/CS.aspx?VP3=SearchResult&ALID=2C6NU0A4VM71A&PN=2#/SearchResult&ALID= Les titres, intertitres et chapeaux sont 2C6NU0A4VM71A&PN=1&VBID=2CO5PK0NJFJFJ de la responsabilité de la rédaction
Enfants et adolescents Standards de qualité Adolescents et mal-être en prévention : une passerelle 3 4 _ « Améliorer le suivi de santé des vers l’évaluation 34 _ « La distance et l’anonymat de enfants et adolescents en danger » 15 _ Carine Mutatayi Fil Santé Jeunes : un cadre propice Entretien avec Nathalie Vabres pour parler de son intimité » Tabac, alcool, cannabis : Entretien avec Mirentxu Bacquerie un programme efficace au collège 6 _ « Pour les adolescents qui vivent en hôtel social, l’instabilité 16 _ Jean-Michel Lecrique Gens du voyage ne facilite pas les apprentissages » et déterminants Entretien avec Odile Macchi « Le programme se voit reconnu 17 _ de la santé dans son efficacité à renforcer la capacité de s’affirmer et de dire non » 38 _ « Nous accompagnons les Gens Médiation par les pairs du voyage pour qu’ils puissent Une intervention qui réduit accéder aux droits fondamentaux » 8 _ « Le savoir des pairs médiateurs la consommation du tabac Entretien avec Hélène Beaupère nous permet d’entrer en contact et cannabis et Marie Barthe avec les gens de la rue » 18 _ Jean-Michel Lecrique Entretien avec Émilie Labeyrie 40 _ Mal-Logement et conditions 19 _« Nous pouvons désormais faire de vie dégradées chez les Gens Dossier valoir des données crédibles auprès du voyage de nos financeurs » Entretien avec Hélène Beaupère et Marie Barthe Alcool, cannabis : prévention PRÉVENTION chez les jeunes apprentis 41 _ La santé des Gens du voyage DES ADDICTIONS : 20 _ Ingrid Gillaizeau altérée par leurs conditions d’habitat INTERVENTIONS 21 _« L’évaluation conforte Maud Gorza, pour le groupe de travail PROBANTES les ajustements apportés transversal : Marjorie Boussac, Eugénia au programme de prévention » Gomes Maria Eugenia Gomes do Espirito ET ÉVALUATION Santo, Manon Jeuland, Agnès Verrier, Coordination : Alexandra Mailles, Céline Mansour Enguerrand du Roscoät, Addictions : sensibilisation La Santé en action No 449 responsable de l’unité santé mentale, par les pairs au lycée Ingrid Gillaizeau, 22 _ Ingrid Gillaizeau Petite enfance chargée d’expertise scientifique, Jean-Michel Lecrique, et modes de garde chargé d’expertise scientifique, 23 _« L’évaluation nous incite Sommaire Direction de la prévention et de la promotion à renforcer l’action de prévention 43 _ « L’accès à un mode de garde de la santé, Santé publique France, par les pairs » collectif est associé à moins de Patricia Coursault, difficultés relationnelles ultérieures » directrice du travail, chargée de mission Prévention-Politique de la ville, Mission Prévenir les risques en milieu festif Entretien avec Maria Melchior interministérielle de lutte contre les drogues 24 _ Carine Mutatayi et les conduites addictives (MILDECA) 45 _ Les familles en situation Carine Mutatayi, 25 _« L’évaluation valide le fait de précarité peinent à faire garder chargée d’études, pôle Évaluation des politiques publiques, Observatoire français qu’avec ce programme leurs enfants des drogues et toxicomanies (OFDT) de prévention les jeunes se mettent Tatiana Eremenko, Xavier Thierry, moins en danger » Laure Moguérou, Rose Prigent Éditorial 10 _ Nicolas Prisse, Julien Morel d’Arleux, Anpaa : « Améliorer l’efficacité Personnes âgées François Bourdillon de nos interventions » 26 _ Entretien avec Guillaume Quercy 47 _ Projet européen Advantage : LA SANTÉ EN ACTION – No 449 – Septembre 2019 Addictions : prévention prévenir la perte d’autonomie et comportements Fédération Addiction : « Intervenir chez les personnes âgées de consommation en prévention en s’appuyant Entretien avec le professeur 11 _ Enguerrand du Roscoät, sur des données probantes » Leocadio Rodriguez-Mañas Stanislas Spilka, Jean-Michel Lecrique, 27 _ Entretien avec Nathalie Latour Ingrid Gillaizeau, Guillemette Quatremère, Prévention Viêt Nguyen-Thanh, Pierre Arwidson Une base Internet d’interventions probantes en prévention du tabagisme Évaluation de la prévention et promotion de la santé 50 _ Opération Mois sans tabac : des addictions : méthodologie 28 _ Corinne Verry-Jolivet focus sur l’Occitanie 14 _ Ingrid Gillaizeau, Jean-Michel Lecrique, Jennifer Davies, Marion Mourgues, Carine Mutatayi, Pierre Arwidson, Pour en savoir plus Viêt Nguyen-Thanh, Anne Pasquereau, Enguerrand du Roscoät 29 _ Manon Jeuland Olivier Smadja
Trois départements français expérimentent un suivi de santé renforcé pour les enfants et les 4 adolescents protégés. « Améliorer le suivi de santé des enfants et adolescents en danger » Entretien avec le Dr Nathalie des mesures éducatives. Cela nous par la Sécurité sociale, constitue un Vabres, a conduit à dresser un constat acca‑ frein financier. Ce sont ces carences pédiatre coordonnatrice de l’unité d’accueil blant. Beaucoup ont un carnet de santé qui nous ont fait réagir. des enfants en danger (Uaed), vide, les vaccins ne sont pas toujours centre hospitalier universitaire (CHU) à jour, ils ont rarement consulté un S. A. : Comment est née l’idée de Nantes. ophtalmologue ou un otorhinolaryn‑ de ce dispositif de parcours gologiste (ORL). Les enfants et les de soin coordonné avec une prise adolescents bénéficiant de mesures en charge somatique et psychique de