Révision du curriculum de l'Ontario - 11ième et 12ième année
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Révision du curriculum de l’Ontario 11ième et 12ième année : Sciences humaines et sociales : Philosophie et Religion par André Samson, Ph.D., c.o.
Remerciements Je tiens à remercier mes deux assistants de recherche, Nicolas Pasic et Samia Ziane. Je veux aussi souligner l’apport de Jacques Théoret du Ministère de l’éducation de l’Ontario, du graphiste Marc Bertrand et de Lyane Bédard qui a assuré la révision du document. André Samson, Ph.D., c.o. Faculté d’éducation Université d’Ottawa 1
Table des matières Introduction Tableau 1 – Comparaison entre les provinces de la fédération canadienne . . . . . 5 Tableau 2 – Comparaison avec les États-Unis d’Amérique . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 Tableau 3 – Présentation des cours de 2005 à 2008 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 L’exception quebécoise : le programme d’étique et de culture religieuse . . . . . . . . 11 Le développement du caractère et l’enseignement de la philosophie et des 14 sciences religieuses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Tableau 4 - Modèle de Ellis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16 L’approche par compétence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19 Tableau 5 : Domaines d’étude et des contenus d’apprentissage en philosophie - Savoirs (Connaissances déclaratives à acquérir) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 Tableau 6 : Domaines d’étude et des contenus d’apprentissage en philosophie - Savoir-faire (Habiletés à développer) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 Tableau 7 : Domaines d’étude et des contenus d’apprentissage en philosophie - Savoir-être (Attitudes à cultiver) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 Tableau 8 : Domaines d’étude et des contenus d’apprentissage en sciences des religions - Savoirs (Connaissances déclaratives à acquérir) . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 Tableau 9 : Domaines d’étude et des contenus d’apprentissage en sciences des religions - Savoir-faire (Habiletés à développer) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26 Tableau 10 : Domaines d’étude et des contenus d’apprentissage en sciences des religions - Savoir-être (Attitudes à cultiver) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27 Examen critique du programme-cadre – Le cours de 11ième année en philosophie . . 28 Examen critique du programme-cadre – Le cours de 12ième année en philosophie . . 34 Examen critique du programme-cadre – Les cours de 11ième année en sciences des religions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40 Conclusion et recommandations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46 Références . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48 2
Introduction L es deux tableaux comparatifs (voir les tableaux 1 et 2) démontrent très bien que la province de l’Ontario constitue une exception en ce qui concerne l’enseignement de la philosophie et de la religion au niveau des études secondaires. Plus précisément, il s’agit en Amérique du Nord de l’unique juridiction d’importance qui offre deux cours de philosophie et deux cours de religion à l’intérieur de son programme-cadre. Il s’agit des cours ouverts de 11ième année, pour la philosophie et la religion, et des cours préuniversitaires de 11ième année pour la religion et de 12ième année pour la philosophie. « L’absence de l’enseignement de ces L’absence de l’enseignement de ces deux matières dans les écoles deux matières dans secondaires du continent explique probablement le peu d’intérêt de la les écoles secon- daires du continent communauté des chercheurs à l’endroit de ces champs de recherche. explique probable- En effet, il existe très peu de faits probants ou d’études qui portent sur ment le peu d’intérêt l’enseignement de la philosophie et de la science des religions au niveau de la communauté des études secondaires. des chercheurs à l’endroit de ces champs de recherche. » Par exemple, aux États-Unis d’Amérique, le débat porte essentielle- ment sur la présence de la religion dans les écoles publiques. En effet, la constitution de ce pays et l’interprétation faite par les juges de la cour suprême américaine interdisent non seulement toute manifestation religieuse dans les écoles, mais semblent aussi bloquer l’enseignement même des sciences religieuses. De plus, aucune grande juridiction américaine ne prévoit un enseignement spécifique de la philosophie au niveau secondaire. 3
La situation est quasiment similaire à l’intérieur des juridictions de la fédération canadienne. En effet, la plupart des programmes-cadres des provinces ou territoires de tradition culturelle anglo-saxonne ne prévoient aucun enseignement tant de la philosophie que de la religion. Comment alors justifier cette exception ontarienne? Les historiens pourraient probablement identifier les causes qui expliqueraient la présence de l’enseignement de la philosophie et de la religion dans les écoles secon- daires de l’Ontario, mais tel n’est toutefois pas l’objet cette étude. Notre démarche vise plutôt à situer l’enseignement de la philosophie et de la religion à l’intérieur des préoccupations éducatives actuelles. C’est pourquoi nous verrons, en premier lieu, comment l’enseignement de la religion et de la philosophie participe au dével- oppement du caractère, mieux connu dans les pays anglo-saxons sous l’expression « character education ». En effet, si la rareté