D'avenir n 31 - dossier SIMONE VEIL AU PANTHÉON - Archives nationales
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mémoire d’avenir LE JOURNAL DES ARCHIVES NATIONALES n° 31 JUILLET-SEPTEMBRE 2018 dossier SIMONE VEIL AU PANTHÉON Archives d’une vie
édito actus Les entrées remarquables Durant l’été 2018, les Archives nationales vivent au rythme enlevé de de l’année Mai 68, les archives du pouvoir et des Voix de la contestation sur leurs 2017 deux sites de Paris et de Pierrefitte-sur-Seine, tandis que l’exposition sera le fil directeur des actions éducatives, culturelles et artistiques qui Plus de 4,7 kilomètres seront menées par les Archives nationales dans le quartier des Quatre- linéaires et 4,7 To sont Chemins avec les associations et les villes de Pantin et d’Aubervilliers. entrés par versement. Cette exposition s’accompagne de l’ouverture d’un compte Instagram qui Parmi ces fonds, on peut mettra en valeur bâtiments, métiers et documents. noter : les premiers verse- ments de la présidence Dépôt des statuts de la Croix- Son ouverture sur le site de Pierrefitte-sur-Seine a également coïn- de François Hollande ; Rouge française, 21 mai 1941, Minutier central des notaires de cidé avec la mise en ligne du fonds exceptionnel et inédit des dossiers les archives des cabi- Paris. ET/CX/1606. de la cour de sûreté de l’État relatifs à 1968 et la mise à disposition des nets Jean-Marc Ayrault © Arch. nat./pôle image 862 documents de propagande numérisés, conservés au titre des scellés. et Manuel Valls en partie ; les archives audio- visuelles du procès AZF ; les archives de l’École Les femmes sont à l’honneur dans le cadre du cycle « Aux archives, centrale des arts et manufactures et de l’École citoyennes ! », avec la journée de la grande collecte des archives des normale supérieure de Cachan ; les archives femmes au travail du 9 juin ou encore l’exposition sur Simone Veil et son sonores du Théâtre national de Chaillot ; la époux, montée en partenariat avec le Centre des monuments nationaux, seconde partie des archives du Centre d’études dans le cadre de leur panthéonisation le 1er juillet. D’autres actions sont arctiques ; les dossiers des forêts de protection ; menées pour accompagner cette célébration, à partir des archives de les archives du Secrétariat général des grandes Simone Veil que nous conservons et dont nous avons publié récemment opérations d’urbanisme. l’inventaire dans la salle des inventaires virtuelle. Parmi les 530 mètres linéaires d’archives privées, à signaler : l’inventaire des tapisseries Les chantiers numériques et participatifs s’intensifient et sont au cœur de Louis d’Orléans (1408), les archives de Lucien de nos actions archivistiques et scientifiques. Febvre, des résistants Pierre Dujols et Aymé- Guerrin, de Patrick Bloche. En témoignent notre participation active à la réflexion en cours sur la Les minutes et répertoires de notaires parisiens collecte et l’évaluation des archives, au travers de la plate-forme « Les ont révélé les testaments du maréchal Foch, archives pour demain » ou, encore, nos discussions suivies avec le d’Aristide Briand, de Raymond Poincaré. comité des usagers des Archives nationales et, plus largement, plusieurs Pour en savoir plus : http://www.archives- communautés d’historiens et d’historiennes, et, bien évidemment, notre nationales.culture.gouv.fr/fr/web/guest/ collaboration quotidienne avec les Missions des Archives de France qui registre-des-entrees ont présidé à une belle collecte d’archives en 2017 dont deux pépites sont présentées dans ce numéro. Je mentionnerai enfin le remarquable succès que connaît la transcription Les Journées collaborative des testaments de Poilus ; l’ouverture d’un nouveau européennes site innovant sur « Août 44. Regards croisés sur la libération de du patrimoine Paris » ; la présentation des résultats d’un projet enthousiasmant avec nos partenaires de la Fondation des sciences du patrimoine sur la 15 et 16 reconnaissance automatique de l’écriture des manuscrits (HIMANIS) ; septembre les derniers travaux en cours avant l’ouverture de notre plate-forme Durant tout un week-end, d’archivage électronique à la suite de la sortie de la version 1 de production les Archives nationales du logiciel interministériel VITAM ; ou encore le lancement des réflexions déclinent la thématique Journée européenne du autour des usages et des services pour les données numériques préalables de « l’art du partage » patrimoine 2017. © Arch. nat. à l’hackathon des Archives nationales des 8 et 9 décembre prochains, qui dans le cadre de l’opéra- inaugure ainsi la semaine de l’innovation publique. tion « 2018, année européenne du patrimoine culturel ». Guidés par des professionnels des archives, les visiteurs découvriront l’architecture moderniste du bâtiment de Pierrefitte-sur-Seine, ses magasins, ses ateliers ; à Paris, ils seront conduits à travers les espaces de l’hôtel de Rohan (XVIIIe siècle), de la bibliothèque historique, des Grands Dépôts Louis-Philippe et Napoléon III (XIXe siècle). Sur les deux lieux, sont proposés des animations destinées aux jeunes publics, des démonstrations des ateliers de restauration ainsi que l’accès en visite libre aux expositions sur Mai Françoise Banat-Berger, 68 (L’autorité en crise, Les voix de la contestation). directrice des Archives nationales Programme sur : www.archives-nationales.culture.gouv.fr 2
