PEINDRE LA NUIT 13.10.2018 15.04.2019 - PEINDRE LA NUIT / DOSSIER DÉCOUVERTE - Centre Pompidou Metz
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SOMMAIRE 1. PRÉSENTATION DE L’EXPOSITION ……………………P.3 2. SE SITUER ……………………………………....P.5 3. PARCOURS DE L’EXPOSITION ……………………….P.6 4. INTERVIEW DE JEAN-MARIE GALLAIS………………....P.12 5. LISTE DES ARTISTES……………………………....P.14 6. OFFRE POUR LES SCOLAIRES……………………….P.15 7. AUTOUR DE L’EXPOSITION………………………….P.16 8. INFORMATIONS PRATIQUES ………………………...P.18 En couverture : Augusto Giacometti Sternenhimmel (Milchstrasse), 1917 Augusto Giacometti Sternenhimmel (Milchstrasse), 1917 Bündner Kunstmuseum Chur, Suisse 2 PEINDRE LA NUIT / DOSSIER DÉCOUVERTE
1. PRÉSENTATION DE L’EXPOSITION 13.10.2018 > 15.04.2019 Galerie 2 et Galerie 3 Commissaire : Jean-Marie Gallais, responsable du pôle Programmation, Centre Pompidou-Metz. La nuit se retrouve au cœur de débats actuels, qu’ils soient sociétaux (faut-il ouvrir les magasins la nuit ou la consacrer au sommeil ?), écologiques (comment limiter la pollution lumineuse qui nous empêche de voir les étoiles ou qui dérègle la vie animale ?), politiques (nuit debout, traversées clandestines de frontières) ou scientifiques (on repousse sans cesse notre connaissance de la nuit). Ce monde de la nuit, avec tous ses questionnements, est omniprésent chez les artistes, notamment depuis la fin du XIXème siècle. La nuit a évolué et nous a transformés, à travers des révolutions majeures comme l’électrification et l’éclairage, la psychanalyse ou la conquête spatiale : autant de bouleversements dans la définition et le rapport que l’on entretient avec la nuit. Du 13 octobre 2018 au 15 avril 2019, le Centre Pompidou-Metz consacre une exposition de grande ampleur au thème de la nuit dans la peinture moderne et contemporaine, accompagnée d’une publication et d’une riche programmation d’événements associés. Source d’inspiration majeure de l’histoire de l’art, la nuit demeure aujourd’hui encore un terrain d’expériences fécond. Revenir à un sujet aussi vaste que la nuit permet de poser des questions essentielles sur notre condition et notre place dans l’univers, comme sur le rôle de l’art. Si la proposition peut paraître d’emblée comme une contradiction, « peindre la nuit » se révèle au contraire riche de sens. Le titre contient volontairement une ambiguïté : peindre la nuit signifie soit représenter la nuit, soit peindre de nuit. Peindre l’obscurité ou peindre dans l’obscurité, c’est déjà faire un choix, celui d’affiner sa vision extérieure ou bien celui de l’abandonner. La nuit permet, tant sur le plan physique que symbolique, ce « détachement du monde » si cher à la modernité. Le moment du crépuscule pourrait d’ailleurs être la parfaite métaphore de la volatile frontière entre figuration et abstraction. À travers une approche liée à la perception de la nuit plutôt qu’à son iconographie, l’exposition se présente elle-même comme une expérience nocturne, une déambulation qui transforme le visiteur en noctambule, et qui transmet ce vertige que procure la nuit : vertige des sens, vertige intérieur, vertige cosmique. On avance dans l’exposition comme on avance dans la nuit. Fidèle à l’esprit des expositions du Centre Pompidou- Metz, l’exposition ne se limite pas de manière exclusive à la peinture, bien que centrale, mais offre résonnances et parallèles avec la musique, la littérature, la vidéo et la photographie. Elle rassemble une centaine d’artistes, de figures historiques (Winslow Homer, Francis Bacon, Anna-Eva Bergman, Louise Bourgeois, Brassaï, Helen Frankenthaler, Paul Klee, Lee Krasner, Henri Michaux, Joan Mitchell, Amédée Ozenfant, etc.) et d’artistes contemporains (Etel Adnan, Charbel-joseph H. Boutros, Ann Craven, Peter Doig, Jennifer Douzenel, Rodney Graham, Martin Kippenberger, Paul Kneale, Olaf Nicolai, Gerhard Richter, etc.) ainsi que de spectaculaires installations dont certaines sont PEINDRE LA NUIT / DOSSIER DÉCOUVERTE
