RÉFÉRENTIEL DE LA SOCIÉTÉ FRANCOPHONE DU DIABÈTE

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Diabète + Lipides + Obésité + Risques cardio-métaboliques + Nutrition

               RÉFÉRENTIEL DE LA
        SOCIÉTÉ FRANCOPHONE DU DIABÈTE

        Prise en charge
        de la polyneuropathie
        diabétique douloureuse

                                                                                 Hors-série    4
68876

                           Extraits de Médecine des maladies Métaboliques
           alfediam               Avril 2011 - Vol. 5 - N°2 - p. 208-222    Vol. 5 „ Septembre 2011
Diabète t Lipides t Obésité t Risques cardio-métaboliques t Nutrition

                   Membres du Groupe SFD – SFGG paramédical
                    qui ont collaboré à la rédaction de ce guide

         Coordonatrices                                               Comité de lecture
         Jocelyne Bertoglio                                           Marie Claire Auger
         Anne Marie Bonnery                                           Sandra Charriére
                                                                      Nadège Cousty
         Rédactrices                                                  Ariane Engelstein
         Cathy Becardit                                               Sophie Estran
         Catherine Clément                                            Julie Garcia
         Anne Laure Coutant                                           Elise Hamon
         Christine Dauriac                                            Michèle Joly
         Heidi Dubus                                                  Cathy Journot
         Valérie Eugène                                               Christine Kavan
         Thérèse Giacobini                                            Isabelle Le Blavec
         Lila Naïma Mahdjoub                                          Ivano Mantovani
         Cendrine Masclet Bertrand                                    Caroline Martineau
         Aurélie Anne Mimoso                                          Thierry Mayen
         Sophie Moracchini                                            Patricia Michot
         Luz Perrenoud                                                Marie Claude Pepy
         Marie Emilie Stutzmann                                       Faustine Pueblas
         Annie Vannier                                                Martine Samper
         Annick Thibault

 Médecine des maladies Métaboliques - Septembre 2011 - Hors-série 4
1

RÉFÉRENTIEL DE LA SOCIÉTÉ FRANCOPHONE DU DIABÈTE

A. Hartemann1, N. Attal2,
D. Bouhassira2,
I. Dumont3, H. Gin4,
                                    Prise en charge
S. Jeanne5, G. Said6,
J.-L. Richard7
1Service  de diabétologie,
                                    de la polyneuropathie
Université Paris VI, hôpital
de la Pitié, APHP,
75013 Paris
                                    diabétique douloureuse
2INSERM U-987

« Pathophysiology and Clinical
Pharmacology of Pain »,
Centre d’Évaluation *
et de Traitement de la Douleur,
hôpital Ambroise Paré,
92100 Boulogne-Billancourt
3Centre du Pied, Ransart,             Résumé                          le diagnostic de neu-
Bruxelle, Belgique.
4Service de diabétologie              La neuropathie doulou-          ropathie douloureuse.
nutrition, Université                 reuse concerne environ          Celui-ci est clinique :
de Bordeaux 2,
hôpital du Haut                       20 % des patients diabé-        type de douleur (brûlure,
Leveque 33604 Pessac                  tiques de type 2 et 5 %         décharge électrique, froid
5Service diabétologie-

endocrinologie, CHG Laennec,          des patients diabétiques        douloureux.), horaire des
60100 Creil                           de type 1. Elle devrait         douleurs (plutôt au repos,
                                      être systématiquement           plutôt la nuit), sensations
                                      recherchée par l’interro-       anormales (fourmillement,
                                      gatoire car les patients        engourdissement…). Le
                                      n’en parlent pas sponta-        questionnaire DN4 est un
                                      nément. C’est une com-          outil diagnostic simple et
Correspondance :                      plication qui concerne          validé. Trois classes mé-
Agnès Hartemann                       les petites fibres. Elle        dicamenteuses ont fait la
Service de diabétologie,
Université Paris VI, hôpital          peut donc s’accompa-            preuve de leur efficacité,
de la Pitié-Salpêtrière, AP-HP,       gner d’un test au mono-         qui est équivalente : les
47-83, boulevard de l’Hôpital,        filament normal et d’un         antiépileptiques, les anti-
75651 Paris cedex 13
agnes.hartemann@                      électromyogramme nor-           dépresseurs tricycliques
psl.ap-hop-paris.fr                   mal. Ces deux examens           les inhibiteurs mixtes de
                                      ne permettent donc pas          recapture de la sérotonine
© 2011 – Elsevier Masson
SAS Tous droits réservés.             d’affirmer ni d’infirmer        et de la noradrénaline.

Médecine et Maladies Métaboliques - Septembre 2011 - Hors-série n°4
2

    Recommandations et référentiels

    Elles peuvent donc être        dence de la NDD : en                 Trois études apportent
    prescrites en première         effet peu d’études ont               des données épidémio-
    intention, après évalua-       porté uniquement sur                 logiques plus précises :
    tion de la douleur sur         les formes douloureuses              deux ont été réalisées
    une échelle numérique.         de la PCSM ; en outre,               en Grande-Bretagne
    À dose maximale tolérée,       la diversité de recrute-             les patients à partir
    si le traitement initial n’a   ment des populations                 de registres de méde-
    pas permis de diminuer         étudiées et les diffé-               cine générale. Celle
    la douleur de 30 %, une        rences dans les critères             de Daousi [10] a porté
    autre classe doit être         diagnostiques rendent                sur 356 patients diabé-
    choisie. Si la douleur a       compte d’une grande                  tiques, essentiellement
    diminué de 30 % mais           variabilité dans les don-            de type 2 : à partir d’un
    reste supérieure à 3/10        nées publiées. Ainsi,                questionnaire structuré
    deux classes peuvent           on estime qu’environ                 et d’un examen clinique,
    être associées.                50 % des diabétiques                 une polyneuropathie
                                   atteints de neuropathie              sensitivo-motrice a été
    Épidémiologie                  se plaignent de symp-                diagnostiquée chez près
    À côté des rares pré-          tômes douloureux [2-                 de la moitié des patients
    sentations aiguës, la          4]. D’anciennes études               diabétiques mais seu-
    forme chronique de la          rapportaient une préva-              lement un tiers d’entre
    neuropathie diabétique         lence de « douleur des               eux avaient des dou-
    douloureuse (NDD) est          membres inférieurs »                 leurs persistantes de-
    la plus fréquente, s’inté-     allant de 6 % [5] à                  puis plus d’un an, soit
    grant dans le cadre de         27 % [6], plus fréquente             une prévalence de 16 %
    la polyneuropathie chro-       dans le diabète de                   de NDD. Cette préva-
    nique sensitivo-motrice        type 2 (32 %) que dans               lence était de 5 % dans
    (PCSM) distale [1].            le type 1 (12 %) [7]. La             une population non dia-
                                   prévalence de la NDD                 bétique appariée pour
    Prévalence
                                   était estimée à 11 %                 l’âge et le sexe ; 12,5 %
    de la neuropathie
                                   dans une population de               des patients avec NDD
    diabétique
                                   moins de 60 ans suivie à             n’avaient jamais rap-
    douloureuse
                                   l’hôpital [8], chiffre voisin        porté leurs symptômes
    Il est difficile d’avoir       de celui rapporté dans               à leur médecin et 39 %
    une idée précise de la         une étude allemande ré-              n’avaient jamais été trai-
    prévalence et de l’inci-       cente [9].                           tés pour leur douleur.

