Requiem pour Marilyn Monroe - Francine Desbiens - Érudit

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Requiem pour Marilyn Monroe - Francine Desbiens - Érudit
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Séquences
La revue de cinéma

Requiem pour Marilyn Monroe
Francine Desbiens

Numéro 30, octobre 1962

URI : https://id.erudit.org/iderudit/51986ac

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Éditeur(s)
La revue Séquences Inc.

ISSN
0037-2412 (imprimé)
1923-5100 (numérique)

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Citer cet article
Desbiens, F. (1962). Requiem pour Marilyn Monroe. Séquences, (30), 44–48.

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Requiem pour Marilyn Monroe - Francine Desbiens - Érudit
REQUIEM
POUR...
     C'était une chose, une chose
   que Hollywood ballottait du côté
   où tournait le vent. On la faisait
   chanter, danser, pleurer, rire, se
   déshabiller; parfois on la faisait
   même parler... Et Hollywood
   voyait que cela était bon : l'or s'ac-
   cumulait à en faire perdre haleine
   au plus blasé des producteurs. Cet-
   te chose que l'on surnommait le
   "symbole de la sexualité à l'écran",
   la "blonde idiote", et quoi d'autre

                              SÉQUENCES
Requiem pour Marilyn Monroe - Francine Desbiens - Érudit
FRANCINE DESBIENS                 tôt émue par le récir de son enfan-
                                        ce malheureuse, tantôt ennuyée par
                                        ce même récit qui revenait comme
encore, avait pour nom Marilyn          une sorte de leitmotiv au moment
Monroe, nom qui résumait tous les       où Marilyn sentait fuir son public
sobriquets et laissait entrevoir, au-   Son travail acharné duranr le tour-
delà d'une dimension physique peu       nage d'un film me fascinait. Mais
commune, les symptômes d'un ê-          par ailleurs, que de retards devenus
tre humain.                             célèbres alors que producteurs et
                                        réalisateurs voyaient filer temps et
   De nombreux écrits ont tenté de      argent, sans parler de ses nombreux
démasquer et d'expliquer cet être       arrêts au milieu d'une scène pour
humain. Mais il semble que Mari-        réfléchir ou pour consulter son con-
lyn Monroe ait été une de ces per-      seiller dramatique. Etaient-ce là les
sonnes sensibles, versatiles, si dif-   exigences d'une très grande arriste,
ficiles à cerner. Il me serait impos-   ou les caprices d'une vedette qui se
sible de dresser un portrait juste de   veut telle ?
cette femme, tout autant qu'il se-
rait arbitraire de porter un juge-         Son intérêt croissant pour les
ment définitif sur ce qu'elle fut.      choses de l'esprit : lectures de
Je devrai me limiter à donner mes       Freud, Dostoievsky, etc.; son admi-
impressions ressenties lors de la vi-   ration pour Arthur Miller qui de-
sion de ses films et à la lecture de    vait aboutir au mariage; son res-
sa biographie et de nombreuses in-      pect pour certains grands réalisa-
terviews.                               teurs comme Huston, Minnelli,
                                        Wilder, etc. . . étaient-ils les signes
  Lors de ces lectures, j'étais tan-    d'une recherche intellectuelle sin-

OCTOBRE 1962
Requiem pour Marilyn Monroe - Francine Desbiens - Érudit
cère ou les manfestations troublan-     de de mariage en ajoutant qu'il dé-
tes d'un tempérament d'arriviste ?      sirait ardemment faire bénéficier
                                        Marilyn de son testament dont la
   Les amitiés qu'elle entretenait a-   valeur atteignait le million. Mari-
vec certaines personnes laissaient      lyn pleurait en lui refusant ce qu'il
entrevoir une Marilyn sincère, dé-      appelait sa plus grande consolation
pendante, attachante. Mais il est       avant de mourir. Après la mort de
étonnant de voir la facilité avec la-   Hyde, Marilyn eur ces propos ré-
quelle elle brisait ces liens d'ami-    vélateurs : "Mon grand ami était
tié. Je pense notamment à Natacha       enterré. . . Je sentais parfois que
Lytess (professeur et conseiller dra-   j'avais eu tort de ne pas l'épouser
matique que Marilyn considérait         et de ne lui avoir pas donné ce
comme sa seule amie) qui se vit         qu'il voulait. Mais je savais aussi
brusquement mettre de côté, sans        qu'il était mal d'épouser quelqu'un
un seul mot d'explication, au mo-       que l'on n'aime pas véritablement.
ment où Paula Strasberg (de 1'Ac-       Je ne regrettai pas le million de
tor's Studio) entra dans le jeu.
                                        dollars que j'avais refusé, mais je
Milton Greene (photographe artis-
                                        n'ai jamais cessé de regretter la
tique et fondateur de la Monroe
                                        perte de Johnny Hyde."
Productions ) fut écarté de façon
identique.
                                          Ainsi, tout au long des écrits sur
                                        Monroe, se trouvent des faits pro-
   Ces amitiés étaient-elles sincères   pres à dépister le plus subtil obser-
ou couvraient-elles un esprit calcu-    vateur.
lateur des plus rusés ? Son attitude
vis-à-vis un certain Johnny Hyde,          Il est possible qu'elle ait été une
personnage influent du milieu hol-      arriviste dont la force venait d'une
lywoodien, va nous éclairer. Il était   intelligence calculatrice, mais je
courant à Hollywood de voir se          persiste à voir en Marilyn Monroe
nouer des intrigues entre jeunes        un être fébrile, dont la vulnérabili-
starlettes et personnages influents     té découle de cette recherche de
en même temps que riches et vieux.      l'amour qui l'a toujours hantée.
Hyde était entiché de Marilyn qui
voyait en lui un grand ami et un           Dans cette longue quête, Marilyn
confident compréhensif. Après une       offrait en échange ce qu'elle avait :
crise cardiaque, il réitéra sa deman-   un corps merveilleux. Les hommes