MÉMOIRE D’AVENIR Archives nationales - n° 31 - juillet - septembre 2018 L’entrée des Festival les archives de Traversées Raymond Barre du Marais En partenariat avec l’associa- 8 et 9 septembre tion Présence de Raymond de 14 h 30 à 18 h Barre, les Archives nationales Réalisation de « Departure » L’Espal, assurent depuis 2016 la collecte « Une coutume veut, au Japon, Le Mans, France 2014. © L’Espal des archives de l’ancien que l’on écrive les vœux parce Premier ministre (1924-2007). que c’est important de les visualiser. Nous pensons que les mots Le fonds d’archives conservé dans l’écriture sont une force de volonté. En brodant mes vœux, je à Sciences Po a ainsi rejoint les écris, je les grave, je les imprime de toutes mes énergies pour Pierrefitte-sur-Seine en février donner aux gens du bonheur par mes œuvres. C’est pour ça que Raymond Barre à l’hôtel Matignon. 20180049/30 NC. © Droits réservés 2018. Il s’enrichit de plusieurs je suis née. Vis en ce monde. » Rieko Koga entrées remises par d’anciens Pour les Traversées du Marais, les Archives nationales accueillent collaborateurs et proches de Raymond Barre. Le classement Rieko Koga. Originaire de Tokyo, l’artiste entretient un rapport et l’inventaire de ces documents seront effectués courant à l’écriture très fort, inventant parfois de nouveaux symboles, 2019 pour offrir à la recherche un ensemble cohérent illus- comme un langage personnel, pour dissimuler dans son travail ses trant les activités locales, nationales et européennes de prières ou ses doutes. Son enfance dans un quartier de temples Raymond Barre, tant publiques que privées. Ce fonds, pour bouddhistes imprègne son travail de broderies et d’installations la partie Premier ministre (1976-1981), sera un complément textiles d’une dimension méditative et spirituelle destinée à faire précieux aux versements effectués par l’Hôtel Matignon et le lien entre la réalité, son expérience et cette image du sacré. aux fonds mixtes de Marie-Hélène Bérard, Philippe Séguin À l’occasion du festival, le public est invité à envoyer un vœu et Pierre-André Wiltzer. en 80 lettres maximum afin qu’il soit brodé par Rieko Koga et exposé en partenariat avec la maison du Geste et de l’image, dans une création inédite durant le festival. D’autres œuvres de l’artiste seront aussi présentées ainsi que des Construire ensemble les sciences documents provenant des fonds des Archives nationales, notam- ment de filatures et de manufactures. du patrimoine Envoyez votre vœu en 80 lettres maximum en lettres capitales avant le 10 juillet, par courrier à l’adresse suivante : Sous cette injonction se sont tenues en juin les journées profes- Archives nationales, à l’attention d’Anne Rousseau, 59 rue sionnelles du patrimoine organisées par le ministère de la Guynemer 90001/93383 Pierrefitte-sur-Seine Cedex Culture et consacrées cette année aux apports de la recherche ou par courriel à : vœux.traversees@culture.gouv.fr dans les établissements culturels. Les Archives nationales y Merci de préciser si vous souhaitez que votre vœu soit ont présenté les projets Ecopat (projet postdoctoral d’enquête personnalisé. Le cas échéant, votre prénom et la première sur l’écologie des collections des Archives nationales, conduit lettre de votre nom seront brodés. sous l’égide de la Fondation des sciences du patrimoine) et Fili- grane (fourniture de minutes filigranées d’études notariales pour alimenter un projet de recherche de l’École nationale des Résidence territoriale/Contrat local chartes, Centre Jean-Mabillon, relatif à la reconnaissance auto- d’éducation artistique matique des filigranes anciens), et ont conclu la rencontre par avec Lola Reboud et Valérie Frossard, à Pierrefitte-sur-Seine la restitution du projet Campra, porté par le service éducatif Journées européennes du patrimoine, 15 et 16 septembre avec l’association La Tempesta et la Médiathèque de Saint- Denis. Celui-ci a réuni, autour d’une partition considérée Lola Reboud et Valérie Frossard sont deux photographes qui ont comme perdue, musicologues, chorégraphes, étudiants du réalisé une résidence territoriale au sein de deux centres sociaux conservatoire, enseignants et élèves afin de créer un opéra à Pierrefitte-sur-Seine, en partenariat avec la maison du Geste et et un concert, alliant ainsi recherche et médiation culturelle à de l’Image et le soutien de la direction régionale des affaires cultu- visée pédagogique et sociale. relles d’Île-de-France et du département de la Seine-Saint-Denis. Ces résidences ont pour objet de favoriser la découverte par le public d’un processus de création, à la fois par une approche pratique et par la fréquentation avec les œuvres. Le travail des deux photographes comporte un axe central autour de la rencontre des individus et du territoire comme source d’ins- piration, à partir duquel elles mettent chacune en œuvre des processus de création pour solliciter l’imaginaire des personnes rencontrées dans leur quotidien. En étroite collaboration avec les usagers, elles vont alors créer des récits, des fictions, qui sont autant de prétextes pour aller à la rencontre, dialoguer, s’ouvrir à l’autre et donner à voir une vision renouvelée, décalée, mais toujours sincère, des lieux et des personnes. Lors des journées du patrimoine, et pour une durée d’un mois, les Archives nationales accueilleront dans leurs espaces une restitu- tion en photographies de cette résidence de plus d’un an. Historia N’oubliez pas notre rendez-vous mensuel dans le magazine Historia à la rubrique L’inédit du mois ! 3
