Regards sur la chinoiserie au milieu du XVIIIe siècle à Québec : les décors de papier peint de la maison Estèbe

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Artefact
                         Techniques, histoire et sciences humaines
                         6 | 2017
                         Histoire et archéologie

Regards sur la chinoiserie au milieu du XVIIIe siècle
à Québec : les décors de papier peint de la maison
Estèbe
A look on chinoiserie in the mid 18th century in Quebec: the wallpaper designs of
the Estèbe house

Nathalie Hamel

Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/artefact/801
DOI : 10.4000/artefact.801
ISSN : 2606-9245

Éditeur :
Association Artefact. Techniques histoire et sciences humaines, Presses universitaires du Midi

Édition imprimée
Pagination : 45-60
ISBN : 978-2-7535-7305-5
ISSN : 2273-0753

Référence électronique
Nathalie Hamel, « Regards sur la chinoiserie au milieu du XVIIIe siècle à Québec : les décors de papier
peint de la maison Estèbe », Artefact [En ligne], 6 | 2017, mis en ligne le 31 mai 2018, consulté le 05
mars 2020. URL : http://journals.openedition.org/artefact/801 ; DOI : https://doi.org/10.4000/artefact.
801

Artefact. Techniques, histoire et sciences humaines
Regards sur la chinoiserie au milieu du
                    xviiie siècle à Québec :
  les décors de papier peint de la maison
                                     Estèbe
                                                                                          Nathalie Hamel*

Résumé
  Cet article se construit autour d’un papier peint à motifs de chinoiserie, mis au jour
en 1946 dans une maison du quartier ancien de la ville de Québec (Canada). Il exa-
mine ses techniques de fabrication, ses motifs ainsi que son mode d’installation. Ce
papier peint est analysé en fonction du contexte de sa découverte et mis en relation
avec les collections archéologiques retrouvées dans le sous-sol de la résidence. Se ren-
contrent ainsi ethnologie, histoire et archéologie afin d’ouvrir une fenêtre sur l’univers                            45
domestique du milieu du xviiie siècle à Québec.

Mots-clés : archéologie, boiseries, chinoiserie, maison Estèbe, papier peint, porcelaine,
Québec, xviiie siècle.

Abstract. A look on chinoiserie in the mid 18th century in
Quebec : the wallpaper designs of the Estèbe house

   This paper is built around a chinoiserie wallpaper discovered in 1946 in a house of Quebec
City old quarter. The analysis of the context of this discovery, of manufacturing techniques,
patterns and mode of installation of this wallpaper, and its linking with archaeological collec-
tions found in the basement of this residence, offer a meeting point for ethnology, history and
archeology. It opens a window on the domestic decor of the mid-18th century in Quebec City.

   *. Nathalie Hamel est adjointe au renouvellement de la politique culturelle au ministère de la Culture
et des Communications du Québec. Titulaire d’un doctorat en ethnologie de l’Université Laval, elle est
l’auteure de plusieurs articles scientifiques et de deux ouvrages : La collection Coverdale : la construction
d’un patrimoine national, Québec, Presses de l’Université Laval, 2009, 390 p. ; « Notre maître le passé, notre
maître l’avenir » : Paul Gouin et la conservation de l’héritage culturel du Québec, Québec, Presses de l’Université
Laval, 2008, 204 p. Ses recherches portent principalement sur l’étude de la culture matérielle, l’histoire des
collections et du patrimoine ainsi que la notion de collection nationale. Contact : [hamelnat@gmail.com].
Nathalie Hamel

     Keywords : archaeology, chinoiserie, Estèbe house, porcelain, Quebec City, wallpaper,
     wood paneling, 18th century.

        Dans les réserves du Musée des              orientale, ainsi que son mode d’instal-
     beaux-arts de Montréal (Canada), se            lation. L’objet est analysé en fonction du
     trouve un remarquable papier peint à           contexte de sa découverte dans la maison
     motifs de chinoiserie1. D’une hauteur          Estèbe à Québec et mis en relation avec
     de 226,90 centimètres, il se compose de        les informations disponibles dans les
     quatre panneaux couvrant, lorsqu’ils           documents d’archives, ainsi qu’avec les
     sont mis bout à bout, une longueur de          artefacts à décor de chinoiserie décou-
     878 cm. Ce papier peint exceptionnel à         verts lors des fouilles archéologiques sur
     plus d’un titre, notamment par la dimen-       le site même. La variété des sources uti-
     sion et l’ancienneté de l’objet conservé,      lisées permet de cerner la présence de la
     est au cœur de cet article.                    chinoiserie dans l’art décoratif à Québec
        Ce texte se penche sur les caracté-         vers le milieu du xviiie siècle2.
     ristiques de l’artefact : sa technique de
     fabrication, ses thèmes d’inspiration

46   La maison Estèbe et ses boiseries
        Dès le début des années 1930, la            repose sur une cave voûtée et comporte
     maison Estèbe attire l’attention de            vingt et une pièces chauffées par huit
     Ramsay Traquair, professeur d’archi-           foyers. Il s’agit d’une des rares maisons
     tecture à l’université McGill (Montréal),      de la ville à avoir été épargnée par les
     qui met en évidence les qualités archi-        bombardements lors de la guerre de
     tecturales du bâtiment et l’aspect remar-      Sept Ans entre les métropoles française
     quable de ses boiseries intérieures3. Avec     et anglaise. Marchands ou hauts fonc-
     l’aide de ses étudiants, il trace les plans    tionnaires, tous les propriétaires de la
     de la maison et fait le relevé des boiseries   maison au cours de la période allant de
     (fig. 1). Traquair affirme que cette maison    1752 à 1790 font partie des classes les
     constitue un parfait exemple de « cana-        plus aisées de la ville et sont susceptibles
     dianisation » de l’architecture dans la        d’avoir fait installer les lambris. Pour sa
     colonie française, éveillant dès lors l’in-    part, Ramsay Traquair qui attribuait la
     térêt des collectionneurs d’objets anciens     construction de la maison à la veuve de
     pour les lambris parant les murs de cet        Pierre Fargues entre 1781 et 1784, affir-
     hôtel particulier de deux étages.              mait que les caractéristiques des lambris
        Connue sous le nom de maison                laissaient croire qu’ils avaient pu être
     Fargues jusqu’aux années 1960, la              installés entre 1770 et 1790. Il associait
     maison a été construite pour Guillaume         alors les motifs sculptés se trouvant
     Estèbe en 1751-1752. Bâtie en pierre, elle     sur les panneaux les plus ouvragés à la
Regards sur la chinoiserie au milieu du xviiie siècle à Québec

