Profil genre République du Congo Analyse de la situation des filles et des femmes - The European Union's programme for the Republic of Congo - EEAS

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Profil genre République du Congo Analyse de la situation des filles et des femmes - The European Union's programme for the Republic of Congo - EEAS
The European Union’s programme
       for the Republic of Congo

      Profil genre
  République du Congo

Analyse de la situation des
   filles et des femmes

                                    1
PROFIL GENRE
                   RÉPUBLIQUE DU CONGO

Analyse de la situation des filles et des femmes en
               République du Congo

                                    Marie Nilsson, janvier 2017
                               Traduit en français par July Bashir Hanif

« Le contenu de la présente publication relève de la seule responsabilité de Marie Nilsson, experte en
Genre, et ne peut en aucun cas être considéré comme reflétant l’avis de l’Union européenne. »

                                                   1
Contents
Sommaire.............................................................................................................................. 4
   Introduction ...................................................................................................................... 4
   Conclusions ....................................................................................................................... 5
   1. Contexte ........................................................................................................................ 7
   2. L'égalité de genre en République du Congo ................................................................... 8
   3. L'Union européenne et l'égalité de genre .................................................................... 15
   4. L’UE en République du Congo ...................................................................................... 17
Deuxième partie : Résultats ................................................................................................. 19
   5. Droits de l’Homme ....................................................................................................... 19
   6. L’éducation .................................................................................................................. 26
   7. La santé ....................................................................................................................... 30
   8. L’assainissement .......................................................................................................... 34
   9. Agriculture ................................................................................................................... 39
   10. Commerce et Petites et Moyennes Entreprises (PME) ............................................... 42
   11. Secteur forestier ........................................................................................................ 47
   12. Le thème transversal de la participation .................................................................... 50
   13. Le thème transversal des données désagrégées par sexe et par âge .......................... 54
Troisième partie : Conclusions et recommandations ........................................................... 56
   14. Conclusions : Défis et Possibilités ............................................................................... 56
       15.1 Recommandations générales ............................................................................... 65
       15.2 Recommandations sectorielles ............................................................................. 66
       Les droits de l’homme .................................................................................................. 66
       La santé ....................................................................................................................... 67
       L’assainissement .......................................................................................................... 68
       L’agriculture................................................................................................................. 68
       Le commerce et PME.................................................................................................... 69
       La participation ............................................................................................................ 70

                                                                    2
Abréviations

AFD            Agence Française de Développement
CEEAC          Communauté Économique des États de l’Afrique Centrale
CEDAW          Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard
               des femmes
CNSEE          Centre National de la Statistique et des Études Économiques
DDSA           Données Désagrégées par Sexe et Âges
DEVCO          Direction-Générale de la Coopération internationale et du développement
               international
DSCERP         Plan National de Développement
ECOM           Enquête Congolaise auprès des Ménages
EUGAP          Plan d'action de l'Union européenne en matière de genre
FED            Fond européen du développement
FGD            Groupe de Discussion
FMI            Fond Monétaire Internationale
FNUAP          Fonds des Nations Unies pour la population
IDG            Indice de développement de genre
IDP            Personne déplacée Interne
LGBTIQ         Lesbien, Gay, Bisexuel, Transsexuel, Intersexuel and Queer
MGF            Génitales Mutilations féminines
MMR            Taux de mortalité maternelle
MPFIFD         Ministère de la Promotion de la Femme et de l'Intégration de la Femme au
               Développement
NU             Nations Unies
OCDE           Organisation de Coopération et de Développement Économique
ODD            Objectifs de Développement Durable
OGONG          Organisme gouvernemental Organisation non gouvernementale
OMD            L'objectif du Millénaire pour le développement
ONG            Organisation non gouvernementale
OSCF           Organisation de la société civile féminine
PCAD           Plan Cadre des nations Unies Pour le Développement
PIB            Produit Intérieur Brut
PME            Petite et moyenne entreprise
PMI            Petite et moyenne industrie
PNDS           Plan National de Développement de la Santé
PNUD           Programme des Nations Unies pour le Développement
REDD           Reducing Emissions from Deforestation and Forest Degradation
SEAE           Service européen pour l'action Extérieure
SIGI           Institutions Sociales et de l'Indice des Genres
UE             Union Européenne
UNCEA          Nations Unies Commission économique pour l'Afrique
UNESCO         Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture
UNHCR          Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés
VCFF           Violence Contre les Femmes et les Filles
VSBG           Violences Sexuelles et Basée sur le Genre

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Sommaire

Introduction
Cette étude se fonde sur une mission de 50 jours, dont 20 jours en République du Congo, par un
consultant international indépendant sous contrat avec la délégation de l'UE en République du
Congo. La méthodologie utilisée comprend une vaste étude documentaire, des entrevues semi-
structurées avec 45 organisations représentées par 35 femmes et 34 hommes, un sondage réalisé sur
354 personnes (228 femmes, 126 hommes) et 13 groupes de discussions différenciés par sexe
constitués de 99 femmes et 47 hommes dans les départements de Brazzaville, Kouilou, Sangha et
Pool.

En référence aux femmes congolaises, il est important de souligner qu'il ne s'agit pas d'un groupe
homogène avec des besoins identiques Les répondants ont évoqué les points de vue des filles dans
les écoles ou hors de l'école, les jeunes mères, les cultivatrices rurales, les femmes urbaines ayant de
bons revenus, les veuves, les cheffes de ménages, les femmes autochtones et les travailleurs du sexe.
Cela a conduit à une analyse des informations recueillies auprès des différentes sections.

