RÉFÉRENTIEL DE LA SOCIÉTÉ FRANCOPHONE DU DIABÈTE
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Diabète + Lipides + Obésité + Risques cardio-métaboliques + Nutrition RÉFÉRENTIEL DE LA SOCIÉTÉ FRANCOPHONE DU DIABÈTE Prise en charge de la polyneuropathie diabétique douloureuse Hors-série 4 68876 Extraits de Médecine des maladies Métaboliques alfediam Avril 2011 - Vol. 5 - N°2 - p. 208-222 Vol. 5 Septembre 2011
Diabète t Lipides t Obésité t Risques cardio-métaboliques t Nutrition Membres du Groupe SFD – SFGG paramédical qui ont collaboré à la rédaction de ce guide Coordonatrices Comité de lecture Jocelyne Bertoglio Marie Claire Auger Anne Marie Bonnery Sandra Charriére Nadège Cousty Rédactrices Ariane Engelstein Cathy Becardit Sophie Estran Catherine Clément Julie Garcia Anne Laure Coutant Elise Hamon Christine Dauriac Michèle Joly Heidi Dubus Cathy Journot Valérie Eugène Christine Kavan Thérèse Giacobini Isabelle Le Blavec Lila Naïma Mahdjoub Ivano Mantovani Cendrine Masclet Bertrand Caroline Martineau Aurélie Anne Mimoso Thierry Mayen Sophie Moracchini Patricia Michot Luz Perrenoud Marie Claude Pepy Marie Emilie Stutzmann Faustine Pueblas Annie Vannier Martine Samper Annick Thibault Médecine des maladies Métaboliques - Septembre 2011 - Hors-série 4
1 RÉFÉRENTIEL DE LA SOCIÉTÉ FRANCOPHONE DU DIABÈTE A. Hartemann1, N. Attal2, D. Bouhassira2, I. Dumont3, H. Gin4, Prise en charge S. Jeanne5, G. Said6, J.-L. Richard7 1Service de diabétologie, de la polyneuropathie Université Paris VI, hôpital de la Pitié, APHP, 75013 Paris diabétique douloureuse 2INSERM U-987 « Pathophysiology and Clinical Pharmacology of Pain », Centre d’Évaluation * et de Traitement de la Douleur, hôpital Ambroise Paré, 92100 Boulogne-Billancourt 3Centre du Pied, Ransart, Résumé le diagnostic de neu- Bruxelle, Belgique. 4Service de diabétologie La neuropathie doulou- ropathie douloureuse. nutrition, Université reuse concerne environ Celui-ci est clinique : de Bordeaux 2, hôpital du Haut 20 % des patients diabé- type de douleur (brûlure, Leveque 33604 Pessac tiques de type 2 et 5 % décharge électrique, froid 5Service diabétologie- endocrinologie, CHG Laennec, des patients diabétiques douloureux.), horaire des 60100 Creil de type 1. Elle devrait douleurs (plutôt au repos, être systématiquement plutôt la nuit), sensations recherchée par l’interro- anormales (fourmillement, gatoire car les patients engourdissement…). Le n’en parlent pas sponta- questionnaire DN4 est un nément. C’est une com- outil diagnostic simple et Correspondance : plication qui concerne validé. Trois classes mé- Agnès Hartemann les petites fibres. Elle dicamenteuses ont fait la Service de diabétologie, Université Paris VI, hôpital peut donc s’accompa- preuve de leur efficacité, de la Pitié-Salpêtrière, AP-HP, gner d’un test au mono- qui est équivalente : les 47-83, boulevard de l’Hôpital, filament normal et d’un antiépileptiques, les anti- 75651 Paris cedex 13 agnes.hartemann@ électromyogramme nor- dépresseurs tricycliques psl.ap-hop-paris.fr mal. Ces deux examens les inhibiteurs mixtes de ne permettent donc pas recapture de la sérotonine © 2011 – Elsevier Masson SAS Tous droits réservés. d’affirmer ni d’infirmer et de la noradrénaline. Médecine et Maladies Métaboliques - Septembre 2011 - Hors-série n°4
2 Recommandations et référentiels Elles peuvent donc être dence de la NDD : en Trois études apportent prescrites en première effet peu d’études ont des données épidémio- intention, après évalua- porté uniquement sur logiques plus précises : tion de la douleur sur les formes douloureuses deux ont été réalisées une échelle numérique. de la PCSM ; en outre, en Grande-Bretagne À dose maximale tolérée, la diversité de recrute- les patients à partir si le traitement initial n’a ment des populations de registres de méde- pas permis de diminuer étudiées et les diffé- cine générale. Celle la douleur de 30 %, une rences dans les critères de Daousi [10] a porté autre classe doit être diagnostiques rendent sur 356 patients diabé- choisie. Si la douleur a compte d’une grande tiques, essentiellement diminué de 30 % mais variabilité dans les don- de type 2 : à partir d’un reste supérieure à 3/10 nées publiées. Ainsi, questionnaire structuré deux classes peuvent on estime qu’environ et d’un examen clinique, être associées. 50 % des diabétiques une polyneuropathie atteints de neuropathie sensitivo-motrice a été Épidémiologie se plaignent de symp- diagnostiquée chez près À côté des rares pré- tômes douloureux [2- de la moitié des patients sentations aiguës, la 4]. D’anciennes études diabétiques mais seu- forme chronique de la rapportaient une préva- lement un tiers d’entre neuropathie diabétique lence de « douleur des eux avaient des dou- douloureuse (NDD) est membres inférieurs » leurs persistantes de- la plus fréquente, s’inté- allant de 6 % [5] à puis plus d’un an, soit grant dans le cadre de 27 % [6], plus fréquente une prévalence de 16 % la polyneuropathie chro- dans le diabète de de NDD. Cette préva- nique sensitivo-motrice type 2 (32 %) que dans lence était de 5 % dans (PCSM) distale [1]. le type 1 (12 %) [7]. La une population non dia- prévalence de la NDD bétique appariée pour Prévalence était estimée à 11 % l’âge et le sexe ; 12,5 % de la neuropathie dans une population de des patients avec NDD diabétique moins de 60 ans suivie à n’avaient jamais rap- douloureuse l’hôpital [8], chiffre voisin porté leurs symptômes Il est difficile d’avoir de celui rapporté dans à leur médecin et 39 % une idée précise de la une étude allemande ré- n’avaient jamais été trai- prévalence et de l’inci- cente [9]. tés pour leur douleur. Médecine et Maladies Métaboliques - Septembre 2011 - Hors-série n°4
