Renforcer les finances municipales : l'expérience de Dakar - Le financement du développement urbain durable - UN-Habitat

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Renforcer les finances municipales : l'expérience de Dakar - Le financement du développement urbain durable - UN-Habitat
Le financement du développement urbain durable
                   ETUDE DE CAS   3

 Renforcer les finances municipales :
        l’expérience de Dakar
Renforcer les finances municipales : l'expérience de Dakar - Le financement du développement urbain durable - UN-Habitat
À propos de la présente initiative

     Le soutien à la dimension urbaine de la coopération du développement: Renforcer la situation
   financière des villes des pays en développement pour parvenir à un développement urbain durable

La présente initiative répond à une demande du Parlement Européen. Elle est mise en œuvre par la Commis-
sion Européenne et ONU-Habitat, avec le soutien de l’International Growth Centre. Ces partenaires recensent les
mesures propres à mobiliser le financement du développement urbain à tous les échelons des pouvoirs publics.
Cela s’est fait à travers des études de cas menées à Dakar (Sénégal), Hargeisa (Somaliland, Somalie), Kampala
(Ouganda), Kisumu (Kenya) et Mzuzu (Malawi), des entretiens avec des experts et des praticiens ainsi que la litté-
rature empirique. L’initiative s’appuie sur un Groupe Consultatif, présidé par sir Paul Collier, professeur à l’Univer-
sité d’Oxford, qui regroupe des représentants de la Banque Européenne d’Investissement, de la Banque Africaine
de Développement, du Capital Development Fund de l’ONU, de la Commission Économique pour l’Afrique de l’ONU,
ainsi que de Cités et Collectivités Locales Unies.
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  ETUDE DE CAS                      3

Renforcer les finances municipales :
l’expérience de Dakar
Auteurs: Victoria Delbridge, Khady Dia Sarr, Oliver Harman, avec Astrid Haas et Tony Venables

                        Table des matières
                        Résumé................................................................................................................................................4
                                 Principaux messages:...............................................................................................................5
                        L’urbanisation : tendances, problèmes et besoins financiers..........................................................6
                        Les finances municipales et la structure de la gouvernance urbaine.............................................7
                                 Structures et mission de la gouvernance urbaine . ................................................................7
                                 Finances municipales : un aperçu............................................................................................8
                        Les réformes entreprises pour renforcer la situation financière de la Ville ................................ 12
                                 Renforcement de la capacité de gestion financière et d’investissement .......................... 12
                                 Réaliser le potentiel d’investissement pour améliorer les infrastructures......................... 14
                                 Captage des valeurs foncières et du capital improductif.................................................... 19
                                 Améliorer l’environnement règlementaire pour l’accès à la finance................................... 22
                        Leçons, facteurs de succès et priorités pour une future réforme................................................ 25
                                 Leçons et facteurs de succès . ............................................................................................. 25
                                 Priorités pour la réforme aujourd’hui et demain . ................................................................ 26
                        Bibliographie.................................................................................................................................... 28

Remerciements

La présente étude de cas fait partie de la série intitulée ‘‘Comment renforcer les finances municipales’’.

La matière de la présente étude de cas s’appuie sur des entretiens et des recherches en ligne conduits entre mai 2019 et mars 2020.
Pour leurs contributions, nous remercions les fonctionnaires de la Municipalité de Dakar; le Capital Development Fund des Nations Unies
(UNCDF); la Délégation au Sénégal de la Commission européenne; la Direction Générale des Impôts et Domaines (DGID) du Sénégal,
Bureau de recouvrement local; le J-PAL (Abdul Latif Jamel Poverty Action Lab); l’Agence américaine du développement international
(USAID) et son programme de financement de l’eau, de l’assainissement et de l’hygiène (WASH-FIN); l’Université de Californie à
Berkeley; le Conseil exécutif du transport urbain à Dakar (CETUD); le Maire de Dieuppeul-Derkle; City Resilience; et la Banque africaine de
développement (BAfD).
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Le financement du développement urbain durable

Résumé
Dakar est l’une des rares villes afri-       lioré les capacités de gestion finan-        matière d’endettement. De sorte que
caines qui se soit trouvée tout près de      cière et la solvabilité de la Ville. En ce   lorsque M. Sall a pris ses fonctions de
lancer un emprunt obligataire muni-          sens, Dakar ressent encore les bien-         maire de Dakar sur un grand projet de
cipal sur le marché des capitaux. Ini-       faits de cette aventure, ayant réussi à      changement, la seule possibilité qui
tialement prévue pour 2014 et d’un           obtenir un certain nombre de crédits         s’offrait et dont la Ville eût le contrôle
montant de US$40 millions, l’opération       commerciaux et de prêts à des condi-         n’était autre que l’endettement. Cette
était destinée à financer un nouveau         tions préférentielles. Le processus          indépendance consacrée en droit
marché couvert pour abriter les petits       a aussi approfondi les rapports de la        explique aussi pourquoi le décret
vendeurs ambulants. Le marché aurait         municipalité avec les résidents – vu         empêchant l’émission a été si vive-
regroupé plus de 4 000 d’entre eux,          la faible valeur nominale des titres         ment contesté.
l’objectif étant de les faire passer de la   obligataires, les vendeurs ambulants
voie publique à une enceinte centrale et     étaient très nombreux à souscrire.           La situation de la Ville de Dakar montre
sûre où vendre leur marchandise avec                                                      bien l’importance que revêt le contexte
accès direct aux agences bancaires et        Le recours à un emprunt obligataire          politique pour la conduite de toute
autres services du marché. Les parte-        s’expliquait en partie par le manque         réforme innovante, ainsi que la néces-
naires du développement, dont la Fon-        de maîtrise de la Ville sur ses propres      sité qui s’impose au pouvoir central de
dation Bill et Melinda Gates, la Banque      finances. La loi rectificative de décen-     comprendre que la réussite des villes
mondiale (service de conseil pour les        tralisation la plus récente, l’Acte III de   est de son intérêt bien compris. Tel est
infrastructures en partenariat public-       la Décentralisation (2013), a beau avoir     tout particulièrement le cas à Dakar,
privé (PPIAF)), Cities Alliance et USAID,    délégué de nombreuses responsabi-            puisque ses finances sont adminis-
ont joué un rôle crucial pour assurer la     lités à l’échelon local, les ressources      trées par le pouvoir central. Or il se
viabilité de l’emprunt, qu’il s’agisse des   financières nécessaires à l’exercice         trouve que celui-ci commence main-
frais nécessaires pour établir et faire      de ces nouvelles fonctions n’ont pas         tenant à se soucier de l’amélioration
reconnaître la solvabilité interne, ou de    suivi. Au Sénégal, en fait, l’intégralité    des finances des collectivités locales ;
l’expertise et des garanties propres à       des revenus et des dépenses des col-         cela concerne avant tout la taxation
réduire le risque.                           lectivités locales passe par le pouvoir      foncière et immobilière, mais aussi
                                             central, ne laissant guère de place ni       une meilleure coordination entre les
Bien que le lancement de l’emprunt ait       d’incitations à la réforme des finances.     différentes parties prenantes à travers
été empêché au dernier moment par            En dépit de quoi, et de manière surpre-      un service ministériel spécifique et
décret du pouvoir central, le processus      nante, la loi donne aux collectivités        les Commissions de fiscalité locale
préparatoire a très sensiblement amé-        locales une certaine autonomie en            décrites ci-dessous.
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                                                                             Le financement du développement urbain durable