Les inégalités entre les sexes sont répandues dans la République du Congo, et placent les femmes et
les filles dans une position moins favorable que les hommes et les garçons. Les femmes et les filles
ont moins de droits, moins d'informations, moins d'accès à toutes sortes de ressources et subissent
plus de violence sexiste que leurs homologues masculins. De fortes valeurs patriarcales et certaines
traditions placent les femmes dans une position subalterne de citoyennes de deuxième classe.

Il existe un cadre national pour lutter contre les inégalités entre les sexes, notamment une stratégie
nationale de promotion de l'égalité entre les sexes et un code de la famille révisé, mais la mise en
œuvre reste faible et se limite souvent aux projets ou aux programmes de moindre envergure. La
réponse des acteurs internationaux est à petite échelle et à court terme, et le financement des
organisations de la société civile est limité. Les organisations de femmes sont peu nombreuses et
éparpillées et sont rarement reconnues comme des acteurs possédant certaines informations clés
liées à la population congolaise. Les données ne sont pas collectées selon le sexe et l'âge, et peu
d'acteurs consultent les différents groupes de femmes au moment de leurs interventions.

Conclusions par secteur
Les droits humains des femmes sont violés à bien des égards. Les abus ne se limite pas seulement à
la violence sexuelle mais aussi à un manque d’accès à la justice. La violence domestique est très
répandue et se produit quotidiennement dans de nombreux foyers, souvent culturellement justifiée
par un mauvais comportement de la femme lorsqu’elle n’a pas remplie ses devoirs conjugaux. Les
mariages précoces ou forcés sont fréquents et un tiers des filles congolaises sont mariées avant l'âge
de 18 ans. Les veuves, les femmes autochtones et les adolescentes sont les groupes les plus
vulnérables.

Au niveau primaire et secondaire dans le système éducatif, le gouvernement congolais a mis en
place des mesures pour atteindre l'équilibre entre les sexes, mais l'accès à l'enseignement supérieur
reste faible pour les filles et les femmes. 60% des répondants de l'enquête pensent que
l'enseignement supérieur est réservé uniquement aux garçons. Les grossesses précoces, le manque
de sanitaires appropriés pour les filles et un fort taux d’harcèlement sexuel par des professeurs sont
des obstacles auxquels les filles sont confrontées pour suivre leurs études.

L'accès aux services de santé est très difficile pour les femmes, en particulier pour les femmes
autochtones qui sont marginalisées et considérées comme « impures ». Les femmes constituent en
outre la majorité des personnes vivant avec le VIH / SIDA ; un groupe qui est exclu de la société et
dont les droits fondamentaux sont réduits. Les femmes ont souvent besoin de l'autorisation de leur
                                                   4
mari avant d’utiliser les services médicaux ; services qui sont difficiles d'accès et de faible qualité. Ces
constats, combinés à des taux de fécondité élevés (4,6 enfants par femme), entraînent des taux
élevés de mortalité maternelle, malgré une proportion élevée de naissances assistées en République
du Congo.

L'assainissement (eau, gestion des déchets, hygiène) est pauvre en République du Congo, ce qui
affecte de manière disproportionnée les femmes, en tant qu'utilisatrices principales de l'eau. Les
femmes congolaises passent beaucoup de temps à chercher de l'eau, ce qui bloque le temps qui
pourrait être utilisé pour les activités génératrices de revenus. La collecte d'eau met aussi les femmes
et les filles dans une situation de vulnérabilité en les exposant à la violence sexuelle. L'accès
insuffisant à des sanitaires appropriés dans les écoles conduit à une mauvaise hygiène menstruelle.
En outre, les femmes ne sont pas représentées dans les plates-formes de prise de décision en
matière d'assainissement.

Même si les femmes sont souvent désignées comme le principal groupe cible de l'agriculture, les
femmes n'ont accès qu'à moins d'un tiers des terres cultivées. Le terrain qui leur est confié est
souvent de moindre valeur et situé dans la périphérie du village, ce qui leur donne une position
défavorable par rapport aux hommes. Les femmes ont un accès médiocre aux engrais, aux semences,
à l'irrigation, à la technologie et à l'information nécessaires à une agriculture productive. Il existe un
énorme potentiel pour investir dans une approche genrée de l'agriculture, en créant des liens solides
avec la sécurité alimentaire, la réduction de la pauvreté et pour renforcer le rôle et la participation
des femmes dans l'économie congolaise.

Dans le secteur du commerce et des petites et moyennes entreprises (PME), les femmes ne
représentent que le tiers des entreprises enregistrées, ce qui leur laisse peu de protection dans le
secteur informel. En outre, les femmes ont moins accès aux crédits que les hommes pour investir
dans l'entreprise, ce qui fait qu'elles doivent faire appel à des prêts informels et moins favorables.
Les femmes ont une connaissance insuffisante concernant la gestion d’une entreprise de manière
rentable, elles ont un faible accès au transport et à d'autres systèmes logistiques, comme les services
de garde d'enfants.

Le secteur forestier suit une division stéréotypée du travail, où les femmes ramassent du bois,
participent à la production alimentaire à partir de produits forestiers et se voient attribuer de plus
petites parcelles. Les hommes travaillent avec le bois et les grandes entreprises forestières, ce qui
leur donne un revenu plus élevé. Les femmes autochtones, vivant et travaillant dans la forêt, ont
encore moins de droits. Peu de femmes sont impliquées dans la prise de décision dans le secteur
forestier au Congo, malgré l'introduction de quota de 30% suite à la réponse gouvernementale
concernant la réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts dans les
pays en développement (REDD). En effet une étude réalisée en 2013 montre que seulement 20% des
participants de la société civile étaient des femmes dans le processus de la REDD.