Prise en charge de la polyneuropathie diabétique douloureuse 3 Dans l’étude de Davies pathique. Selon ces cri- Au vu de ces différentes et al. [11] la prévalence tères, 43 % des patients études, on peut esti- globale de NDD est de diabétiques présen- mer que la prévalence 26 % et atteint 44 % taient une polyneuropa- de la NDD est de 15 à parmi les patients at- thie sensitive, avec une 20 % chez les patients teints de PCSM. nette prépondérance diabétiques de type 2, Une large étude réalisée chez les diabétiques de et d’environ 5 % chez récemment en Belgique, type 2 (51 %) par rap- les patients diabétiques sur plus de 1100 pa- port aux diabétiques de de type 1. Quant à l’in- tients diabétiques suivis type 1 (25,6 %). Environ cidence, elle serait ap- dans 40 centres spécia- un tiers de ces patients proximativement de 2 % lisés, s’est pour la pre- souffraient de douleurs par an [16]. mière fois appuyée sur neuropathiques des Neuropathie des outils validés pour membres inférieurs, soit douloureuse estimer la prévalence une prévalence globale et qualité de vie de la PCSM et de la de NDD de 14 %, plus NDD [12]. Tous les pa- élevée dans le type 2 L’impact négatif de la tients ont été systéma- (18 %) que dans le NDD est important sur tiquement examinés à type 1 (6 %). La durée la qualité de vie des la recherche d’une hy- moyenne de diabète patients [4,11,12,17]. poesthésie au moyen de était de 11 ans dans le Benbow et al. [18] ont l’instrument Neuropen type 2 et de 16 ans dans montré une diminution si- qui teste la sensibilité le type 1. Il est intéres- gnificative de la qualité de tactile (monofilament) et sant de constater que vie chez les patients dia- la sensibilité à la piqûre. les estimations fournies bétiques atteints de NDD Cet instrument, déjà uti- par cette étude réalisée comparés à ceux sans lisé dans de nombreuses en centres spécialisés NDD et à des personnes études, permet de dé- sont assez proches de non diabétiques : dans tecter une neuropathie celles réalisées en mé- 5 des 6 domaines ex- sensitive avec une très decine générale [10, 11]. plorés (énergie, sommeil, bonne fiabilité [13]. En En France, une enquête douleur, mobilité phy- cas de douleurs, le rapporte une prévalence sique, réactions émotion- questionnaire DN4 [14] de 8 % de NDD mais ce nelles), le score était si- était utilisé pour iden- résultat est sujet à cau- gnificativement supérieur tifier leur nature neuro- tion [15]. (donc en faveur d’une Médecine et Maladies Métaboliques - Septembre 2011 - Hors-série n°4
4 Recommandations et référentiels moins bonne qualité de la classe thérapeutique pendant, au contraire vie) en cas de NDD ; seul utilisée et augmente de des formes avec perte le score portant sur les façon importante en de la sensibilité, la taille relations sociales ne dif- cas d’association de des patients n’est pas un férait pas entre les trois plusieurs types d’an- facteur déterminant indé- groupes. Dans l’étude talgiques. À ce coût pendant dans la survenue de Van Acker et al. [12], pharmaceutique, il des douleurs [25]. la présence d’une neuro- conviendrait d’ajouter le Le rôle de l’hyperglycé- pathie périphérique sans surcoût lié aux consul- mie, s’il est clairement douleur et sans plaie n’a tations médicales et les établi dans la survenue pas d’impact significatif coûts indirects impu- et l’aggravation de la sur la qualité de vie, tan- tables à la perte de pro- polyneuropathie pé- dis que celle-ci est très ductivité [21, 22]. riphérique, n’est pas altérée si la neuropathie clair pour ce qui est de Facteurs de risque s’accompagne de dou- sa composante dou- leur. Cet impact négatif Les études qui ont re- loureuse [5,6,10,25]. de la NDD est particuliè- cherché les facteurs de L’impact de l’ancienneté rement net sur le sommeil risque de ND sont parfois du diabète indépendam- et la joie de vivre [3,17- contradictoires [23,24]. ment de l’âge suggère 19]. Plusieurs études L’âge et la durée ce lien. Une neuropathie montrent une corrélation d’évolution du dia- douloureuse peut aussi significative entre la dé- bète ont été identifiés s’associer à une anoma- térioration ressentie de dans la plupart des lie de la tolérance au glu- l’état de santé et l’inten- études [5,6,9,12,25,26]. cose (ATG) [29]. On re- sité de la douleur [3,20]. Dans l’étude d’Harris [6], trouve ainsi environ 10 % la NDD est significative- de neuropathie doulou- Neuropathie ment associée à l’hyper- reuse chez les intolé- douloureuse : tension artérielle. rants au glucose et 4 % aspect économique La grande taille a été chez les patients présen- Le coût du traitement impliquée comme fac- tant une hyperglycémie de la NDD en mono- teur de risque de po- modérée à jeun [9,30]. thérapie est estimé aux lyneuropathie, en raison Inversement, une ATG environs de 300 US$/ de l’altération longueur- peut aussi être mise an. Ce coût est cepen- dépendante des fibres en évidence chez 30 à dant très variable selon nerveuses [27,28] ; ce- 55 % des patients avec Médecine et Maladies Métaboliques - Septembre 2011 - Hors-série n°4
