Quelle place pour le dialogue dans les soins de santé au Canada? - What is the place of dialogue in healthcare in Canada?
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MAGAZINE REMUE-MÉNINGES Quelle place pour le dialogue dans les soins de santé au Canada? What is the place of dialogue in healthcare in Canada?
MAGAZINE REMUE-MÉNINGES | 3 I N T R O D U C T I O N Cher-e-s lecteur-rice-s, Nous avons rassemblé les perspectives de Dear readers, certain ethical issues involving dialogue in plusieurs parties prenantes pour aborder certains healthcare settings, following the Montreal Health Les questions d’éthique en matière de santé enjeux entourant le dialogue dans le milieu de la Ethical concerns relating to healthcare Ethics Conference Series which focused on this touchent tout le monde au quotidien. Cependant, santé faisant suite à la Série de conférences de involve everyone on a daily basis. However, debates topic in 2019-2020. Louis Angot talks about his les débats sur ces questions sont souvent Montréal en éthique de la santé ayant porté sur on these questions are often considered to be experiences as a patient with a chronic health considérés comme l’apanage des expert·e·s et ce thème en 2019-2020. Louis Angot nous parle reserved for the voice of experts and specialists. condition; an anonymous healthcare professional des spécialistes. Par ailleurs, de multiples facteurs de son expérience en tant que patient ayant une In reality, multiple factors render these exchanges gives us their point of view on how the COVID-19 font que les échanges en la matière souffrent d’un condition de santé chronique; un professionnel de as lacking in genuine reciprocity between the crisis bombarded our healthcare systems; Janie manque de véritable réciprocité entre différents la santé (anonyme) nous donne son point de vue different axes that differentiate our identities, Gagné and Anouck Alary, along with Julie Robillard axes de différentiation identitaire, notamment le quant à la crise de la COVID-19 qui a frappé de such as sex, gender, skin colour, language, and Isabel Jordan, offer two different perspectives sexe, le genre, la couleur de peau, la langue, le plein fouet les systèmes de santé canadiens; Janie socioeconomic status, and ethnicity. With this in on the place for participatory research in the statut socioéconomique et l’ethnicité. Dans ce Gagné et Anouck Alary ainsi que Julie Robillard et mind, how do we engage in open discussions, ones health sector. Three other contributors invite us contexte, comment est-il possible de s’engager Isabel Jordan offrent deux points de vue différents which offer the opportunity for self-expression for to rethink dialogical approaches in healthcare: dans un dialogue ouvert, qui offre à toute personne sur la place de la recherche participative en santé. all those concerned? What can we learn from one Victoria Doudenkova and Isabelle Mimeault of the concernée l’opportunité de s’exprimer? Que peut- Trois autres contributions nous invitent à repenser another? And how can healthcare systems, health Réseau Québécois pour la santé des femmes on ainsi apprendre les uns des autres? Et comment les approches dialogiques en santé : Victoria organizations, and relationships between health (RQASF) unpack a global and feminist approach to les systèmes de santé, l’organisation des soins, Doudenkova et Isabelle Mimeault du Réseau professionals and patients, reflect and engender healthcare; Michael Cordey reflects on the place of les relations entre professionnel·le·s de la santé québécois pour la santé des femmes (RQASF) these different perspectives? ethical deliberation at the heart of care; and Hubert et patient peuvent-ils incarner ces différentes décortiquent l’approche globale et féministe de Doucet asserts interprofessional collaboration as perspectives? la santé; Michael Cordey réfléchit sur la place In our second issue of Brainstorm Magazine, key to improving of how we offer healthcare. Last, de la délibération éthique au cœur des soins; a breadth of contributors – researchers, clinicians, authors implicated in questions on the health of Pour ce second numéro de Remue-méninges, et Hubert Doucet revendique la collaboration patients, rights advocates, and other relevant marginalized communities, such as First Nation’s un éventail de contributeurs – chercheur·s·e·s, interprofessionnelle pour améliorer l’offre de soins. parties – share their perspectives and their health researchers Graham Brace and JoLee clinicien·n·e·s, patient·e·s, défenseur·s·e·s de droits Enfin, des auteurs impliqués dans les questions reflections on themes of dialogue and ethical Sasakamoose, alongside an anonymous Acadian et autres parties prenantes – partagent leurs de santé de communautés marginalisées, tels que deliberation within the context of health in Canada. patient and volunteer, discuss central issues perspectives et leurs réflexions sur les thèmes du Graham Brace et JoLee Sasakamoose, chercheurs After a particularly challenging year for healthcare, such as healthcare access and the existence of dialogue et de la délibération éthique dans le milieu en santé autochtone, ainsi qu’un patient et it is ever more important to reflect on what dominant and discriminatory paradigms. de la santé au Canada. À la lueur de cette dernière bénévole acadien (anonyme), soulèvent des enjeux comprises a healthcare system able to respond année bien particulière sur le plan de la santé, il centraux tels que l’accès aux soins et l’existence de to the actual needs of society. What place must The objective of Brainstorm Magazine is est d’autant plus important de réfléchir sur ce que paradigmes dominants discriminatoires. dialogue occupy in our healthcare systems? How to bring to light prominent academic debates to constitue un système de santé qui répond aux do we avoid getting entrenched in old habits that make place for an inclusive dialogue on the topic of besoins réels de la société. Quelle place doit prendre L’objectif de Remue-méninges est de faire dehumanize care, wherein patients’ ability for self- health ethics, as well as present complex subjects le dialogue dans le système de santé? Comment émerger le débat académique au grand jour et expression is thwarted? Can we even broach the in a way more accessible to all. In the spirit of our éviter de s’enliser dans une déshumanisation des ainsi faire place à un dialogue inclusif en matière topic of suffering in our modern healthcare system? bilingual country, Brainstorm Magazine contains soins où les personnes sont privées de parole? d’éthique de la santé, en plus de présenter des How do we establish dialogue in processes of articles in both French and English. We hope that Peut-on même parler de souffrance