La participation des femmes et des filles à la société est faible à tous les niveaux. Moins de 1% de
tous les chefs de village au Congo sont des femmes et seulement 10,5% des parlementaires sont des
femmes. La prise de décision est considérée comme une tâche masculine avec 44% des répondants
indiquant que les décisions importantes doivent être prises par un homme. 41% sont entièrement
d'accord sur le fait que le leadership est réservé aux hommes. Les femmes et les filles ne disposent
pas des plates-formes pour répondre à leurs besoins, et elles sont rarement consultées dans les
programmes.

Conclusions
La délégation de l'UE pourrait jouer un rôle central dans la transformation des vies des femmes et
des filles congolaises, en leur fournissant une voix et une action. Pour devenir un acteur significatif
                                                     5
en matière d'égalité des sexes, la délégation de l'UE doit renforcer ses capacités internes en matière
d'égalité des sexes et introduire des routines sensibles au genre, la collecte de données désagrégées
par sexe et âge, l'utilisation et l’inclusion des femmes et des filles comme source d’informations
dans des analyses liées au genre.

Les garçons et les hommes ont besoin d'être impliqués, et de prendre une plus grande
responsabilité, dans la lutte contre les inégalités entre les sexes en République du Congo. L'inégalité
entre les sexes est perçue comme une thématique ayant des conséquences pour les femmes et les
filles uniquement. Peu d'interventions se concentrent sur les actions préventives, par exemple pour
prévenir la violence à l'égard des femmes (y compris, mais non exclusivement, la violence sexuelle)
ou via des campagnes de sensibilisation aux aspects négatifs de ce type de masculinité.

La réponse gouvernementale s'appuie principalement sur le ministère chargé de l'égalité des sexes
au sein du Ministère de la Promotion de la Femme et de l'Intégration de la Femme au
Développement (MPFIFD). Malgré l’existence d'un système de points focaux de genre dans les autres
ministères, ce service n’est présent qu’au MPFIFD. La légalisation et les stratégies nationales en
matière d'égalité des sexes ont été élaborées et mises à jour, mais la mise en œuvre reste faible et
fragmentée. La politique nationale Genre est actuellement en révision pour une mise à jour.

La société civile, en particulier les organisations de femmes, pourrait jouer un rôle plus important
pour renforcer les droits des femmes et des filles au Congo, mais souffre de mode de financement à
faible et à court terme. Peu de donateurs investissent dans une approche multisectorielle à long
terme pour lutter contre les inégalités entre les sexes. La connaissance unique et approfondie que les
organisations de femmes possèdent sur la vie des femmes et des filles doit pourtant être considérée
comme une information essentielle dans les analyses, le développement de nouveaux programmes
ou dans les évaluations. Les organisations féminines ont en outre un accès direct aux femmes et aux
filles elles-mêmes, qui pourraient agir comme informatrices clés pour exprimer leurs besoins et leurs
souhaits, notamment dans les secteurs non sociaux tels que l'infrastructure, les transports, l'énergie
et le commerce.

Quelles sont les causes des inégalités entre les sexes dans la société congolaise ? La pauvreté est l'un
des facteurs, mais à elle seule n’explique pas les inégalités de genre qui se sont répandues au Congo.
La mauvaise gouvernance, les faibles allocations budgétaires et le faible recours à la loi pour protéger
les femmes et les filles sont autant d'autres causes. Dans ces facteurs on trouve également le
manque d'élections libres et transparentes ainsi qu'un faible degré de mise en œuvre des politiques
et des stratégies relatives au genre. Les normes sociales (culture, tradition, religion) qui placent les
hommes et les garçons au centre du développement et imposent des restrictions à la vie des femmes
et des filles, alimentent davantage ces inégalités. Ces conceptions et traitements défavorables aux
femmes et aux filles sont justifiés par la culture, qui est par ailleurs perçue comme statique et
immuable. Les normes sociales incluent également les formes négatives de masculinité qui se
manifestent chez les hommes et les garçons qui doivent prouver leur supériorité, souvent sous la
forme de violence. La crise financière qui frappe actuellement le Congo, ainsi que le conflit armé
dans le département de Pool, posent encore des obstacles concrets à l'égalité entre les sexes dans la
société congolaise. Cette crise affaiblit les ressources disponibles des secteurs sociaux et repousse le
sujet de l’égalité entre les sexes des ordres du jour, pour être traité « plus tard ». Les femmes et les
filles congolaises sont affectées de manière disproportionnée par la situation actuelle dans le pays,
avec des niveaux de violence sexuelle accrus et un faible degré de priorité au sein des ménages. La
République du Congo peut s’épanouir en trouvant des solutions pacifiques et en luttant contre la
pauvreté, en utilisant et en maximisant le potentiel des femmes et des filles tout en valorisant leur
travail aux mêmes titres que les hommes. Cela exige toutefois que les hommes et les garçons
changent leurs visions, leurs attitudes et leurs comportements envers les femmes et les filles et que
les formes négatives de masculinité soient traitées et transformées.
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Première partie: Introduction

Ce chapitre énoncera l'étude et présentera le cadre sectoriel et géographique. Il présentera en outre
un aperçu de la scène de l'égalité des sexes en République du Congo présentant le cadre législatif
pertinent, les politiques et stratégies nationales concernant les femmes et les filles dans le pays.
Enfin, ce chapitre donnera une brève description concernant le travail de l’Union Européenne ainsi
que son Plan d'action et ses domaines prioritaires concernant le genre en République du Congo.

