Régime obligatoire et Régime complémentaire - Parité Assurance s'engage dans le débat
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
Régime obligatoire et Régime complémentaire Parité Assurance s’engage dans le débat LIVRE BLANC MARS 2022
CONTACTS JOSETTE GUÉNIAU Twitter : @josettegueniau E-mail : josette.gueniau@orange.fr. Membre du Conseil d’Administration de Parité Assurance MARIE-SOPHIE HOUIS Twitter : @HOUISVALLETOUX E-mail : mshouis@pariteassurance.com Membre du Conseil d’Administration de Parité Assurance VÉRONIQUE LACAM-DENOËL Twitter : @LacamVeronique E-mail : vlacam@pariteassurance.com Membre du Bureau de Parité Assurance LOUISA RENOUX Twitter : @louisarenoux E-mail : lrenoux@pariteassurance.com Membre du Conseil d’Administration de Parité Assurance PUBLICATION Mars 2022 CRÉATION GRAPHIQUE Marie Paule Stéphan - mstudio@netc.fr ILLUSTRATION DE COUVERTURE ©Dihard - Adobe Stock.com PARITÉ ASSURANCE. @PariteAssurance Tous droits réservés.
LE M OT DE LA PRÉ SIDE NTE Isabelle HÉBERT Membre du Comité de Direction Groupe, AG2R La Mondiale, LIVRE BLANC Présidente de Parité RAPPORT HCAAM Assurance L e rapport du Haut Comité pour l’Avenir de l’Assurance Maladie (HCAAM), qui propose des évolutions radicales dans la répartition des rôles entre Assurance Maladie Obligatoire et Assurance Maladie Complémentaire, a suscité beaucoup de réactions. Les femmes dirigeantes de l‘as- surance et de la protection sociale, engagées pour leur métier et pour la parité au sein de l’association Parité Assurance se devaient d’apporter leur voix à ce débat si important pour l’avenir de notre système de santé, de notre protection sociale et en conséquence pour l’avenir de notre pays. L’objectif Les contributions rassemblées dans ce livre blanc portent donc est de favoriser la la voix de professionnelles de l’assurance santé, membres de Parité confrontation des Assurance mais aussi de professionnels de l’écosystème de la santé points de vue d’experts sollicités pour susciter un débat d’idées. L’objectif, au-delà des cri- tiques des quatre scénarios « polaires » proposés par le HCAAM, pour tracer le chemin est bien de favoriser la confrontation des points de vue d’experts d’autres visions et pour tracer le chemin d’autres visions et d’autres propositions pour d’autres propositions améliorer l’efficience de notre système de protection sociale qui, pour améliorer s’il peut encore être amélioré, présente un atout formidable : celui l’efficience de notre de laisser aux Français le reste à charge le plus faible de l’OCDE. En tant que Présidente, je suis fière que Parité Assurance, pré- système de protection sente la vision et les propositions de 18 femmes dirigeantes et de sociale. deux professionnels de l’écosystème de la santé, pour s’inscrire avec légitimité, force et conviction dans l’actualité de ce débat politique, social, économique et sociétal majeur qu’est l’avenir du financement de notre santé sur le plan collectif et sur le plan individuel. À PROPOS DE PARITÉ ASSURANCE PARITÉ ASSURANCE, que j’ai l’hon- programmes des candidats à l’élec- prises par le prochain gouvernement neur de présider depuis 2021, est une tion présidentielle d’avril 2022, nous afin d’améliorer l’efficience de notre association de femmes dirigeantes avons souhaité à nouveau contribuer, système de santé et de protection engagées, qui au-delà de la question à notre façon, en donnant la parole à sociale, avec la vision des profession- de la place des femmes dans le monde des femmes et des hommes de l’assu- nels de l’assurance santé et de la santé ! du travail, agit au quotidien pour faire rance santé et d’horizons divers pour Et merci à Josette Guéniau, Louisa progresser notre modèle social. partager leurs visions, leurs convic- Renoux, Marie-Sophie Houis et À un moment où la crise sanitaire tions sur une répartition pertinente Véronique Lacam-Denoël, et à nos 20 a créé des tensions sans précédent des rôles entre Assurance Maladie contributeurs avec qui j’ai partagé sur notre système de santé, et où le Obligatoire et Assurance Maladie l’immense plaisir pendant plusieurs débat sur la situation de l’hôpital et Complémentaire. mois de donner vie à ce livre blanc les inégalités territoriales d’accès à Belle découverte de ces « 20 regards », dédié à la modernisation de notre l’offre de soins s’invite au cœur des pour nourrir les orientations qui seront protection sociale. 01
LE DÉBAT 11 MARIE-SOPHIE HOUIS P. 21 Quand ce qui s’est passé sur la 01 ANNE ANDRÉ P. 03 santé doit nous inspirer pour éviter que cela arrive sur la prévoyance ! Scénarios du HCAAM. Ne pas oublier le rôle social et santé de l’entreprise 12 SANDRA KLEIN P. 23 Renforçons les collaborations 02 DELPHINE BENDA P. 05 avec le régime obligatoire et Pour un partenariat renouvelé l’Assurance maladie avec les pouvoirs publics et les professionnels de santé 13 VÉRONIQUE LACAM-DENOËL P. 25 L’étatisation du système de santé 03 MARIANNE BINST P. 06 pourrait-elle améliorer l’équité entre Grande Sécu. Les vrais enjeux du les Français ? maintien des complémentaires dans le paysage sanitaire français 14 FRANÇOIS LESCURE P. 28 Qui va financer la révolution de 04 MARTINE CARLU P. 08 l’exercice médical par les acteurs Mettre la santé des Français au du numérique en santé ? cœur de la réforme. Ne nous trompons pas de débat ! 15 FLORENCE LUSTMAN P. 30 05 CATHERINE CHARRIER-LEFLAIVE P. 10 Les assureurs s’engagent pour un système plus efficient, au La refondation du système de bénéfice de la santé des Français santé appelle celle du système de protection sociale 16 SÉVERINE SALGADO P. 32 06 PATRICIA DELAUX P. 12 Pour une refondation de notre modèle partenarial Complémentaires santé. S’engager pour la santé du XXIe siècle 17 MARIE SOYER-CONTENT P. 34 07 MARIE-LAURE DREYFUSS P. 13 Poser les bases d’un dialogue fécond Faire pivoter notre système vers la prévention par le dialogue 18 ARIANE SUARD P. 35 entre les parties prenantes Les complémentaires sur le chemin de crête. Comment 08 SOPHIE ELKRIEF P. 15 adapter leur stratégie face à la Le mirage de la Grande Sécu. Grande Sécu ? Un risque pour la performance de notre système 19 FRÉDÉRIC VALLETOUX P. 37 Les remboursements à l’Assurance 09 JOSETTE GUÉNIAU P. 17 maladie. La prévoyance et la Rôle des complémentaires santé. prévention aux complémentaires Des solutions délétères, une contreproposition nécessaire 20 MARTINE VAREILLES P. 39 Refonte du financement. 10 ISABELLE HÉBERT P. 19 Pour un système de santé et Pour demain de protection plus efficient 02