     Principaux messages:

     ƒ La décentralisation des responsabilités, si elle doit être effective, doit s’accompagner de celle des ressources
       financières et dans les mêmes proportions.

     ƒ Une autorité robuste et une main d’œuvre capable et dotée des pouvoirs nécessaires sont essentielles à toute
       réforme.

     ƒ Les partenaires du développement peuvent jouer un rôle crucial en atténuant le risque attaché aux titres obliga-
       taires municipaux et en assurant des conditions viables tant pour l’investisseur que pour la ville qui les émet.

     ƒ Lorsque l’on envisage un emprunt obligataire municipal, il est important de s’assurer que la valeur nominale des
       titres est assez faible pour que les citoyens puissent en acheter, ce qui a pour effet de renforcer le contrat social.

     ƒ La conception de projets susceptibles d’attirer des concours bancaires ou financiers externes doit être élargie,
       puisqu’il convient d’équilibrer les aspects ‘‘pro-pauvres’’ et ‘‘pro-rendement’’ des investissements, avec en plus les
       avantages associés aux biens publics.

     ƒ Même sans emprunt obligataire, les réformes de la gestion financière qui visent à renforcer la solvabilité peuvent
       créer des occasions supplémentaires de contracter des crédits préférentiels et commerciaux.

Vue panoramique de la ville depuis le port, Dakar, Sénégal © Shutterstock
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Le financement du développement urbain durable

L’urbanisation : tendances, problèmes et besoins
financiers

Dakar, capitale du Sénégal, est l’un des    nisation du pays n’a pas toujours été       impossible de repousser ses limites
principaux ports de la côte ouest-afri-     positive, bien d’autres villes s’avérant    pour accueillir un exode rural rapide,
caine. Le taux de croissance écono-         incapables de fournir équipements ou        d’où de forts degrés d’encombrement,
mique du pays a été soutenu, à plus         services urbains.7 Par exemple, seuls       de surpeuplement et de hausse des
de 6 pour cent, depuis 2014, et les         37 pour cent des ménages urbains dis-       prix de l’immobilier. Ces contraintes
projections pour l’avenir sont posi-        posent d’un assainissement de base,         ont suscité une impulsion novatrice
tives, notamment du fait du début           et moins de 20 pour cent des villes ont     avec la construction de la ville futu-
de la production pétrolière et gazière      des plans d’urbanisme, pour la plupart      riste de Diamniadio, qui vise à réduire
prévu en 2022.1 Toutefois, les indi-        dépassés ou non appliqués.8                 la pression sur la capitale et à stimuler
cateurs du développement restent                                                        la croissance économique. Située à 40
relativement faibles à Dakar par com-       Depuis l’indépendance en 1960, le           km de Dakar, à mi-chemin de l’aéroport
paraison avec d’autres villes d’Afrique     Sénégal n’a cessé de déléguer aux col-      international Blaise Diagne, la ville
sub-Saharienne. L’indice de dévelop-        lectivités locales les pouvoirs leur per-   nouvelle doit être achevée d’ici à 2035
pement humain (IDH) du Sénégal est          mettant d’améliorer les conditions de       pour un coût de plus de US$2 milliards
de 0,505, plaçant le pays à la 164e         vie de leur population. Le développe-       (financés surtout, en principe, par
place (sur 189), avec un PIB par tête de    ment le plus récent en ce sens, qui en      des Partenariats Public-Privé (PPP)).
l’ordre de US$1 500.2 Ces chiffres sont     2013 a pris la forme de l’Acte III de la    L’objectif est d’en faire un pôle urbain
comparables aux moyennes sub-saha-          Décentralisation (détaillé ci-dessous),     moderne avec des logements pour
riennes de 0.537 et environ US$1 600        a donné une impulsion encore plus pro-      les classes supérieures et moyennes,
respectivement. Le ratio de la dette par    noncée à la redéfinition du rôle impor-     avec université et zone industrielle.10
rapport au PIB est de l’ordre de 65 pour    tant des collectivités locales dans le      Le progrès a été lent. Certains voient
cent, du fait notamment d’un emprunt        pays. La loi a fait passer le nombre        dans ce projet le seul remède aux dif-
obligataire international de quelque        de municipalités de 172 à 557 et leur       ficultés de la capitale, avec en plus un
US$2,2 milliards en 2018.3                  a délégué de nouvelles responsabi-          gros potentiel de création de richesses.
                                            lités afin de renforcer leurs liens avec    D’autres, toutefois, redoutent que le
Avec plus de 45 pour cent de sa             le citoyen et d’égaliser la distribution    projet piège le pays dans un endette-
population vivant en ville, le Sénégal      des ressources. Cette autonomisation,       ment ingérable pendant les prochaines
est plus fortement urbanisé que ses         doublée par le ‘’Plan Sénégal Émergent      années, et lui reprochent d’avoir été
voisins du Sud du Sahara.4 Les projec-      2014-2035’’ du président, vise à donner     conçu sans grand souci pour sa future
tions tablent sur une montée à 60 pour      les moyens et les orientations voulus       population.
cent d’ici 2050, dont plus d’un quart       pour la transformation structurelle de
résidant à Dakar.5 La capitale compte       l’économie du pays sous la forme de
aujourd’hui quelque 1,15 million d’ha-      ‘‘pôles urbains’’ plus productifs. À cet
bitants, et plus du double dans la zone     effet, l’un des objectifs consiste à ren-
métropolitaine. La ville se targue d’être   forcer la mobilisation des ressources
l’une des rares à avoir tiré de la pau-     fiscales, avec pour grande ambition de
vreté ses nouveaux habitants grâce          faire passer le ratio des prélèvements
à sa seule croissance économique.           au PIB de 15 pour cent à 20 pour cent
Dakar contribue à elle seule plus de 55     d’ici 2023.9
pour cent du PIB national, étant le siège
de plus de 80 pour cent des sociétés        La ville de Dakar est contrainte, de
immatriculées et pourvoyant 52 pour         par la géographie, à une étroite pénin-
cent de l’emploi.6 Hormis Dakar, l’urba-    sule sur l’océan Atlantique. Il est donc
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                                                                            Le financement du développement urbain durable

