EVALUATION DES COÛTS ET BENEFICES PUBLICS ET SOCIAUX D'UN DISPOSITIF D'ACCOMPAGNEMENT RENFORCÉ À DESTINATION DES PLUS PRÉCAIRES

 
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EVALUATION DES COÛTS ET
 BENEFICES PUBLICS ET SOCIAUX
       D’UN DISPOSITIF
D’ACCOMPAGNEMENT RENFORCÉ À
DESTINATION DES PLUS PRÉCAIRES

               Le cas du dispositif Convergence

                         Rapport Final - Juillet 2018

                  Cédric Hargous consultant Ecota Conseil SCOP,
   Philippe Lerouvillois Consultant Ecota Conseil SCOP, directeur de la recherche

  Rapport écrit sur la base des travaux réalisés par Céline Emond, post doctorante
EVALUATION DES COÛTS ET BENEFICES PUBLICS ET SOCIAUX D'UN DISPOSITIF D'ACCOMPAGNEMENT RENFORCÉ À DESTINATION DES PLUS PRÉCAIRES
TABLE DES MATIERES
REMERCIEMENTS .................................................................................................................................... 3
INTRODUCTION ....................................................................................................................................... 4
      1.         Présentation du dispositif Convergence ..................................................................................... 4
      2.         Présentation d’Emmaüs Défi ....................................................................................................... 5
      3.         Présentation du chantier Prélude - Association Aurore.............................................................. 6
      4.         Objectifs et précautions méthodologiques ................................................................................. 7
      5.         Le périmètre de l’évaluation ....................................................................................................... 9
                                                                                                                                                                     2
I.         REVUE DE LA LITTERATURE............................................................................................................ 11
      1.         L’Analyse coûts bénéfices (ACB)................................................................................................ 11
      2.         Les enseignements d’autres expérimentations ........................................................................ 14
      3.         Quelques éléments sur le sans-abrisme et la grande précarité ................................................ 17
           i.       La diversité des situations des sans domicile ........................................................................ 17
           ii.      Le sans-abrisme génère des coûts......................................................................................... 18
II.        ETAT DES LIEUX SUR LE PUBLIC ACCUEILLI .................................................................................... 19
III. METHODOLOGIE ............................................................................................................................ 20
      1.         Absence de contrefactuel : choix des groupes témoin ............................................................. 22
           1.1. Le groupe témoin composé de sans domicile fixe et sans abri ............................................. 22
           1.2. Le groupe témoin représentatif d’Emmaüs Défi /Prélude sans Convergence ...................... 23
      2.         Les champs d’analyse ................................................................................................................ 23
           2.1 L’emploi ................................................................................................................................. 24
           2.2. Le logement ........................................................................................................................... 40
           2.3. La santé.................................................................................................................................. 47
           2.4. Les coûts du chantier et les coûts additionnels de Convergence ......................................... 50
IV. RESULTATS ..................................................................................................................................... 52
      1.         L’emploi ..................................................................................................................................... 53
      2.         Le logement ............................................................................................................................... 64
      3.         La santé...................................................................................................................................... 73
      4.         Les gains en bien-être................................................................................................................ 76
      5.         Synthèse des résultats............................................................................................................... 77
V.         DISCUSSION ................................................................................................................................... 84
      1.         Les limites de l’étude ................................................................................................................. 84
      2.         Analyse et préconisations ......................................................................................................... 86
VI. BIBLIOGRAPHIE .............................................................................................................................. 87
VII. ANNEXES ........................................................................................................................................ 92
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REMERCIEMENTS

Nous tenons à remercier l’ensemble des personnes et les équipes qui ont permis de constituer le
référentiel de coûts sur lequel s’appuie cette étude, et notamment :

   -   ARS 75
   -   CAF
   -   CPAM
   -   Département de Paris (DAE et DASES)
                                                                                                  3
   -   DIRECCTe UT 75
   -   DIHAL
   -   DRIHL
   -   Emmaüs Solidarité
   -   Fédération des Acteurs de la Solidarité
   -   Equipe projet Housing First
   -   SamuSocial de Paris
   -   Le Comité de Pilotage Convergence
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INTRODUCTION