                                      Médecine et Maladies Métaboliques - Septembre 2011 - Hors-série n°4
Prise en charge de la polyneuropathie diabétique douloureuse        3

Dans l’étude de Davies                pathique. Selon ces cri-        Au vu de ces différentes
et al. [11] la prévalence             tères, 43 % des patients        études, on peut esti-
globale de NDD est de                 diabétiques présen-             mer que la prévalence
26 % et atteint 44 %                  taient une polyneuropa-         de la NDD est de 15 à
parmi les patients at-                thie sensitive, avec une        20 % chez les patients
teints de PCSM.                       nette prépondérance             diabétiques de type 2,
Une large étude réalisée              chez les diabétiques de         et d’environ 5 % chez
récemment en Belgique,                type 2 (51 %) par rap-          les patients diabétiques
sur plus de 1100 pa-                  port aux diabétiques de         de type 1. Quant à l’in-
tients diabétiques suivis             type 1 (25,6 %). Environ        cidence, elle serait ap-
dans 40 centres spécia-               un tiers de ces patients        proximativement de 2 %
lisés, s’est pour la pre-             souffraient de douleurs         par an [16].
mière fois appuyée sur                neuropathiques des
                                                                      Neuropathie
des outils validés pour               membres inférieurs, soit
                                                                      douloureuse
estimer la prévalence                 une prévalence globale
                                                                      et qualité de vie
de la PCSM et de la                   de NDD de 14 %, plus
NDD [12]. Tous les pa-                élevée dans le type 2           L’impact négatif de la
tients ont été systéma-               (18 %) que dans le              NDD est important sur
tiquement examinés à                  type 1 (6 %). La durée          la qualité de vie des
la recherche d’une hy-                moyenne de diabète              patients [4,11,12,17].
poesthésie au moyen de                était de 11 ans dans le         Benbow et al. [18] ont
l’instrument Neuropen                 type 2 et de 16 ans dans        montré une diminution si-
qui teste la sensibilité              le type 1. Il est intéres-      gnificative de la qualité de
tactile (monofilament) et             sant de constater que           vie chez les patients dia-
la sensibilité à la piqûre.           les estimations fournies        bétiques atteints de NDD
Cet instrument, déjà uti-             par cette étude réalisée        comparés à ceux sans
lisé dans de nombreuses               en centres spécialisés          NDD et à des personnes
études, permet de dé-                 sont assez proches de           non diabétiques : dans
tecter une neuropathie                celles réalisées en mé-         5 des 6 domaines ex-
sensitive avec une très               decine générale [10, 11].       plorés (énergie, sommeil,
bonne fiabilité [13]. En              En France, une enquête          douleur, mobilité phy-
cas de douleurs, le                   rapporte une prévalence         sique, réactions émotion-
questionnaire DN4 [14]                de 8 % de NDD mais ce           nelles), le score était si-
était utilisé pour iden-              résultat est sujet à cau-       gnificativement supérieur
tifier leur nature neuro-             tion [15].                      (donc en faveur d’une

Médecine et Maladies Métaboliques - Septembre 2011 - Hors-série n°4
4

    Recommandations et référentiels

    moins bonne qualité de        la classe thérapeutique              pendant, au contraire
    vie) en cas de NDD ; seul     utilisée et augmente de              des formes avec perte
    le score portant sur les      façon importante en                  de la sensibilité, la taille
    relations sociales ne dif-    cas d’association de                 des patients n’est pas un
    férait pas entre les trois    plusieurs types d’an-                facteur déterminant indé-
    groupes. Dans l’étude         talgiques. À ce coût                 pendant dans la survenue
    de Van Acker et al. [12],     pharmaceutique,         il           des douleurs [25].
    la présence d’une neuro-      conviendrait d’ajouter le            Le rôle de l’hyperglycé-
    pathie périphérique sans      surcoût lié aux consul-              mie, s’il est clairement
    douleur et sans plaie n’a     tations médicales et les             établi dans la survenue
    pas d’impact significatif     coûts indirects impu-                et l’aggravation de la
    sur la qualité de vie, tan-   tables à la perte de pro-            polyneuropathie pé-
    dis que celle-ci est très     ductivité [21, 22].                  riphérique, n’est pas
    altérée si la neuropathie                                          clair pour ce qui est de
                                  Facteurs de risque
    s’accompagne de dou-                                               sa composante dou-
    leur. Cet impact négatif      Les études qui ont re-               loureuse [5,6,10,25].
    de la NDD est particuliè-     cherché les facteurs de              L’impact de l’ancienneté
    rement net sur le sommeil     risque de ND sont parfois            du diabète indépendam-
    et la joie de vivre [3,17-    contradictoires [23,24].             ment de l’âge suggère
    19]. Plusieurs études         L’âge et la durée                    ce lien. Une neuropathie
    montrent une corrélation      d’évolution du dia-                  douloureuse peut aussi
    significative entre la dé-    bète ont été identifiés              s’associer à une anoma-
    térioration ressentie de      dans la plupart des                  lie de la tolérance au glu-
    l’état de santé et l’inten-   études [5,6,9,12,25,26].             cose (ATG) [29]. On re-
    sité de la douleur [3,20].    Dans l’étude d’Harris [6],           trouve ainsi environ 10 %
                                  la NDD est significative-            de neuropathie doulou-
    Neuropathie
                                  ment associée à l’hyper-             reuse chez les intolé-
    douloureuse :
                                  tension artérielle.                  rants au glucose et 4 %
    aspect économique
                                  La grande taille a été               chez les patients présen-
    Le coût du traitement         impliquée comme fac-                 tant une hyperglycémie
    de la NDD en mono-            teur de risque de po-                modérée à jeun [9,30].
    thérapie est estimé aux       lyneuropathie, en raison             Inversement, une ATG
    environs de 300 US$/          de l’altération longueur-            peut aussi être mise
    an. Ce coût est cepen-        dépendante des fibres                en évidence chez 30 à
    dant très variable selon      nerveuses [27,28] ; ce-              55 % des patients avec

