Accompagner le développement du jeune enfant - Dossier - Adolescents - Agence régionale de santé PACA
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PRÉVENTION ⁄ PROMOTION ⁄ ÉDUCATION Adolescents Promouvoir l’activité physique Saturnisme État des lieux et prévention Handicap Témoignage d’un parcours de vie Dossier Accompagner le développement du jeune enfant Septembre 2016 / Numéro 437
LA SANTÉ EN ACTION la revue de la prévention, de l’éducation pour la santé est éditée par : et de la promotion de la santé Santé publique France 42, boulevard de la Libération 93203 Saint-Denis Cedex – France Tous les trois mois, 52 pages d’analyse Tél. : 01 49 33 22 22 Fax : 01 49 33 23 90 Î actualité et expertise inpes.santepubliquefrance.fr Î pratiques et actions de terrain Î méthodes d’intervention et aide à l’action Directeur de la publication : François Bourdillon Î interviews et témoignages Une revue de référence RÉDACTION Rédacteur en chef : et un outil documentaire pour Yves Géry Î les professionnels de la santé, Secrétaire de rédaction : Marie-Frédérique Cormand du social et de l’éducation Assistante de rédaction : Danielle Belpaume Î les relais d’information Î les décideurs RESPONSABLES DE RUBRIQUES Rédigée par des professionnels Sandrine Broussouloux, Michel Condé, Nathalie Houzelle Î experts et praticiens Lectures : Centre de documentation Î acteurs de terrain Î responsables d’associations et de réseaux COMITÉ DE RÉDACTION Yaëlle Amsellem-Mainguy (Injep), Jean- LA SANTÉ EN ACTION Christophe Azorin (enseignant - formateur), Judith Benrekassa (Santé publique France), est disponible gratuitement : Dr Michel Berthier (mairie de Poitiers), Dr Zinna Bessa (direction générale de la Î en format papier sur abonnement pour Santé), Mohamed Boussouar (Ireps Rhône- Alpes), Isabelle Dolivet (Santé publique les lieux collectifs d’exercice et d’accueil du public France), Alain Douiller (Codes de Vaucluse), Christine Ferron (Fnes), Laurence Fond- (établissements scolaires, centres de santé, hôpitaux, Harmant (Luxembourg Institute of Health – communes et collectivités, bibliothèques, etc.) LIH), Dr Luc Ginot (ARS Île-de-France), Emma- nuelle Hamel (Santé publique France), Zoë Î enformat numérique pour tous les publics, Heritage (Réseau français des villes-santé de l’OMS), Laurence Kotobi (université Bordeaux- professionnels ou non, collectifs ou individuels Segalen), Zekya Ulmer (FNMF), Éric Le Grand (sociologue), Nathalie Lydié (Santé publique France), Dr Annie-Claude Marchand (ARS Rendez-vous sur inpes.santepubliquefrance.fr Champagne-Ardenne), Claire Méheust (Santé publique France), Mabrouk Nekaa (DSDEN Loire), Jean-Marc Piton (Santé publique France), Jeanine Pommier (EHESP), Dr Sté- phane Tessier (Regards), Hélène Therre (Santé publique France). FABRICATION Conception graphique : offparis.fr Réalisation graphique : Jouve Photographies : Flore-Aël Surun, Mat Jacob, Meyer, Patrick Tourneboeuf / Tendance Floue Impression : Groupe Morault ADMINISTRATION Gestion des abonnements : Marie-Josée Bouzidi (01 49 33 23 07) sante-action-abo@santepubliquefrance.fr No ISSN : 2270-3624 Dépôt légal : 3e trimestre 2016 Tirage : 12.000 exemplaires 9 Les titres, intertitres et chapeaux sont de la responsabilité de la rédaction
Nutrition PRÉVENTION ⁄ PROMOTION ⁄ ÉDUCATION 3 Adolescents 4 _ Connaissance des repères Promouvoir l’activité physique Saturnisme nutritionnels par les élèves État des lieux et prévention Handicap de cinquième de France Témoignage d’un parcours de vie métropolitaine Hélène Mathiot, Angélique Nugier, Viêt Nguyen‑Thanh Dossier 6 _ Une approche socio- © Patrick Tourneboeuf / Tendance Floue écologique pour la promotion Accompagner de l’activité physique et la le développement réduction de la sédentarité du jeune enfant chez les adolescents Septembre 2016 / Numéro 437 Julie-Anne Nazare Saturnisme Dossier Visites à domicile en Loire-Atlantique : « Nous sommes parfois l’unique en France interlocuteur des familles » ACCOMPAGNER 22 _ Entretien avec Sylvie Biette-Effray, 42 _ Situation du saturnisme en France et prévention : LE DÉVELOPPEMENT Fabienne Clouet, Corinne Lagarde état des lieux DU JEUNE ENFANT Établir une relation de soins Agnès Verrier, Marie Pécheux Coordination : entre migrantes Christine César, Enguerrand du Roscoät, et professionnels de santé 44 _ Paris : un dispositif Thierry Cardoso 24 _ Patricia Vasseur spécifique pour lutter contre le saturnisme L’impact de la précarité sur chez les enfants La Santé en action No 437 la santé des femmes enceintes Véronique Dufour Introduction 26 _ Erwan Le Méner 8 _ Christine César, Enguerrand du Roscoät, 46 _ Saturnisme et accès Thierry Cardoso Prise en charge de la petite aux soins en région PACA enfance en milieu hospitalier Sommaire Remi Laporte, Alexandre Daguzan, Comment les facteurs socio- pour promouvoir la santé Karine Hadji, Brigitte Moissonnier, environnementaux durant de l’enfant et de la mère Gérard Coruble, Stéphanie Gentile, l’enfance influencent-ils la 28 _ Christel Denolle, Pascaline Marpeau, Brigitte Chabrol santé au cours de la vie ? Karine Ronen, Romain Dugravier 10 _ Michelle Kelly‑Irving, Cyrille Delpierre, Travailler en réseau aux étapes Témoignage Thierry Lang précoces de la vie : un état 13 _ Lesinégalités s’installent