    1. PRESENTATION DU DISPOSITIF CONVERGENCE

Le projet Convergence vise à accompagner les personnes en situation de grande exclusion vers une
situation stable et pérenne en matière d’emploi, de santé, de logement. Le dispositif s’appuie sur le
travail proposé par le chantier d’insertion, et permet de mettre en œuvre des modalités
d’accompagnement renforcées :
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    -   la construction d’un réseau de partenaires emploi, santé, logement, animé par des chargés de
        partenariat dédiés, et mobilisable par les référents sociaux. Engagés dans l’expérimentation
        Convergence, plus de soixante opérateurs publics et privés peuvent être sollicités pour
        proposer, au moment où elles s’avèrent utiles (i.e. en tenant compte de la temporalité de la
        personne), les réponses adaptées aux différentes problématiques des bénéficiaires
        Convergence. Les chargés de partenariat interviennent en support des référents sociaux et des
        chargés d’insertion, et à leur demande, pour mobiliser ces partenaires lorsque cela s’avère
        nécessaire. Dans une logique de pérennisation et déploiement du dispositif, les partenariats
        s’exercent dans le cadre du droit commun.
    -   un accompagnement concerté autour des besoins de la personne, passant par une
        coordination renforcée entre les référents emploi, logement et santé, et par un partage
        d’information. De fait, compte tenu du nombre des difficultés qu’ils cumulent, les bénéficiaires
        du dispositif Convergence sont généralement accompagnés par un nombre important de
        référents, intervenant chacun sur un champ spécifique, comme autant de spécialistes. La
        coordination de l’accompagnement, s’appuyant sur une mise en lien dès l’arrivée sur le
        chantier d’insertion et sur toute la durée de son parcours a dû être systématisée, afin de lever
        le fonctionnement en silo trop souvent constaté. Le chargé d’insertion socio-professionnelle
        se positionne comme « fil rouge » de l’accompagnement, et travaille en concertation avec les
        autres référents sociaux.
    -   la poursuite de l’accompagnement pendant un an après l’accès à un emploi « classique », qui
        permet à l’employeur de se focaliser sur les questions professionnelles uniquement, tout en
        sachant que l’accompagnement social se poursuit, s’il est nécessaire, sur les champs du
        logement ou des questions administratives. De même, un suivi est proposé pendant un an à
        toute personne intégrant un logement autonome. Une transition avec les dispositifs de droit
        commun (Assistante sociale de secteur) est prévue, si nécessaire, à l’issue de cette année
        d’accompagnement supplémentaire.
    -   une durée de parcours d’insertion par le travail prolongée jusqu’à 5 ans sur plusieurs SIAE (par
        le biais d’une dérogation DGEFP puis par un amendement de la loi travail en août 2106),
        régulée par une commission de renouvellement.
        La souplesse induite par cette dérogation permet d’aborder le parcours d’insertion avec une
        plus grande sérénité (moins de pression liée à la durée) et d’envisager des actions
        potentiellement plus longues : ce point de vue est partagé tant par les chargés d’insertion que
        par les bénéficiaires, qui ne sont plus confrontés, dès lors qu’ils ont pris conscience des
        difficultés à surmonter, à cette échéance de 2 ans qu’ils considéraient souvent comme trop
        proche.
        Le risque induit par cette modalité, qui était de voir les salariés s’installer sur le chantier sans
        continuer à être tirer profit de la dynamique d’insertion a été levé au cours de la 2e année
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d’expérimentation par la mise en place d’une commission de renouvellement ; celle-ci statue
        sur la reconduction des contrats d’insertion (CDDI) en s’appuyant sur une évaluation de
        l’efficience de l’accompagnement et de la mobilisation du bénéficiaire dans la prise en mains
        des différents aspects son parcours d’insertion. A ce jour, la durée moyenne constatée de
        présence sur le chantier est d’environ 2 ans.
    -   le renforcement du chantier en tant que lieu de stabilisation par le travail (renforcement des
        moyens éducatifs, de stabilisation sociale et physique, et d’accompagnement au sein du
        chantier). Parce que les caractéristiques des publics accueillis dans le chantier nécessitent de
        renforcer les modalités d’accompagnement proposées sur un chantier d’insertion classique,
        Emmaüs Défi a recruté une médiatrice sociale qui assure l’accompagnement physique des
        personnes qui en ont besoin chez le médecin ou dans leurs démarches administratives. Un
        éducateur assure la poursuite de l’accompagnement des salariés entrés sur le chantier par
        Premières Heures, et apporte un soutien aux encadrants techniques. Enfin, Emmaüs Défi
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        permet aux salariés de prendre chaque jour et en commun, un repas chaud sur le chantier. Si
        ce repas joue un rôle évident sur l’hygiène alimentaire, il a aussi, et surtout, un impact sur la
        démarche de reprise des repères et de resocialisation.

Au terme d’une première phase expérimentale (2012 – 2015), l’étude réalisée par le cabinet Geste sur
plus de 200 bénéficiaires a montré la relative réussite du dispositif en termes de sorties en emploi,
d’accès au logement et à la santé mais également en termes de dépenses publiques évitées. Le
cabinet préconisait également l’essaimage de ce dispositif sur d’autres chantiers d’insertion de la
région parisienne.

La seconde phase d’expérimentation (2016-2018) vise à la poursuite du dispositif et son déploiement
sur d’autres chantiers d’insertion parisiens : en avril 2016, le chantier d’insertion Prélude de
l’association Aurore a rejoint le projet ; fin 2017, deux chantiers supplémentaires sont entrés dans le
dispositif pour couvrir un total de plus de 200 salariés accompagnés à un instant t. Dans le même
temps Emmaüs vise au renforcement des partenariats entre les acteurs de l’emploi, du logement et
de la santé au bénéfice des salariés en insertion.

    2. PRESENTATION D’EMMAÜS DEFI
L’association Emmaüs Défi, créée en 2007 à la suite de la crise du canal Saint Martin, s’est donné pour
but de promouvoir des dispositifs novateurs de lutte contre la pauvreté et l’exclusion. Prenant
le statut d’un Atelier et Chantier d’insertion (ACI) conventionnée par la DIRECCTE, Emmaüs Défi
œuvre de fait dans le champ de l’économie sociale. L’association travaille à l ’insertion par l’activité
économique des personnes les plus exclues de la société et du marché du travail.

L’ACI s’organise autour d’une activité de réemploi et s’inscrit ainsi dans les champs du
développement durable et de l’économie circulaire en promouvant des formes alternatives de
consommation et de gestion des objets en fin de vie.

