La Fondation Suisse de Cardiologie soutient la recherche scientifique - Fondation Suisse de Cardiologie

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La Fondation Suisse de Cardiologie soutient la recherche scientifique - Fondation Suisse de Cardiologie
Fondation Suisse
                                                               de Cardiologie
                                                      Active contre les maladies cardiaques et l’attaque cérébrale

La Fondation Suisse de Cardiologie soutient
la recherche scientifique

Regard sur la recherche cardio-vasculaire en Suisse

                                                                                            swissheart.ch
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02   Sommaire                               Fondation Suisse de Cardiologie | Promotion de la recherche 2018

                 04                  08                         16

                      20              24                       30
                 03   Éditorial
                 04   Faire avancer la recherche cardio-vasculaire
                 06   Interview: l’insuffisance cardiaque
                 08   Portrait de patient: transplantation cardiaque
                 12   Interview: la fibrillation auriculaire
                 15   En point de mire: la démence vasculaire
                 16   Portrait de patiente: attaque cérébrale
                 20   Interview: les cardiopathies congénitales
                 24   Portrait de patient: cardiopathie congénitale
                 28   Interview: les femmes et l’infarctus du myocarde
                 30   La recherche cardio-vasculaire de demain
                 32   Permettre la recherche
La Fondation Suisse de Cardiologie soutient la recherche scientifique - Fondation Suisse de Cardiologie
Promotion de la recherche 2018 | Fondation Suisse de Cardiologie                                                          Éditorial   03

La recherche           cardio-
              vasculaire en Suisse:
      une histoire à succès
La recherche fait continuellement avancer                                             Au cours des cinquante années passées, la
l’humanité: depuis la Renaissance, de                                                    Fondation Suisse de Cardiologie a énormé-
grands esprits ont énormément étendu                                                      ment contribué au succès de la recherche
nos connaissances. Grâce à leurs travaux,                                                  cardio-vasculaire dans notre pays. Des
nous comprenons aujourd’hui non seule-                                                      médecins et chercheurs suisses ont
ment le système solaire et bien d’autres                                                    fait considérablement avancer le trai-
phénomènes naturels, mais aussi les                                                        tement de ces maladies. En font partie
causes et les mécanismes de nombreuses                                                     des travaux pionniers comme ceux de
maladies.                                                                                 Max Holzmann pour l’ECG et Åke ­Senning
                                                                                        pour la chirurgie cardiaque, mais aussi des
À cet égard, les maladies cardiaques ­revêtent                                       découvertes plus récentes comme le dévelop-
une importance particulière. Il est vrai qu’en ­dépit                            pement par Andreas Grüntzig de l’angioplastie
des progrès accomplis, les Suissesses et les Suisses meurent             ­coronarienne percutanée et l’introduction du stent par
encore majoritairement de maladies cardio-­vasculaires. De          Ulrich Sigwart. Aujourd’hui encore, des chercheurs de toutes
même, les hospitalisations dues à ces maladies sont encore          les ­régions de notre pays contribuent à poursuivre cette
fréquentes et onéreuses. Cependant, au cours des 50 der-            ­histoire à succès.
nières années, la médecine cardiaque a accompli des progrès
incomparables. Lorsque le président Dwight D. Eisenhower            Chaque année, la Fondation Suisse de Cardiologie soutient
fut ­victime d’un infarctus du myocarde en 1955, un patient         des chercheurs jeunes et établis par une somme de plus de
sur deux en mourait. Avec l’emploi de la défibrillation en cas      2 millions de francs, permettant un encouragement durable
de fibrillation ventriculaire et la mise en place d’unités coro-    de la recherche dans ce domaine en Suisse. La Commission
naires pour surveiller et soigner les patients, la découverte       Recherche, composée d’experts éminents, assure l’encourage-
des propriétés anticoagulantes de l’aspirine, l’introduction        ment des requêtes les plus prometteuses et donc l’utilisation
de la thrombolyse pour dissoudre les caillots et, au cours des      optimale des fonds.
20 dernières années, l’utilisation d’interventions corona-
riennes percutanées en phase aiguë avec cathéter à ballon-          La présente brochure offre un aperçu de ce qui a été ­atteint
net et stents, la mortalité à l’hôpital des patients victimes       et présente en détail quatre projets de recherche: un sur le
d’un infarctus est passée de 50 % à moins de 10 %. Ce succès        vieillissement cardiaque chez la femme, un sur l’insuffisance
impressionnant a été rendu possible par une co­opération            ­cardiaque, un sur les troubles du rythme cardiaque et un
productive entre les médecins et les scientifiques des univer-       sur la chirurgie cardiaque. Je vous souhaite bonne lecture et
sités et des hautes écoles et montre comment la recherche            ­j’espère que notre brochure sur la promotion de la recherche
bénéficie directement aux patients victimes de maladies               vous convaincra que votre don à la Fondation Suisse de
­cardio-vasculaires ou d’une attaque cérébrale (accident vas-         ­Cardiologie est en bonnes mains.
 culaire cérébral, AVC).
                                                                    Cordiales salutations
En dépit de ces succès, il faut continuer à investir dans la
­recherche en cardiologie. En raison de l’espérance de vie crois-
 sante, la Suisse compte de plus en plus de personnes atteintes
 de maladies cardio-vasculaires.
                                                                    Prof. Thomas F. Lüscher
                                                                    Président de la Commission Recherche
La Fondation Suisse de Cardiologie soutient la recherche scientifique - Fondation Suisse de Cardiologie
04   Recherche cardio-vasculaire en Suisse                                 Fondation Suisse de Cardiologie | Promotion de la recherche 2018