Prise en charge de la polyneuropathie diabétique douloureuse 5 une neuropathie sensi- Dans l’étude de Van fort pourcentage (56 %) tive idiopathique, notam- Acker et al. [12], il a éga- de patients avec NDD ment ceux se plaignant lement été noté une rela- ayant des apparentés au de douleurs [31,32]. tion entre la neuropathie 1er ou au 2e degré souf- Dans l’étude de Sumner d’une part et l’obésité, frant de NDD [3]. et al. [29], sur 73 pa- un faible taux de choles- La NDD peut aussi sur- tients avec neuropathie terol-HDL et l’élévation venir de façon aiguë peu périphérique de cause des triglycérides plasma- après l’obtention rapide inconnue chez qui a été tiques d’autre part. Cette d’un équilibre glycé- réalisée une hyperglycé- relation était particuliè- mique satisfaisant, en mie provoquée par voie rement marquée dans le règle liée à l’initiation orale, 26 présentaient cas de NDD, suggérant d’une insulinothérapie : une ATG (36 %) et 15 un que certains composants c’est la « névrite insu- diabète (21 %) : la neu- du syndrome métabo- linique » [23,24,36-41] ropathie s’accompagnait lique pourraient avoir un dont la pathogénie reste de douleurs chez 77 % rôle, non seulement dans discutée, peut-être liée des patients avec ATG le développement de à l’ouverture de shunts et chez 93 % des diabé- la neuropathie [34,35], artério-veineux et la pro- tiques. La sévérité de la mais également dans lifération de nouveaux neuropathie, jugée sur les celui des douleurs neu- vaisseaux [42], rendant paramètres de conduc- ropathiques. Cependant, l’endonèvre ischémique tion nerveuse et la den- les anomalies de la to- par effet de vol. À l’in- sité des fibres nerveuses lérance au glucose et le verse, un tableau cli- intra-épidermiques, était syndrome métabolique nique très voisin a été moins marquée en cas étant fréquemment as- décrit, mais ici asso- d’ATG que de diabète sociés, il est difficile de cié à un très mauvais sucré et touchait avant faire la part des choses équilibre glycémique tout les fibres de petit entre facteurs confon- et s’accompagnant calibre. Une atteinte neu- dants et lien de cause à d’une perte de poids rovégétative, qui traduit effet. rapide [43] et parfois, comme la douleur une Enfin, le rôle d’une pré- chez les jeunes filles, atteinte préférentielle des disposition génétique et/ de troubles du compor- petites fibres, peut être ou de facteurs environ- tement alimentaire [44]. aussi présente en cas nementaux est suggéré Aucune étude épidémio- d’ATG [33]. par Galer et al. devant le logique n’est disponible Médecine et Maladies Métaboliques - Septembre 2011 - Hors-série n°4
6 Recommandations et référentiels sur ces formes dou- myélinisées (C) condui- En dépit de nombreux loureuses aiguës de la sant la sensibilité à la travaux il n’a pas été neuropathie diabétique chaleur et à la douleur possible d’attribuer la qui sont réputées être (tableau I). Ces petites survenue des douleurs à rares [1,24,45,46]. fibres ne sont pas ex- un type particulier de lé- plorées par l’EMG. Les sion [49]. Les études ré- Physiopathologie fibres neurovégétatives centes des terminaisons L a p o l y n e u ro p a t h i e (sympathiques et para- nerveuses intra-épider- diabétique comporte sympathiques) font par- miques (moyens d’ana- toujours une atteinte tie des petites fibres A lyse des petites fibres) des petites fibres. Ce delta. ont montré qu’une im- sont les fibres les plus Les grosses fibres myéli- portante perte de ces nombreuses et celles nisées qui conduisent la terminaisons n’était as- atteintes le plus préco- sensibilité au tact (testée sociée à des douleurs cement [47, 48]. On dis- par le monofilament) et la neuropathiques que tingue les petites fibres proprioception (testée par chez les patients qui myélinisées (A delta) qui le diapason) (tableau I), n’avaient que peu ou conduisent la sensibilité sont atteintes plus tardi- pas de signes objectifs au froid et à la piqûre, vement. L’EMG n’explore de neuropathie, ce qui et les petites fibres non que ces grosses fibres. montre que la perte des Tableau I : Résumé des informations correspondant aux sensibilités à explorer dans le cadre d’une polyneuropathie, modifié d’après Hansson P, Backonja M, Bouhassira D. Usefulness and limitations of quantitative sensory testing: clinical and research application in neuropathic pain states. Pain 2007;129:256-9. Stimulus Type de fibres Examen clinique EMG Thermique Froid Aδ Chaud C Tube chaud et tube froid Normal Chaud douloureux C, A δ Froid douloureux C, A δ Mécanique Tact Aβ Monofilament 10 g Anormal Vibration Aβ Diapason Anormal Frottement Aβ Coton Anormal Piqûre A δ, C Aiguille Normal Pression A δ, C Doigt Normal Médecine et Maladies Métaboliques - Septembre 2011 - Hors-série n°4
Prise en charge de la polyneuropathie diabétique douloureuse 7 terminaisons nerveuses conditions pathologiques roxystiques de douleurs ne suffit pas à induire les ont fait l’objet de nom- (brûlures) des extrémités douleurs, et que diffé- breuses études au cours des membres inférieurs rents mécanismes peu- de ces dernières années. associées à d’impor- vent être en cause selon Un ensemble de données tants troubles vaso-mo- le stade de la neuropa- suggèrent qu’ils dépen- teurs ainsi que dans le thie [50]. Les enregis- draient notamment d’une syndrome de douleur trements microneurono- dysrégulation de la syn- extrême paroxystique et graphiques permettant thèse et de la fonction de dans l’insensibilité congé- d’analyser les proprié- certains canaux ioniques nitale à la douleur [53]. tés des fibres C amyé- (notamment les canaux liniques ont révélé chez sodiques) exprimés de Démarche des diabétiques avec façon préférentielle au diagnostique neuropathie une sen- niveau des nocicepteurs La polyneuropathie sibilisation de certains et qui règlent leur exci- diabétique, le pied nocicepteurs C, une di- tabilité membranaire [52]. à risque, la douleur minution de la propor- Une susceptibilité généti- neuropathique : tion des fibres sensibles quement déterminée aux savoir faire aux stimuli nociceptifs stimuli douloureux peut la différence mécaniques par rapport ainsi être envisagée ; en La polyneuropathie aux fibres