Afin de permettre l’accès au chantier de personnes sans-abri, Emmaüs Défi a expérimenté et mis en
œuvre en 2009 le dispositif Premières Heures, en partenariat avec des équipes de maraude.
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Aujourd’hui, avec le soutien du Département de Paris, DPH est déployé dans une vingtaine de structures
parisiennes.

Les caractéristiques des personnes orientées vers cette Emmaüs Défi sont spécifiques (problématiques
d’hébergement, d’accès au soin, de troubles comportementaux, psychiques, d’addiction…). E l l e s
rendent particulièrement difficile la mise en place d’un parcours d’insertion et se traduisent par un
faible taux de sortie positive vers l’emploi, indicateur d’efficacité des structures de l’IAE.

Ce contexte a conduit Emmaüs Défi à porter une réflexion sur la nécessite de renforcer
l’accompagnement des bénéficiaires et de penser l’insertion sur le marché du travail à partir de
l’imbrication des problématiques d’emploi, de logement et de santé, qui s’est traduit par la mise en
œuvre du projet expérimental « Convergence ».                                                                6

A ce jour, Emmaüs Défi compte 200 salariés, dont 140 salariés en insertion.

    3. PRESENTATION DU CHANTIER PRELUDE - ASSOCIATION AURORE
Créée en 1871 et reconnue d’utilité publique depuis 1875, l’association Aurore héberge, soigne et
accompagne vers l’autonomie et l’insertion sociale et professionnelle plus de 37 000 personnes en
situation de précarité ou d’exclusion, dans 8 régions de France et 88 villes (en 2017).

Au sein du pôle Insertion, le chantier ACI parisien Prélude accueille des personnes très éloignées de
l’emploi, âgées de 18 à 65 ans (chômeurs de longue durée, public grande cause parisienne, travailleurs
handicapés), désireuses de se mobiliser autour d’un projet professionnel réaliste et durable. L’objectif
est de pouvoir accompagner les personnes, en prenant l’emploi pour support, afin de les réinsérer
durablement.

Rattaché aux services techniques d’Aurore, Prélude propose à ses salariés des activités de logistique,
petite maintenance et peinture.

Les publics accueillis au sein de Prélude sont caractérisés par de fortes fragilités et un cumul de freins
importants : les publics de moins de 30 ans souffrent de problématiques sociales fortes tandis que les
seniors sont plus difficiles à positionner en emploi au terme du parcours. Nombre de salariés cumulent
longue inactivité avec des problèmes de santé, de handicap par exemple et d’hébergement. En effet,
une proportion importante de salariés est directement issue des CHRS ou de la rue.

Chantier à entrées-sorties permanentes, Prélude a accompagnés 26 salariés en 2017, dont 12 recrutés
cette même année.
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4. OBJECTIFS ET PRECAUTIONS METHODOLOGIQUES

L’objectif est de réaliser une évaluation du programme en termes de coûts et bénéfices. Or ce type de
méthodologie appelle plusieurs commentaires.

La spécificité de ce type d’analyse par rapport à une évaluation d’impact est que la monétisation
inhérente à la première méthode dépasse la seule description d’un phénomène et relève d’un niveau
d’analyse qui peut rendre sa compréhension floue. Les effets sont traduits sous forme d’un
intermédiaire, qui agrège et simplifie des évènements multiples et multidimensionnels. La méthode
condense des dimensions nombreuses sous la forme d’un indicateur unique et monétaire qu’il faut                                7
considérer dans son contexte. Il est en effet possible d’observer des augmentations de coûts qui
seraient liées à des effets positifs du programme. A titre d’exemple, le recours aux soins ou à des
dispositifs d’aide publique de personnes en situation de grande précarité est largement moindre que
dans la population générale1. L’accompagnement offert par Emmaüs Défi et Prélude a notamment
pour visée d’accroître l’insertion de ces personnes dans les dispositifs de droit commun. Par
conséquent, le résultat visible de l’Analyse Coûts-Bénéfices (ACB) peut parfois être une augmentation
de coûts publics alors même que la situation de la personne s’est améliorée. L’amélioration de cette
dernière, qui renvoie souvent un investissement en capital humain2 et en capital social3 permis par
Convergence, est difficile à estimer compte tenu du fait que ses bénéfices s’expriment dans la durée,
après la sortie du dispositif.

Dans la mise en œuvre, afin de mener à bien une évaluation de ce type4, il est nécessaire de pouvoir
comparer la situation observée à un contrefactuel, c’est-à-dire la situation dans laquelle les personnes
seraient si le dispositif n’existait pas. Les données ne peuvent être considérées de manière brute et
doivent systématiquement être confrontées à des observations témoins. De plus, le périmètre et
l’échelle de temps sur lesquels porte l’évaluation sont contraints par la disponibilité des données et la
capacité à observer les résultats dans le temps. De ce fait, les coûts et les bénéfices qu’il est possible
de prendre en compte sont limités.

Par conséquent, trois principales familles de coûts et bénéfices peuvent être estimés :

       -    Les coûts générés par la grande exclusion et notamment le sans-abrisme afin de reconstituer
            le contrefactuel.

1Ex : taux de non-recours en métropole à la CMU complémentaire estimé entre 23 et 36% en 2014 (Fonds CMU, Références,
n°62, janvier 2016, P1.), et près de la moitié des bénéficiaires de la CMU-C n’a pas recouru à au moins un soin au cours des
12 derniers mois précédent une enquête du CETAF (Fonds CMU, Etude CETAF, 2010/2011).