Les finances municipales et la structure de la
gouvernance urbaine

Structures et mission de la                 Guédiawaye, Dakar, Pikine, et Rufisque,     de 2013, d’un degré encore plus poussé
gouvernance urbaine                         ainsi que leurs communes associées.         d’autonomie. Le préfet du département
                                                                                        et le sous-préfet de chaque arron-
Le Sénégal est un pays centralisé: l’État   La Ville de Dakar est à la fois un dépar-   dissement, délégués par le pouvoir
y est régi comme une seule entité où        tement et une commune – donc à la           central, exercent leur contrôle sur les
le gouvernement central est souverain       fois un rassemblement de population         communes pour les maintenir alignées
en dernier ressort, mais avec un cadre      et sa propre entité administrative en       dans le cadre de l’État.
de gouvernance à divers niveaux. Aux        droit, sans hiérarchie entre les deux
niveaux intermédiaires et inférieur on      fonctions. Le département de Dakar          Le Code général du gouvernement
trouve 14 régions et 45 départements,       est divisé en quatre arrondissements        local de 2013 s’appuie sur la loi de
ainsi que 557 communes, ou ‘’com-           – Almadies, Grand Dakar, Parcelles          décentralisation de 1996 et le Code
munes de ville’’. Régions et départe-       Assainies et Plateau/Gorée (centre-         du gouvernement local pour définir
ments ont beau n’être que des délimi-       ville), qui en 1996 ont été subdivisés      les compétences à l’échelon munici-
tations administratives sans pouvoir        en 19 ‘‘communes d’arrondissement’’.        pal.11 Celles-ci comprennent des ser-
politique, les autorités communales         La commune-ville de Dakar a un rôle         vices administratifs tels que le registre
sont élues démocratiquement tous les        de coordination de toutes les activités,    d’état civil, la police, l’aménagement
cinq ans. La Figure 1 montre les quatre     mais chaque commune est dotée d’un          et la voirie urbains, les espaces verts
départements de la région de Dakar, soit    conseil élu et dispose, depuis l’Acte III   et jardins publics, le tourisme, la
                                                                                        construction et la rénovation des loge-
                                                                                        ments et des facilités publiques, l’éclai-
Figure 1: Les communes et départements de la région de Dakar                            rage public, l’instruction et les soins de
                                                                                        santé primaires, les sports, les biblio-
                                                                                        thèques ainsi que la protection sociale
                                                                                        des enfants et de la jeunesse. Le
                                                                                        département détient les mêmes com-
                                                                                        pétences mais la fonction spécifique
                                                                                        de chaque service concerné est diffé-
                                                                                        rente et dépend du périmètre qu’elle
                                                                                        dessert. Par exemple, le département
                                                                                        peut s’occuper de l’enseignement
                                                                                        secondaire, alors que la commune pri-
                                                                                        vilégie plutôt le primaire. Toutefois, le
                                                                                        département va assiste la commune
                                                                                        au cas où elle ne disposerait pas des
                                                                                        capacités voulues. La décentralisation
                                                                                        des compétences se calcule à partir
                                                                                        du coefficient d’équité territoriale
                                                                                        pondéré par la démographie (20 pour
                                                                                        cent), l’emplacement rural ou urbain
                                                                                        (40 pour cent), et la pauvreté (40 pour
                                                                                        cent). En pratique, il en est résulté un
                                                                                        manque généralisé de clarté entre
Source: Sané, Y. (2016)                                                                 villes et départements, ainsi qu’une
8
Le financement du développement urbain durable