1. Contexte

1.1 Cadre et objectifs

L'objectif de cette mission exprimé par l'UE est d'étudier les inégalités entre les sexes en République
du Congo en mettant l'accent sur les principaux obstacles et barrières auxquels les femmes et les
filles sont confrontées tant dans la sphère publique que dans la sphère privée. Pour comprendre les
besoins des femmes et des filles congolaises et étudier les réponses à ses besoins, il est essentiel
d'identifier et de cartographier les principaux défis. L'étude fournit une analyse des informations
recueillies et, lorsque cela a été possible, les données désagrégées par sexe dans les secteurs et les
thèmes sur lesquels la délégation de l'UE est active en République du Congo.

L'étude sera utilisée par la délégation de l'UE à Brazzaville dans l'évaluation et la programmation de
ces interventions en matière de développement en République du Congo. Elle sera en outre utilisée
dans la mise en œuvre et la présentation du plan d'action de l'UE en matière de genre (EUGAP).

Les objectifs particuliers sont les suivants :

       Identifier les inégalités liées au Genre dans les secteurs du commerce et de
        l'entreprenariat, (particulièrement auprès des PME et PMI), des droits de l'Homme, de
        l'éducation et de la santé.
       Identifier les inégalités liées au Genre dans les secteurs de l'Agriculture, de la Forêt et du
        Bois, et de l'assainissement.
       Identifier les synergies de la société civile dans l'amélioration des conditions de la fille et de
        la femme.
       Orienter la Délégation de l’UE et les États membres sur la réalisation des objectifs du pays
        en matière d’égalité des sexes.
       Nommer les avancées législatives et institutionnelles en faveur de l'égalité des sexes, et en
        appui aux priorités nationales.

L'étude a été réalisée par un consultant international pendant 50 jours entre novembre 2016 et
février 2017, dont 20 jours passés en République du Congo. Les résultats sont basés sur une vaste
étude documentaire, un sondage réalisé auprès de 354 répondants (228 femmes et 126 hommes),
près de 45 entrevues semi-structurées avec 35 femmes et 34 hommes ainsi que 13 groupes de
discussion (99 femmes et 47 hommes), en total 569 répondants. Une description détaillée de la
méthodologie, y compris une présentation des répondants, se trouve à l'annexe 1.

    1.2 Cadre géographique

Cette étude couvre à la fois la perspective nationale, à travers la capitale Brazzaville et les trois
départements de Pool, Sangha et Kouilou. Dans le cadre de la perspective nationale, le cadre
juridique, les stratégies nationales et les institutions ont été évalués. En outre, la capitale est
également le lieu des sièges des organisations clés de la société civile ainsi que des agences des
                                                    7
Nations Unies, des donateurs et des institutions académiques. Les départements sélectionnés
couvrent différentes régions du pays et sont représentatif de la diversité des sociétés urbaines, semi-
urbaines et rurales. Au total, les quatre zones géographiques sont peuplées d’une grande partie de la
population totale de 4,85 millions.1

Le département de Pool est situé dans le sud-est du pays, non loin de la capitale de Brazzaville. En
raison des tensions et des affrontements, le département est soumis à la violence qui a laissé plus de
13.000 personnes déplacées.2 Dans le dernier recensement (2007) le département de Pool comptait
approximativement 237.000 habitants. Le département de Sangha (86.000 habitants) et sa capitale
Ouesso sont situés dans le nord du pays, une région riche en forêts et autres ressources naturelles.
Le département de Kouilou est situé le long de la côte. Jusqu'en 2004, Pointe Noire était la capitale
de Kouilou mais aujourd'hui c'est un département indépendant. Pointe Noire reste la ville principale
de la région et la deuxième plus grande ville du pays, elle est considéré comme la capitale
économique de la République du Congo.

1.3 Cadre sectoriel

Comme indiqué dans les termes de référence, la délégation de l'UE en République du Congo a requis
l’étudier des inégalités du genre dans sept secteurs choisis, à savoir les droits de l'homme, le
commerce et l’entreprenariat, la santé, l'éducation, l'agriculture, la forêt et le bois ainsi que
l'assainissement. Ceux-ci représentent des secteurs sociaux et non sociaux et couvrent chacun
plusieurs sous-thèmes pour lesquels une analyse genrée est nécessaire. L'étude porte également sur
trois thèmes du plan d'action de l'UE pour l'égalité des sexes 2016-2020 :

      1.    Assurer l'intégrité physique et psychologique des filles et des femmes ;
      2.    Promouvoir les droits économiques et sociaux et l'autonomisation des filles et des femmes ;
      3.    Renforcement la voix et de la participation des filles et des femmes.

Le quatrième thème de l'EUGAP - le changement culturel institutionnel - qui se penche sur la
structure et des habitudes internes de l'UE est très important pour la réussite de l'intégration du
genre, mais sort du cadre de cette étude. Voir les détails au chapitre 3.1-3.4.