d’esprit dès la petite enfance 30 _ Françoise Molénat 48 _ « Avoir une forme d’autonomie et être actrice Soutenir la motivation du tout- Centres de la petite enfance de ma vie malgré mon handicap » petit pour échanger, partager au Québec : favoriser Entretien avec Noémie Nauleau et comprendre son monde le développement 15 _ Maya Gratier, Pascal Mallet des moins de 5 ans 34 _ Marie-France Raynault Lectures LA SANTÉ EN ACTION – No 437 – Septembre 2016 Le mal-logement, déterminant sous-estimé de la santé Pour en savoir plus 50 _Olivier Delmer, Manon Jeuland, 18 _ Manuel Domergue, Lisa Taoussi 37 _ Manon Jeuland, Laetitia Haroutunian Sandra kerzanet, Laetitia Haroutunian Les Rencontres de Santé publique France 30-31 MAI 2017 Paris Centre universitaire www.rencontressantepubliquefrance.fr des Saints-Pères
Selon une étude de Santé publique France, les adolescents ont une connaissance incomplète des 4 repères nutritionnels et d’activité physique. Connaissance des repères nutritionnels par les élèves de cinquième de France métropolitaine Hélène Mathiot, élève ingénieure agronome à AgroParisTech, Angélique Nugier, J’ aime man- ger, j’aime bouger, le guide nutrition la vie et de la terre sont sollicités pour le relayer. Une étude a été menée, en 2015, afin d’évaluer l’impact de ce plan de L’ESSENTIEL ÇÇ Les repères les mieux connus des jeunes adolescents sont ceux relatifs chargée d’études scientifiques, aux fruits et aux légumes, au groupe pour les adoles- diffusion auprès des élèves des classes unité Nutrition et Activités viande‑poisson‑œuf et aux produits laitiers. cents [1], l’un des de cinquième. À cette occasion, à En revanche, la majorité d’entre eux ne sait physiques, huit guides d’infor‑ partir du PNNS, leur connaissance pas qu’il est recommandé de consommer Viêt Nguyen‑Thanh, mation du Pro‑ des repères nutritionnels suivants a des féculents à chaque repas et de pratiquer responsable de l’unité Addictions, Santé publique France. gramme national également été recueillie : consommer une heure d’activité physique par jour. nutrition santé au moins cinq fruits et légumes par (PNNS) [2], fait jour ; trois à quatre produits laitiers l’objet d’un plan par jour ; viande‑poisson‑œuf (VPO) de diffusion an‑ une à deux fois par jour ; des féculents Matériel et méthodes nuel par Santé publique France1 aux à chaque repas et selon l’appétit ; Un échantillon de 432 adolescents élèves des classes de cinquième. Dans et pratiquer une heure d’activité scolarisés en classe de cinquième et ce cadre, les professeurs de sciences de physique par jour. âgés en moyenne de 12,4 ans a répondu, LES PRATIQUES DE NUTRITION ET D’ACTIVITÉ PHYSIQUE DES 11‑14 ANS L’étude nationale nutrition santé, réalisée • 55 % déclaraient avoir consommé les adapté du Youth Risk Behaviour Surveil- en 2006‑2007 par l’Institut national de produits du groupe VPO une à deux fois par lance System3. veille sanitaire (désormais Santé publique semaine. Ces fréquences de consommation France), a évalué les consommations alimen‑ différaient peu entre les filles et les gar‑ 1. Institut de veille sanitaire. Étude nationale taires des français de 3 à 74 ans1 à partir çons (54 % contre 56 %) ; nutrition santé (ENNS),2006.Situation nutritionnelle en France en 2006 selon les indicateurs d’objectif et des données recueillies lors de trois rappels • 39 % des 11‑14 ans déclaraient avoir les repères du Programme national nutrition santé de 24 heures2. Dans ce cadre, un échantil‑ consommé des féculents entre trois et six (PNNS). Colloque du Programme national nutrition lon de 464 jeunes âgés de 11 à 14 ans fois par jour. Les filles étaient moins nom‑ santé (PNNS), 12/12/2007. Saint‑Maurice : InVS, 2007 : 68 p. En ligne : http://invs.santepublique‑ (227 filles et 237 garçons) a été interrogé. breuses que les garçons à atteindre ce re‑ france.fr//publications/2007/nutrition_enns/ Parmi les jeunes de 11 à 14 ans : père (33 % versus 45 %). RAPP_INST_ENNS_Web.pdf • 24 % déclaraient avoir consommé au • 60 % des 11‑14 ans ont déclaré avoir 2. Un diététicien appelait les sujets (sans les prévenir à l’avance pour éviter une modification moins cinq fruits et légumes par jour. Ces pratiqué au moins deux heures trente par des habitudes alimentaires) et leur demandait fréquences de consommation différaient semaine d’activité physique au moins de décrire le plus précisément possible tous les peu entre les filles et les garçons (25 % modérée (55 % chez les filles et 65 % chez aliments et boissons consommés la veille de l’entretien. La quantité de chaque consommation contre 23 %) ; les garçons). Parmi eux, 39 % (31 % chez était estimée grâce à un manuel de photographies • 42 % déclaraient avoir consommé trois à les filles et 46 % chez les garçons) prati‑ de portions, mesures ménagères ou grammages. quatre produits laitiers par jour. Les filles quaient au moins trois heures trente d’ac‑ 3. Grunbaum J.A., Kann L., Kinchen S., Ross J., Hawkins J., Lowry R. et al.Youth risk behavior sur‑ étaient moins nombreuses que les garçons tivité physique par semaine (soit trente veillance‑United States, 2003. The Morbidity and à atteindre ce repère (38 % contre 45 %) ; minutes par jour). Le questionnaire était Mortality Weekly Report, 2004, vol. 53, no 2 : p. 1‑96.