insensibles, effet des mutations du chronique sensitivo- et la présence de fibres gène codant pour un motrice (PCSM) anormales, probable- sous-type de canal so- et le pied à risque ment dégénérées. Tout dique (le canal NaV 1.7), ceci reflète une modifi- présent à forte concen- La PCSM se caracté- cation de la distribution tration dans les ganglions rise par sa distalité, son des nocicepteurs C et rachidiens postérieurs de caractère symétrique et une altération de leur la plupart des nocicep- son expression clinique excitabilité [51]. teurs périphériques, ont très faiblement sympto- Les mécanismes cel- notamment été identi- matique. Les plaintes du lulaires et moléculaires fiées chez des patients patient sont généralement susceptibles de rendre souffrant d’érythromélal- discrètes voire absentes. compte de l’hyperexcita- gie, dont la symptoma- Pour la diagnostiquer bilité (sensibilisation) des tologie est dominée par précocement on peut nocicepteurs dans les la survenue de crises pa- utiliser le Neuropen [13], Médecine et Maladies Métaboliques - Septembre 2011 - Hors-série n°4
8 Recommandations et référentiels petit stylo muni à une de deux outils diagnostiques des membres supérieurs ses extrémités d’un mo- (diapason, monofilament), ou autre étiologie pos- nofilament de 10 g pour très régulièrement utilisés sible). tester la sensibilité tactile en diabétologie et recom- (grosses fibres) et d’une mandés dans la pratique La neuropathie doulou- pointe mousse à l’autre courante, ne doivent donc reuse diabétique (NDD) extrémité pour tester la pas être confondus dans Les fibres concernées sensibilité à la piqûre leur signification : ce ne par la NDD sont les pe- (petites fibres) (tableau I). sont pas des outils de tites fibres [55, 56]. Le Cet instrument permet diagnostic de polyneuro- diagnostic repose sur de détecter une neu- pathie (celle-ci atteint plus l’interrogatoire et l’exa- ropathie sensitive avec précocement les fibres men clinique (tableau I). une très bonne fiabilité. Il conduisant la sensibilité La sémiologie de la dou- existe aussi des échelles thermo-algique), ni de leur neuropathique est de diagnostic validées, neuropathie douloureuse, riche et s’oppose à celle tel le MNSI (Michigan mais des outils de dé- de la douleur nocicep- Neuropathy Screening pistage du pied à risque. tive [14]. Instrument) qui à travers Un test au monofilament L’interrogatoire doit être des données d’interroga- normal n’est donc pas un très précis : toire et d’examen établit argument contre le dia- r ces douleurs survien- un score de probabilité gnostic de polyneuropa- nent plutôt au repos, diagnostique [24, 54]. thie chronique sensitivo- sont intensifiées la nuit La PCSM atteint plus motrice. et parfois soulagées par tardivement les grosses L’ é l e c t ro m y o g r a m m e la marche pieds nus ; fibres que les petites. n’est pas indiqué pour r la douleur peut être C’est à ce stade tardif le diagnostic positif de continue ou paroxys- qu’elle est dépistable par PCSM : il peut être nor- tique, survenir de façon le diapason gradué de mal en cas d’atteinte li- spontanée et/ou être dé- 128 Hz et le monofilament mitée aux petites fibres. clenchée par des stimu- (tableau I). C’est cette at- Il n’est indiqué qu’en lations diverses ; teinte des grosses fibres cas d’atypie majeure r il peut s’agir d’allodynie qui expose les patients venant faire douter de provoquées par exemple au risque podologique l’origine diabétique de par le frottement, le (risque de développer la neuropathie (atteinte contact (exemple le frot- une plaie chronique). Ces asymétrique, atteinte tement des draps du lit) Médecine et Maladies Métaboliques - Septembre 2011 - Hors-série n°4
Prise en charge de la polyneuropathie diabétique douloureuse 9 ou par un stimulus ther- une atteinte des petites être strictement normaux. mique non douloureux fibres : L’EMG n’a pas lieu d’être ou d’hyperalgésie (an- r diminution de la per- demandé face à ce type nexe 1) ; ception de la piqure et/ou de tableau. r pour décrire ses dou- du chaud/froid ; De nombreux question- leurs le patient va utiliser r allodynie au tact ou au naires aidant à l’identifi- le plus fréquemment les frottement ; cation de la nature neu- termes de brûlure, dé- r une lésion des fibres A ropathique de la douleur charge électrique, froid delta peut entrainer une ont été publiés [57]. Le douloureux ; neuropathie autonome questionnaire DN4 (dou- r le patient peut décrire associée aux douleurs leur neuropathique en également des sensations de neuropathie périphé- 4 questions, annexe 2) ap- étranges, bizarres, non rique. paraît particulièrement in- ressenties comme dou- Plus tardivement et in- téressant car rapide, facile loureuses (dysesthésies, constamment, on peut à utiliser et validé [14] : un paresthésies) : fourmille- retrouver une atteinte des score ≥ 4/10 a une sen- ment, engourdissement, grosses fibres (anomalie sibilité de 83 % et une picotement, démangeai- de la perception du mo- spécificité de 90 % pour son. Tous ces symptômes nofilament de 10 g et de identifier la douleur neuro- peuvent coexister de fa- la vibration du diapason). pathique. çon variable. Mais ces deux tests ainsi Une fois le diagnostic de L’examen clinique doit que l’EMG qui ne dépiste neuropathie douloureuse rechercher des signes que des anomalies des posé, avant d’entre- évoquant typiquement grosses fibres, peuvent prendre un traitement, on Annexe 1 : Glossaire des douleurs neuropathiques. D’après l’International Association for the Study of Pain Task Force on Taxonomy, http://www.iasp-pain.org. Allodynie : Sensation douloureuse provoquée par un stimulus normalement non douloureux. Selon la nature du stimulus, on distingue l’allodynie thermique au froid ou au chaud), l’allodynie mécanique (au tact ou à la pression légère),… Dysesthésie : Sensation anormalement désagréable, qu’elle soit spontanée ou provoquée. Hyperalgésie : Exagération de la sensation douloureuse en réponse à un stimulus nociceptif. Hyperesthésie : Sensation exagérée à une stimulation somesthésique (mécanique, thermique, douloureuse), à l’exception des stimulations sensorielles spécifiques. Ce terme englobe l’allodynie et l’hyperalgésie. Paresthésie : Sensation anormale désagréable, spontanée ou provoquée, douloureuse ou non. Les dysesthésies font partie des paresthésies. Médecine et Maladies Métaboliques - Septembre 2011 - Hors-série n°4