et l’aborder sujets complexes de manière plus accessible. Dans political decision-making? Can we have exchanges the diversity of our contributors and the topics dans le système de santé contemporain? Comment l’esprit de la dualité linguistique de notre pays, and discussions that transcend our individual they discuss will incite and encourage you to établir le dialogue dans les prises de décisions Brainstorm Magazine - Remue-méninges contient differences and the systemic structures that assign further explore ideas yet to be discovered within politiques? Peut-on échanger et discuter au-delà des articles en français et en anglais. Nous specific roles to us as citizens? This past year we the realm of health and ethics. de nos différences et des structures qui attribuent espérons que la diversité des contributions et des have just braved, marked by the non-negligible des rôles spécifiques à tout un chacun? Cette sujets abordés vous stimulera et vous incitera impacts of COVID-19, has only further highlighted BRAINSTORM MAGAZINE’S année que nous venons de traverser, marquée à vous plonger dans certains domaines encore the importance of these questions, ones which cut EDITORIAL TEAM par les impacts non négligeables de la pandémie inexplorés de la santé et de l’éthique. across spheres of social and health services (e.g. Eric Racine, Amélie Lanteigne and John Aspler COVID-19, a tout simplement amplifié l’importance long-term healthcare housing facilities). de ces questions qui traversent toutes les sphères L’ÉQUIPE ÉDITORIALE DE REMUE- de services sociaux et de santé (par exemple, les MÉNINGES We have here gathered the perspectives hébergements de soins de longue durée). of multiple different stakeholders in addressing Eric Racine, Amélie Lanteigne et John Aspler 2|
MAGAZINE REMUE-MÉNINGES | 5 S O M M A I R E 06 20 32 Douleurs chroniques : un Le dialogue en santé est-il Dialogue? Yes. Burden? No. parcours de soins semé instrumentalisé? Ethical Challenges in Engaging d’embûches People with Lived Experience Anouck Alary & Janie Gagné in Health Care Research Louis Angot Julie M. Robillard & Isabel Jordan 24 10 Enough about Deliberation! 36 Indigenous Perspectives Michael Cordey Shifting Healthcare Paradigms La collaboration interprofessionnelle ou 28 Graham Brace & Jolee Sasakamoose le défi du dialogue Hubert Doucet 14 Le triangle dialogique du systéme de santé en Acadie : Le dialogue, au coeur de entre citoyens, professionnels l’approche globale et féministe de la santé et décideurs de la santé politiques RQASF Entrevue anonyme 18 Crisis Management in Healthcare: Fostering Partnership through Dialogue Anonymous Clinician 4|
MAGAZINE REMUE-MÉNINGES | 7 DOULEURS CHRONIQUES : U N PA R C O U R S D E S O I N S S E M É D ’ E M B Û C H E S un dialogue avec mon médecin et d’exprimer en s’il ne servait à rien d’aller plus loin. Au lieu de détail mes symptômes et mes attentes en termes m’aider, cela n’a causé qu’un plus fort sentiment de traitement. Pour prendre un exemple concret, d’impuissance et de désespoir face à la douleur. j’ai une fois rencontré une neurologue pour la première fois, qui m’a immédiatement suggéré des injections dans la nuque pour bloquer les nerfs qui La conversation se déroule trop souvent LOUIS ANGOT est diplômé de l’Université Concordia en journalisme et pourraient causer ma douleur. Je n’avais jamais à sens unique : c’est le médecin qui détient le histoire de l’art et travaille en tant que journaliste pigiste à Montréal. subi une intervention invasive de la sorte et j’avais savoir et le dispense au patient. À mes yeux, beaucoup de craintes à cet égard. Comme je devais cette dynamique est inégalitaire et il faut à tout faire un choix sur le moment, sans avoir le temps prix accorder autant de valeur à l’expérience et de réfléchir à cette option de traitement, j’ai refusé à la parole du patient qu’aux connaissances du l’intervention. Je n’ai depuis jamais eu l’occasion de personnel soignant. Après tout, ce dernier a comme revenir sur ma décision, puisque je n’ai jamais revu mission de répondre aux besoins des personnes en tête constants qui peuvent être par moments ce médecin. En effet, mon rendez-vous suivant souffrance. C’est au système de santé de s’adapter, débilitants. Comme c’est bien souvent le était encore une fois avec un autre docteur, qui n’a pas le contraire. cas avec la douleur chronique, une solution pas abordé cette option de traitement. pour atténuer les symptômes n’est pas nécessairement trouvée rapidement. C’est Qu’est-ce qui peut être fait pour améliorer le pourquoi il est, à mon avis, primordial d’établir Il me faut d’ailleurs préciser que 8 ans se suivi des personnes aux prises avec une douleur un lien de confiance solide avec son médecin sont écoulés entre l’apparition de mes premières chronique? Au même titre que cette souffrance, pour établir un dialogue productif qui permet douleurs et la première évocation d’un diagnostic il n’y a pas de solution miracle. Mais il y a des d’avoir des soins efficaces qui correspondent de NDPH. Ce n’est même pas un médecin qui l’a pistes à explorer, à commencer par une meilleure à nos besoins. abordé ; c’est plutôt moi-même, après avoir fait des formation des professionnels de la santé sur les recherches sur mes symptômes, qui ait présenté la réalités spécifiques de la douleur chronique. Je possibilité d’un tel diagnostic à un neurologue. pense en particulier aux médecins de famille, qui Dans mon expérience, il est difficile, voire sont souvent la première ressource vers laquelle se même impossible, de mettre en place une telle tourne une personne affectée. Ceux-ci doivent avoir relation avec le personnel soignant du système Je crois avoir eu de la chance à ce moment-là comme rôle d’orienter le patient vers les services D’après le Groupe de travail canadien sur la de santé public au Québec, que je fréquente d’avoir un médecin à l’écoute en face de moi. Cette appropriés et ainsi faciliter la prise en charge. douleur, un Canadien sur cinq souffre actuellement depuis le début de mon parcours de soins. À travers qualité est trop souvent absente dans le réseau d’une forme de douleur chronique (Santé Canada, les années, mes rendez-vous, pour la majorité avec de santé, alors qu’à mes yeux elle est essentielle 2019). Avec une telle proportion de la population des médecins spécialistes, étaient toujours très à l’établissement d’un dialogue fructueux et d’une La douleur chronique s’exprimant sous de qui vit avec ce problème, on pourrait s’attendre courts et peu fréquents : c’est-à-dire que j’étais relation de confiance entre docteur et patient. nombreuses formes, l’ensemble des spécialités à ce que notre système de santé soit capable souvent dans le bureau d’un médecin pour moins Quand