découverte d’un fonds LES EFFETS PERSONNELS DE PASSAGERS : TÉMOINS DES CATASTROPHES AÉRIENNES par Adrien Renaudet, département de l’Environnement, de l’Aménagement du territoire et de l’Agriculture C’est la raison pour laquelle la majorité des boîtes a été garnie d’une mousse de plastazote/tivex suffisamment dense et épaisse pour être creusée. Cette opération a été réalisée à l’aide d’un fer chauffant pour épouser au mieux la forme de chaque objet : un véritable travail d’orfèvre millimétré. Il en résulte un écrin individuel permettant de stabiliser et de présenter de manière esthétique les objets sans qu’ils soient en contact les uns des autres et sans qu’il soit nécessaire de les manipuler. Les documents papier sont quant à eux conservés dans des pochettes à soufflet de carton neutre. 1 Versement 20150467, article 401 à 408. Échantillon d’une boîte avant reconditionnement. © Arch. nat./Nicolas Dion Passeports, agendas, carnets d’adresses, corres- pondance, photographies, argent, montres, bagues, bracelets, colliers, insignes militaires, briquets, pistolet, bénitier, beurrier en argent avec son couteau… Cet inventaire à la Prévert a été découvert à l’occasion du traitement des archives d’Air France versées aux Archives nationales en 20161. E nviron trois cents objets non réclamés par les familles de victimes d’accidents aériens ayant eu lieu entre 1949 et 1962 ont en effet été versés aux Archives nationales en 2016. Comme ils étaient conservés dans de simples enveloppes en papier contenues dans huit boîtes Cauchard, Ensemble des articles reconditionnés. © Arch. nat./Nicolas Dion l’atelier de conservation préventive a été contacté par le département de l’Environnement, de l’Aménagement du territoire et de l’Agriculture [DEATA] afin d’envisager un nouveau conditionnement pérenne. Bruno Beauvallet, agent du service de la conservation préventive, a commencé par faire un état des lieux des pratiques adoptées aussi bien dans les musées que dans le domaine de l’archéologie pour identifier le meilleur moyen de conserver ces objets hétéroclites et peu présents dans les magasins d’archives. Ainsi, il a été décidé de préserver l’unité matérielle des enveloppes qui correspondent soit à un accident soit à une personne. Chaque ensemble a donc été reconditionné dans une boîte à rabats réalisée sur mesure en carton neutre. La problématique principale rencontrée touchait à la diversité des matériaux présents dans une même enveloppe : principalement métal, tissu, cuir et papier. Bruno Beauvallet précise que « le métal est à isoler pour qu’il ne dégrade pas les autres matériaux ». Contenu d’un article après reconditionnement. © Arch. nat./Nicolas Dion 4
MÉMOIRE D’AVENIR Archives nationales - n° 31 - juillet - septembre 2018 vie de fonds CENTRALE, CACHAN, SÈVRES : les fonds de l’enseignement supérieur s’enrichissent par Édith Pirio et Anne Rohfritsch, département de l’Éducation, de la Culture et des Affaires sociales Les Archives nationales ont accueilli en 2017 les versements de deux établissements prestigieux d’enseignement supérieur et de recherche, en plein renouvelle- ment : l’École centrale des arts et manufactures de Paris (Centrale Paris) et l’École normale supé- rieure [ENS] de Cachan. Notes de cours d’un élève d’Édouard P ilotées par la Mission des archives Prillieux, professeur de philotechnie et du patrimoine culturel des à l’École centrale, ministères de l’Éducation nationale en 1873/1874. 20170270/3018. et de l’Enseignement supérieur, de © Arch. nat./pôle image la Recherche et de l’Innovation, les opérations de collecte ont été organi- L’entrée des archives de l’ENS Cachan Les instruments de recherche sont sées en vue du déménagement des (versement 20170053, 106 mètres d’ores et déjà consultables en ligne deux écoles vers le plateau de Saclay, linéaires) vient, quant à elle, compléter dans la salle des inventaires virtuelle : pôle scientifique et technologique d’autres versements effectués précé- en cours d’aménagement. Il s’agit demment par cet établissement créé - Centrale Paris : https://www.siv. des plus importantes interventions en 1912 sous le nom d’École normale archives-nationales.culture.gouv.fr/ menées ces dix dernières années de l’enseignement technique. Le verse- siv/IR/FRAN_IR_056931 au sein d’opérateurs relevant de ces ment est constitué de documents - ENS Cachan : https://www.siv. ministères et jusque-là dépourvus de provenant des différents services archives-nationales.culture.gouv.fr/ toute fonction « archives ». Au total, ce centraux et administratifs et des dépar- siv/IR/FRAN_IR_056679 sont plus de 4,5 kilomètres linéaires tements d’enseignement de l’ENS. qui ont ainsi été recensés, puis traités Pour la première fois, des archives de - ENSJF : https://www.siv.archives- par des vacataires entre avril 2016 et laboratoires de recherche en sciences nationales.culture.gouv.fr/siv/IR/ octobre 2017, avant leur transfert aux sociales accompagnent un des FRAN_IR_056840 Archives nationales. versements de cet établissement pluri- L’École Centrale Paris conservait disciplinaire, devenu École normale jusque-là l’ensemble de ses archives supérieure Paris-Saclay en 2016. sur son site de Châtenay-Malabry. L’in- À ces deux entrées remarquables de tégration de l’École en 2015 au sein du l’année 2017, s’ajoute une troisième, grand établissement CentraleSupélec celle de l’ancienne École normale supérieure de jeunes filles [ENSJF], et la préparation de son déménage- créée en 1881 et fusionnée depuis ment ont permis de collecter près 1985 avec l’ENS de la rue d’Ulm de 585 mètres linéaires. Ce premier jusqu’alors réservée aux garçons. Les versement de Centrale aux Archives documents rassemblés dans le verse- nationales (20170270) contient notam- ment 20160281 (18 mètres linéaires) ment les dossiers de la direction, les ont été collectés dans les locaux de dossiers d’étudiants, les projets de l’ENS-Ulm et au Centre international concours, les cours et des carnets d’études pédagogiques, à Sèvres, où d’élèves de l’École depuis sa création était située l’ENSJF jusqu’en 1940. en 1829. Il a été complété à la fin de À l’exception de copies de concours, l’année 2017 par un versement d’ar- versées dès 1994 aux Archives natio- chives audiovisuelles. nales, il n’existe sans doute plus Sortie pédagogique de Sévriennes en 1924. d’autres traces des Sévriennes. 20160281/124. © Arch. nat./pôle image 5