5 Figure 1 : Connaissance, par un échantillon d’adolescents de France métropolitaine scolarisés en classe de cinquième, des repères suivants du Programme national nutrition santé : fréquence de consommation journalière supposée de fruits et légumes, de produits laitiers, du groupe viande/ poisson/œuf, de féculents, ainsi que fréquence d’activité physique à pratiquer par jour pour être en bonne santé FRUITS/LÉGUMES PRODUITS LAITIERS Plus de 5 Ne sait pas Plus de 4 Ne sait pas 2% 1% 5% 3% Moins de 5 18 % Moins de 3 32 % ACTIVITÉ PHYSIQUE Alimentation et activité physique chez les adolescents Ne sait pas Moins de 15 min De 3 à 4 3% 4% 5 79 % 60 % 2 h et plus 9% De 15 min à moins Plus d’1 h de 30 min à moins de 2 h 22 % VIANDE/POISSON/ŒUF Ne sait pas FÉCULENTS 7% Ne sait pas 4% 3 fois ou plus 4% Plus de 3 De 30 min 7% 4% 1h à moins d’1 h Moins de 1 33 % 22 % Moins d’1 fois 14 % 22 % 3 15 % De 1 à De 2 à moins moins de 2 de 3 fois 37 % 26 % De 1 à 2 fois 67 % Note : N = 432. Les cercles représentent les réponses conformes aux repères PNNS. Résultats après conversion en jour des réponses formulées par semaine ou par mois. Questions analysées : « À ton avis, combien de fruits et légumes/produits laitiers/VPO/féculents faut‑il manger par jour, par semaine ou par mois pour être en bonne santé ? » et « À ton avis, combien de temps par jour, par semaine ou par mois faut‑il pratiquer une activité physique pour être en bonne santé, que ce soit de la marche ou du vélo pour se rendre d’un endroit à un autre ou du sport ? » à domicile et après accord des parents, Des progrès sensibles, à un questionnaire en face à face entre une information à poursuivre 1. Santé publique France réunit l’Institut national Nutrition le 29 avril et le 13 juin 2015. La repré‑ Dans le cadre du Baromètre santé de prévention et d’éducation pour la santé – Inpes, l’Institut de veille sanitaire – InVS et l’Établissement sentativité de l’échantillon a été assurée nutrition 2008,la connaissance des repères de préparation et de réponse aux urgences sani‑ par la méthode des quotas appliquée aux du PNNS des jeunes de 12 à 14 ans avait taires – Éprus depuis le 1er mai 2016. variables suivantes : le sexe, l’académie, été interrogée [3]. Bien que les variations la catégorie socio‑professionnelle du de méthodologies et d’effectifs des études chef de famille et la catégorie d’agglo‑ nous invitent à une certaine prudence mération. Les résultats ont été redressés dans la comparaison des résultats, on concernant ces quatre variables ainsi constate que dans les deux études, les RÉFÉRENCES que l’âge et le statut public ou privé de repères les mieux connus étaient ceux BIBLIOGRAPHIQUES l’établissement scolaire. relatifs aux fruits et légumes et au groupe VPO, et le repère le moins connu Résultats concernait les féculents. Par rapport aux Le repère « Au moins cinq fruits résultats obtenus dans le Baromètre santé [1] Institut national de prévention et d’éducation LA SANTÉ EN ACTION – No 437 – Septembre 2016 et légumes par jour » était connu de nutrition,on observe,en 2015,une connais‑ pour la santé. J’aime manger, j’aime bouger. Le 81 % des jeunes interrogés, celui du sance légèrement supérieure des repères guide nutrition pour les ados. Saint‑Denis : Inpes, groupe VPO de 67 % d’entre eux, celui fruits et légumes (81 % contre 78 %), 2004 : 24 p. En ligne : http://inpes.santepublique‑ du groupe produits laitiers de 60 % des VPO (67 % contre 63 %), féculents (19 % france.fr/CFESBases/catalogue/pdf/747.pdf élèves. 19 % connaissaient le repère contre 14 %) et activité physique (38 % [2] Ministère du Travail, de l’Emploi et de la Santé. des féculents et 38 % celui concernant contre 36 %) et largement supérieure Programme national nutrition santé 2011‑2015. l’activité physique (voir figure 1). du repère produits laitiers (60 % contre Paris : ministère du Travail, de l’Emploi et de la La seule différence notable observée 36 %). Ces résultats, à mettre en lien Santé, 2011 : 63 p. En ligne : http://social‑sante. dans notre étude entre les connais‑ avec les comportements relevés dans les gouv.fr/IMG/pdf/PNNS_2011‑2015.pdf sances des filles et celles des garçons enquêtes les plus récentes (voir encadré [3] Escalon H., Beck F., Bossard C. Baromètre santé portait sur le repère VPO, que les filles page ci-contre), incitent à poursuivre les nutrition 2008. Saint‑Denis : Inpes, coll. Baromètres connaissaient un peu mieux que les efforts d’information des jeunes Français santé, 2009 : 424 p. En ligne : http://inpes.sante garçons (72 % versus 62 %). sur les repères nutritionnels. publiquefrance.fr/CFESBases/catalogue/pdf/1270.pdf
