Formation et " fabrique " des spécialistes - Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie Séance du 15 décembre 2016
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Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie Séance du 15 décembre 2016 Formation et « fabrique » des spécialistes 1
Sommaire Formation et « fabrique » des spécialistes ............................................................................................. 1 I. Spécialistes et spécialisation : de quoi parle-t-on ? ........................................................................ 4 1. Processus de spécialisation et spécialités médicales .................................................................. 4 a. Un processus de spécialisation… ............................................................................................. 4 b. … dont la dynamique pose question ...................................................................................... 6 2. La reconnaissance de la qualité de spécialiste : un état du droit................................................ 7 a. La « qualification » de spécialiste par l’Ordre des médecins ................................................. 8 b. Le droit de la sécurité sociale : l’exercice exclusif et les spécialités reconnues ................... 11 II. La spécialisation médicale : un processus dynamique et des évolutions non anticipées ............. 13 1. Il y a en France plus de spécialistes que de généralistes .......................................................... 13 2. Une évolution observée qui diffère des projections ................................................................. 14 3. Les nouvelles projections .......................................................................................................... 15 4. Les épreuves classantes nationales ........................................................................................... 17 III. La formation des spécialistes .................................................................................................... 19 1. Dans le cadre fixé par la réforme de l’internat en 1982, un encadrement croissant de la formation des médecins spécialistes ................................................................................................ 19 a. Une structuration progressive de la formation médicale, de la refonte de l’internat en 1982 jusqu’à la reconnaissance de la médecine générale comme spécialité ........................................ 19 b. Vers une détermination de plus en plus précise des flux de formation ............................... 20 c. Une formation à la spécialité en débat ................................................................................. 22 d. La réforme en cours du troisième cycle des études médicales ............................................ 23 e. Le post–internat, une étape devenue déterminante dans la formation des spécialistes..... 24 2. La régulation des flux de formation des spécialistes et l’adéquation aux besoins ................... 26 a. En amont, les mécanismes de régulation et de choix ........................................................... 26 b. En aval, les mécanismes d’ajustement aux besoins - la question du changement de spécialités et de la réorientation professionnelle ......................................................................... 28 Annexe 1 : Liste des diplômes nationaux ...................................................................................... 31 Annexe 2 : Les référentiels de spécialités du CNOM .................................................................... 34 Annexe 3 : Métier, classification, compétence : la qualification professionnelle s’inscrit dans une histoire........................................................................................................................................... 36 Annexe 4 : Quelques éléments sur les modes d’exercice des spécialistes ................................... 39 Annexe 5 : Projection des densités de médecins par spécialités .................................................. 41 Annexe 6 - Les missions de l’ONDPS ............................................................................................. 44 2
a séance du HCAAM du 27 octobre 2016 introduisant les travaux du Haut Conseil sur la médecine spécialisée et le deuxième recours a souligné le fait que la France a la chance de L disposer d’un bon maillage du territoire par l’offre de médecine spécialisée, tout en constatant que cette offre est fragilisée par le déséquilibre démographique de certaines disciplines, le développement de la sur-spécialisation, la disparition de certaines spécialités en ville, associée à des temps d’accès qui peuvent être très longs à l’hôpital, ou encore par des problèmes d’accès financier sur certains territoires. Dans ce cadre, l’objectif général des travaux du HCAAM est de voir dans quelle mesure les configurations professionnelles produites par différentes tendances (sur le plan de l’activité, des carrières, de la territorialité, du degré de spécialisation, etc.) sont susceptibles d’être congruentes avec l’évolution des besoins de santé (globalement et dans les territoires) et des attentes des usagers, comme avec les promesses du progrès médical, d’une part, avec l’objectif de soutenabilité financière et sociale d’autre part. Une première étape de ce travail consiste à questionner la façon dont se constituent les spécialités et la spécialisation. Dans cette perspective, l’objet de la présente note est de proposer des éléments de