SHIRAZ BAYJOO Lo Sa La Ter Ruz - FONDATION H

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SHIRAZ BAYJOO Lo Sa La Ter Ruz - FONDATION H
SHIRAZ BAYJOO
Lo Sa La Ter Ruz
SHIRAZ BAYJOO Lo Sa La Ter Ruz - FONDATION H
Shiraz Bayjoo
     Lo Sa La Ter Ruz
  [Sur Cette Terre Rouge]

Commissariat de Ilaria Conti
SHIRAZ BAYJOO Lo Sa La Ter Ruz - FONDATION H
Lo Sa La Ter Ruz                                                                           tés des femmes de dépasser ce qui tente de les débiliter ou de les contenir, d’in-
                                                                                           venter des stratégies, en exploitant ce qu’elles savent du pouvoir, de leurs vies
                                                                                           quotidiennes, de leurs expériences et de leurs positions »5. Une autre composi-
Shiraz Bayjoo déconstruit les langages visuels et matériels de la colonialité              tion représente une forêt, honorant la terre comme un espace de liberté et d’au-
pour articuler de nouvelles stratégies d’affirmation décoloniale. Ancré dans               to-détermination, puisque, comme l’explique avec éloquence Édouard Glissant :
son héritage mauricien et basé sur une pratique de la recherche, le travail de             « Le territoire est une base pour la conquête. Le territoire exige qu’on y plante
l’artiste s’attache à une compréhension globale de la région de l’océan In-                et légitime la filiation. Le territoire se définit par ses limites, qu’il faut étendre.
dien. Il étudie ainsi l’interconnectivité transversale qui caractérise ce terri-           Une terre est sans limites, désormais. C’est pour cela qu’il faut qu’on la défende
toire, en résonnance avec des notions telles que la « poétique de la relation »            contre toute aliénation »6. À l’aliénation s’opposent également les pratiques spi-
d’Édouard Glissant, ou encore la « créolité » telle qu’elle est interprétée par            rituelles mises en avant dans la série et qui semblent habiter le quotidien et
Patrick Chamoiseau. Ces enchevêtrements régionaux sont abordés tout en                     produire des formes pluriverselles de résistance à travers des objets ordinaires.
prenant acte de l’importance qu’ont eu les circulations des peuples et des
ressources entre les îles, comme l’Île Maurice et Madagascar, dans le dévelop-             San Vizyon forme un « indice matériel de résistance »7 qui met en lumière des
pement de la richesse des empires européens. De fait, ces mouvements for-                  réseaux de relation et de sens non pris en compte par le récit colonial. L’œuvre
ment la pierre angulaire de ce que le sociologue Aníbal Quijano définit comme              fait remonter à la surface des présences issues du passé mais qui n’y sont pas
« la colonialité du pouvoir » : « les formes de contrôle de la subjectivité/l’in-          reléguées : elles doivent être vues et comprises selon leur pertinence actuelle.
tersubjectivité de la culture, et surtout du savoir, de la production du savoir »1.        Comme le suggère le titre créole de l’œuvre (qui signifie « Sans vision »), l’ordre
                                                                                           hégémonique de la vision qui a servi à préserver la « violence constituante »8
La production et la transmission des savoirs sont au cœur de la première ex-               des archives est ici éradiqué par une manœuvre matérielle et conceptuelle.
position de Shiraz Bayjoo en France, Lo Sa La Ter Ruz ou « Sur cette terre
rouge » en créole mauricien, faisant ainsi allusion au sol rouge qui confère à             Tandis que la série San Vizyon suggère, sans l’illustrer, ce qui se cache derrière
Madagascar le surnom l’Île Rouge. Shiraz Bayjoo aborde l’histoire coloniale de             l’appareil photographique du colon, la série de sculptures Sambo aborde cette
la région dans une exposition qui rend hommage aux stratégies et aux généa-                question tout en articulant plus précisément la pensée critique de l’artiste, basée
logies collectives de résistance qui ont permis aux communautés, y compris                 sur l’objet. Reposant sur du sapele — un bois africain renvoyant aux bois durs
les ancêtres de l’artiste, de faire face à la colonisation européenne. Opérant             traditionnels d’Afrique de l’Est et de l’océan Indien occidental —, ces offrandes et
un détournement sur des matériaux d’archives coloniales, le projet génère une              symboles sont des points d’attention qui permettent d’éclairer les contextes ma-
« poétique disruptive »2, qui met en lumière des histoires de résilience in-
tergénérationnelle et pluriverselle. Conçue comme une polyphonie
d’œuvres qui résonnent entre elles afin de transmettre et honorer l’expé-
rience complexe des colonisé·e·s, l’exposition déploie la recherche et la pra-
tique multidimensionnelle de Shiraz Bayjoo, dans lesquelles divers mé-
diums sont employés comme stratégies distinctes de penser et de faire.