protection ont au moins les mêmes précoce ? La Santé en action : Quelles sont besoins de soin que les autres enfants Dr N. V. : Nous sommes quelques les missions de l’unité d’accueil et adolescents ; or, paradoxalement, ils professionnels réunis au sein du groupe des enfants en danger ? n’ont que peu accès à ce suivi médical santé du Conseil national de la pro‑ Dr Nathalie Vabres : C’est une unité de base, pour différentes raisons. Il tection de l’enfance ; nous avons été d’accueil médico‑judiciaire pédia‑ convient donc d’améliorer leur suivi de inspirés par le dispositif mis en place trique (UAMJP) qui accueille les enfants santé. Selon une étude du Défenseur pour les grands prématurés. Ces der‑ et les adolescents pour évaluer leur des droits, seul un tiers d’entre eux niers bénéficient d’un accompagnement situation et leur état, à la demande de ont passé un bilan de santé lors de leur médical plus approfondi, avec des exa‑ la famille ou d’un professionnel, afin de entrée dans le dispositif de l’aide sociale mens systématiques notamment sur dépister d’éventuelles maltraitances, et à l’enfance (ASE) ; et peu disposent d’un le plan neurologique. Cette initiative qui, si cela est le cas, est suivie d’une dossier médical à la sortie. Soulignons a permis de réduire la morbidité des information préoccupante ou d’un signa‑ également que les jeunes en situation enfants nés prématurés. Il nous a paru lement à la justice. Nous procédons de handicap sont surreprésentés dans intéressant d’adopter le même type de également à des examens sur réquisition le public suivi par l’ASE. démarche pour les enfants protégés. judiciaire et coordonnons le parcours En outre, ces enfants et ces ado‑ Par un suivi médical structuré et des mineurs victimes, en ayant recours lescents ont des besoins spécifiques, précoce, nous sommes convaincus à une salle d’audition dédiée qui permet car les violences, la maltraitance, les qu’il est possible d’améliorer leur état aux services enquêteurs de filmer les négligences qu’ils ont subies peuvent de santé et de réduire, à moyen terme, auditions. L’objectif de ces unités est avoir des conséquences à court et les hospitalisations d’urgence en pédo‑ de privilégier l’accueil des jeunes dans long terme sur leur santé physique psychiatrie ou les prises en charge de un lieu de soin plutôt qu’au commissa‑ et psychique. Les impacts peuvent cas complexes. riat ou en gendarmerie, afin d’éviter être importants sur leur dévelop‑ un surtraumatisme. La maltraitance pement psychoaffectif et social, la S. A. : La santé de ces enfants relève du champ de la santé, elle doit santé mentale (psychotraumatisme, peut‑elle s’en trouver améliorée ? être diagnostiquée médicalement, car syndrome dépressif), le comporte‑ Dr N. V. : À long terme, nous escomp‑ elle peut avoir des effets somatiques et ment (addiction, mises en danger), la tons une meilleure santé globale des psychologiques tout au long de la vie. santé sexuelle (grossesse non désirée) et jeunes sortant du système de protection. la maladie chronique (obésité, troubles C’est donc un atout en termes de santé S. A. : Qu’est‑ce qui a déclenché cardio‑vasculaires). publique et sur le plan social. Il nous a l’expérimentation en Loire‑Atlantique Or, les soins en pédopsychiatrie fallu un an de travail avec la Direction d’un parcours de soin coordonné sont difficilement accessibles, soit générale de la cohésion sociale (DGCS) pour les jeunes concernés par une parce que les délais d’attente dans un pour que l’initiative aboutisse et que son mesure d’aide sociale à l’enfance ? centre médico‑psychologique atteignent expérimentation soit validée dans le Dr N. V. : Le travail que nous menons plusieurs mois, soit parce que le coût cadre de l’article 51 de la loi de finances au sein de l’unité nous fait rencontrer de la consultation d’un psychologue de la Sécurité sociale 2018, soutenant de nombreux jeunes concernés par exerçant en libéral, non remboursée les projets de santé innovants pour les
L’ESSENTIEL 5 ÇÇ Au centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes, l’unité d’accueil signeront une charte de consentement, des enfants en danger prend en charge des enfants et adolescents ils ont la possibilité de choisir le médecin pour une consultation de dépistage en cas de suspicion de violences subies, généraliste ou le pédiatre parmi ceux ou pour un accueil médico‑judiciaire (auditions et examens sur réquisition du réseau. des mineurs victimes). De ces vingt ans d’expérience est née l’idée d’inclure La structure reverse aux profes‑ les mineurs bénéficiant d’une mesure de protection (aide éducative ou placement) sionnels impliqués dans le parcours dans un parcours de soin coordonné, avec une prise en charge somatique de soin une partie du forfait financé et psychique précoce. La lettre d’intention de l’unité, dans le cadre du dispositif par la Sécurité sociale. Son fonctionne‑ des expérimentations pour l’innovation en santé introduit par l’article 51 de la loi ment est encadré par une convention de financement de la sécurité sociale pour 2018, a été portée sur le plan national par la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) et retenue par arrêté signée avec l’agence régionale de santé, du 3 juin 2019 du ministère des Solidarités et de la Santé. Ce dispositif innovant la Direction générale de la