cadrage relatifs à la question de la « fabrique des spécialistes » : elle abordera dans un premier temps les différentes dimensions de la notion de spécialiste médical et du processus de spécialisation en médecine avant de fournir des éléments quantitatifs sur la démographie des spécialistes. Elle abordera enfin plus précisément la façon dont on forme les spécialistes médicaux. Le champ de cette étude doit être précisé : s’il concerne l’ensemble des spécialités, il n’intègre pas d’analyses spécifiques, notamment sur des secteurs ou disciplines comme la chirurgie qui nécessiteraient en eux-mêmes des approfondissements. Par ailleurs, dans un souci de clarté du propos, la médecine générale, bien qu’elle soit désormais une spécialité1 au sens académique du terme (loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale), n’est pas dans le périmètre de la note. 1 Voir à ce sujet le rapport de mission à M. Xavier Bertrand, Ministre de la santé et des solidarités « Les conséquences de la réforme de janvier 2004 sur la médecine générale » réalisé par M. Pierre-Jean Lancry : « La réforme des études médicales qui a instauré l’internat et les DES pour tous les étudiants conduit à traiter de manière identique les médecins en termes de titre et de statut (tous les médecins seront des spécialistes) mais l’activité et la pratique ne sont pas les mêmes pour les deux catégories de médecins (les praticiens de médecine générale et les autres). » 3
I. Spécialistes et spécialisation : de quoi parle-t-on ? 1. Processus de spécialisation et spécialités médicales a. Un processus de spécialisation… L’histoire de la médecine française à partir du 18ème siècle et particulièrement de la Révolution2 est marquée par un double processus : - Une unification de la profession médicale caractérisée par ses différents attributs3, à la fois garants et garde fous de l’autonomie qui lui est conférée ; - Une division de la profession, caractérisée par la spécialisation croissante des savoirs, des domaines d’intervention et des formes d’exercice. Ce double processus se retrouve dans la plupart des pays développés avec des variantes et des particularités qui témoignent du caractère contingent des découpages du champ médical comme des formes d’institutionnalisation de la médecine spécialisée. Toute activité médicale spécialisée n’est pas une spécialité au sens usuel qui lui est donné aujourd’hui. La spécialisation a été historiquement et est encore aujourd’hui la délimitation d’un objet professionnel partiel d’activité dans le champ potentiel de la pratique. Il est possible de définir ce qu’est une activité médicale spécialisée en s’appuyant sur une définition proposée par le Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) : «ensemble des connaissances qui, s’appuyant sur un savoir médical général préalablement acquis, permet de justifier d’une compétence particulière dans une branche de la médecine. Le perfectionnement dans un aspect ou une technique d’une spécialité peut conduire à une sur-spécialisation. »4. Cette définition insiste sur l’un des aspects de la spécialité médicale : c’est un ensemble de connaissances et de compétences ou de techniques particulières acquis par un médecin. Cette acquisition est permanente et évolue au gré des évolutions scientifiques, il s’agit donc d’un processus qui peut être décrit comme une adaptation des connaissances et compétences des médecins aux progrès scientifiques (exemple : la génétique médicale) et technologiques (les activités de radiologie interventionnelle) ou en réponse à un besoin. L’ampleur de ces progrès, la complexité des sujets, l’investissement nécessaire pour maîtriser des techniques nouvelles impliquent une division du travail afin que ces progrès puissent être pleinement déployés au service des malades. Dans cette perspective positiviste, « la spécialisation en médecine est un processus évolutif qui accompagne le progrès des connaissances et des techniques d’investigation.»5. Vue sous cet angle, la spécialisation médicale n’est pas différente du processus de spécialisation qui peut exister dans d’autres secteurs soumis à des évolutions scientifiques ou technologiques rapides. Mais la spécialisation, notamment quand elle se développe en raison de ses succès ou parce qu’elle rencontre l’intérêt de la puissance publique, est également un processus de reconnaissance et d’institutionnalisation d’un segment de la profession médicale, voire de constitution d’une profession de santé qualifiée d’auxiliaire (par exemple les manipulateurs en électroradiologie), processus dont les facteurs ne sont pas uniquement le progrès scientifique et technique. Les différences qui peuvent exister entre les spécialités reconnues6 dans les différents pays, comme les 2 Michel Arliaud, Les médecins, éditions La découverte, 1987. 3 Qui sont le monopole d’intervention sur le corps humain, la maîtrise de la production, de la transmission de ses savoirs propres, de la formation de ses pairs ainsi que son propre code de déontologie et ses propres instances de jugements exercées par le conseil de l’ordre. 4 CNOM, la transmission du savoir en médecine, CNP 2012-2013. 5 Bulletin de l’académie nationale de médecine, 2010, séance du 19 janvier 2010, rapport « Les formations médicales spécialisées ». 6 On peut élargir ces remarques à l’éventail des différentes professions de santé reconnues : par exemple la profession d’optométriste ayant la capacité d’examiner la vue et de prescrire des lunettes existe dans plusieurs pays à la différence de la France. 4
