PROFIL HÉMOGLOBINIQUE CHEZ LES GERBILLES (RONGEURS. GERBILLINAE) DE TUNISIE - Faculté de Biologie
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Bull. Soc. zool. Fr., 2007, 132(1-2) : 135-145. Systématique PROFIL HÉMOGLOBINIQUE CHEZ LES GERBILLES (RONGEURS. GERBILLINAE) DE TUNISIE par M’barek CHÉTOUI 1, Saïd NOUIRA 1, Jemni CHIBANI 2 et Tahar Lamine CHÉNITI 1 Le complexe des gerbilles regroupe plusieurs espèces souvent difficiles à distinguer par la taxinomie basée sur les critères morphologiques. Ce travail constitue une contribu- tion à la caractérisation de 4 espèces apparentées à partir de l’analyse de leur hémoglobine par électrophorèse : Gerbillus simoni de l’archipel Kerkennah ; Gerbillus tarabuli, G. cam- pestris et G. latastei du continent. Le gel d’acétate de cellulose révèle une similitude des profils hémoglobiniques. La technique d’isoélectrofocalisation avec son pouvoir résolutif plus élevé, a permis de mettre en évidence une variabilité interspécifique, un polymor- phisme intra-populationnel chez Gerbillus simoni et un polymorphisme inter-populationnel chez Gerbillus latastei. Gerbillus campestris présente un profil hémoglobinique original et monomorphe. Hemoglobin Patterns of Tunisian gerbils (Rodentia. Gerbillinae) Gerbils (subfamily of Gerbillinae) are rodents found only in desert and Saharan areas. The majority of biosystematic studies of Gerbillinae populations of the Maghreb have been based on morphological criteria, biometrical data, caryological studies and biochemical analyses. Interpretations of these various systematic approaches are often controversial and the species recognized vary according to authors. Although electrophoretic data are usually used in taxonomic and evolutionary studies of rodents elsewhere, no comparable study has previously been carried out on the gerbils of Tunisia. The coding gene for hemoglobin is now frequently considered as a systematic and evolution marker of many animal groups. The present work is a contribution to the characterizes four species of local gerbils through electrophoretic analysis of their hemoglobin. These species (Gerbillus latastei, G. campestris, G. tarabuli, and Gerbillus simoni) were previously subjected to only morphological and caryologic investigations. Electrophoresis on acetate-gel indicates a homology of the electrophoretic profile of hemoglobin between the four studied species. It reveals two fractions, P and R,
136 Bulletin de la Société zoologique de France 132 (1-2) located on both sides of the single band representative of the hemoglobin of a healthy man (HbA). The interspecific absence of polymorphism in the profiles of hemoglobin seems to be typical of gerbils of Tunisia. Previously, authors suggested the existence of an inter- specific and inter-populational polymorphism occurring in several species of African Muridae belonging to the genera Mastomys and Tatera. The existence of such hemoglobi- nic variations was also underlined by RITTE et al. (1976) in six species of Israel: Gerbillus henleyi, G. dasyurus, G. nanus, G. pyramidum, G. allenbyi and Gerbillus gerbillus. The analysis by electrophoresis indicates a homology of the different studied species hemoglobin, but the isoelectric-focusing reveals a more complex genetic structuring. The four species considered are opposed based on their hemoglobin polymorphism with inter- specific phenotypical variations, inter-populational differences (Gerbillus latastei) and intra-populational differences (Gerbillus simoni). This could be related to a complex loci system. No correlation seems to exist between the hemoglobinic profiles and the chromo- somic charts (table 1). The four species show very distant chromosomal trimmings. However, the presence of a qualitative variability between the populations of Gerbillus latastei hints at caryological differences, probably related to collection localities and sex. Introduction Les gerbilles appartiennent à la sous-famille des Gerbillinae. Ce sont des rongeurs inféodés aux régions désertiques et sahariennes (PETTER, 1961). Elles groupent diverses espèces d’habitus très comparable et se distinguent surtout par leurs yeux saillants, leur pelage doux de couleur ocre fauve du côté dorsal et blanc