10 Recommandations et référentiels doit mesurer l’intensité les jambes » et évoquer et soulagée par la posi- de la douleur (cotation alors l’éventualité d’une tion jambe pendante. sur 10) sur une échelle douleur d’origine arté- Autres causes visuelle analogique ou rielle [62,63]. Si un dop- de douleur numérique, afin d’évaluer pler est demandé, il doit neuropathique l’efficacité du traitement. être correctement inter- prété : la douleur d’origine Les atteintes mono névri- Diagnostic artérielle survient unique- tiques, les syndromes ca- différentiel ment en cas de sténoses nalaires, dont un exemple Toute douleur chez un pa- artérielles à plus de caractéristique est le né- tient diabétique n’est pas 70 %. De simples lésions vrome de Morton, et le obligatoirement liée à une pariétales (surcharge, canal lombaire étroit sont neuropathie et, inverse- mediacalcose…) ne don- trois des pathologies où ment, toute neuropathie nent pas de douleur, et une douleur neuropa- n’est pas obligatoirement peuvent être associées thique peut dominer le douloureuse. Les études à une authentique NDD. tableau clinique. Chacun chez un grand nombre Le diagnostic de douleur de ces tableaux a sa spé- de patients (de plus neuropathique doit donc cificité clinique. de 300 à 600) [14,56,58- être un diagnostic positif, Le tableau clinique du 61] quant aux diagnostics et surtout pas d’élimina- névrome de Morton est différentiels possibles de tion [64]. celui de douleurs plan- la douleur, démontrent La douleur artérielle taires initialement pro- que la seule démarche survient typiquement à voquées par la station clinique conduit au dia- la marche, au bout d’un debout et la marche, pré- gnostic dans la majorité certain périmètre, et se dominant en regard des des cas. manifeste par une im- 3 e et 4 e métatarsiens, pression de compres- souvent décrites comme L’artériopathie sion douloureuse du neuropathiques (brûlures, oblitérante des membres inférieurs mollet. Elle cède après décharges électriques). quelques minutes de re- Le diagnostic repose sur L’erreur la plus fréquente pos. La douleur de dé- l’histoire clinique, l’exa- consiste à ne pas in- cubitus qui traduit une men de la zone doulou- terroger suffisamment artériopathie oblitérante reuse qui peut montrer le patient, à se conten- sévère des membres in- une allodynie mécanique ter de « douleurs dans férieurs est lancinante à la pression en regard Médecine et Maladies Métaboliques - Septembre 2011 - Hors-série n°4
Prise en charge de la polyneuropathie diabétique douloureuse 11 Annexe 2 : QUESTIONNAIRE DN4 : un outil simple pour rechercher les douleurs neuropathiques Pour estimer le probabilité d’une douleur neuropathique, le patient doit répondre à chaque item des 4 questions ci-dessous par « oui » ou « non ». QUESTION 1 : la douleur présente-t-elle une ou plusieurs des caractéristiques suivantes ? Oui Non 1. Brûlure F F 2. Sensation de froid douloureux F F 3. Décharges électriques F F QUESTION 2 : la douleur est-elle associée dans la même région à un ou plusieurs des symptômes suivants ? Oui Non 4. Fourmillements F F 5. Picotements F F 6. Engourdissements F F 7. Démengeaisons F F QUESTION 3 : la douleur est-elle localisée dans un territoire où l’examen met en évidence : Oui Non 8. Hypoesthésie au tact F F 9. Hypoesthésie à la piqûre F F QUESTION 4 : la douleur est-elle provoquée ou augmentée par : Oui Non 10. Le frottement F F OUI = 1 point NON = O point Score du patient : /10 Médecine et Maladies Métaboliques - Septembre 2011 - Hors-série n°4
12 Recommandations et référentiels de la zone douloureuse. paraissant au repos, r L’EMG ne doit pas être L’examen diagnostique d’aggravation vespérale, demandé pour confir- de choix est l’IRM. accompagnées d’un be- mer le diagnostic, mais Les mononévrites dou- soin impérieux de bou- strictement réservé aux loureuses sont unilaté- ger les jambes et très formes atypiques. rales et localisées à un souvent de mouvements r L’intensité de la dou- territoire bien spécifique ; paroxystiques involon- leur doit être cotée sur l’exemple en est la crural- taires des membres infé- 10 au moyen d’une gie (fréquente chez le pa- rieurs, améliorée par les échelle visuelle analo- tient diabétique). Ces mo- mouvements volontaires gique ou numérique. nonévrites sont souvent et la marche [66]. associées à une polyneu- r La présence de co- Traitement ropathie asymptomatique. morbidités associées, Traitement Le canal lombaire étroit locale, loco-régionale ou pharmacologique se caractérise par une systémique doit amener L’idée que les médica- douleur généralement de à la vigilance diagnos- ments de la neuropathie topographie radiculaire tique [64] : recherche douloureuse ont une ef- lombo-sacrée, survenant d’une insuffisance vei- ficacité indépendante uniquement à la marche neuse, vérification de de l’étiologie de la neu- et aggravée par elle, pour la liberté