     Continuer à renforcer la recherche
     cardio-vasculaire en Suisse
     Besoin de nouvelles solutions                                      La Suisse joue un rôle de pionnier
     En dépit d’une très bonne prise en charge médicale, les            La Suisse a apporté des contributions décisives à la recherche
     ­maladies cardio-vasculaires sont encore aujourd’hui la pre-       cardio-vasculaire à l’échelon international. Mentionnons par
      mière cause de décès, de consultations médicales et d’hospi-      exemple Åke Senning, qui implanta le premier stimulateur
      talisations. Certes, les possibilités de traitement ont fait de   cardiaque, Paul Lichtlen, qui réalisa en Suisse la première
      grands progrès, mais il est rare de pouvoir guérir les patients   coronarographie, Andreas Grüntzig, qui réussit la première
      complètement. Leur qualité de vie reste diminuée pour le          dilatation par ballonnet d’une artère coronaire, ou encore
      restant de leur vie. Ils ont souvent besoin d’une longue          Ulrich Sigwart qui accomplit un travail de pionnier dans
      phase de réadaptation qui, dans bien des cas, ne sera jamais      la mise en place de stents dans les artères coronaires. Ces
      achevée. Pour pouvoir à l’avenir mieux aider les personnes        ­progrès ont été rendus possibles par des investissements
      touchées, nous avons donc besoin que la recherche fournisse        publics et privés. La recherche suisse continue à occuper
      de nouvelles solutions. Il s’agit d’une part de mieux soigner      une place importante en comparaison internationale,
      les maladies, d’autre part de trouver moyen de réduire ou          contribuant ainsi à trouver des solutions aux défis de notre
      soigner les séquelles et d’offrir aux patients une meilleure       époque.
      qualité de vie pour le temps qui leur reste.
                                                                        Fondation Suisse de Cardiologie: indépendance
                                                                        de l’encouragement
     Une tâche essentielle de la Fondation Suisse                       La Fondation Suisse de Cardiologie a une place importante
     de Cardiologie                                                     dans l’encouragement de la recherche cardio-vasculaire.
     L’encouragement de la recherche fait partie des                    En 2017, elle a soutenu 33 projets par une somme totale
     tâches essentielles de la Fondation Suisse de Cardio-              de 2,4 millions de francs. Pour comparaison, dans le même
     logie. Elle soutient financièrement des projets de                 temps, le Fonds national suisse a soutenu dans ce domaine
     recherche menés en Suisse. Ils peuvent porter aussi                neuf projets par un montant de 3,6 millions de francs en
     bien sur les maladies cardiaques que vasculaires                   tout. La Fondation Suisse de Cardiologie concentre ses
     ou sur les troubles de la circulation sanguine du                  ­activités de promotion de la recherche sur des projets inédits
     cerveau (attaque cérébrale).                                        et prometteurs, permettant d’aboutir à des progrès notables
                                                                         dans le traitement, le diagnostic et la prévention des mala-
     Toutes les requêtes déposées correctement sont                      dies cardio-vasculaires.
     soumises à un processus d’évaluation rigoureux.
     Seuls des projets de haute qualité scientifique,
     renfermant un bénéfice potentiel pour les
     ­patient-­e-s, sont soutenus.

                                                                                             33 projets
                       PROJETS DE RECHERCHE SOUTENUS
                                                                                             2,4 mio CHF

           804 projets
                       DEPUIS LA CRÉATION EN 1967                                             PROJETS DE RECHERCHE
                                                                                              SOUTENUS EN 2017

                    50 mio CHF                                                                      Maladies cardio-vasculaires
                                                                                                    en Suisse
                                                                                                    Promotion de la recherche par la Fonda-
                                                                                                    tion Suisse de Cardiologie en 2017
La Fondation Suisse de Cardiologie soutient la recherche scientifique - Fondation Suisse de Cardiologie
10 mia                    CHF
                                                                           CAUSE DE DÉCÈS LA PLUS

         27%
                                                                           FRÉQUENTE
                                                                           Avant le cancer (26,3%) et les
                                      COÛTS DE SANTÉ DUS AUX
                                                                           maladies psychiques (8,1%)
                                      MALADIES CARDIO-VASCULAIRES

                                                                         31,9%
                                      Ce sont les maladies cardio-­
 L’HYPERTENSION ARTÉRIELLE            vasculaires qui ont la plus
                                      ­grande part aux coûts de santé
 SE RÉPAND
      Entre-temps, l’hypertension
      artérielle touche plus d’un
      quart de la population

                                                                                    10%
               4,5            ans
                                                                                        HOSPITALISATIONS
                                                                                   Environ 10% des hospitalisa­
 ANNÉES DE VIE SUPPLÉMENTAIRES                                                     tions sont dues à des maladies
                                                                                   cardio-vasculaires
     Si personne ne mourait
     de maladies cardio-­
     vasculaires

                                                                                    AUTRES MALADIES
                                                                                    CARDIO-VASCULAIRES
                                                                                 5 projets soutenus

                                                                                CHF     295 000
  CHF   296 000
INSUFFISANCE CARDIAQUE
    5 projets soutenus

                                                                                 TROUBLES DU RYTHME
                                                                                 CARDIAQUE
                                                                             5 projets soutenus

                                                                                         446 350
               760 120
                                                                                 CHF
        CHF
                    ATHÉROSCLÉROSE
                    10 projets soutenus
                                                       ATTAQUE CÉRÉBRALE
                                                    8 projets soutenus

                                                      CHF     591 643
La Fondation Suisse de Cardiologie soutient la recherche scientifique - Fondation Suisse de Cardiologie
06   Insuffisance cardiaque                                              Fondation Suisse de Cardiologie | Promotion de la recherche 2018

     Comprendre comment améliorer le traitement
     des insuffisants cardiaques
     De plus en plus de personnes souffrent                           En dépit de sa fréquence, cette maladie n’est pas très
                                                                      connue du grand public. Cette impression est-elle exacte?
     d’insuffisance cardiaque. Les possibilités
                                                                      Grâce à de bonnes campagnes ces dernières années, la
     de traitement sont connues, mais toutes                          plupart des gens ont entendu parler de l’infarctus du
                                                                      ­
     les personnes touchées ne reçoivent pas un                       myocarde et en connaissent les symptômes. Dans le cas de
                                                                      ­l’insuffisance cardiaque, c’est hélas différent. Ni les patients,
     traitement optimal, loin de là, ce qui a des                      ni les médecins ne la connaissent encore suffisamment bien.
     conséquences graves sur leur qualité et leur                      Les symptômes sont souvent imputés à l’âge alors qu’il
     espérance de vie. Un projet de recherche                          s’agit d’une insuffisance cardiaque que l’on pourrait soigner
                                                                       et soulager.
     veut révéler les lacunes.
                                                                      Quelles sont les conséquences si elle n’est pas ou
     Quand on dit «cœur affaibli», cela peut ne pas                   insuffisamment soignée?
     sembler dramatique. Mais c’est une maladie grave.                Au final, la personne meurt plus vite et le processus de décès
     Quand parle-t-on d’insuffisance cardiaque?                       est difficile. En général, c’est d’abord le périmètre d’activité
      Pr Roger Hullin: L’insuffisance cardiaque est une maladie       physique qui diminue, les jambes enflent, plus tard, la dé-
     systémique qui se manifeste lorsque la fonction ou la capa-      tresse respiratoire se fait sentir même au repos. Des hospi-
     cité de pompage du cœur est limitée. On rencontre diffé-         talisations fréquentes sont nécessaires, ce qui représente un
     rentes formes: il se peut que la fonction de pompe du cœur       poids pour les personnes touchées et leurs proches.
     diminue, par exemple suite à un infarctus du myocarde. Mais
     il y a aussi des patients dont le cœur fonctionne normale-       Un bon traitement permet de conserver la qualité de vie.
     ment et qui ont tout de même des symptômes d’insuffisance        Comment procède-t-on?
     cardiaque. La fonction de pompe est là, mais le cœur ne se       Forts de 40 ans de recherche, nous savons quels médica-
     remplit pas suffisamment. Nous savons aujourd’hui qu’il y a      ments sont efficaces et causent relativement peu d’effets se-
     aussi des patients qui sont entre ces deux groupes.              condaires. Nous administrons souvent deux, trois ou quatre
                                                                      médicaments pour obtenir une stabilisation, voire une amé-
     Quels sont les symptômes?                                        lioration. Le traitement doit en général être pris à vie, les
     Au moindre effort physique, les insuffisants cardiaques res-     patientes et patients doivent donc consulter régulièrement
     sentent une fatigue musculaire et sont à bout de souffle.        leur médecin pour contrôle.
     Si l’insuffisance cardiaque est plus prononcée, l’organisme
     fait de la rétention d’eau, de sorte que les pieds ou les che-   En tant que médecin, quelles difficultés
     villes enflent, la personne a du mal à enfiler ses chaussures.   rencontrez-vous dans le traitement?
     Certains patients ont de la rétention d’eau dans l’abdomen,      Les médicaments ont parfois des effets secondaires désa-
     mais c’est plus rare.                                            gréables pour les patients. Ces effets sont parfois voulus:
                                                                      si le patient a une hypertension artérielle depuis des an-
     Combien y a-t-il de personnes touchées?                          nées, on veut la faire baisser pour soulager le cœur, mais
     Malheureusement, l’insuffisance cardiaque est répandue.          cela peut être difficile à supporter. Il ressent une fatigue,
     Au moins 2 % de la population sont concernés, des données        des vertiges, une baisse de la libido. Dans un cas de ce type,
     récentes indiquent même plutôt 4 %. Ceci est dû au fait que,     le patient doit avoir une certaine ténacité, il faut qu’il at-
     particulièrement dans les pays occidentaux, le nombre de         tende de s’être habitué au traitement pour voir ses capa-
     personnes âgées augmente. Avant 65 ans, la maladie est           cités physiques revenir. Mais c’est vrai, de nombreux effets
     plutôt rare, mais avec l’âge, en particulier l’insuffisance      secondaires sont de vrais effets secondaires et doivent être
     ­cardiaque avec fonction de pompe normale se multiplie:          supportés pour obtenir une amélioration. Ce n’est pas facile,
      au-delà de 80 ans, une personne sur cinq est concernée.         ni pour le patient concerné, ni pour son médecin.
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Promotion de la recherche 2018 | Fondation Suisse de Cardiologie                                                    Insuffisance cardiaque    07