cohésion sera expérimenté d’abord en Loire‑Atlantique, puis étendu à deux autres sociale et le conseil départemental. départements – Haute‑Vienne et Pyrénées‑Atlantiques – à l’initiative des pouvoirs En Loire‑Atlantique, la structure de Améliorer le suivi de santé des enfants en danger publics. Par un suivi médical structuré et précoce, les professionnels sont coordination dépend du centre hospi‑ convaincus qu’il est possible d’améliorer l’état de santé de ces enfants et de réduire talier universitaire (CHU) de Nantes, les hospitalisations d’urgence ou les prises en charge de cas complexes. qui la pilote. S. A. : Quel est le calendrier populations vulnérables. Le cahier des précoce (Camsp) ou les services de de cette expérimentation et combien Enfants et adolescents charges est résumé dans l’arrêté du pédopsychiatrie ne peuvent proposer d’enfants seront concernés ? 3 juin 2019, publié au Journal officiel. une prise en charge dans un délai de Dr N. V. : Il est prévu de déployer quelques semaines, il sera fait recours le projet courant 2019 et d’inclure S. A. : Qu’apporte ce parcours à des professionnels libéraux, le forfait début 2020 tout mineur du départe‑ de soin ? annuel permettant de couvrir ces frais ment nouvellement bénéficiaire d’une Dr N. V. : La loi de mars 2016 prévoit de consultations non remboursés par mesure de protection (placement ou que chaque enfant ou chaque adolescent la Sécurité sociale. mesure éducative à domicile), avec une entrant à l’ASE bénéficie d’une évalua‑ extension rapide dans les départements tion médicale et psychologique. Cette S. A. : Comment son action de Haute‑Vienne et des Pyrénées‑Atlan‑ disposition est loin d’être appliquée s’articule‑t‑elle avec celle des tiques : nous avons quatre ans pour systématiquement. Nous proposons de travailleurs sociaux de l’ASE ? faire nos preuves. structurer le suivi régulier autour de Dr N. V. : Une structure de coordi‑ En Loire‑Atlantique, environ cet examen obligatoire et nous avons nation est créée pour remplir plusieurs 6 000 mineurs sont concernés par souhaité que l’hôpital n’en ait pas la missions. La première est de recruter une mesure de protection. Pour l’ins‑ charge. Il sera réalisé par des méde‑ les professionnels de santé volontaires tant, nous sommes dans la phase de cins généralistes et par des pédiatres pour participer à ce parcours de soin ; lancement, avec l’organisation de la volontaires, des secteurs privé ou public, il faut aussi les former aux spécificités structure, le recrutement du personnel, que nous mobilisons dans un réseau des enfants et des adolescents protégés le repérage des professionnels volon‑ et qui seront formés. La création d’un ainsi qu’à la médecine clinique des taires. Et début 2020 le parcours de forfait de 430 € par enfant et par an violences faites aux mineurs, et à leurs soin deviendra une réalité concrète. permet de compléter la rémunération conséquences sur la santé. Une évaluation sera effectuée par la de ces professionnels par rapport à une D’autre part, la structure vient en Direction de la recherche, des études, de consultation classique : la première appui aux référents éducatifs dési‑ l’évaluation et des statistiques (Drees) évaluation lors de l’arrivée de l’enfant gnés par l’ASE pour chaque enfant. et la Caisse nationale d’assurance mala‑ est assimilée à une consultation très Ces référents font beaucoup, mais ils die (Cnam) en deux temps : fin 2020 pour complexe demandant du temps ; de sont souvent débordés par leurs tâches voir si le dispositif est bien opérationnel même, le rendez‑vous annuel d’actuali‑ éducatives et ne peuvent pas, pour et fin 2021 pour en vérifier la mise sation fera l’objet d’un complément de chaque enfant qu’ils suivent, prendre en œuvre effective. Parmi les princi‑ LA SANTÉ EN ACTION – No 449 – Septembre 2019 rémunération un peu moins élevé, sur des rendez‑vous médicaux, s’assurer que paux critères d’évaluation figurent le la base d’une consultation complexe. l’enfant s’y est rendu, conserver toutes nombre d’enfants ayant bénéficié d’une Ces consultations doivent permettre les informations médicales indispen‑ consultation d’évaluation, le nombre d’orienter les jeunes, si nécessaire, sables devant figurer dans le carnet de professionnels de santé formés, vers un spécialiste et/ou d’engager de santé, etc. Ils recevront donc un le nombre de familles ayant signé la un suivi particulier en santé mentale soutien important en la matière. Il est charte de consentement. À plus long avec l’intervention de psychologues, important de préciser que ce travail se terme, nous souhaitons réaliser une psychomotriciens, ergothérapeutes. fera en collaboration avec les familles, évaluation portant sur l’amélioration L’accès aux soins en santé mentale qui seront impliquées le plus possible de la santé des mineurs protégés, entrés est le deuxième axe fort du projet. Si les dans le parcours de soin. Il ne s’agit dans le parcours de soin. structures de droit commun, comme les pas de pointer leurs défaillances, mais centres médico‑psychologiques (CMP), de leur démontrer que ce parcours est Propos recueillis par Nathalie Quéruel, les centres d’action médico‑sociale une chance pour l’enfant. Les parents journaliste. LA PERSONNE INTERVIEWÉE DÉCLARE N’AVOIR AUCUN LIEN NI CONFLIT D’INTÉRÊTS AU REGARD DU CONTENU DE CET ARTICLE.