fragmentation entre un nombre encore          bénéficiaires. Les rentrées budgétées        les projets à exécuter pendant son
plus élevé de collectivités locales dans      ne sont revenues à leur montant de           mandat, elle n’a aucune maîtrise des
l’aire régionale de Dakar.                    2014 (CFA 67milliards, soit US$111 mil-      ressources qu’elle peut lever pour y
                                              lions) que lors de l’exercice fiscal 2020.   pourvoir. Cela revient, de la part du
Le Code Général impose aussi que les                                                       pouvoir central, à s’arroger le pouvoir
ressources nécessaires à l’exercice de        Avec la centralisation du pouvoir au         décentralisé. Deux représentants du
ces responsabilités soient être mises à       Sénégal, c’est l’État qui a la haute main    pouvoir central, le préfet et le percep-
disposition, et qu’un cadre consultatif       sur la totalité des finances publiques.      teur, ont, eux aussi, leur mot à dire sur
des populations locales soit mis en           Le problème crucial qui en découle est       le processus : l’un, chargé d’approuver
place pour la gouvernance participa-          que c’est lui qui collecte, administre et    le budget et les activités financières ;
tive des projets. Malheureusement, en         dépense la totalité de la masse fiscale      l’autre agissant comme le contrôleur
réalité et comme il se produit dans bon       au nom des collectivités locales. Même       comptable de la Ville.
nombre de villes, la décentralisation         dans les rares cas où le recouvre-
des financements n’a pas suivi celles         ment est local (ainsi, les redevances        La collecte par l’État de toute les res-
des responsabilités fonctionnelles.           de marché), la municipalité remet les        sources financières crée aussi des
Les reformes récentes cherchent à y           fonds à la Direction nationale du Trésor.    contre-incitations autour des paie-
porter remède au moyen d’une unité            Les collectivités locales ne peuvent         ments, du recouvrement et de la dis-
administrative nationale spéciale qui a       avoir de compte en banque que si un          tribution. Par exemple, il n’y a rien pour
pour mandat d’augmenter les recettes          organisme du gouvernement central            inciter le pouvoir central à investir
fiscales locales et de collaborer avec        en est cosignataire. La Direction Géné-      dans l’amélioration du recouvrement,
la population pour renforcer le contrat       rale des Impôts et Domaines (DGID),          puisque ce n’est pas lui qui va en béné-
social. La section consacrée ci-dessous       au Ministère des Finances, est respon-       ficier directement. En outre, ce schéma
à l’amélioration du cadre règlementaire       sable de cette gestion financière.           ne permet guère au contribuable de
pour l’accès au financement se penche                                                      tenir les pouvoirs publics comptables
en détail sur l’état actuel des avancées      Il est néanmoins important de noter          de leurs propres actes, puisque celui
en matière de décentralisation.               qu’en ce qui concerne les recettes           qui recouvre l’impôt n’est pas celui qui
                                              locales recouvrées par chaque                fournit les services, et comme les deux
                                              commune, elles sont conservées               sont étroitement liés l’un et l’autre, il est
Finances municipales : un                     par l’État en leur nom. Au début de          difficile de déceler lequel est défaillant.
aperçu                                        l’exercice fiscal, il est prévu que le
                                              gouvernement central fournisse une           Les recettes d’origine locale compren-
Le problème majeur de Dakar en                avance représentant au minimum 25            nent les taxes immobilières, la Contri-
matière de finances tient à la com-           pour cent du budget proposé par la           bution économique locale (CEL), la taxe
plexité et la confusion autour de la          ville. Cela permet à la municipalité de      sur la collecte des ordures ménagères,
décentralisation fiscale suite à la réal-     fonctionner et de commencer à fournir        les licences commerciales, les loyers
location des services en vertu de l’Acte      des services tandis que la DGID col-         sur le domaine public, les taxes sur la
III. Les rentrées financières de Dakar        lecte les recettes fiscales. Le reste est    publicité et les carburants, et les rede-
ont augmenté durablement, de CFA40            transféré sous forme de ‘‘réels’’ ajustés    vances relatives à l’eau, l’électricité,
milliards (US$68 millions) en 2010 à          une fois collectés; toutefois, cela se       les transports, les services funéraires
CFA60 milliards (US$102 millions) en          fait de manière peu systématique, et         et les télécommunications. L’autorité
2014.12 Toutefois, en 2015, suite à l’en-     certaines parties prenantes notent           à percevoir chaque taxe dépend du
trée en vigueur de l’Acte III, la situation   que l’État donne souvent la priorité à la    périmètre qui lui est assigné : le district
financière de la Ville s’est contractée de    gestion de sa propre trésorerie sur les      de Dakar, par exemple, perçoit la CEL
CFA13 milliards (US$22 millions). La          besoins des collectivités locales.           et la taxe immobilière, alors que les
raison en est que la multiplication du                                                     communes perçoivent les redevances
nombre de communes entraînait à la            Le problème de ce système décen-             de marché et de collecte des déchets.
fois des coûts de fonctionnement plus         tralisé est le manque d’autonomie            Comme déjà mentionné, le produit est
élevés, et une répartition des recettes       de la Ville. Elle a beau être habilitée      immédiatement placé sous la garde du
locales entre un plus grand nombre de         à préparer son budget et à concevoir         pouvoir central.
9
                                                                                          Le financement du développement urbain durable

Figure 2: Ressources de fonctionnement de la Ville de Dakar, budget 2020                            n’avait pas encore reçu les fonds dus
                                                                                                    en janvier.
                           2% 1%
                                                                                                    En sus de ces rentrées fiscales locales
        1%         9%                                                                               détenues par lui, le pouvoir central
                                                                                                    contribue aux budgets locaux à travers
                                                            Household Waste Removal Tax             deux principaux canaux : le Fonds de
                                                            Rent from Public Properties             dotation de la décentralisation (FDD)
       17%                                                                                          et le Fonds d’équipement des collec-
                                                            Business Licenses
                                                            Local Economic Contribution             tivités locales (FECL) qui transfère
                                             70%
                                                            Property Tax                            5,5 pour cent de la TVA.14 Au budget
                                                            Other
                                                                                                    2020, le FDD contribue CFA165 mil-
                                                                                                    lions (US$270 000) et le FECL CFA850
                                                                                                    millions (US$1,42 million). En outre, le
                                                                                                    pouvoir central alloue des ressources
                                                                                                    pour l’exécution de missions telles
                                                                                                    que l’instruction et la santé au titre du
Source: Budget 2020 de la Commune de Dakar
                                                                                                    Budget consolidé d’investissement
                                                                                                    (BCI). Les collectivités locales reçoivent
Le total des ressources de fonctionne-             hauteur de 17 pour cent, sont une des            aussi des remboursements de la taxe
ment de Dakar inscrit au budget                    sources le plus prometteuses pour                annuelle sur les véhicules, de la taxe sur
2020 se monte à CFA42 milliards                    toute augmentation éventuelle des                les produits pétroliers (50 pour cent) et
(US$70 millions), dont CFA10 milliards             recettes fiscales. Les taux actuels              des mutations foncières-immobilières
(US$17millions) reportés au titre de               de recouvrement sont très inférieurs             (50 pour cent de la plus-value).
surplus de l’exercice précédent. La CEL,           au potentiel, de l’ordre de 20 pour
prélevée sur les entreprises, est la prin-         cent de ce que l’on serait en droit              Les contributions du pouvoir central
cipale contribution aux ressources de              d’attendre avec une robuste réforme              sont allouées selon des clefs de répar-
fonctionnement de Dakar, représentant              de l’administration.13                           tition bien définies, en favorisant les
70 pour cent, soit CFA23 milliards                                                                  collectivités moins riches pour mieux
(US$38 millions) des ressources col-               Dakar bénéficie d’environ 80 pour cent           égaliser les ressources, vu la prédo-
lectées dans le budget 2020. La CEL                de toutes les recettes fiscales locales          minance économique de Dakar. Il en
se calcule sur la base de la valeur loca-          (ce qui s’explique largement par le fait         résulte que pour Dakar, ces contri-
tive annuelle des locaux commerciaux               que la ville concentre 68 pour cent              butions du pouvoir central dans leur
et de la taxe à la valeur ajoutée (TVA)            de l’activité économique nationale).             ensemble ne représentent qu’une
de l’année précédente. Cette contribu-             Toutefois, les ressources ainsi                  proportion minuscule du budget –
tion n’est levée que depuis la mise en             allouées restent très notablement                beaucoup moins qu’un pour cent. Le
œuvre de l’Acte III, en remplacement               inférieures au potentiel des rentrées            pouvoir central apporte aussi son
de la patente, et vise à assurer que les           fiscales. Comme mentionné plus haut,             appui à travers le Programme National
prélèvements sur l’activité économ-                cela s’explique surtout par l’absence            de Développement Local (PNDL) et
ique reflètent davantage leur situation            d’incitations, de la part du pouvoir             l’Agence de Développement Municipal
géographique. Le passage de la patente             central, à renforcer la discipline fiscale       (ADM). Tous les deux sont placés sous
à la CEL aura, en fin de compte, réduit            et les taux de recouvrement. En outre,           l’égide du Ministère des Collectivités
les recettes fiscales de Dakar. La Figure          il arrive souvent que le pouvoir central         territoriales, du développement et de
2 ci-dessous montre la répartition des             fournisse les rôles fiscaux en retard,           l’aménagement des territoires, et ont
recettes ordinaires de Dakar figurant au           au milieu de l’exercice fiscal, et il est        été mis en place pour soutenir les plus
budget 2020.                                       connu pour accorder des exceptions               petites des communes.
                                                   à de tierces parties sans consulter les
Les taxes foncières et immobilières,               collectivités locales. Ainsi, à la date de       L’ADM, en particulier, permet au
qui ne concourent au budget total qu’à             juillet 2019, la municipalité de Dakar           pouvoir central de coordonner la levée
10
Le financement du développement urbain durable

