Renforcer les finances municipales : l'expérience de Dakar - Le financement du développement urbain durable - UN-Habitat
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Le financement du développement urbain durable ETUDE DE CAS 3 Renforcer les finances municipales : l’expérience de Dakar
À propos de la présente initiative Le soutien à la dimension urbaine de la coopération du développement: Renforcer la situation financière des villes des pays en développement pour parvenir à un développement urbain durable La présente initiative répond à une demande du Parlement Européen. Elle est mise en œuvre par la Commis- sion Européenne et ONU-Habitat, avec le soutien de l’International Growth Centre. Ces partenaires recensent les mesures propres à mobiliser le financement du développement urbain à tous les échelons des pouvoirs publics. Cela s’est fait à travers des études de cas menées à Dakar (Sénégal), Hargeisa (Somaliland, Somalie), Kampala (Ouganda), Kisumu (Kenya) et Mzuzu (Malawi), des entretiens avec des experts et des praticiens ainsi que la litté- rature empirique. L’initiative s’appuie sur un Groupe Consultatif, présidé par sir Paul Collier, professeur à l’Univer- sité d’Oxford, qui regroupe des représentants de la Banque Européenne d’Investissement, de la Banque Africaine de Développement, du Capital Development Fund de l’ONU, de la Commission Économique pour l’Afrique de l’ONU, ainsi que de Cités et Collectivités Locales Unies.
3 Le financement du développement urbain durable ETUDE DE CAS 3 Renforcer les finances municipales : l’expérience de Dakar Auteurs: Victoria Delbridge, Khady Dia Sarr, Oliver Harman, avec Astrid Haas et Tony Venables Table des matières Résumé................................................................................................................................................4 Principaux messages:...............................................................................................................5 L’urbanisation : tendances, problèmes et besoins financiers..........................................................6 Les finances municipales et la structure de la gouvernance urbaine.............................................7 Structures et mission de la gouvernance urbaine . ................................................................7 Finances municipales : un aperçu............................................................................................8 Les réformes entreprises pour renforcer la situation financière de la Ville ................................ 12 Renforcement de la capacité de gestion financière et d’investissement .......................... 12 Réaliser le potentiel d’investissement pour améliorer les infrastructures......................... 14 Captage des valeurs foncières et du capital improductif.................................................... 19 Améliorer l’environnement règlementaire pour l’accès à la finance................................... 22 Leçons, facteurs de succès et priorités pour une future réforme................................................ 25 Leçons et facteurs de succès . ............................................................................................. 25 Priorités pour la réforme aujourd’hui et demain . ................................................................ 26 Bibliographie.................................................................................................................................... 28 Remerciements La présente étude de cas fait partie de la série intitulée ‘‘Comment renforcer les finances municipales’’. La matière de la présente étude de cas s’appuie sur des entretiens et des recherches en ligne conduits entre mai 2019 et mars 2020. Pour leurs contributions, nous remercions les fonctionnaires de la Municipalité de Dakar; le Capital Development Fund des Nations Unies (UNCDF); la Délégation au Sénégal de la Commission européenne; la Direction Générale des Impôts et Domaines (DGID) du Sénégal, Bureau de recouvrement local; le J-PAL (Abdul Latif Jamel Poverty Action Lab); l’Agence américaine du développement international (USAID) et son programme de financement de l’eau, de l’assainissement et de l’hygiène (WASH-FIN); l’Université de Californie à Berkeley; le Conseil exécutif du transport urbain à Dakar (CETUD); le Maire de Dieuppeul-Derkle; City Resilience; et la Banque africaine de développement (BAfD).
4 Le financement du développement urbain durable Résumé Dakar est l’une des rares villes afri- lioré les capacités de gestion finan- matière d’endettement. De sorte que caines qui se soit trouvée tout près de cière et la solvabilité de la Ville. En ce lorsque M. Sall a pris ses fonctions de lancer un emprunt obligataire muni- sens, Dakar ressent encore les bien- maire de Dakar sur un grand projet de cipal sur le marché des capitaux. Ini- faits de cette aventure, ayant réussi à changement, la seule possibilité qui tialement prévue pour 2014 et d’un obtenir un certain nombre de crédits s’offrait et dont la Ville eût le contrôle montant de US$40 millions, l’opération commerciaux et de prêts à des condi- n’était autre que l’endettement. Cette était destinée à financer un nouveau tions préférentielles. Le processus indépendance consacrée en droit marché couvert pour abriter les petits a aussi approfondi les rapports de la explique aussi pourquoi le décret vendeurs ambulants. Le marché aurait municipalité avec les résidents – vu empêchant l’émission a été si vive- regroupé plus de 4 000 d’entre eux, la faible valeur nominale des titres ment contesté. l’objectif étant de les faire passer de la obligataires, les vendeurs ambulants voie publique à une enceinte centrale et étaient très nombreux à souscrire. La situation de la Ville de Dakar montre sûre où vendre leur marchandise avec bien l’importance que revêt le contexte accès direct aux agences bancaires et Le recours à un emprunt obligataire politique pour la conduite de toute autres services du marché. Les parte- s’expliquait en partie par le manque réforme innovante, ainsi que la néces- naires du développement, dont la Fon- de maîtrise de la Ville sur ses propres sité qui s’impose au pouvoir central de dation Bill et Melinda Gates, la Banque finances. La loi rectificative de décen- comprendre que la réussite des villes mondiale (service de conseil pour les tralisation la plus récente, l’Acte III de est de son intérêt bien compris. Tel est infrastructures en partenariat public- la Décentralisation (2013), a beau avoir tout particulièrement le cas à Dakar, privé (PPIAF)), Cities Alliance et USAID, délégué de nombreuses responsabi- puisque ses finances sont adminis- ont joué un rôle crucial pour assurer la lités à l’échelon local, les ressources trées par le pouvoir central. Or il se viabilité de l’emprunt, qu’il s’agisse des financières nécessaires à l’exercice trouve que celui-ci commence main- frais nécessaires pour établir et faire de ces nouvelles fonctions n’ont pas tenant à se soucier de l’amélioration reconnaître la solvabilité interne, ou de suivi. Au Sénégal, en fait, l’intégralité des finances des collectivités locales ; l’expertise et des garanties propres à des revenus et des dépenses des col- cela concerne avant tout la taxation réduire le risque. lectivités locales passe par le pouvoir foncière et immobilière, mais aussi central, ne laissant guère de place ni une meilleure coordination entre les Bien que le lancement de l’emprunt ait d’incitations à la réforme des finances. différentes parties prenantes à travers été empêché au dernier moment par En dépit de quoi, et de manière surpre- un service ministériel spécifique et décret du pouvoir central, le processus nante, la loi donne aux collectivités les Commissions de fiscalité locale préparatoire a très sensiblement amé- locales une certaine autonomie en décrites ci-dessous.