L’amélioration de la santé peut aussi
entraver le traitement.
Lorsque le patient se sent mieux, il veut en général réduire
les médicaments puisqu’il va mieux. Mais nous savons qu’il
faut continuer à les prendre pour que les capacités du cœur
continuent à s’améliorer ou tout au moins se maintiennent.

Votre projet de recherche actuel vise
 à améliorer le traitement des
 ­insuffisants cardiaques. Vous créez             Initiative SWISS-Heart Failure (SWISS-HFI)
  un registre. De quoi s’agit-il?                 Le projet de recherche «Swiss Heart Failure Initiative» a été
Le registre est une liste qui regroupe            soutenu par la Fondation Suisse de Cardiologie par un mon-
tous les patients atteints d’insuffisance         tant de 75 000 francs. Environ 80 médecins de premier recours
cardiaque qui acceptent d’y être ins-             sont recrutés. Ils saisissent pour le registre les données de leurs
crits. Si nous saisissons des milliers de         patients atteints d’insuffisance cardiaque. Le relevé doit être
patientes et patients, nous pourrons              répété régulièrement de manière à documenter les progrès
établir des profils complets à partir des         ainsi que les modifications du profil clinique des patient-e-s.
données recueillies. Cela nous permet-
tra d’observer leur évolution au cours
du traitement. Un registre de ce type
requiert beaucoup de temps et d’argent. Nous avons donc               À quelles mesures pensez-vous?
besoins de financements externes venant d’organisations               Nous sommes à la recherche de possibilités d’améliorer
comme la Fondation Suisse de Cardiologie.                             le traitement. Par exemple en proposant des formations
                                                                      ­continues aux médecins traitants au sujet du traitement
Quelles informations attendez-vous concrètement                        médicamenteux. Ensuite, nous voulons améliorer les
                                                                       ­
du registre?                                                           connaissances dans la population pour que les personnes
Nous savons beaucoup de choses sur les patients que nous               touchées reçoivent un traitement en temps utile. Il s’agit
soignons dans les grands hôpitaux, mais peu sur ceux qui               d’un objectif à long terme qui aura certainement besoin
sont suivis par leur médecin de famille ou un cardiologue en           d’autres campagnes. Mais nous pourrons ainsi un jour mieux
cabinet. Quels sont les symptômes dont ils souffrent? Quels            maîtriser cette maladie grave et très répandue.
sont les symptômes qui ont incité le médecin à entamer un
traitement? De quelle forme d’insuffisance cardiaque ces
­patients sont-ils atteints? Ont-ils des troubles dépressifs et
 ont-ils besoin d’une aide pour mieux respecter le traitement?
 Les médicaments qu’ils prennent suffisent-ils? Autant
 de questions auxquelles nous ne pouvons pas répondre                                                   Roger Hullin, Pr  Dr  méd., est
 avec les données dont nous disposons a   ­ ctuellement.                                                 professeur associé et chef des
                                                                                                          secteurs Insuffisance cardiaque
 Et tant que nous n’avons pas ces ­données, nous ne
                                                                                                           sévère, Assistance ventriculaire,
 pouvons pas non plus prendre de mesures adé-                                                              Greffe cardiaque à l’Hôpital
 quates.                                                                                                   universitaire de Lausanne
                                                                                                             CHUV
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Promotion de la recherche 2018 | Fondation Suisse de Cardiologie                                            Transplantation cardiaque   09

             «Maintenant, c’est
                                      mon cœur!»
                   Fritz Sager est en parfaite santé lorsque, du jour au len-
                   demain, il tombe gravement malade. Tout à coup, son
                   cœur ne pompe pratiquement plus. Les perspectives sont
                   sombres. Mais deux ans plus tard, pour son départ à la
                   retraite, il reçoit le plus beau des cadeaux: la greffe d’un
                   cœur en bonne santé qui bat maintenant dans sa poitrine.