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  Figure 1. - Plans et élévations de la maison Estèbe, vers 1929. Le papier peint se trouvait sur trois des
quatre murs de la pièce D, à l’exception du mur donnant sur l’extérieur. John Bland Canadian Architecture
                Collection, Rare Books and Special Collections, McGill University (108067).
Nathalie Hamel

     production tardive des sculpteurs de                    dater avec certitude la pose des boise-
     la famille Levasseur, par comparaison                   ries dans la maison, les interprétations
     avec d’autres productions mieux docu-                   quant au moment de leur installation
     mentées de ces artisans pour la même                    et à l’identification des artisans qui les
     période. La parenté avec la production                  auraient fabriquées varient, mais toutes
     des Levasseur est indéniable et la plu-                 les situent au cours de la période allant
     part des chercheurs ont adhéré à cette                  de 1757 à 1810. La plupart des chercheurs
     attribution4 (fig. 2). Toutefois, aucun                 croient par ailleurs que les travaux ont
     document n’ayant permis jusqu’ici de                    été réalisés en différentes étapes.

48

     Figure 2. - Mur de la maison Estèbe donnant sur l’extérieur, dans la pièce où fut retrouvé le papier peint ;
      il est probablement contemporain du papier peint. John Bland Canadian Architecture Collection, Rare
                            Books and Special Collections, McGill University (104456).

     La découverte
        En 1946, William H. Coverdale (1871-                 française, achète les boiseries intérieures
     1949), président de Canada Steamship                    de la maison Estèbe5. Il embauche alors
     Lines et collectionneur passionné d’ob-                 une équipe spécialisée pour démonter
     jets témoignant de la culture canadienne-               les boiseries. Les ouvriers mettent alors
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au jour, derrière les lambris, un papier      au restaurateur new-yorkais Rudolph
peint comportant divers motifs représen-      Guertler pour nettoyage et restaura-
tant des fleurs, des oiseaux et des person-   tion. Les coûts de la restauration sont
nages inspirés de l’Orient. Le 23 février     d’environ 625 $. Le papier récupéré est
1946, la conservatrice employée par           remonté sous un nouveau format, sur
Canada Steamship Lines, May Cole écrit à      un nouvel endos de canevas, de façon
William H. Coverdale à New York pour          à pouvoir l’exposer. D’après les calculs
lui signaler la découverte, qu’elle décrit    de William H. Coverdale, le papier
en détail, en plus de joindre un échan-       reçu mesurait environ 400 pieds carrés.
tillon à sa lettre :                          En remontant les morceaux de façon à
                                              obtenir des sections de huit pieds de hau-
     « Il y a deux motifs. Un comme           teur, il estime que la perte sera de 40 %
  représenté avec le tronc de saule           de la surface totale. Le collectionneur
  bizarre et le personnage assis dans         prévoit qu’après les travaux de restaura-
  la chaise Chippendale – un deu-             tion, il disposera d’environ trente pieds
  xième personnage apparaît à la              linéaires de ce papier peint qui fera, selon
  gauche du personnage assis. L’autre         lui, « un très bel objet d’exposition un
  motif est une branche plus dentelée,        jour, quelque part7 ». Après restauration,
  une femme debout à sa gauche, la            le papier peint est évalué à près de 2 500 $.
  main droite et le bras élevés tenant           Dès la réception de l’échantillon
  un gracieux fanion rouge flottant.          expédié par May Cole à New York,
  Le rouge est encore assez brillant.         William H. Coverdale le montre à                49
  Entre ces deux motifs apparaissent          Marshall B. Davidson, conservateur à
  les urnes et les cerisiers en fleurs,       l’American Wing du Metropolitan Museum
  comme montré sur le fragment. Les           of Art, qui le date de 1805. May Cole
  motifs ne sont pas en continu sur un        affirme, quant à elle, que les lambris qui
  long rouleau comme sur du papier            recouvrent le papier peint datent de 1820,
  peint moderne6. »                           selon les archives de la Ville de Québec.
                                              Le papier peint se trouvant derrière est
  Le papier peint est en mauvais état         forcément plus ancien, ce que tendent à
et montre des traces de décoloration.         confirmer les ouvrages consacrés à l’his-
Cinq rouleaux sont néanmoins expédiés         toire du papier peint et la consultation de
à William H. Coverdale qui les confie         spécialistes du sujet8.

Des motifs inspirés des « Indes »
  May Cole précise que ce papier              les motifs. Deux scènes principales, alter-
peint se compose de feuilles mesurant         nées horizontalement, ornent le papier
approximativement 22 pouces de largeur        peint, chacune occupant la dimension
par 36 pouces de hauteur (environ 55 x        d’une feuille.
90 cm), sur lesquelles ont été imprimés
Nathalie Hamel