                                     Médecine et Maladies Métaboliques - Septembre 2011 - Hors-série n°4
Prise en charge de la polyneuropathie diabétique douloureuse      5

une neuropathie sensi-                Dans l’étude de Van             fort pourcentage (56 %)
tive idiopathique, notam-             Acker et al. [12], il a éga-    de patients avec NDD
ment ceux se plaignant                lement été noté une rela-       ayant des apparentés au
de douleurs [31,32].                  tion entre la neuropathie       1er ou au 2e degré souf-
Dans l’étude de Sumner                d’une part et l’obésité,        frant de NDD [3].
et al. [29], sur 73 pa-               un faible taux de choles-       La NDD peut aussi sur-
tients avec neuropathie               terol-HDL et l’élévation        venir de façon aiguë peu
périphérique de cause                 des triglycérides plasma-       après l’obtention rapide
inconnue chez qui a été               tiques d’autre part. Cette      d’un équilibre glycé-
réalisée une hyperglycé-              relation était particuliè-      mique satisfaisant, en
mie provoquée par voie                rement marquée dans le          règle liée à l’initiation
orale, 26 présentaient                cas de NDD, suggérant           d’une insulinothérapie :
une ATG (36 %) et 15 un               que certains composants         c’est la « névrite insu-
diabète (21 %) : la neu-              du syndrome métabo-             linique » [23,24,36-41]
ropathie s’accompagnait               lique pourraient avoir un       dont la pathogénie reste
de douleurs chez 77 %                 rôle, non seulement dans        discutée, peut-être liée
des patients avec ATG                 le développement de             à l’ouverture de shunts
et chez 93 % des diabé-               la neuropathie [34,35],         artério-veineux et la pro-
tiques. La sévérité de la             mais également dans             lifération de nouveaux
neuropathie, jugée sur les            celui des douleurs neu-         vaisseaux [42], rendant
paramètres de conduc-                 ropathiques. Cependant,         l’endonèvre ischémique
tion nerveuse et la den-              les anomalies de la to-         par effet de vol. À l’in-
sité des fibres nerveuses             lérance au glucose et le        verse, un tableau cli-
intra-épidermiques, était             syndrome métabolique            nique très voisin a été
moins marquée en cas                  étant fréquemment as-           décrit, mais ici asso-
d’ATG que de diabète                  sociés, il est difficile de     cié à un très mauvais
sucré et touchait avant               faire la part des choses        équilibre glycémique
tout les fibres de petit              entre facteurs confon-          et s’accompagnant
calibre. Une atteinte neu-            dants et lien de cause à        d’une perte de poids
rovégétative, qui traduit             effet.                          rapide [43] et parfois,
comme la douleur une                  Enfin, le rôle d’une pré-       chez les jeunes filles,
atteinte préférentielle des           disposition génétique et/       de troubles du compor-
petites fibres, peut être             ou de facteurs environ-         tement alimentaire [44].
aussi présente en cas                 nementaux est suggéré           Aucune étude épidémio-
d’ATG [33].                           par Galer et al. devant le      logique n’est disponible

Médecine et Maladies Métaboliques - Septembre 2011 - Hors-série n°4
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    Recommandations et référentiels

    sur ces formes dou-                   myélinisées (C) condui-                 En dépit de nombreux
    loureuses aiguës de la                sant la sensibilité à la                travaux il n’a pas été
    neuropathie diabétique                chaleur et à la douleur                 possible d’attribuer la
    qui sont réputées être                (tableau I). Ces petites                survenue des douleurs à
    rares [1,24,45,46].                   fibres ne sont pas ex-                  un type particulier de lé-
                                          plorées par l’EMG. Les                  sion [49]. Les études ré-
    Physiopathologie                      fibres neurovégétatives                 centes des terminaisons
    L a p o l y n e u ro p a t h i e      (sympathiques et para-                  nerveuses intra-épider-
    diabétique comporte                   sympathiques) font par-                 miques (moyens d’ana-
    toujours une atteinte                 tie des petites fibres A                lyse des petites fibres)
    des petites fibres. Ce                delta.                                  ont montré qu’une im-
    sont les fibres les plus              Les grosses fibres myéli-               portante perte de ces
    nombreuses et celles                  nisées qui conduisent la                terminaisons n’était as-
    atteintes le plus préco-              sensibilité au tact (testée             sociée à des douleurs
    cement [47, 48]. On dis-              par le monofilament) et la              neuropathiques que
    tingue les petites fibres             proprioception (testée par              chez les patients qui
    myélinisées (A delta) qui             le diapason) (tableau I),               n’avaient que peu ou
    conduisent la sensibilité             sont atteintes plus tardi-              pas de signes objectifs
    au froid et à la piqûre,              vement. L’EMG n’explore                 de neuropathie, ce qui
    et les petites fibres non             que ces grosses fibres.                 montre que la perte des

    Tableau I : Résumé des informations correspondant aux sensibilités à explorer
    dans le cadre d’une polyneuropathie, modifié d’après Hansson P, Backonja M,
    Bouhassira D. Usefulness and limitations of quantitative sensory testing: clinical
    and research application in neuropathic pain states. Pain 2007;129:256-9.

     Stimulus                          Type de fibres           Examen clinique                 EMG
    Thermique
    Froid                              Aδ
    Chaud                              C                       Tube chaud et tube froid        Normal
    Chaud douloureux                   C, A δ
    Froid douloureux                   C, A δ
    Mécanique
    Tact                               Aβ                      Monofilament 10 g               Anormal
    Vibration                          Aβ                      Diapason                        Anormal
    Frottement                         Aβ                      Coton                           Anormal
    Piqûre                             A δ, C                  Aiguille                        Normal
    Pression                           A δ, C                  Doigt                           Normal

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Prise en charge de la polyneuropathie diabétique douloureuse       7

