QUAND LA FAVELA DESCENDRA DES COLLINES ET QUE CE N'EST PAS CARNAVAL

 
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... C’est l’heure d’allumer des feux de joie !
 JOURNAL DU 14e FESTIVAL FILMER LE TRAVAIL                                            NUMÉRO 6 / SAMEDI 25 FÉVRIER 2023

 ÉDITO
                         Le festival se termine, mais les luttes continuent.
                         Contitnuons de nous battre pour de bonnes conditions de travail, et pour
                         nos retraites ! Rendez-vous le 1er, le 7 et le 8 mars dans les rues de Poitiers.

URBAN SOLUTIONS, DE ARNE HECTOR, VINICIUS LOPES, LUCIANA MAZETO ET MINZE TUMMESCHEIT — DOCUMENTAIRE — COMPÉTITION INTERNATIONALE

QUAND LA FAVELA DESCENDRA DES COLLINES
ET QUE CE N’EST PAS CARNAVAL
     Le film semble être une suite de                 Pour faire le lien entre ces deux        Quand la favela descendra des collines et que
tableaux. Les cadres, fixes pour la plu-         périodes, il y a des peintures insérées       ce n’est pas carnaval
part, dépeignent dans une esthétique             derrière les paroles. Des peintures de        Personne ne restera pour le grand défilé
chaleureuse la ségrégation spatiale et           l’époque coloniale où les blancs et les       A l’entrée un feu d’artifice pour tous ceux qui
sociale qui a lieu dans les quartiers riches     noirs sont strictement séparés, chacun        n’ont jamais vu ça
du Brésil.                                       occupant un rôle particulier. Finale-         De fusils, de mitraillettes et de grenades
     C’est un film à deux voix décrivant         ment l’histoire n’est pas révolue, elle est   C’est la guerre civile
deux situations opposées. La première            actuelle et la séparation toujours pré-
est celle d’un riche artiste allemand venu       sente. Les riches se sont barricadés dans     Quand la favela descendra des collines
s’installer au Brésil pendant la période         de grandes tours pour se protéger des         et que ce n’est pas carnaval
coloniale. La deuxième est celle des             pauvres, et ce sont ces mêmes pauvres         il n’y aura pas de temps pour la répétition
gardiens des résidences huppées bré-             qui montent la garde à l’entrée de ces        générale
siliennes. Entre les deux se trouvent les        tours. Tout est calme et ordonné, jusqu’à     Chaque école de samba se transformera en
murs, les grillages, les vitres, les barrières   la fin où l’ordre est renversé.               troupe de combat
et les caméras.                                       Urban solutions est une proposi-         La dramaturgie sera celle de la guerrilla
     Le rythme est lent, comme la journée        tion pour un autre ordre social qui invite    Et l’allégorie un arsenal d’armes
de ces gardiens condamnés à attendre             à contempler le présent pour mieux            Et les paroles chanteront une ville divisée
que quelque chose se passe, semblable            le modifier.                                  Le jour où ce sera l’enfer sur l’avenue
aux résidences filmées. Le grain et le                                              Pauline
cadre lui donnent un aspect ancien, légè-                                                      Quand la favela descendra des collines
rement dépassé. On se croirait presque                                                         et que ce n’est pas carnaval”
immergé dans une époque révolue.
                                                                                               (O dia em que o morro descer e não for
                                                                                               carnaval, Wilson Das Neves)
NOUS ENFUIR SUR UN CHAR AILÉ, DE NOA ROQUET - DOCUMENTAIRE— COMPÉTITION INTERNATIONALE