        La première représente trois person-          blanches ? Enfin, l’espace vertical entre
     nages dans un pavillon au côté duquel se         les deux scènes principales est comblé
     trouve un saule au tronc noueux (fig. 8,         par deux autres ensembles de motifs.
     cahier couleur). Près du saule, une              Ces feuilles représentent des oiseaux,
     femme est assise sur une chaise mon-             des fleurs et des branches d’arbre, ces
     trant l’influence du style Chippendale,          dessins étant en continuité avec ceux des
     donnant ainsi un indice de datation rat-         scènes principales.
     tachant l’objet au milieu du xviiie siècle          Les motifs du papier peint de la
     environ9. Devant la femme, se trouve             maison Estèbe ont été imprimés puis
     une petite table sur laquelle un enfant          colorés à la main. La gravure est d’une
     dépose une corbeille de fruits. Aux pieds        grande délicatesse, les lignes fines créant
     de celui-ci, un petit chien se tient sur ses     tour à tour des textures de fibres entre-
     pattes de derrière. Une deuxième femme           croisées ou des ombres, donnant ainsi
     est debout, derrière une table sur laquelle      de la profondeur aux fleurs, accentuant
     repose un bol. À l’avant-plan, un muret et       la courbure de la toiture ou dessinant le
     trois vases bleu et blanc contiennent des        détail des plumes des oiseaux. Un effet
     fleurs ou des branches avec du feuillage.        de perspective est créé par la disposition
     Le vase du centre est lui-même décoré de         de vases à l’avant-plan, par la présence
     fleurs et d’oiseaux.                             du bateau en arrière-plan et par la pro-
        La seconde scène montre elle aussi            fondeur de la pagode.
     trois personnages qui semblent échanger             Ces motifs reprennent l’essentiel des
50   des marchandises (fig. 9, cahier couleur).       éléments caractéristiques de la chinoi-
     L’un d’eux, au centre de la scène, porte         serie : personnages, animaux exotiques
     une robe à motifs, un turban et un man-          (singes, oiseaux), îles garnies de rochers,
     teau aux manches bordées de fourrure. À          d’arbres et de fleurs, ponceaux, clôtures,
     sa droite, un petit singe est assis sur une      pavillons et pagodes. Dès le xviiie siècle,
     caisse. Le second personnage est vêtu            une production orientale conçue pour les
     plus modestement. Il a le crâne chauve,          marchés européens se développe pour
     à l’exception d’une petite natte de che-         répondre à l’attrait croissant de la chinoi-
     veux à l’arrière de la tête. Il tient dans ses   serie. Rapidement, les marchandises
     mains un rouleau de tissu à motifs (ou           orientales rapportées par les diverses
     de papier peint ?) qui se déroule sur l’un       compagnies des Indes influencent les
     des tonneaux se trouvant entre les deux          techniques de production européennes,
     hommes. Deux autres rouleaux reposent            particulièrement dans le cas de la por-
     sur le sol. Un enfant tenant sous le bras un     celaine et de la laque, que les Européens
     objet (un autre rouleau ?) se tient derrière     tentent d’imiter. La présence de ces mar-
     l’homme chauve. À l’arrière-plan, der-           chandises et la diffusion de récits de
     rière une petite colline, un voilier semble      voyage stimulent la création de motifs
     attendre, un long fanion rayé rouge et           inspirés de l’Orient.
     blanc flottant à son mât. Faut-il voir dans
     ce fanion un clin d’œil à la Compagnie
     des Indes orientales (anglaise), dont le
     drapeau comporte des rayures rouges et
Regards sur la chinoiserie au milieu du xviiie siècle à Québec

La fabrication et l’installation du papier peint
   Les papiers peints chinois, appelés         du papier peint, allant de la découpe
« papiers des Indes » parce qu’ils             des marges des feuilles et l’indication de
étaient transportés par les bateaux des        points de repères, jusqu’aux techniques
Compagnies des Indes hollandaise,              de pose des bordures de finition ou le
anglaise et française, étaient destinés        tapissage d’un plafond en coupole. Un
à orner les paravents ou les écrans, ou        paysage « dans le goût chinois » illustre
encore à être assemblés sur les murs10.        la dernière section de la planche V.
Les premiers papiers chinois peints à la       Bien que les illustrations montrent la
main seraient arrivés en Angleterre à la       pose du papier peint directement sur le
fin du xvie siècle. Peu d’entre eux auraient   mur, la septième planche représente un
atteint les colonies nord-américaines,         ouvrier tendant une grande toile sur le
puisqu’ils devaient d’abord transiter par      mur, sur laquelle des ouvriers collent les
les métropoles où ils étaient recherchés.      feuilles de papier peint, qui est par la
Très coûteux, ils servent rapidement de        suite roulée, avant d’être montée sur des
modèle pour une production plus acces-         châssis de bois.
sible qui se développe en France et en            Cette technique s’apparente forte-
Angleterre. Les papiers peints européens       ment à celle utilisée pour l’installation
se couvrent de motifs de fleurs et d’oi-       du papier peint de la maison Estèbe. Des
seaux et présentent des décors plus éla-       feuilles de petits formats ont été mon-
borés que ceux de la production chinoise.      tées sur des bandes de toile assemblées         51
   Vers 1759, l’artiste et graveur français    manuellement, ces bandes étant ensuite
Jean-Michel Papillon (1698-1776) dessine       fixées par des broquettes forgées à la
une série de sept planches, destinées à        main à un châssis de bois de la grandeur
être gravées pour illustrer l’article sur le   de la surface couverte12. Ensuite, une
papier de tapisserie dans l’Encyclopédie       bordure présentant un motif différent
de Diderot et d’Alembert. Il y repré-          vient recouvrir les bords du papier peint.
sente de façon détaillée la fabrication et     Cette façon de faire offre l’avantage de
l’installation du papier peint en France       ne pas nécessiter une finition impeccable
à cette époque11. Papillon représente les      de la surface des murs et de permettre de
ouvriers imprimant les motifs sur des          déplacer aisément un papier peint dis-
feuilles de papier en les déposant sur une     pendieux vers un autre endroit. Quant
planche de bois gravée. Ceux-ci pressent       aux bordures, en plus d’être décoratives,
ensuite la feuille à l’aide d’un rouleau.      elles recouvrent les rebords grossiers du
Après séchage, des femmes appliquent           papier peint et cachent les broquettes,
les couleurs avec un patron. La troisième      simplifiant ainsi grandement le travail
planche montre le travail de préparation       de l’installateur. Bien que le papier peint
des murs avant la pose du papier : les         soit relativement coûteux au xviiie siècle,
surfaces sont grattées au couteau puis les     la préparation des murs d’une nouvelle
fissures sont bouchées à l’aide de bande-      maison pour recevoir du papier peint
lettes de papier. Les planches IV et VII       est, semble-t-il, moins chère que son
présentent différents détails de la pose       apprêt pour de la peinture13.
Nathalie Hamel

       Selon Robert Kelly, le papier peint         c’est-à-dire selon une alternance entre
     de la maison Estèbe est une installation      les motifs principaux et les motifs secon-
     bâclée, puisque l’alternance des motifs       daires. La forme actuelle place les motifs
     principaux dans une ligne horizontale         principaux au même plan et donne une
     aurait plutôt dû être en raccord sauté,       impression de surcharge14.