conçues spécialement pour ce projet (Harold Ancart, Raphaël Dallaporta, Spencer Finch, Daisuke Yokota, Navid Nuur, etc.). Man Ray, Nuit (Alphabet pour adulte), [1970] Encre de Chine et stylo-feutre sur papier, 30,6 x 24 cm Paris, Centre Pompidou, Musée national d'art moderne © Georges Meguerditchian - Centre Pompidou, MNAM-CCI /Dist. RMN-GP © Man Ray Trust / Adagp, Paris, 2017 4 PEINDRE LA NUIT / DOSSIER DÉCOUVERTE
2. SE SITUER L’exposition est répartie sur deux niveaux. La première partie, « Se perdre dans la nuit », est consacrée à cette nuit que nous connaissons : la nuit que nous pouvons observer chaque jour, sous les étoiles ou sous les lueurs des réverbères, la nuit qui révèle quelque chose de notre intérieur, de nos obsessions, et qui nous plonge dans les rêves. La seconde partie, « De l’intime au cosmos », est dédiée à un rapport plus cosmique et abstrait à la nuit, qui passe par l’observation des étoiles, l’interrogation sur la réalité de cette nuit, sur sa reproductibilité, et qui amène une réflexion quant à notre place dans l’univers. Conçue par Pascal Rodriguez, assisté de Perrine Villemur, la scénographie de l’exposition se veut immersive et accompagne l’expérience de la traversée de la nuit. La première galerie est dessinée comme une ville dans laquelle on déambule, jusqu’à arriver à son extrémité face à une grande abside dédiée au monde du rêve et aux liens entre le surréalisme et la nuit. Outre les installations spécifiques, de longs couloirs équipés de diffusion spatialisée du son offrent également une expérience multi-sensorielle. La deuxième galerie est quant à elle dessinée avec plus de régularité et d’ouverture, notamment avec une très grande salle centrale consacrée aux grands formats matiéristes. L’exposition aboutit sur un cube noir monumental abritant un concept spatial de Lucio Fontana. La baie vitrée de la Galerie 3 permet d’observer la ville et ses lumières le soir. à Le sens de visite débute par la Galerie 2 et se termine en Galerie 3 5 PEINDRE LA NUIT / DOSSIER DÉCOUVERTE
3. PARCOURS DE L’EXPOSITION GALERIE 2 : PEINDRE LA NUIT SALLES 1-3 : SE PERDRE DANS LA NUIT SALLES 4-6 : HABITER LA NUIT SALLES 7-10 : OBSESSIONS NOCTURNES SALLES 11-13 : LES YEUX INFINIS SALLES 1-3 : SE PERDRE DANS LA NUIT « Au clair de la lune, près de la mer, dans les endroits isolés des campagnes, l’on voit, plongé dans d’amères réflexions, toutes les choses revêtir des formes jaunes, indécises, fantastiques. L’ombre des arbres, tantôt vite, tantôt lentement, court, vient, revient, par diverses formes, en s’aplatissant, en se collant contre la terre. » Comte de Lautréamont, Les chants de Maldoror, 1890 La nuit se définit d’abord par un dérèglement des sens, principalement l’altération de la vision, qui crée un vertige, au sens propre comme au sens figuré. Les détails s’estompent, les ombres s’allongent, les formes deviennent des masses obscures et l’espace se redresse, car il n’a plus de ligne d’horizon. Il faut avancer à tâtons, ou s’abandonner à ce vertige dramatique. Certains motifs nocturnes vont traverser les époques. C'est notamment le cas de l’arbre, forme versatile : découpé précisément le jour et devenant une masse sombre à dompter la nuit ; ou des reflets aquatiques, doublant le peu de luminosité et faisant écho aux transformations optiques nocturnes (ondulations, perte d’acuité, trouble). Le paysage nocturne se transforme et nous transforme. En entrant dans l’exposition, le visiteur est confronté à une salle en apparence entièrement noire, qui se révèle une fois l’oeil habitué à l’obscurité, être un espace de projection : une vidéo de Jennifer Douzenel montre de minuscules lucioles, formant comme une carte du ciel vivante, en mouvement permanent. « Qu’est ce qui fait finalement la publicité à ce point supérieure à la critique ? Non pas ce que disent les lettres en néon rouge, mais la plaque de feu qui les reflète sur l’asphalte. » Walter Benjamin, Sens Uniques, 1928 Cette même sensation d’un vertige et d’une théâtralisation de la nuit se retrouve dans les scènes urbaines tout au long du XXème siècle. Loin de la traditionnelle opposition entre une nuit romantique et mélancolique, sous les étoiles à la campagne, vouée à disparaître, et une nuit urbaine éclairée, dédiée au travail et aux plaisirs, la nuit est avant tout le lieu d’une expérience sensorielle différente, même dans la métropole : halos, reflets, vibrations, clignotements créent un vocabulaire abstrait qui traduit ce vertige propre à la nuit, royaume de l’indistinct. 6 PEINDRE LA NUIT / DOSSIER DÉCOUVERTE