Dans la série de textiles intitulée San Vizyon, l’artiste prolonge sa recherche sur
l’utilisation symbolique des tissus et de la photographie. Il subvertit leur rôle histo-
rique comme technologies de propagande coloniale, des voiles navales aux ban-
nières royales, en passant par les cartes postales exotiques et les études ethnogra-
phiques racialisées. S’appuyant sur les archives coloniales françaises, ces textiles
mettent en présence de puissantes rencontres photographiques qui troublent
l’ordre épistémique des archives dont ils sont issus et établissent « une interac-
tion politique »3 avec les sujets photographié·e·s, comme le préconise la théori-
cienne de culture visuelle Ariella Azoulay lorsqu’elle discute des manières d’ac-
céder aux archives photographiques qui ne seraient pas « sans conséquences ».

Surmontant le manque de proximité historique et géographique, Shiraz Bayjoo
ramène, avec intimité4, le·la visit·eur·rice aux généalogies de transmission des sa-
voirs et résistances qui ont permis la survie des communautés colonisées. Parmi
celles-ci, de puissantes figures féminines affirment leur présence en contrant la
fétichisation de l’appareil photographique et en retournant le regard, incarnant
ainsi ce que la chercheuse féministe Elizabeth Grosz décrit comme « les capaci-

6                                                                                                                                                                               7
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tériels, spirituels et sociaux qui ont nourri cette résilience mise en avant dans San
Vizyon. Évoquant l’intimité des autels spirituels, la série Sambo dessine un es-
pace dans lequel on peut former de nouvelles généalogies de mémoire et subs-
tituer la relationnalité à l’hégémonie, la dette [owing] à la possession [owning]9.

Accompagnant cette installation, la série de peintures En Cours s’appuie sur les
archives du Musée du Quai Branly – Jacques Chirac. Les photographies histo-
riques, régies par le regard colonial et assignant des identités subordonnées et
racialisées à des membres de la société malgache, sont ici transfigurées par le
processus de pensée de Shiraz Bayjoo, qu’il transcrit dans la matière. L’artiste
intègre les photographies dans un processus artistique dans lequel les couches,
les couleurs et la matière modulent les points focaux, les atmosphères et les a
priori sur les figures représentées. Il évite ainsi une reproduction acritique de
ce genre d’imagerie chargée, comme pour contrer le dilemme soulevé par des
universitaires comme Saidiya Hartman lorsqu’elle demande comment « revisiter
une scène d’assujettissement sans reproduire la grammaire de la violence»10. In-
versant le procédé qui a transformé des identités complexes en archétypes, les
œuvres qui en résultent défient la certitude des catégories racistes et figées. Par
un processus de peinture qui utilise les couches matérielles comme des lentilles
capables d’ajuster la vision, l’artiste génère une archéologie provocante et alter-
native de ces images. Il déterre la souveraineté de la représentation que les ar-
chives coloniales ont historiquement effacé par leur « ordre de perception », dans
lequel, comme le décrit l’universitaire Rolando Vázquez, « le·la spectateur·rice sait
peu de choses sur […] ce qui se trouve en dehors de l’artifice »11. Les rapports rhi-
zomatiques entre les peintures éclairent davantage l’approche de l’artiste de l’in-
terconnectivité comme méthodologie et de la recherche par la pratique. Chaque
image fait alors partie d’un réseau plus large de sens, formant une mosaïque
chorale qui résonne avec les textiles San Vizyon et met en lumière l’impossibilité
de réduire les sociétés malgaches et mauriciennes à des identités homogènes.