                   L’appel de l’Hôpital de l’Île arrive un mardi matin très tôt. Au téléphone, le médecin
                   ­annonce: «Monsieur Sager, nous avons un cœur pour vous, quand pouvez-vous être ici?»
                    Pas le temps de prendre le petit-déjeuner: Sonja Sager prend le volant et conduit immé-
                    diatement son mari à Berne. À l’hôpital, de nouvelles prises de sang sont effectuées, on
                    prélève aussi à Fritz Sager des échantillons tissulaires. Il est presque midi, Sonja et Fritz
                    sont surexcités. Mais la grande promesse est à nouveau remise
                    en question: les médecins expliquent qu’ils doivent déterminer             «Pas question de baisser
                    si un patient en situation d’urgence à Lausanne pourrait recevoir          les bras. Je ne vais pas
                    cette transplantation. La situation est insupportable. Depuis près
                    de deux ans, ils ont attendu ce jour, l’ont espéré de toutes leurs
                                                                                               abandonner ma famille.»
                    forces. Et là, ils doivent à nouveau attendre et espérer que ce cœur
                    ne soit pas finalement pour quelqu’un d’autre.
                           Fritz Sager est assis en pyjama au bord du lit lorsque, à trois heures et demie
                     de l’après-midi, le médecin entre précipitamment dans la chambre et lui annonce:
                    ­«Monsieur Sager, ce cœur est à vous. On y va.» À nouveau, la tension est grande et les
                     sentiments contradictoires: d’un côté, une immense joie, mais de l’autre, l’appréhension
                     de la longue opération. Fritz Sager reste calme: «Je me suis dit, c’est le deuxième essai,
                     tout ira bien.» Près de huit heures plus tard, peu avant minuit, Sonja Sager reçoit le coup
                     de téléphone réconfortant: l’opération s’est très bien passée, son mari va bien, lui dit-on.
                     Quelques jours après, lorsque ses enfants lui rendent visite, il leur dit: «Vous l’entendez?
                     Il bat. Maintenant, c’est mon cœur.» Le cauchemar s’achevait enfin.

                   Pas un simple refroidissement
                   Tout avait commencé apparemment sans gravité. Fritz Sager, laborantin en chimie, avait
                   mal à la gorge et toussait beaucoup. Il se sentait très affaibli. Le médecin de famille
                   supposa une bronchite ou une pneumonie. Mais les médicaments ne firent aucun effet,
                   il allait de plus en plus mal. La nuit, il ne pouvait pas dormir car il avait la sensation
                   d’étouffer. Finalement, comme il n’en pouvait plus, sa femme le conduisit un matin à
                   trois heures aux urgences de l’hôpital de Thoune. On s’y aperçut vite qu’il ne s’agissait
                   pas d’un refroidissement. Après l’échocardiographie, la médecin-cheffe vint le voir et
                   son visage en disait long sur ce qu’elle avait constaté. Sonja Sager pâlit. La puissance
                   cardiaque de Fritz Sager n’était plus que de 10 %.
                         «Pas question de baisser les bras. Je ne vais pas abandonner Sonja et mes deux
                   ­enfants», se dit-il. Jusque-là, il était en parfaite santé et se réjouissait de prendre bientôt
                    sa retraite. Aujourd’hui âgé de 67 ans, il vit dans une commune rurale des environs de
                    Thoune, adore son grand jardin et est forgeron passionné. Depuis des années, il ­fabrique
                    des couteaux, des poignards, et même des épées. Il fait des expériences avec les métaux.
                    Sa spécialité est un procédé ancien qui consiste à mettre en couches et souder diffé- 
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10   Transplantation cardiaque                                                Fondation Suisse de Cardiologie | Promotion de la recherche 2018

                         rentes sortes d’acier. Ces couches sont forgées, pliées, à nouveau forgées, un peu comme
                            une pâte feuilletée. À la fin, l’acier obtenu, appelé acier de Damas, se compose de plus
                            de cent couches qui lui confèrent ses dessins caractéristiques. L’histoire, la technique,
                            l’expérimentation et la fabrication lui plaisaient tant, tout ceci n’allait-il plus être pos-
                            sible? Tous les bons moments à l’atelier, avec son épouse, avec ses enfants, tout ceci
                            était-il terminé?

                            Un cœur entièrement détruit
                            De Thoune, Fritz Sager fut transféré au service de cardiologie de l’Hôpital de l’Île à Berne.
                            Pendant trois semaines, on passa tout son corps au crible. Une myocardite, c’est-à-dire
                            une inflammation du muscle cardiaque, avait attaqué son cœur presque entièrement.
                            Les médecins lui donnèrent des médicaments et le renvoyèrent chez lui. Ils voyaient
                            une chance que son cœur se rétablisse. Mais chez lui, il ne pouvait presque plus rien
                            faire, il restait tout le temps allongé. Impossible de monter les escaliers, il dormait au
                            rez-de-chaussée. Rien ne s’arrangeait. Au bout d’un mois, il retourna à l’Hôpital de l’Île
                            pour trois semaines. Peu avant Noël, les médecins se réunirent au pied de son lit pour lui
                            annoncer une nouvelle épouvantable: son cœur était entièrement détruit, il lui en fallait
                            un nouveau. En attendant la transplantation, ils pouvaient lui implanter un dispositif
                            d’assistance circulatoire. Ils lui montrèrent l’appareil de la taille d’un œuf de poule et il
                            dit oui tout de suite.
                                 Le 26 décembre, on lui posa deux pompes cardiaques, une pour chaque ventricule.
                            L’opération dura plus de huit heures. Les pompes implantées dans le cœur bourdon-
                            naient en permanence, il fallut que le couple s’y habitue. Au cours des 22 mois suivants, il
                            porte un contrôleur et des batteries dans deux sacs à la ceinture. Deux câbles traversent
                            son ventre, Sonja Sager désinfecte tous les jours les points d’entrée pour éviter toute
                            infection. Pendant cette période, Fritz Sager perd 14 kilos, on voit qu’il est malade. Les
                            personnes qui le connaissent prennent peur lorsqu’elles le croisent dans un magasin,
                            certaines se détournent même car elles ne supportent pas de le voir ainsi. Un an plus
                            tard, Noël approche à nouveau, il reçoit le premier appel de l’Hôpital de l’Île. Une lueur
                            d’espoir qui s’évanouit très vite car l’organe ne convient pas. Il devra attendre encore
                            neuf mois avant que le deuxième appel arrive et que la transplantation ait lieu.

                            Presque comme avant
                            Cela fait déjà trois ans que le cœur greffé, son nouveau cœur, bat dans sa poitrine. Fritz
                            Sager a de la chance, il n’a pratiquement pas eu de réactions de rejet. Il ne sait pas de qui
                            vient le don et n’a pas le droit de le savoir. Vu l’état de ce cœur, il pense qu’il appartenait
                            à un homme de son âge. Cette personne lui a offert la possibilité de poursuivre sa vie
                            avec Sonja et elle en ressent une profonde gratitude.
                                  «Je me sens presque comme avant», dit Fritz Sager avec soulagement. Il a aussi
                            repris du poids. «Tu n’es pas tout à fait comme avant», proteste Sonja, son épouse, «ton
                            pouls est beaucoup plus rapide». Il est en pleine forme, mais aussi un peu plus sensible,
                            et elle ne s’y est pas encore tout à fait habituée, dit-elle. Mari et femme échangent un
                            regard satisfait. Après le déjeuner, Fritz Sager descend dans son atelier. On est tenté de
                            lui venir en aide quand on le voit pousser sa lourde enclume. Mais il a assez de force
                            pour le faire. Il se fabrique actuellement un nouveau four, explique-t-il, car l’ancien est
                            trop petit. Il sort ensuite fièrement ses couteaux de leur vitrine. Lorsqu’il explique, on
                            sent sa passion. Il sait qu’il aime raconter. Et si les choses restent comme elles sont, si sa
                            santé se maintient telle qu’elle est actuellement, il pourra continuer à le faire pendant
                            les 15 prochaines années, voire plus longtemps.
12   Fibrillation auriculaire                                          Fondation Suisse de Cardiologie | Promotion de la recherche 2018