Winslow Homer, Nuit d’été, 1890 Huile sur toile, 0,767m x 1,02m Paris, Musée d’Orsay © RMN-Grand Palais (Musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski SALLES 4-6 : HABITER LA NUIT « La lueur des réverbères, tranchant les ombres, ne les détruit pas, elle les rend plus saillantes : c’est le clair-obscur des grands peintres ». Restif de la Bretonne, Les Nuits de Paris, 1788-89 Au début du XIXème siècle, l’éclairage public au gaz fait son apparition en Europe, ainsi que les premiers réverbères et en 1879, l’électricité révolutionne l’atmosphère nocturne, tant urbaine que domestique. Les artistes se sont emparés de cette nouvelle lueur artificielle, l’ont exaltée (« il faut détruire le clair de lune ! » lance le futuriste Marinetti). Au bout de quelques décennies, la perception de la nuit urbaine change. Cet éclairage nocturne a fini par révéler ce que le jour cache : les vices de l’Homme. La nuit est habitée de toute sorte de personnages hors-normes qui font des apparitions, entre inquiétante étrangeté, criminalité et fièvre des nuits cosmopolites, lors desquelles tout est possible. Les scènes de rue à la hauteur du regard, très nombreuses dans le premier quart du XXème siècle, prennent des allures de témoignage et de critique sociale violente, notamment avec l’Expressionnisme allemand et la Nouvelle Objectivité. Auguste Elysée Chabaud, Hôtel-Hôtel, 1907/1908 Huile sur papier marouflé sur panneau marqueté, 38,6 x 53,4 cm Musée de L’Annonciade, Saint-Tropez © Adagp, Paris, 2018 Photo © Pierre-Stéphane Azema 7 PEINDRE LA NUIT / DOSSIER DÉCOUVERTE
SALLES 7-10 : OBSESSIONS NOCTURNES « Mais rien ne traduisait ce présent sans issue et sans repos comme l’ancienne phrase qui revient intégralement sur elle-même, étant construite comme un labyrinthe dont on ne peut sortir, de sorte qu’elle accorde si parfaitement la forme et le contenu de la perdition : in girum imus nocte et consumimur igni. Nous tournons en rond dans la nuit et nous sommes dévorés par le feu. » Guy Debord, in girum imus nocte et consumimur igni, 1978 « Quand on ne veut pas se ranger dans la clarté trompeuse du monde à l’envers, on passe en tout cas, parmi ses croyants, pour une légende controversée, un invisible et malveillant fantôme, un pervers prince des ténèbres. Beau titre, après tout : le système des lumières présentes n’en décerne pas de si honorable. » Guy Debord, in girum imus nocte et consumimur igni, 1978 La ville, passée une certaine heure, renvoie l’artiste face à sa solitude dans l’atelier. Insomniaques maladifs ou en quête d’inspiration, les peintres de la nuit sont traversés par des obsessions : quête d’un langage intérieur, dialogue avec des ombres qui s’animent, écriture automatique, exercices de mémoire, résistance, tentation de l’alcool, parfois carburant de la nuit éveillée. Ces obsessions frôlent la mort, dont l’emblème est la phalène, compagnon de ces nuits d’errance au plus profond de soi, s’approchant souvent trop près de la flamme. Lee Krasner, Night creatures, 1965 Acrylic on paper, 76x108cm New York, Collection of the Metropolitan Museum of Art Lent by the Metropolitan Museum of Art, Gift of robert and sarah W. Miller, in honor of Lee Krasner © ADAGP, Paris 2018 Photo : © The Metropolitan Museum of Art, Dist. RMN-Grand Palais / image of the MM 8 PEINDRE LA NUIT / DOSSIER DÉCOUVERTE
SALLES 11-13 : LES YEUX INFINIS « Tout ce qui nous inspire n’a-t-il pas les couleurs de la Nuit ? » Novalis, Hymnes à la Nuit, 1800 « Nous sommes quelques hommes qui proclamons que lavie telle que la civilisation occidentale l'a faite n'a plus deraisons d'exister, qu'il est temps de s'enfoncer dans la nuit intérieure afin de trouver une nouvelle et profonde raison d'être. » André Masson, Lettre à André Breton du 2 septembre 1925 « Plus divins que les étoiles scintillantes nous semblent les yeux infinis que la nuit a ouverts en nous » écrit Novalis dans ses Hymnes à la nuit en 1800, qui seront l’une des références phares des