     La simultanéité du papier peint et du lambris
       En plus d’une description des motifs        peint sous les boiseries. Il s’agit du mur
     et du mode d’installation, May Cole           extérieur de la maison. Son lambrissage
     fournit dans sa lettre de précieuses infor-   pouvait donc avoir une fonction isolante.
     mations quant à la disposition du papier         La contemporanéité du papier peint
     peint dans la pièce :                         et des lambris à motifs rocaille dans la
                                                   maison Estèbe paraît tout à fait possible.
          « Le mur ouest, à droite de la porte     May Cole mentionne d’ailleurs que le
       d’origine, est tapissé. […] La porte        papier peint a été trouvé sur les autres
       a été peinte pour se marier avec le         murs, entre le mur de plâtre d’origine et
       rose des fleurs de cerisier, je pense.      les boiseries. Elle précise qu’il n’y avait
       […] Pas de papier sur le mur du             pas de papier peint au-dessus du foyer et
52     côté du fleuve, où étaient les grands       que des traces de colonnes de plâtre, qui
       panneaux lisses comportant les              auraient été enlevées pour pouvoir ins-
       sculptures complexes sur les côtés.         taller les lambris, y sont toujours visibles.
       Je pense maintenant que l’ensemble          Elle présume que le papier peint est resté
       de ce panneau, qui est façonné dif-         intact depuis son installation qui est anté-
       féremment du reste, a été créé pour         rieure au lambris. Doit-on conclure que
       porter le thème du papier15. »              le papier peint a été installé très tôt après
                                                   la construction de la maison, à l’époque
        May Cole suggère que les motifs des        de Guillaume Estèbe ? Pourrait-il s’agir
     lambris auraient été conçus pour s’har-       du premier recouvrement mural de
     moniser au papier peint et que la porte       la pièce ? Nous ne pouvons l’affirmer,
     aurait été peinte pour s’agencer à la         puisque ce mode d’installation permet-
     couleur des fleurs de cerisier qui y sont     tait d’enlever aisément un papier peint
     illustrées. Cette hypothèse d’une pré-        lors d’un déménagement. Il ne serait
     sence simultanée du papier peint et des       d’ailleurs pas impossible que ce papier
     boiseries de style rococo est tout à fait     peint en ait remplacé un précédent, ins-
     probable selon ce qu’affirment les his-       tallé de la même façon.
     toriens des arts décoratifs16. Notons que
     le mur où se trouvaient les boiseries à
     motifs rocaille qui ont largement fait la
     renommée de l’ensemble (fig. 1 et 2), est
     le seul qui ne comportait pas de papier
Regards sur la chinoiserie au milieu du xviiie siècle à Québec

La provenance et la datation du papier peint de la
maison Estèbe

   L’ensemble des données recueillies,        de Londres, représentant un homme
à commencer par les informations rela-        à dos de chameau et un second per-
tives au contexte de la récupération du       sonnage avec un chien, montre d’im-
papier peint et sa relation aux boise-        portantes similitudes avec celui de la
ries, nous ramène à la période 1760-          maison Estèbe. De même, quatre papiers
1770. Cela nous situe tout juste après la     peints des collections du Whitworth à
guerre de Sept Ans, au moment où la           Manchester et un autre du Museum of
Nouvelle-France devient le Bas-Canada         London ont une parenté évidente avec
et où les principales sources d’appro-        celui de la maison Estèbe (fig. 10, cahier
visionnements de la colonie passent de        couleur). Le type de scènes, le dessin des
la France à ­l’Angleterre, rendant diffi-     fleurs, la gravure des lignes de façon à
cile l’attribution d’une provenance au        créer du relief, l’application de la couleur
papier peint de la maison Estèbe autre-       sur les fleurs et les vêtements, tous ces
ment que par comparaison à d’autres           éléments présentent de grandes ressem-
spécimens de l’époque. Selon Friederike       blances avec le papier peint de la maison
Wappenschmidt, spécialiste des papiers        Estèbe. Tous ces papiers peints sont datés
peints à motifs de chinoiserie en Europe,     des environs de 1770. Ils sont particuliè-
le papier peint de la maison Estèbe est       rement intéressants en tant qu’exemples         53
tout à fait caractéristique de la produc-     d’interprétation européenne résultant
tion vendue à Londres au cours des            des influences orientales.
années 1750 et 176017. Les divers éléments       Pour sa part, le papier peint de la
illustrés sont typiques de la chinoiserie :   maison Estèbe présente l’avantage de
personnage, fleurs, papillons, pagodes,       pouvoir être mis en relation avec les
paravent, rochers, arbres, etc. Les oiseaux   archives coloniales et les collections
sont peints à la manière de ceux que l’on     archéologiques retrouvées sur le site.
trouve sur les étoffes de soie appelées
« péquin » vers 1750, particulièrement
la pie sur une branche de pivoines qui
aurait été, selon Wappenschmidt, copiée
sur une soie chinoise. La présence d’une
chaise Chippendale dans les motifs est
un autre élément pouvant être associé à
la même période.
   Les caractéristiques stylistiques de
l’objet le rapprochent de certains exem-
plaires de la production anglaise de
la même époque conservée dans les
musées d’Angleterre. Un papier peint se
trouvant au Victoria & Albert Museum
Nathalie Hamel

     La présence de papiers peints et de tapissiers à
     Québec dans la seconde moitié du x viii e siècle