des faits probants ne nous permet pas d’évaluer le programme-cadre à la lumière de données empiriques suffisamment importantes pour y dégager une certaine tendance, il est toutefois possible de situer l’enseignement de la philosophie et de la science des religions à l’intérieur des visées du ministère de l’Éducation de l’Ontario. Or le développement du caractère prend justement une place grandissante à l’intérieur du projet éducatif de la province. À cet effet, il sera intéressant de situer l’apport de ces deux matières au développement du caractère. Dans un second temps, nous procéderons à l’examen critique du pro- gramme-cadre en sciences sociales (philosophie et religion) en utilisant les principes de l’approche par compétence. Cet exercice vise à déceler les points à améliorer dans la structure même des différences tant au plan des savoirs à acquérir, du savoir-faire que du savoir-être. 4
Tableau 1 – Comparaison entre les provinces de la fédération canadienne Cours Cours de Juridictions Commentaires de religion philosophie Le programme-cadre comporte des cours en sci- Alberta Non Non ences sociales. Certains aspects des religions du monde sont touchés de manière très limitée. Le programme-cadre n’offre aucun cours qui porte spécifiquement sur les religions du monde ou la philosophie. Un cours portant sur les civilisations comparées touche certains aspects du phénomène Colombie- Non Non religieux. Britannique Depuis septembre 2008, un cours abordant le thème de la justice sociale est offert à titre expéri- mental. Le programme-cadre ne comprend aucun cours spécifique portant sur ces deux matières. Mais le cours sur les civilisations comparées de la Île-du-Prince- Colombie-Britannique est enseigné. Non Non Édouard De plus, un autre cours portant sur «l’individu en société» touche aussi à certains aspects de la phi- losophie et du phénomène religieux. Le programme-cadre ne comprend aucun cours spécifique portant sur ces deux matières. Mais le cours sur l’histoire canadienne touche de manière Non Non très succincte au phénomène de la religion. Manitoba La philosophie est abordée de manière très ac- cessoire dans le cours portant sur la civilisation occidentale. Nouveau- Une attention mineure est accordée aux Non Non Brunswick spiritualités des peuples des premières nations. Nouvelle- Le programme-cadre n’aborde pas ces deux Non Non Écosse matières. Le Nunavut a adopté le programme-cadre de Nunavut Non Non l’Alberta. Le cours portant sur les enjeux du monde aborde Saskatchewan Non Non de manière succincte le phénomène religieux. L’attention porte principalement sur la tradition Terre-Neuve-et- Non Non chrétienne, mais certaines autres traditions sont Labrador étudiées. Territoires du Les territoires du Nord-Ouest ont adopté le pro- Non Non Nord-Ouest gramme-cadre de l’Alberta. 5
Tableau 2 – Comparaison avec les États-Unis d’Amérique Cours Cours de Juridictions Commentaires de religion philosophie Les cours de 11ième et de 12ième année abordent d’une manière limitée certains thèmes phi- Californie Non Non losophiques qui sont en lien avec la vie politique de la nation. Les établissements scolaires ne sont pas tenus Massachusetts Non Non d’offrir des cours portant sur ces deux matières. Aucun cours ne porte sur la philosophie ou la reli- Michigan Non Non gion, ni n’aborde ces deux matières. Le cours de 12ième année portant sur la participation New York Non Non dans la vie des institutions démocratiques touche à certains enjeux de nature philosophique. Aucun cours ne porte sur la philosophie ou la Washington Non Non religion. 6
Tableau 3 – Prestation des cours de 2005 à 2008 Conseil scolaire de district catholique Centre-Est de l’Ontario Ouvert HZB3O 11ième année Philosophie : les grandes questions Nombre de fois enseignés 2005-06 Non 0 2006-07 Non 0 2007-08 Non 0 Pré-u HZT4U 12ième année Philosophie : approches Nombre de fois enseignés et problématiques 2005-06 Oui 10 2006-07 Oui 8 2007-08 Oui 10 Pré-u HRT3M 11ième année Religion : les grandes religions Nombre de fois enseignés 2005-06 Oui 1 2006-07 Non 0 2007-08 Non 0 Conseil scolaire de district catholiques du Centre-Sud Ouvert HZB3O 11ième année Philosophie : les grandes questions Nombre de fois enseignés 2005-06 Non 0 2006-07 Non 0 2007-08 Non 0 Pré-u HZT4U 12ième année Philosophie : approches Nombre de fois enseignés et problématiques 2005-06 Oui 10 2006-07 Oui 11 2007-08 Oui 15 Pré-u HRT3M 11ième année Religion : les grandes religions Nombre de fois enseignés 2005-06 Oui 8 2006-07 Oui 11 2007-08 Oui 11 7
Conseil scolaire de district catholique de l’Est ontarien Ouvert HZB3O 11ième année Philosophie : les grandes questions Nombre de fois enseignés 2005-06 Non 0 2006-07 Non 0 2007-08 Non 0 Pré-u HZT4U 12ième année Philosophie : approches Nombre de fois enseignés et problématiques 2005-06 Oui 3 2006-07 Oui 1 2007-08 Oui 2 Pré-u HRT3M 11ième année Religion : les grandes religions Nombre de fois enseignés 2005-06 Non 0 2006-07 Non 0 2007-08 Oui 1 Conseil scolaire de district des Aurores boréales Ouvert HZB3O 11ième année Philosophie : les grandes questions Nombre de fois enseignés 2005-06 Non 0 2006-07 Non 0 2007-08 Non 0 Pré-u HZT4U 12ième année Philosophie : approches Nombre de fois enseignés et problématiques 2005-06 Oui 1 2006-07 Oui 1 2007-08 Non 0 Pré-u HRT3M 11ième année Religion : les grandes religions Nombre de fois enseignés 2005-06 Oui 1 2006-07 Oui 1 2007-08 Oui 1 8