surréalistes dans les années 1920. La nuit, porte ouverte sur un monde intérieur qui met en sommeil la raison, qui est prêt aux apparitions et aux métamorphoses, est le lieu de la révolution surréaliste. Le projet de « piéger le soleil » hante ces artistes qui se délectent de la nuit, non comme un lieu de divertissement mais comme le royaume de l’inconscient, de l’errance et du rêve. La nuit devient une matière, le noctambulisme un acte créateur et libérateur. Man Ray, À la lumière lunaire, 1948 Gouache sur bois Collection privée, courtesy Andrew Strauss, Paris © MAN RAY TRUST / Adagp, Paris, 2018 9 PEINDRE LA NUIT / DOSSIER DÉCOUVERTE
GALERIE 3 : DE L’INTIME AU COSMOS SALLES 14-20 : LES MANGEURS D’ÉTOILES SALLES 21-24 : LA NUIT M’ENVELOPPE SALLES 14-20 : LES MANGEURS D’ÉTOILES « La vue des étoiles me fait toujours rêver aussi simplement que me donnent à rêver les points noirs représentant sur la carte géographique villes et villages. Pourquoi, me dis-je, les points lumineux du firmament seraient-ils moins accessibles que les points noirs sur la carte de France ? Si nous prenons le train pour nous rendre à Tarascon ou à Rouen, nous prenons la mort pour aller dans une étoile. » Vincent Van Gogh, Lettre à Théo, 9 ou 10 juillet 1888 La contemplation d’un ciel étoilé, fenêtre ouverte sur l’univers, s’accompagne d’un autre type de vertige, vertige de l’échelle et du point de vue, vertige cosmique. Le désir de se relier aux étoiles, de tisser un fil d’Ariane céleste, voire de « manger les étoiles », que l’on retrouve à de nombreuses reprises chez les artistes au XXème siècle, fait écho au désir de maîtriser ce mouvement cosmique permanent, tel un démiurge, ou plus modestement, de signifier que l’on en fait partie – une intuition que l’astronomie et l’astrophysique moderne ont vérifié : nous sommes issus et composés de poussière. Peter Doig, Milky Way, 1989-90 Huile sur toile 152x204 cm Collection de l'artiste © Peter Doig. All Rights Reserved, DACS/Artimage 2018. Photo: Jochen Littkemann / ADAGP Paris, 2018 10 PEINDRE LA NUIT / DOSSIER DÉCOUVERTE
SALLES 21-24 : LA NUIT M’ENVELOPPE « Dans le jour, nos yeux sont arrêtés par un inscrutable (le soleil, que l’on ne peut regarder en face), dans une nuit, ils sont entraînés plus loin par le fait qu’il y a toujours davantage à contempler que ce que l’on a déjà vu. (…) L’infini du ciel étoilé ne se laisse pas totaliser dans une image. (…) Les deux facultés qui rendent la connaissance possible sont tenues en échec : l’entendement est incapable de dénombrer les étoiles, l’imagination ne parvient pas à les disposer dans une figure. C’est donc « le ciel étoilé » tel qu’on le voit, sans souci de le connaître, qui éveille un sentiment de sublime. Le sublime de la nuit enseigne à l’Homme qu’il possède une autre destination que le savoir. » Michael Foessel, La Nuit, 2017 « Comme tu me plairais, ô Nuit, sans ces étoiles Dont la lumière parle un langage connu ! Car je cherche le vide, et le noir, et le nu ! » Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal, 1840-1857 Le ciel étoilé résiste à la reproduction. Il échappe à l’immobilité. Il change de définition à mesure que l’espace est exploré. Dès lors, comment capter l’essence de cette nuit qui échappe ? En faisant disparaître l’image, au profit de la matière, de l’informe, de la sensation, de l’espace, du vide, l'artiste approche la substance de la nuit. « La nuit, écrit Merleau-Ponty dans la Phénoménologie de la perception, n’est pas un objet devant moi, elle m’enveloppe, elle pénètre par tous mes sens, elle suffoque mes souvenirs, elle efface presque mon identité personnelle. » L’exposition se termine par la reconstitution à l’échelle d’une Ambiance spatiale monumentale de Lucio Fontana réalisée en 1967. Le visiteur est amené à entrer dans cette nuit artificielle, où « le sens de la mesure et du temps n’existe plus. » Lucio Fontana, Ambiance spatiale, 1967 Installation © Fonadation Lucio Fontana, Milan © Adagp, Paris, 2018 Gerhard Richter, Sternbild (Constellation), 1969 Öl auf Leinwand, 92 x 92 cm Museum Frieder Burda, Baden-Baden © Gerhard Richter 2018 (24042018). 11 PEINDRE LA NUIT / DOSSIER DÉCOUVERTE
