Requiem pour Marilyn Monroe - Francine Desbiens - Érudit
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Document généré le 15 sept. 2021 10:01 Séquences La revue de cinéma Requiem pour Marilyn Monroe Francine Desbiens Numéro 30, octobre 1962 URI : https://id.erudit.org/iderudit/51986ac Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) La revue Séquences Inc. ISSN 0037-2412 (imprimé) 1923-5100 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Desbiens, F. (1962). Requiem pour Marilyn Monroe. Séquences, (30), 44–48. Tous droits réservés © La revue Séquences Inc., 1962 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/
REQUIEM POUR... C'était une chose, une chose que Hollywood ballottait du côté où tournait le vent. On la faisait chanter, danser, pleurer, rire, se déshabiller; parfois on la faisait même parler... Et Hollywood voyait que cela était bon : l'or s'ac- cumulait à en faire perdre haleine au plus blasé des producteurs. Cet- te chose que l'on surnommait le "symbole de la sexualité à l'écran", la "blonde idiote", et quoi d'autre SÉQUENCES
FRANCINE DESBIENS tôt émue par le récir de son enfan- ce malheureuse, tantôt ennuyée par ce même récit qui revenait comme encore, avait pour nom Marilyn une sorte de leitmotiv au moment Monroe, nom qui résumait tous les où Marilyn sentait fuir son public sobriquets et laissait entrevoir, au- Son travail acharné duranr le tour- delà d'une dimension physique peu nage d'un film me fascinait. Mais commune, les symptômes d'un ê- par ailleurs, que de retards devenus tre humain. célèbres alors que producteurs et réalisateurs voyaient filer temps et De nombreux écrits ont tenté de argent, sans parler de ses nombreux démasquer et d'expliquer cet être arrêts au milieu d'une scène pour humain. Mais il semble que Mari- réfléchir ou pour consulter son con- lyn Monroe ait été une de ces per- seiller dramatique. Etaient-ce là les sonnes sensibles, versatiles, si dif- exigences d'une très grande arriste, ficiles à cerner. Il me serait impos- ou les caprices d'une vedette qui se sible de dresser un portrait juste de veut telle ? cette femme, tout autant qu'il se- rait arbitraire de porter un juge- Son intérêt croissant pour les ment définitif sur ce qu'elle fut. choses de l'esprit : lectures de Je devrai me limiter à donner mes Freud, Dostoievsky, etc.; son admi- impressions ressenties lors de la vi- ration pour Arthur Miller qui de- sion de ses films et à la lecture de vait aboutir au mariage; son res- sa biographie et de nombreuses in- pect pour certains grands réalisa- terviews. teurs comme Huston, Minnelli, Wilder, etc. . . étaient-ils les signes Lors de ces lectures, j'étais tan- d'une recherche intellectuelle sin- OCTOBRE 1962
cère ou les manfestations troublan- de de mariage en ajoutant qu'il dé- tes d'un tempérament d'arriviste ? sirait ardemment faire bénéficier Marilyn de son testament dont la Les amitiés qu'elle entretenait a- valeur atteignait le million. Mari- vec certaines personnes laissaient lyn pleurait en lui refusant ce qu'il entrevoir une Marilyn sincère, dé- appelait sa plus grande consolation pendante, attachante. Mais il est avant de mourir. Après la mort de étonnant de voir la facilité avec la- Hyde, Marilyn eur ces propos ré- quelle elle brisait ces liens d'ami- vélateurs : "Mon grand ami était tié. Je pense notamment à Natacha enterré. . . Je sentais parfois que Lytess (professeur et conseiller dra- j'avais eu tort de ne pas l'épouser matique que Marilyn considérait et de ne lui avoir pas donné ce comme sa seule amie) qui se vit qu'il voulait. Mais je savais aussi brusquement mettre de côté, sans qu'il était mal d'épouser quelqu'un un seul mot d'explication, au mo- que l'on n'aime pas véritablement. ment où Paula Strasberg (de 1'Ac- Je ne regrettai pas le million de tor's Studio) entra dans le jeu. dollars que j'avais refusé, mais je Milton Greene (photographe artis- n'ai jamais cessé de regretter la tique et fondateur de la Monroe perte de Johnny Hyde." Productions ) fut écarté de façon identique. Ainsi, tout au long des écrits sur Monroe, se trouvent des faits pro- Ces amitiés étaient-elles sincères pres à dépister le plus subtil obser- ou couvraient-elles un esprit calcu- vateur. lateur des plus rusés ? Son attitude vis-à-vis un certain Johnny Hyde, Il est possible qu'elle ait été une personnage influent du milieu hol- arriviste dont la force venait d'une lywoodien, va nous éclairer. Il était intelligence calculatrice, mais je courant à Hollywood de voir se persiste à voir en Marilyn Monroe nouer des intrigues entre jeunes un être fébrile, dont la vulnérabili- starlettes et personnages influents té découle de cette recherche de en même temps que riches et vieux. l'amour qui l'a toujours hantée. Hyde était entiché de Marilyn qui voyait en lui un grand ami et un Dans cette longue quête, Marilyn confident compréhensif. Après une offrait en échange ce qu'elle avait : crise cardiaque, il réitéra sa deman- un corps merveilleux. Les hommes 46 SÉQUENCES