une personne souffre de douleur chronique, de la médecine gagnerait à être mieux outillé pour de lui assurer une bonne prise en charge. Étant de 30 minutes, et ne le voyait au maximum tous les professionnels de la santé ont tendance à la traiter. En ayant des spécialistes formés pour moi-même atteint de douleur chronique depuis les 6 mois. À cela s’ajoute une bureaucratie très pointer du doigt des causes psychosomatiques répondre aux besoins des patients atteints, le plusieurs années, j’ai plutôt observé qu’obtenir opaque et plusieurs changements de docteurs en pour expliquer les symptômes. Dans mon dialogue sera facilité et surtout moins éprouvant des soins adéquats est parfois un parcours du cours de route, notamment lorsque j’ai atteint la expérience, on a souvent mis mes douleurs sur le pour les principaux intéressés. combattant semé d’embûches. majorité et suis passé dans le système des adultes. dos de l’anxiété et des épisodes dépressifs. Même si j’ai la certitude que l’intensité de mes symptômes est en partie liée à mon état mental, je sais aussi Je crois par ailleurs qu’il est nécessaire que Je souffre depuis maintenant près de 15 ans Ce qui en résulte est essentiellement un que ce n’est qu’une partie du tableau d’ensemble. les personnes souffrant de douleurs chroniques d’un syndrome appelé le New Daily Persistent dialogue de sourds avec le personnel soignant. Dans Trop souvent, blâmer ma santé mentale a coupé bénéficient de plus de temps lors de leurs rendez- Headache (NDPH), qui se traduit par des maux de ce contexte, je n’ai ni l’espace ni le temps d’établir court à la conversation sur ce que je vivais, comme vous médicaux. Savoir qu’on a le temps de 6|
s’exprimer, de poser des questions et de se sentir écouté plutôt qu’être stressé à l’idée de devoir tout régler dans un temps limité permettrait des dialogues beaucoup plus fructueux. Je souhaite également que notre système de santé soit plus transparent et facilite l’accès aux soins. Entre deux rendez-vous, une personne devrait pouvoir être en mesure de contacter son médecin traitant si elle a des questions, si elle nécessite des changements à son traitement ou pour toute autre raison. À l’heure actuelle, on se heurte plutôt à une bureaucratie extrêmement opaque et figée qui n’est pas en mesure de répondre à la réalité de la douleur chronique, qui est changeante et qui nécessite une adaptation constante. Je suis malgré tout conscient que des changements n’arriveront pas du jour au lendemain et que la disponibilité des médecins spécialistes ne sera pas améliorée en un claquement de doigts. Pour pallier ce problème, une solution à envisager serait la mise en place de systèmes de soutien en santé mentale, qui permettraient aux personnes souffrant de douleurs chroniques de pouvoir continuer de parler et communiquer toute détresse psychologique que la douleur peut causer, entre les rendez-vous médicaux. LA DOULEUR CHRONIQUE S’EXPRIMANT SOUS DE NOMBREUSES FORMES, L’ENSEMBLE DES SPÉCIALITÉS DE LA MÉDECINE GAGNERAIT À ÊTRE MIEUX OUTILLÉ POUR LA TRAITER. EN AYANT DES SPÉCIALISTES FORMÉS POUR RÉPONDRE AUX BESOINS DES PATIENTS ATTEINTS, LE DIALOGUE SERA FACILITÉ ET SURTOUT MOINS ÉPROUVANTS POUR LES PRINCIPAUX INTÉRESSÉS. 8|
MAGAZINE REMUE-MÉNINGES | 11 I N D I G E N O U S P E R S P E C T I V E S COLONIAL CONTEXT for engagement between mainstream and First Nations systems and worldviews. The “middle S H I F T I N G Indigenous peoples in Canada continuously ground” forms the foundation for equal dialogue to experience the ill effects of colonialism. From occur. The CRF has three key components: H E A LT H C A R E initial contact to modern times, the Canadian government deliberately constructed genocidal • Create an Ethical Space: Committing to acts to rob Indigenous peoples of their identities. a cooperative spirit between Indigenous P A R A D I G M S The government, through its genocidal policies, has directly influenced the high rates of poverty, poor peoples and Western institutions, to create new currents of thought (Ermine, health, violence, and crime that disproportionately 2007). affect Indigenous peoples in Canada (Kirmayer & • Utilize Two-Eyed Seeing: To see the Valaskakis, 2009). Canada’s genocidal tactics still strengths of Indigenous knowledge and GRAHAM BRACE works closely with Dr. Sasakamoose in the area include the suppression of languages and cultures, the strengths of Western expertise and of Indigenous Health Research. He has a Bachelor of Education degree the physical removal of children, the displacement use them together (Bartlett, & Marshall, and a Masters in Educational Psychology. He works with Wellness Wheel of entire tribes, and the killing of children and 2012). women. Further, Indigenous health challenges are as the Knowledge Translation Coordinator, where he is responsible exacerbated by the continuous implementation • Harmonizing Best Practice: Within this for sharing research at Wellness Wheel with a range of audiences. This area of ethical space, the strengths of of disabling legislation and policies, including the includes academic papers and posters, community information, training notorious pass and permit scheme, the residential Indigenous ways and the strengths of modules, and presentations. He lives on Treaty 4 Territory in Regina, school system, the Sixties Scoop, and the current evidence-informed Western approaches Saskatchewan where he also works as a school teacher. foster care systems have put people on a trajectory are considered. (Sasakamoose, et al., toward chronic disease (Felitti, Anda, Nordenberg, 2017; LaVallie & Sasakamoose 2016). Williamson, Spitz, Edwards, Koss, & Marks, 1998). DR. JOLEE SASAKAMOOSE is Anishinabe (Ojibwe) with membership in M’Chigeeng First Nation in Ontario, an active citizen of Embedded in establishing the middle ground Ahtahkakoop Cree Nation in Saskatchewan, and an Associate Professor Reading (2015) uses a tree with its many are four perspectives needed for a paradigm shift. in Educational Psychology and Counselling at the University of Regina interconnected parts as a metaphor. Income and • Spiritually-Grounded perspective: This where she teaches Group Counselling, Counselling Girls and Women, education are distinct variables that affect health practice encourages cultural connected- and represent the leaves of the tree. Roots of the Counselling Children and Youth, Indigenous Family Therapies, and ness, including a holistic view of wellness, tree, while buried deep, determine the entire growth Decolonizing Research Methodologies. She is also Wellness Wheel’s relationships with communities and the of tree structure. Diseased leaves are not the land, and the integration of traditions, Research Director, responsible for