     Comprendre comment les troubles du rythme
     ­cardiaque portent atteinte à notre cerveau
     On sait depuis assez longtemps que la fibril-                  que l’atrium ne peut plus se contracter, il est pris de fré-

     lation auriculaire peut déclencher une                         missement, c’est ce que l’on appelle la fibrillation. En plus,
                                                                    des stimuli électriques incontrôlés activent le nœud atrio-­
     attaque cérébrale. Mais il reste de nombreuses                 ventriculaire, dont le rôle est de contrôler la transmission
     questions sans réponses: quand et comment                      des stimuli aux ­ventricules. De ce fait, les ventricules battent
                                                                    eux aussi ­irrégulièrement et en général trop vite. Ces aryth-
     des caillots dangereux se forment-ils?                         mies peuvent se produire par épisodes ou, si la maladie est
     Peuvent-ils aussi porter atteinte au cerveau                   présente depuis longtemps, durablement.
     à l’insu de la personne touchée? Les troubles
                                                                    Comment peut-on remarquer la fibrillation auriculaire, à
     du rythme cardiaque sont-ils la cause d’une                    part par des battements trop rapides ou des palpitations?
     baisse des performances du cerveau, voire                      Les patients concernés ressentent un pouls irrégulier ou
                                                                    qui s’accélère trop vite lors d’un effort physique. Il se peut
     d’une démence? Un vaste projet de recherche
                                                                    aussi qu’ils ressentent désagréablement les battements de
     dirigé par le professeur                                       leur cœur. D’autres patients se sentent moins performants
     ­Michael Kühne se penche                                         lors d’un épisode de fibrillation auriculaire ou ont du mal
                                                                         à respirer lorsqu’ils gravissent les escaliers. Mais une
      sur ces questions.                                                   ­partie non négligeable des personnes touchées, envi-
                                                                             ron 30 %, n’ont pas de symptômes et la fibrillation
                                                                              auriculaire est découverte par hasard.

                                                                                Quelles sont les conséquences de ces activités
           Michael Kühne, Pr  Dr  méd.,
                                                                              c­ ardiaques chaotiques?
       dirige la Clinique de fibrillation
                 auriculaire de l’Hôpital
                                                                             Un danger immédiat est l’attaque cérébrale. En
                      universitaire de Bâle                                ­raison de l’irrégularité des activités de l’atrium, un
                                                                         caillot de sang peut se former, être véhiculé dans la cir-
                                                                      culation sanguine du cerveau et y causer une o   ­ bstruction
                                                                    aigüe. 20 % des attaques cérébrales sont dues à la fibrilla-
                                                                    tion auriculaire et ce sont souvent des cas particulièrement
     La fibrillation auriculaire est de plus en plus souvent        graves car les caillots sont relativement gros.
      en point de mire de la recherche en cardiologie. Quelle est   Si la fibrilla­ tion auriculaire n’est pas soignée pendant
      la fréquence de la maladie?                                   longtemps, elle endommage aussi le cœur proprement
       Pr Michael Kühne: Elle est tout en haut de la liste des      dit. Du fait de l’irrégularité de la fonction cardiaque, les
     causes envisageables lorsqu’un patient nous consulte pour      ventricules pompent de moins en moins bien et cela dé-
     des symptômes tels que battements de cœur accélérés ou         bouche avec le temps sur l’insuffisance cardiaque. Inver-
     palpitations. La fibrillation auriculaire est le trouble du    sement, une insuffisance cardiaque existante peut causer
     rythme cardiaque durable que nous rencontrons le plus          une fibrillation auriculaire.
     ­fréquemment en clinique.
                                                                    Sait-on comment ces caillots de sang se forment?
     Que se passe-t-il dans le cœur en cas de fibrillation          Après des dizaines d’années de recherche intensive, il reste
     ­auriculaire?                                                  pas mal de zones d’ombres. L’hypothèse partiellement
      Le nœud sinusal est notre métronome qui stimule réguliè-      étayée par des données est qu’une partie de l’atrium appe-
      rement le rythme cardiaque normal. Mais il peut tomber        lée auricule, dont la paroi n’est pas lisse mais couverte de
      en panne. Si le rythme cardiaque devient alors complè­        renflements, est de ce fait propice à la formation de caillots
      tement désordonné, c’est ce que l’on appelle fibrillation     lorsque l’auricule, en raison des contractions rapides et irré-
      auriculaire. L’atrium proprement dit (l’oreillette) ne bat    gulières, ne peut plus se vider correctement. Des autopsies
      plus régulièrement avec 50 à 80 battements par minute,        de patients décédés d’une attaque cérébrale ont permis de
      mais très irrégulièrement et beaucoup trop vite: 300 à 500    voir que la plupart des caillots se trouvaient dans l’auricule
      battements par minute. Une allure aussi désordonnée fait      de l’atrium. Lors d’échographies réalisées avant une inter-
Promotion de la recherche 2018 | Fondation Suisse de Cardiologie                                             Fibrillation auriculaire   13

vention chirurgicale sur le cœur, c’est aussi là qu’on ren-         prédire l’attaque cérébrale. Pour le moment, les scores ne
contre le plus de caillots. Mais cela n’explique pas encore         tiennent pas du tout compte de l’aspect durée de la fibril-
quand et à cause de quels facteurs ces caillots se forment.         lation auriculaire chez un patient.