Les céramiques de la série Coral Island prolongent la réflexion de Shiraz Bayjoo
sur la valeur symbolique des objets. Les petites pièces sculpturales, qui imitent
des cadres ornés français semblables à ceux utilisés historiquement pour ché-
rir les portraits des êtres aimé·e·s, reproduisent la qualité attendrissante du
confort et statut social bourgeois. Cependant, à y regarder de plus près, des
images de violence coloniale habitent ces charmants ornements décoratifs.
Sous les céramiques émaillées, qui évoquent les paysages de terre et les sols
volcaniques, se trouvent cristallisées des images de la collection des Grands
et Petits Voyages de Théodore De Bry, une série de vingt-cinq volumes pu-
bliés à Francfort entre 1590 et 1634 et rassemblant près de cinquante récits de
voyages coloniaux à travers l’India Occidentalis (les Amériques d’aujourd’hui)
et l’India Orientalis (l’Afrique et l’Asie). Les céramiques deviennent les récep-
tacles de la double violence que les colons ont perpétré sur les êtres vivants
et les écologies locales dans la région de l’océan Indien. Des colons assis
sur des tortues géantes aux hommes essayant de tuer des oiseaux avec une
massue, les représentations naïves des paradis exotiques fournies par les ex-
plorateurs sont manipulées pour exposer l’exploitation incessante des terres
et des corps que cette imagerie stéréotypée a permise. Coral Island façonne
une nouvelle narration, dans laquelle l’imaginaire colonial, qui continue de
prospérer aujourd’hui à travers des fantasmes apparemment innocents de va-

8                                                                                       9
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cances sur des îles paradisiaques, révèle sa férocité génocidaire et écocidaire.

     La tension entre une telle férocité et la lutte anticoloniale pour la souveraine-
     té est le point central de Searching for Libertalia, qui entrelace plusieurs ré-
     cits historiques autour de Madagascar : l’histoire du capitaine Misson et de sa
     prétendue colonie égalitaire de pirates, les politiques de traite esclavagiste de
     la Compagnie Française des Indes Orientales et les mouvements indépendan-
     tistes des années 1940 qui s’opposaient à l’occupation française. Réunissant des
     séquences historiques et des vidéos rassemblées par l’artiste, l’œuvre emploie
     une stratégie visuelle en trois temps, qui mêle différentes temporalités pour
     construire une narration diachronique dans un espace visuel synchronique.
     Faisant écho aux manipulations et aux multiples interprétations auxquelles
     l’histoire est soumise, Searching for Libertalia met en lumière les défis chan-
     geants et récurrents qui sous-tendent la lutte malgache pour la décolonisation.

     Les enchevêtrements intellectuels, affectifs et sensoriels de Lo Sa La Ter Ruz dé-
     fient l’inexorabilité du passé colonial, résonnant avec l’invitation de Grosz à exercer
     l’histoire non pas comme « la récupération de la vérité des corps ou des vies dans
     le passé », mais plutôt comme « l’engendrement de nouveaux types de corps et
     de vies »12, afin de générer de nouvelles compréhensions collectives pour le futur.
     La pratique de Shiraz Bayjoo articule une résistance matérielle et visuelle à tra-
     vers laquelle les sujets historiquement colonisé·e·s/résilient·e·s peuvent ré-exister
     dans le présent. En établissant des formes intimes de connexion avec le passé,
     l’engagement continu de l’artiste pour des pratiques décoloniales résonne inten-
     sément avec le processus radical, libérateur et poétique prôné par Hartman, et
     qui tend vers un dépassement de la violence déterministe de l’archive coloniale :

              J’ai traversé les limites de la preuve en invoquant une série
              d’arguments spéculatifs qui exploitaient les capacités du subjonctif — le
              « ce qui aurait pu être » — et en habitant une relation figurale ou
              affective au passé, plutôt qu’une relation causale ou linéaire. […]
              L’espace pour notre amour, notre soin et nos rêves devra être saisi
              comme tout le reste.13