MÉMOIRE D’OUVRIÈRES
  Nous enfuir sur un char ailé est un film hybride entre docu-         La présence d’un discours en voix off travaillé qui accom-
mentaire et fiction de la cinéaste Noa Roquet. Ce film dresse le      pagne la lutte pour ces femmes, notamment par la présence
portrait d’une femme ouvrière dans les années 1970 à Genève.          de musique à l’écran.
  La cinéaste nous plonge dans cette société patriarcale et            Un militantisme puissant surgit à la fin du film et imprègne les
inégalitaire envers les femmes. Une forme cinématographique           images d’archives de liberté et d’espoir pour ces femmes qui
simple et puissante s’appuyant sur des images d’archives qui          ont souffert.
nous montrent la pénibilité et la souffrance de ces femmes             Bien que le noir et blanc du film et le décor nous rappellent
ouvrières et mères au foyer au milieu des années 1970.                que cela se passe dans les années 70, la lutte de ses femmes
  Une injustice prise à contrepied par la cinéaste par des choix      renvoie toujours à des revendications qui sont encore d’actualité
esthétiques avec des jeux de couleurs et une solidarité féminine      en 2023 : égalité de salaire et reconnaissance de leur “métier”
naissante qui donne espoir aux personnages.                           de mère.
                                                                                                                       Armand et Anaëlle

MÉDÉE EN VOIX OFF
Les images de ton film proviennent d’ar-
                                                                                  ENTRETIEN AVEC NOA ROQUET À PROPOS
                                                                                  DE SON FILM NOUS ENFUIR SUR UN CHAR AILÉ
                                              journalistes en voix off expliquaient qu’à      pliqué de construire une voix off qui ne
chives suisses ? Est-ce la découverte         chaque fois ils auraient voulu filmer des       soit pas une plate redondance de l’image
de ces archives qui a inspiré le film ou      femmes sur leur lieu de travail et que ça       ni un hors sujet, et qui établisse un dia-
tu avais déjà une idée de ce que tu vou-      avait été refusé par la direction de l’usine.   logue avec l’image, un contrepoint. Tra-
lais faire ?                                  Donc j’avais très peu d’images. Alors j’ai      vailler à deux m’a vraiment permis d’écrire
  Je suis en section montage à la Haute       été picorer dans d’autres reportages. J’ai      cette voix off avec une certaine liberté par
école d’art et design (HEAD) à Genève.        passé des heures et des heures à cher-          rapport à l’image, de ne pas l’enfermer
C’est un film réalisé dans le cadre d’un      cher dans des reportages qui ne parlaient       dans la stricte description.
atelier sur la mémoire ouvrière, car les      pas forcément de la condition féminine
nouveaux bâtiments dans lesquels l’école      des images qui pouvaient être éloquentes.       Pourquoi avoir fait le choix de super-
s’est installée il y a deux ans sont ceux                                                     poser un texte actuel, bien que inspiré
d’une ancienne usine. L’idée était de reve-   D’où provient le discours en voix off ?         de romans de plusieurs époques, à des
nir sur l’histoire des murs.                  Est-ce qu’il provient aussi d’archives ?        images du passé ?
  Dans cet atelier on devait utiliser les       C’est un long travail. Je suis tombé sur       Les romans que j’ai utilisés viennent de
archives de la RTS (Radio télévision          une émission qui parlait de cette femme         plusieurs époques différentes, du très
suisse romande), la principale télé           à Lausanne, qui, poussée par la détresse,       ancien au très récent et je pense que la
suisse. On avait accès à un stock d’ar-       la misère économique et sociale, avait tué      question de la position des femmes tra-
chives qui existe depuis 1954. On était       son enfant. Ce fait divers m’a frappée, et je   verse les époques
libre d’utiliser des archives plus ou moins   l’ai tout de suite relié au mythe de Médée.
récentes, et d’interpréter le thème de la     J’ai d’abord eu l’idée de faire une réécri-     Tu as utilisé des archives, des docu-
mémoire ouvrière.                             ture féministe du mythe de Médée, qui a         ments du passé, pour porter un dis-
  C’est un exercice assez commun en           beaucoup été réécrit par des hommes,            cours filmique actuel. Dans la mesure
montage de travailler avec des archives :     très peu par des femmes. Et puis il y a         ou les archives disent des choses de
c’est un vrai travail de montage et ça nous   cette très belle version écrite par l’écri-     leur époque et du contexte de création,
place en tant que réalisateur. Ça nous        vaine Christa Wolf. J’en ai sélectionné         quel genre d’archive constitue ton film,
pousse à travailler à partir d’un matériel    des extraits. J’ai aussi lu de la littérature   ou, peut-être, comment penses-tu qu’on
préexistant. C’était un cours de cinéma,      plus récente, notamment des romans              le lira plus tard, en tant qu’archive ?
de montage et d’archives en même temps.       qui parlent de femmes ouvrières, Daizy            C’est un film entre le documentaire et
                                              sisters, de Mankell, L’amie prodigieuse         la fiction, mais aussi entre le passé et le
Est-ce que les images que tu à utili-         d’Elena Ferrante, et un périodique des          présent. Il pourra témoigner d’un regard
sées parlaient déjà de la condition des       années 70, L’insoumise, que j’ai beau-          de 2022 sur les années 70. Je ne me suis
femmes, ou tu les a utilisées pour ce         coup utilisé. Je sélectionnais des extraits     jamais posé la question de comment il
qu’elles montrent de la condition des         que j’avais envie de réinterpréter dans         pourrait être perçu dans le futur. J’ai l’im-
femmes ?                                      mon film. J’en ai constitué une sorte de        pression qu’il y a des moments comme
  Ça dépend lesquelles. Quand j’ai com-       corpus et en parallèle, j’ai commencé à         ça dans l’histoire, ou à un instant, on
mencé à explorer les archives, je me suis     monter les images d’archives. J’ai confié       réinterprète des faits, des événements,
intéressé à l’histoire des ouvriers et des    tout ce matériel à une amie qui écrit afin      des structures de pensée, des structures
travailleurs étrangers. Dans les repor-       qu’elle s’en inspire. On a fait un travail      sociétales du passé. J’ai l’impression que
tages, il y avait quelques femmes et ça       d’aller-retour, elle écrivait, j’ajoutais des   mon film s’inscrit là-dedans. Il est très
m’a beaucoup interpellé, notamment            choses, je remontais les images par rap-        ancré en 2022, avec un discours qui est
l’idée de la double journée de travail,       port à son texte.                               celui d’une jeune femme de 2022, mais
qui revenait souvent. J’ai recherché des        Ce processus d’écriture de la voix off        qui s’interroge sur ce qu’ont vécu les
archives sur les femmes au travail, sur les   m’intéresse beaucoup, c’est le sujet            grands-mères par exemple. C’est un fil
femmes ouvrières. J’ai trouvé deux grands     de mon essai bachelor (une sorte de             tendu entre ces deux époques.
reportages sur le sujet, principalement       mémoire de licence). J’aime cette dialec-                       Propos recueillis par Célian
constitués d’interviews, et c’est tout. Les   tique entre le texte et l’image. C’est com-
ÉCLAIREUSES, DE LYDIE WHISSHAUPT-CLAUDEL - DOCUMENTAIRE - COMPÉTITION INTERNATIONALE