Visiblement, les caillots ne se détachent pas seulement             La fibrillation auriculaire ne cause pas seulement des
directement pendant un épisode de fibrillation auriculaire.         attaques cérébrales, il semble que des troubles des
Exactement. C’est un aspect important pour nous, sur lequel         performances cérébrales, voire la démence y soient liées.
porte un point fort de notre recherche. Chez les patients           Que sait-on à ce sujet?
atteints de fibrillation auriculaire chez lesquels on surveille     La recherche à ce sujet est encore jeune. Des données re-
durablement les arythmies à l’aide d’un appareil d’enregis-         levées dans des études montrent que les personnes chez
trement implanté, on constate que l’attaque cérébrale ne            lesquelles une fibrillation auriculaire a été diagnostiquée
coïncide pas toujours avec un épisode de fibrillation auricu-       ont des performances cognitives inférieures à celles des
laire. Certains patients n’ont plus de fibrillation auriculaire     personnes sans fibrillation auriculaire. Attention, cela ne
depuis des mois et subissent tout de même une attaque               prouve pas un lien de cause à effet, mais un lien existe et
cérébrale. Une hypothèse est que les caillots se forment            nous voulons essayer de mieux le comprendre. C’est pour-
pendant la fibrillation auriculaire, mais peuvent en principe       quoi, dans notre étude, nous réalisons aussi divers tests chez
se détacher à tout moment. Une autre question est celle             nos patients pour évaluer leurs performances cérébrales et
de savoir si certaines attaques cérébrales chez des patients        nous utilisons l’imagerie par résonance magnétique (IRM)
atteints de fibrillation auriculaire ont au moins en partie         pour visualiser le cerveau.
d’autres causes que la fibrillation auriculaire.
                                                                    Qu’avez-vous découvert jusqu’à présent?
Le trouble du rythme cardiaque ne suffit donc pas à lui seul        Nos patients atteints de fibrillation auricu-
  à expliquer la survenue d’une attaque cérébrale?                  laire présentent à l’IRM des modifi-
Non. Les patients atteints de fibrillation auriculaire per-         cations considérables du cerveau,
sistante (durable) sont plus souvent victimes d’attaques            dont certaines sont dues à une
­cérébrales que les patients atteints de fibrillation auricu-       attaque cérébrale. Mais la plu-
 laire ­paroxystique (survenant par crises). On pourrait en         part des patients n’ont jamais
 ­déduire que les premiers ont tout simplement leur fibrilla-       eu d’accident dont ils aient eu
  tion auri­culaire pendant plus longtemps et font de ce fait       conscience et n’ont donc jamais
  plus s­ouvent une attaque cérébrale. Mais ce n’est pas si         été sous traitement médical au-
  simple. Les patients atteints de fibrillation auriculaire per-    paravant. L’hypothèse est qu’au
  sistante sont aussi plus malades, ils ont plus souvent une        moins chez certains d’entre eux,
  insuffisance cardiaque, un diabète ou une hypertension ar-        de petites attaques cérébrales se sont
  térielle. Il se pourrait donc que ces facteurs supplémentaires    produites sans qu’ils les ressentent et ont
  soient d­ écisifs pour qu’une personne subisse ou non une         laissé des traces. Ces modifications se repèrent aussi à l’aide
  attaque cérébrale. C’est ce que nous étudions dans le projet      de tests cognitifs simples. C’est ainsi que dans notre étude,
  de ­recherche Swiss AF-Burden.                                    les performances du cerveau sont nettement limitées chez un
                                                                    quart des personnes atteintes de fibrillation auriculaire. Mais
Comment peut-on évaluer le risque de formation de caillots?         à nouveau, ceci ne prouve qu’un lien et non une causalité.
Aujourd’hui, nous travaillons avec ce que l’on appelle des
scores. Nous évaluons le risque à l’aide de ce score, par           Un anticoagulant pourrait-il empêcher la baisse des
exemple si un patient a en plus de l’hypertension artérielle        ­performances cérébrales, de même qu’il prévient l’attaque
ou un diabète, et cela nous sert à décider du traitement            cérébrale?
préventif. La plupart des patients âgés reçoivent un anticoa-       Cela correspondrait à notre hypothèse et nous l’espérons
gulant pour empêcher la formation de caillots. Les patients         naturellement. Si nous réduisons le risque d’attaque céré-
plus jeunes au score peu élevé, dont le risque est donc bas,        brale à l’aide d’un traitement anticoagulant, nous devrions
peuvent éventuellement s’en passer. Mais nous n’avons pas           aussi pouvoir empêcher par là les petites attaques cérébrales
encore de conclusions définitives et on peut encore espé-           passant inaperçues, et donc aussi la dégradation des per-
rer améliorer les scores pour ce qui est de leur capacité à         formances cognitives. De premiers chiffres qui viennent de 
14      Fibrillation auriculaire                                                   Fondation Suisse de Cardiologie | Promotion de la recherche 2018

      Scandinavie le confirment. Mais ils proviennent d’un registre            duel d’hémorragie en raison des anticoagulants. En fonction
        étudiant le passé, il faut donc les interpréter avec prudence.          des résultats de nos travaux de recherche ainsi que d’autres,
                                                                                nous allons devoir remanier nos traitements.
        À part l’anticoagulation préventive, il y a aussi des
        ­possibilités de soigner directement la fibrillation                    À condition que le diagnostic soit posé à temps.
         ­auriculaire. Ce traitement réduit-il aussi le risque                  Absolument, c’est pourquoi un autre objectif important est
          d’attaque cérébrale et de démence?                                    de poser le diagnostic le plus tôt possible. À cet effet, nous
        On peut soigner le trouble du rythme cardiaque proprement               avons besoin d’un réseau. Comme mentionné précédem-
        dit à l’aide de médicaments. Ils sont souvent suffisants au             ment, nombre de patients ne ressentent pas leurs arythmies.
        début, mais n’agissent pas bien à long terme. Au bout d’un              On pourrait par exemple imaginer d’intégrer le contrôle du
        certain temps, de nombreux patients et patientes doivent                rythme cardiaque au CardioTest de la Fondation Suisse de
        se soumettre à une intervention mini-invasive au niveau du              Cardiologie.
        cœur. On introduit une petite sonde à l’aine et on la pousse
        jusqu’au cœur afin d’y cautériser les zones d’où part la fi-            Votre projet de recherche est complexe. Est-il important
        brillation auriculaire. La décision de ce traitement repose sur         pour vous de coopérer avec des chercheuses et chercheurs
        le degré de gravité des symptômes que ressent le patient                d’autres disciplines?
        et l’ampleur des limitations de ses performances physiques.             C’est extrêmement important. En tant que cardiologues,
        Nous ne savons pas encore si ce traitement prévient aussi               nous observons le cœur. Mais nous ne sommes pas spéciali-
        l’attaque cérébrale ou la dégradation des performances cé-              sés dans les maladies neurologiques ou dans l’imagerie du
        rébrales.                                                               cerveau. C’est pourquoi nous travaillons en étroite collabo-
                                                                                ration avec des radiologues et des neurologues, mais aussi
        Comment la prévention de l’attaque cérébrale chez                       avec des spécialistes des analyses de biomarqueurs et des
        les patients atteints de fibrillation auriculaire va-t-elle             analyses génétiques en laboratoire.
        s’améliorer à l’avenir?
        Le score dont nous parlions est relativement grossier. Par               Pour finir, une question personnelle: en tant que
        nos travaux de recherche, nous voulons contribuer à l’amé-               ­scientifique et médecin traitant, que souhaitez-vous
        liorer et à le rendre plus précis. À l’avenir, nous devrions              pour vos patients?
        pouvoir savoir plus précisément si quelqu’un va retirer un               L’éventail de nos patientes et patients atteints de fibrillation
        bénéfice d’un traitement préventif et quelle sera l’ampleur              auriculaire est large. En consultation, je vois des malades de
        de ce bénéfice. Mais aussi bien sûr quel est le risque indivi-           25 à 95 ans. Ce que je souhaite, c’est que nous puissions un
                                                                                                            jour proposer à chaque patiente et
                                                                                                            à chaque patient un traitement sur
                                     L’étude Swiss-AF-Burden                                                mesure. D’une part pour juguler la
                                     Dans le cadre de son 50e anniversaire, la Fondation Suisse             fibrillation auriculaire, d’autre part
                                    de Cardiologie soutient le projet Swiss-AF-Burden du pro-              pour réduire le risque d’attaque
                                    fesseur Michael Kühne par une somme de 500 000 francs.                 ­cérébrale, un accident très grave
                                    L’étude Swiss-AF-Burden, soutenue par le Fonds national                 pour la personne touchée ainsi que
                                    suisse, recherche chez des patients atteints de fibrillation            pour ses proches.
                                    auriculaire si des lésions cérébrales apparaissant suite à
                                    des infarctus ou des hémorragies, y compris silencieux,
                                    pourraient être une cause de l’accélération de la dégrada-
                                    tion des fonctions cognitives. Swiss-AF-Burden étudie en
                                    outre si une fibrillation auriculaire de longue durée en-
                                    traîne plus de lésions dans le cerveau et porte atteinte aux
                                    fonctions cérébrales et cardiaques. Dans ce cadre, 2400
                                    ­patients atteints de fibrillation auriculaire sont examinés
                                     chaque année pendant quatre ans dans 13 cliniques
                                     suisses.
Promotion de la recherche 2018 | Fondation Suisse de Cardiologie                                                         Démence   15