Des facteurs individuels, sociaux et environnementaux jouent un rôle dans la pratique d’une 6 activité physique régulière chez l’enfant. Une approche socio-écologique pour la promotion de l’activité physique et la réduction de la sédentarité des adolescents N Julie-Anne Nazare, ous sa Sédentarité croissante L’ESSENTIEL maître de conférences, vons que De plus, on ne peut ignorer Centre de recherche la promo aujourd’hui l’augmentation du com ÇÇ La pratique de l’activité physique dépend en nutrition humaine de l’individu et aussi très fortement de son tion de l’activité portement sédentaire, un élément Rhône-Alpes, environnement, familial, social, géographique. physique et la moins connu ou moins identifié par laboratoire de recherche ÇÇ Chez l’adolescent en particulier, l’aspect en cardiovasculaire, réduction durable les adultes et les enfants, bien qu’il attrayant de la pratique et la motivation métabolisme, diabétologie de la sédentarité à puisse représenter jusqu’à la moitié du sont des critères favorables majeurs. et Nutrition (CarMeN), l’adolescence sont temps éveillé chez certains individus. ÇÇ L’étude Intervention auprès des collégiens université Claude-Bernard un enjeu de santé Le comportement sédentaire, comme centrée sur l’activité physique et la sédentarité Lyon-1. publique majeur, le fait de regarder la télévision, de (Icaps), unique en France, démontre au vu de l’épidé passer du temps devant un écran, que l’on peut augmenter le niveau de pratique d’activité physique des adolescents, initiative mie de surpoids de lire, etc., n’est pas simplement un mise en œuvre dans les collèges. et d’obésité obser niveau d’activité physique insuffisant vée chez l’adulte ou d’inactivité physique. En effet, de comme chez l’en plus en plus d’études nationales et fant (NDLR : en internationales indiquent que la France, l’obésité concernait 15% des sédentarité (de sedere, « être assis » l’information simple rencontrent peu adultes en 2012, contre 6,1% en 1980, en latin) et l’activité physique sont de succès sur le long terme, car elles source : Inserm). Les résultats de l’étude bien deux comportements distincts, sous-estiment les déterminants sociaux présentée ci-avant dans ce numéro qui alternent au cours de la journée et environnementaux. montrent que 38 % des adolescents et auraient un impact indépendant Les facteurs personnels ou intra- interrogés connaissaient les repères de sur la santé [1]. Ainsi, les données individuels, qu’ils soient innés ou l’activité physique (> 1 heure par jour). nationales et internationales récentes acquis – le sexe, l’âge, les facteurs bio Même s’il s’agit d’une minorité, il est suggèrent clairement que pour être logiques et génétiques, les capacités quand même intéressant de remarquer efficaces à long terme, les stratégies physiques, le niveau socio-économique –, qu’environ 30 % des enfants avaient de promotion de l’activité physique influencent les comportements des connaissance de l’existence d’un repère, doivent cibler non seulement l’exer enfants et des jeunes vis-à-vis de l’acti certes sous-évalué (de 30 minutes à cice et l’activité physique pendant les vité physique. On sait notamment que 1 heure par jour). Il faut cependant loisirs, mais également les activités si les garçons pratiquent plus d’activité bien noter que le niveau de connais de la vie quotidienne et la limitation physique, celle-ci commence à décliner sances des adolescents vis-à-vis des des activités sédentaires. dès l’adolescence quel que soit le sexe ; repères « Activité physique » n’est pas c’est donc une période cruciale pour forcément le reflet de leur niveau ni Les facteurs individuels agir. D’autres facteurs psychologiques de leur fréquence de pratique. Les Pour ce faire, il faut donc consi – croyances, image de soi et confiance recommandations chez les enfants dérer et cibler l’ensemble des acti en soi, ressentis, obstacles perçus – sont de minimum 60 minutes par jour vités de l’adolescent en intégrant le jouent un rôle dans la pratique d’une d’activité physique d’intensité modérée contexte social, culturel, physique et activité physique régulière et dans son ou élevée, sous forme d’éducation phy organisationnel, c’est-à-dire la niche maintien. Si un jeune ressent qu’il a les sique à l’école, de sport ou d’exercice lors écologique dans lequel il évolue. En capacités pour pratiquer une activité, d’activités extra-scolaires, de jeux, de effet, les stratégies de prévention qui il sera d’autant plus motivé et pourra transport actif ou toute autre activité s’appuient uniquement sur les fac plus facilement surmonter les obstacles de la vie quotidienne. teurs individuels, la motivation ou réels ou perçus lors des exercices.