du côté ventral, leur corps effilé caractéristique des animaux fouisseurs, leur queue non écailleuse souvent plus longue que le corps. La plupart des études biosystématiques des populations de Gerbillinae du Maghreb reposaient sur des critères morphologiques et biométriques (HARRISON, 1967 ; BERNARD, 1970 ; SCHLITTER & SETZER, 1972 ; JORDAN et al., 1974 ; LAY, 1975 ; COCKRUM, 1977 ; COCKRUM & SETZER, 1976 ; COCKRUM et al., 1976b ; BENAZZOU & GENEST-VILLARD, 1980 ; LAY, 1983 ; BENAZZOU & ZYADI, 1990 ; AULAGNIER et al., 1993) ; et parfois sur des analyses caryologiques et biochimiques (JORDAN et al., 1974 ; LAY et al., 1975 ; VISTORIN & GAMPERL, 1978 ; BENAZZOU et al., 1982 a, b ; CHIBANI & CHÉNITI, 1982 ; GRANJON et al., 1999 ; CHÉTOUI et al., 2002). Les interprétations de ces différentes approches systé- matiques sont parfois controversées et le nombre d’espèces reconnues varie suivant les auteurs. Ainsi, selon les dernières révisions proposées par LAY (1983), MUSSER & CARLETON (1993) et GRANJON et al., (1999), les espèces Gerbillus tarabuli corres- pond à G. pyramidum d’Afrique du Nord et Gerbillus latastei à G. aureus. Dipodillus défini comme étant un sous-genre de Gerbillus par LATASTE (1881) puis élevé au rang de genre par PETTER (1959) est synonyme du genre Gerbillus, de ce fait, Dipodillus zakariai de l’archipel Kerkennah est rapportée à l’espèce Gerbillus simoni. Ainsi, le genre Gerbillus se trouve représenté en Tunisie par 7 espèces morphologiques : G. latastei, G. tarabuli, G. campestris, G. gerbillus, G. nanus, G. simoni et G. jamesi (HARRISON, 1967 ; BERNARD, 1970 ; JORDAN et al., 1974 ; COCKRUM & SETZER, 1976 ; LAY, 1983 ; MUSSER & CARLETON, 1993).
137 Profil hémoglobinique des gerbilles Bien que les données électrophorétiques soient couramment utilisées dans diffé- rentes études taxinomiques et évolutives des rongeurs, aucune étude de ce genre n’a été rapportée à ce jour sur les gerbilles de Tunisie. Ainsi, par l’analyse de l’hémoglobine, le présent travail se propose d’apporter, des paramètres distinctifs supplémentaires à la caractérisation des quatre espèces de gerbilles apparentées suivantes : Gerbillus simoni, G. tarabuli, G. latastei et G. campestris et d’analyser un des aspects de leur diversité génétique. Matériel et méthodes Cette étude porte sur 65 spécimens capturés dans différentes régions de la Tunisie (figure 1). 26 Gerbillus simoni de l’archipel de Kerkennah (centre-est). 8 Gerbillus cam- pestris : 5 capturés près de Mateur (nord) et 3 capturés à Labaïed (centre-ouest). 24 Gerbillus latastei : 9 capturés dans la région de Labaïed (centre-ouest) et 15 dans la région de Hammamet (nord-est). 7 Gerbillus tarabuli capturés à proximité de Tozeur (sud-ouest). Le sang est prélevé par ponction au niveau du sinus rétro-orbitaire de l’œil et conservé à -80°C jusqu’à son utilisation dans les trois jours suivants. L’analyse des hémoglobines a été réalisée par deux techniques : – électrophorèse sur acétate de cellulose (pH = 8,4) à 300V. Le gel est coloré à l’amido- shwartz ; – électrophorèse par isoélectrofocalisation (I.E.F.) réalisée sur un gel mince de poly- acrylamide contenant des ampholines de pH6-9, soumis à un courant de 1200V, 25mA et 25W. Les bandes sont classées selon leur distance de migration par rapport à l’origine ; ainsi, la bande la plus lente est désignée par la lettre A, celle qui suit par la lettre B, et ainsi de suite. Seules les bandes reproductibles et nettement visualisées sont considérées dans cette étude. Nous avons utilisé comme témoins l’hémoglobine d’un homme normal homozy- gote (HbA) et celle d’un homme malade homozygote (HbS). Résultats Les profils d’électrophorèse sur gel d’acétate de cellulose (figure 2), révèlent deux bandes désignées P et R nettement distinctes chez les quatre espèces de gerbilles étudiées. Cependant, leur intensité tinctoriale présente un polymorphisme intra et inter- spécifique. Gerbillus latastei : la bande R très foncée est commune aux deux populations du nord-est et centre-ouest, par contre la bande P présente une intensité variable inter et intra-populationnelle (Gl1, Gl2, figure 2). Gerbillus tarabuli : la bande P apparaît très faible chez tous les individus et la bande R foncée (Gt, figure 2).