2. L'égalité de genre en République du Congo

2.1 Définitions

Cette étude part du point de vue féministe pour lequel l'égalité entre les sexes est cruciale pour le
développement et le bien-être d'un pays, d'une population ou d'une région. La notion d'égalité des
sexes signifie que les femmes et les hommes, ainsi que les filles et les garçons, ont un accès égal à
l'exercice de leurs droits dans la vie publique comme dans la vie privée. L'égalité entre les sexes ne
signifie pas seulement les femmes ou le dénombrement des femmes dans divers organismes, ni la
représentation des femmes comme des femmes faibles, vulnérables et marginalisées. Les
interventions sur l'égalité des sexes pourraient par exemple se concentrer sur les opinions des
hommes et des garçons sur les masculinités pour promouvoir la participation des femmes ou réduire
la violence sexuelle. Cette étude examine comment les compétences et les capacités des femmes et
des filles pourraient être mieux utilisées pour exploiter le plein potentiel de la population et
contribuer à la réduction de la pauvreté en République du Congo.

1
    Le dernier recensement a été fait en 2007. L’estimation du 2016 est 4,85 million.
2
    Entretien ONG international à Brazzaville, déc. 2016
                                                                8
L'équilibre de genre fait référence à la participation et à la nécessité d'avoir une participation
représentative à tous les niveaux. Cela pourrait se manifester dans les parlements nationaux ainsi
que dans les groupes de la communauté locale, qui sont en charge de l'eau, de la santé et de la
consolidation de la paix. L'équilibre entre les sexes est d'ailleurs crucial lors des consultations liées
aux besoins, car ces derniers varient souvent d'un groupe à l'autre. L'équilibre entre les sexes peut
être atteint par des décisions informelles ou par l'introduction d'outils concrets tels que les quotas.
Cet aspect sera approfondi dans le cadre de cette étude car la participation des femmes est
identifiée par l'UE comme un domaine d'intervention clé pour atteindre l'égalité des sexes.

L'intégration du genre est une méthode pour promouvoir l'égalité des sexes. ONUFEMMES le définit
comme suit : « [...] l'intégration suppose que les perspectives du genre et l'attention portée à l'égalité
des sexes soient au cœur de toutes les activités - élaboration de politiques, recherche, plaidoyer,
dialogue, législation, affectation des ressources et planification, programmes et projets ».3
L'intégration de la dimension du genre est cruciale pour une organisation afin de parvenir à l'égalité
entre les sexes, mais elle doit être idéalement combinée à des interventions concrètement ciblées
sur le genre. L'intégration de la dimension du genre pourrait être très efficace, mais elle doit être
soigneusement adaptée aux circonstances, sous peine de résultats décevants.

Les données désagrégées par sexe et par âge (DDSA) sont nécessaires pour visualiser les différences
possibles entre les besoins des femmes et des hommes, ainsi que des filles et des garçons. Les
données de référence et les cibles doivent être précisées par sexe pour mesurer si des progrès ont
été réalisés pour un groupe spécifique. Les données à un niveau trop agrégé peuvent cacher de
grandes différences entre les femmes et les hommes et voir pour conséquence une programmation
qui n’intègrent pas des aspects fondamentaux, ou pire encore, aggraver la situation et perpétuer
voire exacerber les stéréotypes dénoncés.

Certains acteurs tels que la Banque mondiale parlent du genre comme une économie intelligente
(« smart economics ») qui indique qu'il n'est pas financièrement viable de négliger 50% de la
population ; 50% qui pourraient contribuer de façon productive et économique au développement
du pays. Cette étude portera sur les secteurs productifs tels que l'agriculture, le commerce et
l'entrepreneuriat ainsi que le secteur forestier pour voir si ce potentiel est utilisé en République du
Congo et comment les secteurs mentionnés pourraient s'épanouir par leur féminisation.

Le terme changement transformatif se réfère au processus de changement des normes et des
comportements, par exemple sur les masculinités et les féminités, à plus grande échelle pour
changer l'ordre sociétal actuel, dans ce cas une société patriarcale. En contestant les normes
stéréotypées actuelles en matière de genre, les capacités inutilisées et cachées des femmes et des
filles peuvent évoluer. Les formes négatives de la masculinité restreignent l’existence des femmes et
des hommes, et maintiennent des formes malsaines et dangereuses de la patriarchie.

L’ignorance du genre fait référence à l'ignorance des normes et des rôles du genre et peut souvent
renforcer les stéréotypes. Bien que les politiques soient souvent décrites comme « neutres », elles
risquent en réalité de passer sous silence des aspects importants des analyses liées aux genres et
risquent de ne pas atteindre les objectifs escomptés. Le discours « nous traitons tout le monde de la
même manière » part d’une bonne intention mais fini par être discriminatoire pour les groupes les
plus vulnérables. Pour atteindre l'égalité des sexes, des mesures spécifiques ciblant uniquement
certains groupes sont nécessaires. Le contraire de l’ignorance du genre implique d’être sensible au
genre ou ouvert au genre.

3
    ONUFEMMES, http://www.un.org/womenwatch/osagi/gendermainstreaming.htm
                                                     9
2.2 L’égalité de genre en République du Congo – une introduction

Le but de cette section est de définir le cadre et de présenter brièvement les (in)égalités entre les
sexes en République du Congo, en présentant les données disponibles et en résumant les
précédentes analyses et les réponses. Avant d’entrer dans l’analyse, il est important de souligner que
les femmes ne sont pas un groupe homogène. Les femmes et les filles de la République du Congo
représentent un large éventail de besoins, d'opinions et de points de vue. Il n’existe pas de solution
unique qui puisse régler leur situation. Cependant, pour les besoins de l'étude et pour proposer un
ensemble de recommandations, certaines généralisations ont été nécessaires. Il est en outre
important de souligner que les hommes et les garçons peuvent également faire l'objet de
discriminations, soit en raison d'une situation vulnérable (pauvreté, dépendance, etc.) ou de formes
négatives de masculinité, principalement liées à la violence.