terminaisons nerveuses                conditions pathologiques        roxystiques de douleurs
ne suffit pas à induire les           ont fait l’objet de nom-        (brûlures) des extrémités
douleurs, et que diffé-               breuses études au cours         des membres inférieurs
rents mécanismes peu-                 de ces dernières années.        associées à d’impor-
vent être en cause selon              Un ensemble de données          tants troubles vaso-mo-
le stade de la neuropa-               suggèrent qu’ils dépen-         teurs ainsi que dans le
thie [50]. Les enregis-               draient notamment d’une         syndrome de douleur
trements microneurono-                dysrégulation de la syn-        extrême paroxystique et
graphiques permettant                 thèse et de la fonction de      dans l’insensibilité congé-
d’analyser les proprié-               certains canaux ioniques        nitale à la douleur [53].
tés des fibres C amyé-                (notamment les canaux
liniques ont révélé chez              sodiques) exprimés de
                                                                      Démarche
des diabétiques avec                  façon préférentielle au         diagnostique
neuropathie une sen-                  niveau des nocicepteurs         La polyneuropathie
sibilisation de certains              et qui règlent leur exci-       diabétique, le pied
nocicepteurs C, une di-               tabilité membranaire [52].      à risque, la douleur
minution de la propor-                Une susceptibilité généti-      neuropathique :
tion des fibres sensibles             quement déterminée aux          savoir faire
aux stimuli nociceptifs               stimuli douloureux peut         la différence
mécaniques par rapport                ainsi être envisagée ; en
                                                                      La polyneuropathie
aux fibres insensibles,               effet des mutations du          chronique sensitivo-
et la présence de fibres              gène codant pour un             motrice (PCSM)
anormales, probable-                  sous-type de canal so-          et le pied à risque
ment dégénérées. Tout                 dique (le canal NaV 1.7),
ceci reflète une modifi-              présent à forte concen-         La PCSM se caracté-
cation de la distribution             tration dans les ganglions      rise par sa distalité, son
des nocicepteurs C et                 rachidiens postérieurs de       caractère symétrique et
une altération de leur                la plupart des nocicep-         son expression clinique
excitabilité [51].                    teurs périphériques, ont        très faiblement sympto-
Les mécanismes cel-                   notamment été identi-           matique. Les plaintes du
lulaires et moléculaires              fiées chez des patients         patient sont généralement
susceptibles de rendre                souffrant d’érythromélal-       discrètes voire absentes.
compte de l’hyperexcita-              gie, dont la symptoma-          Pour la diagnostiquer
bilité (sensibilisation) des          tologie est dominée par         précocement on peut
nocicepteurs dans les                 la survenue de crises pa-       utiliser le Neuropen [13],

Médecine et Maladies Métaboliques - Septembre 2011 - Hors-série n°4
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    Recommandations et référentiels

    petit stylo muni à une de       deux outils diagnostiques            des membres supérieurs
    ses extrémités d’un mo-         (diapason, monofilament),            ou autre étiologie pos-
    nofilament de 10 g pour         très régulièrement utilisés          sible).
    tester la sensibilité tactile   en diabétologie et recom-
    (grosses fibres) et d’une       mandés dans la pratique              La neuropathie doulou-
    pointe mousse à l’autre         courante, ne doivent donc            reuse diabétique (NDD)
    extrémité pour tester la        pas être confondus dans              Les fibres concernées
    sensibilité à la piqûre         leur signification : ce ne           par la NDD sont les pe-
    (petites fibres) (tableau I).   sont pas des outils de               tites fibres [55, 56]. Le
    Cet instrument permet           diagnostic de polyneuro-             diagnostic repose sur
    de détecter une neu-            pathie (celle-ci atteint plus        l’interrogatoire et l’exa-
    ropathie sensitive avec         précocement les fibres               men clinique (tableau I).
    une très bonne fiabilité. Il    conduisant la sensibilité            La sémiologie de la dou-
    existe aussi des échelles       thermo-algique), ni de               leur neuropathique est
    de diagnostic validées,         neuropathie douloureuse,             riche et s’oppose à celle
    tel le MNSI (Michigan           mais des outils de dé-               de la douleur nocicep-
    Neuropathy Screening            pistage du pied à risque.            tive [14].
    Instrument) qui à travers       Un test au monofilament              L’interrogatoire doit être
    des données d’interroga-        normal n’est donc pas un             très précis :
    toire et d’examen établit       argument contre le dia-              r ces douleurs survien-
    un score de probabilité         gnostic de polyneuropa-              nent plutôt au repos,
    diagnostique [24, 54].          thie chronique sensitivo-            sont intensifiées la nuit
    La PCSM atteint plus            motrice.                             et parfois soulagées par
    tardivement les grosses         L’ é l e c t ro m y o g r a m m e    la marche pieds nus ;
    fibres que les petites.         n’est pas indiqué pour               r la douleur peut être
    C’est à ce stade tardif         le diagnostic positif de             continue ou paroxys-
    qu’elle est dépistable par      PCSM : il peut être nor-             tique, survenir de façon
    le diapason gradué de           mal en cas d’atteinte li-            spontanée et/ou être dé-
    128 Hz et le monofilament       mitée aux petites fibres.            clenchée par des stimu-
    (tableau I). C’est cette at-    Il n’est indiqué qu’en               lations diverses ;
    teinte des grosses fibres       cas d’atypie majeure                 r il peut s’agir d’allodynie
    qui expose les patients         venant faire douter de               provoquées par exemple
    au risque podologique           l’origine diabétique de              par le frottement, le
    (risque de développer           la neuropathie (atteinte             contact (exemple le frot-
    une plaie chronique). Ces       asymétrique, atteinte                tement des draps du lit)

                                       Médecine et Maladies Métaboliques - Septembre 2011 - Hors-série n°4
Prise en charge de la polyneuropathie diabétique douloureuse            9

ou par un stimulus ther-              une atteinte des petites          être strictement normaux.
mique non douloureux                  fibres :                          L’EMG n’a pas lieu d’être
ou d’hyperalgésie (an-                r diminution de la per-          demandé face à ce type
nexe 1) ;                             ception de la piqure et/ou        de tableau.
r pour décrire ses dou-              du chaud/froid ;                  De nombreux question-
leurs le patient va utiliser          r allodynie au tact ou au        naires aidant à l’identifi-
le plus fréquemment les               frottement ;                      cation de la nature neu-
termes de brûlure, dé-                r une lésion des fibres A        ropathique de la douleur
charge électrique, froid              delta peut entrainer une          ont été publiés [57]. Le
douloureux ;                          neuropathie autonome              questionnaire DN4 (dou-
r le patient peut décrire            associée aux douleurs             leur neuropathique en
également des sensations              de neuropathie périphé-           4 questions, annexe 2) ap-
étranges, bizarres, non               rique.                            paraît particulièrement in-
ressenties comme dou-                 Plus tardivement et in-           téressant car rapide, facile
loureuses (dysesthésies,              constamment, on peut              à utiliser et validé [14] : un
paresthésies) : fourmille-            retrouver une atteinte des        score ≥ 4/10 a une sen-
ment, engourdissement,                grosses fibres (anomalie          sibilité de 83 % et une
picotement, démangeai-                de la perception du mo-           spécificité de 90 % pour
son. Tous ces symptômes               nofilament de 10 g et de          identifier la douleur neuro-
peuvent coexister de fa-              la vibration du diapason).        pathique.
çon variable.                         Mais ces deux tests ainsi         Une fois le diagnostic de
L’examen clinique doit                que l’EMG qui ne dépiste          neuropathie douloureuse
rechercher des signes                 que des anomalies des             posé, avant d’entre-
évoquant typiquement                  grosses fibres, peuvent           prendre un traitement, on

Annexe 1 : Glossaire des douleurs neuropathiques. D’après l’International Association
for the Study of Pain Task Force on Taxonomy, http://www.iasp-pain.org.