Quarante adolescents vivant en hôtel avec leur famille ont été interrogés par le Samusocial. 6 « Pour les adolescents qui vivent en hôtel social, l’instabilité ne facilite pas les apprentissages » Entretien avec rejoindre des membres de leur famille. rejoindre leur établissement scolaire, Odile Macchi, Outre l’expérience migratoire qui s’est insalubrité des chambres où ils sont chargée d’études à l’observatoire souvent déroulée dans des conditions logés) que d’être enfermés dans un du Samusocial de Paris. éprouvantes, les 11‑18 ans souffrent système de règles : celles des hôtels de conditions moins favorables d’inté‑ régissent une bonne partie de la vie gration que les enfants moins âgés. quotidienne – en interdisant les visites, L’école primaire s’est organisée pour la cuisine dans les chambres – ; elles La Santé en action : Qui sont accueillir ces derniers, notamment s’ajoutent aux règles parentales orga‑ ces jeunes qui grandissent sur le plan linguistique, alors que les nisant la cohabitation dans un espace dans des chambres d’hôtel ? adolescents peuvent rester des mois exigu et à celles, classiques, du collège Odile Macchi : Ce sont des jeunes dont sans être inscrits au collège ou au ou du lycée. la famille est durablement hébergée lycée. De ce fait, ils maîtrisent moins à l’hôtel, ne parvenant pas à accéder bien leur scolarité. Nous avons parlé S. A. : Quelles conséquences au logement pour diverses raisons. Ces aussi bien avec des garçons qu’avec entraîne l’hébergement en hôtel familles étaient 21 000 en 20171, ce qui des filles, qui vivent sensiblement les social sur le développement représente plus de 58 000 personnes. mêmes choses. Cependant, certains physique, scolaire et psychosocial Notre étude Adolescents sans‑logement. inconvénients sont accentués chez les des adolescents ? Grandir en famille dans une chambre adolescentes : la promiscuité, qui carac‑ O. M. : Les hébergements successifs d’hôtel a reçu le térise la vie en hôtel social, facilite auxquels sont soumises les familles soutien du Défen‑ la surveillance et renforce le contrôle – qui peuvent être amenées à démé‑ seur des droits et de leurs activités. Nous avons observé nager souvent d’hôtel en hôtel – sont L’ESSENTIEL a été publiée en un repli assez prononcé de leur part, un facteur délétère sur la santé. Cette février 2019 [1]. car elles préfèrent renoncer à sortir mobilité ne permet aux adolescents ÇÇ L’observatoire Elle a été réalisée à plutôt que de devoir se battre pour aucun ancrage, ce qui nuit au pro‑ du Samusocial de Paris partir d’entretiens y parvenir. L’étude montre combien cessus d’intégration par les pairs. a conduit une étude menés en 2017 les difficultés de la vie quotidienne Qui plus est, les hôtels visités sont qui montre combien auprès d’une qua‑ en hôtel social produisent des effets souvent installés dans des zones les difficultés de la vie rantaine d’adoles‑ importants dans cette période‑clé d’activités commerciales (ZAC), à quotidienne en hôtel social cents âgés de 11 qu’est la construction identitaire des proximité desquelles il n’y a pas de produisent des effets à 18 ans, vivant adolescents. lieux culturels ni sportifs. Autant dire importants sur les en hôtel social à que les sociabilités de quartier y sont adolescents. Ainsi, le fait Paris (et sa ban‑ S. A. : Quels sont les propos les plus quasi impossibles. Alors que le collège de déménager souvent d’hôtel en hôtel – et donc de changer lieue) et à Tours. marquants de ces adolescents ? ou le lycée sont souvent des espaces de collège ou de lycée, espace Les adolescents O. M. : L’impossibilité de pouvoir centraux de socialisation, le noma‑ central de socialisation – que nous avons s’isoler dans un endroit à soi pour disme hôtelier la met en péril. Changer limite les ancrages rencontrés ont s’étendre de tout son long ou laisser d’établissement scolaire met fin aux territoriaux des adolescents, passé au moins traîner ses affaires et le manque de relations amicales ; d’autant plus que ce qui nuit au processus un an dans ce liberté sont deux éléments qui sont l’hôtel social n’offre que peu d’accès à d’intégration par les pairs. système d’héber‑ revenus très fortement. L’absence Internet. Il est donc compliqué pour En partant de ce constat, gement. Ce sont d’intimité est mal vécue ; il faut se ces jeunes de suivre sur les réseaux les auteurs, Odile Macchi en majorité de représenter ce qu’est, pour un jeune sociaux les amis qu’ils ont rencontrés et Nicolas Oppenchaim, préconisent que la continuité jeunes migrants, de 17 ans, de dormir dans le même à l’école. Aussi les vacances scolaires de la scolarisation dans venus avec leur lit qu’un de ses parents, parfois du sont‑elles une période difficile pendant le même établissement soit famille ou un de sexe opposé. Ils souffrent moins des laquelle, par manque de loisirs et de le critère principal pour leurs parents, contraintes matérielles (pauvreté, contacts, le désœuvrement s’ajoute (re)loger les familles. ou venus seuls temps de transport interminable pour au découragement. Cette instabilité,