2   Au sens de Gary Becker

3   Au sens de Pierre Bourdieu

4   Cette remarque n’est néanmoins pas inhérente à l’ACB mais concerne toutes les formes d’évaluations économiques.
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-    Les coûts du programme Convergence qui correspondent aux coûts de la prise en charge
          réelle.
     -    Les bénéfices associés au programme qui se déclinent en coûts évités, réduction de défaut de
          recettes publiques, et bénéfices liés à l’amélioration du bien-être et du capital humain.

Les enjeux liés à l’évaluation sont doubles. Elle cherche à évaluer l’efficience du dispositif par rapport
à une situation témoin où ce dernier n’existerait pas. La comparaison se situe ainsi à deux niveaux.
D’une part, les effets du dispositif sont rapprochés d’une situation où les personnes seraient restées
dans leur situation initiale, c’est-à-dire sans emploi et sans domicile pour la très grande majorité
d’entre eux. D’autre part, ils sont évalués par rapport au cas où Convergence n’existerait pas et donc
par rapport à un chantier et atelier d’insertion classique. Autrement dit, une partie de l’analyse vise à
                                                                                                                                  8
mettre en avant l’efficience globale des chantiers d’insertion d’Emmaüs Défi et Prélude qui accueillent
un public spécifique, ayant plus de freins que dans les chantiers classiques. Le second intérêt de
l’analyse est d’isoler l’effet propre de Convergence par rapport à des chantiers qui ne mettraient pas
en œuvre ce type de programme.

La première difficulté revient à caractériser le public accompagné dans le cadre de Convergence afin
d’être en mesure de reconstituer le contrefactuel. La précarité est ainsi souvent définie comme
multidimensionnelle et notamment comme « l’absence de […] sécurités, notamment celle de l’emploi,
permettant aux personnes et aux familles d’assumer leurs obligations professionnelles, familiales et
sociales et de jouir de leurs droits fondamentaux5 ».

La précarité a de multiples facettes et de nombreuses conséquences, ce qui fait de sa monétisation un
challenge. Certains aspects tels que la pauvreté monétaire, le recours à des dispositifs peuvent être
quantifiables selon la disponibilité des données mais d’autres aspects, notamment les notions de bien-
être ou de mal-être, sont bien plus difficilement mesurables. L’estimation du coût de la privation de
certaines ressources ou de paniers de biens demanderait une gymnastique différente de celle du
chiffrage quantitatif d’un niveau de consommation. A cette idée s’ajoute la grande diversité des formes
de sans-abrisme et des services utilisés. Contrairement à certaines idées reçues, la France se
caractérise par un fort investissement financier et politique en faveur des personnes sans-abri. Les
services d’aides dans tous les champs sont nombreux, et couvrent des formes multiples. Les personnes
ont des intensités d’utilisations très différentes. Le principe de l’ACB est d’identifier les coûts liés à
l’utilisation des dispositifs ainsi que les économies générées par l’absence de leur utilisation. Ces coûts
évités sont difficiles à estimer et représentent l’intérêt majeur de cette recherche.

5
  Définition contenue dans l’avis adopté par le Conseil économique et social français les 10 et 11 février 1987, sur la base du
rapport « Grande pauvreté et précarité économique et sociale » présenté par Joseph Wresinski
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5. LE PERIMETRE DE L’EVALUATION

L’évaluation porte sur l’ensemble des salariés accompagnés par le dispositif Convergence en 2017 au
sein des Ateliers et Chantiers d’Insertion d’Emmaüs Défi et de Prélude (notés ED et P), ainsi qu’en
2012/2015, avant la mise en œuvre du dispositif dans chacun de ces deux chantiers.

Elle s’appuie sur les résultats d’une évaluation d’impact réalisée en parallèle par les cabinets (Im)prove
et Opus 3. A partir du même échantillon de salariés accompagnés, ses objectifs sont la caractérisation
du public et l’analyse des parcours. Trois analyses complémentaires ont été menées dans le cadre de
l’ACB : la confrontation des parcours à des données témoins (le contrefactuel), une analyse ex ante et       9
ex post, c’est-à-dire avant et après la mise en œuvre de Convergence (2012/2015 et 2017) et une
analyse transversale, c’est-à-dire reposant sur les données de parcours des salariés, de leur entrée à
leur sortie et/ou la date de fin d’observation. La description des publics présentée dans ce rapport
s’appuie sur les conclusions de l’évaluation d’impacts menée par (Im)prove et Opus 3.

Dans cette recherche d’ACB, quatre types de coûts et bénéfices sont identifiés :

    -   Les coûts directs qui représentent les dépenses publiques de l’Etat, de Pôle Emploi, des
        collectivités locales, des organismes de Sécurité sociale et en particulier toutes les diminutions
        de ces coûts liés à la prise en charge dans le cadre de Convergence (coûts évités).
    -   Les gains monétaires associés aux réductions de défaut de recettes publiques qui recouvrent
        l’ensemble des manques à gagner en cotisations sociales et en TVA liés à la privation d’emploi.
    -   Les bénéfices générés par le programme qui n’auraient pas lieu si le dispositif Convergence
        n’existait pas, qui renvoient à l’amélioration du bien-être et du capital humain des salariés.
    -   Les dépenses additionnelles liées à la mise en œuvre du dispositif Convergence.