5 Le financement du développement urbain durable Principaux messages: La décentralisation des responsabilités, si elle doit être effective, doit s’accompagner de celle des ressources financières et dans les mêmes proportions. Une autorité robuste et une main d’œuvre capable et dotée des pouvoirs nécessaires sont essentielles à toute réforme. Les partenaires du développement peuvent jouer un rôle crucial en atténuant le risque attaché aux titres obliga- taires municipaux et en assurant des conditions viables tant pour l’investisseur que pour la ville qui les émet. Lorsque l’on envisage un emprunt obligataire municipal, il est important de s’assurer que la valeur nominale des titres est assez faible pour que les citoyens puissent en acheter, ce qui a pour effet de renforcer le contrat social. La conception de projets susceptibles d’attirer des concours bancaires ou financiers externes doit être élargie, puisqu’il convient d’équilibrer les aspects ‘‘pro-pauvres’’ et ‘‘pro-rendement’’ des investissements, avec en plus les avantages associés aux biens publics. Même sans emprunt obligataire, les réformes de la gestion financière qui visent à renforcer la solvabilité peuvent créer des occasions supplémentaires de contracter des crédits préférentiels et commerciaux. Vue panoramique de la ville depuis le port, Dakar, Sénégal © Shutterstock
6 Le financement du développement urbain durable L’urbanisation : tendances, problèmes et besoins financiers Dakar, capitale du Sénégal, est l’un des nisation du pays n’a pas toujours été impossible de repousser ses limites principaux ports de la côte ouest-afri- positive, bien d’autres villes s’avérant pour accueillir un exode rural rapide, caine. Le taux de croissance écono- incapables de fournir équipements ou d’où de forts degrés d’encombrement, mique du pays a été soutenu, à plus services urbains.7 Par exemple, seuls de surpeuplement et de hausse des de 6 pour cent, depuis 2014, et les 37 pour cent des ménages urbains dis- prix de l’immobilier. Ces contraintes projections pour l’avenir sont posi- posent d’un assainissement de base, ont suscité une impulsion novatrice tives, notamment du fait du début et moins de 20 pour cent des villes ont avec la construction de la ville futu- de la production pétrolière et gazière des plans d’urbanisme, pour la plupart riste de Diamniadio, qui vise à réduire prévu en 2022.1 Toutefois, les indi- dépassés ou non appliqués.8 la pression sur la capitale et à stimuler cateurs du développement restent la croissance économique. Située à 40 relativement faibles à Dakar par com- Depuis l’indépendance en 1960, le km de Dakar, à mi-chemin de l’aéroport paraison avec d’autres villes d’Afrique Sénégal n’a cessé de déléguer aux col- international Blaise Diagne, la ville sub-Saharienne. L’indice de dévelop- lectivités locales les pouvoirs leur per- nouvelle doit être achevée d’ici à 2035 pement humain (IDH) du Sénégal est mettant d’améliorer les conditions de pour un coût de plus de US$2 milliards de 0,505, plaçant le pays à la 164e vie de leur population. Le développe- (financés surtout, en principe, par place (sur 189), avec un PIB par tête de ment le plus récent en ce sens, qui en des Partenariats Public-Privé (PPP)). l’ordre de US$1 500.2 Ces chiffres sont 2013 a pris la forme de l’Acte III de la L’objectif est d’en faire un pôle urbain comparables aux moyennes sub-saha- Décentralisation (détaillé ci-dessous), moderne avec des logements pour riennes de 0.537 et environ US$1 600 a donné une impulsion encore plus pro- les classes supérieures et moyennes, respectivement. Le ratio de la dette par noncée à la redéfinition du rôle impor- avec université et zone industrielle.10 rapport au PIB est de l’ordre de 65 pour tant des collectivités locales dans le Le progrès a été lent. Certains voient cent, du fait notamment d’un emprunt pays. La loi a fait passer le nombre dans ce projet le seul remède aux dif- obligataire international de quelque de municipalités de 172 à 557 et leur ficultés de la capitale, avec en plus un US$2,2 milliards en 2018.3 a délégué de nouvelles responsabi- gros potentiel de création de richesses. lités afin de renforcer leurs liens avec D’autres, toutefois, redoutent que le Avec plus de 45 pour cent de sa le citoyen et d’égaliser la distribution projet piège le pays dans un endette- population vivant en ville, le Sénégal des ressources. Cette autonomisation, ment ingérable pendant les prochaines est plus fortement urbanisé que ses doublée par le ‘’Plan Sénégal Émergent années, et lui reprochent d’avoir été voisins du Sud du Sahara.4 Les projec- 2014-2035’’ du président, vise à donner conçu sans grand souci pour sa future tions tablent sur une montée à 60 pour les moyens et les orientations voulus population. cent d’ici 2050, dont plus d’un quart pour la transformation structurelle de résidant à Dakar.5 La capitale compte l’économie du pays sous la forme de aujourd’hui quelque 1,15 million d’ha- ‘‘pôles urbains’’ plus productifs. À cet bitants, et plus du double dans la zone effet, l’un des objectifs consiste à ren- métropolitaine. La ville se targue d’être forcer la mobilisation des ressources l’une des rares à avoir tiré de la pau- fiscales, avec pour grande ambition de vreté ses nouveaux habitants grâce faire passer le ratio des prélèvements à sa seule croissance économique. au PIB de 15 pour cent à 20 pour cent Dakar contribue à elle seule plus de 55 d’ici 2023.9 pour cent du PIB national, étant le siège de plus de 80 pour cent des sociétés La ville de Dakar est contrainte, de immatriculées et pourvoyant 52 pour par la géographie, à une étroite pénin- cent de l’emploi.6 Hormis Dakar, l’urba- sule sur l’océan Atlantique. Il est donc