Conseil scolaire de district catholique des Grandes Rivières Ouvert HZB3O 11ième année Philosophie : les grandes questions Nombre de fois enseignés 2005-06 Non 0 2006-07 Non 0 2007-08 Non 0 Pré-u HZT4U 12ième année Philosophie : approches Nombre de fois enseignés et problématiques 2005-06 Oui 1 2006-07 Oui 1 2007-08 Oui 2 Pré-u HRT3M 11ième année Religion : les grandes religions Nombre de fois enseignés 2005-06 Non 0 2006-07 Non 0 2007-08 Oui 1 Conseil scolaire de district catholique du Sud-Ouest Ouvert HZB3O 11ième année Philosophie : les grandes questions Nombre de fois enseignés 2005-06 Non 0 2006-07 Non 0 2007-08 Non 0 Pré-u HZT4U 12ième année Philosophie : approches Nombre de fois enseignés et problématiques 2005-06 Oui 4 2006-07 Oui 4 2007-08 Oui 8 Pré-u HRT3M 11ième année Religion : les grandes religions Nombre de fois enseignés 2005-06 Oui 9 2006-07 Oui 5 2007-08 Oui 8 9
Conseil scolaire de district catholiques du Franco-Nord Ouvert HZB3O 11ième année Philosophie : les grandes questions Nombre de fois enseignés 2005-06 Non 0 2006-07 Non 0 2007-08 Non 0 Pré-u HZT4U 12ième année Philosophie : approches Nombre de fois enseignés et problématiques 2005-06 Non 0 2006-07 Oui 1 2007-08 Oui 1 Pré-u HRT3M 11ième année Religion : les grandes religions Nombre de fois enseignés 2005-06 Non 0 2006-07 Non 0 2007-08 Non 0 Conseil scolaire de district du Centre-Sud-Ouest Ouvert HZB3O 11ième année Philosophie : les grandes questions Nombre de fois enseignés 2005-06 Oui 3 2006-07 Oui 4 2007-08 Oui 3 Pré-u HZT4U 12ième année Philosophie : approches Nombre de fois enseignés et problématiques 2005-06 Oui 5 2006-07 Oui 5 2007-08 Oui 6 Pré-u HRT3M 11ième année Religion : les grandes religions Nombre de fois enseignés 2005-06 Oui 1 2006-07 Non 0 2007-08 Non 0 10
L’exception quebécoise : le programme d’étique et de culture religieuse E n ce qui concerne le Québec, un traitement particulier s’impose. En 1997, la Constitution canadienne est amandée afin de soustraire cette province de l’obligation d’accorder des privilèges aux catholiques et aux protestants en matière scolaire. À partir de cette modification de la loi fondamentale de la confédération, une lente évolution s’amorce. Cette évolution aboutira en septembre 2008 avec l’application du programme d’éthique et de culture religieuse dans toutes les écoles primaires et secondaires québécoises. La formation en éthique vise à permettre à l’élève d’arrêter des choix fondés sur un raisonnement rationnel. Ce processus de décision éthique doit s’appuyer sur les valeurs morales qui sont véhiculées dans la société québécoise. La formation en culture religieuse vise à ouvrir l’élève aux diverses traditions religieuses qui influencent ou qui ont influencé le Québec. À ce titre, une attention particulière est accordée à l’histoire du catholicisme et du protestantisme. Il s’agit de transmettre des connais- sances objectives et non pas de susciter, alimenter ou soutenir une quête spirituelle chez l’élève. Ce tout nouveau programme d’éthique et de culture religieuse pour- suit deux grandes finalités. D’abord, il s’agit d’éveiller l’élève à l’altérité afin qu’il soit en mesure de reconnaître l’autre dans sa différence. Cette reconnaissance implique le respect de la diversité des croyances, des convictions et des visions du monde. Fondamentalement, cette première finalité rappelle la dignité intrinsèque de l’humain et, par conséquent, la nécessité du dialogue et de l’ouverture à l’autre. 11
La seconde finalité du programme d’éthique et de culture religieuse du Québec engage l’élève dans la poursuite du bien commun. Le bien commun est défini comme le dépassement des intérêts person- nels au profit de ceux de la collectivité et de chaque individu. Il s’agit d’encourager la construction d’une vie en société à partir de valeurs communes, de projets partagés et d’idéaux démocratiques. L’enseignement de ce programme s’amorce au primaire et se poursuit au secondaire. Aux deux cycles du secondaire, l’élève doit dévelop- per trois compétences qui sont : réfléchir sur des questions éthiques, manifester une compréhension du phénomène religieux et pratiquer le dialogue. Avec la première compétence, « Réfléchir sur des questions éthiques », l’élève est appelé à développer une pensée autonome, critique et créatrice. Cette formation à la réflexion éthique s’inscrit dans un contexte pluraliste où les valeurs sont multiples et parfois même en opposition. D’où l’importance, pour chaque citoyen, de développer un sens éthique qui affirme son individualité dans le respect des valeurs communes et particulières. Le développement de la seconde compétence, « Manifester une com- préhension du phénomène religieux », est nécessaire pour que l’élève soit en mesure de lire le monde qui l’entoure et d’y vivre. En effet, la société québécoise, quoiqu’aujourd’hui largement pluraliste, a été forgée au creuset du christianisme. Pour lire la société québécoise, comprendre la trame de son développement historique, apprécier son héritage patri- monial, il importe d’acquérir la culture religieuse nécessaire. Aussi, cette même culture permet de saisir la complexité de la diversité des croyances religieuses et de leur influence ici et ailleurs. Cette seconde compétence s’articule donc autour de la compréhension des dimensions expérienti- elle, historique, doctrinale, morale, rituelle, littéraire, artistique, sociale et politique. 12