leading the Research Team in cause of unhealthy trees; rotten roots are. Infected culture, and ceremony with healthcare supporting Traditional ways of knowing alongside Western approaches roots are the historical and ideological foundations (Kirmayer & Valaskakis, 2009). Research to wellbeing. She co-authored the Indigenous Cultural Responsiveness that shape society. The current state of Indigenous confirms that “culture is a necessary part Theory, and has an exceptional way of working in the “middle ground” health results from a root system nourished in of prevention and healing” (C. Fiedeldey- colonialism and genocide’s toxicity. Early childhood between Western and Indigenous ways. Van Dijk et al., 2016, p. 2). Acknowledg- experiences profoundly influence the determinants ing the patient’s spiritual nature allows of adult health. The past repercussions influence for discussion about participation in cer- Indigenous health today, and unless the roots are emonies, the use of traditional medicines healed, the leaves will never be healthy, and the and prayers, how to access the land for the Wellness Wheel designed its model of care to tree will not thrive. Chronic diseases disproportionately affect healing, or bonds with relatives, and how acknowledge historic trauma as a principal determinant Indigenous people in Canada, with exceptionally those aspects might play a role in the pa- of Indigenous health. Wellness Wheel delivers culturally high HIV, hepatitis C, diabetes, and substance use tient’s treatment and recovery. safe care, grounded in Indigenous ways of knowing and A RELATIONAL PARADIGM AND disorders. With limited healthcare services present in the Cultural Responsiveness Framework (CRF). CULTURAL RESPONSIVENESS • The Community-Specific perspective communities, individuals often travel long distances to connects the community’s health to access healthcare services in nearby towns and cities. The Cultural Responsiveness Framework the sense of local control and cultural Community members, peers with lived experience provides a mechanism to develop reconciliation. A Culturally Responsive framework facilitates continuity (Kirmayer & Valaskakis, 2009). in various chronic diseases, and Indigenous leaders One aim of the CRF is to improve First Nations’ dialogue in healthcare and empowers Indigenous Community-specific initiatives follow the collaborated to develop the Wellness Wheel (WW) care health status and eliminate the health disparities perspectives to achieve the healing necessary for true communities’ vision and needs, and sup- model designed to address the gaps in service delivery between First Nations and non-First Nations reconciliation and an improved system that benefits port developing capacity in critical areas for the Indigenous people of Saskatchewan. Guided people. A CRF goal is to establish a “middle ground” everyone. to address health. Community engage- by the calls to action in the Truth and Reconciliation Commission (TRC) of Canada’s Final Report (2015), 10 |
MAGAZINE REMUE-MÉNINGES | 13 ment and dialogue are vital at every stage of decision making. The ‘one size fits all’ approach is unwelcome, as every community has unique needs and visions. A community-specific perspective is about creating a dialogue alongside patients to prevent, treat, and coordinate care. • A Trauma-Informed perspective recognizes the intergenerational impacts of colonization and its associated adverse health effects while understanding Indigenous peoples’ distrust of the Western health systems. A Trauma-Informed perspective identifies symptoms as only part of a larger picture of historical trauma. For many, a hospital is an institution of abuse. • The Strengths-Based perspective shifts perceived deficits away from the individual and places them within the appropriate context (i.e., residential schools, colonization; Snowshoe & Starblanket, 2016). Western approaches in the helping professions focus on deficits, or “what is wrong,” which leads to reliance on the experts. Individuals who are dealing with issues are not given the opportunity to take control of their lives, and their ability to conquer life’s challenges is inhibited. A strengths-based approach does not minimize or ignore problems. Instead, it attempts to identify what resources an individual has to address issues positively. It is a model that focuses not on pathology, but rather on developing assets (Smith, 2006). This perspective holds that people have untapped reservoirs of mental, physical, spiritual, social, and emotional abilities to be mobilized. If the Canadian healthcare system is committed to reconciliation, a middle ground must be established where a respectful, meaningful dialogue can produce change. Canada needs a paradigm shift - one where Indigenous voices are leading conversations and solutions reflect miyo mahcihowin. A community-specific, strength-based, spiritually-grounded, trauma-informed perspective is beneficial for all healthcare practices and people. These perspectives explicitly generate a dialogue to engage each patient fully into care. Committing to honest work towards reconciliation has become one of the most significant ethical discussions in healthcare. A Culturally Responsive Framework moves the debate into action. miyo mahcihowin: Cree (néhiyawak) for physical, emotional, mental, and spiritual well-being. A CULTURALLY RESPONSIVE FRAMEWORK FACILITATES DIALOGUE IN HEALTHCARE AND EMPOWERS INDIGENOUS PERSPECTIVES TO ACHIEVE THE HEALING NECESSARY FOR TRUE RECONCILIATION AND AN IMPROVED SYSTEM THAT BENEFITS EVERYONE. © Conor Ashleigh Shot from a collaboration with the Touchwood Agency Tribal Council Community showing Dr. Stuart Skinner’s (Clinical Director) beaded stethoscope, which symbolizes the importance of blending traditional Indigenous ways of knowing with clinical care. 12 |