UNE TENDRE BULLE
  Marie et Juliette sont deux enseignantes qui ne comptent plus
leurs heures. Elles sont coincées entre leur bataille avec l’admi-
nistration belge pour être reconnues et financées et leur désir
d’aider les enfants qu’elles accompagnent.
  Dans ce film, la réalisatrice Lydie Whisshaupt-Claudel, nous
montre la formidable initiative de ces deux femmes pour aider
des enfants issus de l’immigration et sans parcours scolaire.
Dans le lieu qu’elles ont créé, “La petite école” , elles tentent de
trouver un compromis entre école et maison, pour ces enfants
qui n’ont jamais acquis l’apprentissage des rythmes scolaires.
Elles font tout pour préparer les enfants au cadre qui les attend
pour espérer qu’ils ne se retrouvent pas en décrochage scolaire.
  Bien que l’apprentissage soit au cœur de leurs préoccupations,
le bien-être des enfants passe avant tout. Il semble plus simple       comme le dit une pédopsychiatre qu’elles vont voir, « les enfants
parfois de suivre les envies des enfants pour les re-concentrer        sont bloqués dans le passé, qu’ils ignorent en même temps. »
sur les activités plus scolaires. On ressent comment le périple          Le projet de ces deux femmes tend à la recherche d’une
de ses enfants les à marquer au plus profond, tout comme leurs         bulle d’apaisement pour les enfants, mais également pour
parents.                                                               leurs parents.
  Juliette et Marie ne sont cependant pas seules dans ce voyage.         C’est un film qui joue entre l’innocence des enfants et la dure
Elles font appel à différents spécialistes pour mieux adapter          réalité des manquements au bon accueil de ceux-ci dans un
leurs techniques pédagogiques auprès des enfants. Cependant,           système qu’ils ne connaissent pas encore.
                                                                                                                                Anaëlle