                                                                                  Ilaria Conti

                                                           Traduction de l’anglais par Line Ajan
                                                          Toutes les références sont en page 18

10                                                                                            11
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                                                                                         land henceforth has no limits. That is the reason it is worth defending against
                                                                                         every form of alienation.”6 Similarly oppositional to alienation are the spi-
Shiraz Bayjoo deconstructs the material and visual languages of coloniality to arti-     ritual practices highlighted in the series, which are seen to inhabit the every-
culate new critical strategies for decolonial affirmation. The artist’s research-based   day and produce pluriversal forms of resistance through ordinary objects.
work, rooted in his Mauritian heritage, pursues a broad understanding of the In-
dian Ocean region, investigating its interconnectedness in resonance with notions        San Vizyon forms a “material index of resistance”7 that sheds light on
such as Édouard Glissant’s ‘poetics of relation’ and Patrick Chamoiseau’s inter-         networks of relation and meaning unaccounted for by the colonial narrative.
pretation of creolité. These regional entanglements are addressed in recognition         It brings to the surface presences that are from the past but are not rele-
of how crucial the movement of peoples and resources among neighbouring is-              gated to it: instead, they are to be seen and understood in their present-day
lands such as Mauritius and Madagascar has been to the wealth of European em-            significance. As the creole title of the artwork (“Without Vision”) suggests,
pires, forming the key building block of what sociologist Aníbal Quijano defined         through a material and conceptual manoeuvre, the hegemonic order of vi-
as “coloniality of power”: “the forms of control of the subjectivity/intersubjecti-      sion that preserves “constituent violence”8 in archives is here eradicated.
vity, of culture, and especially of knowledge, of the production of knowledge.”1
                                                                                         While San Vizyon implies, but does not illustrate, what lies behind the sett-
Knowledge production and transmission are the focus of Bayjoo’s first exhi-              lers’ camera, the Sambo sculptural series addresses such questions while
bition in France, Lo Sa La Ter Ruz. Translating to ‘On This Red Land’ in Mau-            further articulating the artist’s object-based critical thinking. Resting on Sa-
ritian creole, the title alludes to the red soil that gives Madagascar its by-           pele, an African timber referencing traditional East African and western In-
name of Great Red Island. Bayjoo engages with the region’s colonial history              dian Ocean hardwoods, offerings and symbols function as points of fo-
by conceiving an exhibition that is a homage to the communal strategies                  cus to fine-tune the material, spiritual, and social context that nourished
and genealogies of resistance that allowed communities, including the ar-                the resilience celebrated by San Vizyon. Evoking the intimacy of spiritual al-
tist’s own ancestors, to stand in the face of European colonisation. Operating           tars, the Sambo series delineates a space in which to form new genealogies
a détournement on colonial archival materials, the project generates a “dis-             of memory and substitute hegemony with relationality, owning with owing.9
ruptive poetics”2 that highlights stories of intergenerational and pluriversal
resilience. Designed as a polyphony of artworks that resonate with one ano-              Complementing the installation is a selection from the En Cours painting se-
ther to convey and honour the complex experience of the colonised, the ex-               ries, which draws from the archives of the Musée du Quai Branly - Jacques
hibition unfolds Bayjoo’s multidimensional research and practice in which di-
verse mediums are employed as distinct strategies of thinking and making.

In the textile series San Vizyon, the artist expands his ongoing research on
the symbolic use of fabrics and photography. He subverts their historical role
as technologies of colonial propaganda, from naval sails and royal banners to
exotic postcards and racialised ethnographic studies. Drawing on French co-
lonial archives, the textiles here bring into presence powerful photographic
encounters that unsettle the epistemic order of the archives they are sourced
from and establish, as advocated by visual culture theorist Ariella Azou-
lay when discussing how to access photographic archives in ways that are
not “inconsequential,” a “political interaction”3 with photographed subjects.