Les inégalités liées au genre sont répandues dans la République du Congo, et placent les femmes et
les filles dans une position moins favorable que les hommes et les garçons. Les femmes et les filles
ont moins de droits, moins d'informations, moins d'accès à toutes sortes de ressources et plus de
violence sexiste. De fortes valeurs patriarcales et certaines traditions maintiennent les femmes dans
une position subalterne de citoyennes de deuxième classe. Le tableau ci-dessous révèle le retard de
la République du Congo dans le traitement de l’inégalité entre les sexes.

Tableau 1. Statistiques sensibles au genre, République du Congo

 Indicateur                              République du          Année      Source
                                         Congo
 Indice de développement de genre        0,992                  2015       PNUD Rapport sur le
 (IDG)                                                                     développement humain
 Net enrôlement (femme/homme)            95,5                   2012       UN Rapport sur les
                                                                           OMDs
 Taux d’alphabétisation des jeunes,      76,9                   2015       UNESCO
 15-24 ans, femmes
 Taux d’activité, 15 ans et plus         Femmes 68,5%      2015            PNUD Rapport sur le
                                         Hommes 73%                        développement humain
 Durée moyenne de scolarisation          Femmes 4,9 années 2015            PNUD Rapport sur le
                                         Hommes 6,5 années                 développement humain
 Population ayant suivi un               Femmes 39,7%      2015            PNUD Rapport sur le
 enseignement secondaire ou              Hommes 47%                        développement humain
 supérieur
 Taux de mortalité maternelle (décès     410 ‰                  2015       PNUD Rapport sur le
 pour 100.000 naissances vivantes)                                         développement humain
 Taux de représentation de femmes        11,5%                  2015       PNUD Rapport sur le
 au parlement national                                                     développement humain
 Nombre de femmes au Sénat               19,4% (14/172)         2015       ONUFEMMES femmes en
                                                                           politiques
 Violence domestique contre les          0,75                   2012       OECD Rapport sur le
 femmes (0-1 ou 1 représente une                                           genre
 prévalence élevé)
 Taux de prévalence des                  44,7%                  2012       La Banque Mondiale
 contraceptifs, 15-49 ans
 Demande de planning familial            31,7%                  2012       La Banque Mondiale

 Entreprises avec une femme comme        17,2%                  2009       La Banque Mondial,

                                                 10
top manager                                                                 Enquête d’entreprises

    Indice de fécondité                     4,68                    2015        Populationdata.org
                                            enfants/femme

La violence sexuelle et basée sur le genre (VSBG) est répandue sous de nombreuses formes. Une
partie de cette violence est liée aux conflits liés aux différentes tensions dans le pays, notamment
dans le département de Pool. La violence domestique est vraisemblablement sous-évaluée en raison
de son acceptation tacite et de la normalisation des valeurs patriarcales. La stigmatisation en cas de
dénonciation par la victime de cette violence est également un frein à l'égalité entre les genres.

Le plan du développement national (DSCERP 2012-2016) reconnaît que la valeur des femmes ne se
reflète ni dans l'économie congolaise ni dans la sphère politique4. Elle souligne en outre la position
subalterne des femmes et des filles dans la société congolaise et la nécessité d’un changement pour
atteindre un meilleur le développement à long terme. Cependant, ces affirmations ne sont pas
traduites en actes es et la majorité des actions menées ne prennent pas en considération les
inégalités de genre auxquelles fait référence le DSCERP.

Le Ministère chargé de l'égalité des sexes et des droits des femmes est le Ministère de la Promotion
de la Femme et de l'Intégration des Femmes au Développement (MPFIFD), un ministère à faible
budget et peu impliqué dans les processus décisionnels. Dans chaque ministère en charge, il y a un
point focal sur le genre dont l’objectif est d’attirer l'attention sur les dimensions du genre au travail,
mais la coordination est peu fonctionnelle. Il existe en outre un organe gouvernemental - le Conseil
national pour l'équité de Genre (CNEG) avec des représentants du MPFIFD, des points focaux des
différents ministères, de la société civile ainsi que des partenaires de la coopération pour le
développement. Le CNEG est chargé des activités de plaidoyer et de sensibilisation sur l'égalité entre
les sexes, de la mobilisation des ressources et de la rédaction de rapports relatifs aux instruments
internationaux, comme la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à
l'égard des femmes CEDEF.

La République du Congo a été examinée par le Comité de la CEDEF en 2012 5 qui a conclu que les
femmes et les filles sont discriminées dans toutes les sphères de la société congolaise. Parmi les
problèmes jugés critiques, il y a le niveau élevé de violence à l'égard des femmes, le faible accès à la
justice, la faible participation des femmes aux postes décisionnels, les taux élevés de mortalité
maternelle, la faible proportion de femmes dans l'enseignement supérieur et le manque d'accès à la
terre pour les femmes rurales, Pour n'en citer que quelques-uns. Malheureusement, le rapport note
que le gouvernement de la République du Congo n'a communiqué des données et des statistiques ne
couvrant que la période de 2003 à 2006, ce qui rend ses données obsolètes et ne permet que de tirer
enseignements dépassés. Cependant au stade actuel de l'étude, les défis majeurs et les principaux
domaines de discrimination énoncés dans le rapport du comité subsistent encore.