MAUVAISES FILLES, D’EMÉRANCE DUBAS - ATELIER DÉMONTAGE D’UN MONTAGE

IL EN FAUT DU TEMPS ET DE LA CHANCE POUR
SE FAIRE UNE PLACE AU SOLEIL
    Mauvaises filles est un film alliant       Ce film touche plusieurs thèmes sen-              Entre rejet des enfants et manipu-
mise en scène, scènes d’archives et prise      sibles : viols, bastonnades, homophobie,      lation de la part institutions, ce film
de parole de femmes anciennement inter-        délaissement des parents,... Les maisons      dénonce le système et raconte l’histoire
nées en maison de correction. Il dresse        de correction sont vues par les filles        universelle de ces femmes. Mais au-delà
le portrait croisé de quatre femmes qui        comme une prison physique et mentale          de cet apport, il permet à ces femmes de
ne se connaissent pas mais qui pourtant        avec divers endoctrinements ( être tran-      reconnecter avec les petites filles qu’elles
partagent une histoire commune, celle          quille, silencieuse, bien se tenir, ne pas    étaient. Il a donc pour vocation d’être un
d’avoir été placée en internat de réédu-       avoir de relation homosexuelle).              film mémoriel, un travail sur la question
cation pour fille. Il montre comment les            Une voix cristalline presque enfantine   des traces et l’enfermement des corps.
marges - et leur prise en charge-peuvent       nous accompagne dès le début dans ces         Un film émouvant qui prend aux tripes et
raconter l’exercice du pouvoir, et struc-      lieux aujourd’hui délabrés pour pour          qui ne peut que nous faire ressentir de
turent la place des femmes dans la société     raconter ces vies à travers l’espace. Des     la compassion. Ces femmes tiennent ce
française. Les vies y sont organisées par      récits d’une grande puissance et d’une        traumatisme comme un poids : “Il restera
section dans des lieux labyrinthiques. Ici     grande violence s’enchaînent montrant         des traces de cette vie de chien”.
des religieuses sans connaissance dans         le traumatisme transgénérationnel qui en                                          Natane
le domaine éducatif appliquent des puni-       découle. Le montage conçu comme un
tions aux conséquences traumatiques.           puzzle fait monter l’ébranlement général.
Traversez la rue…
                                                                                                Journal du 14e festival Filmer le Travail
                                                                                                n°6 - Samedi 25 février 2023

                                                                                                Rédaction : Gwendal Guillard, Pauline
                                                                                                David, Anaëlle Bruneteau, Jade Desmou-
                                                                                                lins, Natane Marion, Armand Barranger,
                                                                                                Lucas Audinette, Isabelle Taveneau,
                                                                                                Thomas Dupuis

                                                                                                Le journal Traversez la rue est la concréti-
                                                                                                sation d’un atelier
                                                                                                d’écriture critique mené par Filmer le
                                                                                                travail depuis novembre 2022 avec un
SOIT BELLE ET TAIS-TOI, DE DELPHINE SEYRIG — DOCUMENTAIRE — RÉTROSPECTIVE                       groupe d’étudiants de l’Université de Poi-