7 conjuguée au temps de transport pour se rendre à l’école, au manque d’espace pour faire ses devoirs au calme, à l’aide aux tâches familiales, ne facilite pas les apprentissages et peut précipiter le décrochage scolaire. Pourtant, ces adolescents, motivés par le désir de s’en sortir à tout prix, s’investissent beaucoup dans le travail scolaire. © Julien Jaulin – Photographe chez HansLucas Adolescents en hôtel social et difficultés d’apprentissage S. A. : Comment développer ses compétences psychosociales dans de telles conditions ? O. M. : D’une certaine façon, leurs compétences psychosociales se déve‑ loppent à des rythmes différents. Par exemple, du fait de la promiscuité et aussi du manque de temps, peu ont S. A. : Quelles recommandations que ce soutien aux parents, s’il est une des relations affectives et amoureuses, cette étude suggère‑t‑elle à l’intention charge lourde qui leur fait parfois rater Enfants et adolescents qu’il serait difficile de cacher à leurs des professionnels concernés ? les cours, participe dans certains cas à parents. Ils se disent : « Ce sera pour O. M. : Nous formulons plusieurs leur bien‑être psychologique et moral, plus tard », l’école demeurant leur propositions sur l’accès à Internet et aux en leur donnant une capacité d’agir sur priorité. Toutefois, ils font montre outils numériques, sur l’organisation le sort de la famille. Le savoir permet d’une grande autonomie ; la gestion d’activités extrascolaires, culturelles aux intervenants d’avoir une approche de la vie quotidienne à laquelle ils ou sportives, sur la création d’espaces différente. Le contexte de saturation participent largement les rend res‑ collectifs au sein des hôtels sociaux du dispositif hôtelier en Île‑de‑France, ponsables et adultes avant l’âge. Là dédiés aux jeunes. Une des priorités qui laisse plus de 1 000 personnes où des adolescents se révolteraient, demeure toutefois la continuité de la en famille chaque soir sans solution ils acceptent les contraintes impo‑ scolarisation dans le même établisse‑ d’hébergement, et l’impératif de déve‑ sées par leurs parents, même les plus ment, qui doit être le critère principal lopper en urgence d’autres solutions dures. Ils n’ont clairement pas la pour (re)loger les familles. D’autres que ce type d’hébergement ne doivent même façon de gérer cette période solutions pourraient être envisagées pas empêcher de travailler à des amé‑ de la vie que leurs camarades logés quand l’éloignement domicile‑école liorations des conditions de vie des décemment. devient trop important : par exemple, adolescents à l’hôtel. trouver des places en internat avec S. A. : Quel impact ce cadre un retour possible le week‑end auprès Propos recueillis par Nathalie Quéruel, de vie a‑t‑il sur le fonctionnement des proches, ce qui aurait des effets journaliste. de la cellule familiale ? bénéfiques sur la scolarisation et sor‑ O. M. : La difficulté de préparer tirait ces jeunes de la vie contrainte en des repas dans les chambres n’a pas hôtel. Nous partageons les données de 1. Source : Pôle hébergement et réservation hôte- que des conséquences sur la santé, l’étude le plus largement possible afin lière (PHRH) du Samusocial de Paris. avec une alimentation déséquilibrée, d’impliquer le maximum d’acteurs, faite de plats préparés à réchauffer au particulièrement les travailleurs sociaux micro‑ondes ou d’ingrédients mangés et les associations, pour faire évoluer RÉFÉRENCE sur le pouce. La quasi‑impossibilité de les conditions de vie des adolescents en BIBLIOGRAPHIQUE faire un repas traditionnel – parce hôtel, en intervenant directement ou en qu’on ne peut pas cuisiner ou que se saisissant des outils juridiques dispo‑ LA SANTÉ EN ACTION – No 449 – Septembre 2019 l’espace manque pour manger tous nibles. Nous avons des discussions avec ensemble – nuit beaucoup, car c’est la direction des affaires scolaires (Dasco) [1] Macchi O., Oppenchaim M. Adolescents un moment qui cimente la famille. et avec la direction de l’action sociale, sans‑logement. Grandir en famille dans une Si la promiscuité rend les tensions de l’enfance et de la santé (Dases) de la chambre d’hôtel. [Synthèse] Samusocial.paris.fr, inévitables, il n’y a pas d’opposition ou ville de Paris. Nous travaillons avec les 19 février 2019 : https://www.samusocial.paris/ de conflit ouvert entre l’adolescent et spécialistes du Samusocial qui suivent adolescents‑sans‑logement‑grandir‑en‑famille‑ ses parents. Chacun se réfugie dans sa les familles. Des éléments de notre dans‑une‑chambre‑dhotel bulle, en soi‑même. « On est seul avec enquête leur permettent d’affiner leur Macchi O., Oppenchaim M. Adolescents sans‑ les autres », résume une jeune fille. La mode d’intervention : par exemple, ils logement. Grandir en famille dans une chambre situation ne permet guère de moments s’efforçaient de limiter l’implication des d’hôtel. [Rapport d’enquête] observatoire du Samu‑ de convivialité, peu de choses sont adolescents dans la gestion adminis‑ social de Paris, 2019 : 182 p. En ligne : https://www. faites ensemble, des loisirs ou même trative et budgétaire de la famille afin defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/ une simple promenade. de les protéger ; or nous avons constaté files/rapport_ados_10102018_versionfinale.pdf LA PERSONNE INTERVIEWÉE DÉCLARE N’AVOIR AUCUN LIEN NI CONFLIT D’INTÉRÊTS AU REGARD DU CONTENU DE CET ARTICLE.