7 Le financement du développement urbain durable Les finances municipales et la structure de la gouvernance urbaine Structures et mission de la Guédiawaye, Dakar, Pikine, et Rufisque, de 2013, d’un degré encore plus poussé gouvernance urbaine ainsi que leurs communes associées. d’autonomie. Le préfet du département et le sous-préfet de chaque arron- Le Sénégal est un pays centralisé: l’État La Ville de Dakar est à la fois un dépar- dissement, délégués par le pouvoir y est régi comme une seule entité où tement et une commune – donc à la central, exercent leur contrôle sur les le gouvernement central est souverain fois un rassemblement de population communes pour les maintenir alignées en dernier ressort, mais avec un cadre et sa propre entité administrative en dans le cadre de l’État. de gouvernance à divers niveaux. Aux droit, sans hiérarchie entre les deux niveaux intermédiaires et inférieur on fonctions. Le département de Dakar Le Code général du gouvernement trouve 14 régions et 45 départements, est divisé en quatre arrondissements local de 2013 s’appuie sur la loi de ainsi que 557 communes, ou ‘’com- – Almadies, Grand Dakar, Parcelles décentralisation de 1996 et le Code munes de ville’’. Régions et départe- Assainies et Plateau/Gorée (centre- du gouvernement local pour définir ments ont beau n’être que des délimi- ville), qui en 1996 ont été subdivisés les compétences à l’échelon munici- tations administratives sans pouvoir en 19 ‘‘communes d’arrondissement’’. pal.11 Celles-ci comprennent des ser- politique, les autorités communales La commune-ville de Dakar a un rôle vices administratifs tels que le registre sont élues démocratiquement tous les de coordination de toutes les activités, d’état civil, la police, l’aménagement cinq ans. La Figure 1 montre les quatre mais chaque commune est dotée d’un et la voirie urbains, les espaces verts départements de la région de Dakar, soit conseil élu et dispose, depuis l’Acte III et jardins publics, le tourisme, la construction et la rénovation des loge- ments et des facilités publiques, l’éclai- Figure 1: Les communes et départements de la région de Dakar rage public, l’instruction et les soins de santé primaires, les sports, les biblio- thèques ainsi que la protection sociale des enfants et de la jeunesse. Le département détient les mêmes com- pétences mais la fonction spécifique de chaque service concerné est diffé- rente et dépend du périmètre qu’elle dessert. Par exemple, le département peut s’occuper de l’enseignement secondaire, alors que la commune pri- vilégie plutôt le primaire. Toutefois, le département va assiste la commune au cas où elle ne disposerait pas des capacités voulues. La décentralisation des compétences se calcule à partir du coefficient d’équité territoriale pondéré par la démographie (20 pour cent), l’emplacement rural ou urbain (40 pour cent), et la pauvreté (40 pour cent). En pratique, il en est résulté un manque généralisé de clarté entre Source: Sané, Y. (2016) villes et départements, ainsi qu’une
8 Le financement du développement urbain durable fragmentation entre un nombre encore bénéficiaires. Les rentrées budgétées les projets à exécuter pendant son plus élevé de collectivités locales dans ne sont revenues à leur montant de mandat, elle n’a aucune maîtrise des l’aire régionale de Dakar. 2014 (CFA 67milliards, soit US$111 mil- ressources qu’elle peut lever pour y lions) que lors de l’exercice fiscal 2020. pourvoir. Cela revient, de la part du Le Code Général impose aussi que les pouvoir central, à s’arroger le pouvoir ressources nécessaires à l’exercice de Avec la centralisation du pouvoir au décentralisé. Deux représentants du ces responsabilités soient être mises à Sénégal, c’est l’État qui a la haute main pouvoir central, le préfet et le percep- disposition, et qu’un cadre consultatif sur la totalité des finances publiques. teur, ont, eux aussi, leur mot à dire sur des populations locales soit mis en Le problème crucial qui en découle est le processus : l’un, chargé d’approuver place pour la gouvernance participa- que c’est lui qui collecte, administre et le budget et les activités financières ; tive des projets. Malheureusement, en dépense la totalité de la masse fiscale l’autre agissant comme le contrôleur réalité et comme il se produit dans bon au nom des collectivités locales. Même comptable de la Ville. nombre de villes, la décentralisation dans les rares cas où le recouvre- des financements n’a pas suivi celles ment est local (ainsi, les redevances La collecte par l’État de toute les res- des responsabilités fonctionnelles. de marché), la municipalité remet les sources financières crée aussi des Les reformes récentes cherchent à y fonds à la Direction nationale du Trésor. contre-incitations autour des paie- porter remède au moyen d’une unité Les collectivités locales ne peuvent ments, du recouvrement et de la dis- administrative nationale spéciale qui a avoir de compte en banque que si un tribution. Par exemple, il n’y a rien pour pour mandat d’augmenter les recettes organisme du gouvernement central inciter le pouvoir central à investir fiscales locales et de collaborer avec en est cosignataire. La Direction Géné- dans l’amélioration du recouvrement, la population pour renforcer le contrat rale des Impôts et Domaines (DGID), puisque ce n’est pas lui qui va en béné- social. La section consacrée ci-dessous au Ministère des Finances, est respon- ficier directement. En outre, ce schéma à l’amélioration du cadre règlementaire sable de cette gestion financière. ne permet guère au contribuable de pour l’accès au financement se penche tenir les pouvoirs publics comptables en détail sur l’état actuel des avancées Il est néanmoins important de noter de leurs propres actes, puisque celui en matière de décentralisation. qu’en ce qui concerne les recettes qui recouvre l’impôt n’est pas celui qui locales recouvrées par chaque fournit les services, et comme les deux commune, elles sont conservées sont étroitement liés l’un et l’autre, il est Finances municipales : un par l’État en leur nom. Au début de difficile de déceler lequel est défaillant. aperçu l’exercice