Overcoming a lack of historical and geographical proximity, Bayjoo brings the
viewer into intimacy4 with the genealogies of knowledge transmission and re-
sistance that ensured the survival of colonised communities. Among these,
larger-than-life female figures establish their presence by opposing the fetishi-
sation of the camera, defiantly returning the gaze and embodying what femi-
nist scholar Elizabeth Grosz describes as “women’s capacities to move beyond
what attempts to debilitate or contain them, to devise strategies, harnessing
what they know about power, about their daily lives, their experiences, their
positions.”5 Another composition presents a forest, honouring land as a space
of freedom and self-determination; as Glissant eloquently clarifies, “terri-
tory is the basis for conquest. Territory requires that filiation be planted and

16                                                                                                                                                                     17
18   19
Chirac. The historical photographs, wielding the settlers’ gaze and assigning        Echoing the manipulations and multiple interpretations to which history-making
subordinate and racialised identities to members of Malagasy society, are            is invariably subject, Searching for Libertalia sheds light on the shapeshifting
transfigured by Bayjoo’s process of material thinking. Avoiding an acritical re-     and recurring challenges underlying the Malagasy struggle for decolonisation.
production of such charged imagery, and as if to address the dilemma raised
by scholars such as Saidiya Hartman when asking how to “revisit the scene            Lo Sa La Ter Ruz’s intellectual, affective, and sensorial entanglements defy the
of subjection without replicating the grammar of violence,”10 Bayjoo incor-          inexorability of the colonial past, resonating with Grosz’s invitation to exer-
porates the photographs into an artistic process in which layers, colours and        cise history not as “the recovery of the truth of bodies or lives in the past” but
matter modulate the focal points, atmospheres and inferences of the figures          as “the engendering of new kinds of bodies and new kinds of lives,”12 so as
represented. Reversing the process that turned complex identities into ar-           to generate new communal understandings for the future. Bayjoo’s work ar-
chetypes, the resulting artworks defy the certainty of fixed racist categories.      ticulates a material and visual resistance through which historically colo-
                                                                                     nised/resilient subjects can re-exist in the present. In establishing intimate
Through a process of painting that applies material layers as lenses ca-             forms of connection to the past, the artist’s ongoing commitment to deco-
pable of adjusting one’s vision, the artist generates for his images a defiant       lonial practices resonates intensely with Hartman’s radical, liberating, poe-
and alternative archaeology. He unearths the sovereignty of representation           tic process of overcoming the deterministic violence of the colonial archive:
that colonial archives have historically erased through their “order of per-
ception” in which, as described by scholar Rolando Vázquez, “the spec-                       I navigated the limits of evidence by invoking a series of speculative
tator knows little about what […] lays outside the artifice.”11 The rhizoma-                 arguments that exploited the capacities of the subjunctive—the what
tic relations among paintings further illuminate the artist’s approach to                    might have been—and by inhabiting a figural or affective relation to
interconnectedness as methodology and to research-through-making. Each                       the past rather than a causal or linear one. […] The space for our love,
becomes part of a broader network of meaning, forming a choral mosaic                        our care, and our dreams will have to be taken like everything else.13
that resonates with San Vizyon’s textiles and sheds light on the impossibi-
lity of reducing Malagasy and Mauritian societies to homogenous identities.
                                                                                                                                                           Ilaria Conti
Ceramics from the Coral Island series extend Bayjoo’s ongoing reflection on the
symbolical value of objects. The small sculptural pieces, mimicking French or-
nate frames similar to those historically used to cherish portraits of loved ones,
reproduce the endearing quality of bourgeois comfort and social status. On
closer inspection, however, it is images of colonial violence that inhabit these
charming decorative ornaments. Underneath their ceramic glazes, evoking
earthy landscapes and volcanic soils, are crystallised images from the De Bry
collection of voyages, a series of twenty-five volumes published in Frankfurt
between 1590 and 1634 and collecting almost fifty accounts of colonial travel
across India Occidentalis (present-day Americas) and India Orientalis (Afri-
ca and Asia). The ceramics become vessels of the double violence that colo-
nisers perpetrated on living beings and ecologies in the Indian Ocean region.
From settlers sitting on giant turtles to men trying to kill birds with clubs,
the explorers’ naïve representations of exotic paradises are manipulated to
expose the relentless exploitation of land and bodies that such stereotypi-
cal imagery enabled. Coral Island shapes a new narration, in which the colo-
nial imaginary that continues to thrive today through seemingly innocent fan-
tasies of paradise island vacations reveals its genocidal and ecocidal ferocity.