138 Bulletin de la Société zoologique de France 132 (1-2) Figure 1 Lieux de capture des quatre espèces de gerbilles (Rongeurs. Gerbillinae) en Tunisie. Capture areas of the four species of gerbils (Rodents, Gerbillinae) in Tunisia.
139 Profil hémoglobinique des gerbilles Gerbillus campestris : la bande R est très faible chez les deux populations du nord et celle du centre-ouest, la bande P présente une variabilité tinctoriale inter et intra- populationnelle (Gc1, Gc2, figure 2). Gerbillus simoni : les deux bandes apparaissent foncées chez tous les individus de cette population insulaire (Gs, figure 2). Figure 2 Profil électrophorétique des hémoglobines sur gel d’acétate de cellulose des quatre espèces de gerbilles (Rongeurs. Gerbillinae) de Tunisie. Gs : Gerbillus simoni ; Gl1 : G. latastei (nord-est) ; Gl2 : G. latastei (centre-ouest) ; Gt : G. tarabuli (sud-ouest) ; Gc1 : G. campestris (Nord) ; Gc2 : G. campestris (centre- ouest) ; HbA : hémoglobine témoin d’un homme normal homozygote ; HbS : hémoglobine témoin d’un homme malade homozygote ; P : première bande à migration lente ; R : seconde bande à migration plus rapide. Hemoglobin electrophoretic profile on acetate-gel for the four species of gerbils (Rodents, Gerbillinae) from Tunisia. Gs: Gerbillus simoni; Gl1: G. latastei (Northeast); Gl2 : G. latastei (Western Central); Gt: G. tarabuli (Southwest); Gc1 : G. campestris (North); Gc2 : G. campestris (Western Central); HbA: Trial hemoglobin sample of a healthy homozygotic man; HbS: Trial hemoglobin sample of a sick homo- zygotic man; P: first band with slow migration; R: second band with faster migration. Les profils d’isoélectrofocalisation (figure 3) indiquent une variabilité de la position et de l’intensité tinctoriale des bandes révélées. Ainsi, 6 bandes ont pu être distinguées et dénommées A, B, C, C’, D et E dont la répartition fait apparaître 3 types de phéno- types qui témoignent de l’existence d’une variabilité génétique de l’hémoglobine des gerbilles considérées : Phénotype a, avec 5 bandes ABCDE Phénotype b, avec 4 bandes ACDE Phénotype c, avec 4 bandes CC’DE Le phénotype a caractérise les deux espèces : Gerbillus simoni et G. latastei du centre-ouest (Gs, Gl2, figure 3). Chez Gerbillus simoni, les bandes A, B, C apparaissent
140 Bulletin de la Société zoologique de France 132 (1-2) très foncées, alors que les bandes D et E sont relativement plus claires ; la bande C est polymorphe, très foncée chez 8 individus et très claire chez 2 autres. Chez Gerbillus latastei du centre-ouest, la bande A présente une intensité relativement plus foncée que celle des spécimens du nord-est (Gl1, Gl2, figure 3). La bande B est bien individualisée chez la population du centre-ouest, elle disparaît chez les individus du nord-est. Les bandes C et D apparaissent très foncées et la bande E très claire chez les deux populations. Le phénotype b caractérise les 3 espèces : Gerbillus simoni, G. latastei du nord- est et G. tarabuli. Chez G. simoni, l’hémoglobine est subdivisée en bandes A et C très foncées, une bande D claire et une bande E beaucoup plus claire (Gs, figure 3). L’hémoglobine de Gerbillus tarabuli du sud-ouest présente un profil électrophorétique similaire à celui de G. latastei du nord-est (Gl1, Gt, figure 3). Les bandes C et D sont d’intensité plus prononcée que celle des bandes A et E. Le phénotype c caractérise seulement l’espèce Gerbillus campestris. La réparti- tion, ainsi que l’intensité tinctoriale des bandes sont communes aux deux