       En point de mire:
       la démence vasculaire
       La démence est un terme général qui décrit un état
       du cerveau dans lequel ses performances diminuent
       progressivement. Diverses maladies peuvent en
       être à l’origine. La plus fréquente et la mieux connue       le rapport n’est pas encore tout à fait clair, la zone du
       est la maladie d’Alzheimer. Mais depuis quelques             cerveau où se trouvent les petites lésions joue pro-
       ­années, la démence vasculaire, en deuxième position         bablement un rôle. En effet, les capacités cérébrales
        en termes de fréquence, est plus souvent en point de        sont limitées chez certains patients présentant des
        mire. Contrairement à ce qu’on pensait autrefois, on        lésions à l’imagerie, tandis qu’elles sont normales
        estime aujourd’hui que les démences sont souvent            chez d’autres. «En outre, nous ne savons pas dans le
        mixtes, avec une plus ou moins grande part vascu-           cas concret si les petites modifications des vaisseaux
        laire. En effet, les progrès de l’imagerie médicale         ont été causées par la fibrillation auriculaire ou par
        font apparaître, également dans le cas de la mala-          des lésions des petits vaisseaux», dit Marcel Arnold.
        die ­d’Alzheimer, de petits troubles circulatoires dont     En effet, aussi bien les patients atteints de fibrilla-
        on ne soupçonnait pas autrefois l’existence. «Si des        tion auriculaire que ceux atteints d’artériolosclérose
        lésions vasculaires sont déjà présentes, les patients       ont souvent les mêmes facteurs de risque, en parti-
        atteints de la maladie d’Alzheimer ont moins de             culier l’hypertension artérielle ou le diabète.
        réserves, la maladie risque de se déclarer plus tôt»,
        explique le professeur Marcel Arnold, médecin-chef          Pour la prévention et le traitement de la démence,
        suppléant et directeur du Stroke Center à l’Hôpital         il est important de connaître ces rapports: «Même
        de l’Île à Berne. On a longtemps sous-estimé l’im-          si, au moment de la pose du diagnostic de démence,
        portance de la circulation et des vaisseaux sanguins        on ne suppose qu’une petite ou pas de responsabi-
        pour l’évolution d’une démence.                             lité des vaisseaux sanguins, on luttera à l’avenir de
                                                                    manière plus stricte contre les facteurs de risque
       À la source de la démence vasculaire, on trouve              ­vasculaires», explique le professeur Arnold. Cela per-
       ­souvent l’athérosclérose et l’artériolosclérose (al-         mettra d’éviter que des modifications des vaisseaux
        tération des artères les plus fines), parfois appelée        sanguins ne favorisent la progression de la mala-
        ­«calcification des artères» dans le langage courant.        die. Mais même pour les personnes qui ne sont pas
         Mais des maladies de cœur non soignées peuvent              ­atteintes de démence, le spécialiste voit un potentiel
         aussi avoir pour effet que le cerveau est insuffisam-        considérable d’empêcher ou de retarder la maladie.
         ment irrigué. Un point fort de recherche soutenu             D’une part en prenant des anticoagulants en cas de
         par la Fondation Suisse de Cardiologie porte sur la          fibrillation auriculaire, d’autre part en soignant au
         fibrillation auriculaire (voir l’interview). En cas de       mieux les facteurs de risque comme l’hypertension
         fibrillation auriculaire, une grosse attaque céré-           artérielle, l’hyperlipidémie et le diabète. Et bien sûr,
         brale peut causer une démence. «Mais c’est plutôt            il conseille à chacun-e d’y mettre du sien en ayant
         rare», souligne le professeur Arnold, «le plus sou-          une bonne hygiène de vie. Au bout du compte, tout
         vent, ce sont plusieurs petites attaques qui causent         ce qui est bon pour le cœur est bon également pour
         des lésions diverses et entraînent finalement une            le cerveau: arrêter de fumer, avoir une alimentation
         démence.» De même, plusieurs petites attaques                équilibrée, suffisamment d’activité physique et de
         «silencieuses», passant inaperçues, peuvent contri-          sommeil et une bonne gestion du stress. «Ne nous
         buer à l’apparition d’une démence vasculaire. Mais           faisons pas d’illusions, nous n’allons pas éradiquer
                                                                      la démence», dit le professeur Arnold. «Mais si nous
                                                                      parvenons à ce qu’elle ne se déclare plus à 75 ans
                                                                      mais seulement à 90 ou 95 ans, ce sera déjà un
                                                                      grand progrès.»
Promotion de la recherche 2018 | Fondation Suisse de Cardiologie                                                  Attaque cérébrale   17

                «Un sourire
            triomphant contre
              l’attaque cérébrale»
                   Nadia Krekchi avait fini sa journée de travail. Mais au
                   lieu de rentrer chez elle, elle dut être transportée en
                   ambulance au centre cérébro-vasculaire de l’hôpital.
                   On put lui venir en aide par un traitement d’urgence
                   hautement spécialisé. Même si elle a pu reprendre
                   sa vie quotidienne rapidement, elle ne peut pas encore
                   tout faire comme avant.