Une équipe mobile précarité‑psychiatrie va vers les personnes vivant dans la rue. 8 « Le savoir des pairs médiateurs nous permet d’entrer en contact avec les gens de la rue » Entretien avec un parcours de soin de proximité, un plus près de la parole de l’usager, de ce Émilie Labeyrie, pôle accueil qui propose de l’héberge‑ qu’il a à dire de sa souffrance psychique psychologue au sein de l’équipe Mouvement ment au sein d’une maison‑relais et un sur la scène sociale. et action pour le rétablissement sanitaire groupe d’entraide mutuelle, nommé Les et social (Marss) de l’Assistance Nomades célestes. S. A. : Qu’apporte le médiateur publique‑Hôpitaux de Marseille. pair dans vos interventions S. A. : Pourquoi cette équipe a‑t‑elle et dans le travail d’équipe ? décidé d’intégrer à ses maraudes É. L. : Le savoir de l’expérience appar‑ d’anciens SDF souffrant tient à l’usager. Par exemple, person‑ La Santé en action : Dans quel cadre de pathologies mentales ? nellement, je ne connais pas les effets est née l’équipe Marss ? É. L. : C’est une idée du psychiatre secondaires de tel ou tel médicament. Émilie Labeyrie : Mouvement et action Vincent Girard, aujourd’hui référent Seul celui ou celle qui en a pris peut pour le rétablissement sanitaire et à l’agence régionale de santé Pro‑ en parler. Ce savoir des pairs permet social (Marss) est une équipe mobile vence‑Alpes‑Côte d’Azur (Paca) sur d’entrer en contact avec les gens de la de santé mentale communautaire les politiques d’innovation en santé rue de façon plus horizontale, d’atté‑ de l’Assistance publique‑Hôpitaux de mentale et de lutte contre l’exclusion. nuer les effets du pouvoir médical et Marseille (AP‑HM). Elle a été créée Aux États‑Unis, où il séjournait dans le l’impression que peuvent avoir nos en 2007 dans le cadre de la circulaire cadre d’un post‑doctorat, il a découvert interlocuteurs que tout est entre les du 23 novembre 2005 concernant la le Recovery movement (concept de réta‑ mains des médecins. C’est important prise en charge de la santé psychique des blissement) et des modalités d’interven‑ pour établir un lien de confiance et créer personnes en situations de précarité et tion sur le terrain, qui incluaient des une dynamique dans la relation, qui d’exclusion. Cette équipe est rattachée au personnes ayant traversé l’expérience va permettre ensuite de faire émerger pôle universitaire de psychiatrie ; ainsi de la maladie psychiatrique sévère, une demande sanitaire et sociale. On la moitié de notre activité est consacrée de la rue, de la prison. Sa rencontre évite aussi la relation de dépendance à des projets de recherche‑action, comme avec Hermann Handluber, un ancien malade‑soignant. Toutefois, l’idée de le programme Working First1. Marss a SDF, a conduit à la création du collec‑ faire intervenir des médiateurs pairs en également expérimenté à partir de 2011 tif Marss et à son approche par les santé mentale est parfois très critiquée. le programme « Un chez‑soi d’abord ». pairs. C’est encore cette philosophie du Il y aurait, selon ses détracteurs, une L’initiative a été portée au départ par rétablissement qui guide notre action forme d’instrumentalisation des patients Médecins du monde, qui a embauché aujourd’hui, et pas seulement dans les que l’on maltraiterait en leur faisant cinq professionnels afin de constituer maraudes, puisque les médiateurs en croire, par la présence des médiateurs une première équipe mobile préca‑ santé mentale sont employés dans les qui sont intégrés maintenant dans la rité‑psychiatrie pour aller vers les per‑ différentes activités. Elle repose sur société, qu’ils peuvent guérir et s’en sonnes vivant dans la rue, souffrant l’émancipation des personnes et sur un sortir. C’est de toute façon notre objectif. de troubles psychiatriques graves et parcours de soin adapté aux personnes Il n’y a d’ailleurs pas de reconnaissance éloignées de tout accès aux soins. Une atteintes de troubles mentaux, autour de ce métier de médiateur en santé fois le projet lancé, l’association a passé de l’inclusion dans la société. C’est une mentale. Et ce manque de norme pose le relais à l’AP‑HM. Aujourd’hui, cette approche centrée sur les forces, les problème, notamment pour le recrute‑ équipe pluridisciplinaire est composée compétences psychosociales et les choix ment dans l’équipe. Les six travailleurs de vingt professionnels : des médecins, de la personne ; on ne s’intéresse pas pairs sont embauchés comme agent des infirmiers, des travailleurs sociaux, qu’au traitement de la maladie, mais administratif, technicien, informaticien des psychologues, un anthropologue, à tout ce qui participe au bien‑être de ou sous d’autres statuts. Ils sont sous ainsi que les médiateurs en santé men‑ l’individu et à sa place dans la société la supervision du coordonnateur de tale, c’est‑à‑dire les travailleurs pairs. – accès aux droits fondamentaux, l’équipe, comme les autres professionnels. L’action dans la rue est complétée par logement, emploi, soins médicaux, vie Il y a quelque temps, nous avions un un pôle rétablissement, qui coordonne sociale, etc. C’est de la psychiatrie au partenariat avec un hôpital qui voulait