articulaire des ropathie fait actuelle- un périmètre réduit [65], hanches et des genoux, ment consensus parmi avec parfois notion de palpation musculaire… les experts. Cependant discopathie. L’EMG, s’il r Le diagnostic de neu- la plupart des études est demandé, confirmera ropathie douloureuse re- ont été menées dans la l’atteinte radiculaire avec pose sur l’interrogatoire neuropathie diabétique préservation des poten- et l’examen clinique, à la ou post-zostérienne. De tiels d’action sensitifs. recherche de signes évo- nombreuses classes mé- quant avant tout une at- dicamenteuses sont dis- Autres diagnostics teinte des petites fibres. ponibles, mais malheu- différentiels r Une aide diagnostique reusement il existe encore r Le syndrome des jam- simple est apportée par assez peu d’études com- bes sans repos : pares- le questionnaire DN4. paratives de larges ef- thésies et dysesthésies r C’est un diagnostic fectifs. Enfin, quelques profondes des deux positif clinique, et non un médicaments largement membres inférieurs, ap- diagnostic d’élimination. utilisés en France comme Médecine et Maladies Métaboliques - Septembre 2011 - Hors-série n°4
Prise en charge de la polyneuropathie diabétique douloureuse 13 le clonazépam (Rivotril®) ou NNT). Un tableau syn- pendant de leur action ont un niveau de preuve thétisant ces résultats, anti-dépressive et se- quasi nul (définition des adapté d’une publication rait lié à l’inhibition de niveaux de preuve en an- de Ziegler et al. [38], est la recapture pré-synap- nexe 3). présenté dans le ta- tique de la sérotonine et/ bleau II. ou de la nor-adrénaline Les produits et une action antago- Une manière pratique de Les antalgiques niste sur les récepteurs présenter le rapport bé- de niveau 1 (paracéta- N-méthyl- D -Aspartate néfice/risque des diffé- mol, salicylés et AINS) (NMDA). L’efficacité des rents produits est de rap- Ils sont reconnus [67,68] antidépresseurs tricy- porter, d’après les études comme faiblement ef- cliques et notamment les disponibles, le nombre de ficaces ou inefficaces dérivés imipraminiques patients à traiter pour ob- pour soulager la douleur comme l’amitriptyline tenir chez l’un d’entre eux neuropathique. (Laroxyl®), l’imipramine un effet indésirable grave (Tofranil®) ou la clomipra- (Number Needed for Les antidépresseurs mine (Anafranil®), a été Major Harm ou NNMH) Les antidépresseurs montrée dans plusieurs et le nombre de patients tricycliques études randomisées et à traiter pour obtenir un Ils sont largement utili- contrôlées (niveau A) [69- effet cliniquement signifi- sés depuis longtemps 78], même s’il s’agit pour catif chez l’un d’entre eux en pratique. Leur effet la plupart d’études de (Number Needed to Treat sur la douleur est indé- courte durée et sur de Annexe 3 : Définition du niveau de preuve des études d’efficacité des traitements pharmacologiques. La classification choisie ici est celle proposée par l’ADA : - Niveau A : basée sur des études randomisées contrôlées de forte puissance dont les résultats sont généralisables, dont les études multicentriques et les méta-analyses incluant l’analyse de la qualité des essais ; - Niveau B : basée sur des études de cohortes bien conduites dont les études prospectives, les registres et les méta-analyses d’études de cohortes ; - Niveau C : basée sur des études peu ou pas contrôlées, dont les études randomisées avec un ou plusieurs défauts méthodologiques, des études observationnelles avec de forts risques de biais, des cas témoins, des séries de cas ; - Niveau D : consensus d’experts ou expérience clinique lorsqu’il n’existe pas encore d’études ou lorsque celles-ci ne peuvent être faites ou en cas de données contradictoires. Médecine et Maladies Métaboliques - Septembre 2011 - Hors-série n°4
14 Recommandations et référentiels Tableau II : Efficacité et effets secondaires des principaux traitements pharmacologiques de la neuropathie douloureuse. D’après Ziegler D. Painful diabetic neuropathy. Diabetes Care 2009;32(Suppl 2): S414-9. Classe DCI NNMH NNT ADT Amitriptyline 15 2,1 Desipramine 24 2,2/3,2 Imipramine 1,3/2,4/3,0 Clomipramine 8,7 2,1 ISRSNA Duloxétine 18 (60 mg/J) 5,3 (60 mg/J) 9 (120 mg/J) 4,9 (120 mg/J) Venlafaxine 21 (75-225 mg/J) 6,9 (75-225 mg/J) 17 (150-225 mg/J) 4,6 (150-225 mg/J) α2δ Ligands Prégabaline 23 (300 mg/J) 6,0 (300 mg/J) 11 (600 mg/J) 4,0 (600 mg/J) Gabapentine 3,8/4,0 Opioides Oxycodone 2,6 Tramadol 7,8 3,1/4,3 DCI : Dénomination commune internationale ; NNMH (Number Needed for Major Harm) : Nombre de patients à traiter pour la survenue d’un effet secondaire grave chez l’un d’eux ; NNT (Number Needed to Treat) : Nombre de patients à traiter pout obtenir un effet cliniquement significatif chez l’un d’eux ; ADT : Antidépresseurs tricycliques ; ISRSNA : Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine te de la nor-adrénaline ; α2δ Ligands : ligands de la sous-unité α2δ du canal calcique voltage-dépendant. petits effectifs. L’efficacité Les effets indésirables rables notamment effets des différentes molécules sont dose-dépendants anticholinergique et pon- semble comparable (an- et limitent l’utilisation déral sont plus marqués nexe 4 et [79]). de ces produits : effets avec l’amitriptyline [80]. Pour limiter les effets in- sédatifs, anticholiner- Les contre-indications désirables, le traitement giques (sécheresse de principales sont le glau- doit être débuté à faible la bouche, constipation, come, l’adénome de dose le soir (10 mg/j de trouble de l’accommoda- prostate, l’infarctus ré- clomipramine par ex) tion, sueurs, tachycardie, cent ou les antécédents et augmenté progressi- trouble de la miction), de troubles du rythme vement (par ex pour la adrénolytiques (hypo- cardiaque. clomipramine 10 mg par tension orthostatique, L’amitriptyline et l’imipra- palier de 7 jours, jusqu’à impuissance) et prise de mine ont une AMM dans 150 mg/j). poids. Ces effets indési- l’indication « douleurs re- Médecine et Maladies Métaboliques - Septembre 2011 - Hors-série n°4