variations dans le temps des spécialités reconnues par les pouvoirs publics en France montrent bien que le processus de spécialisation dépend de multiples facteurs. C’est ce qu’évoque le sociologue P. Pinell quand il affirme : « 1) La spécialisation est un processus de division du champ médical en sous-espaces de pratiques susceptibles au départ de revêtir des formes variées et aboutissant ou non à la constitution d’une spécialité instituée et reconnue comme légitime par les institutions dominant le champ. 2) Les facteurs qui déterminent l’émergence d’un sous-espace spécialisé ou qui interviennent sur son développement pour en modifier le cours peuvent être de tous ordres (scientifiques, techniques, économiques, politiques, etc.) et différents selon les sous-espaces. 3) Le processus de division en sous-espaces spécialisés est en partie déterminé par l’état existant des connaissances, des techniques, des institutions et de la structure des rapports de position des agents au sein du champ médical. 4) Ce processus, en introduisant de nouvelles divisions au sein du champ médical, en modifie la configuration (changeant de ce fait les conditions d’exercice de la médecine et les conditions de production du savoir médical) ; autrement dit, il tend à modifier les conditions mêmes de sa poursuite. »7 Ce processus conduit en tout état de cause à l’augmentation au cours de l’histoire du nombre de spécialités médicales reconnues par les pouvoirs publics (dans le sens où elles permettent de revendiquer un exercice spécialisé ou une compétence particulière). Ainsi, en France, la mise en place d’une régulation des spécialités en 1947 a été précédée de longs débats pour définir ce qui constituait ou non une spécialité ou une compétence spécialisée (ou ni l’une ni l’autre). A la fin de ce processus, l’Ordre national des médecins récemment créé reconnaissait sept spécialités exclusives (chirurgie, ORL, ophtalmologie, biologie, électroradiologie, gynécologie-obstétrique, stomatologie), quatre disciplines pouvant être soit des spécialités soit des compétences (pneumo-phthisiologie, dermato-vénéréologie, neurologie, psychiatrie) et 21 compétences8. Trente ans plus tard, en 1987, on dénombrait 22 spécialités à exercice exclusif9 . Aujourd’hui, l’Ordre reconnait 31 spécialités qualifiantes (DES), auxquelles il convient d’ajouter 11 spécialités complémentaires (DESC II) également qualifiantes. La réforme actuelle du troisième cycle envisage la création de 44 DES. La progression du nombre de spécialités médicales s’avère donc importante et régulière entre 1947 et 2017 en doublant tous les trente ans. Par ailleurs, sans être qualifiantes, des compétences spécialisées sont également reconnues au travers de 19 DESC de type I, ou des 15 capacités médicales qui existent. Enfin, un grand nombre de compétences, fondées sur un très grand nombre de diplômes universitaires ou interuniversitaires (DU, DIU) peuvent être affichées par les médecins. Ce phénomène de croissance du nombre de spécialités reconnues n’est pas spécifique à la France : aux Etats-Unis, l’American board of medical specialty reconnaissait 145 spécialités et sous spécialités en 201410, il en reconnait aujourd’hui 16911. 7 Champ médical et processus de spécialisation (P. Pinell, Actes de la recherche en sciences sociales 2005/1 (n° 156-157), p. 4-36.) 8 Voir G.Weisz, « Divide and conquer, a comparative history of medical specialization », Oxford university press, 2006. 9 Michel Arliaud, Les médecins, éditions La découverte, 1987 10 « A Census of Actively Licensed Physicians in the United States », 2014, Aaron Young, PhD; Humayun J. Chaudhry, DO, MS; Xiaomei Pei, PhD; Katie Halbesleben, PhD; Donald H. Polk, DO; and Michael Dugan, MBA. Journal of Medical regulation, vol 101, n° 2 11 http://www.abms.org/member-boards/specialty-subspecialty-certificates/ 5
b. … dont la dynamique pose question L’approfondissement du processus de spécialisation médicale prend largement sa source dans la pratique de la recherche en lien avec l’innovation scientifique et technique et s’opère principalement dans le cadre hospitalo-universitaire qui est également celui de la formation. Ce cadre permet et encourage les médecins à concentrer leurs pratiques sur des activités et/ou des groupes de patients présentant les mêmes pathologies afin de produire de nouvelles connaissances dans le champ d’une spécialité ou au croisement de plusieurs disciplines. Ce processus de spécialisation poussée s’étend également aux équipes, voire aux regroupements d’équipes comme dans les IHU et concerne également les établissements de soins. A l’inverse, dans l’espace de la pratique hors CHU, la spécialisation peut résulter de choix des praticiens, d’équipes et ou d’établissements, motivés par des raisons économiques qui les conduisent à pratiquer essentiellement un type d’activité et d’actes afin de se positionner en termes de qualité et d’efficience dans un environnement concurrentiel. La spécialisation médicale suscite des débats qui renvoient à la définition même de la médecine et à l’identité de la profession. Certains auteurs distinguent la surspécialisation de l’hyperspécialisation. Ainsi « Le perfectionnement dans un aspect ou une technique d’une spécialité peut conduire à une sur-spécialisation »12. La « sur-spécialité » reste du domaine de la formation, du perfectionnement et de la division du champ médical tel que reconnu par les pouvoirs publics et fait l’objet d’une reconnaissance publique. « L’hyperspécialisation, en revanche, peut être définie comme l’exercice exclusif d’une technique ou d’un aspect pointu d’une spécialité13 ». Elle est par nature difficile à évaluer et à mesurer. Elle se développe après la spécialisation, et à ce titre le « post internat » semble être un moment clef de la constitution d’hyper-spécialistes. Plutôt qu’une remise en cause de l’hyperspécialisation, c’est le caractère trop précoce dans la formation et trop exclusif qui est identifié comme risque. Ainsi, trop précocement formé à une technique ou un ensemble de techniques le médecin n’aura pas l’étendue des savoirs et des « savoir être » qui font de lui un médecin. La surspécialisation étant moins exclusive et survenant plus tardivement serait dès lors plus en adéquation avec l’identité médicale. Ces débats existent depuis longtemps et leur constance peut également être perçue comme constitutive de la profession médicale et le témoignage d’une capacité à s’adapter aux évolutions du système de santé. Dès avant-guerre, certains opposants à la reconnaissance des spécialités soulignaient le risque d’aboutir à une médecine à deux vitesses, ainsi que celui d’aboutir à une médecine fragmentée et réductrice accusée de conduire à la disparition du médecin de famille ; après guerre, dans les années 1960, le professeur Henri Péquignot qualifiait la spécialisation de « gangrène interne de la profession médicale »14. Les interrogations sur les conséquences de ce phénomène subsistent, comme en témoignent les réflexions de l’Académie de médecine qui, tout en soulignant que « la spécialisation apparaît volontiers comme un processus logique et nécessaire pour mettre en œuvre les progrès de la médecine », rappelle qu’on peut « redouter qu’un des principes intangibles de la médecine, la prise en considération du malade dans tous les aspects de sa personnalité et de son individualité, soit mise à mal15. ». Plus que la spécialisation, qui paraît constituer un processus inéluctable, nécessaire et souhaitable, ce sont plutôt les formes de reconnaissance académique, statutaire et économique et les 12 CNOM, la transmission du savoir en médecine, CNP 2012-2013. 13 CNOM, la transmission du savoir en médecine, CNP 2012-2013. 14 Voir « Divide and conquer, a comparative history of medical specialization », G. Weisz, Oxford university press, 2006. 15 Bulletin de l’académie nationale de médecine, 2010, séance du 19 janvier 2010, rapport « Les formations médicales spécialisées ». 6
hiérarchisations qu’elles installent au sein du corps médical et dont les effets impactent fortement l’organisation du système de santé qui sont en question. Le processus de spécialisation pose des questions d’organisation des soins dans la mesure où il conduit à une division accrue du travail de soin et, en corollaire, à une coopération nécessairement plus forte entre médecins impliqués tout au long du parcours de santé pour la prise en charge d’un patient nécessitant des soins de plus en plus spécialisés aussi bien en proximité qu’en établissement de soins. Meilleure coopération qui passe par une meilleure lisibilité des multiples spécialités pour les professionnels de santé (y compris au stade de la formation) comme pour les patients. 2. La reconnaissance de la qualité de spécialiste : un état du droit La définition de ce qu’est un spécialiste médical n’est stable ni dans l’espace16, chaque pays ayant sa propre liste de spécialités et ses propres procédures de reconnaissance de cet état, ni dans le temps. Ainsi, en France, jusqu’à la mise en place de dispositifs de régulation de la qualification de spécialiste en 1947, un spécialiste était simplement un médecin réputé ou se disant spécialiste. Les médecins français, du fait de leur diplôme, étaient autorisés à pratiquer l’ensemble des actes médicaux, être spécialiste était donc avant tout perçu comme un choix individuel plus que comme un droit lié à la reconnaissance d’une plus grande expertise. La régulation s’opérait par la réputation. Le système élitiste (concours, formation hospitalière) faisait que les plus susceptibles d’être spécialisés - les anciens internes des hôpitaux - n’avaient pas besoin de diplôme particulier ou de procédures de reconnaissance pour se distinguer des autres praticiens. La forte croissance du nombre de spécialistes déclarés (50% des médecins parisiens en 1935), la multiplication des spécialités revendiquées, certaines d’entre elles étant vivement critiquées pour leur manque de consistance, la démographie médicale très dynamique (+70% entre 1896 et 1935) renforçant la concurrence entre médecins et le besoin de se distinguer, les développements de l’assurance sociale, qui impliquaient de définir des tarifs de prise en charge, conduisirent les médecins à proposer un mode de reconnaissance institutionnelle de la qualité de spécialiste17. Ce système, proposé par l’Ordre des médecins et les syndicats à l’issue d’une très longue période de maturation, était fondé à sa création en 1947 sur une distinction entre des spécialistes, exerçant exclusivement leur spécialité, et des médecins disposant d’une compétence spécialisée reconnue comme telle et exerçant cette compétence en même temps que leur exercice de médecine générale. Au fondement de cette organisation résidait la volonté de concilier une reconnaissance claire d’une qualité de spécialiste, différente (sans être supérieure) de celle de généraliste et la possibilité réelle pour tout médecin de s’orienter vers une pratique spécialisée, s’il le souhaitait, à un moment de sa carrière. On retrouve aujourd’hui dans l’organisation de la reconnaissance des spécialistes l’influence de cette histoire, dans ses acteurs (Ordre des médecins, facultés de