  Allodynie : Sensation douloureuse provoquée par un stimulus normalement non douloureux.
  Selon la nature du stimulus, on distingue l’allodynie thermique au froid ou au chaud), l’allodynie
  mécanique (au tact ou à la pression légère),…
  Dysesthésie : Sensation anormalement désagréable, qu’elle soit spontanée ou provoquée.
  Hyperalgésie : Exagération de la sensation douloureuse en réponse à un stimulus nociceptif.
  Hyperesthésie : Sensation exagérée à une stimulation somesthésique (mécanique, thermique,
  douloureuse), à l’exception des stimulations sensorielles spécifiques. Ce terme englobe l’allodynie
  et l’hyperalgésie.
  Paresthésie : Sensation anormale désagréable, spontanée ou provoquée, douloureuse ou non.
  Les dysesthésies font partie des paresthésies.

Médecine et Maladies Métaboliques - Septembre 2011 - Hors-série n°4
10

     Recommandations et référentiels

     doit mesurer l’intensité      les jambes » et évoquer              et soulagée par la posi-
     de la douleur (cotation       alors l’éventualité d’une            tion jambe pendante.
     sur 10) sur une échelle       douleur d’origine arté-
                                                                        Autres causes
     visuelle analogique ou        rielle [62,63]. Si un dop-
                                                                        de douleur
     numérique, afin d’évaluer     pler est demandé, il doit            neuropathique
     l’efficacité du traitement.   être correctement inter-
                                   prété : la douleur d’origine         Les atteintes mono névri-
     Diagnostic
                                   artérielle survient unique-          tiques, les syndromes ca-
     différentiel
                                   ment en cas de sténoses              nalaires, dont un exemple
     Toute douleur chez un pa-     artérielles à plus de                caractéristique est le né-
     tient diabétique n’est pas    70 %. De simples lésions             vrome de Morton, et le
     obligatoirement liée à une    pariétales (surcharge,               canal lombaire étroit sont
     neuropathie et, inverse-      mediacalcose…) ne don-               trois des pathologies où
     ment, toute neuropathie       nent pas de douleur, et              une douleur neuropa-
     n’est pas obligatoirement     peuvent être associées               thique peut dominer le
     douloureuse. Les études       à une authentique NDD.               tableau clinique. Chacun
     chez un grand nombre          Le diagnostic de douleur             de ces tableaux a sa spé-
     de patients (de plus          neuropathique doit donc              cificité clinique.
     de 300 à 600) [14,56,58-      être un diagnostic positif,          Le tableau clinique du
     61] quant aux diagnostics     et surtout pas d’élimina-            névrome de Morton est
     différentiels possibles de    tion [64].                           celui de douleurs plan-
     la douleur, démontrent        La douleur artérielle                taires initialement pro-
     que la seule démarche         survient typiquement à               voquées par la station
     clinique conduit au dia-      la marche, au bout d’un              debout et la marche, pré-
     gnostic dans la majorité      certain périmètre, et se             dominant en regard des
     des cas.                      manifeste par une im-                3 e et 4 e métatarsiens,
                                   pression de compres-                 souvent décrites comme
     L’artériopathie
                                   sion douloureuse du                  neuropathiques (brûlures,
     oblitérante
     des membres inférieurs        mollet. Elle cède après              décharges électriques).
                                   quelques minutes de re-              Le diagnostic repose sur
     L’erreur la plus fréquente    pos. La douleur de dé-               l’histoire clinique, l’exa-
     consiste à ne pas in-         cubitus qui traduit une              men de la zone doulou-
     terroger suffisamment         artériopathie oblitérante            reuse qui peut montrer
     le patient, à se conten-      sévère des membres in-               une allodynie mécanique
     ter de « douleurs dans        férieurs est lancinante              à la pression en regard

                                      Médecine et Maladies Métaboliques - Septembre 2011 - Hors-série n°4
Prise en charge de la polyneuropathie diabétique douloureuse    11

Annexe 2 :
QUESTIONNAIRE DN4 : un outil simple pour rechercher les douleurs neuropathiques
Pour estimer le probabilité d’une douleur neuropathique, le patient doit répondre
à chaque item des 4 questions ci-dessous par « oui » ou « non ».

 QUESTION 1 : la douleur présente-t-elle une ou plusieurs des caractéristiques suivantes ?

                                                           Oui                    Non

 1. Brûlure                                                 F                      F

 2. Sensation de froid douloureux                           F                      F

 3. Décharges électriques                                   F                      F

 QUESTION 2 : la douleur est-elle associée dans la même région
 à un ou plusieurs des symptômes suivants ?

                                                           Oui                    Non

 4. Fourmillements                                          F                      F

 5. Picotements                                             F                      F

 6. Engourdissements                                        F                      F

 7. Démengeaisons                                           F                      F

  QUESTION 3 : la douleur est-elle localisée dans un territoire où l’examen met en évidence :

                                                           Oui                    Non

  8. Hypoesthésie au tact                                   F                      F

  9. Hypoesthésie à la piqûre                               F                      F

  QUESTION 4 : la douleur est-elle provoquée ou augmentée par :

                                                           Oui                    Non

  10. Le frottement                                         F                      F

   OUI = 1 point                       NON = O point                  Score du patient :   /10

Médecine et Maladies Métaboliques - Septembre 2011 - Hors-série n°4
12

     Recommandations et référentiels

     de la zone douloureuse.        paraissant au repos,                 r L’EMG ne doit pas être
     L’examen diagnostique          d’aggravation vespérale,             demandé pour confir-
     de choix est l’IRM.            accompagnées d’un be-                mer le diagnostic, mais
     Les mononévrites dou-          soin impérieux de bou-               strictement réservé aux
     loureuses sont unilaté-        ger les jambes et très               formes atypiques.
     rales et localisées à un       souvent de mouvements                r L’intensité de la dou-
     territoire bien spécifique ;   paroxystiques involon-               leur doit être cotée sur
     l’exemple en est la crural-    taires des membres infé-             10 au moyen d’une
     gie (fréquente chez le pa-     rieurs, améliorée par les            échelle visuelle analo-
     tient diabétique). Ces mo-     mouvements volontaires               gique ou numérique.
     nonévrites sont souvent        et la marche [66].
     associées à une polyneu-       r La présence de co-
                                                                         Traitement
     ropathie asymptomatique.       morbidités associées,                Traitement
     Le canal lombaire étroit       locale, loco-régionale ou            pharmacologique
     se caractérise par une         systémique doit amener               L’idée que les médica-
     douleur généralement de        à la vigilance diagnos-              ments de la neuropathie
     topographie radiculaire        tique [64] : recherche               douloureuse ont une ef-
     lombo-sacrée, survenant        d’une insuffisance vei-              ficacité indépendante
     uniquement à la marche         neuse, vérification de               de l’étiologie de la neu-
     et aggravée par elle, pour     la liberté articulaire des           ropathie fait actuelle-
     un périmètre réduit [65],      hanches et des genoux,               ment consensus parmi
     avec parfois notion de         palpation musculaire…                les experts. Cependant
     discopathie. L’EMG, s’il       r Le diagnostic de neu-             la plupart des études
     est demandé, confirmera        ropathie douloureuse re-             ont été menées dans la
     l’atteinte radiculaire avec    pose sur l’interrogatoire            neuropathie diabétique
     préservation des poten-        et l’examen clinique, à la           ou post-zostérienne. De
     tiels d’action sensitifs.      recherche de signes évo-             nombreuses classes mé-
                                    quant avant tout une at-             dicamenteuses sont dis-
     Autres diagnostics
                                    teinte des petites fibres.           ponibles, mais malheu-
     différentiels
                                    r Une aide diagnostique             reusement il existe encore
     r Le syndrome des jam-        simple est apportée par              assez peu d’études com-
     bes sans repos : pares-        le questionnaire DN4.                paratives de larges ef-
     thésies et dysesthésies        r C’est un diagnostic               fectifs. Enfin, quelques
     profondes des deux             positif clinique, et non un          médicaments largement
     membres inférieurs, ap-        diagnostic d’élimination.            utilisés en France comme