A l’inverse, un certain nombre d’éléments sort du périmètre de l’étude, pour des raisons de difficultés
dans l’obtention des données ou de limites méthodologiques.

Les coûts indirects liés aux conséquences sociales du chômage, à la protection de l’enfance, à l’échec
scolaire des enfants en situation de précarité, à la santé, etc ne sont pas pris en compte.

Les économies en prestations familiales délivrées par la Caisse d’Allocations Familiales n’ont pas été
prises en compte, ni les gains en recette d’impôt sur les revenus.

Contrairement aux études anglo-saxonnes, les coûts évités liés à la diminution des crimes et actes de
délinquance ne sont pas présents, ni les éventuelles interactions avec le système judiciaire ou le
maintien de l’ordre public.

La réduction des tarifs sociaux du gaz et de l’électricité n’a pas été évaluée.

Les aides facultatives sont estimées par l’intermédiaire des montants de l’enveloppe de la Ville et du
Département de Paris adressée spécifiquement aux publics allocataires du RSA, qui peut donc couvrir
certains services que les salariés n’utilisent pas systématiquement et qui, à l’inverse, omet certaines
aides utilisées telles que la restauration scolaire pour les enfants par exemple.
Compte tenu de l’échelle de temps de la recherche (circonscrite à la période d’accompagnement et à
une année après la sortie) et de la difficulté intrinsèque à évaluer les investissements en capital humain
et social, qui peuvent notamment former les gains d’employabilité, ceux-ci ont été ignorés. De la même
manière, les gains en bien-être subjectif ont été réduits ici aux effets de l’amélioration du pouvoir
d’achat permise par le dispositif, ils sont donc largement sous-estimés. Le gain de justice sociale6 est
ignoré également.

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6   Au sens de John Rawls et au sens d’Amartya Sen.
I.        REVUE DE LA LITTERATURE

     1. L’ANALYSE COUTS BENEFICES (ACB)

L’objectif de cette évaluation est de savoir s’il est efficient de mettre en place un dispositif plus
ambitieux d’insertion de personnes en situation de grande précarité. Nous cherchons à mesurer la
valeur ajoutée de mesures qui visent un public plus en difficulté que la cible des Ateliers Chantiers
d’Insertion classiques en mettant en œuvre un accompagnement plus développé.
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Traditionnellement l’analyse coûts bénéfices compare les coûts et les bénéfices de projets et de
politiques pour en évaluer l’efficience. Les travaux d’ACB impulsés aux Etats Unis au début du XXeme
siècle et diffusés largement dans les économies développées après la seconde guerre mondiale ont
principalement portés sur des projets d’investissement privés ou publics (notamment des
infrastructures routières, des barrages, des bassins de rétention…) et sur des politiques de prévention
dans le domaine de l’environnement, de la sécurité, de la santé… Très peu de recherches ont
cependant porté sur des projets ou politiques ayant des objectifs sociaux7.

L’analyse coûts bénéfices s’effectue par rapport à une situation de référence. Elle est une méthode qui
permet le calcul des coûts et des effets d’une action et de son alternative. Elle vise à estimer les
dépenses de chaque programme et à les comparer avec les ressources qui pourraient être
économisées ou créées. A cette fin, il est nécessaire d’avoir une situation de comparaison.

Dans cette recherche, nous visons une situation de référence qui correspond à celle dans laquelle les
personnes ont un profil proche des salariés de Convergence et sont en situation de précarité, n’ayant
pas de revenus ou trop peu pour couvrir leurs besoins, pas de logement personnel et ce qui en découle,
des difficultés sur le plan de la santé.

L’ACB consiste alors à mesurer l’impact du programme Convergence sur les gains par rapport à ces
situations de référence et à comparer les gains par rapport à son coût (Crépon, 2015).

Les gains et les bénéfices peuvent concerner différents niveaux. Ils peuvent être lus à l’échelle de la
société, de l’individu concerné ou du décideur public. Les gains ne sont ainsi pas les mêmes s’ils sont
uniquement perçus en termes d’amélioration des comptes publics ou s’ils sont considérés à l’échelle
de l’individu. Dans cette étude, nous estimons que les améliorations des situations individuelles sont
des externalités positives pour la société.

7 Philippe Lerouvillois a développé des premiers travaux d’ACB sur l’insertion par l’activité économique, à la demande
notamment de la Fédération des Entreprises d’Insertion puis du Conseil Régional de Lorraine. La méthodologie développée
ici s’appuie sur celle qu’il a conçue ; elle est enrichie et étendue aux impacts logement et santé. Voir par exemple : Ph.
Lerouvillois et al, 2014, « Une analyse coûts/bénéfices de l’insertion chez ADC Propreté », dans l’ouvrage collectif « Travailler
pour s’inclure, l’expérience d’ADC Propreté », pp 161-190, Editions Rue de l’Echiquier, 2014.
Les Structures d’Insertion par l’Activité Economique assurent à la fois une fonction économique en
produisant ou mettant à disposition des biens et services ainsi qu’une fonction sociale en améliorant
la situation d’emploi de personnes en difficulté. Dans le cas de Convergence, cette fonction sociale est
très marquée dans la mesure où les personnes concernées cumulent les difficultés dans différentes
dimensions (logement, santé et emploi) et le programme cherche à agir sur ces multiples aspects.
L’une des difficultés est d’identifier de manière relativement précise les différents impacts du
programme sur les situations des personnes.