        Quelques documents attestent la pré-          production comme celle de la tapisserie
     sence de papier peint dans les résidences        soit présente en Nouvelle-France. Quant
     de la ville de Québec au xviiie siècle. Ainsi,   à la fabrication de tapisserie de papier à
     un document mentionne clairement une             Québec, elle est tout aussi improbable.
     « tapisserie de papiers veloutés » dans          La première imprimerie de la ville a
     un logis de la rue Saint-Jean en 177018.         été créée sous le Régime anglais par les
     Ce papier imitant le velours, ou ton-            Américains William Brown et Thomas
     tisse, était fabriqué en Angleterre dès le       Gilmore, afin d’imprimer leur journal
     début du xviiie siècle. Il fut introduit en      bilingue, la Gazette de Québec en 1764, et
     France vers 1753 et y connut une grande          il faut attendre 1843 avant qu’une pre-
     popularité. Une autre mention, datée             mière production canadienne de papier
     de 1788, concerne la maison Landron-             peint apparaisse, dans une usine de
     Descheneaux, située sur la place Royale          pâte à papier de la région de Portneuf22.
     à Québec. Il y est mentionné « dans la           En conséquence, le papier peint de la
     chambre rue notre-Dame […] une tapis-            maison Estèbe est forcément un produit
     serie de papier en bon ordre au bas de           d’importation.
     laquelle est une boisure à hauteur des              Dans la première édition de la Gazette
54   chaises […] l’appartement tapissé de             de Québec, le 21 juin 1764, le marchand
     papier colle […] un cabinet […] cloi-            d’origine anglaise John Baird annonce,
     sonné et tapissé de papiers19 ».                 en français et en anglais, la mise en vente
        Les archives révèlent aussi que               « au plus juste prix », d’« un assortiment
     des tapissiers vivaient à Québec au              de marchandises convenable à ce pays,
     xviiie siècle20. Néanmoins, la fabrication       qui ne font qu’arriver de Londres ».
     de tapisseries tissées ou de papiers peints      Parmi les marchandises énumérées, on
     dans la colonie sous le Régime français          note entre autre des « cottons imprimés
     est tout à fait improbable. Tout d’abord         et de l’Indienne », des « nankins » et du
     parce que la production de textiles en           « papier de tapisserie », appelé dans la
     Nouvelle-France est restée marginale et          version anglaise « Paper Hangings ».
     ne suffisait pas à répondre aux besoins de
     base (toiles, vêtements). Malgré quelques
     tentatives, l’établissement de manufac-
     tures était peu encouragé, voire même
     interdit, sous le Régime français. Les
     politiques mercantilistes considéraient
     les colonies comme des espaces d’appro-
     visionnement en matières premières et
     des marchés pour les produits manu-
     facturés en France21. En conséquence,
     il est d’autant moins probable qu’une
Regards sur la chinoiserie au milieu du xviiie siècle à Québec

Les marchandises étrangères dans la colonie
   La popularité des marchandises              être identifiés, témoignant ainsi de la
orientales en Europe s’est rapidement          popularité de ce type de céramique et
transportée dans les colonies nord-amé-        des thèmes chinois qui y sont illustrés.
ricaines. Les toiles peintes, introduites         Les utilisateurs de porcelaine vivant
en Europe au xvie siècle par les navi-         dans le secteur de la place Royale étaient
gateurs portugais, sont l’objet de nom-        des gens relativement fortunés. Il s’agit
breuses interdictions en France23. Vers        d’un groupe restreint d’individus aisés,
le milieu du xviie siècle, les Compagnies      actifs dans le commerce international ou
des Indes envoyèrent à leurs agents des        occupant des fonctions importantes au
échantillons et des dessins à reproduire       sein du gouvernement, ce qui fait qu’ils
ou à interpréter sur toile par les peintres,   étaient bien placés pour connaître rapi-
de façon à les adapter à la mode euro-         dement et adopter les goûts et les habi-
péenne, mélangeant alors traditions            tudes des classes nobles ou bourgeoises
décoratives indiennes, chinoises, japo-        des pays européens. Dans la plupart des
naises et même européennes. Quant aux          cas, les propriétaires des maisons où
papiers peints ou « papiers des Indes »,       furent retrouvés ces objets étaient des
des droits doivent être payés lors de          marchands et négociants qui tenaient
leur entrée en France, mesure visant à         un magasin sur les lieux même de leur
limiter leur importation. L’interdiction       résidence25.
des étoffes et toiles peintes venant de           L’étude des objets retrouvés révèle que      55
l’Inde, de la Chine et du Moyen-Orient         la porcelaine était avant tout destinée à
atteste la popularité de ces marchandises      la consommation des boissons telles que
en Nouvelle-France. Les autorités colo-        le thé, le café ou le chocolat. La présence
niales émettent quelques arrêts, édits ou      de théière et de bols à thé témoigne du
ordonnances visant à contrôler ou inter-       développement de la coutume du service
dire ces marchandises. Ainsi, en 1733, un      du thé, plante d’origine chinoise, dont
arrêt « interdit à tous les armateurs et       la consommation se répand après 1760,
négociants faisant le commerce des colo-       soit au moment où la colonie devient
nies d’Amérique d’y envoyer des étoffes        anglaise. Tout comme le thé, la porce-
et toiles peintes de l’Inde, de Perse, de la   laine est un produit de luxe et tous deux
Chine et du Levant24 ».                        ne deviendront plus accessibles que vers
   Bien que l’on ne possède pas de traces      la fin du xviiie siècle. Ainsi, on relève
de ces étoffes, une grande variété d’objets    dans les inventaires plusieurs mentions
de porcelaine orientale a été mise au jour     de tasses à thé ou à café, de théières en
par les recherches archéologiques réali-       porcelaine, de cafetières en cuivre, de
sées à Québec, précisément dans le sec-        chocolatières et même de quelques ser-
teur environnant la maison Estèbe. Au          vices à thé déposés sur un cabaret en bois
total, plus de deux cent soixante artefacts    verni et, en 1778, la mention d’une table
provenant de vingt et un sites archéolo-       de Chine26. Néanmoins, les recherches
giques et datant majoritairement de la         effectuées dans les inventaires après
seconde moitié du xviiie siècle ont pu         décès par les archéologues n’ont permis
Nathalie Hamel

     de repérer que seize documents conte-          ce qui témoigne de la relative rareté de
     nant des mentions de porcelaines, sur un       ces objets.
     total de cent seize inventaires dépouillés,