ON A ENVIE DE LES ÉTRANGLER
                                                                                                tiers, issus des Master CTC et Anthropo-
                                                                                                logie, parcours ethnographie et écriture
                                                                                                audiovisuelle. Réalisation encadrée
                                                                                                par Isabelle Taveneau (FLT) et Thomas
 Cette phrase est dite par l’une des 24         Delphine Seyrig pointe déjà les pro-            Dupuis (Éditions FLBLB).
actrices que Delphine Seyrig a inter-         blèmes qui existent dans le domaine               Avec le soutien du FSDIE (Université et
rogées lors de son projet Sois belle          du cinéma, et cela 40 ans avant les               CROUS de Poitiers)
et tais-toi. Lors de ses entretiens, les      premières campagnes du mouvement
actrices françaises et américaines            #meetoo.

                                                                                               AGENDA
participent à une réflexion commune             Bien que le titre “On a envie de les
autour de leur métier et leur rapport         étrangler” puisse choquer nos chers
avec les acteurs et les autres actrices.      lecteurs, celui-ci entre dans le cadre
 La réalisatrice ne destinait pas ces
entretiens filmés à devenir un film. Son
                                              d’une réflexion beaucoup plus vaste
                                              que la réalisatrice porte et qui résonne
                                                                                               SAMEDI 25 FÉVRIER
                                                                                               14h La vie recommencée
but était de faire des projections pour       encore aujourd’hui.                              de François Perlier (2022)
amener le débat. Elle n’a pas fait beau-                                           Anaëlle     Tap Castille
coup de montage, seulement des cuts.
Elle laisse ainsi les propos des actrices       Le film sera projeté au cinéma Le Dietrich     16h Goutte d’or,
bruts. Elle les guide néanmoins en leur          au début du mois de mars. N’hésitez pas       de Clément Cogitore (2023)
                                                   à vous y rendre si vous n’avez pas eu la    Tap Castille
posant des questions allant de ce que                     chance de participer à la séance
ces femmes auraient fait si elles étaient                               du jeudi 23 février.   19h Cérémonie de remise des prix
nées homme à leurs relations avec les                                                          suivie d’un buffet de clôture
autres actrices.                                                                               offert par la ville de Poitiers
                                                                                               20h45 Polaris, d’Ainara Vera (2022)
                         Truffaut a dit :                                                      Tap Castille

        “il faut que les femmes écrivent pour elles”
                                                                                               DIMANCHE 26 FÉVRIER
                              Merci François !                                                 14h Rediffusion des films primés au
                                                                                               Cinéma le Dietrich

SWEET SIXTEEN, DE KEN LOACH — FICTION — RÉTROSPECTIVE ET JEUNE PUBLIC

TUER POUR ENTRER DANS LA COUR DES GRANDS
  Entre vente illégale de cigarettes et visites de sa mère toxico-
mane en prison, Liam tente de s’en sortir. Il vit chez son beau-
père violent et dealer de drogue et trouve refuge régulièrement
chez sa sœur Chantelle, jeune mère célibataire. Toujours accom-
pagné de son meilleur ami Pinball, il décide de vendre de la
drogue en prévision de la sortie de prison de sa mère. Il rêve
d’une vie sans problèmes avec elle, au bord du Clyde, dans
une caravane.
  Ken Loach nous plonge dans une Écosse précaire, en proie à la
violence et à une jeunesse désemparée. On est d’autant mieux
immergé dans cette réalité sociale que les acteurs sont des
non-professionnels, et que les cadrages restent très proches
des personnages. Le ciel perpétuellement gris ainsi que les
pierres des maisons renforcent l’ambiance funeste de l’histoire.
  Les fans du réalisateur ne seront cependant pas dépaysés par        ment des films de mafieux avec le traditionnel rite de passage
le film qui reprend les mêmes codes et la même trame narrative        pour entrer dans l’organisation de drogue.
que ses autres films. Le monde décrit est tragique, précaire           La tension ne redescend jamais et chaque nouvel évènement
et violent. Rien n’épargne les personnages d’une destinée qui         éloigne un peu plus Liam du futur qu’il espère.
semble déjà tracée. Par son sujet, le film se rapproche égale-                                                           Anaëlle et Pauline
RELAXE, D’AUDREY GINESTET-DOCUMENTAIRE-COMPÉTITION