fiscal, il est prévu que le gouvernement central fournisse une Les recettes d’origine locale compren- Le problème majeur de Dakar en avance représentant au minimum 25 nent les taxes immobilières, la Contri- matière de finances tient à la com- pour cent du budget proposé par la bution économique locale (CEL), la taxe plexité et la confusion autour de la ville. Cela permet à la municipalité de sur la collecte des ordures ménagères, décentralisation fiscale suite à la réal- fonctionner et de commencer à fournir les licences commerciales, les loyers location des services en vertu de l’Acte des services tandis que la DGID col- sur le domaine public, les taxes sur la III. Les rentrées financières de Dakar lecte les recettes fiscales. Le reste est publicité et les carburants, et les rede- ont augmenté durablement, de CFA40 transféré sous forme de ‘‘réels’’ ajustés vances relatives à l’eau, l’électricité, milliards (US$68 millions) en 2010 à une fois collectés; toutefois, cela se les transports, les services funéraires CFA60 milliards (US$102 millions) en fait de manière peu systématique, et et les télécommunications. L’autorité 2014.12 Toutefois, en 2015, suite à l’en- certaines parties prenantes notent à percevoir chaque taxe dépend du trée en vigueur de l’Acte III, la situation que l’État donne souvent la priorité à la périmètre qui lui est assigné : le district financière de la Ville s’est contractée de gestion de sa propre trésorerie sur les de Dakar, par exemple, perçoit la CEL CFA13 milliards (US$22 millions). La besoins des collectivités locales. et la taxe immobilière, alors que les raison en est que la multiplication du communes perçoivent les redevances nombre de communes entraînait à la Le problème de ce système décen- de marché et de collecte des déchets. fois des coûts de fonctionnement plus tralisé est le manque d’autonomie Comme déjà mentionné, le produit est élevés, et une répartition des recettes de la Ville. Elle a beau être habilitée immédiatement placé sous la garde du locales entre un plus grand nombre de à préparer son budget et à concevoir pouvoir central.
9 Le financement du développement urbain durable Figure 2: Ressources de fonctionnement de la Ville de Dakar, budget 2020 n’avait pas encore reçu les fonds dus en janvier. 2% 1% En sus de ces rentrées fiscales locales 1% 9% détenues par lui, le pouvoir central contribue aux budgets locaux à travers Household Waste Removal Tax deux principaux canaux : le Fonds de Rent from Public Properties dotation de la décentralisation (FDD) 17% et le Fonds d’équipement des collec- Business Licenses Local Economic Contribution tivités locales (FECL) qui transfère 70% Property Tax 5,5 pour cent de la TVA.14 Au budget Other 2020, le FDD contribue CFA165 mil- lions (US$270 000) et le FECL CFA850 millions (US$1,42 million). En outre, le pouvoir central alloue des ressources pour l’exécution de missions telles que l’instruction et la santé au titre du Source: Budget 2020 de la Commune de Dakar Budget consolidé d’investissement (BCI). Les collectivités locales reçoivent Le total des ressources de fonctionne- hauteur de 17 pour cent, sont une des aussi des remboursements de la taxe ment de Dakar inscrit au budget sources le plus prometteuses pour annuelle sur les véhicules, de la taxe sur 2020 se monte à CFA42 milliards toute augmentation éventuelle des les produits pétroliers (50 pour cent) et (US$70 millions), dont CFA10 milliards recettes fiscales. Les taux actuels des mutations foncières-immobilières (US$17millions) reportés au titre de de recouvrement sont très inférieurs (50 pour cent de la plus-value). surplus de l’exercice précédent. La CEL, au potentiel, de l’ordre de 20 pour prélevée sur les entreprises, est la prin- cent de ce que l’on serait en droit Les contributions du pouvoir central cipale contribution aux ressources de d’attendre avec une robuste réforme sont allouées selon des clefs de répar- fonctionnement de Dakar, représentant de l’administration.13 tition bien définies, en favorisant les 70 pour cent, soit CFA23 milliards collectivités moins riches pour mieux (US$38 millions) des ressources col- Dakar bénéficie d’environ 80 pour cent égaliser les ressources, vu la prédo- lectées dans le budget 2020. La CEL de toutes les recettes fiscales locales minance économique de Dakar. Il en se calcule sur la base de la valeur loca- (ce qui s’explique largement par le fait résulte que pour Dakar, ces contri- tive annuelle des locaux commerciaux que la ville concentre 68 pour cent butions du pouvoir central dans leur et de la taxe à la valeur ajoutée (TVA) de l’activité économique nationale). ensemble ne représentent qu’une de l’année précédente. Cette contribu- Toutefois, les ressources ainsi proportion minuscule du budget – tion n’est levée que depuis la mise en allouées restent très notablement beaucoup moins qu’un pour cent. Le œuvre de l’Acte III, en remplacement inférieures au potentiel des rentrées pouvoir central apporte aussi son de la patente, et vise à assurer que les fiscales. Comme mentionné plus haut, appui à travers le Programme National prélèvements sur l’activité économ- cela s’explique surtout par l’absence de Développement Local (PNDL) et ique reflètent davantage leur situation d’incitations, de la part du pouvoir l’Agence de Développement Municipal géographique. Le passage de la patente central, à renforcer la discipline fiscale (ADM). Tous les deux sont placés sous à la CEL aura, en fin de compte, réduit et les taux de recouvrement. En outre, l’égide du Ministère des Collectivités les recettes fiscales de Dakar. La Figure il arrive souvent que le pouvoir central territoriales, du développement et de 2 ci-dessous montre la répartition des fournisse les rôles fiscaux en retard, l’aménagement des territoires, et ont recettes ordinaires de Dakar figurant au au milieu de l’exercice fiscal, et il est été mis en place pour soutenir les plus budget 2020. connu pour accorder des exceptions petites des communes. à de tierces parties sans consulter les Les taxes foncières et immobilières, collectivités locales. Ainsi, à la date de L’ADM, en particulier, permet au qui ne concourent au budget total qu’à juillet 2019, la municipalité de Dakar pouvoir central de coordonner la levée