Finalement, la troisième compétence amène l’élève à « Pratiquer le dialogue ». Cette compétence est en fait une actualisation des deux grandes finalités de ce programme. Il s’agit d’éduquer l’élève à la dé- libération intérieure et à l’échange d’idées avec les autres. Ce programme d’éthique et de culture religieuse est unique au Québec. Il s’agit d’une approche qui s’étend du primaire au secondaire et qui touche l’ensemble des élèves. La visée de ce programme est large. Elle cherche à former des citoyens qui participent à la construction d’une société tolérante et qui partagent des valeurs communes. Ce modèle est difficilement exportable, car il s’inscrit dans la mouvance de l’histoire particulière du Québec et il répond à cette spécificité. Par contre, il est intéressant de noter que les deux grandes finalités de l’approche québé- coise s’apparentent à la politique d’éducation du caractère du ministère de l’Éducation de l’Ontario. Dans les deux juridictions, les autorités com- pétentes accordent une attention spéciale à la formation civique de l’élève afin d’en faire un individu responsable. Et au Québec comme en Ontario, le développement de la sensibilité éthique participe à cette entreprise. 13
Le développement du caractère et l’enseignement de la philosophie et des sciences religieuses L e développement du caractère a connu un développement fulgurant durant les récentes années dans le contexte des écoles publiques (Antis, « Chez les grecs, 1998). Cette approche vise à favoriser l’émergence d’une sensibilité et l’éthique est un sys- d’un comportement éthique chez l’élève (Lickon, Schaps et Lewis, 2006). tème d’exhortations Le mot éthique vient du terme grec « ηθική » ou « Ethiqué », qui signifie qui invitent le citoyen à rechercher le bien, les moeurs, et du terme latin « éthicus » qui signifie la morale. Chez à éviter le mal ou, si les grecs, l’éthique est système d’exhortations qui invitent le citoyen l’on veut, à conformer à rechercher le bien, à éviter le mal ou, si l’on veut, à conformer son son comportement en fonction de valeurs comportement en fonction de valeurs tenues comme universellement et tenues comme inconditionnellement valables. universellement et inconditionnellement valables. » Aujourd’hui, l’éthique est une spécialisation de la philosophie qui s’intéresse aux comportements humains ou à la conduite des individus en société. Le raisonnement éthique vise à justifier d’une manière rationnelle les décisions morales, c’est-à-dire ce qui est moralement bien ou mal, juste ou injuste (Remley, 2005). Il serait donc difficile de concevoir le développement du caractère indépendamment d’une initiation sérieuse à la philosophie et à l’éthique en particulier. Ainsi, parce que l’éducation au « Il serait donc difficile caractère se fonde sur une éthique, l’enseignement de la philosophie au de concevoir le dével- secondaire n’aura jamais été aussi pertinent. oppement du car- actère indépendam- ment d’une initiation sérieuse à la philoso- Pour que le développement du caractère soit un chemin phie et à l’éthique en d’humanisation de la personne, il importe que l’élève cultive un sens particulier. » critique fondé sur la rationalité. C’est à cette condition qu’il acquerra l’autonomie nécessaire pour prendre sa place dans la cité. Sinon, il risque d’être réduit à l’état d’un automate qui répète des comportements appris, et ce, sans les questionner. 14
Or, la philosophie apporte justement un fondement scientifique au développement du caractère. C’est dans le feu du raisonnement phi- losophique que l’élève apprend à distinguer le bien du mal et à opter en faveur d’un comportement qui dépasse la simple réaction primaire et ir- réfléchie. En somme, la philosophie est un chemin de liberté qui participe « Or, la philosophie apporte justement un puissamment au développement du caractère. fondement scienti- fique au développe- ment du caractère. D’ailleurs, chez les Grecs de l’Antiquité, la philosophie portait une C’est dans le feu du raisonnement phi- attention toute spéciale au développement de l’individu. À cette époque, losophique que l’élève l’enseignement de cette science visait essentiellement à développer la apprend à distinguer connaissance de soi et le raisonnement rationnel. En somme, le maître le bien du mal et à opter en faveur d’un cherchait à former des individus responsables qui étaient en mesure comportement qui d’assumer autant leur destinée que leurs responsabilités civiques au sein dépasse la simple de la cité (Hadot, 2002). réaction primaire et irréfléchie. » Certaines approches en psychologie s’inspirent directement de la tradition philosophique hellénique. Par exemple, Albert Ellis a essentiel- lement développé sa théorie psychothérapeutique en s’inspirant de la philosophie de la Grèce de l’Antiquité. En effet, l’essentiel de la théorie de Ellis se résume au « A-B-C model ». Selon ce modèle, l’individu répond à un événement activant (A) avec des conséquences émotives et com- « Or pour Albert Ellis, portementales (C). l’atteinte d’un com- portement rationnel passe obligatoirement par une évolution phi- Les conséquences émotives et comportementales (C) ne sont pas losophique de la part de l’individu. Cette uniquement causées par l’événement actif (A), mais en partie aussi par le évolution est obtenue système de croyances (B). Ellis (1994) écrivait à ce propos : « People are grâce à l’utilisation du not disturbed by things, but by the views they take of them.» (p. 64). dialogue socratique qui vise à falsifier les pensées irrationnelles. » Les interventions visent donc à former un système de croyances (B) qui est rationnel, ajusté à la réalité et de nature à satisfaire les besoins de l’individu. En d’autres termes, l’approche rationnelle-émotive-com- portementale vise à enseigner à l’individu comment obtenir ce qu’il recherche, et ce, d’une manière rationnelle. Or pour Albert Ellis, l’atteinte d’un comportement rationnel passe obligatoirement par une évolution 15