7 De plus, l’aspect attrayant, ludique poids excessive chez les adolescents, en a diminué de près de 50 % le risque de de la pratique est bien sûr un critère ciblant les collégiens dans leur milieu passer en surpoids au terme des quatre majeur. Le plaisir perçu, la motivation de vie [2, 3]. Le programme, fortement années de suivi. De façon intéressante, jouent un rôle très important. Plus les ancré dans les établissements sco les effets bénéfiques de l’interven adolescents prendront plaisir à pratiquer laires et doté d’une stratégie intégrant tion (diminution de la sédentarité, une activité, plus les chances de la de nombreux partenaires, s’appuyait transport actif, activité physique) ont maintenir à l’âge adulte seront grandes. sur la perception, la motivation et les été maintenus pendant deux ans et connaissances des élèves vis-à-vis de demi après l’arrêt de l’intervention. L’environnement social l’activité physique, de leur environne Certains facteurs ont été identifiés et physique ment social (familles, enseignants), comme médiateurs significatifs des L’environnement social des jeunes de leur environnement physique et effets observés : une attitude positive joue aussi un rôle majeur dans l’acqui également de leur perception de ces vis-à-vis de l’activité physique, le support sition d’un comportement actif au derniers. Les actions étaient concertées, social et la modification de perception quotidien : la famille, les amis, les ensei co-construites avec les enfants, pour de leur environnement par les élèves [3]. gnants, les éducateurs, etc. représentent favoriser la participation de tous les Cibler à la fois les facteurs individuels, le support social vis-à-vis de l’activité adolescents au programme. sociaux et environnementaux des ado physique ou de moins d’activités séden lescents a permis de modifier, à long taires via leur comportement, leur Pour promouvoir la motivation, terme, le comportement des adolescents motivation, la transmission de valeurs, l’adhésion et le plaisir des jeunes, vis-à-vis de l’activité physique et du leur pratique personnelle, les encoura des animations physiques variées, comportement sédentaire, avec un gements, l’expérience. À l’adolescence, ludiques et facilement accessibles effet bénéfique sur leur état de santé. Activité physique chez les adolescents le soutien des amis, la convivialité leur étaient proposées. Ils ont ainsi Cette étude, originale, indique que la deviennent un moteur favorisant le gagné en estime d’eux–mêmes, ce qui prise en compte de l’individu dans plaisir associé à l’activité physique. les a incités à être plus actifs et à son environnement social et physique s’engager dans de nouvelles activités. est un levier majeur de réussite des Les facteurs environnementaux, plus La participation des parents et leur programmes de promotion de l’activité particulièrement l’école et la maison, implication ont été encouragées via des physique et de réduction de la séden sont des déterminants prépondérants du réunions d’information, des journées tarité à long terme. comportement des enfants. Le type de familiales actives. Ils étaient les relais logement et son organisation : le nombre des interventions des enseignants d’écrans à disposition, l’utilisation et éducateurs, en dehors de l’école. familiale de véhicules motorisés ou de Des actions dans et autour de l’école vélos, le quartier de résidence (acces ont été proposées pendant les cours sibilité, trajet école-maison, sécurité, d’éducation physique, les récréations, RÉFÉRENCES Nutrition proximité de pistes cyclables, parcs, les temps périscolaires, en favorisant BIBLIOGRAPHIQUES chemins, etc.) ; l’école : le type d’activité l’accessibilité des équipements sportifs. proposée lors des cours d’éducation Le programme ciblait aussi les temps physique, l’encadrement ou encore les de déplacements de la vie quotidienne équipements disponibles en cours de et les activités de la vie familiale, avec [1] Ekelund U., Steene-Johannessen J., Brown W.J., récréation… en d’autres termes, les poli notamment l’accompagnement par des Wang Fagerland M., Owen N., Powell K.E. et al. Does tiques d’aménagement et de transport éducateurs sur les premiers trajets hors physical activity attenuate, or even eliminate, the urbain, les programmes scolaires, les école à vélo, à pied ou en trottinette. detrimental association of sitting time with morta- politiques nationales de santé publique Un environnement sécurisé pour les lity? A harmonised meta-analysis of data from more sont autant de facteurs susceptibles déplacements à pied ou en vélo peut than 1 million men and women. The Lancet, 2016. d’influencer la pratique des jeunes. faciliter le choix du passage du transport En ligne : http://www.thelancet.com/pdfs/journals/ actif dans le quotidien pour les enfants lancet/PIIS0140-6736(16)30370-1.pdf La preuve par Icaps et leurs parents. [2] Simon C., Kellou N., Dugas J., Platat C., Copin N., LA SANTÉ EN ACTION – No 437 – Septembre 2016 C’est dans cette perspective que Schweitzer B. et al. A socio-ecological approach l’étude Intervention centrée sur Résultat : augmentation promoting physical activity and limiting sedentary l’activité physique et la sédentarité de l’activité physique behavior in adolescence showed weight benefits (Icaps) des collégiens, combinant des et réduction pérenne maintained 2.5 years after intervention cessation. approches éducationnelles, sociales de la sédentarité International Journal of Obesity, 2014, vol. 38, no 7 : et environnementales, a été déployée À la fin du programme, les collégiens p. 936-943. En ligne : http://www.nature.com/ijo/ en intégrant simultanément les dif du groupe « Action » bénéficiant du journal/v38/n7/pdf/ijo201423a.pdf férents paramètres pour cibler les programme d’intervention pratiquaient [3] Kellou N., Sandalinas F., Copin N., Simon C. adolescents dans leur environnement. 66 minutes d’activité physique de loi Prevention of unhealthy weight in children by promo- L’Icaps a démontré qu’il était possible sirs de plus par semaine et passaient ting physical activity using a socio-ecological d’augmenter la pratique d’activité phy 16 minutes de moins par jour devant approach: What can we learn from intervention stu- sique, de réduire les comportements un écran de télévision que les adoles dies? Diabetes & Metabolism, 2014, vol. 40, no 4 : sédentaires et de prévenir une prise de cents-témoins. De plus, l’intervention p. 258-271.