LE GROUPE DE TARNAC ÉTAIT UNE FICTION
    Le film documentaire d’Audrey              Même si le film tourne autour         trice derrière la caméra et des voix
Ginestet met en avant le travail d’un      de Manon, il met en avant une vie         off expliquant le choix de son sujet
groupe de personnes soupçonnées            en communauté à travers différents        pour son premier film. On peut sen-
dans l’affaire de Tarnac. La réalisa-      plans mettant en scène le groupe de       tir que la réalisatrice est proche des
trice a choisi de suivre l’une des per-    soutien qui l’aide pour sa défense.       personnes présentes, à travers des
sonnes présentes dans cette affaire :      Les proches de Manon témoignent           regards caméra, surtout ceux des
Manon, musicienne professionnelle          face caméra de leur implication et de     enfants de Manon. Le long métrage
et gérante en collectivité d’une épi-      leur soutien dans cette affaire. Cer-     Relaxe à une dimension musicale
cerie, d’un bar et d’une bibliothèque,     tains autres inculpés dans l’affaire      importante, à travers des musiques
Le magasin général à Tarnac.               témoignent de l’impact sur leur vie       qui nous rappellent l’activité de la
                                           et participent à la mise en scène du      protagoniste du film et les scènes de
    Le long métrage nous replonge          procès. De manière générale, le film      répétition de sa formation.
dans cette affaire qui a occupé dix        nous rappelle l’univers du monde judi-
ans de la vie de Manon, préparant          ciaire à travers des textes présents à                    Gwendal et Pauline
sa défense à travers un simulacre de       l’image tirés des dossiers du procès,
tribunal pour le dernier chef d’accusa-    mais aussi de la difficulté de ce monde
tion encore présent. L’utilisation d’ar-   notamment avec la scène où Manon
chives de journaux télévisés traitant      tente d’expliquer à ses enfants cer-
des débuts de l’affaire ainsi que des      tains termes comme le mot “soupçon-
extraits plus récents sur la requalifi-    ner”. Relaxe dévoile des moments de
cation du procès en cours permettent       vie rythmée par le jugement à venir
de recontextualiser l’affaire pour le      jusqu’au feu de joie finale.
spectateur. Le documentaire montre
plus largement les impacts de ces              Le documentaire met l’accent
dix années sur l’entourage des per-        sur la relation intime entre Manon
sonnes concernées, ayant à la fois         et Audrey Ginestet. Cette proxi-
brisé des amitiés et des familles mais     mité avec les sujets filmés est
également renforcé certains liens.         renforcée par les quelques
                                           interventions de la réalisa-
GOUTTE D’OR, DE CLÉMENT COGITORE - FICTION - AVANT-PREMIÈRE