populations du nord et du centre-ouest (Gc1, Gc2, figure 3). La bande C apparaît très foncée chez tous les individus ; l’intensité des bandes D et E est comparable à celle de Gerbillus simoni (Gs, figure 3). Enfin, nous notons la présence d’une nouvelle bande C’ intercalaire entre Figure 3 Profil d’isoélectrofocalisation des hémoglobines sur gel de polyacrylamide des quatre espèces de gerbilles (Rongeurs. Gerbillinae) de Tunisie. Gl1 : G. latastei (Nord Est); Gl2 : G. latastei (Centre Ouest) ; Gt : G. tarabuli (Sud Ouest); Gc1 : G. campestris du Nord ; Gc2 : G. campestris du Centre Ouest ; HbA : hémoglobine témoin d’un homme normal homozygote ; HbS : hémoglobine témoin d’un homme malade homozygote ; A : fraction d’hémoglobine la plus dense ; B : deuxième bande lente… E : fraction d’hémoglobine la plus légère. Isoelectric-focusing profile of hemoglobin on polyacrylamide-gel for four species of gerbils (Rodents, Gerbillinae) from Tunisia. Gl1 : G. latastei (Northeastern); Gl2 : G. latastei (Western Central); Gt: G. tarabuli (Southwestern); Gc1 : G. campestris (North); Gc2 : G. campestris (Western Central); HbA: Trial hemoglobin sample of a healthy homozygotic man; HbS: Trial hemoglobin sample of a sick homozygotic man; A: first heaviest band; B: second heaviest band… E: lightest fraction of hemoglobin.
141 Profil hémoglobinique des gerbilles C et D. Elle correspond à la bande de l’hémoglobine témoin (HbA). Elle est poly- morphe, de couleur foncée chez la population du nord (Gc1, figure 3) et plus claire chez la population du centre-ouest (Gc2, figure 3). Discussion Le gène codant pour l’hémoglobine est de plus en plus considéré comme marqueur dans la systématique et l’évolution de nombreux groupes animaliers (DUPLANTIER et al., 1990 ; AVISE, 1994). Notre travail est une contribution à la caractérisation de quatre espèces de gerbilles locales par l’analyse électrophorétique de leur hémoglobine : Gerbillus latastei, G. campestris, G. tarabuli et G. simoni qui ont fait jusqu’à présent, l’objet d’investiga- tions morphologiques et caryologiques (BERNARD, 1970 ; JORDAN et al., 1974 ; COCKRUM & SETZER 1976 ; CHIBANI & CHENITI, 1982 ; CHETOUI et al., 2002). L’électrophorèse sur gel d’acétate de cellulose indique une homologie du profil électrophorétique de l’hémoglobine entre les quatre espèces étudiées. Elle fait apparaître deux fractions P et R situées de part et d’autre de l’unique bande représentative de l’hémoglobine d’un homme sain (HbA). L’absence de polymorphisme interspécifique dans les profils de l’hémoglobine semble typique des gerbilles de Tunisie. Des auteurs signalent l’existence d’un poly- morphisme interspécifique et inter-populationnel chez plusieurs espèces de Muridae d’Afrique appartenant aux genres Mastomys et Tatera (GORDON, 1978 ; GREEN et al., 1978 ; GREEN et al., 1980 ; ROBBIN et al., 1983 ; BENAZZOU et al., 1985). L’existence de telles variations hémoglobiniques est également soulignée par RITTE et al. (1976) chez 6 espèces de gerbilles d’Israël : Gerbillus henleyi, G. dasyurus, G. nanus, G. pyramidum, G. allenbyi et Gerbillus gerbillus. L’intensité tinctoriale des deux bandes présente un polymorphisme intra et inter- spécifique. La bande R, lorsqu’elle est foncée tend à rapprocher les 3 espèces : Gerbillus latastei, G. tarabuli et G. simoni. La bande P présente une grande variabilité tinctoriale interspécifique d’une part et intra-populationnelle chez Gerbillus latastei et G. campestris d’autre part. Les deux bandes présentent