de fonds auprès de divers donateurs         les prêts internationaux, comme ceux          de la Ville, même si les procédures
et de les allouer à certaines com-          de la Banque africaine de développe-          de marchés publics sont assurées à
munes désignées. Le pouvoir central         ment, de la Banque des États d’Afrique        l’échelon local.
administre en leur nom le processus         de l’Ouest et du Programme urbain
d’investissement, évitant aux com-          de la Société financière internationale       S’agissant des dépenses d’investisse-
munes d’avoir à négocier avec des           (SFI), ont pris une part de plus en plus      ment, la Figure 3 ci-dessous montre
partenaires privés, particulièrement        importante dans le financement des            que la Ville de Dakar en consacre une
celles qui n’ont ni les capacités ni les    infrastructures de la ville. Ces prêts        très large part (69 pour cent) à la voirie
structures voulues pour solliciter les      se montent actuellement à un total de         avec CFA17 milliards (US$28 millions).
marchés internationaux. Toutefois,          CFA1,9 milliard (US$3,2 millions), mais       Ce poste est suivi par l’équipement
cela les prive d’une partie de leur auto-   le chiffre varie beaucoup d’une année         administratif et de grande dimension
nomie puisque c’est le pouvoir central      à l’autre, entre la fin de certains projets   avec CFA2,5 milliards (US$4,2 mil-
qui prend les décisions et les projets      et le début d’autres. En outre, les par-      lions) et l’instruction, la jeunesse, la
sont simplement ‘‘placés’’ dans la          tenariats avec le secteur privé, que la       culture et les sports avec CFA2,4 mil-
commune désignée. Dans l’idéal, les         loi autorise à concourir à hauteur de 33      liards (US$4 millions).
communes devraient avoir leur rôle à        pour cent dans un projet donné, sont
jouer afin de développer leurs propres      en train de devenir une modalité très         Quant aux dépenses de fonctionne-
capacités techniques dans la gestion        prisée d’investissement dans les acti-        ment, elles sont très largement domi-
et l’entretien de projets.                  vités à haut rendement fiscal. Depuis         nées par les traitements du cabinet du
                                            2012, l’État a aussi mis en place un          maire et du Secrétariat qui en absor-
Bien que les collectivités locales aient    fonds de garantie pour soutenir l’in-         bent plus du tiers avec CFA7,2 milliards
une petite marge d’autonomie dans           vestissement privé, qui comprend le           (US$12 millions). Ce poste est suivi
le recouvrement de certaines taxes          Fonds de garantie de l’investissement         par celui de l’instruction, la jeunesse, la
locales, telles que celles sur la col-      prioritaire (FONGIP) et le Fonds de           culture et les sports avec CFA3,3 mil-
lecte des déchets et les redevances         soutien à l’investissement souverain          liards (US$5,5 millions), soit 16 pour
de marché, la seule véritable source        (FONSIS).15                                   cent, et celui de l’entretien de la voirie,
d’autonomie tient aux financements                                                        des squares et jardins publics avec
externes fournis par les partenaires du     Aperçu des dépenses                           CFA2,3 milliards (US$4 millions), soit
développement et le secteur privé. Au                                                     11 pour cent du total des dépenses.
Sénégal, les collectivités locales sont     Au Sénégal, la dépense des collec-            La Table 1 présente les dépenses de
autorisées à emprunter directement          tivités locales est faible comparée           fonctionnement inscrites au budget de
auprès de quelque source que ce soit,       à celle du secteur public dans son            l’exercice fiscal 2020.
avec cette seule restriction que les        ensemble, représentant juste un peu
ressources dégagées à l’échelon local       plus de 1 pour cent du PIB et moins
doivent subvenir aux dépenses ordi-         de 4 pour cent du total de la dépense
naires et à l’apurement de la dette en      publique du pays.16 S’agissant de la
souffrance. Les grandes villes, comme       dépense locale dans son ensemble,
Dakar, ont les capacités pour le faire,     75 pour cent vont aux dépenses de
mais cela peut renforcer les inégalités     fonctionnement et 25 pour cent à
avec les autres communes.                   l’investissement, et il en est de même
                                            à Dakar. Toutefois, les coûts de fonc-
Les difficultés dans l’allocation des       tionnement relativement élevés ont
recettes fiscales propres ont été l’une     laissé un retard d’investissement d’un
des principales raisons pour lesquelles     montant moyen de CFA3,4 milliards
la Ville de Dakar s’est tournée vers des    (US$5,7 millions) par an entre 2008 et
intermédiaires financiers pour trouver      2014.17 Voilà qui entrave la capacité de
une source plus sûre de financement.        développement de la ville. Il convient
Bien que l’émission obligataire prévue      de rappeler que c’est le pouvoir central
en 2014 n’ait finalement pas abouti,        qui régit toutes les dépenses au nom
11
                                                                                        Le financement du développement urbain durable

Figure 3: Dépenses d’investissement de la Ville de Dakar, budget 2020

                                               10%
                                          4%
                                                                        Équipement
                                     5%                                  Voirie
                                                                         Protection contre catastrophes
                                 10%                                     Infrastructure commerciale

                        1%                                               Santé, hygiène, social
                                                                         Instruction, jeunes, culture & sports
                       0%
                                                                         Opérations financières
                          1%                         69%
                                                                         Information et recherche