médecine, assurance maladie), dans les notions utilisées (qualification, compétence, exercice exclusif) et même dans les débats qu’elle suscite (unicité de la médecine, pléthore de spécialistes). Cette histoire s’inscrit par ailleurs dans celle des modes de reconnaissance des qualifications professionnelles : par le métier, par la classification, par la compétence (voir annexe). Cette question doit donc être éclairée sous différents angles : celui de la formation universitaire, celui de l’exercice lui-même, celui de l’Assurance maladie, en gardant en mémoire, comme le suggère la sociologue Françoise Piotet18, que « la qualification est un rapport social et (…) elle n’est habilitante pour l’individu que parce qu’il est habilité à s’en prévaloir ». La définition de ce qu’est un 16 Voir plus loin le cas des Etats-Unis 17 Source : « Divide and conquer, a comparative history of medical specialization », G. Weisz, Oxford university press, 2006. 18 « Métier, classification, statut, compétence : la qualification en débat », Education et société, 2009/1 n°23 pages 123 à 137 7
spécialiste revient donc dans une certaine mesure à déterminer qui, pourquoi et comment il peut se prévaloir de cette qualité. Si l’on suit cette voie, un spécialiste médical est un médecin reconnu comme tel par l’Ordre des médecins, soit parce qu’il dispose d’une formation jugée adéquate et sanctionnée par un diplôme, soit parce que ses pairs lui reconnaissent une compétence, soit par exception, parce que l’Etat l’autorise à exercer en tant que spécialiste. Dans cette définition, il convient de ne pas négliger le rôle spécifique de l’Assurance maladie, particulièrement important pour les spécialistes libéraux. a. La « qualification » de spécialiste par l’Ordre des médecins Il existe aujourd’hui trois voies de qualification des médecins spécialistes en France. La première, la plus ancienne, et quantitativement la plus importante, se fonde sur l’obtention d’un diplôme, la qualification en résultant directement. Le rôle de l'Université est ici premier. Le deuxième, d’une organisation récente (2004), renvoie à la compétence des professionnels, soit dans le cadre de l’obtention originelle d’une qualification, soit dans celui d’un changement de qualification. Le rôle clé est ici tenu par les commissions de qualification organisées au sein de l'Ordre. Le troisième, exceptionnel, réside dans la possibilité, pour le ministre en charge de la santé, d’accorder des autorisations individuelles d'exercice. La reconnaissance par l’Ordre sur la base d’un titre de formation de spécialité La reconnaissance de qualification est organisée par l’arrêté du 30 juin 2004, portant règlement de qualification des médecins. Sont reconnus qualifiés les médecins qui possèdent un titre délivré par une université française, ou par une autorité compétente dans un Etat membre de l’Union européenne ou dans un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen. Les titres français sont essentiellement les DES, les DESC du groupe II qualifiants19. Les titres délivrés par les Etats membres de l’UE ou de l’EEE sont définis dans la directive européenne relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles20. Cette reconnaissance européenne concerne 18 spécialités21. Dans ce mode de qualification directement lié au diplôme, numériquement majoritaire, le rôle de l’Université est central : la marge d’appréciation de l’Ordre est limitée, la qualification est « automatique » dès lors qu’elle est demandée dans les formes et que le diplôme a été régulièrement délivré. Il s’agit dans les faits d’une reconnaissance académique de ce qu’est un spécialiste. 19 Selon l’article premier de l’arrêté du 30 juin 2004, portant règlement de qualification des médecins, «sont reconnus qualifiés les médecins qui possèdent l’un des documents suivants : 1. Le diplôme d’études spécialisées ; 2. Le diplôme d’études spécialisées complémentaire, dit du groupe II qualifiant ; 3. Le document annexé au diplôme de docteur en médecine sur lequel il est fait état de la qualification en médecine générale». Le texte fait, en outre, référence aux anciennes modalités de qualification, en reconnaissant également qualifiés les médecins qui possèdent « 4. Le certificat d’études spéciales ; 5. La décision de qualification en médecine générale prononcée par le Conseil national de l’Ordre des médecins pour les médecins ayant obtenu le diplôme d’Etat de docteur en médecine avant le 1er janvier 1995 ». 20 Directive 2005/36/CE consolidée 21 Anatomie Pathologique, Anesthésie réanimation, Chirurgie générale, Chirurgie orthopédique, Chirurgie plastique, Chirurgie urologique, Gynécologie obstétrique, Médecine générale, Médecine interne, Neurochirurgie, Neurologie, Oncologie radiothérapie, Ophtalmologie, ORL, Pédiatrie, Pneumologie, Psychiatrie, Radiodiagnostic. 8