La République du Congo a réalisé des progrès en ce qui concerne l'Objectif du Millénaire pour le
développement (OMD)6, qui vise spécifiquement l'égalité entre les sexes, principalement par ses
efforts pour parvenir à l’équilibre entre les sexes dans l'enseignement primaire. Dans le niveau
secondaire et supérieur, les femmes et les filles ne sont cependant pas aussi largement représentées.
Des progrès ont été réalisés sur l'autonomisation économique des femmes, mais cette analyse
conclut que des efforts supplémentaires sont nécessaires pour accroître l'indépendance et

4
  Gouvernement de la République du Congo “Plan National de Développement (DSCERP), 2012-2016”
5
  ONU (2012) Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDEF)
"Observations finales du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes - Congo"
6
  http://www.undp.org/content/dam/undp/library/MDG/english/MDG%20Country%20Reports/Congo/Rapport_OMD1%20
2010.pdf?download
                                                     11
l'autonomie des femmes. Le rapport des OMD pour la République du Congo conclut en outre que
trop peu a été fait pour accroître la participation politique des femmes. Sur cette question
spécifique, il y a effectivement eu une diminution, c'est-à-dire une tendance négative, depuis les
années 1990.

La Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique (UNECA) a présenté une analyse
comparative du genre de l'économie et de la société congolaises dans laquelle elle a conclu que les
femmes sont discriminées dans de nombreux secteurs.7 La performance du Congo a été évaluée sur
une échelle de 0 à 10, où 0 représente un faible niveau d'égalité entre les sexes et 10 la parité entre
les sexes. Pour l'agriculture, par exemple, le Congo n'obtient que 4, en dépit du fait qu'il s'agisse d'un
secteur dominé par la femme, souvent désigné comme le pilier de la société congolaise, pour lequel
les femmes ont leur mot à dire. En ce qui concerne la participation politique, le Congo est encore
plus faible (1) en lien avec la faible participation des femmes à tous les niveaux de la société.
Cependant, le Congo obtient un bon niveau sur la parité entre les sexes sur la santé et le bien-être
des enfants, ainsi que sur les taux d'alphabétisation et de l'éducation primaire.

Tableau 2. Carte de score sur le genre, République du Congo (CEEAC, 2015)

    Secteur                                                                                  Score
    Emploi dans le secteur non agricole                                                        4
    Taux d'activité d'emploi                                                                   9
    Postes de direction entreprises                                                            2
    Taux propriétaires entreprises                                                             5
    Part de la population non infectée par le VIH                                              6
    Taux d'alphabétisation primaire                                                            9
    Taux de scolarisation secondaire                                                           9
    Représentation au parlement                                                                1
    Postes ministériels                                                                        1
    Compte ouvert dans une institution financière                                              7
    Taux de survie avant 5 ans                                                                10

Comme le FNUAP l'a conclu dans une récente analyse comparative de genre8, la scène actuelle de la
coopération au développement en République du Congo manque d'actions ciblées à grande échelle
sur l'égalité de genre. Pour répondre à ce besoin, les Nations Unies prévoient un programme mixte
pour la période 2017-2021 qui comprendra plusieurs agences des Nations Unies et couvrira plusieurs
secteurs. Le rapport conclut que l'approche des donateurs (bilatérale et multilatérale) en matière
d'égalité de genre au Congo est incohérente et manque de stratégie commune. Il s'agit là de faire
certains efforts visant à remédier aux inégalités liées au genre avec l’UNDAF,9 mais en se concentrant
principalement sur les femmes en tant que groupe vulnérable et malheureusement très peu sur le
potentiel des femmes dans la société. Le Plan-cadre des Nations Unies pour l'aide au développement
n'utilise pas d'indicateurs désagrégés par sexe, ce qui rend difficile l'évaluation de l'égalité de genre.
Sans indicateurs, il y a un risque que cette égalité ne soit pas mesurée, et donc pas traitée. La
coordination des programmes concernant le genre, au-delà du programme conjoint, est absente.
Comme l'indique cette étude, la délégation de l'UE pourrait jouer un rôle central dans ce domaine.

7
  http://www.uneca.org/sites/default/files/uploaded-documents/CoM/com2016/Country-Profiles/congo2015_fre_final.pdf
8
  FNUAP (2015) « Analyse des actions et perspectives stratégique genre en République du Congo »
9
  ONU “Plan cadre des Nations Unies pour l’aide au Développement, 2014-2018”
                                                       12
2.3 Cadre juridique national

La Constitution de la République du Congo10 a été révisée et adoptée en 2015. La Constitution fait
spécifiquement référence à l'égalité entre homme/femme dans les articles 17, 232 et 233. Par
exemple, l'article 17 précise que « La femme a les mêmes droits que l’homme. La loi garantit la parité
et assure la promotion ainsi que la représentativité de la femme à toutes les fonctions politiques,
électives et administratives » Et les articles 232 à 233 prévoient la mise en place d'un "conseil
consultatif des femmes" afin d'attirer l'attention sur la situation des femmes au Congo et de veiller à
ce qu’une perspective genre soit intégrée dans les plans de développement.