philosophique de la part de l’individu. Cette évolution est obtenue grâce à l’utilisation du dialogue socratique qui vise à falsifier les pensées ir- rationnelles. En d’autres termes, l’approche développée par Ellis nourrit l’ambition de libérer l’individu de l’emprise de ses sophismes. Tableau 4 - Modèle de Ellis Événement activant Système de croyances Comportements «A» «B» «C» Kelly n’accepte pas la note qu’elle Une étudiante qui veut devenir une « Je ne suis pas intelligente. Je suis vient de recevoir dans son test. excellente psychologue ne peut très déçue. Je ne pourrai rien faire L’événement activant (A) n’est pas avoir C dans un test. de bon dans ma vie. » Kelly est en congruent avec son système de colère: déception, découragement, croyances (B). risque d’interrompre les études Kelly n’accepte pas la note qu’elle « Je viens d’échouer à un test, Kelly travaille davantage dans vient de recevoir dans son test. mais je peux bien me reprendre ses cours. Une telle stimulation en travaillant fort pour réussir aux s’enracine dans une croyance ratio- autres tests. Je deviendrai ainsi une nnelle et peut produire des résultats excellente psychologue. » positifs. Comme on le remarque, l’enseignement de la philosophie ne « Comme on débouche pas uniquement sur un savoir accru. L’acquisition de cette sci- le remarque, ence peut même favoriser une croissance humaine de l’élève et le dével- l’enseignement de oppement de son caractère. Une recherche quantitative menée auprès la philosophie ne débouche pas unique- de 397 élèves iraniens semble confirmer cette hypothèse. En effet, selon ment sur un savoir les résultats de cette étude, l’enseignement de la philosophie est associé accru. L’acquisition au développement de la connaissance de soi (Ghorbani, Ghramaleki, de cette science peut même favoriser une Watson, 2005). croissance humaine de l’élève et le dével- oppement de son Il en est de même en ce qui concerne l’enseignement de la religion caractère. » comme science ou comme savoir. Bien que déjà en 1883 Friedrich Nietzche annonçait la mort de Dieu et que les idéologies athées aient déferlé durant une bonne partie du XXe siècle, les religions continuent à exercer une influence considérable sur l’histoire contemporaine. Com- ment comprendre le monde d’aujourd’hui et ses principaux acteurs sans 16
prendre en considération la donne religieuse. La montée du fondamen- « Bien que déjà talisme un peu partout dans le monde, le développement fulgurant des en 1883 Friedrich Nietzche annonçait la sectes religieuses en Occident et l’influence du discours religieux sur la mort de Dieu et que teneur des débats politiques aux États-Unis indiquent bien que la religion les idéologies athées occupe une place centrale dans la vie de nombreux peuples. aient déferlé durant une bonne partie du XXe siècle, les religions continuent à La religion imprime une vision du monde qui influence de manière exercer une influ- explicite, mais souvent aussi de façon bien inconsciente, l’existence des ence considérable sur l’histoire contem- individus et des nations. Qui sait que l’alliance entre Dieu et le peuple poraine. Comment hébreux marque le début d’un humanisme qui fonde l’altérité et l’état de comprendre le monde droit? Même aujourd’hui, pour être en mesure de lire et de comprendre d’aujourd’hui et ses principaux acteurs un monde occidental sereinement irréligieux, il importe d’en connaître sans prendre en con- les racines judéo-chrétiennes. En d’autres termes, l’étude des religions sidération la donne comme savoir scientifique est un chemin qui débouche sur une meilleure religieuse. » connaissance de soi et des autres. « En d’autres termes, Ce savoir permet de séparer l’ivraie du bon grain. Il permet un la religion fait partie du tissu humain. Elle est discernement entre l’apport de la religion à la construction des civilisa- vécue par des hom- tions, d’une part, et son instrumentalisation pour justifier la guerre et les mes et des femmes. massacres, d’autre part. En d’autres termes, la religion fait partie du tissu Et parce que la humain. Elle est vécue par des hommes et des femmes. Et parce que la religion constitue une forme d’expression religion constitue une forme d’expression de l’humanité, on y retrouve à la de l’humanité, on y fois le meilleur et le pire. retrouve à la fois le meilleur et le pire. » Comment penser le développement du caractère sans une culture religieuse élémentaire qui apporte un savoir qui permet à l’élève de faire « Mais la croyance la part des choses tout en nourrissant une réflexion éclairée et informée n’est pas un aveugle- ment. Toute conviction du phénomène religieux. Ce savoir est de nature à permettre aussi à doit demeurer alerte l’élève de développer ses propres convictions, et ce, même si elles ne et se fonder sur une sont pas à caractère religieux. Albert Ellis a bien démontré que le traite- démarche critique, ment cognitif de la réalité est à la source des comportements de l’individu. et ce, afin d’éviter les subterfuges de la Or, des convictions personnelles ajustées, respectueuses d’autrui et bien crédulité » ancrées dans sa tradition culturelle d’appartenance sont porteuses de sens pour l’individu. 17