The tension between such ferocity and the anti-colonial struggle for sovereignty
is the focal point of Searching for Libertalia, which entwines multiple historical
narratives around Madagascar: the story of Captain Misson and his allegedly
egalitarian pirate colony, the politics of the French East India Company’s slave
trade, and the independentist movements of the 1940s against French occu-
pation. Bringing together historical footage with moving image gathered by
the artist, the artwork employs a three-fold visual strategy that mixes different
temporalities to construct a diachronic narration in a synchronic visual space.

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Références

1. Aníbal Quijano, Colonialidad del poder, globalización y democracia (Cara-
cas: Escuela de Estudios Internacionales y Diplomáticos “Pedro Gual”, 2000), 1-2

2. Saidiya Hartman, “The Dead Book Revisited,” History of the Present 6, no. 2 (2016): 210

3.    Ariella   Azoulay,    “Photographic       Archives      and   Archival Entities,” in Image
                                                                  , ed. Eder Jens and Klo-
nk     Charlotte      (Manchester:       Manchester          University   Press,  2017),   155-156

4. Concernant l’intimité sans proximité, voir / On intimacy without proximity, see Donna Haraway,
Staying with the Trouble. Making Kin in the Chthulucene (Durham: Duke University Press, 2016), 79

5. Elizabeth Grosz, “Histories of the Present and Future: Feminism, Power,
Bodies,” in Thinking the Limits of the Body, ed. Jeffrey Jerome Cohen
and Gail Weiss (Albany: State University of New York Press, 2003), 21

6. Édouard Glissant, Poetics of Relation (Ann Arbor: University Press of Michigan, 1997), 151

7.  Kathryn         Yusoff,    A      Billion    Black   Anthropocenes            or      None    (Min-
neapolis:           University         of         Minnesota      Press,                 2018),      xiii

8.    Ariella   Azoulay,    “Photographic       Archives      and   Archival Entities,” in Image
                                                                  , ed. Eder Jens and Klo-
nk      Charlotte      (Manchester:          Manchester        University   Press,    2017), 163

9. Rolando Vázquez, Vistas of Modernity (Amsterdam: Mondriaan Fund, 2020), 32

10.   Saidiya    Hartman,    “Venus     in    Two   Acts,”    Small   Axe   12,   no.    2   (2008):   4

11. Rolando Vázquez, Vistas of Modernity (Amsterdam: Mondriaan Fund, 2020), 41

12. Elizabeth Grosz, “Histories of the Present and Future: Feminism, Power,
Bodies,” in Thinking the Limits of the Body, ed. Jeffrey Jerome Cohen
and Gail Weiss (Albany: State University of New York Press, 2003), 23

13. Saidiya Hartman, “The Dead Book Revisited,” History of the Present 6, no. 2 (2016): 210-214

22                                                                                                         23
24   25
Shiraz Bayjoo

Shiraz Bayjoo est un artiste contemporain pluridisciplinaire qui travaille avec la vidéo, la
peinture, la photographie, la performance et l’installation. Sa pratique basée sur la re-
cherche se concentre sur les archives personnelles et publiques traitant de la mémoire
culturelle et de l’identité nationale postcoloniale en remettant en question les récits
culturels dominants. Bayjoo a exposé à l’Institute of International Visual Arts, Londres
(2019) ; New Art Exchange, Nottingham (2019) ; la 5ème édition du Dhaka Art Sum-
mit (2020) ; la 14ème Biennale de Sharjah (2019) ; la 13ème Biennale de Dakar (2018) ;
et 21ème Biennale de Sydney (2018). Bayjoo est récipiendaire de la Gasworks Fel-
lowship (Londres) et du Arts Council of England. Il est en résidence à la Delfina Foun-
dation (Londres) et a récemment reçu le Smithsonian Artist Research Fellowship.