vie de fonds FONCTIONS ET USAGES DES DOCUMENTS ICONOGRAPHIQUES dans les fonds de la Secrétairerie d’État consulaire et impériale par Cécile Robin, département de l’Exécutif et du Législatif Les dessins, cartes et plans dispersés dans le fonds de la Les dessins, schémas et plans de zones de conflit ou de Secrétairerie d’État (sous-série AF/IV) ont fait l’objet d’un matériel à usage militaire sont intégrés dans des dossiers inventaire exhaustif, distinct du reste du fonds. Consti- documentaires relatifs à des questions de stratégie, de tuent-ils pour autant un corpus homogène ? Leur nature mouvements de troupes, de financement de travaux, etc. iconographique suffit-elle à conférer une unité séman- Ces documents étant indispensables à la prise de décision tique à cet ensemble a priori factice ? du chef des armées, leur conservation dans les dossiers de travail de l’Empereur avec les ministres ne suffit pas à L ’extraction des documents est l’occasion de s’inter- présumer de leur réalisation. En revanche, ils ont assuré- roger sur la diversité des usages et des fonctions de ment alimenté la réflexion de l’Empereur sur la stratégie à ces pièces, leur mobilisation par les services administratifs, adopter à différentes échelles. puis par le chef de l’État. Tous ont une valeur propé- Les plans d’ingénieurs sont des plus divers, mais tous deutique : ils contribuent à l’intelligence des situations. comportent des données techniques inédites : hauteurs L’iconographie ne se résume pas à l’illustration d’un écrit ; d’eau et nivellements de ports, localisation de filons miniers, fonctionnement de moulins, usines, etc. Ces infor- elle est porteuse d’une information inédite, complémen- mations sont intégrées à l’ensemble des données relatives à taire et indispensable à la prise de décision. Pour autant, un établissement ou à un territoire ; agrégées, elles offrent un la nature de l’information contenue dans ces documents panorama complet des avantages d’une concession minière varie en fonction du type de décision attendue. ou de l’acheminement de matériel par voie fluviale. Dans un empire avide de conquêtes et soucieux de remo- deler les territoires à son avantage, le tracé des nouvelles On observe ainsi une concordance remarquable entre la frontières est un enjeu majeur. Les plans de délimitation typologie des documents iconographiques et la finalité des de territoires permettent de fixer des lignes de démarca- décisions de l’Empereur. Quel que soit le sujet ou le territoire tion dans leur totalité et avec toute la précision nécessaire. représenté, tout document a une valeur propre et une valeur Les parcelles, les espaces, les propriétés y sont représentés, d’adjuvant. La cohérence de ce corpus repose précisément sur dans un esprit parfois proche de celui des plans cadastraux. cette double nature, sur l’articulation des valeurs documen- De même, les plans de traverse de villes, réalisés en vue taires et esthétiques, et de l’action politique. de travaux d’urbanisme, ne se limitent pas à la représenta- tion par masses, mais descendent parfois à l’échelle de la maison et permettent de visualiser les avantages attendus Plan du terrain dit du Castelletto, près de Parme. Détail (1803). en termes d’aménagement des espaces. AF/IV/114, pl. 637, p. 7. © Arch. nat./pôle image 6
MÉMOIRE D’AVENIR Archives nationales - n° 31 - juillet - septembre 2018 dossier PLACARDS ET AFFICHES DU MINUTIER CENTRAL DES NOTAIRES DE PARIS par Marie-Françoise Limon-Bonnet, département du Minutier central des notaires de Paris qu’à celle de sa proche banlieue et même à celle du reste de la France, puisque les notaires ont parfois des clients qui n’habitent pas ou plus Paris et détiennent des biens un peu partout dans le pays. Ces pièces permettent aussi de comprendre quelles affiches étaient manipulées au quotidien par les notaires et consti- tuent un ensemble non négligeable pour étudier l’histoire de l’affiche en elle-même, au moins sous l’Ancien Régime et au XIXe siècle. Certains de ces documents intéressent l’histoire même du notariat, d’autres seront utiles pour illustrer le fonc- tionnement de certaines institutions d’Ancien Régime. La collection compte près de 1200 pièces allant du XVIe au XXe siècle. Elles ont été décrites lors d’un premier inven- taire réalisé au milieu du XXe siècle et aujourd’hui obsolète. Le nouvel instrument de recherche a été réalisé par Célia Liste et adresses des maîtres et marchands doreurs, argenteurs, ciseleurs, Cabane, stagiaire de l’École des chartes, Alexandre Cojannot, damasquineurs et enjoliveurs sur fer, fonte, cuivre, laiton et autres métaux conservateur en chef au Minutier central, et Marie-Françoise de la ville et faubourgs de Paris, surmontée d’un calendrier, 1741. MC/PA//22, 4B3-11. © Arch. nat./pôle image Limon-Bonnet, conservatrice générale, responsable du Minutier central des notaires de Paris. Toute la collection a La collection des placards et affiches du Minutier central été numérisée et les images numériques ont été rattachées des notaires de Paris présente une grande variété de à cet instrument de recherche. Au total, 2418 vues ont été documents et de formats : de l’affiche annonçant une mises en ligne. vente immobilière à la carte à jouer, cette collection hétéroclite a été formée par les archivistes à l’occasion de leurs opérations de reconditionnement et de classement des archives notariales. E n effet, les documents les plus grands de cette collec- tion, ceux qui ont véritablement le format d’une affiche, ont été utilisés par les notaires pour servir de chemises sommaires à leurs minutes, enveloppant selon les cas une quinzaine, un mois, voire une année de minutes. Le notaire ou son clerc apposaient au dos de l’affiche le nom et la date des minutes ainsi enchemisées. En remplaçant