     Les marchandises étrangères sur le site de la
     maison Estèbe

        La fouille des latrines de la maison           L’inventaire des biens d’Henriette
     Estèbe a permis la mise au jour de l’une       Guichaud, veuve de Pierre Fargues, en
     des plus importantes collections de por-       novembre 1783, témoigne du niveau
     celaines orientales du secteur de la place     de confort régnant dans la maison à ce
     Royale, pour la période allant approxi-        moment. Elle possède de nombreux
     mativement de 1755 à 181027. Cent seize        meubles en acajou, répartis dans plu-
     objets de porcelaine orientale ont été         sieurs pièces : un bureau, six chaises, un
     identifiés : 61 bols (dont 13 bols à thé et    écran, des tables de divers formats, un
     plusieurs bols moyens ayant pu servir          fauteuil. Dans la chambre à l’avant de
     comme vide-tasse, sucrier ou pour l’in-        la maison, les meubles et objets divers
     fusion du thé) ; 40 soucoupes ; 9 assiettes    sont nombreux : lit, lits d’enfant, tables,
56   dépareillées ; 2 tasses ; un gobelet, une      malles, fauteuil, armoires, fusils, épées,
     soucoupe, une théière, un plateau à cuil-      etc. On note la présence d’« une garni-
     lères et un couvercle pour sucrier ou bol      ture de cheminée en porcelaine prisée et
     à infuser. L’influence européenne sur la       estimée à 6 livres » et « un lot de tasses,
     création d’éléments décoratifs d’inspira-      assiettes de porcelaine et verres le tout
     tion orientale est ici aussi visible par la    ensemble prisé et estimé une livre »31.
     présence de décors peints en bleu sur le cru   Il semble qu’il soit habituel que les
     qui présentent des motifs typiques de la       ensembles à thé et autres belles vais-
     tradition chinoise28. Outre les porcelaines    selles soient rangés dans la chambre
     orientales trouvées dans les latrines, on      des maîtres ou dans la salle qui ser-
     remarque aussi quelques fragments de           vaient à l’époque de lieux de séjour et de
     céramique anglaise (pearlware) présen-         rencontres32.
     tant des motifs de chinoiserie, ainsi que         Une autre pièce de la maison retient
     quatre pièces de porcelaine anglaise à         l’attention : « une Chambre à Coucher
     décor bleu d’inspiration orientale29. En       sur le derrière de la maison donnant sur
     outre, cent dix-sept objets en faïence,        le bord de l’eau ». Il s’agit sans doute de
     dont plusieurs comportent des décors           la pièce où se trouvaient le papier peint
     dans le style de la chinoiserie, ont été       et les boiseries attribuées à l’atelier des
     identifiés dans les latrines de la maison      Levasseur, la seule autre pièce du rez-de-
     Estèbe. La majorité des faïences retrou-       chaussée donnant sur le fleuve à l’époque
     vées est d’origine anglaise30.                 étant la cuisine33. On trouve dans cette
                                                    chambre un lit, « Un bureau de maho-
Regards sur la chinoiserie au milieu du xviiie siècle à Québec

gany […] Six chaises de Mahogany et           Gentleman and Cabinet-makers’Director,
deux fauteuilles […] Un fauteuille cou-       que ses meubles « conviennent parfai-
vert de mocate […] Une Chaize longue          tement pour la chambre à parer d’une
garnie de Ses oreillettes […] Une petite      femme de qualité, surtout si les murs en
table de mahogany avec une boîte à thé        sont tendus de papier des Indes35 ». Sans
[…] Vingt petits tableaux […] Un écran        présumer que la chambre d’Henriette
de mahogany […] Un miroir doré […]            Guichaud est dans le style de la chinoi-
Une table avec son Tapis […] Un poêle         serie, on peut tout au moins affirmer que
double garni de son tuyau ». Le style         le mobilier et les objets présents dans
des meubles n’est malheureusement             sa résidence sont caractéristiques des
pas précisé dans l’inventaire. L’acajou       modes favorites chez les classes privilé-
(« mahogany »), qui se prête particu-         giées à cette époque : meubles d’acajou,
lièrement bien au décor sculpté, est          vaisselle et garniture de cheminée en
cependant le bois le plus utilisé pour le     porcelaine, boîtes à thé. Et, peut-être, un
mobilier fait dans le « goût chinois »34.     papier peint à motifs de chinoiserie.
Thomas Chippendale affirme lui-même,
dans l’édition de 1762 de son ouvrage

Conclusion
                                                                                              57
   Cette étude du papier peint de la          sa pose se faisant fréquemment directe-
maison Estèbe a puisé aux méthodes            ment sur les murs et la fragilité même
de l’ethnologie, de l’histoire et de l’ar-    du matériau rendant sa conservation
chéologie historique, élargissant ainsi       rarissime. En conséquence, les papiers
le spectre des connaissances en situant       peints du xviiie siècle sont assez rares
l’objet dans une variété de contextes.        dans les collections et généralement de
Ainsi, la correspondance des années 1940      petit format, ce qui s’explique aisément
nous renseigne sur le mode d’installation     par la fragilité du matériau et la difficulté
du papier peint, son interrelation avec les   de récupérer les papiers peints anciens.
boiseries de la maison Estèbe, sa décou-         L’ensemble des informations recueil-
verte par un collectionneur, sa restaura-     lies tend à confirmer que le papier peint
tion et les projets de mise en valeur qui     retrouvé en 1946 dans la maison Estèbe
s’ensuivirent. Pour leur part, les archives   date des environs de 1760-1770. La pré-
du xviiie siècle et les collections archéo-   sence d’une chaise Chippendale dans les
logiques éclairent l’environnement dans       motifs, les rares exemplaires de papier
lequel cet objet était utilisé à l’origine.   peints datés du xviiie conservés dans les
Elles attestent la popularité de la chinoi-   musées, l’illustration de la technique de
serie chez une classe aisée des habi-         pose du papier peint par Jean-Michel
tants de la ville de Québec au milieu du      Papillon en 1759, tous ces éléments nous
xviiie siècle. La présence de papier peint    ramènent à la même période Le contexte
a pour sa part laissé bien peu de traces,     de la découverte et les recherches archéo-
Nathalie Hamel