une homologie tinctoriale uniquement chez l’espèce insulaire, Gerbillus simoni (CHÉTOUI & CHÉNITI, 2005). Gerbillus campestris se détache du groupe par la stabilité de la bande R qui est claire chez les populations du nord et du centre-ouest et par la bande P de coloration variable. De telles variabilités tinctoriales inter-populationnelles sont aussi signalées chez les genres Mastomys, Tatera d’Afrique et Gerbillus d’Israël. L’isoélectrofocalisation a montré un pouvoir résolutif plus élevé que celui des pro- cédés électrophorétiques habituellement utilisés (KAZMER, 1991) et a permis une meilleure séparation des hémoglobines à migration identique sur acétate de cellulose. Ainsi, elle a assuré la séparation de 6 composantes hémoglobiniques agencées en 3 profils (tableau 1) : ABCDE (phénotype a), ACDE (phénotype b) et CC’DE (phénotype c) : – Gerbillus tarabuli semble présenter un génotype stable qui s’exprime par le seul phénotype b ;
142 Bulletin de la Société zoologique de France 132 (1-2) – Gerbillus simoni et G. latastei présentent une homologie de leur profil hémoglobinique avec deux phénotypes a et b. Gerbillus simoni présente une variabilité intra-populationnelle (CHÉTOUI & CHÉNITI, 2005) avec une prédominance du phénotype b (16 sur 26 individus) ; alors que l’IEF de l’hémoglobine de Gerbillus latastei, si elle ne fait pas apparaître de variabilité intra-populationnelle, elle met en évidence une structuration biogéographique qui nous a permis d’identifier deux groupes distincts : le groupe du nord-est (phénotype b) correspondant au bioclimat semi-aride et le groupe du centre- ouest (phénotype a) qui appartient à l’étage aride ; – Gerbillus campestris s’isole des trois autres espèces par l’existence d’un phénotype nouveau. L’hémoglobine migre aussi en 4 bandes, mais diffère de celle des autres taxons par l’absence des bandes A et B et la présence d’une bande C’ de position identique à celle de l’homme normal (HbA). Cette espèce semble monomorphe sans polymorphisme biogéographique apparent. Ce profil hémoglobinique particulier, s’il se confirme par des prospections ultérieures, pourrait servir de marqueur biologique pour cette espèce. Les bandes C, D et E communes aux 4 espèces, semblent appartenir au type d’hémoglobine ancestrale. À la variabilité structurale de l’hémoglobine, s’ajoute parfois un polymorphisme qualitatif qui se remarque par des différences dans l’intensité tinctoriale des bandes électro- phorétiques. Cette différence d’intensité peut s’expliquer par des mécanismes géné- tiques, tels que absence ou différence de fréquences d’un des allèles présents ou bien par une variation individuelle similaire aux mutations ponctuelles d’acides aminés identifiées sur la globine humaine (DIMOVSKI et al., 1994 ; AYALA et al., 1997 ; PAPADAKIS et al., 1997). Tableau 1 Répartition des phénotypes hémoglobiniques des 4 gerbilles de Tunisie : Gerbillus simoni, G. latastei, G. campestris et G. tarabuli. Ile Chargui (archipel kerkennah : centre-est) ; Hammamet (nord-est) ; Labaïed (centre-ouest) ; Mateur (nord) ; Tozeur (sud-ouest) ; 2N : nombre diploïde ; NFa : nombre fondamental d’autosomes. F : femelle ; M. mâle. Distribution of the hemoglobin phenotypes of four gerbils from Tunisia: Gerbillus simoni, G. latastei, G. campestris and G. tarabuli. Island Chargui (Kerkennah archipelago: Eastern Central); Hammamet (Northeast); Labaïed (Western Central); Mateur (Northern); Tozeur (Southwest); 2N: diploid number; NFa: fundamental number of autosomes. Genre Espèce Localité Nombre ind. /profil Caryotype ABCDE ACDE CC’DE 2n NFa (a) (b) (c) Gerbillus G. simoni Ile Chargui 10 16 60 72 (Archipel Kerkennah) G. latastei Hammamet 15 74 97 Labaïed 9 74 94 (F) 96 (M) G. campestris Mateur 5 56 68 Labaïed 3 56 68 G. tarabuli Tozeur 7 40 74