Dans son ouvrage La force de conviction Jean-Claude Guillebaud (2005) montre bien que les esprits insuffisamment formés et informés sont souvent l’objet de manipulations mentales. Ceci pourrait bien être le piège qui guette notre siècle. Sous un couvert de scientisme ou de « En ce sens, l’étude de la religion comme rationalisme, certaines croyances enferment l’humain dans un carcan science constitue un étroit et étouffant. Pourtant, selon Guillebaud (2005), croire est néces- chemin de décou- saire à la vie. Mais la croyance n’est pas un aveuglement. Toute convic- vertes autant par rapport à l’autre que tion doit demeurer alerte et se fonder sur une démarche critique, et ce, par rapport à soi- afin d’éviter les subterfuges de la crédulité : « Dans sa dynamique propre, même. Elle fournit à livrée à ses penchants, la croyance risque à tout moment de s’enivrer l’élève un lieu où il d’elle-même. Une telle ébriété la conduit à préférer, d’instinct, le dogme apprend à respecter la différence, à apprécier au cheminement, le catéchisme ânonné à la conviction réfléchie. » (p. sa propre identité cul- 373). Selon Guillebaud (2005), le défi réside donc dans la quête d’un turelle et à forger ses espace viable entre le doute et l’illusion, un lieu habitable entre la cré- propres convictions.» dulité et le désenchantement. En ce sens, l’étude de la religion comme science constitue un chemin de découvertes autant par rapport à l’autre que par rapport à soi-même. Elle fournit à l’élève un lieu où il apprend à respecter la différence, à apprécier sa propre identité culturelle et à forger ses propres convictions. 18
L’approche par compétence S i la valeur et l’apport de la philosophie et de la religion, dans un contexte de développement du caractère, sont incontestables, il reste que « Si la valeur et l’apprentissage et l’enseignement de ces deux matières constituent un l’apport de la philoso- phie et de la religion, défi particulièrement difficile à relever. En effet, il importe de dépasser la dans un contexte simple animation psychosociale ou l’échange d’opinions. Pour éviter cet de développement écueil, les attentes et les contenus d’apprentissage doivent être rédigés du caractère, sont incontestables, il reste d’une manière claire et précise. que l’apprentissage et l’enseignement de ces deux matières L’utilisation de l’approche par compétence a pour avantage de constituent un défi particulièrement dif- favoriser la clarification des contenus d’apprentissage à partir du point ficile à relever. » de vue de l’élève et de son cheminement. Cette approche nécessite des apprentissages bien précisés, effectifs et mesurables. L’enseignant peut ainsi construire ses exposés, ses exercices ou ses activités en fonction d’une finalité qui est très bien identifiée. Selon l’approche par compétence, les contenus d’apprentissage se regroupent sous trois catégories : les savoirs (connaissances déclara- tives), le savoir faire (connaissances procédurales) et le savoir-être « L’utilisation de (attitudes et dispositions). Au plan des savoirs, il faut opter en faveur de l’approche par compé- connaissances qui sont fondamentales et essentielles à la philosophie ou tence a pour avantage de favoriser la clarifi- à la religion comme objet de recherche scientifique. D’une manière plus cation des contenus spécifique, il faut identifier et retenir les concepts centraux, les auteurs d’apprentissage à incontournables et des textes particulièrement significatifs. En ce qui con- partir du point de vue cerne le savoir-faire, il s’agit pour l’élève de démontrer sa compétence à de l’élève et de son cheminement. » argumenter d’une manière rationnelle, à analyser une problématique, à établir un dialogue critique ou à justifier un choix. Finalement, le savoir- être renvoie au développement d’une conscience plus aiguisée et critique par rapport à l’existence, à un comportement éthique délibéré par rapport à autrui, à l’engagement social ou à la connaissance d’une tradition religieuse particulière. Le savoir être peut être aussi un positionnement 19
épistémologique bien arrêté par rapport à la réalité ou un sens critique rationnel par rapport à un discours religieux. Examiné sous l’angle de l’approche par compétence, le programme- cadre de deux cours en philosophie démontre certaines faiblesses. La « Aussi, nous croyons première se situe au plan des savoirs. En effet, la description qui en est que tous les conte- faite est parfois imprécise car ils se recoupent. Ainsi, plusieurs types de nus d’apprentissage savoirs se retrouvent sous un même contenu d’apprentissage. Par ex- qui touchent aux questions éthiques emple, les champs de l’éthique et des enjeux existentiels sont confondus. devraient être regrou- De plus, des savoirs essentiels sont absents, comme une introduction pés et faire l’objet d’un générale à la philosophie. Cette faiblesse risque de provoquer une cer- cours particulier. Ce taine ambiguïté dans la prestation de la matière. cours serait offert en 12ième année en lieu et place du cours « Aussi, nous croyons que tous les contenus d’apprentissage qui Philosophie : ap- touchent aux questions éthiques devraient être regroupés et faire l’objet proche et probléma- tiques ». » d’un cours particulier. Ce cours serait offert en 12ième année en lieu et place du cours « Philosophie : approche et problématiques ». Ce nou- veau cours aurait l’avantage de répondre aux conditions sociales actu- elles qui accordent une grande importance à l’éthique et de favoriser le développement de la sensibilité éthique chez les élèves. Finalement, ce remaniement au plan de l’organisation interne des cours aurait aussi pour avantage de resserrer et de préciser le contenu du cours de 11ième année (voir les tableaux 5 et 6). 20