MAGAZINE REMUE-MÉNINGES | 15 L E D I A LO GU E , AU CŒU R D E Renouveler le système de santé, afin qu’il féministe de la santé se fonde sur le principe réponde mieux aux besoins de la société, appelle d’union corps-esprit. Une vision féministe qui invite L’A P P R O C H E G L O B A L E E T une remise en question de certaines orientations de au respect fondamental de la personne, considérée la biomédecine. Pour relever ce défi, la délibération comme étant l’experte de son corps et de sa santé. FÉMINISTE DE L A SANTÉ collective et le dialogue en santé sont des outils À cette vision holistique s’arrime une conception démocratiques cruciaux de nature à favoriser sociale ou collective de la santé, ici définie comme une transition d’un système de santé autoritaire, étant le fruit de rapports sociaux. Elle prend dès dictant ses directions, à un système plus à l’écoute, lors en compte les spécificités tant physiologiques ouvert et pluriel. Dans un tel système, si le pouvoir que sociales, mettant notamment l’accent sur est réparti, l’ensemble des protagonistes pourrait différents facteurs sociaux qui déterminent la être entendu et prendre part au dialogue. C’est santé (par exemple le revenu et l’emploi), et ce, en L’approche globale et VICTORIA DOUDENKOVA une direction à ne pas négliger si l’on souhaite fonction de chacun des sexes. Plus encore, elle féministe de la santé, issue ISABELLE MIMEAULT s’éloigner de ce qui apparait encourage à aborder tout enjeu des luttes féministes des inévitable aujourd’hui, malgré les de manière « intersectionnelle », années 1960-70 est décrite Fort de son indépendance depuis plus de 20 intentions louables du personnel c’est-à-dire qui prend en compte dans le cadre de référence ans, le Réseau québécois d’action pour la soignant : un système de plus en « l’intersection entre les différents santé des femmes (RQASF) a pour mission plus déshumanisé, déspiritualisé L’approche rapports de pouvoir » (RQASF, « Changeons de lunettes ! de promouvoir et défendre les droits et et fragmenté. Ces attributs intersectionnelle a été 2008) et les effets du croisement Pour une approche globale découlent d’un long héritage, initiée en 1989 par de différentes identités comme le et féministe de la santé » intérêts des femmes et d’agir avec elles celui de la science «pure», «dure» Kimberlé Crenshaw, sexe et le genre, l’origine ethnique, développé par le Réseau dans la reconnaissance de leur savoir et et «rationnelle» des XVIIe et XVIIIe la classe sociale, de même que de la prise en charge de leur santé, dans une universitaire féministe québécois d’action pour la siècles, qui compartimente et différentes situations de vie, telles approche globale et féministe. Le RQASF afro-américaine qui a santé des femmes (RQASF, segmente (le corps, notamment) que les incapacités physiques ou regroupe plus de 130 membres représentant pour mieux comprendre. L’être fait ressortir un vécu mentales ou l’état d’itinérance. 2008). Cette démarche directement près de 300 000 femmes sur humain a été réduit à une de racisme dans le Cette manière de procéder valorise la promotion mécanique et l’art médical à une mouvement féministe ouvre au dialogue en intégrant de la santé, l’ouverture l’ensemble du Québec. méthode. blanc, ouvrant la voie à une un ensemble de facteurs (qui aux savoirs traditionnels deviennent visibles) au cœur de « Déshumanisation des soins », « détresse des patient.e.s et du meilleure compréhension et aux médecines toute analyse (ex. élaboration de personnel » – nous entendons souvent ces frustrations s’exprimer Proche des préoccupations des oppressions multiples. complémentaires et politiques de santé). L’analyse à l’égard du système de santé. Elles manifestent un sentiment de de la communauté, l’approche intersectionnelle nous pousse à propose une analyse répression de la parole et des émotions, un manque de choix ressenti globale et féministe de la santé penser de manière inclusive, ce féministe et socio- dans les rapports avec le système de santé. Comment agir face à ces rend visibles des réalités qui qui reflète une négociation entre politique des savoirs à enjeux et combler le besoin d’un véritable dialogue en santé ? échappent souvent à notre différentes voix. Elle encourage prétention universelle. Elle attention. Par exemple, elle une telle remise en question a contribué et contribue explicite le fait que la majorité des personnes qui fondamentale. Les discussions quant aux réponses à apporter à ces prennent soin des autres dans notre société et encore à une vision positive insatisfactions dépassent rarement voire jamais le cadre des notre système de santé sont surtout des femmes. de la santé et à la mise orientations et préférences de la médecine conventionnelle, c’est-à- Par ailleurs, on sait aussi que ce sont les femmes Et si le développement constant d’outils en lumière des inégalités dire la biomédecine. La qualité des soins y est principalement conçue qui sont les plus marginalisées, subissent le plus thérapeutiques innovants et de leur accessibilité sociales et de santé et des et mesurée en fonction de solutions extrêmement couteuses et de violence ou vivent des situations plus précaires. ne correspondait pas à ce dont la société a le plus principaux déterminants, technologiques, telles que les médicaments, l’imagerie médicale, les Qui sont ces femmes ? De qui prennent-elles besoin ? Et si un début de réponse à la souffrance analyses de laboratoire ou la procréation assistée. Centrée sur la maladie soin? Dans quels contextes ? Loin des instances et à la déshumanisation des soins exigeait de tenir telles la violence et la et le diagnostic, cette vision curative, uniformisante et autoritaire du décisionnelles, leurs voix et besoins sont-ils compte des impacts de la médecine elle-même ? pauvreté. Par son ancrage soin réduit le champ thérapeutique à la solution unique jugée valide. réellement entendus ? Peut-on mettre en lien ces Comment éclairer le rôle de la biomédecine dans dans les communautés, Peu de place est laissée à la dimension humaine, au dialogue. Cette observations dans nos façons d’aborder les enjeux la répartition du pouvoir dans la société ? Rendre elle sème également les dévalorisation du «prendre soin» apporte son lot de souffrance dans la en santé ? Si oui, comment établir un tel dialogue ? visible son alliance à une science et une industrie graines d’une plus grande relation thérapeutique. Devant telle impasse, pourquoi ne pas «changer qui privilégient le développement technologique de équité en santé. de lunettes» et oser un regard différent (RQASF, 2008) ? solutions coûteuses semble primordial (Hubbard, Afin d’engendrer des changements sociaux 1988). Il est utile de rappeler qu’une telle alliance réels et structurants, l’approche globale et opère toujours dans l’intérêt d’un petit groupe 14 |