ces chemises de récupération par des papiers contemporains plus appro- priés, les archivistes ont cherché à préserver ces affiches anciennes, devenues rares, en les dépliant, en les conser- vant à plat et en en réalisant le catalogue. Il faut cependant souligner que beaucoup sont tronquées ou rognées d’une partie de leurs contenus. D’autres types de documents ont été mis au jour lors du traitement des archives des notaires : se retrouvent ainsi avec les 500 affiches de vente de biens mobiliers et immobiliers, qui constituent le sous-ensemble le plus important de cette collection, aussi bien des factures et papiers à en-tête d’entreprises que des papiers portant des marques de papetier, des cartes à jouer, des formulaires de constitution de rente chez un notaire, des diplômes ou des tirages photographiques. Fondamentalement hété- Carte à jouer : dame de pique. S. d. MC/PA//28, 4B7-2. roclite, cette collection touche autant à l’histoire de Paris © Arch. nat./pôle image 7
dossier SIMONE VEIL AU PANTHÉON par Constance de Vergnette, département des Archives privées droit, grâce à l’instrument de recherche mis en ligne en juin 2017 et qui permit de saluer le départ de cette grande dame. Au mois d’avril dernier, s’est ajouté un supplément, regrou- pant des documents encore inédits (inspection des prisons, Office de radiodiffusion-télévision française, papiers d’iden- tité et de nombreux albums de photographies officielles) ainsi que des compléments naturels de ceux déjà versés : agendas, distinctions et récompenses, dossiers de travail (notamment sur les lois relatives à l’interruption volon- taire de grossesse et à l’adoption), correspondance lors des campagnes des élections européennes (1979, 1984 et 1989). Cette nouvelle entrée ne se fait pas seule. Les archives d’Antoine Veil, qui est inhumé au Panthéon aux côtés de son épouse, rejoignent également les Archives natio- nales où elles forment le fonds 742AP. Elles présentent son parcours de haut fonctionnaire énarque et inspecteur Passeport européen de Simone Veil, 1979. 688AP/422/NC. © Arch. nat./pôle image des finances, mais aussi administrateur de grandes entre- Le 1er juillet 2018, Simone Veil entre au Panthéon, prises françaises dont l’Union des Transports aériens ou la accompagnée de son époux Antoine. Décidée par le Compagnie internationale des Wagons-Lits et du Tourisme. président de la République, Emmanuel Macron, cette Mariés pendant soixante-sept ans, les époux Veil ne sont panthéonisation commémore le premier anniversaire pas séparés par l’entrée de Madame au Panthéon et leurs de son décès, le 30 juin 2017, et rend hommage à une archives sont également réunies dans le Panthéon de l’His- figure politique que tout Français connaît, s’il ne toire, les Archives nationales. l’admire. Cette manifestation assez exceptionnelle dans le calendrier national est aussi l’occasion d’organiser des événements culturels et scientifiques autour d’une personnalité hors du commun. E n partenariat avec le Panthéon-Centre des monuments nationaux, les Archives nationales s’engagent au-delà de l’événement pour proposer au public une exposition rétrospective sur la vie de Simone Veil. Son parcours politique est illustré par les archives issues de son activité de ministre de la Santé entre 1974 et 1979 et entre 1993 et 1995, ou de membre des plus hautes juridictions et instances françaises (Conseil constitutionnel de 1998 à 2007, Haut Conseil à l’intégration). Quant aux aspects plus personnels de sa vie, relatifs à sa famille, à sa déportation ou à ses engagements associatifs, ils sont bien représentés au sein du volumineux fonds privé Simone Veil (688AP) qui offre un éclairage sur toutes les facettes connues ou méconnues de cette femme. En 2012, un premier don d’archives en provenance des bureaux de Simone Veil, rue de Rome, a été fait aux Archives nationales qui venaient de s’installer sur le site de Pierrefitte-sur-Seine. Il a été complété en 2013, 2014 et 2015 ; l’ensemble a fait l’objet d’un long travail de classement et de description. Les 420 articles qui constituent ce fonds mixte, intégrant à la fois des archives privées et des archives Notes prises par Simone Veil en Conseil des ministres, 24 décembre 1974. publiques, sont consultables, après autorisation des ayants 688AP/37. © Arch. nat./pôle image 8
MÉMOIRE D’AVENIR Archives nationales - n° 31 - juillet - septembre 2018 Le partenariat monté entre le Panthéon et les Archives natio- nales repose sur un jeu de miroirs entre deux lieux chargés de perpétuer la mémoire nationale qui permet aux visiteurs de découvrir, d’un côté, le lieu de sépulture de Simone Veil et une programmation culturelle associée qui valorise la figure de la femme et de l’engagement et, de l’autre, le lieu de conservation des traces de son action. À Pierrefitte-sur- Seine, l’exposition est programmée pour commémorer sa disparition ; au Panthéon, une semaine de gratuité est mise en place jusqu’au 8 juillet, scandée par des visites guidées notamment à destination des familles et des groupes du champ social. Neuf panneaux résument les étapes majeures de sa vie et Notes prises par Simone Veil lors de sa mission d’observation en Algérie des thématiques plus transversales, représentatives de ses pour l’ONU, 1998. 