143 Profil hémoglobinique des gerbilles En conclusion, si l’analyse par électrophorèse sur gel d’acétate de cellulose indique une homologie de l’hémoglobine des taxons étudiés, l’isoélectrofocalisation révèle une structuration génétique plus complexe. Les 4 espèces considérées s’opposent sous l’angle du polymorphisme de leur hémoglobine avec des variations phénotypiques interspécifiques, inter-populationnelles (Gerbillus latastei) et intra-populationnelles (Gerbillus simoni) qui seraient sous le contrôle d’un système complexe de loci. Il ne semble pas exister de corrélation entre les profils hémoglobiniques et les caryotypes correspondants (tableau 1). Les 4 espèces présentent des garnitures chromosomiques très éloignées. Cependant, la présence d’une variabilité qualitative entre les populations de Gerbillus latastei rappelle des différences caryologiques en rapport avec les localités prospectées et le sexe (JORDAN et al., 1974 ; CHIBANI & CHENITI, 1982 ; CHETOUI et al., 2002). 1. Laboratoire d’Écologie Animale. Faculté des Sciences de Tunis. Université Tunis El Manar. Tunisie. 2. Laboratoire de Biochimie et Biologie Moléculaire. Faculté de Pharmacie de Monastir. Université de Monastir. Tunisie. RÉFÉRENCES AULAGNIER, S., BARREAU, D. & ROCHER, A. (1993).- Dipodillus maghrebi Schlitter et Setzer, 1972 et Gerbillus campestris Levaillant, 1857 (Rodentia, Gerbillidae) dans le nord du Maroc : morphologie et biométrie crânienne, éléments de répartition. Mammalia, 57 (1), 35-42. AVISE, J.C. (1994).- Molecular markers, natural history and evolution. Chapman et Hall. New York. London. AYALA, S., COLOMER, D., GELPI, J. L. & CORRONS, J. L.V. (1997).- α-Thalassaemia due to a single codon deletion in the α1-Globin gene. Computational structural analysis of the new α-chain variant. Human Mutation in Brief, 132. BÉNAZZOU, T. & ZYADI, F. (1990).- Présence d’une variabilité biométrique chez Gerbillus campestris au Maroc. Mammalia, 54, 271-279. BENAZZOU, T. & GENEST-VILLARD, H. (1980).- Une nouvelle espèce de gerbille au Maroc : Gerbillus hesperinus Cabrera, 1906 (Rongeurs, Gerbillidés). Mammalia, 44 (3), 410-412. BENAZZOU, T., KAMINSKI, F. & PETTER, F. (1985).- Analyse électrophorétique appliquée à la taxonomie des Gerbillidae (Rongeurs). Soc. Zool. Fr., 15, 391-397. BENAZZOU, T., VIEGAS-PEQUIGNOT, E., PETTER, F. & DUTTRIAUX, B. (1982 a).- Phylogénie chromosomique de 4 espèces de Meriones (Rongeurs. Gerbillidae). Ann. Génét., 25 (1), 19-24. BENAZZOU, T., VIEGAS-PEQUIGNOT, E., PETTER, F. & DUTTRILLAUX, B. (1982 b).- Phylogénie chromosomique des Gerbillidae. II. Étude de six Meriones, de Taterillus gracilis et de Gerbillus tytonis. Ann. Génét., 25 (4), 212-214. BERNARD, J. (1970). – Clef de détermination des rongeurs de Tunisie. Archs. Inst. Pasteur. Tunis, 47, 265-307. CHÉTOUI, M. & CHÉNITI, T.L. (2005).- La gerbille de l’île Chargui (Archipel Kerkennah, Tunisie). Dipodillus simoni (Rongeur, Gerbillinae). Bull. Soc. zool. Fr., 130 (1), 107-117. CHÉTOUI, M., SAID, K., RÉZIG, M. & CHÉNITI, T. L. (2002).- Analyse caryologique de quatre espèces de gerbilles (Rongeurs. Gerbillinae) de Tunisie. Bull. Soc. Zool. Fr., 127 (3), 211-221.
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