                                       Médecine et Maladies Métaboliques - Septembre 2011 - Hors-série n°4
Prise en charge de la polyneuropathie diabétique douloureuse       13

le clonazépam (Rivotril®)             ou NNT). Un tableau syn-        pendant de leur action
ont un niveau de preuve               thétisant ces résultats,        anti-dépressive et se-
quasi nul (définition des             adapté d’une publication        rait lié à l’inhibition de
niveaux de preuve en an-              de Ziegler et al. [38], est     la recapture pré-synap-
nexe 3).                              présenté dans le ta-            tique de la sérotonine et/
                                      bleau II.                       ou de la nor-adrénaline
Les produits
                                                                      et une action antago-
Une manière pratique de               Les antalgiques                 niste sur les récepteurs
présenter le rapport bé-              de niveau 1 (paracéta-          N-méthyl- D -Aspartate
néfice/risque des diffé-              mol, salicylés et AINS)         (NMDA). L’efficacité des
rents produits est de rap-            Ils sont reconnus [67,68]       antidépresseurs tricy-
porter, d’après les études            comme faiblement ef-            cliques et notamment les
disponibles, le nombre de             ficaces ou inefficaces          dérivés imipraminiques
patients à traiter pour ob-           pour soulager la douleur        comme l’amitriptyline
tenir chez l’un d’entre eux           neuropathique.                  (Laroxyl®), l’imipramine
un effet indésirable grave                                            (Tofranil®) ou la clomipra-
(Number Needed for                    Les antidépresseurs             mine (Anafranil®), a été
Major Harm ou NNMH)                   Les antidépresseurs             montrée dans plusieurs
et le nombre de patients              tricycliques                    études randomisées et
à traiter pour obtenir un             Ils sont largement utili-       contrôlées (niveau A) [69-
effet cliniquement signifi-           sés depuis longtemps            78], même s’il s’agit pour
catif chez l’un d’entre eux           en pratique. Leur effet         la plupart d’études de
(Number Needed to Treat               sur la douleur est indé-        courte durée et sur de

Annexe 3 : Définition du niveau de preuve des études d’efficacité
des traitements pharmacologiques.

 La classification choisie ici est celle proposée par l’ADA :
  - Niveau A : basée sur des études randomisées contrôlées de forte puissance dont les résultats
  sont généralisables, dont les études multicentriques et les méta-analyses incluant l’analyse
  de la qualité des essais ;
  - Niveau B : basée sur des études de cohortes bien conduites dont les études prospectives,
  les registres et les méta-analyses d’études de cohortes ;
  - Niveau C : basée sur des études peu ou pas contrôlées, dont les études randomisées
  avec un ou plusieurs défauts méthodologiques, des études observationnelles
  avec de forts risques de biais, des cas témoins, des séries de cas ;
  - Niveau D : consensus d’experts ou expérience clinique lorsqu’il n’existe pas encore d’études
  ou lorsque celles-ci ne peuvent être faites ou en cas de données contradictoires.

Médecine et Maladies Métaboliques - Septembre 2011 - Hors-série n°4
14

     Recommandations et référentiels

     Tableau II : Efficacité et effets secondaires des principaux traitements
     pharmacologiques de la neuropathie douloureuse.
     D’après Ziegler D. Painful diabetic neuropathy. Diabetes Care 2009;32(Suppl 2): S414-9.

      Classe                        DCI                            NNMH                           NNT

     ADT                           Amitriptyline                  15                             2,1
                                   Desipramine                    24                             2,2/3,2
                                   Imipramine                                                    1,3/2,4/3,0
                                   Clomipramine                   8,7                            2,1
     ISRSNA                        Duloxétine                     18 (60 mg/J)                   5,3 (60 mg/J)
                                                                  9 (120 mg/J)                   4,9 (120 mg/J)
                                   Venlafaxine                    21 (75-225 mg/J)               6,9 (75-225 mg/J)
                                                                  17 (150-225 mg/J)              4,6 (150-225 mg/J)
     α2δ Ligands                   Prégabaline                    23 (300 mg/J)                  6,0 (300 mg/J)
                                                                  11 (600 mg/J)                  4,0 (600 mg/J)
                                   Gabapentine                                                   3,8/4,0
     Opioides                      Oxycodone                                                     2,6
                                   Tramadol                       7,8                            3,1/4,3

     DCI : Dénomination commune internationale ; NNMH (Number Needed for Major Harm) : Nombre de patients à traiter
     pour la survenue d’un effet secondaire grave chez l’un d’eux ; NNT (Number Needed to Treat) : Nombre de patients
     à traiter pout obtenir un effet cliniquement significatif chez l’un d’eux ; ADT : Antidépresseurs tricycliques ; ISRSNA :
     Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine te de la nor-adrénaline ; α2δ Ligands : ligands de la sous-unité
     α2δ du canal calcique voltage-dépendant.

     petits effectifs. L’efficacité            Les effets indésirables                    rables notamment effets
     des différentes molécules                 sont dose-dépendants                       anticholinergique et pon-
     semble comparable (an-                    et limitent l’utilisation                  déral sont plus marqués
     nexe 4 et [79]).                          de ces produits : effets                   avec l’amitriptyline [80].
     Pour limiter les effets in-               sédatifs, anticholiner-                    Les contre-indications
     désirables, le traitement                 giques (sécheresse de                      principales sont le glau-
     doit être débuté à faible                 la bouche, constipation,                   come, l’adénome de
     dose le soir (10 mg/j de                  trouble de l’accommoda-                    prostate, l’infarctus ré-
     clomipramine par ex)                      tion, sueurs, tachycardie,                 cent ou les antécédents
     et augmenté progressi-                    trouble de la miction),                    de troubles du rythme
     vement (par ex pour la                    adrénolytiques (hypo-                      cardiaque.
     clomipramine 10 mg par                    tension orthostatique,                     L’amitriptyline et l’imipra-
     palier de 7 jours, jusqu’à                impuissance) et prise de                   mine ont une AMM dans
     150 mg/j).                                poids. Ces effets indési-                  l’indication « douleurs re-