de personnes. Ainsi, les mêmes attributs qui autorisent la position de pouvoir de l’institution médicale et son maintien génèrent et perpétuent les enjeux précédemment énoncés ainsi que de nombreuses autres inégalités. L’intersectionnalité oblige des efforts importants. Mais au-delà de la compréhension théorique seule, elle vise surtout à soutenir concrètement l’empouvoirement (empowerment) des communautés, afin d’inclure les plus marginalisées. C’est seulement à ce stade qu’il sera possible d’affirmer que l’on réfléchit au système de santé de demain, ensemble. Si le dialogue en santé ne vise qu’à alléger localement certains problèmes, il pourrait contribuer à perpétuer un système éthiquement discutable. Pallier un enjeu sans examiner les facteurs qui le génèrent en premier lieu ne fait que peu de sens dans une approche globale. Dans une perspective globale et féministe, il n’est pas de santé sans dialogue ! Cette approche offre des pistes de compréhension pour aborder les défis croissants auxquels fait face le système de santé. Elle peut participer à une réflexion commune portant sur la définition de notre système de santé. Non seulement elle contribue à une remise en question de l’acceptation implicite des postulats biomédicaux considérés dominants en santé, mais elle encourage aussi les manières plurielles d’aborder la santé qui sont à la base de tout dialogue. Inclusive de toutes les catégories de population, elle pousse à penser autrement les interventions auprès des personnes, de manière à leur reconnaitre un pouvoir sur leur vie et sur leur santé. AFIN D’ENGENDRER DES CHANGEMENTS SOCIAUX RÉELS ET STRUCTURANTS, L’APPROCHE GLOBALE ET FÉMINISTE DE LA SANTÉ SE FONDE SUR LE PRINCIPE D’UNION CORPS-ESPRIT. UNE VISION FÉMINISTE QUI INVITE AU RESPECT FONDAMENTAL DE LA PERSONNE, CONSIDÉRÉE COMME ÉTANT L’EXPERTE DE SON CORPS ET DE SA SANTÉ. À CETTE VISION HOLISTIQUE S’ARRIME UNE CONCEPTION SOCIALE OU COLLECTIVE DE LA SANTÉ, ICI DÉFINIE COMME ÉTANT LE FRUIT DE RAPPORTS SOCIAUX. 16 |
MAGAZINE REMUE-MÉNINGES | 19 Since the COVID-19 pandemic hit, clinicians We are begging and pleading for answers to and healthcare managers have been communicat- our questions, but all we get is “trust public health”. ing back and forth constantly. However, our dia- logue is confused and frenetic as we try to under- stand and manage the unending protocol changes. The empty, rigid dialogue of our healthcare We, as clinicians, are looking for explanations that administrators only shows that they feel we cannot show that our managers prioritize our safety and be trusted with the truth. But whether they are have a clear plan. Instead, it goes something like transparent with us or not, we already know the this: answers to most of our questions. You’re coughing? You don’t need to wear a Are we at risk for contracting COVID-19? mask, we don’t want to create panic. Absolutely. We are not, and will never be, safe. We are putting ourselves and our loved ones at risk We don’t have N95 masks, only surgical masks, every day. After our shifts, we strip, shower, and because the virus doesn’t spread by aerosols. scrub for fear of infecting others. Some of us have Actually, it spreads by aerosols too, but only when made the impossible decision to live separately clients cough. Call thirty minutes before visiting to from our children or our families to keep them safe. see if clients are coughing. Actually yes, wear an N-95 if they are suspected of having COVID-19. Stay two meters away from your clients, Some of us would never have taken the job despite the fact that you are working in tight spaces. had we known what was coming. Most of us are You have to physically help them mobilise? Wear a barely hanging on. Most of us were barely hanging mask, gloves, and a gown. Actually, you don’t need on even before this crisis. the gown. The gloves we use have perforations so It feels like an impossible situation. However, sanitize your hands after taking them off. But you I truly believe that we all came into this field with can’t just take sanitiser anymore, you have to make a will to work as a team and contribute to society. a written request. We can only do this by working together, and to do that we need to heal our dialogue. Dialogue isn’t only about what is communicated. A huge part of The changes never stop. The constant what differentiates toxic from productive dialogue readjustments and new normals leave us is HOW things are communicated. spinning. Every change raises another mountain ANONYMOUS CLINICIAN of uncertainty, fear, and grief for us to overcome. We don’t know what to believe or when the next If you, our managers, speak to us as change will be imposed. Why are we limiting the use C R I S I S colleagues and not as infantry, you foster mutual of equipment? Why are we constantly increasing respect. If you explain the reasoning behind your precautions rather than having them all in place protocols, you show us that you have considered M A N A G E M E N T I N and removing them when appropriate? our safety. If you listen to our feedback, you improve the decision-making process and we see that you H E A LT H C A R E : We can only guess, because we are not being trust us as partners. F O S T E R I N G told. Is there a shortage of equipment? Is the risk really as minimal as you say? It’s hard to believe If you do none of these things, you show us P A R T N E R S H I P that it is, when protective measures are always that we are disposable troops, and we will continue increasing, and stories continue to funnel in about to fall in battle. If we cannot heal our dialogue, once T H R O U G H D I A L O G U E our colleagues being infected. the COVID-19 storm passes the tide is going to pull back and take your healthcare workers with it. 18 |
MAGAZINE REMUE-MÉNINGES | 21 LE DIALOGUE EN SANTÉ E S T - I L I N S T R U M E N TA L I S É ? L’ÉMERGENCE DES PATIENTS Sans remettre en question l’importance ACTIFS ET PARTENAIRES DANS LA attribuée à l’authenticité de la parole du patient en recherche participative, nous soulignons la RECHERCHE EN SANTÉ possibilité que celle-ci soit sinon dominée, du moins Proposant un modèle médical moins en partie formatée, par le discours et les intérêts ANOUCK ALARY est doctorante en sociologie hiérarchique et plus inclusif, l’introduction des propres à un réseau biomédical structuré autour à l’Université de Montréal sous la direction de Céline patients comme « patients-partenaires », « patients- de motivations économiques. Sans considération Lafontaine et Sébastien Rioux. Ses recherches ont été collaborateurs », « patients-experts » ou « patients- sérieuse des intérêts distincts des différentes publiées dans les revues Les Ateliers de l’éthique/The accompagnateurs », démontre la volonté d’accorder parties prenantes et des tensions inhérentes au Ethics Forum, Droit et Cultures et Genre, Sexualité & une place au savoir expérientiel des patients dans système de soins, le risque est que le dialogue le processus de recherche et de diagnostic. Ce ne soit dépolitisé, soit soustrait à l’influence de Société. Elle travaille présentement sur la participation des nouveau modèle de relation patient-soignant, où la l’industrie biomédicale. Faisant de l’industrie le patient.e.s canadien.ne.s au tourisme médical de chirurgies responsabilité médicale ne relève plus uniquement porte-parole des patients et de leurs intérêts, bariatriques, en s’intéressant à ses dimensions tout autant de l’expertise du médecin, mais aussi du rôle cette conception du dialogue pourrait réduire