ème La formation universitaire avant la réforme du 3 cycle en cours Il convient de distinguer deux types de diplômes (leur liste est proposée en annexe). ème Tout d’abord, il existe des diplômes de 3 cycle qui ouvrent droit à une reconnaissance de qualification « automatique » dans une spécialité par l’Ordre des médecins et permettent donc l’exercice en tant que spécialiste dans le champ du diplôme concerné : a) Les Diplômes d’Etudes Spécialisées (DES) ; b) Les Diplômes d’Etudes Spécialisées Complémentaires qualifiants (DESC II), Il existe ensuite des diplômes n’ouvrant pas droit à une qualification en eux-mêmes mais pouvant y contribuer dans le cadre de la procédure de qualification dans une spécialité différente de la spécialité initiale et reconnus par l’Ordre des médecins : ème c) Les Diplômes d’Etudes Spécialisées Complémentaires non qualifiants (DESC I) : ces diplômes de 3 cycle sont reconnus par l’Ordre comme une compétence pouvant être mobilisée à l’appui de l’exercice d’une spécialité ou d’un autre exercice. d) Les « capacités de médecine » : ces capacités, règlementées par l’arrêté du 29 avril 1988, sont délivrées à l’issue d’une formation de un à deux ans et sont principalement destinées aux médecins généralistes. Peuvent être admis à s'inscrire en vue des capacités de médecine les titulaires d'un diplôme de médecin permettant l'exercice dans le pays d'obtention ou dans le pays d'origine des candidats, ainsi que les ressortissants d'un Etat membre de l’Union européenne dès lors qu'ils ont accompli et validé la totalité de leurs études médicales. L’entrée dans la formation est soumise à un examen, la formation comprend un volet théorique et un volet pratique. d) Les diplômes universitaires : à côté des diplômes nationaux cité ci-dessus, existent des diplômes universitaires : les Diplômes Universitaires (DU) et les Diplômes Inter-Universitaires (DIU). Chaque université est en effet libre de par la loi du 26 janvier 1984 sur l’enseignement supérieur, de délivrer, sous sa responsabilité, des diplômes d’universités ou inter-universitaires. Si ces diplômes permettent aux médecins d’acquérir de nouvelles compétences, la valorisation de ces dernières auprès du public et des patients est encadrée par l’Ordre des médecins. Tous les DU et DIU ne sont donc pas reconnus par l’Ordre des médecins. Ce dernier établit en effet une liste limitative des DU et DIU dont les médecins peuvent se prévaloir. Plusieurs dizaines de compétences, par natures différentes de celles reconnues dans les diplômes nationaux (les DU et 22 DIU ne peuvent porter la même dénomination que les diplômes nationaux), sont ainsi reconnues . La reconnaissance de qualification par une commission placée auprès de l’Ordre des médecins : obtenir une spécialité ou en changer grâce à la reconnaissance d’une compétence Avant la réforme de 200423, la qualification initiale obtenue à l’issue de la formation (donc sur la base du diplôme mentionnant la spécialité) était inchangée pour l’ensemble de la carrière du médecin : il n’existait pas de possibilité de faire reconnaître une évolution de qualification en cours de carrière sauf à refaire l’ensemble du cursus24. En 2004, le nouveau dispositif permet une reconnaissance de la qualification de spécialiste dans deux cas. Cette procédure permet à un médecin d’être qualifié dans une spécialité pour la première fois (une qualification originelle) alors même qu’il ne dispose pas du diplôme demandé. Le texte précise : sont reconnus qualifiés les médecins qui possèdent l’un des documents suivants (…). A défaut de la 22 Voir « Titres et mentions autorisées sur les plaques et ordonnances », Conseil National de l’Ordre des Médecins, mai 2016 23 Décret n°2004-252 du 19 mars 2004 relatif aux conditions dans lesquelles les docteurs en médecine peuvent obtenir une qualification de spécialiste et arrêté du 30 juin 2004 portant règlement de qualification des médecins. 24 Modalités et conditions d’évaluation des compétences professionnelles médicales, rapport de mission du Pr Matillon à l’attention de M. Xavier Bertrand, Ministre de la santé et des solidarités, mars 2006. Il existait bien des commissions de qualification ordinales procédant à l’examen de dossiers individuels, mais elles étaient dédiées à des cas très spécifiques : certains médecins à diplômes étrangers, médecins relevant de régimes de diplômes anciens ou en extinction. 9
possession des diplômes ci-dessus mentionnés [voir point précédent de la présente note], sont prises en considération les formations et l’expérience dont se prévaut l’intéressé.». Cette procédure permet par ailleurs à un médecin d’être qualifié dans une spécialité différente de sa spécialité d’origine : les médecins peuvent «obtenir une qualification de spécialiste différente de la qualification de généraliste ou de spécialiste qui leur a été initialement reconnue25 ». La qualification suppose l’examen de la demande de qualification par une commission de qualification placée auprès de l’Ordre. Ces commissions sont organisées par spécialité. Leurs membres sont nommés par le ministre en charge de la santé. Elles sont composées de quatre médecins qualifiés dans la discipline en question, désignés sur proposition du CNOM et des syndicats représentatifs de la discipline, d’un président (à la fois qualifié dans la discipline et PU-PH) auxquels s’ajoutent, avec voix consultative, soit un médecin inspecteur régional de la santé et un médecin- conseil de la caisse régionale d’assurance maladie (première instance, au niveau départemental), soit un représentant du ministre chargé de la santé et un représentant du ministre chargé de la sécurité sociale (appel, au niveau national). Selon les termes même du décret organisant cette procédure: « Pour obtenir cette qualification de spécialiste, le médecin doit justifier d'une formation et d'une expérience qui lui assurent des compétences équivalentes à celles qui sont requises pour l'obtention du diplôme d'études spécialisées ou du diplôme d'études spécialisées complémentaire de la spécialité sollicitée.26 ». On notera ici, qu’au contraire de la procédure de qualification fondée sur le diplôme de spécialiste, l’Ordre dispose d’une marge d’appréciation forte pour décider de la qualification du demandeur27. Le lien avec l’Université, comme le montre la composition