4. INTERVIEW DE JEAN-MARIE GALLAIS, COMMISSAIRE DE L’EXPOSITION CENTRE POMPIDOU-METZ – Comment est née l’idée de cette exposition ? JEAN-MARIE GALLAIS – L’idée est venue en faisant le constat qu’il n’existe à peu près aucun musée de peinture au monde qui ne possède pas au moins une scène de nuit. Certains nocturnes anciens ont la puissance d’une peinture moderne, parce que l’artiste a dû simplifier les formes, abandonner la perspective, utiliser des effets, finalement aller vers une forme de pré-abstraction. C’est ce pouvoir de la nuit qui m’a d’abord intrigué. Puis je me suis rendu compte qu’avec la modernité, un nouveau rapport à la nuit s’est construit, elle est omniprésente et participe même des évolutions plastiques du début du siècle. En outre, les artistes travaillent souvent la nuit, en parlent, et chez certains ce rythme impacte leur œuvre. Certains artistes se définissent par la nuit. Plus j’ai pensé à ce sujet, plus je me suis enfoncé dans ses profondeurs et ses vertiges, ce que j’ai voulu transmettre à travers cette exposition. CP-M – Pourquoi consacrer une exposition au thème de la nuit aujourd’hui ? JMG – Je pense que c’est un sujet capital, qui dépasse d’ailleurs le champ de l’art, si évident (nous éprouvons et connaissons tous la nuit !) qu’il n’a finalement pas été beaucoup exploré jusqu’ici. La nuit est au cœur de débats actuels et de paradoxes dans beaucoup de domaines. Elle fait figure d’héritage préhistorique. D’ailleurs en 1992, l’Unesco a classé le ciel étoilé dans la liste du patrimoine mondial de l’humanité. Elle se retrouve cependant menacée par l’industrialisation et la technologie, par l’activité humaine donc, en même temps qu’elle est porteuse de promesses pour le futur ! Revenir à un sujet aussi vaste que la nuit permet de poser des questions essentielles sur notre condition et notre place dans l’univers, mais aussi sur le rôle et le pouvoir de l’art. Que peut la peinture ? Comment a-t-elle développé des moyens pour « apprivoiser » la nuit ? Pour transmettre son mystère, ce sentiment que quelque chose nous dépasse et échappe à la raison ? CP-M – Pourquoi s’être limité au médium de la peinture ? JMG – L’exposition ne s’y limite pas strictement, on y trouve quelques photographes, des cinéastes et vidéastes, des sculpteurs ou des artistes ayant réalisé des installations, des écrivains également, mais il est vrai qu’à chaque fois, ces démarches ont été choisies parce qu’elles avaient un lien fort avec la peinture. La nuit est évidemment un thème essentiel dans l’histoire de la photographie ou du cinéma, nous lui consacrons d’ailleurs un cycle dans la programmation associée, mais la peinture, comme la musique, a cette capacité d’abstraction du réel qui la rend unique. La nuit n’est pas reproduite, elle est traduite sur une toile, voire recréée. Faire une exposition sur la nuit et l’art, c’est inévitablement parler de peinture car les expériences sont semblables : lorsque je regarde un ciel étoilé, mon œil doit s’habituer, s’accoutumer, et plus je le regarde, plus je vois de détails, pourtant toujours quelque chose m’échappe, ne se laisse pas expliquer clairement. C’est exactement ce qui se produit devant une 12 PEINDRE LA NUIT / DOSSIER DÉCOUVERTE
peinture. Cette exposition invite à ralentir, à s’accoutumer, à comprendre comment un médium par essence bidimensionnel a mis au point des stratégies pour tenter de se saisir de cette substance immatérielle et enveloppante qu’est la nuit. Si vous passez en quelques secondes dans certaines salles de l’exposition, vous aurez l’impression d’avoir vu des monochromes noirs identiques. La peinture de nuit, comme le ciel étoilé, ne se laisse pas capter d’un coup d’œil, et ne se laisse pas reproduire facilement : l’expérience de l’œuvre est irremplaçable. CP-M – Comment se sont fait les choix des artistes et comment s’est dessiné le parcours ? JMG – C’est une exposition d’un genre un peu particulier car il ne s’agit pas de retracer de manière encyclopédique une histoire qui serait précisément balisée, des liens entre peinture et nuit. C’est donc un parcours plus personnel, chacun aura sa propre expérience de l’exposition mais