10 Le financement du développement urbain durable de fonds auprès de divers donateurs les prêts internationaux, comme ceux de la Ville, même si les procédures et de les allouer à certaines com- de la Banque africaine de développe- de marchés publics sont assurées à munes désignées. Le pouvoir central ment, de la Banque des États d’Afrique l’échelon local. administre en leur nom le processus de l’Ouest et du Programme urbain d’investissement, évitant aux com- de la Société financière internationale S’agissant des dépenses d’investisse- munes d’avoir à négocier avec des (SFI), ont pris une part de plus en plus ment, la Figure 3 ci-dessous montre partenaires privés, particulièrement importante dans le financement des que la Ville de Dakar en consacre une celles qui n’ont ni les capacités ni les infrastructures de la ville. Ces prêts très large part (69 pour cent) à la voirie structures voulues pour solliciter les se montent actuellement à un total de avec CFA17 milliards (US$28 millions). marchés internationaux. Toutefois, CFA1,9 milliard (US$3,2 millions), mais Ce poste est suivi par l’équipement cela les prive d’une partie de leur auto- le chiffre varie beaucoup d’une année administratif et de grande dimension nomie puisque c’est le pouvoir central à l’autre, entre la fin de certains projets avec CFA2,5 milliards (US$4,2 mil- qui prend les décisions et les projets et le début d’autres. En outre, les par- lions) et l’instruction, la jeunesse, la sont simplement ‘‘placés’’ dans la tenariats avec le secteur privé, que la culture et les sports avec CFA2,4 mil- commune désignée. Dans l’idéal, les loi autorise à concourir à hauteur de 33 liards (US$4 millions). communes devraient avoir leur rôle à pour cent dans un projet donné, sont jouer afin de développer leurs propres en train de devenir une modalité très Quant aux dépenses de fonctionne- capacités techniques dans la gestion prisée d’investissement dans les acti- ment, elles sont très largement domi- et l’entretien de projets. vités à haut rendement fiscal. Depuis nées par les traitements du cabinet du 2012, l’État a aussi mis en place un maire et du Secrétariat qui en absor- Bien que les collectivités locales aient fonds de garantie pour soutenir l’in- bent plus du tiers avec CFA7,2 milliards une petite marge d’autonomie dans vestissement privé, qui comprend le (US$12 millions). Ce poste est suivi le recouvrement de certaines taxes Fonds de garantie de l’investissement par celui de l’instruction, la jeunesse, la locales, telles que celles sur la col- prioritaire (FONGIP) et le Fonds de culture et les sports avec CFA3,3 mil- lecte des déchets et les redevances soutien à l’investissement souverain liards (US$5,5 millions), soit 16 pour de marché, la seule véritable source (FONSIS).15 cent, et celui de l’entretien de la voirie, d’autonomie tient aux financements des squares et jardins publics avec externes fournis par les partenaires du Aperçu des dépenses CFA2,3 milliards (US$4 millions), soit développement et le secteur privé. Au 11 pour cent du total des dépenses. Sénégal, les collectivités locales sont Au Sénégal, la dépense des collec- La Table 1 présente les dépenses de autorisées à emprunter directement tivités locales est faible comparée fonctionnement inscrites au budget de auprès de quelque source que ce soit, à celle du secteur public dans son l’exercice fiscal 2020. avec cette seule restriction que les ensemble, représentant juste un peu ressources dégagées à l’échelon local plus de 1 pour cent du PIB et moins doivent subvenir aux dépenses ordi- de 4 pour cent du total de la dépense naires et à l’apurement de la dette en publique du pays.16 S’agissant de la souffrance. Les grandes villes, comme dépense locale dans son ensemble, Dakar, ont les capacités pour le faire, 75 pour cent vont aux dépenses de mais cela peut renforcer les inégalités fonctionnement et 25 pour cent à avec les autres communes. l’investissement, et il en est de même à Dakar. Toutefois, les coûts de fonc- Les difficultés dans l’allocation des tionnement relativement élevés ont recettes fiscales propres ont été l’une laissé un retard d’investissement d’un des principales raisons pour lesquelles montant moyen de CFA3,4 milliards la Ville de Dakar s’est tournée vers des (US$5,7 millions) par an entre 2008 et intermédiaires financiers pour trouver 2014.17 Voilà qui entrave la capacité de une source plus sûre de financement. développement de la ville. Il convient Bien que l’émission obligataire prévue de rappeler que c’est le pouvoir central en 2014 n’ait finalement pas abouti, qui régit toutes les dépenses au nom
11 Le financement du développement urbain durable Figure 3: Dépenses d’investissement de la Ville de Dakar, budget 2020 10% 4% Équipement 5% Voirie Protection contre catastrophes 10% Infrastructure commerciale 1% Santé, hygiène, social Instruction, jeunes, culture & sports 0% Opérations financières 1% 69% Information et recherche Source: Budget 2020 de la Commune de Dakar Table 1: Dépenses de fonctionnement de la Ville de Dakar, budget 2020 Operational expenses Value % of Total Dette, redevances, assurance CFA 772,500,000 3.7% Quote-parts et contributions ClrA 1,350,000,000 6.5% Cabinet du Maire, Secrétariat Général CFA 7,175,779,1630 34.5% Réceptions et cérémonies CFA 926,329,538 4.5% Revenus municipaux CFA 228,892,773 1.1% Service municipal de collecte CFA 537,945,963 2.6% Abattoirs, halles et marchés CFA 25,687,373 1% Biens communaux CFA 136,000,000 0.7% Protection/accidents CFA 14,500,000 0.1% Voirie, squares et jardins CFA 2,341,950,074 11.2% Eau, nettoiement, assainissement CFA 205,728,369 1% Ateliers et garages CFA 799,496,481 3.8% Éclairage public CFA 159,500,000 0.8% Instruction, jeunesse, culture & sport CIFA 3,280,331,497 15.8% Santé, hygiène, affaires sociales CFA 1 397,071,523 6.7% Autres CFA 1,477,915,435 7.1% Source: Budget 2020 de la Commune de Dakar