                   Nadia Krekchi n’avait jamais eu de maux de tête. Mais le vendredi 9 mars 2018, elle
                   ressent une douleur au niveau du front. Elle est tellement surprise qu’elle en parle à ses
                   collègues lors du déjeuner. Mais qui va s’inquiéter de maux de tête? Surtout s’ils finissent
                   par disparaître.
                         L’après-midi, elle règle encore quelques tâches importantes avant le week-end. À
                   19 heures, elle veut se mettre en route, juste passer aux toilettes avant. Dans la pièce
                   voisine, où se trouve la machine à café, elle enfile sa veste chaude et remarque que
                   quelque chose n’est pas normal: elle a du mal à insérer le curseur de la fermeture éclair
                   et à la fermer. Elle s’assoit au bord de la table. Lorsqu’elle veut se relever, ses jambes se
                   dérobent. «Elles étaient comme du coton», raconte-t-elle. Elle ne se rappelle plus ce qui
                   s’est passé ensuite.

                   Piquer dans la mauvaise assiette
                   Trois mois plus tard, sa vie a bien changé: ce sont des centaines       «Je voulais me lever, mais
                   de petites choses qui sont aujourd’hui différentes au quotidien,
                                                                                           mes jambes se dérobaient.
                   lui semblent étrangères. «Nous sommes tout le temps en train de
                   chercher quelque chose. Nadia a toujours été très ordonnée, mais        Elles étaient comme du
                   maintenant, elle perd souvent ses affaires», explique sa compagne       coton.»
                   Doris Junker la situation à la maison. Toutes deux ont encore be-
                   soin de temps pour s’y habituer. Mais aussi à d’autres choses. Récemment, elles ont eu de
                   la visite. Mais Nadia ne faisait pas attention à une partie des amis, comme s’ils n’avaient
                   pas été là. Jusqu’à ce que Doris lui fasse changer de place pour qu’elle soit assise de
                   l’autre côté des invités. En termes médicaux, cette limitation est appelée ­négligence:
                   ­Nadia Krekchi ne perçoit pas la partie gauche de l’espace. Cela peut mener à des situa-
                    tions étranges, par exemple aux repas: «Elle se met à piquer dans ma salade et ne touche
                    pas à la sienne», raconte Doris Junker. Elles ont appris à rire de ces situations. Toutes
                    deux sont bien décidées à garder leur humour.
                         L’attaque cérébrale est arrivée comme un coup de tonnerre dans un ciel serein.
                    Nadia Krekchi, 55 ans, informaticienne de gestion, était en parfaite santé. Un collègue
                    voulait terminer sa longue journée de travail par une dernière tasse de café et la décou-
                    vrit gisant au sol. Elle parlait, mais ce qu’elle disait était incompréhensible. Il appela
                    l’ambulance. Trois heures après les premiers symptômes, elle arriva à l’Hôpital de l’Île.
                    Pendant ce temps, Doris Junker essayait en vain de joindre sa compagne sur son télé- 
18   Attaque cérébrale                                                         Fondation Suisse de Cardiologie | Promotion de la recherche 2018

                           phone portable. Finalement, le collègue de Nadia la rappela pour lui raconter ce qui était
                             arrivé. C’est très émotionnée qu’à cinq heures du matin, elle se rendit au Stroke Center,
                             le centre cérébro-vasculaire de l’hôpital.

                             Une grille métallique sauve la substance cérébrale
                             Avant de l’autoriser à passer quelques minutes avec la patiente en phase aiguë, le per-
                             sonnel soignant y prépara Doris Junker. On lui expliqua que la situation n’était pas
                             aussi dramatique qu’il lui semblerait: beaucoup de choses allaient s’arranger au cours
                             des prochaines 24 heures. Malgré tout, elle ressentit tout d’abord un choc: Nadia était
                             entièrement paralysée dans son lit, elle ne pouvait pas parler. C’est fini, pensa Doris, elle
                             ne pourra plus jamais marcher, il va falloir t’y faire. L’après-midi, elle revint voir Nadia,
                             celle-ci était beaucoup mieux réveillée et réagit avec joie. Le médecin expliqua ce qui
                             s’était passé: une attaque cérébrale ischémique. Un caillot de sang transporté dans un
                             vaisseau du cerveau avait bloqué la circulation. La carence en oxygène avait immédia-
                             tement stoppé certaines fonctions du cerveau.
                                   Ne pouvant pas dissoudre le caillot par thrombolyse, l’équipe spécialisée avait em-
                             ployé un cathéter. En passant par l’artère de l’aine, on avait poussé une petite grille
                             métallique appelée stent retriever jusqu’au vaisseau cérébral avant de la déployer pour
                             saisir le caillot de sang et le retirer ensuite à l’aide de cette grille en sens inverse. Ceci
                             avait permis de supprimer le blocage de la circulation, de sorte que le sang alimentait
                             à nouveau correctement le cerveau en oxygène et nutriments. Le traitement par stent
                             retriever est employé en Suisse depuis 2008 chez de nombreux patients victimes d’une
                             attaque cérébrale. En particulier en cas d’occlusions de gros vaisseaux représentant un
                             danger considérable, cette méthode améliore nettement le succès des traitements. ­Nadia
                             Krekchi a bénéficié de cette méthode relativement récente. Il se peut même que la ­petite
                             grille métallique lui ait sauvé la vie. Au bout de 10 jours, elle quitta l’hôpital pour la
                             réadaptation aiguë, suivie de la neuro-réadaptation à Riggisberg.

                             Nouer ses lacets avec YouTube
                             En dépit d’un traitement optimal, le retour à la vie quotidienne est difficile pour ­Nadia
                             Krekchi. Il faut réapprendre des gestes quotidiens comme s’ils étaient entièrement
                             ­nouveaux. Sa main gauche est encore en partie paralysée, elle manque d’adresse pour
                              certains mouvements. Enfiler un pullover? C’est long. Fermer le bouton d’un jeans? Dif-
                              ficile. Mettre du dentifrice bien au milieu de la brosse à dents? Délicat. Au début, elle
                              était incapable de nouer ses lacets. «Nous avons fait des exercices à l’aide de vidéos pour
                              les enfants sur YouTube », raconte Doris Junker. Ne plus savoir faire un geste quotidien,
                              maîtrisé depuis plus de 50 ans, voilà qui est inimaginable et effrayant. C’est pourquoi
                              Nadia Krekchi se rend en thérapie plusieurs fois par semaine. Elle s’y exerce à maîtriser
                              son corps comme autrefois, mais aussi à planifier les tâches de manière à savoir où il
                              faut commencer et comment arriver efficacement au but.
                                    Elle fait de grands progrès, cela la motive, elle prend confiance. Bientôt, elle aime-
                              rait reprendre sa passion, le tennis. Pour le moment, elle doit se contenter de marche
                              sportive. «C’est super, j’ai découvert un nouveau sport qui me plaît», dit-elle à sa manière
                              toujours positive. Son grand rêve est de reprendre son travail d’ingénieure en logiciels.
                              «J’adore mon travail», dit-elle, «mon prochain grand objectif est la réinsertion profes-
                              sionnelle.» Et elle affiche un sourire triomphant.
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