Prise en charge de la polyneuropathie diabétique douloureuse 15 Annexe 4 : Traitement médicamenteux de la NDD : algorithme décisionnel Douleur neuropathique mesurée sur 10 Monothérapie Anti-épileptiques Anti-dépresseurs tricycliques a2δ-L OU IRSNA OU (amitriptyline, imipramine, (gabapentine, (dulotéxine) clomipramine) prégabaline) Évaluation à la dose maximale tolérée Efficacité partielle (> 30 %) Efficacité insuffisante (< 30 %) mais douleur > 3/10 Bithérapie Changer de monothérapie Efficacité partielle (> 30 %) mais douleur > 3/10 Opioïde/tramadol α2δ-L : Ligand de la sous-unité α2δ du canal calcique IRSNA : Inhibiteur de la Recapture de la Sérotonine et de la Nor-Adrénaline Médecine et Maladies Métaboliques - Septembre 2011 - Hors-série n°4
16 Recommandations et référentiels belles » ; la clomipramine cité mais s’accompagne contrôlé. La duloxétine dans les douleurs neuro- d’une plus grande fré- peut entraîner une aug- pathiques. quence d’effets indési- mentation de la pression Les inhibiteurs mixtes rables [81,82]. artérielle. Elle ne doit de recapture Conditionnée sous gé- pas être associée à la de la sérotonine lules à 30 et 60 mg, la du- prise de médicaments et de la noradrénaline (IRSNA) loxétine a l’AMM pour les inhibant puissamment douleurs neuropathiques le CYP1A2 [fluvoxamine Ces molécules ont été périphériques chez le dia- (Floxyfral ®), ciprofloxa- développées en raison du bétique. La titration (en cine (Ciflox®), énoxacine rôle de la sérotonine et de commençant par 30 mg/j (Enoxor®)]. la noradrénaline dans les pendant 7 jours) peut di- La venlafaxine (Effexor®) mécanismes endogènes minuer les effets indési- a prouvé son efficacité inhibiteurs de la douleur rables qui sont pour les dans la NDD comme au travers de la voie de plus fréquents une som- la duloxétine (ni- contrôle descendante in- nolence, des nausées, veau A) [86, 87], mais hibitrice dans le système des vertiges, une consti- il n’a pas l’AMM dans nerveux central. pation, une sécheresse cette indication. Le trai- La duloxétine (Cymbalta®) de la bouche, une baisse tement doit être com- a prouvé son efficacité d’appétit. Une proportion mencé à 37,5 mg/j et sur la douleur liée à une de 20 % des patients augmenté de 75 mg/se- polyneuropathie diabé- dans les études arrêtent maine. La dose efficace tique dans des études le traitement du fait d’ef- va de 150 à 225 mg/j. La de bonne qualité (niveau fets indésirables [85]. Des forme à libération pro- A) [81-83]. Une amélio- hépatites graves ont été longée permet une prise ration significative du exceptionnellement rap- unique quotidienne. Les sommeil et de la qualité portées sous duloxétine effets secondaires sont de vie a aussi été retrou- et l’insuffisance hépa- les mêmes que ceux de vée dans les études. La tique est une contre-indi- la duloxétine, mais on dose de 60 mg permet cation à son utilisation de note en plus des modi- d’obtenir l’effet maxi- même que l’insuffisance fications ECG chez 5 % mum (tableau II) [84] ; le rénale sévère (clairance des patients et, à forte passage à une posolo- de la créatinine inférieure dose, on peut observer gie supérieure n’entraîne à 30 ml/min) et le glau- une augmentation de la pas de surcroit d’effica- come à angle fermé non pression artérielle. Médecine et Maladies Métaboliques - Septembre 2011 - Hors-série n°4
Prise en charge de la polyneuropathie diabétique douloureuse 17 Les inhibiteurs de la recapture rale avec le GABA (acide transport saturable. Ceci de la sérotonine (IRS) γ-amino-butyrique), la ga- explique la nécessité bapentine n’agit pas di- d’utiliser de fortes poso- Deux études randomi- rectement sur le système logies et de fractionner sées mais sans puis- gabaergique mais son les prises dans la jour- sance et avec une mé- effet antalgique est prin- née [95]. Récemment, un thodologie relativement cipalement lié à sa fixa- essai en double aveugle, faible (niveau B) ont mon- tion sur une sous-unité randomisé et contrôlé a tré une efficacité de faible (α2δ) d’un canal calcique montré l’efficacité et l’in- intensité de la paroxetine voltage-dépendant du térêt d’une forme à libé- (Deroxat®) [88] et du cita- système nerveux central, ration prolongée permet- lopram (Seropram®) [89], inhibant ainsi la trans- tant une seule prise par efficacité inférieure aux mission médiée par le jour [96]. La gabapentine tricycliques dans une glutamate et stimulant la n’est pas métabolisée étude [88]. Une étude transmission gabaergique par le foie et n’interfère montre l’absence d’ef- inhibitrice. pas avec les médica- ficacité de la fluoxétine La gabapentine a prouvé ments concomitants, (Prozac®) [73]. Une revue son efficacité sur la dou- expliquant l’absence systématique de la litté- leur neuropathique dans d’interactions médica- rature conclue à un effet des études randomisées menteuses. Cependant minime et cliniquement et contrôlées de bonne son élimination unique- insuffisant des IRS dans qualité méthodologique ment rénale sous forme les douleurs neuropa- (niveau A) [90-94] (ta- inchangée nécessite une thiques [79]. bleau II). Un impact si- adaptation des doses Les effets secondaires gnificatif a été retrouvé chez l’insuffisant ré- les plus fréquents sont sur la qualité de vie et nal [95]. les vertiges, la somno- les troubles du sommeil. Il est conseillé pour aug- lence, les céphalées, les Sur le plan pharmacolo- menter la tolérance de nausées. gique, la concentration débuter le traitement par plasmatique de la gaba- une dose de 300 mg/j Les antiépileptiques pentine n’est pas propor- en 3 prises et d’aug- La gabapentine tionnelle à la dose admi- menter par paliers de (Neurontin®) nistrée, en raison d’une 7 jours (la dose efficace Malgré sa dénomination absorption digestive va de 1200 à 3600 mg/j et sa parenté structu- par un mécanisme de en 3 prises). L’arrêt de Médecine et Maladies Métaboliques - Septembre 2011 - Hors-série n°4