du monde entier la désiraient, la Itch, How to Marry a Millionnai- couvraient d'or et d'encens; ceux re, The Prince and the Show-Girl, qui se croyaient les plus détachés et surtout le merveilleux The Mis- étaient peut-être les plus touchés. fits. Que de chemin parcouru de- Elle recevait des milliers de lettres puis le fameux calendrier au sujet d'amour par semaine. Mais quelle duquel on l'avait surnommée "Ma- solitude devait en résulter ! Pour la rilyn Desnuda". (Calendrier pour femme normale, quand l'amour sur- lequel elle avait posé nue, à un mo- vient, le reste du monde s'efface. ment de déboire financier, prenant Pour Marilyn, le reste du monde des précautions pour ne pas être était toujours là, écrit en grosses reconnue. Elle ne connaissait pas à lettres. Elle s'y voyait liée irrémé- ce moment la perspicacité de cer- diablement, ne devant vivre que tains journalistes en matière de pour lui, atterrée devant les criti- scandale. ) ques défavorables, les intrigues d'au- tres acteurs et l'indifférence du pu- Si la montée de Marilyn vers la blic. "Pourquoi ne m'aiment-ils gloire allait grandissant, parallèle- pas ?" demandait-elle fréquemment. ment à l'admiration d'un public de plus en plus sérieux, les échecs suc- Elle s'accrochait à son public et cessifs de ses mariages avec Di à ceux qui l'entouraient. Elle ma- Maggio et Miller la laissaient dans quillait son corps — plus tard son un état de sdlitude amère. La gloi- . esprit — toujours dans le désir re et la réputation professionnelle d'atteindre un plus vaste auditoire. peuvent-elles compenser une vie j Fatiguée des "blondes idiotes", elle personnelle ratée ? Combien de fois en vint à désirer des rôles sérieux Marilyn Monroe a dû y réfléchir ; tels que "Lady Macbeth" ou la pour en arriver à un désordre psy- ; "Grouchenka" des "Frères Kara- chique que les meilleurs psychana- ! listes de Hollywood n'ont jamais i pu dissiper. Elle n'a interprété aucun de ces i deux personnages, mais s'est révé- La "Marilyn Desnuda", la "plus i lée une actrice de grande classe belle femme au monde", le symbo- j dans des films comme Bus Stop, le de la sexualité à l'écran", bref, • Some Like It Hot, The Seven Year Marilyn Monroe, adulée par des OCTOBRE 1962
milliers d'hommes, était une fem- vivant, on se servait de ces anecdo- me seule. Elle a voulu fuir sa soli- tes pour mousser la publicité ou tude, et elle a pris les moyens pour pour justifier son comportement y arriver, mais ses propres armes qui la consacrait "symbole de la se sont retournées contre elle. Elle sexualité". a lutté toute sa vie, elle luttait en- core à 36 ans. Beaucoup tentent actuellement de percer le mystère de sa morr. Et pour ce, ils s'acharnenr à expliquer Depuis le 4 août dernier, on a sa vie, pourtant pleine de contra- tout écrit sur cette femme. Des per- dictions et de secrets. Pour ma sonnalités telles que Jean Cocteau part, si je vois en Marilyn Monroe et Laurence Olivier lui ont témoi- un être avide d'amour, je sais très gné leur sympathie tout en dénon- bien que ce n'est qu'une parcelle çant Hollywood. Tous les grands de sa véritable identité. Car elle a- journaux lui ont réservé leur pre- vait mille visages qui voilaient u- mière page; je me suis rendu comp- ne âme complexe et tourmentée. te qu'il était aussi aisé de glorifier la "Morte" qu'il avair été facile de Ou peut-être était-elle infiniment discréditer la "Vivante". On racon- simple ? On ne le saura sans doute te tout sur sa pauvre vie d'orphe- jamais. Elle est partie sans laisser line, sur ses souffrances. De son d'adresse... UNE BONNE NOUVELLE Le beau film de Georges Rouquier, Farrebique, vient d'être déposé par l'Office National du Film dans les diffé- rentes cinémathèques de la Province et peut être obtenu à peu de frais. Nous ne pouvons qu'encourager les ciné- clubs (avancés) à mettre à leur programme ce film qui expose, au rythme des saisons, la vie d'une famille fran- çaise du Rouergue. SÉQUENCES
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