01 ANNE ANDRÉ Anne ANDRÉ Consultante experte, assurance et Scénarios du HCAAM protection sociale, Membre de Parité Ne pas oublier le rôle social Assurance et santé de l’entreprise Les rapports du HCAAM et de la Cour des Comptes ont oublié les entreprises et les représentants du personnel Fin 2021-début 2022, le Haut Conseil pour l’avenir Statistiques du ministère du Travail (DARES) note que de l’Assurance maladie (HCAAM), ainsi que la Cour la négociation collective d’entreprise a concerné en des Comptes ont publié des rapports traitant de la 2018, 63 % des salariés, et que des négociations sur régulation du système de santé et des complémen- la protection sociale complémentaire se sont ouvertes taires santé, et présentant des scénarios polaires dans 14 % des entreprises de moins de 50 salariés. d’évolution de l’articulation entre Sécurité sociale Si le législateur a voulu favoriser le dialogue pa- et assurance complémentaire santé. ritaire sur le sujet de la protection sociale dans les Face à ces scénarios, l’écosystème de la protection PME et TPE, à l’instar de ce qui se pratique depuis sociale s’est manifesté par plusieurs prises de posi- des décennies dans les plus grandes, faut-il, avec tions. Les analyses ont porté sur les conséquences le choix d’une Grande Sécu ou d’un encadrement des scénarios envisagés — dont celui de la Grande si rigide des garanties qu’il n’y aurait plus rien ou Sécu —, pour le pilotage technique des comptes de presque à débattre, refermer cette porte ? la Sécurité sociale, l’équilibre économique des orga- nismes d’assurance en charge de la complémentaire L’implication des entreprises santé, l’impact probable sur l’offre de soins, avec le dans la protection sociale, risque de voir émerger une médecine à deux vitesses. trois apports majeurs En tout état de cause, quel que soit le choix du Il y a bien des avantages à impliquer les entreprises scénario à venir, il serait bénéfique pour sa mise en et les représentants du personnel dans le sujet de la œuvre, de tenir compte du rôle que jouent les entre- protection sociale. prises, employeurs et représentants du personnel dans la protection sociale. Un premier bénéfice est de renforcer la commu- nication auprès des salariés et de leurs familles, et L’entreprise, un acteur confirmé de favoriser la compréhension d’un système, dont la complexité peut aller jusqu’à décourager et entraîner de la protection sociale un renoncement aux soins. Rappelons qu’avec l’ANI de 2013, entré en vigueur Car le scénario Grande Sécu n’est pas totalement en 2016, ce sont maintenant 84 % des entreprises, gage de simplification, même si l’on peut espérer représentant 96 % des salariés, qui ont souscrit un une prise en charge à 100 %, donc simple, pour les contrat collectif complémentaire frais de santé à actes des professionnels de santé qui seront ➝ adhésion obligatoire, avec une part employeur d’au moins 50 % de la cotisation et des garanties cor- respondant au moins au panier des soins minimum défini par la réglementation. Quel que soit le choix du Les ordonnances du 22 septembre 2017, créant le Comité Social et Économique (CSE) dans les en- scénario à venir, il serait bénéfique treprises, à partir de 11 salariés, en lieu et place de de tenir compte du rôle que jouent la limite inférieure précédente de 50 salariés pour les entreprises, employeurs et le comité d’entreprise, ont étendu le champ de la négociation paritaire pour la protection sociale. représentants du personnel dans Ainsi, dans son rapport de mars 2021, la Direction la protection sociale. de l’Animation de la Recherche, des Études et des 03
01 ANNE AN DRÉ conformes aux plafonds de remboursement édictés par l’Assurance maladie. En effet, sans refonte du système actuel et de sa nomenclature, il sera toujours malaisé de comprendre ce qui sera remboursé et quel sera le reste à charge, quand il y a dépassement d’honoraire ou de tarifs, ce qui est le cas par exemple pour plus de la moitié des médecins spécialistes. Le deuxième bénéfice tient aux liens de proximi- té qui se développent dans les entreprises et qui pourraient être mis à profit pour aider les salariés à prendre soin de leur santé. EN SYNTHÈSE Des politiques promouvant l’observance des soins, en complément des programmes d’éducation Les rapports HCAAM et Cour des Comptes thérapeutique du patient développés par les éta- ont présenté une vision et des propositions blissements de santé, et dans le respect bien sûr du de scénarios au plan institutionnel. RGPD, auraient certainement de grandes chances Au moment du choix de scénario, et de sa d’améliorer l’efficacité des traitements. mise en œuvre, il serait intéressant d’associer l’entreprise, en tant que lieu de rencontre Le troisième apport concerne le sujet de la des salariés, des partenaires sociaux et des prévention. employeurs, déjà forces d’action sur le su- Faut-il en rappeler l’importance pour l’économie jet de la protection sociale, pour éviter un même de notre système de santé ? manque d’adhésion par incompréhension et, a Elle est d’autant plus prégnante dans la vie des contrario, permettre d’intégrer les meilleures pratiques. • salariés, qu’elle aura fait l’objet d’une discussion dans l’entreprise par le jeu de négociation entre em- ployeurs et partenaires sociaux et d’une implication des deux parties dans sa déclinaison opérationnelle. 04