de la commission, est plus distant. Pour aider les commissions à statuer, l’Ordre a produit des référentiels de spécialité (Cf. annexe) Le référentiel de spécialité a pour objectif de permettre aux membres des commissions de qualification ordinale d’évaluer de manière objective les compétences et les savoir-faire des médecins qui souhaitent changer de spécialité. Chaque référentiel se compose de quatre grandes parties : métier, compétences, formation et évaluation des pratiques professionnelles. Il existe aujourd’hui 20 référentiels de spécialité adoptés par l’Ordre et disponibles sur son site. Le Conseil national de l’ordre des médecins a étudié les résultats du travail des commissions de qualification28 (voir partie III). Les procédures d’autorisation ministérielle d’exercice Les procédures d’autorisation d’exercice sont une voie d’accès à la profession destinée à permettre, de manière exceptionnelle, l’exercice régulier sur le territoire national de personnes ne remplissant pas les critères définis dans les deux autres voies d’accès. Deux types de procédures existent : les procédures d’autorisation d’exercice (PAE) qui permettent à un médecin, quelle que soit sa nationalité, disposant d’un diplôme acquis hors UE ou EEE mais l’autorisant à exercer dans le pays d’obtention de ce diplôme de demander sa qualification ; le régime général européen (RGE) qui concerne les titulaires de diplômes délivrés par un Etat de l’UE ou de l’EEE, leur permettant d’exercer dans leur pays mais ne répondant pas aux conditions de reconnaissance automatique. Il s’agit d’une autorisation individuelle d’exercice. Pour la PAE, le principe est que l’autorisation d’exercer est soumise à la réussite à une épreuve d’aptitude et à une période d’exercice dans un service agréé pour la formation des internes. Pour la 25 Décret n°2004-252 du 19 mars 2004 relatif aux conditions dans lesquelles les docteurs en médecine peuvent obtenir une qualification de spécialiste 26 Idem 27 Bien évidemment, cette marge est encadrée par les procédures d’appel et régulée in fine par le juge. 28 Etude comparative des voies de qualification des spécialités médicales, CNOM, coordonné par le Pr. Nicodème, président de la section Formation et compétences médicales, 2015 10
RGE, l’autorisation peut être soumise soit à une période de stage ou de formation complémentaire, soit à une épreuve d’aptitude. Dans les deux cas, des commissions comprenant des représentants de l’Ordre des médecins, de la commission de qualification ordinale de la spécialité en question, des représentants des administrations (DGS, DGES, CNG), un représentant de la FHF et placées sous l’autorité du Ministre de la santé statuent sur les dossiers présentés29. Notons en conclusion un point à souligner dans les procédures de qualification : lorsque le médecin spécialiste est qualifié par l’Ordre (quel que soit son mode de qualification), il ne peut déclarer qu’une seule spécialité d’exercice. Par exemple, un titulaire d’un DESC de groupe II peut choisir de s’inscrire soit sous cette spécialité, soit sous celle de son DES, mais ne peut exercer les deux dans le même temps. Cette disposition est cohérente avec celles du droit de la sécurité sociale. Les modalités de reconnaissance des qualifications : l’exemple des Etats-Unis Aux Etats-Unis, il n’existe pas de système centralisé de qualification. La régulation de l’exercice médical consiste en la délivrance par les Etats d’une autorisation d’exercer la médecine, « licence » qui est générale et n’a pas d’influence sur la capacité à revendiquer ou exercer une spécialité. Il n’existe donc pas d’obligation légale aux Etats-Unis d’obtenir une autorisation ou une certification quelconque pour pouvoir se dire spécialiste ou pratiquer une spécialité, les limites entre médecine spécialisée et médecine générale sont dès lors virtuellement inexistantes et tous les médecins peuvent combiner pratique spécialisée et pratique 30 générale. La « family practice » est d’ailleurs reconnue comme une spécialité par les « boards » en 1969 , incluse aujourd’hui dans les « primary care specialties » avec la pédiatrie, la médecine interne, l’obstétrie gynécologie, la gériatrie. Ce système est régulé par le marché : les patients, les employeurs ou les assureurs (y compris le gouvernement fédéral) peuvent choisir leur médecin en fonction de leurs propres critères ou exigences (et donc par exemple exiger une certification) et le médecin en question assume in fine la responsabilité de ses actes devant les tribunaux. Ce marché est cependant « éclairé » ou rendu plus transparent par les professionnels eux-mêmes. Les différentes spécialités ont en effet mis en place des structures de certification (et de re-certification), les « specialty boards », qui permettent à leurs affiliés de garantir à leurs interlocuteurs leur compétence dans la 31 spécialité qu’ils revendiquent. Cette reconnaissance est accordée par les pairs , se fonde sur une démarche volontaire (et payante) des médecins. Elle s’appuie généralement sur des pré-requis de formation, d’expérience pratique ainsi que sur des tests ou examens. Ces conditions varient selon les boards. L’American board of medical specialty, l’une des organisations les plus importante (800 000 médecins certifiés), coordonne 24 specialty boards comprenant chacune une série spécialités (37) et de sous-spécialités (132 au total, dont 20 pour la seule pédiatrie). Mais rien n’empêche un groupe de spécialistes ou de médecins revendiquant une nouvelle spécialité de créer un « board » en dehors de cette institution. En 2000, on