Suivez le guide ! Valérie Gaudreau - Continuité - Érudit
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Document generated on 09/23/2021 6:25 a.m. Continuité Suivez le guide ! Valérie Gaudreau Du style Number 119, Winter 2008–2009 URI: https://id.erudit.org/iderudit/17330ac See table of contents Publisher(s) Éditions Continuité ISSN 0714-9476 (print) 1923-2543 (digital) Explore this journal Cite this article Gaudreau, V. (2008). Suivez le guide ! Continuité, (119), 47–50. Tous droits réservés © Éditions Continuité, 2008 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/
Suivez le guide Ils se présentent sous toutes les formes et toutes les couleurs. Certains ressemblent à des romans de poche, d'autres ont des airs d'encyclopédies. IIs sont signés Woodword, A. J. Downing, Charles L. Eastlake. A partir de 1850, ces catalogues produits aux Etats-Unis ont changé la façon de construire des maisons au Québec. Influents, les guidebooks P Et comment ! « Depuis 150 ans, le Québec vit sur les catalogues ! » tranche l'historien Michel Lessard. Retour sur ces publications qui ont forgé notre architecture domestique. p a r Valérie Gaudreau plans de maisons standards auxquels les constructeurs d'ici ajoutaient leur touche, D ans sa résidence de Lévis, notamment en fonction du climat québé- l'historien Michel Lessard cois. « Les plans publiés dans ces cata- possède des dizaines de ré- logues n'étaient pas très détaillés, explique éditions de ces catalogues Michel Lessard. Ils laissaient une zone datant de la dernière moitié d'interprétation aux constructeurs d'ici. » du XIXe siècle, qui conte- Malgré leur relative souplesse, ces guides naient le nec plus ultra de l'architecture allaient rapidement et profondément mo- Les ma/sons présentées dans les guides domestique de l'époque. difier la maison québécoise, jusque-là com- se déclinent dans une grande variété de Généralement destinées aux architectes da- posée d'un mélange d'héritage de la styles. vantage qu'au grand public, ces publica- tradition française, anglaise et de la mode III. : tirée de Exterior Decoration, Athenaeum tions fournissaient des informations et des néoclassique. « Entre 1790 et 1840, on of Philadelphia (1887) numéro rent dix-neuf 8
s'était donné une maison à nous : originale, le spécialiste de l'histoire de l'architecture. symétrique, dégagée du sol, avec sa grande Aux Etats-Unis, c'était une période de galerie et son toit en accent circonflexe. grande révolution industrielle et on com- C'était une maison d'une très grande mençait à produire en série. La circulation beauté », résume l'historien. des publications a joué un rôle important. » Mais au milieu du XIXe siècle, tout Autre facteur : des Québécois vont travailler change : les catalogues américains devien- en Nouvelle-Angleterre, puis reviennent nent accessibles, amenant avec eux de nou- avec « des goûts américains ». De nouvelles velles modes et reléguant au second rang tendances dans lesquelles le Québec sautera Modèle de maison inspiré des demeures de notre maisonnette « bien de chez nous ». à pieds joints. l'île d'Orléans. « Le développement du chemin de fer a III. : tirées du magazine Les Maisons du rendu plus facile l'accès aux modes qui ve- D u NÉOGOTHIQUE Québec, vol. 3, n° 3, nov.-déc. 1979 naient de Boston ou de New York, explique À LA VILLA ITALIENNE Premier véritable style pigé dans les cata- logues américains : le néogothique, dont la maison Alphonse-Desjardins, construite à Lévis vers 1883, est un exemple probant. « Je soupçonne fort que Desjardins ait pris son plan de maison dans le catalogue Wood- word Country House, affirme Michel Lessard. Elle est caractérisée par des gables, une grande triangulation au-dessus de la porte et dans le toit. On y trouve aussi toute une ornementation qui s'inspire de la grammaire décorative gothique. » Ce style, qui connaîtra un grand succès, étonne par sa complète rupture avec la maison québé- coise traditionnelle. « Ces constructions sont dominées non plus par le caractère longitudinal, mais par un caractère vertical. On venait de changer complètement le gabarit des maisons et la manière de les regarder. » Toujours vers 1880, le deuxième type de maison valorisé par les catalogues de mo- dèles est la maison à toit mansardé, inspirée de la tradition française. « On aura la mai- son à toit brisé à deux ou à quatre versants comme on en retrouve beaucoup sur la N° 1 8 1 2 Rez-de-chaussée: 112,32 m2 Étage: 112,32 m2 Pour convertir en pieds, multipliez par 3.3 u numéro cent dix-neuf D o s s i e r
Côte-de-Beaupré », poursuit Michel Les- début du XXe siècle jusque dans les années sard. Ironiquement, ces maisons d'inspira- 1940, on verra apparaître une abondance de tion Second Empire français nous viennent styles, dont la maison cubique », explique non pas de la France, mais des catalogues Michel Lessard. Très simple, cette américains. « Il y a aux États-Unis une construction de deux étages à toit plat avec grande francophilie qui teinte l'architecture escalier extérieur se caractérise par sa domestique. Beaucoup de bourgeois, par- grande fonctionnalité. Ce style sera très po- tout à travers le Québec, vont se construire pulaire dans les années 1930 lors du déve- ce type de maisons. » Caractérisées par un loppement du quartier Limoilou, dans la toit mansardé avec lucarnes et souvent do- basse-ville de Québec. tées d'une tour et d'une belle galerie, ces Puis arrivent les années 1940 et la guerre. constructions se retrouvent un