Source: Budget 2020 de la Commune de Dakar

Table 1: Dépenses de fonctionnement de la Ville de Dakar, budget 2020

 Operational expenses                                      Value                                                 % of Total
 Dette, redevances, assurance                              CFA 772,500,000                                       3.7%
 Quote-parts et contributions                              ClrA 1,350,000,000                                    6.5%
 Cabinet du Maire, Secrétariat Général                     CFA 7,175,779,1630                                    34.5%
 Réceptions et cérémonies                                  CFA 926,329,538                                       4.5%
 Revenus municipaux                                        CFA 228,892,773                                       1.1%
 Service municipal de collecte                             CFA 537,945,963                                       2.6%
 Abattoirs, halles et marchés                              CFA 25,687,373                                        1%
 Biens communaux                                           CFA 136,000,000                                       0.7%
 Protection/accidents                                      CFA 14,500,000                                        0.1%
 Voirie, squares et jardins                                CFA 2,341,950,074                                     11.2%
 Eau, nettoiement, assainissement                          CFA 205,728,369                                       1%
 Ateliers et garages                                       CFA 799,496,481                                       3.8%
 Éclairage public                                          CFA 159,500,000                                       0.8%
 Instruction, jeunesse, culture & sport                    CIFA 3,280,331,497                                    15.8%
 Santé, hygiène, affaires sociales                         CFA 1 397,071,523                                     6.7%
 Autres                                                    CFA 1,477,915,435                                     7.1%

Source: Budget 2020 de la Commune de Dakar
12
Le financement du développement urbain durable

Les réformes entreprises pour renforcer la situation
financière de la Ville

Renforcement                                   voquer l’installation, en 2012, d’une         On apprenait au fil de l’expérience,
de la capacité de                              équipe spécialisée et très compé-             mais il fallait aussi des formations
gestion financière et                          tente. Sous le nom de Programme               particulières. Le centre de formation
d’investissement                               pour les finances municipales de              de l’Agence française de dévelop-
                                               Dakar (PFMD), elle restait à part des         pement (AFD) à Marseille a permis
Nombre des réformes entreprises                services municipaux et se composait           de développer les capacités, qu’il
par la municipalité de Dakar l’ont été         de quatre professionnels sénégalais           s’agisse de la gouvernance urbaine
suite à l’élection du maire, M. Sall,          et d’un expert externe.18 Elle exerçait       ou de la gestion financière. Les parte-
l’un des chefs du parti d’opposition,          aussi ses fonctions en dehors des             nariats et les échanges d’expérience
en 2009. Il avait de grands projets de         contraintes ordinaires de la bureau-          avec d’autres villes ont aussi joué un
transformation mais s’est heurté à             cratie et n’était comptable que devant        rôle important – l’équipe a effectué
l’insuffisance des ressources. Comme           le maire, auquel elle avait accès direct.     deux voyages d’étude, l’un à Douala
mentionné plus haut, les finances là                                                         (Cameroun) et l’autre à Johannes-
non plus n’étaient pas au pouvoir de           La préparation d’un emprunt obliga-           burg (Afrique du Sud), deux villes qui
la mairie, ce qui ne laissait que de très      taire et la collaboration avec les institu-   avaient déjà émis des obligations
rares possibilités d’augmenter les res-        tions financières internationales sont        municipales. Ces voyages ont fourni à
sources disponibles. La nécessité fut          des exercices compliqués, surtout             l’équipe les connaissances de fond lui
donc là mère de l’invention: l’équipe du       sans expérience préalable et dans un          permettant de comprendre le fonction-
maire s’est vu assigner pour tâche la          domaine où les précédents sont rares.         nement du marché financier et d’an-
recherche de financements externes,            Sur le moment, les partenaires du             ticiper les chausse-trappes qui pour-
notamment les prêts internationaux             développement soutenant Dakar ont             raient se présenter.
et la possibilité d’une émission obliga-       voulu faire appel à l’expertise externe.
taire municipale. Toutefois, afin de ren-      Mais le maire n’était pas disposé à le        Vision à long terme et
forcer les moyens financiers et la solv-       permettre tant que l’équipe interne           planification stratégique
abilité à long terme de la Ville, il fallait   de la municipalité n’avait pas élaboré
au préalable s’assurer que le système          elle-même un plan stratégique con-            Avant 2009, la Ville de Dakar ne dispo-
de recettes et de dépenses était par-          forme à sa vision, comme détaillé plus        sait d’aucun document de planification
faitement sain. Cela passait par la con-       bas. C’est seulement une fois établi le       stratégique. Ce manque de vision par-
stitution d’une équipe qualifiée et bien       socle nécessaire qu’il a été fait appel       tagée constituait un sérieux obstacle
formée, la mise au point d’une vision et       à l’expertise externe pour renforcer          à la coordination des investissements.
d’un plan stratégique, et une meilleure        les capacités. Une fois fixée la vision       Par conséquent, l’une des premières
efficacité des mécanismes financiers           interne, l’équipe responsable du projet       initiatives du nouveau maire aura été
municipaux.                                    a été en mesure de mettre sur pied            la création d’un service du plan et
                                               un groupe de travail très compétent           de l’aménagement urbain, chargé de
Une équipe responsable et                      qui rassemblait tant des techniciens          mettre au point une stratégie de déve-
autonome                                       municipaux que des experts externes.          loppement crédible.19 Ce document
                                               Cette équipe transversale inter-gou-          d’orientation stratégique (DOS) aura,
Au début, le service financier et comp-        vernementale et multisectorielle a            de fait, précisé la vision ainsi que les
table de la Ville a entrepris de moder-        formé ce qu’on a fini par appeler un          valeurs, les engagements, les rôles et
niser les systèmes financiers. Tou-            observatoire doté d’un objectif unique        responsabilités de la Ville de Dakar, l’ob-
tefois, des moyens limités se sont             : mettre au point un projet tangible          jectif étant de faire de celle-ci la capitale
combinés à une énorme charge de                qui mériterait les concours financiers        économique et culturelle de l’Afrique de
travail et à l’immobilisme pour pro-           externes.                                     l’Ouest. Pour ce faire, le DOS a fixé des
13
                                                                                 Le financement du développement urbain durable