8 Accompagner Dossier le développement du jeune enfant L Dossier coordonné par a petite enfance attentes sur le monde physique, mais Christine César, est une période il possède aussi des attentes précises chargée d’expertise scientifique, cruciale dans la sur le comportement d’autrui. À unité petite enfance, construction de 18‑21 mois par exemple, ce qui compte Enguerrand du Roscoät, responsable de l’unité santé mentale, l’individu, et les évé‑ pour son bon développement, c’est le Thierry Cardoso, nements vécus dans temps passé à faire quelque chose responsable de l’unité petite enfance, cette période sont ensemble, avec les parents et l’entou‑ direction de la Prévention susceptibles d’avoir rage. À chaque âge ses formes d’inte‑ et de la Promotion de la santé, des influences sur le ractions les plus à même de faire Santé publique France. long terme. C’est progresser l’intelligence de l’enfant. dans la première L’importance d’accompagner et de année de vie que se soutenir le petit enfant dans sa moti‑ développent des vation naturelle à découvrir le monde acquisitions senso‑ dans lequel il évolue à travers sa per‑ rielles, motrices et ception sensorielle est ainsi essentiel. intellectuelles essentielles, notamment pour interagir avec son milieu physique Ce dossier central est consacré à la et social. Comme l’expliquent les périnatalité et la petite enfance jusqu’à experts que nous avons sollicités, les 3 ans. L’objectif est de mettre à dispo‑ travaux précurseurs de Spitz, Bowlby sition des professionnels un corpus de et Brazelton ont révélé à quel point connaissances récentes, relatives d’une l’environnement social et affectif est part au développement de l’enfant et vital pour le petit humain. Le bébé de d’autre part à l’influence des détermi‑ quelques mois a non seulement des nants socio‑environnementaux sur ce
9 fiques récentes – ne doivent pas induire enceinte aux premières années de en erreur : elles n’ont pas de valeurs l’enfant. Ainsi, dans certains services prédictives à l’échelle d’un individu, mais de grands hôpitaux publics de l’Hexa‑ elles visent à identifier des contextes gone, les professionnels se rendent, en de développement globalement favo‑ consultations itinérantes, au domicile rables ou défavorables à l’échelle d’une de l’enfant et de sa famille afin d’épauler population. les parents qui font face à d’impor‑ tantes difficultés. Même démarche L’importance des déterminants itinérante au sein de certaines PMI, environnementaux dans des territoires privés de structures Les contextes sociaux exercent adaptées. Point fort de consensus : la très tôt une influence sur la santé nécessité absolue du travail en réseau future des individus avec des inégalités entre les différents professionnels sociales de santé observées dès la petite intervenant en périnatalité auprès enfance. Une enquête présentée dans de l’enfant et de sa mère ou, plus lar‑ Accompagner le développement du jeune enfant ce dossier montre que les difficultés gement, de sa famille. Travailler en afférentes à la précarité sociale sont réseau aux étapes précoces de la vie insuffisamment prises en compte dans est un état d’esprit. Le réseau facilite le suivi médical de la grossesse ; que la connaissance mutuelle et permet ce suivi prend trop peu en compte les d’apprendre, puis de travailler ensemble. conditions socio‑économiques de vie Point de départ intangible : un tel de la mère ; qu’une femme enceinte réseau de soins est forcément amorcé confrontée à des problèmes de com‑ à partir de l’écoute de la future mère munication et d’orientation dans le et/ou du couple. Il s’agit d’un profond système de santé va faire face à des changement de culture, qui bouscule difficultés plus importantes pour son les identités professionnelles concer‑ suivi et à une grossesse plus difficile nées, du médical, de la psychiatrie et et plus à risque . du social. Cette démarche n’en est pas Par ailleurs, déterminant premier moins indispensable au profit de la © Mat Jacob / Tendance Floue des conditions de vie, les conditions mère, des parents, de la famille et en de logement jouent un rôle majeur tout premier lieu de l’enfant. dans la santé des enfants. Le nombre de familles à la rue avec enfant a aug‑ menté. Le « mal‑logement » conjugue La publication de ce dossier central souvent plusieurs risques : saturnisme, « petite enfance » coïncide avec un ren- humidité, insalubrité, précarité énergé‑ forcement de l’engagement de Santé pu- Dossier développement, dans une optique de tique, etc. Vivre dans un logement sur‑ blique France dans le champ de la péri- prévention et de promotion de la santé. peuplé aggrave de 40 % le risque pour natalité et de la petite enfance. En effet, À cet égard, il convient de rappeler un enfant de 11 à 15 ans d’accuser une dès sa création début 2016, la nouvelle à quel point, dans cette période de année de retard scolaire. Pour autant, il agence nationale de santé publique1 s’est périnatalité et de petite enfance, le n’y a pas de fatalité, l’expérience montre investie de façon importante dans ce do- développement de l’enfant s’appuie qu’une politique adaptée permet de maine en créant une unité chargée de la sur les interactions qu’il entretient faire reculer rapidement les atteintes périnatalité et de la petite enfance au sein avec les adultes qui l’entourent et en à la santé des enfants. de la nouvelle direction de la Prévention premier lieu avec ses parents. Enfin, et de la Promotion de la santé ainsi qu’un ce dossier aborde la prise en compte Indispensable travail en réseau programme intégré de surveillance épidé- des inégalités sociales de santé dans le La seconde partie du dossier exa‑ miologique et de prévention. Cette unité LA SANTÉ EN ACTION – No 437 – Septembre 2016 développement de l’enfant. mine dans quelle mesure ce constat aura en charge le développement d’une La première partie est consacrée – de l’impact très précoce des environ‑ stratégie de prévention et de promotion de à l’état des connaissances scienti‑ nements sur l’état de santé futur – est la santé – en lien avec les nombreux acteurs fiques. Sont présentées les données pris en compte dans les pratiques des engagés au quotidien dans l’accompagne- les plus récentes sur les grands déter‑ professionnels et des différents acteurs ment de l’arrivée et du développement du minants (attachement, relation avec du champ de la périnatalité et de la jeune enfant – pour toute la population et les parents, etc.) de la construction petite enfance. Nous avons analysé sur l’ensemble du territoire national. sociale et psychologique de l’enfant dans quelle mesure les dispositifs et de leurs impacts sur la santé à l’âge publics de droit commun, comme les 1. Santé publique France réunit l’Institut de adulte. Toutefois, comme le soulignent PMI et les hôpitaux, mais aussi des veille sanitaire (InVS), l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes), les chercheurs que nous avons mis dispositifs plus spécifiques, prennent l’Établissement de préparation et de réponse à contribution, ces données – dont en charge la petite enfance et plus aux urgences sanitaires (Éprus) et Addictions, certaines sont le fruit d’études scienti‑ largement la périnatalité, de la femme drogues, alcool info service (Adalis).