     logiques faites sur le site de la maison                  5. À ce sujet, Nathalie Hamel, « Controverses
                                                            autour d’un objet : les boiseries de la maison Estèbe
     tendent à confirmer une datation du troi-
                                                            à Québec », in Martin Drouin (dir.), Patrimoine et
     sième quart du xviiie siècle.                          patrimonialisation du Québec et d’ailleurs, Québec,
        L’illustration d’une scène de commerce              Éditions MultiMondes, 2006. Pour plus d’infor-
     en Orient sur le papier peint de la maison             mations sur la collection rassemblée par William
                                                            H. Coverdale, Nathalie Hamel, La collection
     Estèbe offre un clin d’œil intéressant                 Coverdale : la construction d’un patrimoine national,
     puisque tous les occupants susceptibles                Québec, Presses de l’Université Laval, 2009.
     de l’avoir fait installer étaient eux-mêmes               6. Toutes les traductions de la correspondance
                                                            d’époque sont de l’auteure. « There are two motifs.
     commerçants et que la maison est située                One as shown with the weird willow trunk and the
     dans le quartier portuaire, sa cour arrière            figure seated in the Chippendale chair - a second
     se terminant par un quai donnant direc-                figure appears in the complete motif - to the left of
                                                            the seated figure. The other motif is a more lacey
     tement sur le fleuve Saint-Laurent, porte
                                                            bough, a standing woman to the left, right hand
     d’entrée importante du commerce colo-                  and arm elevated holding a graceful fluttering, red
     nial. Objet rare et exceptionnel, le papier            pennant. The red is still quite brilliant. In between
     peint de la maison Estèbe témoigne de                  these two motifs the urns and cherry blossoms
                                                            appear, as shown on the fragment. The patterns do
     techniques de fabrication anciennes, de                not run in a long roll as modern wallpaper », lettre
     réseaux commerciaux internationaux et                  de May Cole à William H. Coverdale, 23 février
     d’un imaginaire de l’Orient jusque dans                1946, Bibliothèque et Archives nationales du
                                                            Québec, centre d’archives de Québec, fonds minis-
     une ville coloniale d’Amérique.                        tère des Affaires culturelles, E6, 1980-00-025/2,
                                                            dossier « Correspondance-Coverdale&Colpitts–
                                                            1943-1949 ».
                                                               7. « a very nice showing somewhere some
58   Notes                                                  day », William H. Coverdale à May Cole, 17 mai
                                                            1946, Bibliothèque et Archives nationales du
        1. Cet artefact a été offert au musée par la com-   Québec, centre d’archives de Québec, fonds
     pagnie Canada Steamship Lines en 1951. La com-         ministère des Affaires culturelles, E6, 1980-00-
     pagnie a alors conservé une petite partie pour sa      025/2, dossier « Correspondance-Coverdale &
     collection et en a offert une autre au Royal Ontario   Colpitts - 1943-1949 ».
     Museum. On ne sait ce qu’est devenu le morceau            8. Nous remercions toutes les personnes
     conservé par la compagnie, mais les deux institu-      consultées : le musée des Beaux-Arts de Montréal ;
     tions muséales possèdent toujours les parties qui      Raynald Bilodeau (Parcs Canada) ; Ross Fox (Royal
     leur furent offertes.                                  Ontario Museum) ; Katherine Hunt (Winterthur
        2. Notre façon d’aborder l’étude de la culture      Museum) ; Bernard Jacqué (musée du Papier peint,
     matérielle a été fortement influencée par l’ap-        Rixheim) ; Dr Friederike Wappenschmidt.
     proche multidisciplinaire utilisée par Marcel             9. Thomas Chippendale a publié un premier
     Moussette, par exemple dans ses articles               recueil de dessin de mobilier en 1754, Gentleman
     « L’épingle et son double », Les Cahiers des Dix,      and cabinet-makers’Director. Il a donné son nom à un
     n° 60, 2007, p. 103-128, et « Les médailles reli-      style anglais de meubles en acajou dans lequel se
     gieuses, une forme de l’imagerie baroque en            retrouvent éléments rococo, gothiques et chinois.
     Nouvelle-France », Les Cahiers des Dix, n° 55, 2001,   Il n’est toutefois pas à l’origine des styles rococo
     p. 295-329.                                            et chinoiserie en Angleterre (Oliver R. Impey,
        3. Ramsay Traquair, No. 92 St. Peter                Chinoiserie : the impact of oriental styles on Western
     Street Quebec : A Quebec merchant’s house of the       art and decoration, London, Oxford University
     xviiie Century, Toronto, Brigdens Ltd, 1930.           Press, 1977 ; Madeleine Jarry, Chinoiseries : le
        4. Béatrice Chassé, « Maison Estèbe », in           rayonnement du goût chinois sur les arts décoratifs des
     Commission des biens culturels du Québec, Les          xviie et xviiie siècles, Fribourg, Office du livre, Paris,
     chemins de la mémoire, Québec, Les publications        Vilo, 1981).
     du Québec, t. 1, 1990 ; Marius Barbeau, « Les             10. Au sujet de l’histoire du papier peint,
     Levasseur : maîtres menuisiers, sculpteurs et sta-     voir entre autres Robert Kelly, The backstory
     tuaires », Les archives de folklore, vol. 3, 1948.     of wallpaper : Paper-Hangings 1650-1750, Lee,
Regards sur la chinoiserie au milieu du xviiie siècle à Québec