                                                   Médecine et Maladies Métaboliques - Septembre 2011 - Hors-série n°4
Prise en charge de la polyneuropathie diabétique douloureuse                 15

Annexe 4 : Traitement médicamenteux de la NDD : algorithme décisionnel

                                    Douleur neuropathique
                                       mesurée sur 10

                                           Monothérapie

 Anti-épileptiques
                                                                                 Anti-dépresseurs tricycliques
       a2δ-L                OU                IRSNA                     OU        (amitriptyline, imipramine,
  (gabapentine,                             (dulotéxine)
                                                                                        clomipramine)
   prégabaline)

                                      Évaluation à la dose
                                       maximale tolérée

  Efficacité partielle (> 30 %)
                                                           Efficacité insuffisante (< 30 %)
      mais douleur > 3/10

             Bithérapie                                       Changer de monothérapie

                                 Efficacité partielle (> 30 %)
                                     mais douleur > 3/10

                                        Opioïde/tramadol

   α2δ-L : Ligand de la sous-unité α2δ du canal calcique
   IRSNA : Inhibiteur de la Recapture de la Sérotonine et de la Nor-Adrénaline

Médecine et Maladies Métaboliques - Septembre 2011 - Hors-série n°4
16

     Recommandations et référentiels

     belles » ; la clomipramine    cité mais s’accompagne               contrôlé. La duloxétine
     dans les douleurs neuro-      d’une plus grande fré-               peut entraîner une aug-
     pathiques.                    quence d’effets indési-              mentation de la pression
     Les inhibiteurs mixtes        rables [81,82].                      artérielle. Elle ne doit
     de recapture                  Conditionnée sous gé-                pas être associée à la
     de la sérotonine              lules à 30 et 60 mg, la du-          prise de médicaments
     et de la noradrénaline
     (IRSNA)                       loxétine a l’AMM pour les            inhibant puissamment
                                   douleurs neuropathiques              le CYP1A2 [fluvoxamine
     Ces molécules ont été         périphériques chez le dia-           (Floxyfral ®), ciprofloxa-
     développées en raison du      bétique. La titration (en            cine (Ciflox®), énoxacine
     rôle de la sérotonine et de   commençant par 30 mg/j               (Enoxor®)].
     la noradrénaline dans les     pendant 7 jours) peut di-            La venlafaxine (Effexor®)
     mécanismes endogènes          minuer les effets indési-            a prouvé son efficacité
     inhibiteurs de la douleur     rables qui sont pour les             dans la NDD comme
     au travers de la voie de      plus fréquents une som-              la    duloxétine       (ni-
     contrôle descendante in-      nolence, des nausées,                veau A) [86, 87], mais
     hibitrice dans le système     des vertiges, une consti-            il n’a pas l’AMM dans
     nerveux central.              pation, une sécheresse               cette indication. Le trai-
     La duloxétine (Cymbalta®)     de la bouche, une baisse             tement doit être com-
     a prouvé son efficacité       d’appétit. Une proportion            mencé à 37,5 mg/j et
     sur la douleur liée à une     de 20 % des patients                 augmenté de 75 mg/se-
     polyneuropathie diabé-        dans les études arrêtent             maine. La dose efficace
     tique dans des études         le traitement du fait d’ef-          va de 150 à 225 mg/j. La
     de bonne qualité (niveau      fets indésirables [85]. Des          forme à libération pro-
     A) [81-83]. Une amélio-       hépatites graves ont été             longée permet une prise
     ration significative du       exceptionnellement rap-              unique quotidienne. Les
     sommeil et de la qualité      portées sous duloxétine              effets secondaires sont
     de vie a aussi été retrou-    et l’insuffisance hépa-              les mêmes que ceux de
     vée dans les études. La       tique est une contre-indi-           la duloxétine, mais on
     dose de 60 mg permet          cation à son utilisation de          note en plus des modi-
     d’obtenir l’effet maxi-       même que l’insuffisance              fications ECG chez 5 %
     mum (tableau II) [84] ; le    rénale sévère (clairance             des patients et, à forte
     passage à une posolo-         de la créatinine inférieure          dose, on peut observer
     gie supérieure n’entraîne     à 30 ml/min) et le glau-             une augmentation de la
     pas de surcroit d’effica-     come à angle fermé non               pression artérielle.

                                      Médecine et Maladies Métaboliques - Septembre 2011 - Hors-série n°4
Prise en charge de la polyneuropathie diabétique douloureuse        17

Les inhibiteurs
de la recapture
                                      rale avec le GABA (acide        transport saturable. Ceci
de la sérotonine (IRS)                γ-amino-butyrique), la ga-      explique la nécessité
                                      bapentine n’agit pas di-        d’utiliser de fortes poso-
Deux études randomi-                  rectement sur le système        logies et de fractionner
sées mais sans puis-                  gabaergique mais son            les prises dans la jour-
sance et avec une mé-                 effet antalgique est prin-      née [95]. Récemment, un
thodologie relativement               cipalement lié à sa fixa-       essai en double aveugle,
faible (niveau B) ont mon-            tion sur une sous-unité         randomisé et contrôlé a
tré une efficacité de faible          (α2δ) d’un canal calcique       montré l’efficacité et l’in-
intensité de la paroxetine            voltage-dépendant du            térêt d’une forme à libé-
(Deroxat®) [88] et du cita-           système nerveux central,        ration prolongée permet-
lopram (Seropram®) [89],              inhibant ainsi la trans-        tant une seule prise par
efficacité inférieure aux             mission médiée par le           jour [96]. La gabapentine
tricycliques dans une                 glutamate et stimulant la       n’est pas métabolisée
étude [88]. Une étude                 transmission gabaergique        par le foie et n’interfère
montre l’absence d’ef-                inhibitrice.                    pas avec les médica-
ficacité de la fluoxétine             La gabapentine a prouvé         ments concomitants,
(Prozac®) [73]. Une revue             son efficacité sur la dou-      expliquant l’absence
systématique de la litté-             leur neuropathique dans         d’interactions médica-
rature conclue à un effet             des études randomisées          menteuses. Cependant
minime et cliniquement                et contrôlées de bonne          son élimination unique-
insuffisant des IRS dans              qualité méthodologique          ment rénale sous forme
les douleurs neuropa-                 (niveau A) [90-94] (ta-         inchangée nécessite une
thiques [79].                         bleau II). Un impact si-        adaptation des doses
Les effets secondaires                gnificatif a été retrouvé       chez l’insuffisant ré-
les plus fréquents sont               sur la qualité de vie et        nal [95].
les vertiges, la somno-               les troubles du sommeil.        Il est conseillé pour aug-
lence, les céphalées, les             Sur le plan pharmacolo-         menter la tolérance de
nausées.                              gique, la concentration         débuter le traitement par
                                      plasmatique de la gaba-         une dose de 300 mg/j
Les antiépileptiques                  pentine n’est pas propor-       en 3 prises et d’aug-
La gabapentine                        tionnelle à la dose admi-       menter par paliers de
(Neurontin®)                          nistrée, en raison d’une        7 jours (la dose efficace
Malgré sa dénomination                absorption digestive            va de 1200 à 3600 mg/j
et sa parenté structu-                par un mécanisme de             en 3 prises). L’arrêt de