Shiraz Bayjoo is a contemporary multi-disciplinary artist who works with film, pain-
ting, photography, performance, and installation. His research-based practice focuses
on personal and public archives addressing cultural memory and postcolonial na-
tionhood in a manner that challenges dominant cultural narratives. Bayjoo has exhi-
bited with the Institute of International Visual Arts, London; New Art Exchange, Not-
tingham; 5th Edition Dhaka Art Summit; 14th Biennale of Sharjah; 13th Biennale of
Dakar; and 21st Biennale of Sydney. Bayjoo is a recipient of the Gasworks Fellows-
hip and the Arts Council of England. He is an artist in residence at the Delfina Foun-
dation and has recently been awarded the Smithsonian Artist Research Fellowship.

Ilaria Conti

En tant que commissaire d’exposition indépendante, Ilaria Conti s’intéresse notamment
à la recherche autour des épistémologies décoloniales et articulant de nouvelles rela-
tions entre les infrastructures institutionnelles, le savoir commun et l’action citoyenne.
Elle a récemment occupé le poste de Research Curator au Centre Pompidou (Paris), où
elle faisait partie de l’équipe de commissaires de Cosmopolis, une plate-forme plurian-
nuelle consacrée à l’art basé sur la recherche. Auparavant, elle a été Directrice des Ex-
positions et des Programmes au CIMA (New York) ; Commissaire adjointe de la Biennale
de Marrakech (2016) ; et H. Kress Interpretive Fellow au Metropolitan Museum of Art
(New York), entre autres postes. Elle est vice-présidente du African Art in Venice Forum.

As an independent curator, Ilaria Conti focuses on research-based practices engaging
with decolonial epistemologies and articulating new relationships between institutional
infrastructures, communal knowledge, and civic agency. Most recently she served as Re-
search Curator at the Centre Pompidou, where she was part of the curatorial team of Cos-
mopolis, a multi-year platform devoted to research-based art. Previously, she served as
Exhibitions and Programs Director at CIMA New York; Assistant Curator of the 2016 Mar-
rakech Biennale; and Samuel H. Kress Interpretive Fellow at the Metropolitan Museum of
Art, among other positions. She is the Vice-President of the African Art in Venice Forum.

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Couverture et p. 3 : Boneyard (détail), Panama tissé, encre à sublimation, Sapele, laiton, 100 x 100 cm
p. 5 : Woman by the window (détail), Tissu Voile Volando, encre à sublimation, Sapele, laiton, 135 x 168 cm
p. 6 : Coral Island set 5 (détail), Décalcomanie et glaçure sur grès en terre cuite, 30 x 15 cm
pp. 8 et 9 : Politique des Races 4, Acrylique et résine sur bois, 18 x 15 x 1,5 cm chaque
pp. 10-11 : Searching for Libertalia (extrait), Vidéo, 31’23’’
p. 13 : Riverstone (détail), Panama tissé, encre à sublimation, Sapele, laiton, 200 x 175 cm
pp. 14-15 : Three sisters (détail), Tissu Voile Volando, encre à sublimation, Sapele, laiton, 135 x 173 cm
pp. 19 : Politique des Races 4, Acrylique et résine sur bois, 18 x 15 x 1,5 cm
pp. 20-21 : Chi Lakaz 1 (détail), Série Sambo, Sapele, impression d’archive, carte, pierre de corail, 77,5 x 30 x 25 cm
p. 23 : Coral Island set 6, Décalcomanie et glaçure sur grès noir vulcanisé, 15,5 x 12 cm et 30 x 15 cm

Toutes les images : © Shiraz Bayjoo, 2021

                                Publié à l’occasion de l’exposition Lo Sa La Ter Ruz
                                                  de Shiraz Bayjoo
                                            commissariat de Ilaria Conti
                                      du 16 septembre au 20 novembre 2021
                                              à la Fondation H - Paris

                              Imprimé en septembre 2021 à Paris par la Fondation H

                                  Fondation H, Antananarivo - Paris
                                          fondation-h.com
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