02 DELPHINE BENDA Delphine BENDA Membre de Parité Assurance Pour un partenariat renouvelé avec les pouvoirs publics et les professionnels de santé A lors que le système de santé connaît des besoins de financement importants pour faire face aux nécessaires transforma- tions (maladies chroniques, prévention, en place de mécanismes incitant voire obligeant innovations…), nous aurions sans doute intérêt col- les acteurs à coopérer (ex. : rendre impossible le lectivement à envisager les complémentaires santé, financement par une taxe de dispositifs négociés non comme un problème, mais comme une solution. conventionnellement, comme c’est le cas avec le Une telle approche permettrait en outre de sortir de Forfait patientèle médecin traitant — FPMT). la schizophrénie actuelle où les complémentaires sont ➢ EN SECOND LIEU, le dialogue avec les profes- régulièrement montrées du doigt par les pouvoirs sionnels de santé sera aussi un élément clé de publics qui, dans le même temps, trouvent quelques ce partenariat renouvelé. Il paraît indispensable avantages à la situation. Au passage, la démocratie d’approfondir — et de renouer parfois — un dia- gagnerait aussi à un dialogue plus mature. logue de confiance avec les représentants des À l’heure où bien des pays peinent à éviter le dé- professionnels de santé pour mieux se connaître, veloppement d’une « médecine à deux vitesses » et partager des sujets d’intérêt commun et pourquoi doivent mixer les financements publics et privés pour pas construire de nouvelles formes de coopération faire face aux besoins, le système de double étage « à pour contribuer à la transformation du système de la française » pourrait bien nous être envié d’ici peu. soins. Ces nouveaux espaces de dialogue visent Rappelons qu’il permet une large couverture et un à entrer dans une logique de co-construction, y reste à charge faible des assurés tout en ménageant compris en lien avec les pouvoirs publics, plutôt un espace de liberté, « soupape » indispensable au que de recourir systématiquement à la réglemen- système. Dès lors, il nous paraît opportun de concen- tation qui atteint ses limites. Ils permettraient enfin trer nos efforts sur la recherche d’un partenariat re- de mieux valoriser certaines prestations réalisées nouvelé entre pouvoirs publics et complémentaires par les professionnels de santé, en veillant à éviter santé et il appartient à la profession d’en définir les des effets inflationnistes sur la dépense, le tout contours. Au moins deux conditions nous semblent au bénéfice des patients. devoir être réunies pour aller dans cette direction. ➢ EN PREMIER LIEU, le dialogue avec les pouvoirs publics devra être rénové. Aujourd’hui, le système est peu coopératif et peut conduire à des stra- tégies concurrentes et non concertées, source d’inefficiences (ex. : téléconsultations, séances psy…). Pour remédier à cette situation, il serait sans doute utile de mieux organiser le dialogue Cette voie d’un partenariat renouvelé est un entre les complémentaires santé et les pouvoirs chemin pragmatique vers un système plus publics. Cela permettrait notamment de donner coopératif dans l’intérêt de tous. Elle suppose de la visibilité aux acteurs et de la cohérence dans de s’inscrire dans une vision de moyen-long les dispositifs mis en place et donc dans l’inter- terme qui n’est pas le point fort de notre vention des uns et des autres. Cela permettrait époque mais les échéances électorales en aussi de mieux anticiper les enjeux structurants sont peut-être l’occasion. • à venir tels que le développement des rému- nérations forfaitaires. Reconnaissons que cette orientation a toutes les chances de rester un vœu pieu si elle ne s’accompagne pas de la mise 05
03 MARIANNE BINST Marianne BINST Directrice générale Santéclair, Grande Sécu Membre du CA de Parité Assurance Les vrais enjeux du maintien des complémentaires dans le paysage sanitaire français L e débat sur la Grande Sécu, Lors de la création de Santéclair, nous clients et habitué progressivement et la quasi-disparition des cherchions avec nos actionnaires assu- les professionnels de santé à être complémentaires santé qui reurs à intervenir dans la consommation transparents sur leurs prix. en résulterait, a beaucoup de soins en apportant des innovations Quelques années plus tard, les plate- fait parler les acteurs de ce secteur servicielles qui plaisent au consom- formes de santé développent des au cours des derniers mois. mateur final et qui renforcent la valeur réseaux de soins en optique, puis en L’argument le plus mis en avant par les perçue de son contrat d’assurance sans dentaire et dans le domaine des audio- partisans de ce scénario est la baisse en renchérir le coût. Les plateformes prothèses. Santéclair invente et déve- des frais de gestion censée ainsi être de santé et Santéclair en particulier loppe la notion de « paniers de soins mécaniquement observée. ont ainsi commencé début 2000 à aux frais réels » dans ses réseaux. En ce qui concerne l’apport des com- proposer aux assurés des « formulaires Ce concept a directement inspiré plémentaires à l’amélioration du types de devis » (c’était avant l’ère du le législateur