peu partout Après le conflit, c'est le ailamerican way of dans la capitale, notamment sur la Grande life. Les gens vivent leur rêve américain, ils Allée. veulent leur propre demeure. L'architec- Autre style moins « ostentatoire », celui de ture domestique a un nouveau nom : bun- la maison néoclassique nord-américaine. galow. « Des catalogues de modèles de « Il s'agit d'une maison très simple, plus bungalows seront diffusés partout en Amé- puritaine, probablement plus dans la rique », raconte M. Lessard. mentalité des anglo-protestants », explique Et après des années à piger dans les publi- M. Lessard. cations américaines, le Québec commen- Les catalogues de modèles américains fe- cera à produire ses propres catalogues de ront également la promotion de la maison modèles. Dès 1946, la Société canadienne de style villa à l'italienne proposée en di- d'hypothèques et de logement (SCHL) s'y verses couleurs, qui sera elle aussi populaire met en publiant des plans de bungalows chez les membres de la bourgeoisie. respectueux des normes d'ici. Cette mode d'une maison unifamiliale de plain-pied L'ABC DE L'ORNEMENTATION avec sous-sol dominera les décennies 1950 À la fin du XIXe et au début du XXe siècle, à 1970. B^^^^^^( ces fameux catalogues ne feront pas que À la fin des années 1970, Fernand Roger de proposer des plans de résidences, ajoute Drummondville fonde l'entreprise Les Michel Lessard. Ils suggéreront aussi une Dessins Drummond et le magazine I.es Mai- nouvelle façon d'utiliser des ornementa- sons du Québec, qui offrent des plans de tions pour rehausser la maison tradition- maisons. « Cette publication s'inspirait nelle québécoise qui prévalait avant 1850. beaucoup des périodiques américains, mais Des exemples ? « On verra des moulures, elle apportait une touche québécoise », re- ftjir une surcharge de décors, de galeries avec des late Michel Lessard. L'historien sourit poteaux travaillés. Nos concitoyens feront d'ailleurs en évoquant cette période, lui qui, > des emprunts. Ils vont "jaz/.er", "éclectiser", au début des années 1980, a travaillé sous M o d è l e de maison inspiré de l'architecture ampouler leurs maisons traditionnelles en pseudonyme pour Les Dessins Drummond t y p i q u e de la région de Kamouraska. allant puiser dans les éléments décoratifs alors qu'il était professeur à l'UQAM. « Je III. : tirées du magazine Les Maisons d u proposés dans les catalogues. » suis entré là avec l'objectif de changer leurs Québec, vol. 3, n° 4, janv.-févr. 1980 Au-delà de l'architecture, ces publications suggèrent aussi une nouvelle façon de per- cevoir la maison comme lieu de vie. « On y Rez-de-chaussée 6 4 , 8 0 m 2 dtnette parle d'aménagement de jardins, poursuit l'historien. Les petits kiosques, le mobilier de jardin en bois noueux feront leur appari- tion. Ces guides de modèles véhiculent tout un art de vivre : comment on vit dans ces nouvelles maisons, comment les entretenir, comment rendre la cuisine fonctionnelle, etc. » EN ROUTE VERS LE BUNGALOW Si les styles mentionnés plus haut illustrent bien les changements instaurés par l'arrivée des guidebooks américains de 1850 à la Pre- mière Guerre mondiale, l'influence des ca- talogues continue par la suite de se faire sentir sur l'architecture québécoise. « Du D a rrurném rent dix-neuf u
façons de faire. Je leur disais : "Au lieu de est totalement aliénée, très teintée d'in- faire du colonial américain, pourquoi ne pas fluences extérieures », déplore l'historien, faire du colonial québécois avec des mai- qui s'en prend à la standardisation et à ce sons d'inspiration traditionnelle ?" » Il a no- qu'il appelle « l'architecture fast-food ». tamment collaboré à des numéros offrant Et ce, même s'il observe une nouvelle sen- des copies des maisons typiques de la sibilité de la part d'une nouvelle génération Beauce, de Kamouraska et des Cantons- de créateurs. « Il faut ramener les archi- de-l'Est. Une réappropriation de notre pa- tectes dans l'architecture domestique. Il trimoine auquel il se dit fier d'avoir faut redonner une personnalité québécoise contribué. à toutes les œuvres : résidentielles, com- merciales et industrielles. Il faut arrêter ET MAINTENANT ? d'être à la remorque des concepts états- S'inspirer du passé et puiser dans « notre uniens, parce qu'on est en train de perdre maison à nous », voilà un propos qui revient notre âme... » souvent chez Michel Lessard. Des efforts ont été faits, les créateurs d'ici ont marqué Valérie Gaudreau estjournaliste. La maison Alphonse-Desjardins, construite des points au fil du temps, reconnaît-il. vers 1883 à Lévis, est un exemple p r o b a n t Mais au final, son verdict est sévère sur ces d'un m o d è l e n é o g o t h i q u e de résidence issu 150 ans d'influence américaine dans le pay- des catalogues américains. sage résidentiel au Québec. « Depuis le mi- Photo : Jacques Beardsell, coll. Société lieu du XIXe, notre architecture domestique historique Alphonse-Desjardins Études et communications en archéologie et en patrimoine culturel Siège social : Bureau Montréal : 88, rue de Vaudreuil, local 3 2312, rue Jean-Talon Boucherville, Qc, J4B 5G4 Montréal (Québec), H2E 1V7 (450)449-1250 (514)728-2777 Sans frais: 1-877-449-1253 Courriel : ethnoscop@qc.aira.com R e d é c o u v r e z la beauté de nos maisons québécoises avec Yves L a f r a m b o i s e Belles maisons QUÉBÉCOISES Jl MUhMH INTÉRIEURS IUÉBÉCOIS 1 """ fc»» " ^ numéro cent dix-neuf D o s s i e r
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