Nous avons ainsi identifié 8 impacts coût/bénéfice ou externalités positives associées au dispositif
Convergence que l’on va chercher à évaluer :                                                               12

    -   Réduction du montant d’aides et d’allocations distribuées
    -   Réduction des demandes auprès des dispositifs d’urgence (santé, hébergement) et donc des
        coûts qui leur sont associés.
    -   Réduction des coûts liés à l’accompagnement par Pôle Emploi et les services du département.
    -   Augmentation de la participation à l’activité économique et de l’employabilité des individus.
    -   Gains en capital humain par l’augmentation des dépenses de santé.
    -   Gains en bien-être par amélioration du pouvoir d’achat.
    -   Augmentation des recettes publiques (baisse des défauts de recette publiques)

L’Analyse coûts bénéfices recoupe et s’appuie sur l’analyse d’impacts. L’évolution des situations est
mesurée par l’étude d’impact menée en parallèle qui vise à comparer les caractéristiques et la situation
à l’entrée de celles de sortie. La comparaison avec l’évolution de la situation des personnes de la
situation de référence permet d’attribuer des effets causaux imputables au dispositif.

LES LIMITES

Le périmètre de l’évaluation

L’ACB comporte dans notre cas un certain nombre de limites mais qui sont communes à nombre
d’évaluations. La première réside dans l’identification de l’ensemble des coûts et des bénéfices à
prendre en compte dont on peine à prétendre à l’exhaustivité pour des raisons différentes selon la
nature de l’impact :

- les impacts dus à des phénomènes pris en compte par le marché ou la redistribution publique sont
directement exprimés en monnaie. Pour les évaluer, il s’agit de déterminer les grandeurs d’impact. Ici,
la limitation du périmètre dépend de la disponibilité des données et du temps disponible pour
l’investigation.

- les aménités ne faisant l’objet d’aucune transaction marchande ou de mécanisme redistributif public
(on parle d’externalité au sens ou le phénomène est externe au marché ou à l’intervention publique)
nécessitent d’évaluer à la fois une grandeur et également sa valeur. Ici la monétisation ne peut reposer
que sur des techniques visant à faire révéler à des personnes la valeur qu’elles accordent à une aménité
comme un bon état de santé, un gain de bien être, de capital humain… Il s’agit donc d’une évaluation
qui dépendra essentiellement des préférences du groupe interrogé. Dans cette étude, pour des raisons
à la fois de temps et de méthodologies disponibles, ce travail de recherche n’a pu être réalisé. Seul le
gain de pouvoir d’achat et le surcroît de dépenses de santé ont été pris en compte en tant qu’aménités.
Le gain de pouvoir d’achat a été considéré comme un gain de bien être selon une conception purement
utilitariste (1€ de revenu supplémentaire produit un gain de bien être évalué à 1€). Le supplément de
dépenses de santé a été considéré comme un gain en capital humain (1€ pour 1€).

Les bénéfices de moyen et long terme sont impossible à prendre en compte en l’absence de la mise
en place d’un suivi de cohorte de bénéficiaires à la sortie du dispositif. Ainsi, l’augmentation de
l’espérance de vie, l’employabilité au sens de Bernard Gazier… sont des phénomènes ignorés dans
cette recherche.

Soulignons enfin que les effets indirects, on peut par exemple penser au fait d’offrir des conditions de      13
vie plus favorables aux enfants des bénéficiaires du programme (Goux, 2005), ne pouvaient pas non
plus être pris en compte dans le format de notre dispositif de recherche.

L’effet d’éviction

Comme dans de nombreuses expérimentations, il faut s’interroger ici sur la présence d’un éventuel
effet d’éviction. Au niveau de l’emploi par exemple, il serait lié au fait qu’un salarié accompagné par
ED trouve un emploi à la sortie, potentiellement au détriment d’autres demandeurs d’emploi qui n’ont
pas participé au dispositif. De la même manière faire bénéficier de soins en priorité aux salariés de
Convergence peut se faire en lieu et place d’autres personnes en dehors du dispositif. Dans le cadre
d’un modèle d’équilibre général, ce type d’effet annulerait certains effets positifs du dispositif. Au-delà
des difficultés pour mesurer l’ensemble de ces effets nous faisons l’hypothèse qu’ils sont ici marginaux
et négligeables étant donné le nombre de salariés concernés par le dispositif.

Une limite éthique

L’évaluation d’une expérimentation nécessite en principe d’utiliser des données issues d’expériences
contrôlées. Le protocole serait de constituer deux groupes d’individus où l’un participerait au dispositif
à évaluer, le groupe test, et à ne pas en donner l’accès au second, le groupe témoin. Pour disposer
d’un protocole solide, les deux groupes doivent en outre disposer de caractéristiques similaires quant
à un certain nombre de variables observables (âge, sexe, …) et non observables (motivation, …).
L’homogénéité des deux groupes est primordiale pour éviter un « biais de sélection » afin de valider
les effets mesurés et de les attribuer au programme. Il serait en effet imprudent d’avancer qu’un
groupe témoin qui bénéficie d’un dispositif particulier soit représentatif de l’ensemble des éligibles à
ce dispositif sans contrôle à priori.