j’emmène le spectateur avec moi dans une déambulation nocturne. Le fil conducteur, c’est la notion de perception. Cette nuit, comme le peintre, je la vois, je l’écoute, je la sens et je la ressens. Il n’y a donc pas d’allégorie ou de métaphore. C’est avant tout mon corps face à la nuit. Le parcours s’est dessiné ensuite assez naturellement : cette perception, dans l’obscurité de la nuit, est altérée, nous donne le vertige, que ce soit à la campagne ou à la ville (section 1), puis l’oeil s’accoutume et voit des apparitions, la face cachée de l’Homme (section 2), plus l’heure passe dans cette errance nocturne et plus la mélancolie d’un monde intérieur laisse son empreinte, faisant surgir des obsessions intimes (section 3) ou des hallucinations, des désirs, des pulsions et des rêves (section 4). Sur un autre niveau, la perception du ciel étoilé me donne d’abord l’impression de pouvoir toucher les étoiles, de faire partie de l’univers (section 5), avant de me rendre compte que cette nuit est impalpable, insaisissable (section 6). On oscille ainsi constamment entre les deux sens du titre : peindre dans l’obscur, représenter l’obscur. L’idée était de rythmer ce parcours de grandes installations immersives, et de laisser beaucoup de place et de temps aux œuvres, qui sont chacune de denses univers. CP-M – Quels sont, selon vous, les « immanquables » de cette programmation ? JMG – Nous avons eu la chance de pouvoir réunir des oeuvres de très grands artistes, comme Leicester Square, la Nuit de Monet, le Nu étoilé de Picasso, Sternbild de Gerhard Richter, Mysteries d’Ed Ruscha ou Milky Way de Peter Doig. Mais il y a aussi des peintres que le public découvrira, j’espère, avec intérêt et bonheur, car ils ont été assez rarement montrés. Je pense à la Pakistanaise Lala Rukh par exemple, ou aux Américains Morris Graves et Alma Thomas, mais aussi à Helen Frankenthaler ou Anna- Eva Bergman, dont nous présentons des grands formats. Pour ma part, cette exposition a été l’occasion de nombreuses découvertes : l’œuvre nocturne restée cachée pendant des décennies d’Auguste Elysée Chabaud, ou la période américaine d’Amédée Ozenfant. La section surréaliste est également pleine de surprises et de découvertes. Et bien sûr, il y a des œuvres de plus jeunes artistes réalisées à l’occasion de l’exposition, qui sont exceptionnelles, de même que la très riche programmation associée, dans laquelle on retrouve un peintre aux manettes d’un ballet, une performance en collaboration avec des étoiles, des vidéos envoûtantes et des films qui sont de petites pépites de l’histoire du cinéma ! 13 PEINDRE LA NUIT / DOSSIER DÉCOUVERTE
5. LISTE DES ARTISTES A Augusto Giacometti Olaf Nicolai Etel Adnan Rodney Graham Navid Nuur Darren Almond Morris Cole Graves Harold Ancart George Grosz O Jean Arp Philip Guston Marcel Odenbach Geneviève Asse Brion Gysin Amédée Ozenfant B H P Francis Bacon Raymond Hains Philippe Parreno Eugene Bennett Simon Hantaï Pablo Picasso Anna Eva Bergman Victor Hugo Pratchaya Phinthong Louise Bourgeois Charbel-joseph H. Boutros I R Brassaï Francisco Infante Arana Man Ray Victor Brauner Gerhard Richter J Hans Richter C Marcel Jean Raymond Roussel Patrick Caulfield Raymond Jonson Lala Rukh Vija Celmins Ed Ruscha Auguste Elysée Chabaud K Vaclav Chochola Vassily Kandinsky S Bruce Conner Alex Katz Georg Scholz Joseph Cornell Martin Kippenberger Fiete Stolte Ann Craven Paul Klee George Shiras Henry Edmond Cross William Klein Avery K. Singer Russell Crotty Paul Kneale Jan Sluijters José Cuneo Jannis Kounellis Paolo Sorrentino František Kupka Léon Spilliaert D Edward Steichen Raphaël Dallaporta L Alfred Stieglitz Robert Delaunay Norman Lewis Eugène Deslaw Roy Lichtenstein T Jason Dodge Alma Woodsey Thomas Peter Doig M Ida Tursic et Wilfried Mille Jennifer Douzenel René Magritte Marcel Duchamp Georges Malkine U André Masson Umbo E Henri Michaux Max Ernst Joan Miró V Joan Mitchell Felix Edouard Vallotton F Piet Mondrian Kees Van Dongen Jean Fautrier Claude Monet Jean-Luc Verna Stephen Felton Monsù Desiderio (François Spencer Finch de Nomé, dit) W Claire Fontaine Robert Morris Michael John Whelan Lucio Fontana Helen Frankenthaler N Y Wilhelm Freddie Alice Neel Daisuke Yokota Louise Nevelson G Adrian Ghenie Liste sous réserve de modifications 14 PEINDRE LA NUIT / DOSSIER DÉCOUVERTE