9 que leur intervention soit supervisée d’institutions qui souhaitent déployer non médicalisées, les structures d’ac‑ par un psychologue ; ce que nous avons le concept de rétablissement : il y a une cueil du public, l’ensemble des acteurs refusé, car les médiateurs en santé partie de théorie et une partie sur les médico‑sociaux, les associations, etc. mentale sont des travailleurs comme outils, comme l’Open dialogue2 – pour C’est ce que nous avons fait par exemple les autres. Cela a mis fin au partenariat. communiquer dans les moments de cet hiver, lorsque nous nous sommes crise – que nous avons découvert en rapprochés de l’équipe d’infirmiers que S. A. : Qu’est‑ce qui motive Finlande ou le Case management3– la le 115 a mise en place pendant le Plan les médiateurs pairs à s’engager coordination d’un parcours de soin de grand froid. à vos côtés ? proximité, qui place la personne au É. L. : Leur principale motivation est centre. Il y a toujours une complexité Propos recueillis par Nathalie Quéruel, la lutte contre la stigmatisation et contre due à la fragilité des financements, journaliste. l’exclusion des personnes souffrant de mais nous sommes en voie de déve‑ troubles mentaux. Les représentations loppement. Cependant, il ne faut pas 1. L’on pourrait traduire par « Le travail d’abord ». de la maladie mentale dans la société ménager ses efforts et être toujours Programme d’inclusion et d’accompagnement vers l’emploi pour tous. (NDLR) évoluent peu. Qui ne pense pas que les dans une dynamique pour aller vers les 2. Le dialogue ouvert. schizophrènes sont dangereux et qu’ils partenaires – les équipes de maraudes 3. La gestion de cas. doivent être enfermés à vie ? En santé mentale, les pratiques d’internement Médiation par les pairs sont encore très prégnantes. Les tra‑ « ALLER VERS » LES SANS‑DOMICILE Une équipe mobile auprès des sans-abri vailleurs pairs ont à cœur d’apporter aux gens de la rue et à ceux que nous accompagnons de l’espoir : voilà ce que Dans son rapport publié en collaboration de santé‑pairs, […] quand elle développe l’on peut accomplir quand on est rétabli, avec la Direction générale de la cohésion des équipes mobiles intervenant auprès des il est possible de trouver sa place dans sociale (DGCS) du ministère des Affaires institutions médicosociales et sociales, quand, la société avec une pathologie mentale. sociales et de la Santé [1], l’Agence nouvelle avec ses centres médico‑psycholo‑ Les médiateurs pairs participent aussi des solidarités actives (Ansa) a identifié des giques (CMP), elle répartit très largement à la psycho‑éducation des patients dans pratiques innovantes favorisant la prise en sur le territoire des lieux de soins de proxi‑ des ateliers dédiés, comme on apprend charge des problèmes de santé des personnes mité. [2] » Une démarche d’aller‑vers inscrite à une personne diabétique pourquoi et sans domicile, puis elle a formulé les pré‑ également dans la Stratégie nationale de comment se piquer. Cette transmission conisations suivantes (liste non exhaustive) : santé [3] : « Dans les prochaines années, il est importante à leurs yeux. Il y a un • privilégier le recours aux dispositifs de sera nécessaire de : […] mettre en place des côté plaidoyer dans leur action, qui droit commun ; méthodes de promotion de la santé permet‑ est aussi un engagement. Par ailleurs, • fluidifier l’accès aux structures médico‑ tant d’aller vers les publics les plus éloignés beaucoup de personnes que nous avons sociales des personnes hébergées et sans du système de santé (pairs‑aidants, équipes suivies s’investissent comme bénévoles domicile ; mobiles, ateliers santé ville) ». sur nos projets. • favoriser l’accès direct au logement pour les personnes sans domicile, condition pré‑ S. A. : Votre travail est‑il reconnu alable à un bon état de santé ; RÉFÉRENCES et disposez‑vous d’un soutien • créer les conditions de réussite d’une BIBLIOGRAPHIQUES institutionnel pour en assurer bonne prise en charge, notamment en ins‑ la pérennité ? taurant un partenariat entre professionnels É. L. : Écouter la parole de l’usager du social et de la santé ; [1] Rickey B. Comment mieux prendre en charge la n’est pas une approche nouvelle, mais • mieux articuler les actions d’aller‑vers des santé des personnes sans domicile ? Repérage de avec cette vision holistique de la per‑ professionnels du social et de la santé et pratiques innovantes. [Rapport ] Agence nouvelle des sonne nous avons développé une pratique renforcer leurs capacités à suivre des per‑ solidarités actives (Ansa), Direction générale de la plus générale et systématique. De plus sonnes en structure d’hébergement et en cohésion sociale (DGCS), Les Contributions, mai 2016, en plus d’initiatives émergent dans ce logement, par exemple par la création d’ins‑ no 18 : 104 p. En ligne : https://www.solidarites‑ LA SANTÉ EN ACTION – No 449 – Septembre 2019 sens, qui ouvrent un champ pour les tances d’échange entre professionnels ; actives.com/sites/default/files/2018‑08/Ansa_ travailleurs pairs. Notre action est • faire participer les personnes concernées Contribution18_SanteHebergement_juin2016.pdf reconnue, et je ne pense pas que nous par certains dispositifs, entre autres par le [2] Lopez A., Turan‑Pelletier G. Organisation et fonc‑ puissions revenir en arrière. De plus, recrutement de travailleurs‑pairs, par exemple tionnement du dispositif de soins psychiatriques, notre service, qui emploie 15 équivalents au sein des équipes pluridisciplinaires et 60 ans après la circulaire du 15 mars 1960. [Rapport] temps plein – ce qui est beaucoup –, d’accompagnement. Inspection générale des affaires sociales (Igas), fonctionne à moindre coût par rapport L’Inspection générale des affaires so‑ novembre 2017, tome 1 : 376 p. En ligne : https://www. à bien d’autres services de psychiatrie, ciales (Igas) souligne également la capacité ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rap‑ puisque nous n’avons pas de lits. Et d’innovation de la psychiatrie qui va vers les ports‑publics/184000071.pdf nous obtenons des résultats, ce qui patients : « La psychiatrie est à bien des [3] Stratégie nationale de santé 2018‑2022. Ministère n’est pas aisé avec un public exclu et égards en position de précurseur par rapport des Solidarités et de la Santé, décembre 2017 : 103 p. éloigné du soin. Nous assurons ainsi aux autres disciplines médicales : […] quand En ligne : https://solidarites‑sante.gouv.fr/IMG/pdf/ des formations auprès d’associations et elle recrute dans les services des médiateurs dossier_sns_2017_vdefpost‑consult.pdf LA PERSONNE INTERVIEWÉE DÉCLARE N’AVOIR AUCUN LIEN NI CONFLIT D’INTÉRÊTS AU REGARD DU CONTENU DE CET ARTICLE.