dans sa conception du système de santé, le sujet de leur digital) pour que les clients qui le sou- 100 % Santé en 2019. Il s’agit là aussi contribution à l’innovation en santé haitaient puissent faire analyser, par une de paniers de soins précis vendus à me semble avoir été bien trop peu plateforme de santé, les propositions prix négociés et que les deux payeurs évoqué. Au travers de l’expérience tarifaires qui leur avaient été faites du système s’engagent à rembourser de Santéclair en tant que plateforme par les professionnels de santé qu’ils sans reste à charge. Auparavant, le de santé depuis le début des années consultent en disposant de suffisam- législateur s’était contenté de négo- 2000, je voudrais illustrer cette contri- ment d’informations détaillées pour cier des tarifs lors de négociations bution par des exemples concrets. cela. Avant ce moment, les devis remis conventionnelles qui n’associaient ni L’innovation est connue des sociolo- aux assurés en optique ou en dentaire la participation des complémentaires gues et des économistes pour avoir étaient soit inexistants, soit très peu santé pour la pleine prise en compte un cycle. Au début il faut la repérer détaillés et permettaient tout juste de de leur remboursement, ni par consé- et construire une offre autour d’elle, calculer un remboursement mais en quent la promesse d’un engagement puis tester le marché avec cette offre. aucun cas d’apporter de la valeur sur le sur un reste à charge zéro pour le Lorsqu’elle commence à se diffuser, rapport qualité/prix de l’offre proposée. client. L’approche plus systémique il faut petit à petit « l’industrialiser » Notre proposition d’analyse de devis de la réforme du 100 % Santé est pour qu’elle soit économiquement avec un conseil à la clé par rapport à directement issue du savoir-faire des rentable et se développe, puis elle un référentiel de tarifs détaillés a tout plateformes de santé. est copiée par des concurrents et de suite plu à de nombreux clients et Si l’on cherche un exemple plus récent progressivement se banalise. l’usage s’est développé année après on peut parler de la téléconsultation. En santé, ce cycle de l’innovation année, malgré les protestations fortes Axa lance le service opéré par Axa est complexe car c’est un domaine des principaux syndicats dentaires. Assistance en 2015 puis d’autres où les phases du cycle sont sou- Le législateur a d’ailleurs ensuite complémentaires ou plateformes de vent plus longues et la méfiance rendu, à partir de plus forte avant de faire changer un 2009, le devis détaillé En santé, ce cycle de usage. Les jeux d’acteurs y sont aussi particulièrement complexes car les obligatoire à partir de 70 euros. Cette évo- l’innovation est complexe car représentants des professionnels de lution législative n’au- c’est un domaine où les phases du santé peuvent, encore plus que dans rait pas été possible cycle sont souvent plus longues si les plateformes de d’autres domaines, contribuer forte- ment à accélérer ou au contraire à santé n’avaient pas et la méfiance plus forte avant de ralentir une innovation destinée au validé cette innova- faire changer un usage. client final. tion auprès de leurs 06
03 M AR I ANNE B I NS T santé suivent. Santéclair déploie par • Nous sommes très experts du vation. En revanche, dans notre exemple une offre en inclusion, en contexte juridique de l’innovation capacité à être précurseur, nous partenariat avec MesDocteurs, en car derrière chaque innovation avons l’avantage de pouvoir plus 2018. Petit à petit, les Français com- réussie il y a une ingénierie juri- facilement adopter une posture mencent à s’habituer à ces consul- dique astucieuse à concevoir. Nous de contournement des réticences tations à distance grâce aux offres savons comment monter le projet des professionnels de santé qui des complémentaires en la matière. pour qu’il reste agréable d’utili- sont souvent frileux vis-à-vis des Mais celles-ci restent contestées sation pour le client final tout en innovations sociétales, alors que la par les professionnels de santé dans rentrant dans les clous du RGPD Sécurité sociale ou le ministère de leur légitimité à proposer ce type ou d’autres dispositions encadrant la Santé se trouveraient plus facile- de service. La crise du Covid vient le secteur des services en santé. ment bloqués dans leurs intentions accélérer le mouvement de générali- • Nous avons des outils simples de en cas d’opposition des profes- sation de l’accès à la téléconsultation mise en marché, soit sous forme de sionnels de santé. Ces institutions sous l’égide du régime obligatoire, test initial (les fameux « POC », pour sont structurellement moins libres. le législateur décidant en 2020 du « proof of concept » !) ou de déploie- Sans nous, l’innovation en santé ne remboursement à 100 % de ce type ment large instantané grâce à la serait pas ce qu’elle est. Alors plutôt de consultations pendant la durée de taille critique d’une plateforme et au que de détruire de la valeur au nom la crise alors qu’elles n’étaient jusqu’à soutien premier de ses actionnaires. d’une idéologie étatique, réfléchissons présent remboursées que par les • Nous avons aussi une capacité à favoriser l’innovation via les com- complémentaires santé. de financement de l’innovation plémentaires et les plateformes de Les « pro-étatisation » du système de naissante grâce au concept même santé de façon à la rendre plus facile santé pourraient contester et mettre des plateformes de santé qui d’usage, plus rapide et plus mesurable en avant que la Sécurité sociale puisse mutualisent le service et le finan- dans ses résultats. Par exemple en changer et devenir plus accueillante cement