12 Le financement du développement urbain durable Les réformes entreprises pour renforcer la situation financière de la Ville Renforcement voquer l’installation, en 2012, d’une On apprenait au fil de l’expérience, de la capacité de équipe spécialisée et très compé- mais il fallait aussi des formations gestion financière et tente. Sous le nom de Programme particulières. Le centre de formation d’investissement pour les finances municipales de de l’Agence française de dévelop- Dakar (PFMD), elle restait à part des pement (AFD) à Marseille a permis Nombre des réformes entreprises services municipaux et se composait de développer les capacités, qu’il par la municipalité de Dakar l’ont été de quatre professionnels sénégalais s’agisse de la gouvernance urbaine suite à l’élection du maire, M. Sall, et d’un expert externe.18 Elle exerçait ou de la gestion financière. Les parte- l’un des chefs du parti d’opposition, aussi ses fonctions en dehors des nariats et les échanges d’expérience en 2009. Il avait de grands projets de contraintes ordinaires de la bureau- avec d’autres villes ont aussi joué un transformation mais s’est heurté à cratie et n’était comptable que devant rôle important – l’équipe a effectué l’insuffisance des ressources. Comme le maire, auquel elle avait accès direct. deux voyages d’étude, l’un à Douala mentionné plus haut, les finances là (Cameroun) et l’autre à Johannes- non plus n’étaient pas au pouvoir de La préparation d’un emprunt obliga- burg (Afrique du Sud), deux villes qui la mairie, ce qui ne laissait que de très taire et la collaboration avec les institu- avaient déjà émis des obligations rares possibilités d’augmenter les res- tions financières internationales sont municipales. Ces voyages ont fourni à sources disponibles. La nécessité fut des exercices compliqués, surtout l’équipe les connaissances de fond lui donc là mère de l’invention: l’équipe du sans expérience préalable et dans un permettant de comprendre le fonction- maire s’est vu assigner pour tâche la domaine où les précédents sont rares. nement du marché financier et d’an- recherche de financements externes, Sur le moment, les partenaires du ticiper les chausse-trappes qui pour- notamment les prêts internationaux développement soutenant Dakar ont raient se présenter. et la possibilité d’une émission obliga- voulu faire appel à l’expertise externe. taire municipale. Toutefois, afin de ren- Mais le maire n’était pas disposé à le Vision à long terme et forcer les moyens financiers et la solv- permettre tant que l’équipe interne planification stratégique abilité à long terme de la Ville, il fallait de la municipalité n’avait pas élaboré au préalable s’assurer que le système elle-même un plan stratégique con- Avant 2009, la Ville de Dakar ne dispo- de recettes et de dépenses était par- forme à sa vision, comme détaillé plus sait d’aucun document de planification faitement sain. Cela passait par la con- bas. C’est seulement une fois établi le stratégique. Ce manque de vision par- stitution d’une équipe qualifiée et bien socle nécessaire qu’il a été fait appel tagée constituait un sérieux obstacle formée, la mise au point d’une vision et à l’expertise externe pour renforcer à la coordination des investissements. d’un plan stratégique, et une meilleure les capacités. Une fois fixée la vision Par conséquent, l’une des premières efficacité des mécanismes financiers interne, l’équipe responsable du projet initiatives du nouveau maire aura été municipaux. a été en mesure de mettre sur pied la création d’un service du plan et un groupe de travail très compétent de l’aménagement urbain, chargé de Une équipe responsable et qui rassemblait tant des techniciens mettre au point une stratégie de déve- autonome municipaux que des experts externes. loppement crédible.19 Ce document Cette équipe transversale inter-gou- d’orientation stratégique (DOS) aura, Au début, le service financier et comp- vernementale et multisectorielle a de fait, précisé la vision ainsi que les table de la Ville a entrepris de moder- formé ce qu’on a fini par appeler un valeurs, les engagements, les rôles et niser les systèmes financiers. Tou- observatoire doté d’un objectif unique responsabilités de la Ville de Dakar, l’ob- tefois, des moyens limités se sont : mettre au point un projet tangible jectif étant de faire de celle-ci la capitale combinés à une énorme charge de qui mériterait les concours financiers économique et culturelle de l’Afrique de travail et à l’immobilisme pour pro- externes. l’Ouest. Pour ce faire, le DOS a fixé des
13 Le financement du développement urbain durable buts stratégiques bien précis doublés de conseil aux infrastructures public- La petite équipe du Programme de d’objectifs intermédiaires bien définis privé (PPIAF), qui dépend de la Banque finance municipale (PFMD) a aussi tant à moyen terme (2012-2017) qu’à mondiale, était présent à Dakar depuis mis à profit la formation reçue dans le long terme (jusqu’en 2025). 