Le gouvernement congolais a adopté une stratégie nationale sur le genre en 2008 accompagnée d'un
plan d'action sur le genre couvrant la période 2009-2019.11 La stratégie en matière d'égalité du genre
est ambitieuse et complète, couvrant 17 secteurs, tous en accord avec la stratégie de réduction de la
pauvreté et les OMD. Le gouvernement reconnaît qu'il existe des différences en faveur des hommes
dans la manière dont les femmes et les hommes exercent leurs droits dans ces domaines. La
stratégie fait actuellement l'objet d'une révision et d'une mise à jour du plan d'action pour la période
2017-2021. Le PNUD, qui a été un partenaire actif du gouvernement congolais dans le cadre du
processus de révision, a déclaré que certains des domaines prioritaires seraient le renforcement de la
participation politique des femmes, l'éducation des filles et des jeunes femmes ainsi que
l'autonomisation économique des femmes.12

De plus, la loi électorale de 2007 a introduit des instruments pour assurer la participation des
femmes au parlement, au sénat et aux élections locales. En outre, la loi scolaire et le code du travail
ont été révisés pour renforcer les droits et la position des femmes dans la société.

Le Code de la famille de 198413 réglemente les droits des femmes, le mariage et le patrimoine, entre
autres domaines cruciaux, mais comprend des paragraphes discriminatoires défavorisant les femmes
(par exemple sur l'âge du mariage, qui diffère entre les femmes et les hommes). C'est aussi le cas
dans les codes fiscal et pénal. Le Code de la famille place les femmes dans une position subalterne :
l'article 168 stipule que l'homme est le chef du ménage. Cet article impose également une
responsabilité plus grande aux femmes qu’aux hommes en ce qui concerne l'éducation des enfants
et la prise en charge du ménage, ce qui est en contradiction avec d'autres articles du même code,
ainsi qu’avec le paragraphe constitutionnel sur l'égalité des sexes. Le code de la famille donne aux
filles et au fils le droit égal d'hériter de la terre, mais en réalité, la terre est souvent divisée
disproportionnellement, défavorisant la femme. Ce point est détaillé dans le chapitre consacré à
l'autonomisation économique des femmes par l’agriculture et la sylviculture. Le Code de la famille
est en cours de révision, mais pas encore promulgué par le gouvernement. Le projet existant donne
plus de droits aux femmes et aux filles, mais il contient encore des paragraphes discriminatoires, par
exemple sur la garde des enfants. Les personnes interrogées ont en outre souligné que le code de la
famille, en sa forme actuelle ou pour son projet de révision est peu connu de la population. 14 Des
campagnes de sensibilisation à grande échelle pour attirer l'attention sur le renforcement des droits
des femmes et des filles restent nécessaires.

Il n'existe pas de législation spécifique sur la violence sexuelle liée au genre dans la République du
Congo. La violence sexuelle est réglementée par les articles 330 et 334 du code pénal. Ces
dispositions portent sur la violence domestique, le viol, la violence physique, la violence

10
   https://www.ilo.org/dyn/natlex/docs/ELECTRONIC/100814/121082/F1693068911/COG-100814.pdf
11
   Ministère de la Promotion de la Femme et de l’intégration de la Femme au Développement (2008) « Politique Nationale
Genre au Congo »
12
   Entretien PNUD à Brazzaville, déc. 2016
13
   Code de la Famille (1984) loi no 073/04
14
   Entretiens ONGs à Brazzaville, déc. 2016
                                                          13
physiologique et les mutilations génitales féminines (MGF). La violence conjugale et le viol au sein du
mariage ne sont pas inclus dans ces dispositions. Il existe, comme dans la plupart des pays et des
sociétés, une sous-déclaration des cas de violence sexuelle. En République du Congo, le système
juridique défaillant aboutit la plupart des cas à une résolution informelle, à l’amiable ou par le droit
coutumier.

La République du Congo ne dispose pas de plan d'action national pour la mise en œuvre de la
résolution 1325 du Conseil de Sécurité des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité, qui
pourrait aborder des questions telles que la participation des femmes à la consolidation de la paix, la
violence sexuelle et la participation des femmes en politique.

Malgré ces efforts visant à renforcer les droits des femmes et des filles et à assurer l'égalité de genre
en République du Congo, la plupart de ces dispositions continuent à ne pas être appliquées. Comme
le montre cette étude, les allocations budgétaires en faveur de l'égalité de genre ont été faibles ainsi
que la capacité de passer de la parole à l'action. Le cadre juridique et ses lois et règlements
spécifiques ne sont pas connus dans le pays.

Tableau 3. Cadre juridique sur l’égalité des sexes en République du Congo

 Instrument                          Niveau            Signé/Ratifié          Commentaires
 La Convention sur l’élimination     International    Signé juillet 1980,      Rapport national
 de toutes les formes de                              ratifié juillet 1982,      envoyé au comité de la
 discrimination à l’égard des                         protocole opt.             CEDEF 2010
 femmes (CEDEF)                                       sept 2008                Les conclusions du
                                                                                 comité de la CEDEF
                                                                                 mars 2012
 La Charte Africaine des Droits      Régional         Signé 1981
 de l’Homme et des Peuples                            Ratifié 1982
 Protocole à la Charte Africaine     Régional         Signé 2004
 des Droits de l’Homme et des                         Ratifié 2011
 Peuples relatif aux droits des
 femmes en Afrique
 La Politique genre de la            Régional         2004
 Communauté Économique des
 États de l’Afrique Centrale
 (CEEAC)
 Constitution du Pays (art. 17)      National         Octobre 2015
 Stratégie nationale du genre        National         2008                    Révision en cours
 Plan d’action du genre              National                                 Période 2009-2019
 Code de la Famille                  National         1984                    Révision en cours
 Loi électorale, inclut les quotas   National         Mai 2007                 Quota 15% Assemblée
 per la femme                                                                     Nationale et Sénat
                                                                               20% aux élections
                                                                                  locales

                                                     14
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