des innovations, tout au ouvrant largement l’accès aux bases à l’innovation. Mais c’est une vue long de leurs différentes phases et anonymisées des données de santé de de l’esprit. L’innovation a besoin de en accompagnant leurs réussites la Sécurité sociale. Les données statis- liberté de penser et de souplesse comme leurs échecs. Ces investis- tiques sur la santé des Français sont d’action. Elle a besoin de structures sements ne se conçoivent que dans aujourd’hui confisquées par la Sécurité de petites tailles très manœuvrables, un secteur concurrentiel où chacun sociale et cela freine l’innovation et elle a besoin d’entrepreneurs qui essaie d’apporter un nouveau ser- son évaluation, ainsi que la démo- investissent sur une idée, une tech- vice différenciant sur le marché. cratie sanitaire dans son ensemble. nique. Pour une innovation réussie, ce • Nous cherchons avant tout l’adhé- Il faudrait aussi, pour faciliter l’inno- sont plusieurs échecs où il faut savoir sion des patients/clients/adhérents/ vation en santé, modifier la loi Leroux s’arrêter assez vite, en tirer les consé- assurés car une innovation qu’ils ne pour arrêter d’interdire aux complé- quences et repartir. Les raisons des s’approprient pas progressivement mentaires santé de négocier avec échecs peuvent être technologiques si n’a aucun intérêt. Et le fait d’avoir les médecins. Cet interdit, purement la mise en œuvre rend le service trop raison trop tôt est ainsi une cause corporatiste, ne rend service à terme complexe à utiliser par exemple, mais fréquente de l’échec de l’inno- ni aux médecins, ni aux Français. le plus souvent les raisons de l’échec sont sociologiques et culturelles voire politiques : blocage des représentants des professionnels de santé ou/et non compréhension de l’offre par le client final/l’assuré. Les plateformes de santé sont ainsi dans une situation idéale pour être un Notre système de santé est généreux et universel grâce à acteur clé des innovations naissantes : la Sécurité sociale. Il est qualitatif grâce aux profession- nels et aux établissements de santé. Il est personnalisé, • Nous sommes en contact perma- tout en restant mutualisé, ainsi que créatif et innovant nent avec les start-ups en santé grâce aux complémentaires santé et aux plateformes qui nous présentent leurs offres et de santé. Et si on essayait de tirer le meilleur de ces que nous pouvons parfois financer trois mondes pour constituer le meilleur des systèmes directement ou indirectement en de santé pour les Français ? • les recommandant aux fonds d’in- vestissement de nos actionnaires. 07
04 MARTINE CARLU Martine CARLU Directrice Générale Mettre la santé des Intériale, Membre du CA de Parité Français au cœur Assurance de la réforme. Ne nous trompons pas de débat ! L e récent débat ouvert par face à la complexité du système de 4 à 6 pathologies par personne selon le HCAAM sur l’efficacité santé, qu’elle perçoit souvent comme le Leem. du système de santé en infantilisant. Alors oui, il y a urgence à réformer, France, pointant du doigt Ainsi, à titre d’exemple, sept Français mais le sujet n’est probablement pas un modèle trop coûteux et un manque sur dix estiment qu’il existe des iné- prioritairement la répartition des frais d’efficience quant à la répartition des galités fortes face au cancer (source de santé entre la Sécurité sociale et rôles entre les différents acteurs, Observatoire cancer 2019, Institut les assureurs, qui engagerait le pays occulte malheureusement un débat Marie Curie), et un tiers des malades se dans des transformations lourdes, beaucoup plus porteur de sens pour sent abandonné à la fin du traitement. coûteuses, longues et sources de les Français : celui de notre capacité conflit… avec un impact final sur l’état Le développement de la téléméde- à adapter notre système de santé aux de santé des Français proche de zéro. cine représente une opportunité de récentes évolutions des modes de vie, dégager du temps médical pour les Regardons plutôt comment, ensemble, des technologies et des pathologies. patients, mais force est de consta- acteurs publics et acteurs privés, nous Les Français, loin de remettre en cause ter que la technologie appliquée au pouvons engager les réformes clés et le système de complémentaire santé, modèle de parcours actuel ne résout contribuer, en bonne intelligence, à vivent a contrario dans leur quotidien pas les difficultés, les médecins réfé- transformer le système de santé de des aberrations qu’il est urgent de rents n’étant au final pas davantage manière vertueuse, et repositionner prendre en considération : disponibles, comme nous avons pu le la France parmi les pays où l’on vit le • Déserts médicaux et raréfaction du vivre grandeur nature avec la récente mieux, en bonne santé, au sens global temps médical, crise sanitaire. de l’OMS, à savoir « un état de complet • Manque de personnels infirmiers et Côté établissements de santé, la crise bien-être physique, mental et social, d’aides à domicile qualifiés, est profonde. Les dérives liées au [qui] ne consiste pas seulement en une • Opacité et complexité des parcours, déploiement de la tarification à l’acte, absence de maladie ou d’infirmité ». la T2A, ne cessent d’être pointées du Chacun pourra alors apporter une • Ambiance dégradée dans les doigt, sans que des solutions émer- contribution nouvelle, dans un plan hôpitaux, avec des personnels qui gent à ce jour. global décidé en concertation entre baissent les bras, la récente crise sanitaire ayant encore amplifié ce Enfin, et c’est probablement l’une les acteurs, qui pourra être chiffré en phénomène, des pistes d’amélioration les plus termes de gains sur les coûts théra- accessibles, nous