688AP/135. © Arch. nat./pôle image préoccupations. Après son histoire personnelle et familiale, est présentée son action au sein du gouvernement français puis du Parlement européen. Un focus s’attache à sa défense Cérémonie d’entrée au Panthéon des droits de l’Homme à travers ses différentes activités. Dimanche 1er juillet Enfin, l’exposition aborde trois formes d’hommage : les honneurs internationaux, son élection à l’Académie fran- Hommage et accès gratuit au Panthéon çaise et son entrée au Panthéon. Le fonds privé Simone Veil Du lundi 2 au dimanche 8 juillet est majoritairement utilisé pour illustrer le contenu histo- rique, mais il n’en demeure pas moins que les fonds publics, Visites pour les jeunes en famille (à partir de 10 ans) notamment ceux produits par les services de l’Elysée, du Premier ministre ou du Ministère de la Santé, sont indispen- Mercredi 4 juillet : 11 h, 12 h, 14 h, 15 h, 16 h et 17 h sables, malgré des lacunes parfois importantes que le fonds privé complète fort à propos. Le Parlement européen et le Visites pour les groupes du champ social Mémorial de la Shoah sont aussi les dépositaires d’archives Jeudi 5 juillet : 11 h, 12 h, 14 h, 15 h, 16 h, 17 h intéressant son passage à Strasbourg et son combat perma- nent en faveur de la mémoire de la Shoah. Réservation obligatoire : reservations.pantheon@monuments-nationaux.fr Tél. 01 44 32 18 04 / 05 Liens utiles : http://www.archives-nationales.culture.gouv.fr/web/ Simone Veil et Jacques Chirac lors de l’entrée symbolique des Justes de guest/hommage-national-a-simone-veil France au Panthéon, 18 janvier 2007. 688AP/467/NC . http://www.paris-pantheon.fr/ © D. Noizet/Service photographique de la présidence de la République 9
réseaux et partenaires DAPHNÉ LE SERGENT EXPOSE GÉOPOLITIQUE DE L’OUBLI AU JEU DE PAUME, une création nourrie des archives (5 juin–23 septembre). par Françoise Lemaire, Mission des partenariats scientifiques et des relations internationales Née en 1975 à Séoul (Corée du Sud), Daphné Le Sergent de mémoire en me confrontant au point de vue de ceux mène une recherche artistique et théorique autour de qui sont en charge de pérenniser notre présent numérique. la notion de schize et de déterritorialisation. Activant J’ai exploré toutes ces procédures avec Martine Sin Blima- différents systèmes de montage et de démontage, de Barru, chef du département de l’Archivage électronique : cut-up ou d’effacement, son travail s’intéresse à la comment sont organisés les lots d’information provenant construction de l’identité en proposant une analyse du des différents ministères, comment les arborescences paysage frontalier comme phénomène de perception, cartographient leurs organigrammes, l’importance des assimilable à un écran. Elle est membre de l’équipe métadonnées, le concept de lac de données qui permet un de recherche Esthétique, pratique et histoire des stockage totalement plat pour faciliter toutes les analyses arts (université Paris 8) et dirige le département de possibles, dans la perspective du long terme et d’usage photographie. Ses œuvres assemblent fragments que l’on ne connaît pas […]. textuels et poétiques, dessins partitionnés, diptyques Ces échanges ont donc constitué un appui scientifique dé- de photographies et de séquences vidéo. cisif pour mon projet. Mais j’ai pris conscience de la densité des sujets que j’aborde et j’ai dû faire des choix, je ne suis pas allée au bout de chaque ramification […] J’ai aussi été sen- G éopolitique de l’oubli est l’une des trois créations qui constituent le projet NOVLANG_, présenté au Jeu de Paume dans le cadre de la 11e édition de la programmation sible aux équipements, aux espaces que j’ai visités et photo- graphiés pour illustrer de façon poétique mon scénario. Satellite. Conçu par la chercheuse et critique d’art Agnès Violeau autour des questions posées par les usages de la langue à l’ère du virage numérique, usages qui induisent les tentations de sa réduction, de son formatage et de sa simplification, NOVLANG_ entend irriguer l’analyse critique d’un « monde en contraction de pensée », réactivant les réflexions de George Orwell sur le langage et le régime totalitaire. Daphné s’inspire pour cette œuvre de deux formes distinctes d’écriture, les cunéiformes et les glyphes maya, et imagine deux communautés retrofuturistes qui substituent à l’alpha- © Daphné Le Sergent bet une écriture-image et se livrent à des batailles de signes. « Le jour où j’ai visité le site de Fontainebleau, il avait neigé et les salles abandonnées étaient inondées d’une lumière blanche, intense. Lorsque j’ai vu les quelques cartons, livres et documents posés sur ce bureau, une variété de supports pour l’in- formation faisant référence à différentes époques, cela a tout de suite résonné avec le titre du projet « géopo- litique de l’oubli ». Les objets étaient là, plongés dans la lumière, posés les uns à côté des autres. Ils n’étaient Daphné Le Sergent. © Droits réservés plus des documents de travail qui permettent la migra- Daphné Le Sergent : Dans Géopolitique de l’oubli, je me tion de données du livre vers la bande passant ou vers livre aussi à une réflexion sur la mémoire à l’heure du cloud le data center. Et quelle ne fut pas ma surprise quand je découvris la et de ses illusions de facilité. Après avoir croisé les Archives note posée sur ce bureau et sur laquelle je pouvais lire nationales dans le cadre du Labex Arts-H2H, j’ai éprouvé « fantôme ». » le besoin de pousser mes investigations sur les techniques 10