18 Recommandations et référentiels la gabapentine doit être La prégabaline est peu des douleurs neuropa- progressif. métabolisée par le foie, thiques périphériques et Les effets indésirables ne présente pas d’inter- centrales. consistent en somno- férence avec les autres La carbamazepine lence, asthénie, vertige, médicaments et est éli- (Tegretol®) troubles gastro-intesti- minée par le rein essen- La carbamazépine est le naux, sécheresse de la tiellement sous forme traitement de référence bouche, céphalées. Une inchangée. Aucune de la névralgie essen- prise de poids et des adaptation posologique tielle du trijumeau. Des œdèmes périphériques n’est donc nécessaire en études anciennes de peuvent être observés. cas d’insuffisance hépa- faible niveau de preuve tique mais la posologie (C) ont suggéré son effi- La prégabaline (Lyrica®) doit être adaptée à la cacité dans la NDD [103, De commercialisation clairance de la créatinine. 104]. Elle a une AMM plus récente, son mé- Il est recommandé de dans le traitement des canisme d’action sur la commencer à 150 mg/j douleurs neuropathiques douleur est similaire à en 2 prises puis d’aug- de l’adulte. celui de la gabapentine. menter tous les 3 à Les doses thérapeu- La prégabaline a prouvé 7 jours de 150 mg. Les tiques se situent entre son efficacité dans des doses efficaces vont 600 et 1 600 mg/j. Le études randomisées et de 300 à 600 mg/j en schéma thérapeutique contrôlées de bonne 2 prises. L’augmentation habituel consiste en une qualité méthodologique progressive des doses dose initiale de 200 mg/j, (niveau A) [97-101]. Le diminue le risque d’effets suivie d’une augmenta- nombre de patients à trai- secondaires. L’arrêt doit tion de 200 mg tous les ter pour obtenir une amé- être progressif. 3 jours jusqu’à obtention lioration d’au moins 50 % Les effets indésirables d’un effet thérapeutique. de la douleur chez l’un consistent en somno- La carbamazépine a de d’eux est de 6 à la poso- lence, asthénie, vertige, nombreux effets secon- logie de 300 mg/j et de troubles gastro-intesti- daires centraux dose- 4 pour 600 mg/j [102] (ta- naux, sécheresse de la dépendants, idiosyn- bleau II). Les troubles du bouche, céphalées, oe- crasiques (hé patites, sommeil et les troubles dèmes et prise de poids. éruptions cutanées, trou- anxieux sont significati- La prégabaline a une bles hématologiques, vement diminués. AMM dans l’indication hyponatrémie) et est Médecine et Maladies Métaboliques - Septembre 2011 - Hors-série n°4
Prise en charge de la polyneuropathie diabétique douloureuse 19 responsable de troubles induire des effets indé- Son utilisation habituelle cognitifs au long cours. sirables potentiellement consiste à l’administrer Cette molécule est pres- graves qui limitent leur sous forme de gouttes le que entièrement méta- utilisation. Le topiramate soir (on peut commencer bolisée par le foie (cyto- (Epitomax®) n’a pas fait la à 5 gouttes) et à aug- chrome P450 3A4), sous preuve de son efficacité menter progressivement forme d’un métabolite dans la NDD [67]. la dose, la posologie ef- actif et est un puissant Aucun de ces anti-épi- ficace étant très variable inducteur enzymatique leptiques n’a d’AMM d’un sujet à l’autre. responsable de nom- dans la NDD. Son effet indésirable le breuses interactions plus fréquent est la som- médicamenteuses. Son Le clonazépam nolence diurne. Le clo- utilisation nécessite une (Rivotril®) nazepam appartenant à surveillance biologique Le clonazépam repré- la classe thérapeutique pendant au moins un an sente un des antiépilep- des benzodiazépines, (NFS, transaminases, na- tiques les plus prescrits son utilisation prolongée trémie à réaliser au cours dans les douleurs neu- et à de fortes doses peut du 1er mois puis tous les ropathiques en France. induire une tolérance 2 à 3 mois). Son efficacité sur les avec un risque de dé- douleurs paroxystiques pendance physique et Autres anti-épileptiques a été suggérée de lon- psychique pouvant en- Malgré un niveau de gue date par une étude traîner, à l’arrêt, un syn- preuve d’efficacité signifi- de niveau de preuve drome de sevrage. catif (niveau A) la lamotri- C [109], mais il n’a fait gine (Lamictal®) [105,106], l’objet d’aucune étude Les opioïdes et l’oxcarbazepine contrôlée dans la neu- L’oxycodone (Oxycon- (Trileptal®) ont une effi- ropathie douloureuse. tin®, Oxynorm®) à libéra- cacité d’intensité mo- L’efficacité, observée tion prolongée a prouvé deste [107]. L’efficacité uniquement en pratique, son efficacité dans la du valproate de sodium pourrait tenir à ses pro- NDD (niveau A) [110-112] (Depakine ®) [108] est priétés hypnotiques et ainsi que dans les dou- discutée (niveau B) avec anxiolytiques. leurs post-zostériennes. une étude positive et une Ce médicament n’a pas Les opioïdes doivent étude négative. En outre, d’AMM pour les douleurs être utilisés en dernière ces molécules peuvent neuropathiques. intention. Les effets Médecine et Maladies Métaboliques - Septembre 2011 - Hors-série n°4
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