10 Éditorial Prévention des addictions : interventions probantes et évaluation MILDECA, OFDT ET SANTÉ PUBLIQUE FRANCE : UN INTÉRÊT COMMUN POUR L a Mission interministérielle de montrer non seulement ce qui est L’ÉVALUATION lutte contre les drogues et les efficace, avec un impact mesurable, DES DISPOSITIFS conduites addictives (Mildeca), mais également les actions ineffi‑ DE PRÉVENTION l’Observatoire français des drogues et caces ou contre‑productives afin que des toxicomanies (OFDT) et l’agence des pistes d’amélioration soient pro‑ nationale Santé publique France ont posées et que les acteurs concernés Créée en 1982 et placée auprès du Premier initié, sous l’égide de la Commission puissent s’en emparer. Ce numéro de ministre, la mission interministérielle de interministérielle de prévention des La Santé en action doit permettre de lutte contre les drogues et les conduites Dossier conduites addictives (Cipca), une tirer tous les enseignements de ce addictives (Mildeca) définit, anime et coor‑ démarche d’évaluation des conditions travail d’évaluation et de nous enga‑ donne les orientations stratégiques communes de mise en œuvre de différents types ger collectivement vers le dévelop‑ à l’ensemble des services de l’État dans le de programmes de prévention des pement de stratégies d’intervention cadre de plans gouvernementaux pluriannuels conduites addictives à destination davantage structurées, coordonnées concernant la prévention, la santé, la re‑ des jeunes et de leur impact. et efficaces. cherche, la lutte contre les trafics, les poli‑ En 2014, l’expertise collective de Ce mouvement est d’ailleurs tiques de sécurité et la coopération interna‑ l’Institut national de la santé et de à l’œuvre avec l’émergence et le tionale. Les priorités du gouvernement, en la recherche médicale (Inserm) sur déploiement actuel de programmes particulier la prévention pour les jeunes, les conduites addictives des adoles‑ de prévention reposant sur le figurent dans le Plan national de mobilisation cents1 recommandait notamment « de développement des compétences contre les addictions 2018‑2022, qui rap‑ privilégier les programmes de prévention psychosociales des jeunes, dont les pelle l’importance de conduire des évaluations qui incluent un volet d’évaluation de leur bénéfices en termes de réduction de d’efficacité des stratégies mises en œuvre. efficacité ». Dans ce contexte, la Cipca la consommation et de l’expérimen‑ L’Observatoire français des drogues et des a été mise en place par la Mildeca lors tation de substances psychoactives toxicomanies (OFDT) est un groupement du Plan de lutte contre les drogues et ont été démontrés par la littérature d’intérêt public créé en 1993. Il observe et les conduites addictives 2013‑2017. scientifique. analyse le phénomène des drogues et des Elle avait pour mission de faire évo‑ Le bilan de ces travaux conforte et addictions, leurs conséquences sanitaires et luer en France les pratiques des pro‑ justifie la nécessité de développer des sociales et des réponses publiques déployées. fessionnels de la prévention et les ressources en évaluation afin d’étayer Il contribue à leur suivi à l’échelle européenne stratégies de financement des déci‑ nos investissements publics en ma‑ en lien avec l’agence de l’Union européenne deurs en s’appuyant sur des méthodes tière de prévention et de les orienter sur les drogues : European Monitoring Centre validées. vers les interventions présentant les for Drugs and Drug Addiction (EMCDDA). Pour contribuer à ces objectifs, meilleures garanties de qualité et L’OFDT met également en œuvre l’évaluation un appel à candidature national a été d’efficacité. de dispositifs innovants ou prometteurs dans lancé par la Cipca et cinq programmes le domaine des addictions. de prévention ont été sélectionnés Santé publique France est l’agence nationale pour être évalués de façon rigou‑ de santé publique. Créée en 2016, elle a reuse et mesurer leur impact réel sur pour mission la protection de la santé des la consommation par les jeunes de populations. Agence scientifique et d’exper‑ substances psychoactives. 1. Institut national de la santé et de la recherche tise du champ sanitaire, elle a notamment médicale (Inserm). Conduites addictives chez les Les résultats positifs et négatifs adolescents. Usages, prévention et accompagnement. en charge le développement de la prévention des évaluations ont été diffusés Paris : Les Éditions Inserm, coll. Expertise collective, et de la promotion de la santé. Afin de réa‑ en mai 2019. Le parti a été pris de 2014 : p. 30. liser ces missions, Santé publique France peut conduire des travaux d’évaluation pour Nicolas Prisse Julien Morel d’Arleux François Bourdillon déterminer les meilleures modalités d’inter‑ Président de la Mildeca Directeur de l’OFDT Directeur de Santé publique France vention à déployer sur les territoires.
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