MÉMOIRE D’AVENIR Archives nationales - n° 31 - juillet - septembre 2018 réseaux et partenaires LES ARCHIVES NATIONALES HORS FRONTIÈRES par Françoise Lemaire et Rosine Lheureux, Mission des partenariats scientifiques et des relations internationales Visuel de la conférence annuelle de 2017. © Arch. nat. Mémoire de la Nation, les Archives nationales ont vocation à donner une portée internationale à leurs activités, dans le cadre de la coopération avec des Coupe de l’hôtel Le Brun de 1786, pour l’exposition Ausstellen des organismes internationaux d’archives ou bien par le Ausstellens (Exhibiting the Exhibition) présentée au Staatliche Kunsthalle biais de partenariats institutionnels noués dans le Baden-Badendu 3 mars au 17 juin 2018. Z/1j/1314/1/28/3. © Arch. nat./ pôle image monde de la recherche. Dans le prolongement de contacts noués à ces occasions ou bien en tant que membre du Conseil international des D e nombreux fonds d’archives, publics ou privés, tels que les papiers des souverains et chefs d’État, les fonds des organismes des périodes de guerre ainsi que ceux des archives [ICA] et de l’Association internationale des archives francophones [AIAF], les Archives nationales se nourrissent d’échanges professionnels de haut niveau tant sur l’ensemble administrations ayant opéré à l’échelle ultramarine ou de leurs activités que sur des sujets plus prospectifs lors des transnationale, se prêtent à l’étude ou à la valorisation par le rencontres annuelles. Elles y interviennent afin d’enrichir biais de projets de recherche ou de colloques internationaux. deux problématiques très actuelles, celle du lien entre On mentionnera ceux qui portèrent récemment sur l’aire archives et droits de l’homme, par des interventions sur francophone d’Afrique du Nord et d’Afrique subsaharienne, l’accès à l’information et la mise à disposition des corpus « Foccart : archives ouvertes (1958-1974), la politique, l’Afrique issus des périodes de répression ou de guerre notamment, et le monde » en 2015 et « Afrique du Nord et Afrique et celle de la modernisation des Archives, par la présentation subsaharienne dans la Grande Guerre (1914-1918). Patrimoine, de leur propre refondation ou celle de la future plate-forme commémoration, transmission », en 2016. Ces mêmes années, d’archivage électronique ADAMANT. Dans le prolongement un projet de recherche européen (ERC), « Opening Jerusalem de la CISA organisée en 2013 à l’intention de l’Amérique latine, Archives: for a connected history of ‘Citadinité’ in the Holy les services d’archives du Pérou, du Chili et de Colombie City (1840-1940) », conduit avec l’université Paris Est Marne- ont convié leur homologue français pour dialoguer autour la-Vallée, a donné lieu à plusieurs missions d’archivistes à de ces deux thématiques, susceptibles de les inspirer dans Madrid, Jérusalem, Rome, Saint-Pétersbourg et Moscou. Les la mise en place de leur politique archivistique. C’est ainsi expertises professionnelles des spécialistes de la conservation qu’en 2017, une copie des documents audiovisuels du procès matérielle des collections sont aussi régulièrement requises, dit Pinochet a été remise au Museo de la memoria y los comme par la Bibliothèque orientale de l’Université Saint- derechos humanos, du Chili, lors de la rencontre « Mémoires Joseph à Beyrouth pour la préservation de ses collections. de l’exil, mémoires de la solidarité internationale ». En outre, l’accueil d’une quinzaine de délégations étrangères S’il semble que, dans un avenir proche, l’Europe constitue par an, attirées autant par la beauté des dépôts historiques pari- un horizon prioritaire pour des échanges d’idées ou d’expé- siens que par la modernité du site de Pierrefitte-sur-Seine, tout riences et pour des réalisations concrètes, les Archives na- comme la tradition des prêts aux expositions à l’étranger, mais tionales, tenues en premier lieu par les obligations nées de surtout l’implication active des Archives nationales dans les la Déclaration des droits de l’homme et de son classement deux actions de formation du ministère de la Culture destinées au registre « mémoire du monde UNESCO », s’honorent de aux archivistes étrangers que sont le stage technique internatio- diffuser le plus largement leur message d’ouverture et nal [STIA] et la conférence internationale supérieure des archives de partage de savoirs faisant lien entre les citoyens, sans [CISA], contribuent au rayonnement large de l’institution. limite de frontières. 11
réseaux et partenaires LE PROJET HIMANIS : L’HEURE DU BILAN par Jean-François Moufflet, département du Moyen Âge et de l’Ancien Régime Détail du registre JJ 147, fol. 68 : Charles VI accorde à Jean Visconti, comte de Vertus, le droit de porter sur deux quartiers de son écu les fleurs de lys. © Arch. nat. Interface expérimentale en TEI : mise en regard de l’image de l’acte avec son Les registres de la chancellerie royale des XIVe et analyse. © Arch. nat. XVe siècles, où les scribes recopiaient certains actes émis par le pouvoir, ont constitué le terrain d’étude ensuite retravaillée et structurée en TEI et EAD pour pouvoir à et d’expérimentation du projet HIMANIS [Historical terme agrémenter les documents de leur analyse. Manuscripts Indexing for user-controlled Search]. Les membres du projet, à savoir les universités de Valence (Espagne), de Groningue (Pays-Bas), et la société française A2ia, ont réussi à tirer parti de l’intelligence arti- E n tant que principal gardien de ce trésor, les Archives nationales ont accepté d’autant plus volontiers d’en devenir un partenaire associé fin 2014. Lancé par l’Institut de recherche ficielle qui est parvenue progressivement à reconnaître et comprendre les formes, réussissant même à résoudre les et d’histoire des textes [IRHT] sous l’égide de Dominique abréviations médiévales. Les résultats sont spectaculaires : Stutzmann, responsable de la section de paléographie c’est la première fois que l’on a réussi à interpréter par ordi- latine, financé par l’Union européenne, le projet s’était fixé nateur une écriture si ancienne et complexe. Une interface d’ambitieux objectifs, à la fois technologiques – reconnaître de recherche expérimentale, appelée encore à évoluer, par ordinateur des écritures manuscrites anciennes afin permet d’interroger directement les images en mode plein- d’en transcrire automatiquement le texte – et heuristiques, texte et ouvre même la voie à l’annotation participative. l’analyse des formes de l’écriture servant à interpréter des La qualité de la reconnaissance du texte est certes