restons centrés peutiques et médicamenteux à venir • Grande détresse lorsque l’on sur une approche curative de la ainsi évités. devient aidant ou soi-même aidé. maladie, alors même Le temps médical disponible pour que les études montrent chacun lorsque survient la maladie se aujourd’hui clairement que compte en minutes, alors même que d’ici 2030, 70 % des décès Regardons comment, la disposition mentale de la personne dans le monde devraient ensemble, acteurs publics malade ne lui permet pas d’assimiler aisément les informations techniques être imputés aux mala- dies liées aux habitudes et acteurs privés, nous et parfois lourdes de sens pour elle de vie (source OMS). Une pouvons repositionner la que l’on tente de lui communiquer. Au augmentation corrélée au France parmi les pays où l’on moment même où elle aurait besoin d’être écoutée, guidée, soutenue, la vieillissement de la popu- lation : à même horizon, les vit le mieux, en bonne santé, personne doit gérer seule sa situa- plus de 65 ans devraient au sens global de l’OMS. tion et se trouve souvent démunie présenter en moyenne 08
04 M ART I NE C AR LU À titre d’exemple, ci-après quelques • Co-financer des expérimenta- publiques. Il pourrait être demandé propositions qui méritent d’être tions de nouveaux parcours de en contrepartie aux assureurs de débattues et peuvent faire appel à la soin fondés sur la médecine inté- financer la montée en compétence complémentarité des acteurs dans grative ou les traitements non des acteurs d’aide à domicile, par leur déploiement et dans leur prise médicamenteux ; la création de cycles qualifiants en charge : et la meilleure rémunération des ➂ Considérer la santé mentale dans professionnels ; ➀ Construire des dispositifs de pré- toutes ses dimensions et pour- vention et d’accompagnement dès suivre les efforts récents pour en ➅ Ouvrir l’accès aux données de le plus jeune âge et tout au long généraliser la prise en charge fi- santé anonymisées à tous les de la vie nancière ; acteurs afin d’accélérer la connais- sance et notre capacité à mieux • Déployer des programmes d’édu- ➃ Promouvoir la prévoyance, encore anticiper les risques. cation à la santé dans les écoles, trop méconnue des Français sur les lieux de travail et auprès La proximité relationnelle avec les per- alors qu’elle intervient dans des de publics retraités : promouvoir sonnes et la dimension affinitaire des moments de grande fragilité et « l’empowerment » en matière programmes proposés peuvent être permet d’éviter des situations dra- de santé, à savoir rendre chacun des leviers de motivation majeurs pour matiques. Aujourd’hui encore, des véritablement acteur de sa santé déclencher des changements de com- pans entiers de notre population en dehors de toute prise en charge, portement, avec des rôles-exemples active – salariés non-cadres, fonc- par exemple en développant de possibles portés par des pairs. tionnaires, indépendants – sont saines habitudes de vie, C’est ce qu’Intériale expérimente insuffisamment couverts et n’en • Favoriser l’émergence à bas coût ont pas la conscience. Ceci pourrait depuis plusieurs années déjà, au tra- de dispositifs de conseil et de passer par exemple par des cam- vers par exemple d’actions de terrain coaching par des acteurs certifiés pagnes de communication cofinan- réalisées de longue date dans les sur des thématiques clés telles cées ou par une refonte de la fisca- commissariats, en parfaite coopéra- que l’alimentation, le sommeil, la lité de ces offres afin de les rendre tion avec le ministère de l’Intérieur, gestion du stress, accessibles au plus grand nombre ; ou encore des « déambulations noc- • Promouvoir l’activité sportive à turnes » réalisées par des étudiants tous les âges : réforme des temps ➄ Rendre obligatoire l’assurance auprès des jeunes dans le cadre de scolaires, incitations financières « dépendance » dès la majorité, la politique prévention LMDE. Ainsi, aux employeurs qui intègrent à l’instar de l’assurance automo- la réforme à venir de la protection dans leurs contrats d’assurance bile, rendue obligatoire en 1958 sociale complémentaire des agents collective des dispositifs d’aides seulement. Ainsi, en s’appuyant de la fonction publique pourrait être aux salariés sous forme financière sur les acteurs en place plutôt que une formidable opportunité d’ac- ou de programmes sur site, aides à de créer un système additionnel, céder à des groupes de population l’accès au sport pour les retraités ; l’État garantirait l’émergence d’une affinitaires par le biais des assureurs/ réponse professionnelle et effi- mutuelles qui peuvent jouer un vrai ➁ Accompagner dans la durée les ciente plutôt que de faire peser rôle de partenaire au service de la personnes souffrant de maladies cette dépense sur les finances santé des salariés. chroniques • Créer des banques de contenus, podcasts, articles pouvant être co-financées et diffusées par des canaux affinitaires que peuvent être les mutuelles/assureurs, • Agréer des plateformes d’accompa- gnement des malades chroniques Ainsi, loin d’opposer les acteurs, la réforme et intégrer ces dispositifs dans nécessaire du système de santé appelle à les parcours pris en charge, afin une meilleure coopération. Sachons nous de libérer du temps médical et saisir ensemble des défis majeurs qui nous assurer la bonne coordination des attendent, au service de la santé de chacun parcours. Le développement de la des Français ! • télémédecine offre en ce sens des perspectives intéressantes, 09