buts stratégiques bien précis doublés            de conseil aux infrastructures public-     La petite équipe du Programme de
d’objectifs intermédiaires bien définis          privé (PPIAF), qui dépend de la Banque     finance municipale (PFMD) a aussi
tant à moyen terme (2012-2017) qu’à              mondiale, était présent à Dakar depuis     mis à profit la formation reçue dans le
long terme (jusqu’en 2025).                      2008, connu d’abord sous le nom de         travail de préparation de l’emprunt obli-
                                                 Programme de responsabilité finan-         gataire, soutenue par une subvention
Le plus difficile allait être de mettre          cière et de dépense publique (PEFA).       de la Fondation Bill et Melinda Gates.
ces projets stratégiques en accord               Comme son nom l’indique, le SNTA           C’est un effort bien coordonné qui s’est
avec le budget municipal, étant donné            fournit l’assistance technique voulue      attaché à la conception et la mise en
la dépendance par rapport au pouvoir             pour développer les compétences            place de méthodes de gestion finan-
central concernant la collecte et la             en matière de gestion des finances         cière et budgétaire adaptées, visant à
dépense des recettes fiscales. De                publiques, l’exécution des transactions    donner à la municipalité les moyens
l’impossibilité pour la ville de prévoir         financières liées à la dette et autres     d’analyser elle-même les recettes, les
précisément le moment où les rec-                fonctions fondamentales propres            dépenses, les flux de trésorerie et les
ettes seraient mises à disposition par           à améliorer une éventuelle note de         actifs. L’équipe a mis au point un cadre
le pouvoir central découlait la difficulté       crédit. En 2019, le Sénégal est devenu     qui s’appuie sur les recettes fiscales
à planifier les déboursements liés aux           l’un des treize pays du Sud du Sahara      (assiette et recouvrement), la gestion
projets d’investissement et de faire             (soit moins de 30 pour cent du total)      financière (particulièrement celle des
correspondre les flux de dépenses                dont une entité infranationale parti-      coûts), la planification pluriannuelle
avec ceux des recettes.                          cipait au SNTA. De plus, Dakar était       de l’investissement et la gestion des
                                                 l’une des neuf autorités infranatio-       marchés publics, afin d’améliorer les
L’amélioration du fonctionnement                 nales à avoir rendu publics leurs audits   systèmes utilisés par le personnel.
                                                 et évaluations, ce qui ne pouvait que      On en trouvera plus bas un exposé
Le Programme infranational d’assis-              contribuer à la confiance des investis-    détaillé.
tance technique (SNTA) de la Facilité            seurs.20

Une rue animée à Dakar, Sénégal © Shutterstock
14
Le financement du développement urbain durable

Réaliser le potentiel                       un millier supplémentaire de réver-         moins élevés, a renforcé la confiance
d’investissement pour                       bères à énergie solaire. Le prêt com-       dans la capacité de la Ville à attirer
améliorer les infrastructures               portait des conditions avantageuses,        les concours externes. Toutefois, les
                                            avec un taux d’intérêt de 2,23 pour         concours des banques de dépôts sont
L’accès au financement des infrastruc-      cent et une période de grâce (différé       limités à CFA10 milliards (US$17 mil-
tures ne va pas de soi pour bien des        d’amortissement) de 7 ans. Cela a           lions) assortis de courtes échéances
villes des pays en développement.           donné l’occasion à la Ville de franchir     et de plusieurs autres conditions, ce
Hormis les contraintes règlementaires       les étapes obligées successives de          qui les rend impraticables pour des
au niveau national, on le doit avant tout   l’élaboration du projet, de la structura-   investissements plus importants et
au manque de moyens de gestion de           tion de la dette puis du paiement des       à plus long terme.23 Dans ces condi-
la trésorerie et des passifs, des anté-     échéances dans un contexte général          tions, un emprunt obligataire muni-
cédents de crédit presque inexistants       dépourvu de tension. Ce faisant, la         cipal était la solution la mieux adaptée.
et l’absence tant de planification stra-    Ville a développé son expérience
tégique que d’une administration com-       dans le renforcement de ses propres         Les emprunts obligataires
pétente.21 Il en allait de même pour        systèmes et moyens. Cela lui a aussi        municipaux
Dakar jusqu’à ce que, comme décrit          donné l’occasion de prouver aux tiers
ci-dessus, une robuste autorité direc-      sa solvabilité et donc sa capacité à        C’est vers la fin de 2011 que la Ville de
trice et l’assistance externe mette la      attirer les concours externes.              Dakar a commencé à se demander si
Ville en mesure d’améliorer sa solvabi-                                                 une émission obligataire municipale
lité jusqu’à être éligible au crédit tant   Suite au succès du prêt de l’AFD, la        ne serait pas un bon moyen de financer
concessionnel que commercial.               Ville de Dakar a emprunté en 2012           ses projets à venir. On espérait que
                                            auprès de la Banque ouest-africaine         cela mettrait la Ville en mesure d’em-
La Ville bénéficiait en plus, au titre de   de développement puis, à des condi-         prunter d’un coup un montant impor-
la loi sénégalaise de décentralisation      tions un peu plus onéreuses, un prêt        tant à un coût inférieur à celui des
de 1996, de l’autorisation donnée aux       pour la condition de routes et d’aires      banques de dépôts et avec davantage
collectivités locales de s’endetter aux     de stationnement. Le prêt se montait à      de souplesse qu’un prêt concessionnel.
fins d’investissement auprès d’institu-     US$18 millions à échéance de 13 ans         C’était aussi un moyen de démontrer
tions financières et ce, sans interven-     portant intérêt de 5,5 pour cent avec       que la Ville avait confiance dans sa
tion du pouvoir central. Cela a permis      une période de grâce de trois ans.          capacité à gérer des investissements
aussi à la Ville de se trouver tout près                                                importants générateurs de revenus. Un
de lancer l’un des premiers emprunts        Les prêts commerciaux                       examen minutieux de la Constitution
obligataires municipaux du continent                                                    et des consultations d’experts et de
africain, ce qui était particulièrement     Le succès du prêt de l’AFD aura aussi       fonctionnaires nationaux ont permis
pertinent vu son manque de maîtrise         servi de préalable à l’obtention par la     de conclure qu’un emprunt obligataire
sur les autres sources de revenus et        Ville de quelques prêts commerciaux         à l’échelon municipal était conforme à
le besoin corollaire de diversifier ses     de montants moindres, quoiqu’à des          toutes les exigences juridiques.
ressources.                                 conditions plus strictes et à des taux
                                            d’intérêt supérieurs. Après, en 2011, un    La Fondation Bill et Melinda Gates a
Les prêts concessionnels                    prêt de la Banque islamique de déve-        joué un rôle décisif pour faire de cette
                                            loppement (US$4 millions, trois ans,        idée une réalité. Suite à une allocution
Grâce aux réformes menées au titre          8,5 pour cent) pour l’acquisition de feux   du maire, M. Sall, lors d’une conférence
du Programme de responsabilité              de signalisation, s’est ajouté en 2012      internationale, la Fondation a com-
financière et de dépense publique           un prêt de l’Ecobank du Sénégal (US$7       mencé par accorder une ‘‘subvention de
(PEFA) décrites ci-dessus, la Ville s’est   millions, cinq ans, 9 pour cent, période    cadrage’’ d’un montant de US$500 000
trouvée en 2009 en mesure d’obtenir         de grâce de deux ans) pour la recons-       pour l’étude de faisabilité. Elle a estimé
de l’AFD son premier prêt conces-           truction d’un marché dans le centre.22      que Dakar avait le potentiel voulu au
sionnel ‒ US$12 millions à 20 ans ‒                                                     vu de son Document d’orientation stra-
pour financer la rénovation de l’éclai-     La capacité à emprunter aux taux du         tégique, avec une équipe très compé-
rage public tout en investissant dans       marché, même pour des montants              tente et de robustes antécédents en
15
                                                                                  Le financement du développement urbain durable