6. OFFRE POUR LES SCOLAIRES ATELIER-VISITE (de la grande section maternelle à la 5ème) 13.10.18 → 24.02.19 ALICE MONVAILLIER, LE VOYAGE DES MU La visite de l’exposition Peindre la nuit est consacrée plus particulièrement à la découverte des œuvres de Jan Sluijters dont les couleurs nocturnes sont exacerbées, de Louise Nevelson qui a créé un jardin nocturne, de la salle consacrée aux surréalistes et en particulier Max Ernst. Les élèves découvrent également l’installation de Lucio Fontana. L’atelier permet de mettre en correspondance les créatures de la nuit avec les Mu, étranges petites créatures venues d’un univers très lointain qui ont posé leurs valises dans l’atelier. Pour faire leur connaissance et découvrir leur drôle d’histoire, les élèves devront marcher à pas feutrés et ouvrir grand les yeux dans la pénombre, car les Mu ne sortent que la nuit ! Ils devront ensuite retracer l’incroyable périple des Mu en réalisant des collages et en utilisant des peintures fluorescentes. Visuel : © Alice Monvaillier Informations pratiques : LUNDI+JEUDI+VENDREDI De 10 :00 à 12 :00 De 13 :00 à 15 :00 2h / 100€ pour un groupe de 30 élèves maximum Pour réserver : - par Internet www.centrepompidou-metz.fr / Billetterie en ligne - par mél en écrivant à reservation.scolaire@centrepompidou-metz.fr - par téléphone au 03 87 15 17 17 du lundi au vendredi et hors jours fériés 15 PEINDRE LA NUIT / DOSSIER DÉCOUVERTE
7. AUTOUR DE L’EXPOSITION 7.1 LE CATALOGUE Le catalogue de l’exposition, publié par le Centre Pompidou-Metz sous la direction de Jean-Marie Gallais, est un riche ouvrage illustré qui dépasse le corpus exposé pour retracer une histoire des liens entre la peinture et la nuit au XXème siècle et aujourd’hui. Il comporte un essai inédit du philosophe Michaël Foessel, Inévidences nocturnes, et une étude approfondie du sujet par le commissaire de l’exposition. En outre, le Centre Pompidou-Metz publie dans le cadre de l'exposition un livre d’artiste pour enfants, La nuit est ton guide, écrit et dessiné par l’artiste néerlandais d’origine iranienne Navid Nuur. FORMAT : 22 x 30 CM NOMBRE DE PAGES : 240 LANGUE : FRANÇAIS PRIX : 39 EUROS DATE DE PARUTION : SEPTEMBRE 2018 Peindre la nuit 7.2 PROGRAMMATION ASSOCIÉE Les nocturnes avec le Conservatoire à Rayonnement Régional Gabriel Pierné de Metz Métropole Tout au long des six mois d’ouverture, l’exposition Peindre la nuit s’accompagne de plusieurs programmes associés conçus comme les prolongements de l’expérience de la visite et organisés selon une logique de « temps forts ». Chacune de ces nocturnes est l’occasion pour le Conservatoire à Rayonnement Régional Gabriel Pierné de Metz Métropole d’investir les lieux pour des programmes musicaux donnés devant les œuvres ou dans la pénombre de la scénographie. Puis la soirée se prolonge dans l’exposition, le Studio ou l’Auditorium Wendel. 16 PEINDRE LA NUIT / DOSSIER DÉCOUVERTE
JEU. 08.11, 18:00 NOCTURNE #1 : LA NUIT DU HIBOU Interventions musicales du Conservatoire à Rayonnement Régional Gabriel Pierné de Metz Métropole Installation sonore de Zad Moultaka Rencontre avec le philosophe Michaël Fœssel JEU. 06.12, 18:00 NOCTURNE #2 : LA NUIT SACRÉE Interventions musicales du Conservatoire à Rayonnement Régional Gabriel Pierné de Metz Métropole Création de Jérémy Demester pour le CCN-Ballet de Lorraine (danse) JEU. 10.01, 18:00 NOCTURNE #3 : LA NUIT ÉTOILÉE Interventions musicales du Conservatoire à Rayonnement Régional Gabriel Pierné de Metz Métropole Rencontre avec l'astrophysicien Trinh Xuan Thuan Nombrer les étoiles, spectacle d'Alban Richard (danse) JEU. 07.02, 18:00 NOCTURNE #4 : LA NUIT DES MYSTÈRES Interventions musicales du Conservatoire à Rayonnement Régional Gabriel Pierné de Metz Métropole Piano nocturne, concert de piano de Thérèse Malengreau JEU. 07.03, 18:00 NOCTURNE #5 : LA NUIT COUCHÉE Interventions musicales du Conservatoire à Rayonnement Régional Gabriel Pierné de Metz Métropole Stéphane Garin / Ensemble 0 et ses invités, concert toute la nuit (23:00-06:00) JEU. 04.04, 19:00 NOCTURNE #6 : LA NUIT SILENCIEUSE Interventions musicales du Conservatoire à Rayonnement Régional Gabriel Pierné de Metz Métropole Vidéo projection de Madeline Hollander Concert-performance de Jeff Mills (sous réserve) Pour assister à ces nocturnes avec vos classes, veuillez appeler le 0387151717 ou envoyer un mail à reservation.scolaire@centrepompidou-metz.fr Pour en savoir plus sur la programmation associée, veuillez consulter l’Agenda ou vous rendre sur notre site https://www.centrepompidou-metz.fr/agenda/categorie/0 Conservatoire Régional Gabriel Pierné ©David Hourt Metz Métropole 17 PEINDRE LA NUIT / DOSSIER DÉCOUVERTE
8. INFORMATIONS PRATIQUES OFFRES POUR LE PUBLIC SCOLAIRE Atelier-visite Les ateliers-visites sont spécifiquement adaptés aux 5-12 ans et se déroulent dans des espaces dédiés, ludiques et colorés et dans les lieux d’exposition (2h). Visite guidée La visite est animée par un médiateur Jeune Public qui crée une interaction ludique entre l’élève et l’œuvre : les thématiques des visites sont liées aux expositions en cours, ou à l'architecture du Centre Pompidou-Metz (1h30). Des visites autonomes sont possibles. Des outils de transmission sont mis à la disposition des professeurs pour préparer leur venue (dossiers découverte, livrets pour les élèves). ACCUEIL AU QUOTIDIEN Le Centre Pompidou-Metz accueille les groupes les lundi, mercredi, jeudi et vendredi. RÉSERVATIONS Période de réservation Ouverture des réservations le 18 juin 2018 à partir de 10h pour la période du 1er juillet au 31 décembre 2018, et le 12 décembre 2018 pour la période du 7 janvier au 5 juillet 2019 Modes de réservation - par Internet www.centrepompidou-metz.fr / Billetterie en ligne - par mél en écrivant à reservation.scolaire@centrepompidou-metz.fr - par téléphone au 03 87 15 17 17 du lundi au vendredi et hors jours fériés Pour toute réservation à J-20, seul le mode de réservation par téléphone sera pris en compte. Pour les maternelles, les réservations se font uniquement par mél ou par téléphone. TARIFS - Visite guidée d’une heure trente pour une classe de 35 élèves maximum, 70 € - Atelier/visite de deux heures pour une classe de 30 élèves maximum, 100 € - Visite en autonomie d’une heure pour une classe de 35 élèves maximum, gratuit HORAIRES (HORS PERIODE DE VACANCES SCOLAIRES DE LA ZONE B) Les lundi, jeudi et vendredi, les horaires sont les suivants : 18 PEINDRE LA NUIT / DOSSIER DÉCOUVERTE
Matin : créneaux avec Médiateurs Jeune Public entre 10h et 12h Après-midi : créneaux avec Médiateurs Jeune Public entre 13h et 16h En plus du public scolaire, le mercredi est réservé aux publics spécialisés, aux centres aérés. Pour toute information, nous sommes à votre disposition au 03 87 15 17 17. POUR ALLER PLUS LOIN LES WORKSHOPS Depuis son ouverture, le Centre Pompidou-Metz développe des actions d’éducation artistique et culturelle de la maternelle à la terminale. Pour tout renseignement, envoyer un mél à Anne Oster, chargée de médiation et des actions éducatives : anne.oster@centrepompidou-metz.fr / 03 87 15 39 84 RESSOURCES PROFESSEURS RELAIS Des formations personnalisées sont dispensées par les professeurs relais, sur rendez- vous les mercredis. Pour tout renseignement s'adresser à professeur.relais@centrepompidou-metz.fr OUTILS Le Centre Pompidou-Metz développe des outils de découverte, en étroite collaboration avec des professeurs missionnés par l'Education Nationale. Ces outils sont mis à disposition pour préparer ou approfondir la visite. Il est possible de les consulter sur le site : http://www.centrepompidou-metz.fr/dossiers ACCESSIBILITE OU « L’ART DE PARTAGER » Pour un partenariat enseignement spécialisé et champ social avec accueil adapté, merci de contacter Jules Coly jules.coly@centrepompidou-metz.fr (visites et ateliers gratuits sur signature d’une convention). 19 PEINDRE LA NUIT / DOSSIER DÉCOUVERTE
NOTES Ce document a été réalisé par le pôle des Publics et de la Communication du Centre Pompidou-Metz. Il est réservé exclusivement à une utilisation dans un cadre pédagogique 20 PEINDRE LA NUIT / DOSSIER DÉCOUVERTE
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