Si le protocole nécessite de constituer deux groupes distincts, chacun éligible au dispositif et aux
caractéristiques très proches, la méthode se heurte de fait à une limite éthique dans la mesure où l’un
des deux groupes devra être exclu volontairement du programme et privé de ses ressources. La
présente étude ne permet pas l’application d’un tel protocole. L’évaluation est réalisée ex-post dans
le sens où les données exploitées sont de 2012 à 2017 et la durée de l’évaluation aurait de plus
nécessité d’être beaucoup plus longue. L’utilisation d’expérience contrôlée n’était dans ce cadre pas
envisageable. C’est pourquoi la reconstitution d’un groupe témoin « fantôme » a constitué la seule
issue dans le cadre de cette recherche.
2. LES ENSEIGNEMENTS D’AUTRES EXPERIMENTATIONS

L’ANSA et le JPAL (2017) ont réalisé une revue de littérature sur l’accompagnement dans le domaine
de l’emploi. Elle tire comme enseignement les résultats généralement positifs de mesures
d’accompagnement, même si les dispositifs peuvent être coûteux. Les auteurs soulignent également
la difficulté assez commune de rendre compte des gains sociaux.

De manière générale et qualitative, parmi les points forts de l’accompagnement, ils notent la diffusion
des informations et l’augmentation des connaissances, parmi lesquels la connaissance du bassin
d’emploi qui permet de palier l’information imparfaite. Ils mettent en avant le rôle de                                       14
l’accompagnement sur la motivation également. En termes plus méthodologiques, ils soulignent
ensuite la difficulté d’appréhender les effets d’équilibre général qui a déjà été évoquée.

Il existe relativement peu d’évaluations coûts et bénéfices d’un dispositif d’accompagnement social et
professionnel, mise à part celles mises en œuvre par l’équipe d’ECOTA Conseil.

Ainsi, outre la recherche réalisée sur une entreprise nantaise d’insertion (Lerouvillois et al, 2014, opus
déjà cité), une étude a été réalisée sur un panel de structures d’insertion de Meurthe et Moselle (AI,
EI, ETTI, ACI)8. Cette étude prenait en compte les financements de l’Etat, du Conseil départemental 54
et de la Région Lorraine et prenait en compte en termes de bénéfices, les indemnisations et minima
sociaux, les coûts de suivi Pôle Emploi, les coûts CMU et les défauts de recettes en cotisations sociales
et en TVA. Les bénéfices inhérents aux coûts publics évités et aux réductions de défaut de recettes ont
pu être estimés à 12 700 € par poste d’insertion en ETP, les coûts par postes d’insertion étant mesurés
à 12 700 € également, tandis que les bénéficiaires obtenaient un gain de pouvoir d’achat moyen par
ETP de 10 100€. Dans cette étude, la période prise en compte était limitée à celle du parcours
d’insertion et les impacts coûts de la situation logement et de la consommation de soins de santé
n’avaient pu être intégrés ; cependant des éléments de monétisation d’aménités avaient pu y être
développés.

Une première évaluation des coûts évités par le dispositif Convergence a été réalisée par le cabinet
Geste en 2015. La méthodologie est différente de celle mise en œuvre ici. Leur idée est d’identifier les
améliorations des situations de logement, de santé et dans le champ de l’emploi, les retours de
cotisations sociales, et les diminutions d’assurance chômage quand les salariés sortent en emploi. Leur
conclusion est que les coûts publics évités dépassent le financement public de Convergence dès la fin
de la deuxième année.

Le coût d’un ETP en insertion est estimé à 28 000 €/an au sein du chantier Emmaüs Défi. Ils comparent
ce montant à celui présenté par l’IGF-IGAS (2013) de 35000€/ETP en insertion et justifient le coût
moindre par les dons privés dans le financement moyen des ACI, ainsi que par l’importance des

8Lerouvillois P., Pater M., 2014. « Analyse Coûts – Bénéfices de l’Insertion par l’Activité Economique », Région Lorraine –
Centre de Ressources Régional
ressources propres du chantier. Lorsque les coûts de Convergence sont inclus, le montant par ETP en
insertion est de 33 000€. Les coûts évités sont estimés à 220 000€ pour la première année mais sont
ramenés à 185 000€ en moyenne par an lorsque l’estimation est réalisée sur une durée plus longue (2
années).

Leur méthodologie et résultat ont été comparés à trois évaluations proches :

   EPIDA consiste à l’évaluation de l’allongement du parcours qui n’est plus spécifique à certains
    chantiers désormais. Leurs coûts sont de 300 000 € par an pour un volume d’ETP non connu mais
    a priori inférieur à celui de Convergence.                                                             15
   Le dispositif Tapaj’ mis en œuvre à Bordeaux qui permet le travail à l’heure de jeunes en errance,
    et ressemble plus au Dispositif Premières Heures. Les estimations de coûts sont néanmoins
    inconnues.
   Un Chez Soi d’Abord vise à accompagner vers la santé et le logement des personnes ayant des
    problèmes mentaux sévères. L’évaluation suit une méthodologie de recherche randomisée, avec
    des groupes test et témoins tirés au sort. Ils estiment les coûts évités à 20 740€ ; une personne
    accompagnée coûtant 18760€ contre 39500€ pour une personne du groupe témoin.