UN BON ARNAQUEUR
     Ramsès est un médium qui exerce            doute grandi à Paris, que c’est son père        (scène très drôle où les médiums se par-
dans le quartier de la Goutte d’or à Paris.     qui est venu du Maghreb en France. Le           tagent les populations : toi les maliens, toi
Il prétend voir des choses, parler avec les     film nous montre trois générations, celle       les indiens, toi les arabes etc.). C’est aussi
morts, mais on s’aperçoit vite que c’est        des enfants, qui sont venus en France de        le médium (au sens de moyen de com-
une supercherie. Il va être confronté à une     façon illégale et qui survivent tant bien       munication) qui va faire le lien pour les
bande de mineurs isolés venus du Maroc,         que mal dans ce quartier en se cachant et       spectateurs entre l’histoire des mineurs
qui dorment dans un parc, et viennent le        en volant, celle du père de Ramsès, venu        isolés et l’histoire de son propre père.
voir pour qu’il retrouve l’un des leurs, mys-   du Maghreb en France pour travailler,                On est beaucoup dans la nuit, l’image
térieusement disparu.                           et celle de Ramsès, fils d’immigré, qui a       est très belle. Immergés dans le quartier,
     Le début du film reste entre les quatre    cette double culture, et qui va faire le lien   dans les chantiers, on reste très proche
murs de l’appartement et du cabinet de          entre les deux autres générations.              des personnages. J’aime beaucoup ce
Ramsès, avant de s’élargir vers l’exté-             Que Ramsès soit un médium a en              côté “pris sur le vif”. C’est aussi assez
rieur, constitué principalement du parc où      effet une double signification. C’est un        violent, mais je dirais que c’est une vio-
dorment les enfants, et du chantier, dans       arnaqueur, qui profite de la crédulité de       lence de survie, de fauve blessé. Cette
lequel les pelleteuses évoluent comme de        gens désespérés, mais un “bon” arna-            violence (verbale et physique) vient plutôt
grands animaux, comme des dinosaures,           queur dans le sens où il est aussi montré       des enfants, et on sent que c’est leur seule
à la fois lents et carnassiers.                 comme quelqu’un qui console. D’ailleurs         façon de communiquer : ils ne parlent pas
     Les mineurs isolés parlent en arabe,       son business a tellement de succès              le français, ils sont perdus dans la ville, ils
reprochent parfois à Ramsès de mal le           que les autres médiums du quartier lui          n’ont pas d’autre façon de subsister.
parler, et on comprend que Ramsès a sans        reprochent de leur piquer leur clientèle                                              Thomas

RAMBOY DE MATTHIAS JOULAUD ET LUCIEN ROUX - DOCUMENTAIRE - COMPÉTITION INTERNATIONALE

APPRENDRE
     “Mon grand-père Martin Calvey, c’est un fermier. Il aime grand-père lui donne envie de revenir à cette vie de fermier
dire que c’est l’un des meilleurs. J’aime penser la même chose.” plus tard, avec quelques moutons. “On ne laissera pas tomber”.
     Cian, jeune garçon irlandais vit sur l’île d’Achill. Il a grandi       Des plans larges offrent une douceur et une évasion vers des
sur cette île principalement peuplée de moutons. Il aide et paysages apaisants, étendue verte ou océan atlantique, aussi
apprend avec son grand-père le travail à la ferme.                                   sauvages l’une que l’autre. Des plans plus serrés
On découvre sa vie avec les moutons, les chiens                 Vous savez la        nous rapprochent de Cian et de belles transitions
bergers, l’entretien de la ferme, quand il n’est pas            chose la plus        nous transportent d’un monde à l’autre, comme
à l’école ou au foot.                                         importante dans de la ferme à une baignade, une transition réalisée
     C’est une “aide à temps plein”. Nous décou-               la vie ? À votre      par la présence de l’eau servant au nettoyage des
vrons à travers ce portrait de Cian, les efforts et           avis ? La santé ?      moutons et plus tard à la baignade de Cian. Ce film
les enjeux qu’une ferme exige, et l’apprentissage L’amour? L’argent ? a une chronologie cyclique, les premières images
difficile de cette activité.                                       Non ! Un          sont celles des essais vains de Cian à attraper un
     La voix-off de Cian nous fait entendre ses rêves         bon réveil-matin       mouton et le film se conclut sur le même essai
et ses envies pour sa vie future. Son père a un tra-                                 réussi cette fois.
vail très éloigné de celui de fermier et loin de son fils, il a une vie     Un très beau film qui nous permet de rencontrer un grand-
connectée, avec les réseaux sociaux, à l’étranger. Cian voudrait père qui vit pour sa ferme, pour ses moutons, qui sont comme de
connaître cette vie et partir, voir et vivre autre chose. En même l’or pour lui. Et un petit-fils, qui a un héritage et une perspective
temps, son respect et son admiration pour le métier de son future différente.
                                                                                                                                          Jade
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