médicales que relationnelles et affectives. participatif du patient dans la prise en charge l’engagement des patients à un alibi légitimant de sa santé, semble réaffirmer l’importance de la l’innovation sans véritable débat collectif. JANIE GAGNÉ est candidate au doctorat en sociologie parole des patients et favoriser le dialogue entre les parties prenantes du système de soin. Bien qu’il à l’Université de Montréal sous la codirection de Céline PROMESSES THÉRAPEUTIQUES ET s’appuie sur les idéaux difficilement critiquables de Lafontaine et Johanne Collin. Ses travaux sont financés SOUFFRANCE DU PATIENT démocratie participative et d’empowerment des par les Fonds de Recherche du Québec Culture et Société patients, cette promotion de la collaboration et du Inclure des récits de maladie au cœur de la (FRQSC) et portent sur les transformations des institutions savoir expérientiel nous amène à réfléchir sur les promotion technologique est un moyen efficace de de soin de santé, particulièrement les nouvelles formes limites éventuelles d’un tel programme. justifier une recherche moralement stimulante et d’expérimentation biomédicale et le modèle de patient- d’attirer des investissements. L’innovation dans la partenaire, dans un contexte de bioéconomie globale. DERRIÈRE LE DIALOGUE: UNE recherche sur les cellules souches a, par exemple, souvent été légitimée par des récits de patients INSTRUMENTALISATION DE LA ayant désespérément besoin d’un traitement PAROLE DES PATIENTS? (Brown et Michael, 2003). Or, les patients peuvent On peut d’abord s’interroger sur le statut avoir tendance à surévaluer les bénéfices futurs attribué à la parole des patients-partenaires au des traitements proposés. Si l’espoir d’un traitement sein de ces approches de partenariat patient-public. imminent détient une forte résonance émotionnelle De nouvelles formes de collaboration entre Si la recherche participative intègre le patient pour des patients en souffrance, certaines valeur clinique (en contexte hospitalier), il détient chercheurs, cliniciens et patients sont apparues comme un acteur autonome, elle ne lui permet organisations de patients sont rétrospectivement également une valeur économique croissante dans au début des années 1990, accordant une pas toujours de s’exprimer librement et sans plus ambivalentes au moment de revenir sur leur le développement biomédical. En effet de plus en reconnaissance plus importante aux connaissances contrainte. Par exemple, la complexité et la rigidité participation à des recherches n’ayant finalement plus consultés, les patients sont encouragés à pratiques des patients. Bien que la volonté de des protocoles de recherche et des procédures pas tenu leurs promesses (ibid.). participer aux projets de recherche ou à siéger démocratiser la santé en la recentrant autour du médicales intimident souvent les patients sur divers comités pour partager leur avis et leur patient ait de quoi susciter l’enthousiasme, nous impliqués, qui en viennent à ne pas oser prendre la expérience patient. Aidant les chercheurs, les souhaitons attirer l’attention sur les défis que pose parole ou poser des questions de compréhension En mobilisant l’espoir de patients cliniciens et les gestionnaires à planifier et orienter l’instrumentalisation de ce modèle participatif au à l’équipe de recherche. Il s’agit selon nous d’une désespérément malades d’avoir accès à un leurs recherches et interventions cliniques, leur sein des nouvelles formes d’innovation biomédicale. des limites principales de la recherche participative: traitement, la recherche participative reçoit une témoignage devient une source de connaissance Si le savoir des patients sur leur maladie et leur les patients sont influencés et orientés par des visibilité dans l’espace public (à travers la promotion sur laquelle les professionnels de la santé bâtissent traitement détient une valeur biographique (pour protocoles préétablis, ne leur permettant pas faite par ces patients “activés” et les médias) qui de nouvelles interventions médicales. les autres patients et dans le développement toujours une prise de parole indépendante peut obscurcir les alternatives non-médicales au de politiques sanitaires adaptées) ainsi qu’une desservant leurs intérêts. nom de l’innovation. On peut penser au mouvement 20 |
MAGAZINE REMUE-MÉNINGES | 23 environnemental de lutte contre le cancer du LE DIALOGUE COMME GARANTIE sein, aux associations de personnes autistes D’UNE DÉMOCRATISATION DE LA prônant la neurodiversité ou au mouvement MÉDECINE? contre la grossophobie, qui refusent d’endosser des Le modèle participatif porté catégorisations biomédicales par la recherche participative et préfèrent parler d’injustice Recherche participative est généralement justifié par la environnementale, de communément appelée recherche- souffrance des patients et leur espoir diversité neurologique ou de action, recherche collaborative d’améliorer leur santé et le système discrimination sociale. Parce ou même recherche-formation, la de santé. L’activation de cet espoir que des patients partageant recherche participative se caractérise par la production de promesses un même diagnostic peuvent par un processus de production des thérapeutiques peut toutefois avoir avoir des revendications connaissances effectué de concert des coûts émotionnels importants très différentes en fonction avec les acteurs de terrain. Elle a pour pour les patients (en termes de de l’interprétation qu’ils objectif la valorisation du savoir des déceptions) lorsque ces recherches font de leur condition, il est citoyens, la mise en évidence des n’aboutissent pas aux résultats rare que l’innovation soit la potentialités des participants et le espérés. La promotion de la parole seule voie envisageable pour renforcement, chez les personnes des patients dont les intérêts répondre à leur souffrance. engagées, d’une prise de conscience rejoignent ceux de l’industrie peut À titre d’exemples, pensons de leurs propres capacités à aussi dissimuler les revendications à la prévention ciblant déclencher et à contrôler l’action. des patients questionnant les causes les habitudes de vie, à Cette définition a été reprise de non-biologiques de leur condition de la régulation des milieux l’ouvrage collectif de Marta Anadón santé. Le manque de représentation industriels, à la mise en (ed.), La Recherche Participative, des patients refusant d’endosser une œuvre de programmes de Presses de l’Université du Québec, catégorisation biomédicale peut venir soutien et d’intégration, à la 2007. augmenter la demande pour des mobilisation politique contre la traitements hypothétiques coûteux discrimination, etc. et inefficaces, cela dans le contexte d’un sous-financement croissant des services publics de santé. Il nous semble pour cela nécessaire de questionner l’idée selon laquelle la recherche participative viendrait nécessairement annoncer une démocratisation de la médecine et un rééquilibrage entre le secteur biomédical et le public. IL S’AGIT SELON NOUS D’UNE DES LIMITES PRINCIPALES DE LA RECHERCHE PARTICIPATIVE: LES PATIENTS SONT INFLUENCÉS ET ORIENTÉS PAR DES PROTOCOLES PRÉÉTABLIS, NE LEUR PERMETTANT PAS TOUJOURS UNE PRISE DE PAROLE INDÉPENDANTE DESSERVANT LEURS INTÉRÊTS. 22 |