Médecine et Maladies Métaboliques - Septembre 2011 - Hors-série n°4
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     Recommandations et référentiels

     la gabapentine doit être     La prégabaline est peu               des douleurs neuropa-
     progressif.                  métabolisée par le foie,             thiques périphériques et
     Les effets indésirables      ne présente pas d’inter-             centrales.
     consistent en somno-         férence avec les autres              La carbamazepine
     lence, asthénie, vertige,    médicaments et est éli-              (Tegretol®)
     troubles gastro-intesti-     minée par le rein essen-             La carbamazépine est le
     naux, sécheresse de la       tiellement sous forme                traitement de référence
     bouche, céphalées. Une       inchangée.       Aucune              de la névralgie essen-
     prise de poids et des        adaptation posologique               tielle du trijumeau. Des
     œdèmes périphériques         n’est donc nécessaire en             études anciennes de
     peuvent être observés.       cas d’insuffisance hépa-             faible niveau de preuve
                                  tique mais la posologie              (C) ont suggéré son effi-
     La prégabaline (Lyrica®)     doit être adaptée à la               cacité dans la NDD [103,
     De commercialisation         clairance de la créatinine.          104]. Elle a une AMM
     plus récente, son mé-        Il est recommandé de                 dans le traitement des
     canisme d’action sur la      commencer à 150 mg/j                 douleurs neuropathiques
     douleur est similaire à      en 2 prises puis d’aug-              de l’adulte.
     celui de la gabapentine.     menter tous les 3 à                  Les doses thérapeu-
     La prégabaline a prouvé      7 jours de 150 mg. Les               tiques se situent entre
     son efficacité dans des      doses efficaces vont                 600 et 1 600 mg/j. Le
     études randomisées et        de 300 à 600 mg/j en                 schéma thérapeutique
     contrôlées de bonne          2 prises. L’augmentation             habituel consiste en une
     qualité méthodologique       progressive des doses                dose initiale de 200 mg/j,
     (niveau A) [97-101]. Le      diminue le risque d’effets           suivie d’une augmenta-
     nombre de patients à trai-   secondaires. L’arrêt doit            tion de 200 mg tous les
     ter pour obtenir une amé-    être progressif.                     3 jours jusqu’à obtention
     lioration d’au moins 50 %    Les effets indésirables              d’un effet thérapeutique.
     de la douleur chez l’un      consistent en somno-                 La carbamazépine a de
     d’eux est de 6 à la poso-    lence, asthénie, vertige,            nombreux effets secon-
     logie de 300 mg/j et de      troubles gastro-intesti-             daires centraux dose-
     4 pour 600 mg/j [102] (ta-   naux, sécheresse de la               dépendants, idiosyn-
     bleau II). Les troubles du   bouche, céphalées, oe-               crasiques (hé patites,
     sommeil et les troubles      dèmes et prise de poids.             éruptions cutanées, trou-
     anxieux sont significati-    La prégabaline a une                 bles hématologiques,
     vement diminués.             AMM dans l’indication                hyponatrémie) et est

                                     Médecine et Maladies Métaboliques - Septembre 2011 - Hors-série n°4
Prise en charge de la polyneuropathie diabétique douloureuse       19

responsable de troubles               induire des effets indé-        Son utilisation habituelle
cognitifs au long cours.              sirables potentiellement        consiste à l’administrer
Cette molécule est pres-              graves qui limitent leur        sous forme de gouttes le
que entièrement méta-                 utilisation. Le topiramate      soir (on peut commencer
bolisée par le foie (cyto-            (Epitomax®) n’a pas fait la     à 5 gouttes) et à aug-
chrome P450 3A4), sous                preuve de son efficacité        menter progressivement
forme d’un métabolite                 dans la NDD [67].               la dose, la posologie ef-
actif et est un puissant              Aucun de ces anti-épi-          ficace étant très variable
inducteur enzymatique                 leptiques n’a d’AMM             d’un sujet à l’autre.
responsable de nom-                   dans la NDD.                    Son effet indésirable le
breuses interactions                                                  plus fréquent est la som-
médicamenteuses. Son                  Le clonazépam                   nolence diurne. Le clo-
utilisation nécessite une             (Rivotril®)                     nazepam appartenant à
surveillance biologique               Le clonazépam repré-            la classe thérapeutique
pendant au moins un an                sente un des antiépilep-        des benzodiazépines,
(NFS, transaminases, na-              tiques les plus prescrits       son utilisation prolongée
trémie à réaliser au cours            dans les douleurs neu-          et à de fortes doses peut
du 1er mois puis tous les             ropathiques en France.          induire une tolérance
2 à 3 mois).                          Son efficacité sur les          avec un risque de dé-
                                      douleurs paroxystiques          pendance physique et
Autres anti-épileptiques              a été suggérée de lon-          psychique pouvant en-
Malgré un niveau de                   gue date par une étude          traîner, à l’arrêt, un syn-
preuve d’efficacité signifi-          de niveau de preuve             drome de sevrage.
catif (niveau A) la lamotri-          C [109], mais il n’a fait
gine (Lamictal®) [105,106],           l’objet d’aucune étude          Les opioïdes
et     l’oxcarbazepine                contrôlée dans la neu-          L’oxycodone (Oxycon-
(Trileptal®) ont une effi-            ropathie douloureuse.           tin®, Oxynorm®) à libéra-
cacité d’intensité mo-                L’efficacité, observée          tion prolongée a prouvé
deste [107]. L’efficacité             uniquement en pratique,         son efficacité dans la
du valproate de sodium                pourrait tenir à ses pro-       NDD (niveau A) [110-112]
(Depakine ®) [108] est                priétés hypnotiques et          ainsi que dans les dou-
discutée (niveau B) avec              anxiolytiques.                  leurs post-zostériennes.
une étude positive et une             Ce médicament n’a pas           Les opioïdes doivent
étude négative. En outre,             d’AMM pour les douleurs         être utilisés en dernière
ces molécules peuvent                 neuropathiques.                 intention. Les effets

Médecine et Maladies Métaboliques - Septembre 2011 - Hors-série n°4
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