Des études scientifiques récentes montrent que les événements stressants vécus durant la petite 10 enfance peuvent avoir un impact négatif sur la santé de l’adulte. Comment les facteurs socio‑environnementaux durant l’enfance influencent‑ils la santé au cours de la vie ? L Michelle Kelly‑Irving, es études sur interactions entre les individus et leurs gage et la parole et, pour les fonctions chargée de recherche, les inégalités environnements, d’élucider la transi‑ cognitives supérieures, durant les dix Inserm‑Research unit for sociales de tion du social vers le biologique. Ce premières années de la vie [5]. Cette epidemiology and public health, santé (ISS) consti‑ processus d’incorporation biologique plasticité, largement démontrée à la UMR1027 ‑ Social epidemiology team, tuent un champ de se produit quand l’expérience sociale, fois au niveau épidémiologique et au Faculté de médecine, université recherche crois‑ humaine, biographique pénètre « sous niveau biologique sur des modèles ani‑ Paul‑Sabatier, Toulouse. sant et dynamique, la peau » et, par l’intermédiaire des maux, repose sur le fait qu’au cours de Cyrille Delpierre, et la réduction des mécanismes biologiques, influence le phases sensibles du développement, les directeur de recherche, ISS représente une développement biologique humain [2]. conditions environnementales peuvent Inserm‑Research unit for priorité en santé C. Hertzman observe que la structu‑ avoir des effets biologiques sur le long epidemiology and public health, p u b l i q u e en ration sociale des différents milieux terme. L’interaction entre les enfants et UMR1027 ‑ Social epidemiology France, caractéri‑ environnementaux peut conduire à leur environnement immédiat, surtout team, sée par une de‑ des états biologiques et développe‑ relationnel et matériel, contribue donc Faculté de médecine, université Paul‑Sabatier, Toulouse. mande de plus en mentaux socialement structurés [3]. à forger l’architecture cérébrale et, en plus explicite de Cette incorporation biologique est une conséquence, leurs capacités cognitives Thierry Lang, directeur, connaissances dynamique continue tout au long de et leurs fonctions physiologiques. En Institut fédératif d’études et pour développer la vie, une interaction entre différents ce sens, la définition et la caractérisa‑ de recherche interdisciplinaires des interventions éléments de l’environnement et l’orga‑ tion de l’environnement psychosocial santé société (IFERISS), susceptibles de les nisme. La réponse biologique est en fait familial dans l’enfance constituent un équipe 5, UMR1027 réduire, surtout une adaptation à un environnement défi important. Inserm‑Université Paul‑Sabatier, dans une période présent, à un temps donné, et elle est département d’épidémiologie de crise écono‑ construite en partie par des réponses Les conditions défavorables et santé, Faculté de médecine, Toulouse. mique [1]. précédentes. durant l’enfance et la santé Les détermi‑ adulte nants sociaux L’environnement durant Des travaux épidémiologiques ont peuvent avoir une l’enfance et la construction mis en évidence le rôle de l’adversité influence toute particulière sur l’état des inégalités sociales de santé psychosociale durant l’enfance sur la de santé futur en cas d’expositions Les premières années de la vie santé à long terme. Il s’agit d’événe‑ précoces à certains déterminants constituent une séquence de phases ments stressants dans la vie de l’enfant, sociaux délétères durant la période développementales essentielles à la tels que des dysfonctionnements fami‑ fœtale ou l’enfance. Les maladies trajectoire de santé ultérieure [4]. liaux, des séparations parentales, des de l’adulte y trouvent en effet une Cette étape est fondamentale, car négligences physiques, des abus phy‑ part de leurs origines. Une difficulté elle est constituée de périodes sen‑ siques et sexuels ou encore le fait d’être majeure est de comprendre la façon sibles pendant lesquelles se forme le témoin de violences. Ces épreuves ont dont ces déterminants s’enchaînent cerveau humain, caractérisées par des été liées à de nombreux pathologies depuis l’enfance et influencent l’état capacités de plasticité plus élevées qu’à chroniques de l’âge adulte [6]. Cette hy‑ de santé, construisant ainsi les ISS [1]. des périodes ultérieures de la vie. C’est pothèse a été testée dans une étude de La mise en évidence de ces chaînes de au cours de la première année que se cohorte qui a suivi jusqu’à aujourd’hui causalité implique de comprendre les développent l’appareil sensoriel, le lan‑ plusieurs milliers de personnes, nées
11 L’ESSENTIEL augmentait avec l’intensité de l’exposi‑ fréquents – notamment le tabagisme tion. La probabilité de décéder préma‑ et, dans une moindre mesure, un indice ÇÇ C’est pendant la première année turément augmentait de 66 % chez les pondéral en dehors des normes – et de vie que se développent l’appareil femmes exposées à une adversité et de par un faible niveau socio‑économique sensoriel, le langage et la parole. 