05 CATHERINE CHARRIER-LEFLAIVE Catherine CHARRIER-LEFLAIVE Membre de l’Institut pour l’Innovation Économique La refondation du et Sociale, Membre système de santé de Parité Assurance appelle celle du système de protection sociale Issu des réflexions et du manifeste de protection sociale de 2IES. L’abandon du projet Grande Sécu : choisis initialement par les fondateurs de la Sécurité sociale restent pertinents. Hier comme aujourd’hui, bonne ou mauvaise nouvelle ? il est du devoir de l’État de garantir à chacun l’accès L’enterrement du rapport du HCAAM et ce, avant aux soins et des moyens convenables d’existence. Or, même d’avoir été remis officiellement au gouverne- dans la mesure où toute personne est exposée à ces ment, clôture un débat qui s’animait à peine. Faut-il risques, elle doit recevoir la garantie d’une protection s’en réjouir ? Pas si sûr. Les obstacles avancés pour contre ce à quoi elle ne peut faire face seule, notam- écarter l’option d’une Grande Sécu paraissent té- ment en termes de conséquences économiques. Ces nus face à l’ambition affichée, notamment par le risques doivent dès lors naturellement bénéficier de la ministre de la Santé. Il est dès lors probable que le solidarité nationale. Les autres risques, lesquels sont projet revienne tôt ou tard sur le devant de la scène. liés aux choix de vie de chacun, en sont en revanche Par ailleurs, la question de la réforme de la Sécurité exclus. Ils relèvent de mutualisation. sociale constitue un bon sujet de débat dans la Une telle distinction — entre ce qui relève ou pas perspective de la présidentielle. Le classement pré- de la solidarité nationale — est fondamentale dans maturé des travaux du Haut Comité nous privera-t-il la mesure où elle conduit à responsabiliser chaque de discussions nécessaires ? acteur, y compris les personnes elles-mêmes, non Soyons positifs ! L’éloignement d’une telle seulement sur les incidences des modes de vie et éventualité permet de prendre de la hauteur et d’activité organisés et empruntés par chacun, mais d’envisager d’autres approches. Avec la Grande Sécu, aussi sur la nécessité d’ouvrir de larges pans au dia- comme auparavant la Retraite universelle, le gouver- logue social afin de construire les champs de la mu- nement fait le choix de procéder à des réformes risque tualisation. Elle constitue même la poutre maîtresse par risque. C’est au contraire une démarche globale de la charpente proposée. Deux piliers cohérents qu’il convient de privilégier : refonder l’ensemble du et étanches constitueraient le nouveau système : la Protection sociale solidaire (PSS), gérée par l’État et système de protection sociale. La transformation financée par l’impôt, et la Protection sociale mutua- du système de santé en découlera naturellement. lisée (PSM), gérée par les organismes de protection sociale et financée par des cotisations sociales. Première priorité distinguer la gestion des risques selon qu’ils relèvent de la solidarité nationale ou pas Deux piliers cohérents et étanches constitueraient le Tel est l’exercice auquel s’est livré l’Institut pour l’innovation économique et sociale (2IES) lequel pro- nouveau système : la Protection pose1 une architecture renouvelée d’un système de sociale solidaire (PSS), gérée par protection sociale pour le XXIe siècle qui soit soute- l’État et financée par l’impôt, et nable et en phase avec les besoins contemporains. Pour ce faire, l’institut s’est attaché à renouer avec la Protection sociale mutualisée les fondements de la Sécurité sociale. Dilués par le (PSM), gérée par les organismes jeu de réformes paramétriques successives, les pivots de protection sociale et financée 1. Manifeste pour une protection sociale du XXIe siècle, 2IES, Les par des cotisations sociales. Ozalids d’Humensis, 2021. 10
05 C AT HER I NE C HAR R I ER - L EFL AI VE Deuxième priorité ressource de solidarité telle qu’issue de la PSS pré- cédemment exposée, aurait également pour effet réserver les efforts de solidarité de faciliter l’accès du plus grand nombre à ces pro- nationale à un système tections mutualisées. Dans ce système ainsi revisité, véritablement universel chaque personne deviendrait alors comptable vis-à- Concrètement, la PSS doit garantir chacun contre vis de sa collectivité d’appartenance non seulement les risques de pauvreté et de maladie. À cet effet, la de l’équilibre technique du régime, mais aussi de la Protection universelle risque économique (PURE) maîtrise des coûts qu’il engendre. — novation — organiserait le versement d’une res- source de solidarité à toute personne majeure qui Vers une proposition de rupture ? se substituerait à toutes les prestations sociales et Cette proposition novatrice rompt avec l’imbroglio serait cumulable avec des revenus. Son montant est qui caractérise notre système actuel. Dans le même envisagé à hauteur de 600 euros par mois et par in- temps, il s’inscrit à rebours du projet de Grande Sécu dividu, 900 euros pour un retraité et 1 500 euros par et du mouvement d’universalisation de la protection mois pour les personnes handicapées ou se trouvant sociale qu’il reflète, mouvement qui va de pair avec en situation de dépendance. l’expansion de l’État. Comme si le « tout-État » était Venant compléter le dispositif, la Protection univer- la solution aux maux de notre système… selle maladie (PUMA) continuerait à garantir l’accès C’est au contraire en recentrant l’État sur le cœur aux soins pour tous. En application de la distinction de sa mission et en laissant aux autres acteurs, no- précédemment exposée, ses contours seraient tamment ceux dont c’est le métier, la gestion des cependant redessinés. Seraient pris en charge au risques qui n’ont pas à être assumés par l’ensemble titre de la solidarité nationale les soins dont le coût de la collectivité, que l’on pourrait réaliser l’équilibre exclut qu’ils