en matière de prêts internationaux.24          Il a été demandé dès les début à               trant les agences de crédit et autres
L’émission obligataire avait pour              l’agence internationale de notation            services liés au marché et utilisés par
objectif d’améliorer les conditions de         Moody’s d’attribuer à titre confiden-          les vendeurs, l’objectif étant de faciliter
vie des citadins pauvres en mobilisant         tiel une note de crédit à la Ville. Elle a     les affaires et l’accès au financement.
le marché régional des capitaux, et elle       servi de référence à l’aune de laquelle        La Figure 4 ci-dessous montre à quoi
serait l’occasion de mettre à l’épreuve        mesurer les progrès avant l’obtention          devait ressembler le bâtiment.
le mécanisme obligataire municipal             de la note publique officielle tout en
en vue de le répliquer pour financer le        fournissant une feuille de route pour          Le marché couvert s’inscrivait aussi
développement dans d’autres villes afri-       d’autres avancées. Des postes décisifs         dans une stratégie de réaménagement
caines. Bien que, finalement, l’émission       comme ‘‘qualité de l’enregistrement et         du centre-ville afin de détourner l’activité
n’ait pas eu lieu en raison de complica-       des compte rendus financiers relatifs          hors du centre où les vendeurs ambu-
tions dans le processus d’approbation          à la dette’’ et ‘‘ampleur et fréquence         lants exacerbaient les embouteillages.
du pouvoir central, l’exercice aura, en        de l’analyse de l’étendue et de la fré-        La Banque mondiale a estimé que ce
définitive, amélioré la situation finan-       quence de l’analyse du caractère               double phénomène – vendeurs ambu-
cière de la Ville.                             soutenable de la dette’’ ont reçu les          lants, embouteillages – coûte chaque
                                               notes faibles de D et C respective-            année CFA108 milliards (US$216 mil-
1. Faire reconnaître la solvabilité            ment. Le travail de réforme s’est donc         lions) en pertes de revenu.28 L’intégra-
                                               concentré sur ces deux éléments. Une           tion de parkings dans le bâtiment visait
L’élément fondamental des prépara-             agence de notation locale, Bloom-              à réduire le trafic ralenti associé à la
tifs de l’emprunt obligataire a consisté       field, a ensuite été engagée pour cal-         vente ambulante ainsi que le stationne-
à en établir le socle en renforçant la         culer une note de suivi. En septembre          ment sauvage des automobilistes qui
solvabilité. Cela a amplifié les progrès       2013, Dakar a reçu la note A3 pour la          se fournissaient auprès des vendeurs
accomplis au titre du Programme de             dette à court terme (ainsi considérée          ambulants.
responsabilité financière et de dépense        comme ‘‘valeur de placement’’) et celle
publique (PEFA), ainsi que l’expérience        de BBB+ à long terme.25 Son rapport            Le coût prévu du projet se montait à
acquise dans la gestion de prêts tant          d’évaluation a montré que, par com-            US$40 millions, dont 25 pour cent pour
concessionnels que commerciaux.                paraison avec l’année précédente, les          l’acquisition du terrain et 75 pour cent
Toutefois, investir année après année          recettes avaient augmenté, les coûts           pour la conception et la construction
dans le renforcement de la capacité            de fonctionnement avaient baissé, et           du bâtiment.29 Il est à noter que, les
à attirer des concours externes peut           les échéances des prêts étaient bien           redevances de marché étant l’une des
devenir difficile à justifier pour la ville,   honorées, d’où un excédent du budget           rares sources de recettes collectées
les retombées favorables pour le               d’ensemble.26                                  par la Ville de Dakar, celle-ci la maîtri-
public n’intervenant qu’à long terme, ce                                                      sait mieux, notamment en rapport avec
qui laisse une marge minime pour les           2. Attirer les concours externes               le remboursement des investisseurs.
gains politiques à court terme. La Fon-        dans un projet
dation Bill et Melinda Gates, puis à son                                                      Toutefois, certaines parties prenantes
tour la Cities Alliance, ont donc joué         Le projet imaginé en rapport avec l’em-        ne croyaient pas au succès du marché
un rôle crucial avec leurs subventions.        prunt obligataire municipal portait sur        couvert: les vendeurs ambulants en
La Fondation a fait suivre sa ‘‘subven-        un marché couvert destiné au com-              trouveraient le coût trop élevé, et cet
tion de cadrage’’ d’une ‘‘subvention           merce local. Il était désigné comme ‘’la       espace fermé qui les regrouperait
d’exécution’’ de US$5 millions pour un         zone commerciale Petersen’’ et devait          tous les priverait de ce qui donne son
programme de six ans (2011-2017)               s’étendre sur 10 hectares à l’extrémité        ressort même à leur métier : la mobi-
permettant à la Ville de renforcer ses         nord de la commune de Dakar-Pla-               lité et la souplesse voulues pour appro-
systèmes de gestion financière, de             teau.27 Il devait être à la fois sûr et d’un   cher le client. Faute de demande de la
modifier son approche de la planifi-           coût abordable, avec des installations         part des vendeurs, le marché ne serait
cation et d’améliorer la perception par        servant plus de 4 000 vendeurs ambu-           pas en mesure de dégager les sources
les investisseurs de sa solvabilité et sa      lants. Le rez-de-chaussée était destiné        de recettes requises pour le rembour-
capacité à attirer des concours finan-         à des éventaires et kiosques subven-           sement de l’emprunt. Pour prévenir cet
ciers externes.                                tionnés, les étages supérieurs concen-         obstacle, la Ville a décidé d’interdire la
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