2008, connu d’abord sous le nom de travail de préparation de l’emprunt obli- Programme de responsabilité finan- gataire, soutenue par une subvention Le plus difficile allait être de mettre cière et de dépense publique (PEFA). de la Fondation Bill et Melinda Gates. ces projets stratégiques en accord Comme son nom l’indique, le SNTA C’est un effort bien coordonné qui s’est avec le budget municipal, étant donné fournit l’assistance technique voulue attaché à la conception et la mise en la dépendance par rapport au pouvoir pour développer les compétences place de méthodes de gestion finan- central concernant la collecte et la en matière de gestion des finances cière et budgétaire adaptées, visant à dépense des recettes fiscales. De publiques, l’exécution des transactions donner à la municipalité les moyens l’impossibilité pour la ville de prévoir financières liées à la dette et autres d’analyser elle-même les recettes, les précisément le moment où les rec- fonctions fondamentales propres dépenses, les flux de trésorerie et les ettes seraient mises à disposition par à améliorer une éventuelle note de actifs. L’équipe a mis au point un cadre le pouvoir central découlait la difficulté crédit. En 2019, le Sénégal est devenu qui s’appuie sur les recettes fiscales à planifier les déboursements liés aux l’un des treize pays du Sud du Sahara (assiette et recouvrement), la gestion projets d’investissement et de faire (soit moins de 30 pour cent du total) financière (particulièrement celle des correspondre les flux de dépenses dont une entité infranationale parti- coûts), la planification pluriannuelle avec ceux des recettes. cipait au SNTA. De plus, Dakar était de l’investissement et la gestion des l’une des neuf autorités infranatio- marchés publics, afin d’améliorer les L’amélioration du fonctionnement nales à avoir rendu publics leurs audits systèmes utilisés par le personnel. et évaluations, ce qui ne pouvait que On en trouvera plus bas un exposé Le Programme infranational d’assis- contribuer à la confiance des investis- détaillé. tance technique (SNTA) de la Facilité seurs.20 Une rue animée à Dakar, Sénégal © Shutterstock
14 Le financement du développement urbain durable Réaliser le potentiel un millier supplémentaire de réver- moins élevés, a renforcé la confiance d’investissement pour bères à énergie solaire. Le prêt com- dans la capacité de la Ville à attirer améliorer les infrastructures portait des conditions avantageuses, les concours externes. Toutefois, les avec un taux d’intérêt de 2,23 pour concours des banques de dépôts sont L’accès au financement des infrastruc- cent et une période de grâce (différé limités à CFA10 milliards (US$17 mil- tures ne va pas de soi pour bien des d’amortissement) de 7 ans. Cela a lions) assortis de courtes échéances villes des pays en développement. donné l’occasion à la Ville de franchir et de plusieurs autres conditions, ce Hormis les contraintes règlementaires les étapes obligées successives de qui les rend impraticables pour des au niveau national, on le doit avant tout l’élaboration du projet, de la structura- investissements plus importants et au manque de moyens de gestion de tion de la dette puis du paiement des à plus long terme.23 Dans ces condi- la trésorerie et des passifs, des anté- échéances dans un contexte général tions, un emprunt obligataire muni- cédents de crédit presque inexistants dépourvu de tension. Ce faisant, la cipal était la solution la mieux adaptée. et l’absence tant de planification stra- Ville a développé son expérience tégique que d’une administration com- dans le renforcement de ses propres Les emprunts obligataires pétente.21 Il en allait de même pour systèmes et moyens. Cela lui a aussi municipaux Dakar jusqu’à ce que, comme décrit donné l’occasion de prouver aux tiers ci-dessus, une robuste autorité direc- sa solvabilité et donc sa capacité à C’est vers la fin de 2011 que la Ville de trice et l’assistance externe mette la attirer les concours externes. Dakar a commencé à se demander si Ville en mesure d’améliorer sa solvabi- une émission obligataire municipale lité jusqu’à être éligible au crédit tant Suite au succès du prêt de l’AFD, la ne serait pas un bon moyen de financer concessionnel que commercial. Ville de Dakar a emprunté en 2012 ses projets à venir. On espérait que auprès de la Banque ouest-africaine cela mettrait la Ville en mesure d’em- La Ville bénéficiait en plus, au titre de de développement puis, à des condi- prunter d’un coup un montant impor- la loi sénégalaise de décentralisation tions un peu plus onéreuses, un prêt tant à un coût inférieur à celui des de 1996, de l’autorisation donnée aux pour la condition de routes et d’aires banques de dépôts et avec davantage collectivités locales de s’endetter aux de stationnement. Le prêt se montait à de souplesse qu’un prêt concessionnel. fins d’investissement auprès d’institu- US$18 millions à échéance de 13 ans C’était aussi un moyen de démontrer tions financières et ce, sans interven- portant intérêt de 5,5 pour cent avec que la Ville avait confiance dans sa tion du pouvoir central. Cela a permis une période de grâce de trois ans. capacité à gérer des investissements aussi à la Ville de se trouver tout près importants générateurs de revenus. Un de lancer l’un des premiers emprunts Les prêts commerciaux examen minutieux de la Constitution obligataires municipaux du continent et des consultations d’experts et de africain, ce qui était particulièrement Le succès du prêt de l’AFD aura aussi fonctionnaires nationaux ont permis pertinent vu son manque de maîtrise servi de préalable à l’obtention par la de conclure qu’un emprunt obligataire sur les autres sources de revenus et Ville de quelques prêts commerciaux à l’échelon municipal était conforme à le besoin corollaire de diversifier ses de montants moindres, quoiqu’à des toutes les exigences juridiques. ressources. conditions plus strictes et à des taux d’intérêt supérieurs. Après, en 2011, un La Fondation Bill et Melinda Gates a Les prêts concessionnels prêt de la Banque islamique de déve- joué un rôle décisif pour faire de cette loppement (US$4 millions, trois ans, idée une réalité. Suite à une allocution Grâce aux réformes menées au titre 8,5 pour cent) pour l’acquisition de feux du maire, M. Sall, lors d’une conférence du Programme de responsabilité de signalisation, s’est ajouté en 2012 internationale, la Fondation a com- financière et de dépense publique un prêt de l’Ecobank du Sénégal (US$7 mencé par accorder une ‘‘subvention de (PEFA) décrites ci-dessus, la Ville s’est millions, cinq ans, 9 pour cent, période cadrage’’ d’un montant de US$500 000 trouvée en 2009 en mesure d’obtenir de grâce de deux ans) pour la recons- pour l’étude de faisabilité. Elle a estimé de l’AFD son premier prêt conces- truction d’un marché dans le centre.22 que Dakar avait le potentiel voulu au sionnel ‒ US$12 millions à 20 ans ‒ vu de son Document d’orientation stra- pour financer la rénovation de l’éclai- La capacité à emprunter aux taux du tégique, avec une équipe très compé- rage public tout en investissant dans marché, même pour des montants tente et de robustes antécédents en