encore phénomènes historiques. Par exemple, discriminer, toujours à perfectible, mais les perspectives n’en restent pas moins très prometteuses, tout en sensibilisant l’archiviste sur les l’aide de l’ordinateur, les différentes « mains », les représenter outils mis à la disposition du public de demain. sur une échelle temporelle, déceler un style d’écriture issu d’un autre pays donne une idée à la fois de l’importance numérique Une journée d’étude conclusive sur le projet et ses résultats de l’équipe de scribes, de la durée de leur carrière, de l’aire s’est tenue le 29 mai 2018, à l’hôtel de Soubise. géographique dans laquelle ils sont recrutés ou encore des influences « étrangères » qui s’exercent sur eux. Pour les Archives nationales, la participation à ce projet a d’abord permis de poursuivre de façon significative le traite- ment de la série JJ : grâce aux efforts conjoints des ateliers de restauration, du pôle image et du département du Moyen Âge et de l’Ancien Régime, les registres produits sous les règnes de Charles V à Louis XI ont été numérisés, soit 119 registres et 50 000 vues qui se sont ajoutées aux 23 500 vues qui avaient été produites depuis 2006. En parallèle, il a fallu dématérialiser les inventaires analytiques des registres, y compris ceux qui étaient restés sous forme manuscrite. Pour ces derniers, une reconnaissance des écritures a été également appliquée par l’un des partenaires du projet après que le service de reproduc- tion du CARAN les a numérisés. Cette masse textuelle a été On peut corriger soi-même n’importe quel terme de l’image en double-cliquant dessus. © Arch. nat. 12
MÉMOIRE D’AVENIR Archives nationales - n° 31 - juillet - septembre 2018 expérience et création LA FORMATION DES ENSEIGNANTS AUX ARCHIVES NATIONALES (2013-2018) par Gabrielle Grosclaude, département de l’Action culturelle et éducative Dans la formation « Résistance, répression écriture », l’inter- vention d’un écrivain et d’un conservateur vise à montrer la complémentarité des approches littéraire et historique pour étudier la Seconde Guerre mondiale : Patricia Gillet (direction des Fonds) « Pour la 3e année, je participe à cette formation, impulsée par la Fondation de la Résistance, avec la Maison des écrivains et de la littérature. Quatre séquences rythment mon intervention : visite des magasins d’archives ; présen- tation des ressources disponibles en ligne ; chronique en images de la collecte de fonds privés de la Seconde Guerre mondiale ; focus sur une pièce emblématique, le journal du coiffeur juif Albert Grunberg. L’idée est d’inciter les enseignants à venir aux Archives et à se saisir de documents à forte valeur historique, symbolique pour nourrir leurs projets pédagogiques. En retour, ce travail Découverte des fonds dans les magasins du site de Pierrefitte-sur-Seine. est l’occasion de discussions enrichissantes et réconfortantes © Arch. nat./SED sur l’usage des archives et l’intérêt qu’elles suscitent. » L’ouverture du site de Pierrefitte-sur-Seine a permis Les évaluations transmises par les académies évoquent le au service éducatif d’accueillir un nombre croissant plaisir de la découverte des archives et la grande qualité de formations des académies de Paris, Créteil et des intervenants, comme moteurs pour construire une Versailles, dans le cadre des chapitres disciplinaires dynamique dans les enseignements. Ces stages de formation continue viennent compléter (histoire-géographie) et transversaux (ouverture les séances d’information ponctuelles (« Mercredi des culturelle) de leurs plans académiques de formation Archives ») et l’accueil des futurs professeurs dans le cadre annuels. Plus de 2200 professeurs de l’enseigne- des ESPE, qui reste à développer dans les années à venir. ment secondaire ont choisi d’y participer (en tout 37 formations, soit 75 jours). Ces formations associent Des formations partenariales plusieurs partenaires (musées, services d’archives, Isabelle Arasa, professeure, chargée de mission Histoire et bibliothèques, lieux patrimoniaux). Mémoire pour la DAAC de l’académie de Paris « Nous essayons dans le cadre de la DAAC de proposer des L es enseignants du pôle humaniste sont les plus nombreux : histoire-géographie (de 35 % à 50 %), lettres (25 % à 30 %), langues vivantes, mais aussi documentation, arts plastiques, formations dans des lieux exceptionnels que les enseignants n’ont pas l’habitude de fréquenter, afin qu’ils réinvestissent les connaissances et les outils proposés et pour leur donner envie musique et sciences selon les thématiques proposées. de revenir avec leurs élèves. Nous cherchons à valoriser la Les professeurs viennent aux Archives pour découvrir les diversité des fonds et les expositions temporaires. Les stages, lieux, des documents originaux et leur traitement par les associant plusieurs partenaires, sont conçus à partir de nos archivistes, pour compléter et actualiser leurs connais- propositions. En général, ils ont lieu à Paris avec la visite des sances, mais également pour découvrir les ateliers et Grands Dépôts, mais nous avons su motiver les enseignants les médiations proposées afin d’engager des démarches pour voir l’exposition Hibakusha. » visant à mieux accompagner les élèves dans leur parcours de formation, à leur faire découvrir les sources d’un patri- moine et d’une culture communs. Les thématiques choisies, souvent en lien avec les exposi- tions temporaires, font appel à des savoirs provenant de différentes disciplines scolaires : « Les traces du passé : quels usages pour les artistes et les historiens ? », « Femmes en actes », « La mort en Seine », Découverte de documents d’archives dans une des salles du service éducatif. « Le corps en soi », etc. © Arch. nat./SED 13
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