dénombrait 137 boards aux Etats-Unis. b. Le droit de la sécurité sociale : l’exercice exclusif et les spécialités reconnues La formation et le processus de reconnaissance de qualification par l’Ordre ne doivent pas masquer un autre aspect important : le rôle de la sécurité sociale en tant que payeur. Ce rôle est d’ailleurs l’un des facteurs historiques du développement d’un encadrement de la reconnaissance d’une qualité de spécialiste : le développement des assurances sociales dans la première partie du XXème siècle implique de définir des critères et des montants de prise en charge et nécessite donc de préciser ce 29 La composition des deux commissions, placée sous l’autorité du ministre de la santé, est légèrement différente pour la procédure RGE et pour la procédure PAE. 30 « The History of Family Medicine and Its Impact in US Health Care Delivery », Cecilia Gutierrez, MD & Peter Scheid, MD, University of California San Diego, Department of Family and Preventive Medicine 31 Les specialty boards sont issus d’une mobilisation des médecins américains avant la première guerre mondiale et surtout dans les années suivant cette dernière en vue de garantir la qualité des spécialistes face à la multiplication des revendications auto-attribuées et souvent infondée d’une spécialité par certains médecins. Ainsi, 51% des ophtalmologistes ayant passé l’examen de recrutement pour cette spécialité durant la guerre n’ont pas atteints les standards requis. Ce constat a mené à la création du premier specialty board, en ophtalmologie en 1917. Source : A short guide to specialty certification of physicians, août 2013, Todd Sagin. 11
qu’est un acte spécialisé et qui peut le réaliser. Il est particulièrement important pour l’exercice de la médecine spécialisée libérale. Le droit de la sécurité sociale et les conventions médicales ont historiquement présenté des différences avec le droit de la santé et le processus de qualification par l’Ordre : il était après guerre possible d’être reconnu comme spécialiste par l’Ordre sans pour autant pouvoir tarifer ses actes en tant que spécialiste pour la sécurité sociale, et inversement. Ainsi, l’urologie fut une compétence pour l’Ordre tandis qu’elle était une spécialité pour l’Assurance maladie ; la biologie médicale fut reconnue comme spécialité par l’Ordre, pas par l’Assurance maladie. Il n’existe plus aujourd’hui de double système de qualification, l’un renvoyant à l’organisation ordinale, l’autre renvoyant à l’organisation de l’assurance maladie. La reconnaissance des spécialités en référence au règlement de qualification s’impose donc à l’assurance maladie. Le régime de la tarification des actes et de leur prise en charge, régi par le droit de la sécurité sociale et les conventions médicales nationales, tend à distinguer les « médecins omnipraticiens » et les « médecins spécialistes qualifiés »32. Ces derniers doivent répondre à deux conditions cumulatives33 : - une condition relative à la reconnaissance de cette qualification de spécialiste par l’Ordre des médecins ; - Une condition d’exercice exclusif de celle-ci. Par exception, sont également considérés comme médecins spécialistes au regard de l'assurance maladie les médecins à qui a été reconnu, conformément au règlement de qualification, le droit de faire état de la qualité de médecin compétent en gynécologie médicale ou en obstétrique ou en urologie, sous réserve que ces médecins exercent soit exclusivement la discipline considérée, soit simultanément deux de ces disciplines, ou simultanément une ou deux de ces disciplines et la chirurgie générale. La condition d’exercice exclusif a généré plusieurs contentieux34 tranchés par la Cour de cassation : un médecin spécialiste au sens de l’Ordre qui tarifie une consultation comme consultation non spécialisée (cotée C) n’exerce plus sa spécialité à titre exclusif, et perd de ce fait le droit de coter ses autres actes en consultation spécialisée (CS). 32 Notons que le code de la sécurité sociale utilise également les notions de spécialiste et de généraliste. Cette distinction apparaît par exemple dans la définition du cadre conventionnel. L’article L 162-5 du code indique : « Les rapports entre les organismes d'assurance maladie et les médecins sont définis par des conventions nationales conclues séparément pour les médecins généralistes et les médecins spécialistes, par l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et une ou plusieurs organisations syndicales les plus représentatives pour l'ensemble du territoire de médecins généralistes ou de médecins spécialistes ou par une convention nationale conclue par l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et au moins une organisation syndicale représentative pour l'ensemble du territoire de médecins généralistes et une organisation syndicale représentative pour l'ensemble du territoire de médecins spécialistes. » 33 Arrêté du 1 juin 1994 relatif à la qualification des médecins spécialistes au regard de l'assurance maladie, sous timbre des ministres chargés de la sécurité sociale, de la santé et de l’agriculture. 34 ème Voir à ce sujet la décision de la Cour de cassation (2 chambre civile) du 8 avril 2010, Caisse primaire d’assurance maladie de la Drôme C./M. Prats ainsi que le rapport afférent du conseiller X. Prétot « Médecins généralistes et médecins spécialistes : la distinction au regard de l’assurance maladie », Droit social, 6 juin 2010 ou encore la décision de la Cour de ème cassation, 2 chambre civile, 3 mars 2011, 10-16.763. 12
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