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Requiem pour Marilyn Monroe - Francine Desbiens - Érudit
du monde entier la désiraient, la        Itch, How to Marry a Millionnai-
couvraient d'or et d'encens; ceux        re, The Prince and the Show-Girl,
qui se croyaient les plus détachés       et surtout le merveilleux The Mis-
étaient peut-être les plus touchés.      fits. Que de chemin parcouru de-
Elle recevait des milliers de lettres    puis le fameux calendrier au sujet
d'amour par semaine. Mais quelle         duquel on l'avait surnommée "Ma-
solitude devait en résulter ! Pour la    rilyn Desnuda". (Calendrier pour
femme normale, quand l'amour sur-        lequel elle avait posé nue, à un mo-
vient, le reste du monde s'efface.       ment de déboire financier, prenant
Pour Marilyn, le reste du monde          des précautions pour ne pas être
était toujours là, écrit en grosses      reconnue. Elle ne connaissait pas à
lettres. Elle s'y voyait liée irrémé-    ce moment la perspicacité de cer-
diablement, ne devant vivre que          tains journalistes en matière de
pour lui, atterrée devant les criti-     scandale. )
ques défavorables, les intrigues d'au-
tres acteurs et l'indifférence du pu-       Si la montée de Marilyn vers la
blic. "Pourquoi ne m'aiment-ils          gloire allait grandissant, parallèle-
pas ?" demandait-elle fréquemment.       ment à l'admiration d'un public de
                                         plus en plus sérieux, les échecs suc-
   Elle s'accrochait à son public et     cessifs de ses mariages avec Di
à ceux qui l'entouraient. Elle ma-       Maggio et Miller la laissaient dans
quillait son corps — plus tard son       un état de sdlitude amère. La gloi-     .
esprit — toujours dans le désir          re et la réputation professionnelle
d'atteindre un plus vaste auditoire.     peuvent-elles compenser une vie         j
Fatiguée des "blondes idiotes", elle     personnelle ratée ? Combien de fois
en vint à désirer des rôles sérieux      Marilyn Monroe a dû y réfléchir         ;
tels que "Lady Macbeth" ou la            pour en arriver à un désordre psy-      ;
"Grouchenka" des "Frères Kara-           chique que les meilleurs psychana-      !
                                         listes de Hollywood n'ont jamais        i
                                         pu dissiper.
   Elle n'a interprété aucun de ces                                                  i

deux personnages, mais s'est révé-          La "Marilyn Desnuda", la "plus i
lée une actrice de grande classe         belle femme au monde", le symbo- j
dans des films comme Bus Stop,           le de la sexualité à l'écran", bref, •
Some Like It Hot, The Seven Year         Marilyn Monroe, adulée par des

OCTOBRE 1962
milliers d'hommes, était une fem-        vivant, on se servait de ces anecdo-
me seule. Elle a voulu fuir sa soli-     tes pour mousser la publicité ou
tude, et elle a pris les moyens pour     pour justifier son comportement
y arriver, mais ses propres armes        qui la consacrait "symbole de la
se sont retournées contre elle. Elle     sexualité".
a lutté toute sa vie, elle luttait en-
core à 36 ans.                             Beaucoup tentent actuellement
                                         de percer le mystère de sa morr. Et
                                         pour ce, ils s'acharnenr à expliquer
   Depuis le 4 août dernier, on a        sa vie, pourtant pleine de contra-
tout écrit sur cette femme. Des per-     dictions et de secrets. Pour ma
sonnalités telles que Jean Cocteau       part, si je vois en Marilyn Monroe
et Laurence Olivier lui ont témoi-       un être avide d'amour, je sais très
gné leur sympathie tout en dénon-        bien que ce n'est qu'une parcelle
çant Hollywood. Tous les grands          de sa véritable identité. Car elle a-
journaux lui ont réservé leur pre-       vait mille visages qui voilaient u-
mière page; je me suis rendu comp-       ne âme complexe et tourmentée.
te qu'il était aussi aisé de glorifier
la "Morte" qu'il avair été facile de        Ou peut-être était-elle infiniment
discréditer la "Vivante". On racon-      simple ? On ne le saura sans doute
te tout sur sa pauvre vie d'orphe-       jamais. Elle est partie sans laisser
line, sur ses souffrances. De son        d'adresse...

     UNE BONNE
     NOUVELLE
           Le beau film de Georges Rouquier, Farrebique, vient
     d'être déposé par l'Office National du Film dans les diffé-
     rentes cinémathèques de la Province et peut être obtenu
     à peu de frais. Nous ne pouvons qu'encourager les ciné-
     clubs (avancés) à mettre à leur programme ce film qui
     expose, au rythme des saisons, la vie d'une famille fran-
     çaise du Rouergue.

                                                                  SÉQUENCES
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