puissent être supportés par une per- entre responsabilité, solidarité et autonomie. C’est sonne seule (hospitalisation), ainsi que l’ensemble ainsi que l’on garantira la soutenabilité et l’accepta- des soins des personnes souffrant d’une affection bilité du système dans l’avenir. de longue durée, en situation de dépendance ou particulièrement démunies (celles ne touchant que la ressource de solidarité). Troisième priorité organiser les conditions d’une véritable mutualisation destinée à la prise en charge des autres risques Les risques ne relevant pas de la solidarité natio- nale, tels qu’identifiés ci-dessus, seraient garantis quant à eux dans le cadre d’une mutualisation ren- due obligatoire par l’effet de la loi. Entreraient ainsi Cette proposition n’épuise évidemment pas dans le champ de cette Protection sociale mutualisée le sujet de la réforme du système de santé. (PSM) : les frais de santé non solidaires, les risques Il convient à présent, à l’intérieur de la char- d’incapacité-invalidité, de vieillesse et de perte d’ac- pente ainsi redessinée, d’imaginer les voies tivité. Si un niveau minimum de garantie pouvait être et moyens de le réformer dans le détail de la fixé par la loi, la couverture serait surtout fonction couverture, pour en améliorer la performance de leur valeur technique de chacun de ces risques et répondre aux principaux défis auxquels il se au sein de chaque groupe socioprofessionnel devant trouve confronté. Le sujet est donc loin d’être servir de base à l’organisation de sa mutualisation. clos, tant, sous cette approche renouvelée, Concrètement, en matière de santé, à la diffé- il ouvre de nouveaux champs au possible. • rence d’autres risques comme la retraite ou la perte d’activité pour lesquels le rapport diffère selon les situations professionnelles, la loi pourrait aisément imposer une couverture minimale. Des collectivités partageant la même exposition au risque auraient recours à un organisme de leur choix pour réaliser la couverture légale ou améliorée. La création de la 11
06 PATRICIA DELAUX Patricia DELAUX Directrice Assurances Santé Prévoyance Complémentaires santé d’AXA Santé et Collectives, Membre de S’engager pour Parité Assurance la santé du XXIe siècle L e système de santé a fait couler beaucoup d’encre fin 2021. Entre son déficit abyssal confirmé pour 2022, en raison de la prise en charge des effets de la crise sanitaire Le système de santé doit et des engagements issus du Grenelle de la santé, le personnel soignant, qui préfère rendre sa blouse se refaire une santé ! Or se blanche et renoncer à sa vocation, et les travaux refaire une santé ne peut se du HCAAM et notamment le scénario de la Grande résumer à reconfigurer le rôle Sécu, tous ces éléments démontrent à eux seuls que le système de santé doit se refaire une santé ! Or des complémentaires santé. se refaire une santé ne peut se résumer à reconfi- gurer le rôle des complémentaires santé. Depuis plusieurs années, ces dernières ont su s’adapter : aux Les exemples ne manquent pas pour perpétuelles évolutions législatives, aux transferts illustrer que les Français sont en attente de de charge de l’Assurance maladie vers elles, pour bien plus que le remboursement de soins réduire le déficit de la première mais aussi et surtout, au développement de services d’accompagnement En 1945, la création de la Sécu était un facteur des patients, de la prévention au soutien en cas de majeur de progrès social dont la France peut être pathologie grave. fière. Mais un siècle nouveau s’est ouvert et s’accom- pagne d’une nouvelle donne : les modes de vie ont L’Assurance maladie applique des règles changé, les attentes des patients sont différentes, de remboursement pour les soins des celles des professionnels de santé aussi, les maladies patients. Mais est-ce que la prise en chroniques touchent chaque année de plus en plus charge financière est le seul besoin à de Français, les traitements sont plus sophistiqués, couvrir ? le digital n’est plus une nouvelle technologie mais un mode de service, l’IA rend l’impossible désormais La réponse est non, car il faut savoir porter son possible, et la data devient une source d’information regard plus largement sur les incidences liées à gigantesque que l’on interdit d’exploiter. un problème de santé sur la vie du patient, et non uniquement sur les soins portés et leurs résultats. Quand une jeune mère de famille doit subir une intervention chirurgicale à l’hôpital, elle a besoin à son retour d’être soutenue pour les tâches du quotidien. Quand un patient souffre d’un cancer, il peut avoir besoin, pendant et après son traitement, Au-delà de la grande qualité de son diagnostic, de parler de sa souffrance ou de ses doutes, d’avoir ce sont ces derniers éléments que le HCAAM des conseils en nutrition ou en activité physique. aurait pu intégrer dans ses travaux sur l’avenir Quand une personne, qui perd progressivement de l’Assurance maladie, pour bâtir le nouveau son autonomie, bénéficie du soutien de sa fille pour système de santé dont la France a besoin. Et lui permettre de rester à domicile, cette dernière sans doute également, adresser l’indispensable assume cette charge en supplément de son activité levier que représente la prévention pour une professionnelle, en oubliant parfois de prendre soin meilleure santé pour tous. Quand la médecine d’elle-même ; dans une telle situation, un service préventive, et à terme la médecine prédictive, d’accompagnement pour la soulager de cette charge prendront le pas sur la médecine curative, leur prend tout son sens… pays aura ainsi donné aux Français le progrès social du XXIe siècle dont ils ont besoin. • 12
Vous pouvez aussi lire