TABLEAU 5 : DOMAINES D’ÉTUDE ET DES CONTENUS D’APPRENTISSAGE EN PHILOSOPHIE SAVOIRS (Connaissances déclaratives à acquérir) Introduction générale à la Épistémologie – Fondements Éthique – philosophie de la connaissance le comportement moral (11 année) ième (11 année) ième (12 année) ième 1. Histoire générale de la 1. La connaissance : 1. Qu’est-ce que l’éthique ? philosophie : • La nature de la connaissance • Définition de l’éthique et de son • La philosophie grecque (épistémè) et sa différenciation domaine • La philosophie médiévale par rapport à la croyance (doxa) • Le comportement moral, la pour • Le marxisme suite et la recherche du bien • L’existentialisme • Les différentes sources des 2. La philosophie des sciences : valeurs éthiques 2. Les grandes questions • La prise de décision éthique existentielles: • Qu’est-ce que la science? • Le positivisme, observation et 2. Enjeux éthiques : • L’humain et sa contingence mesure du réel, formulation • La question de Dieu d’une hypothèse, sa vérification • Euthanasie • L’athéisme et la généralisation du savoir • Manipulations génétiques • L’exercice de la liberté • Les approches naturalistes, • Écologie • Les déterminismes l’expérience subjective comme • La nature vs la culture source de connaissance 3. Justice sociale : • Critique de la méthode scienti- fique et du scientisme • Le rôle et les responsabilités de l’état : l’état de droit, la démocratie, protection et limite des libertés individuelles, redistri- bution des richesses et sécurité sociale • Responsabilités et devoirs du citoyen : droits individuels vs le bien commun. 21
TABLEAU 6 : DOMAINES D’ÉTUDE ET DES CONTENUS D’APPRENTISSAGE EN PHILOSOPHIE SAVOIR-FAIRE (Habiletés à développer) Introduction générale à la Épistémologie – Fondements Éthique – philosophie de la connaissance le comportement moral (11 année) ième (11 année) ième (12 année) ième 1. Histoire générale de la 1. La connaissance : 1. Qu’est-ce que l’éthique ? philosophie : • Décrire la différence entre la • Définir l’éthique et identifier ses • Décrire l’objet de la philosophie croyance et la connaissance sources • Nommer les principaux courants • Utiliser un modèle de prise de de pensée en philosophie 2. La philosophie des sciences : décision appliquée à une • Identifier deux auteurs et en situation particulière. présenter les idées principales • Identifier et présenter les principales différences entre les 2. Enjeux éthiques : approches positivistes et natu 2. Les grandes questions ralistes en recherche • Identifier deux à trois enjeux existentielles: • Décrire les limites de la science éthiques et décrire ses et du discours scientifique éléments constitutifs, les • Nommer et décrire deux enjeux implications éthiques et justifier qui confrontent l’existence de la une prise de position personnelle personne en invoquant des arguments • Identifier et décrire les réponses de nature rationnelle. de deux approches philosophiques par rapport à un 3. Justice sociale : enjeu existentiel spécifique • Décrire comment l’état de droit protège ses citoyens • Établir si les devoirs éthiques priment sur les obligations juridiques • Décrire les responsabilités sociales de l’état par rapport au phénomène de la pauvreté 22
TABLEAU 7 : DOMAINES D’ÉTUDE ET DES CONTENUS D’APPRENTISSAGE EN PHILOSOPHIE SAVOIR-ÊTRE (Attitudes à cultiver) Introduction générale à la Épistémologie – Fondements Éthique – philosophie de la connaissance le comportement moral (11 année) ième (11 année) ième (12 année) ième 1. Histoire générale de la 1. La connaissance : 1. Qu’est-ce que l’éthique ? philosophie : • Manifester une attitude critique • Développer un comportement • Développer une perspective de par rapport au discours éthique et être en mesure de la la pensée tout au long de scientifique justifier de manière rationnelle l’histoire de l’humain 2. La philosophie des sciences : 2. Enjeux éthiques : 2. Les grandes questions existentielles: • Établir une différence entre • Acquérir une pensée éthique l’apport du discours scientifique personnelle par rapport à • Acquérir et partager une pensée et les pièges du scientisme certains enjeux personnelle, rationnelle et articulée par rapport à certaines 3. Justice sociale : questions existentielles • Prendre conscience de ses devoirs et obligations de citoyen en matière de justice sociale En ce qui touche le cours de 11ième année intitulé « Les grandes religions du monde : croyances, traditions et enjeux, 11ième année, cours préuniversitaire / précollégial », le programme-cadre prévoit quatre domaines d’étude qui sont : croyances religieuses, religion et société, religion et expérience humaine et, finalement, habilités de recherche et de communication. Déjà nous constatons que l’étendue de la matière dépasse le titre du cours. En effet, la traversée de tous les contenus d’apprentissage couvre l’ensemble des manifestations du phénomène religieux. Le titre semble limiter le contenu du cours aux grandes institu- tions religieuses, ce qui n’est manifestement pas le cas. Il serait donc plus juste d’intituler tout simplement ce cours de 11ième année « Le phénomène religieux ». Le substantif phénomène tire ses racines du mot 23