MAGAZINE REMUE-MÉNINGES | 25 ENOUGH ABOUT FROM MORALITY TO MORAL agreements that should respect morality to one VULNERABILITY of creating a secure space in which people can D E L I B E R AT I O N ! explore their moral vulnerability to realize what Deliberation is considered to have the ability truly matters to them and others, and to imagine to solve disputes, reach agreements, and make different nuanced, morally acceptable possibilities. decisions while achieving reciprocity, social justice, This requires moving away from the ideal of moral and legitimacy. The ideal behind deliberation is reasoning in favor of moral imagination. indeed to solve social conflicts and ensure fair, equal, and reciprocal relations between individuals. In order to reach this ideal, one of the most common FROM MORAL REASONING TO MORAL MICHAEL CORDEY is a PhD candidate in social sciences, and a supply rationales for deliberation is to urge people to IMAGINATION lecturer in social anthropology at the University of Lausanne. He conducted learn, share, produce, and refer to pre-existing In reality, while speaking with each other morality, that is, sets of justifications, arguments, ethnographic research in a Swiss rehabilitation hospital unit for people who about a situation or a choice, we are sometimes principles, and moral values. According to this view, are waking up from a coma. His dissertation explores the role of diagnoses, able to imagine intermediate deliberation is thought as a prognoses, clinical knowledge, and medical philosophy on everyday possibilities and gray zones process of moral coordination. experiences, decisions, and care. For Mansbridge (2015, 27), de- of acceptability that do not In short, through the liberation is a “mutual communication call for definitive, clear-cut public exchange of ideas, that involves weighting and reflecting decisions. Indeed, within arguments, and justifications, on preferences, values, and interests dialogue, we can adopt individual opinions should regarding matters of common con- an attitude in which the merge into a single shared democracy promotes dialogue, especially cern”. focus of attention becomes opinion. The claim is that between experts and citizens, and claims to imagining possibilities to this process has the ability According to Eagan (2016), elib- solve social conflicts and disputes between potentially respond to what to go beyond differences erative democracy means that, rather people by reaching consensus and ensuring matters to people in different in opinions, bargaining, than thinking of decisions as the aggre- the political legitimacy of decisions. One ways. To make this happen, personal interests, and gate of citizens’ preferences—as in the of the most paradigmatic inclinations in we need to let the words power relationships. case of voting—“deliberative democra- thinking about deliberation—the practical and and experiences of others cy claims that citizens should arrive at objectivist tendency—nurtures the idea that touch us. This creative and political decisions through reason and ethical and democratic issues are entirely poietic stance fundamentally In this perspective, the collection of competing arguments based in people’s capacities to achieve clear- contrasts with one that language and dialogue and viewpoints”. cut agreements and make rational decisions calls for achieving univocal, are limited to identifying on the basis of moral reasoning capacities shared agreement and and agreeing on the most and sets of pre-defined moral principles. making decisions based on legitimate and justifiable, abstract moral reasoning capacities. Further, this that is, morally acceptable justifications, arguments, calls for a shift in the ethical issue of deliberation principles, or values. This rationality and deliberative In the last few decades, deliberation has Considering this trend, this paper from reaching justice to achieving rightness. model require people who can shape their opinions become a dominant way of thinking about citizen suggests shifting attention away from this common and infer a judgment on the basis of abstract participation and the democratization of decision- way of defining deliberation because ethics and moral reasoning. The problem with this model, if FROM JUSTICE TO RIGHTNESS making within domains such as scientific research, dialogue are thought of abstractly rather than in one observes it faithfully, is that it disregards the technological and environmental risk, healthcare, a situated and practical way. I suggest three shifts: particularities of situations and neglects our moral In recent decades, more and more and public policy. As a corollary, deliberation is from morality to moral vulnerability, from moral interdependency. Indeed, a large part of our moral researchers have shown that the theoretical ideal often believed to increase public participation and reasoning to moral imagination, and from justice life is determined by the limits of our individual of deliberation almost never occurs in reality. For democracy. to rightness. To conclude, I suggest that the main expectations, stances, conceptions, and visions, instance, during my eighteen months of field work issue of deliberation is how it nurtures or pacifies at a Swiss acute neurorehabilitation hospital unit as well as by moments of uncertainty and doubt. tensions, disputes, and conflicts within dialogue for people waking from a coma, I never saw people As humans, all of this makes us morally vulnerable Deliberation is part of a broader transformation itself. beings. make a decision by achieving the theoretical and of democracy that coincides with the emergence ideal model of deliberation, even when clinical of deliberative democracy. Deliberative democracy discussions concerned ethically sensitive issues, calls for citizens to shape their own opinions Focusing on moral vulnerability shifts the such as life and death. Rather, I often observed them by educating and informing themselves and by ethical issue from the need to reach well-defined expressing themselves about the uncertainties exchanging arguments. In this view, deliberative of diagnoses and prognoses; about the lack of 24 |
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