80 % chez celles exposées à au moins à l’âge adulte, sans que ces facteurs ÇÇ Un environnement favorable chez l’enfant influe sur sa santé globale deux adversités, par rapport à celles suffisent à expliquer l’ensemble du et, plus tard, sur sa santé d’adulte. qui n’en avaient pas vécu [8]. La prise lien observé. Élément essentiel pour A contrario, l’adversité à laquelle en compte des facteurs de confusion montrer l’importance de la CA, il a été l’enfant fait face est un facteur et de médiation modifiait peu l’asso‑ montré qu’une charge allostatique plus potentiel d’altération de santé à l’âge ciation entre adversité et mortalité. élevée à l’âge de 44 ans était liée à une adulte. Les déterminants sociaux Ces résultats, fondés sur un critère santé globale moins bonne à 50 ans [12]. ont un impact sur la santé future. de jugement bien défini, renforcent ÇÇ Ces données épidémiologiques et biologiques nouvelles ne doivent pas la plausibilité de l’hypothèse d’une Des pistes pour entraver induire en erreur. Elles n’indiquent incorporation biologique de l’envi‑ la construction des inégalités aucune prédiction individuelle ronnement, notamment pendant des sociales de santé ? Accompagner le développement du jeune enfant et ne comportent donc aucun périodes sensibles du développement. Ces données épidémiologiques et déterminisme personnel, écartant biologiques nouvelles ne doivent pas de ce fait toute idée de dépistage. Environnement défavorable induire en erreur. Elles n’indiquent durant l’enfance et usure aucune prédiction individuelle et ne physiologique comportent donc aucun déterminisme Le concept d’usure physiologique personnel. Toute idée de dépistage en mars 1958 en Grande‑Bretagne. multisystémique, appelé « charge allos‑ doit donc être écartée. Les liens mis en L’adversité psychosociale a été mesurée tatique », est précieux afin de mieux évidence n’ont de valeur qu’au niveau par six dimensions – enfant placé en comprendre le lien biologique entre de groupes. Les conséquences à tirer institution ; enfant négligé par ses la réponse au stress chronique suscité de ces observations ne peuvent l’être parents sur le plan physique ; parent par les adversités et la santé. L’un des qu’en termes de prévention et de modi‑ en contact avec l’administration péni‑ mécanismes principaux mis en œuvre fication des conditions de vie des per‑ tentiaire ; séparation des parents suite par les organismes pour s’adapter à sonnes et des groupes, sans idée de suivi à un divorce, un décès ou une autre leur environnement consiste en des individuel. La variété des déterminants raison ; expérience familiale de la mala‑ systèmes de réponses au stress. Exposés évoqués dans ces travaux concerne die mentale ; expérience familiale de la à un stress chronique, ces systèmes aussi bien les conditions de vie de toxicomanie – ; elle a été codée en trois sont en état constant de « surchauffe ». l’enfance, que celles durant la grossesse catégories : aucune adversité (75 %), Cette usure physiologique de multiples ou les conditions socio‑économiques de une adversité (20 %), au moins deux systèmes, qui définit la charge allos‑ vie des familles. Les conséquences sont adversités (5 %). Après cinquante ans tatique (CA), est le prix à payer pour donc à chercher au sein de toutes les de suivi, la probabilité de déclarer avoir s’adapter à un environnement difficile. politiques, bien au‑delà des politiques Dossier eu un cancer avant l’âge de 50 ans Selon B.S. McEwen, la pression exercée de santé, et il est indispensable de chez les femmes était deux fois et sur le corps par des alternances de pics mobiliser l’ensemble des acteurs pour demi plus élevée chez celles ayant été et de bas de la réponse physiologique des partenariats de promotion de la exposées à au moins deux adversités, et l’impact de l’usure sur un certain santé ; parmi eux, l’Éducation nationale par rapport à celles exposées à aucune nombre de tissus et d’organes peuvent est un partenaire privilégié, mais loin épreuve, après avoir pris en compte les prédisposer un organisme aux maladies. d’être exclusif. Deuxième grande consé‑ facteurs de confusion. Ces résultats Cet état est défini comme la charge quence, les politiques de santé visant suggèrent qu’une exposition adverse allostatique [9]. À l’âge de 44 ans, elle à prévenir les maladies chroniques pendant l’enfance pourrait constituer est liée à des expositions à des adver‑ et à réduire les inégalités sociales de pour les femmes un facteur de risque sités psychosociales durant l’enfance santé doivent se penser à l’échelle de de cancer à l’âge adulte. La persistance ainsi qu’au niveau socio‑économique quelques décennies, dans la mesure où LA SANTÉ EN ACTION – No 437 – Septembre 2016 d’un lien, même après prise en compte des premières années de vie, estimé les décisions de politiques publiques des facteurs de confusion et des fac‑ par le niveau d’études de la mère, la prises aujourd’hui vont influencer l’état teurs de médiation les plus connus, catégorie socioprofessionnelle du père. de santé dans plusieurs décennies. conforte l’idée d’un rôle biologique Les individus ayant été confrontés à S’agissant de l’enfance, la question direct de l’adversité sur la survenue plus de deux adversités psychoso‑ des cancers [7]. ciales dans l’environnement familial Dans une deuxième étude sur la durant leur enfance [10] comme ceux « PLACER LES PARENTS même cohorte, le risque de décès pré‑ dont les parents avaient une position DANS LES CONDITIONS maturé chez les hommes était plus socio‑économique basse [11] avaient PSYCHOSOCIALES élevé (+ 57 %) chez ceux qui avaient une CA plus élevée à 44 ans. Ce lien ET ÉCONOMIQUES connu au moins deux adversités par entre environnement adverse et TELLES QU’ILS PUISSENT rapport à ceux qui n’avaient pas été score de CA élevé était expliqué par ASSURER AU MIEUX exposés. Chez les femmes, le risque des comportements à risques plus LEUR RÔLE PARENTAL. »
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