15 Le financement du développement urbain durable en matière de prêts internationaux.24 Il a été demandé dès les début à trant les agences de crédit et autres L’émission obligataire avait pour l’agence internationale de notation services liés au marché et utilisés par objectif d’améliorer les conditions de Moody’s d’attribuer à titre confiden- les vendeurs, l’objectif étant de faciliter vie des citadins pauvres en mobilisant tiel une note de crédit à la Ville. Elle a les affaires et l’accès au financement. le marché régional des capitaux, et elle servi de référence à l’aune de laquelle La Figure 4 ci-dessous montre à quoi serait l’occasion de mettre à l’épreuve mesurer les progrès avant l’obtention devait ressembler le bâtiment. le mécanisme obligataire municipal de la note publique officielle tout en en vue de le répliquer pour financer le fournissant une feuille de route pour Le marché couvert s’inscrivait aussi développement dans d’autres villes afri- d’autres avancées. Des postes décisifs dans une stratégie de réaménagement caines. Bien que, finalement, l’émission comme ‘‘qualité de l’enregistrement et du centre-ville afin de détourner l’activité n’ait pas eu lieu en raison de complica- des compte rendus financiers relatifs hors du centre où les vendeurs ambu- tions dans le processus d’approbation à la dette’’ et ‘‘ampleur et fréquence lants exacerbaient les embouteillages. du pouvoir central, l’exercice aura, en de l’analyse de l’étendue et de la fré- La Banque mondiale a estimé que ce définitive, amélioré la situation finan- quence de l’analyse du caractère double phénomène – vendeurs ambu- cière de la Ville. soutenable de la dette’’ ont reçu les lants, embouteillages – coûte chaque notes faibles de D et C respective- année CFA108 milliards (US$216 mil- 1. Faire reconnaître la solvabilité ment. Le travail de réforme s’est donc lions) en pertes de revenu.28 L’intégra- concentré sur ces deux éléments. Une tion de parkings dans le bâtiment visait L’élément fondamental des prépara- agence de notation locale, Bloom- à réduire le trafic ralenti associé à la tifs de l’emprunt obligataire a consisté field, a ensuite été engagée pour cal- vente ambulante ainsi que le stationne- à en établir le socle en renforçant la culer une note de suivi. En septembre ment sauvage des automobilistes qui solvabilité. Cela a amplifié les progrès 2013, Dakar a reçu la note A3 pour la se fournissaient auprès des vendeurs accomplis au titre du Programme de dette à court terme (ainsi considérée ambulants. responsabilité financière et de dépense comme ‘‘valeur de placement’’) et celle publique (PEFA), ainsi que l’expérience de BBB+ à long terme.25 Son rapport Le coût prévu du projet se montait à acquise dans la gestion de prêts tant d’évaluation a montré que, par com- US$40 millions, dont 25 pour cent pour concessionnels que commerciaux. paraison avec l’année précédente, les l’acquisition du terrain et 75 pour cent Toutefois, investir année après année recettes avaient augmenté, les coûts pour la conception et la construction dans le renforcement de la capacité de fonctionnement avaient baissé, et du bâtiment.29 Il est à noter que, les à attirer des concours externes peut les échéances des prêts étaient bien redevances de marché étant l’une des devenir difficile à justifier pour la ville, honorées, d’où un excédent du budget rares sources de recettes collectées les retombées favorables pour le d’ensemble.26 par la Ville de Dakar, celle-ci la maîtri- public n’intervenant qu’à long terme, ce sait mieux, notamment en rapport avec qui laisse une marge minime pour les 2. Attirer les concours externes le remboursement des investisseurs. gains politiques à court terme. La Fon- dans un projet dation Bill et Melinda Gates, puis à son Toutefois, certaines parties prenantes tour la Cities Alliance, ont donc joué Le projet imaginé en rapport avec l’em- ne croyaient pas au succès du marché un rôle crucial avec leurs subventions. prunt obligataire municipal portait sur couvert: les vendeurs ambulants en La Fondation a fait suivre sa ‘‘subven- un marché couvert destiné au com- trouveraient le coût trop élevé, et cet tion de cadrage’’ d’une ‘‘subvention merce local. Il était désigné comme ‘’la espace fermé qui les regrouperait d’exécution’’ de US$5 millions pour un zone commerciale Petersen’’ et devait tous les priverait de ce qui donne son programme de six ans (2011-2017) s’étendre sur 10 hectares à l’extrémité ressort même à leur métier : la mobi- permettant à la Ville de renforcer ses nord de la commune de Dakar-Pla- lité et la souplesse voulues pour appro- systèmes de gestion financière, de teau.27 Il devait être à la fois sûr et d’un cher le client. Faute de demande de la modifier son approche de la planifi- coût abordable, avec des installations part des vendeurs, le marché ne serait cation et d’améliorer la perception par servant plus de 4 000 vendeurs ambu- pas en mesure de dégager les sources les investisseurs de sa solvabilité et sa lants. Le rez-de-chaussée était destiné de recettes requises pour le rembour- capacité à attirer des concours finan- à des éventaires et kiosques subven- sement de l’emprunt. Pour prévenir cet ciers externes. tionnés, les étages supérieurs concen- obstacle, la Ville a décidé d’interdire la
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