grec «γενικευμένο », lequel signifie un fait observable qui se manifeste à la conscience. Tel est justement l’objet du cours, soit l’étude de la religion comme un fait, c’est-à-dire un phénomène qui participe tant au dével- oppement de la civilisation que des individus. Selon nous, le premier domaine d’étude « croyances religieuses » constitue une très bonne introduction à l’étude du phénomène religieux. Toutefois, il serait important d’ouvrir le cours par un définition préalable de la croyance et de son rôle tant au sein d’une tradition religieuse que de l’existence de l’individu. La croyance ou la conviction est au cœur même du phénomène à l’étude. Il importe donc aussi de distinguer la croyance de la connaissance. Mais en même temps, il faut bien cerner l’apport et la nécessité de la croyance. Règle générale, l’organisation des contenus d’apprentissage de l’ensemble du cours doit être mieux découpée au plan des savoirs, et ce, afin d’éviter une certaine confusion. Par exemple, il y a une confusion manifeste entre le contexte historique et les systèmes de croyances. De plus, l’apport de la psychologie pour la compréhension du phénomène doit être spécifiquement ajouté au domaine d’apprentissage « Religion et expérience humaine ». Aussi, certains domaines d’étude se recoupent. Par exemple, le domaine « religion et société » devrait faire surtout appel au phénomène de civilisation, tandis que celui de « religion et expérience humaine » devrait cerner le religieux comme phénomène individuel. Dans sa forme actuelle, le programme-cadre n’établit pas clairement cette distinction. Il importe de bien différencier ces deux versants de la religion. 24
TABLEAU 8 : DOMAINES D’ÉTUDE ET DES CONTENUS D’APPRENTISSAGE EN SCIENCES DES RELIGIONS SAVOIRS (Connaissances déclaratives à acquérir) Croyances et traditions Religion et société Religion et expérience religieuses individuelle 1. Les croyances religieuses : 1. L’apport des religions au 1. La croyance religieuse dans la fonction et évolution développement des civilisations vie des individus • Définition de la croyance • Influence de la religion sur • La croyance religieuse au plan religieuse vs la connaissance le développement politique, de la vie des individus (ex. : la • L’évolution des croyances économique et social d’une ou quête de sens, les grandes religieuses de plusieurs cultures questions existentielles, • Influence des traditions l’expérience mystique) 2. Les grandes traditions religieuses sur l’histoire • Religion et santé mentale des religieuses contemporaine individus • Les grandes figures • Les systèmes de croyances as 2. Les traditions religieuses au contemporaines associées à une sociées aux trois religions Canada ou des traditions religieuses monothéistes : le judaïsme, le • Le phénomène religieux chez les christianisme et l’Islam • Les traditions religieuses chez jeunes • Les croyances religieuses du les premières nations bouddhisme et de • Évolution du christianisme au 2. Pathologie et expérience l’hindouisme Canada, son apport à la religieuse construction de l’identité 3. L’expression de la croyance canadienne • Les expressions pathologiques religieuse • Le phénomène de la diversité de la religion (ex. : la compulsion, religieuse au Canada et les les délires) • La fonction des pratiques et défis qui y sont associés • L’impact négatif des sectes sur rituels religieux • Le développement des sectes la vie des individus • Les pratiques et rituels des au Canada grandes traditions religieuses 25
TABLEAU 9 : DOMAINES D’ÉTUDE ET DES CONTENUS D’APPRENTISSAGE EN SCIENCES DES RELIGIONS SAVOIR-FAIRE (Habiletés à développer) Croyances et traditions Religion et société Religion et expérience religieuses individuelle 1. Les croyances religieuses : 1. L’apport des religions au 1. La croyance religieuse dans la fonction et évolution développement des civilisations vie des individus • Décrire les éléments constitutifs • Analyser l’impact de la religion • Identifier et décrire l’apport de la de la croyance religieuse sur le développement politique, croyance religieuse au plan de la • Décrire l’évolution des économique et social d’une ou vie des individus (ex. : la quête croyances religieuses au cours de plusieurs cultures de sens, les grandes questions des âges : l’animisme, • Démontrer une compréhension existentielles, l’expérience les mythes, le monothéisme de l’influence des traditions mystique) religieuses sur l’histoire • Nommer et présenter quelques 2. Les grandes traditions contemporaine grandes figures contemporaines religieuses associées à une ou des traditions 2. Les traditions religieuses au religieuses (ex. : Gandhi, Martin • Identifier et décrire les Canada Luther King, Mère Theresa, croyances associées aux trois Jean-Paul II ou Jean Vanier, Le grandes religions monothéistes : • Nommer et décrire les traditions Dalaï-Lama) le judaïsme, le christianisme et religieuses chez les premières • Décrire la perception de la l’Islam nations religion chez les jeunes • Identifier et décrire les • Décrire l’évolution du d’aujourd’hui croyances religieuses du christianisme au Canada, son bouddhisme et de l’hindouisme apport à la construction de 2. Pathologie et expérience l’identité canadienne et son religieuse 3. L’expression de la croyance impact sur l’ensemble du religieuse développement de l’Occident • Décrire comment la religion peut • Présenter la diversité religieuse être instrumentalisée et devenir • Démontrer une compréhension au Canada et les défis qui y sont l’expression de la névrose ou de de la fonction des pratiques et associés la psychose (ex. : la compulsion, rituels religieux • Analyser les causes et l’impact les délires) • Décrire les pratiques et rituels du développement des sectes • Analyser l’impact négatif des des grandes traditions au Canada sectes sur la vie des individus religieuses 26
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