Une étude de l’action tank « Entreprise et Pauvreté » montre, sur la base de simulations de scénarios,
que sur 5 ans, les parcours des sans-abri qui ont réussi à accéder au logement social coûtent en
moyenne 9 000€/pers/an, tandis que les personnes qui ont fait des allers retours entre la rue et
l’urgence coûtent environ 20 000€/personne/an. Elle inclut les contributions des pouvoirs publics à
hébergement, la redevance, le loyer (subventions ou dotations, APL, APL-foyer), le coût de
l’accompagnement social, le coût de la gestion locative sociale ou adaptée, coût du recours à des
services de santé.

Madec (2016) cherche à évaluer les coûts du mal logement à partir de données de l’Enquête Nationale
Logement. Il utilise la méthode des fractions attribuables, comme Trontin et al (2010) pour l’estimation
des coûts du stress professionnel en France. Cette méthode met en regard les risques associés à
certaines caractéristiques de la population et les niveaux de prévalence, estimés à l’aide de l’analyse
économétrique. Les coûts pris en compte ne sont que les coûts directs privés et publics et sont
attribués à la fraction. Cette méthode s’est révélée non applicable dans notre cas, faute de données
disponibles sur la population des sans-abri. Il n’était pas possible de reconstituer une probabilité de
consommer un type de soins, d’être hospitalisé ou hébergé dans un type d’hébergement, ni de savoir
quelle part de la population cela concernait.

Dans cet article sont présentés des travaux qui ont cherché à estimer le coût du chômage. Barbe (1989)
avance un coût par personne de 7 000 francs de 1986. Un rapport de la Fédération européenne des
services à la personne (EFSI) a commandé une étude menée dans six pays dont la France. La perte
potentielle de revenus pour l’Etat a été estimée en comparant salariés et demandeurs d’emploi à partir
des recettes fiscales et du revenu annuel brut moyen. Ils trouvent un résultat de 28 727€ par
demandeur d’emploi en 2013.
Flatau et al (2008) ont cherché à estimer les coûts des sans-abri. Leur méthode consiste à comparer
les coûts d’un service et son utilisation par les sans domicile aux coûts du service et son utilisation par
la population générale ((Utilisation moyenne par sans domicile)*(coût unitaire du service)-(utilisation
annuelle moyenne de la population)*(coût unitaire du service)).

Ils montrent que des groupes différents de sans-abri ont différents niveaux de coûts additionnels,
notamment en santé. En moyenne, à chaque fois qu’un sans-abri utilise un service de santé australien,
le coût est supérieur de 10 217€ par rapport à leur utilisation par un citoyen ordinaire, logé. Ils estiment
un coût supérieur à 250 544€ par personne sans abri sur leur durée de vie.

Lindgren L. (2008) a mené une étude à Malmö sur l’efficacité coût du logement social et de
l’hébergement d’urgence. Il estime le coût du logement social inférieur de 24 090€.                            16

Pleace et al 2013 est également une source de comparaison. Ils trouvent que dans tous les pays, le
service le plus cher est le séjour en hôpital ordinaire ou psychiatrique. Leur méthode a consisté à
reconstituer des scénarios d’évolution positifs et négatifs et d’en mesurer les coûts. Il est difficile d’en
tirer un résultat unique et parlant.

A ces exemples, il est possible d’ajouter l’étude réalisée dans le cadre de l’expérimentation
« Territoires zéro chômeurs » qui a pour objectif de déterminer l’ensemble des coûts générés et évités
dans le cas où un public cible de chômeurs de longue durée fait le choix de reprendre un emploi à
temps plein. Leurs données datent de 2016 et proviennent de documents budgétaires de l’Etat ou
d’autres financeurs. 40 postes de dépenses sont identifiés. Trois catégories de coûts et dépenses sont
mesurés : les coûts directs (dépenses ciblées pour l’emploi et dépenses sociales), les manques à gagner
en impôts et cotisations sociales, et les coûts indirects et/ou induits.

Ils indiquent que certains coûts ont pu être sous-estimés (aides sous condition de ressources,
économies en réductions tarifaires et liées au quotient familial ou statut de demandeur d’emploi,
manque à gagner en impôts sur le revenu pour les personnes que la reprise d’emploi à plein temps au
SMIC rend imposables).

Les auteurs de l’étude procèdent en deux étapes. Ils identifient le montant de la dépense en 2017 à
l’échelle de la France entière, puis appliquent le montant au public cible, soit en calculant un facteur à
appliquer, soit directement lorsque le chiffre est connu.

L’analyse coûts bénéfices proposée ici est une recherche basée à un niveau micro et sur des données
individuelles contrairement à d’autres analyses qui ont pu être réalisées (TZC). L’ensemble des
dépenses et manques à gagner liés à la privation d’emploi est estimée à 14 270€.

Il est difficile dans chacune de ces études de sortir un chiffre unique et parlant tant les méthodologies
sont soumises à des précautions et les résultats non généralisables. Ils s’appuient sur des scénarios,
des hypothèses propres et évaluent des aspects spécifiques. Il est délicat d’en tirer des enseignements
généraux et directement comparables aux résultats de cette étude. De plus, la plupart des méthodes
présentées précédemment visent à estimer les coûts d’un phénomène de manière macroéconomique,
et non micro économique et plus rarement d’un dispositif dont on cherche à percevoir précisément
les effets. Elles ne s’appuient pas sur des données individuelles excepté l’évaluation de « Un Chez Soi
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