Massachussetts, 2013 ; Felicity L. Leung, Wallpaper         very charming. It is a mixture of various Asian
in Canada 1600s-1930s, [Ottawa], Parcs Canada,              elements from China, India and the Near East.
2 vol., 1983 ; Bibliothèque Forney, Le bon motif :          Chinoiserie wallpapers like this were produced
papiers peints et tissus des collections, 1760-1960 :       in London during the 1750ties and 1760ties. [… ]
Paris, 21 septembre-31 décembre, Bibliothèque Forney,       The wallpaper from Estebe House is a character-
Paris, Fédération française pour la coopéra-                istic example of eighteenth century Chinoiserie in
tion des bibliothèques des métiers du livre et de           England, which were sold at paper-makers in the
la documentation, 2004 ; Lesley Hoskins, The                city of London like Bromwich & Leigh », courriel
papered wall : the history, patterns and techniques         de Friederike Wappenschmidt à Nathalie Hamel,
of wallpaper, London, Thames & Hudson, 2005 ;               10 janvier 2004.
Catherine Lynn et Cooper-Hewitt Museum,                         18. Archives nationales du Québec à Québec,
Wallpaper in America : from the seventeenth century         Greffe du notaire Antoine-Jean Saillant, 26 avril
to World War I, New York, W. W. Norton, 1980 ; Gill         1770, inventaire, cité in George W. Leahy,
Saunders, Wallpaper in interior decoration, London,         L’ornementation dans la maison québécoise aux xviie et
Victoria & Albert Publications, 2002 ; Victoria             xviiie siècles, Sillery, Septentrion, 1994, p. 59.
and Albert Museum, Jean Hamilton et Charles                     19 G. W. Leahy, L’ornementation dans la maison
Chichele Oman, Wallpapers : a history and illus-            québécoise, op. cit., p. 58-59.
trated catalogue of the collection of the Victoria and          20. Nathalie Hamel, « Un papier peint inspiré
Albert Museum, London, Sotheby Publications in              de l’Orient dans une ville coloniale d’Amérique.
assoc. with the Victoria and Albert Museum, 1982.           Présence de la chinoiserie dans la maison Estèbe
   11. Toutes ces planches sont reproduites dans            à Québec au milieu du xviiie siècle », Revue de la
Françoise Teynac, Pierre Nolot et Jean-Denis                culture matérielle, vol. 68, automne 2008, p. 26-27.
Vivien, Le monde du papier peint, Paris, Berger-                21. Joseph-Noël Fauteux, Essai sur l’industrie
Levrault, 1981.                                             au Canada sous le régime français, [S.l. : s.n.], 1927,
   12. « Each surface covered by the paper is on a          chapitre X.
stretcher the size of that area, laid down on strips            22. Marcel Trudel, Histoire de la Nouvelle-
of canvas, joined by hand and overlapping the               France : le régime militaire et la disparition de la
frame, secured by the hand forged tacks. With the           Nouvelle-France 1759-1764, vol. 10, Montréal,
                                                                                                                      59
exception of the bottom and where modern doors              Fides, 1999, p. 290-291 ; Felicity L. Leung, Marques
have been introduced and around the windows,                d’identification des papiers peints et noms des fabri-
the paper is bordered by the pattern sent to you. »,        cants vendant des papiers peints au Canada, [Ottawa],
lettre de May Cole à W. H. Coverdale, 23 février            Parcs Canada, 1980, p. 5.
1946, op. cit.                                                  23. M. Jarry, Chinoiseries : le rayonnement du
   13. Hugh Honour, Chinoiserie : the vision of             goût chinois sur les arts décoratifs, op. cit., p. 50.
Cathay, London, John Murray, 1961, p. 132-135.                  24. Odile Krakovitch, Arrêts, déclarations, édits
   14. R. Kelly, The backstory of wallpaper : Paper-        et ordonnances concernant les colonies, 1666-1779 :
Hangings 1650-1750, op. cit., p. 84-85.                     inventaire analytique de la série Colonies A, Paris,
   15. « The west wall to the right of the original         Archives nationales, 1993, p. 385.
door is papered. […] The door has been painted                  25. Nicole Genêt et Camille Lapointe, La porce-
to blend with the pink of the cherry blossoms, I            laine chinoise de Place-Royale, Québec, ministère de
think. […] No paper is on the reveal of the river           la Culture et des Communications, 1994, p. 34-35.
wall, where the plain large panels were with the                26. Ibid., p. 36.
intricate carvings on the sides. I now think that               27. Monique La Grenade-Meunier avance
this whole panel which is fashioned differently             l’hypothèse que les latrines de la maison Estèbe
to the rest, was created to carry the theme of the          auraient été peu utilisées comme dépotoir après
paper. »                                                    1790, raccourcissant ainsi de vingt ans leur période
   16. Peter Thornton, Authentic décor : the                d’utilisation ; Monique La Grenade-Meunier,
domestic interior, 1620-1920, New York, Viking,             Vivre à Place-Royale entre 1760 et 1820 : Annexes 1 à
1984, p. 99, et M. Jarry, Chinoiseries : le rayonne-        6, vol. 3, [Québec], ministère de la Culture, 1993,
ment du goût chinois sur les arts décoratifs des xviie et   p. 276.
xviiie siècles, op. cit., p. 13.                                28. N. Genêt et C. Lapointe, La porcelaine
   17. « The wallpaper from the Estebe House                chinoise de Place-Royale, op. cit., p. 28 et 41.
(built in 1752), Quebec City, now in the Musée des              29. M. La Grenade-Meunier, Vivre à Place-
beaux arts de Montréal is a very nice and as far            Royale entre 1760 et 1820, op. cit., p. 289.
as I know a rare example of a Chinoiserie wall-                 30. Nicole Genêt, Les collections archéologiques
paper. Motives, technique, colouring and style are          de la place Royale : la faïence, Québec, ministère des
Nathalie Hamel

     Affaires culturelles, direction générale du patri-
     moine (Dossier no 45), 1980.
        31. P.L. Panet, (Greffe du notaire). « Inventaire
     des biens d’Henriette Guichaux, veuve de
     Pierre Fargues négociant de la rue Saint-Pierre
     à Québec », 24 novembre 1783, Bibliothèque et
     Archives nationales du Québec, centre d’archives
     de Québec.
        32. N. Genêt et C. Lapointe, La porcelaine
     chinoise de Place-Royale, op. cit., p. 37.
        33. Rappelons que les divisions de la maison ont
     changé entre le moment de l’inventaire des biens
     d’Henriette Guichaud, en 1783, et les relevés faits
     par Ramsay Traquairen, en 1929 ; Béatrice Chassé,
     L’hôtel de monsieur Estèbe à Québec, Québec, minis-
     tère des Affaires culturelles, 1978.
        34. Dawn Jacobson, Chinoiserie, London,
     Phaidon Press, 1993, p. 138.
        35. Françoise Teynac, Pierre Nolot et Jean-
     Denis Vivien, Le monde du papier peint, Paris,
     Berger-Levrault, 1981, p. 45.

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