Faubourg Québec La ville conviviale - François Dufaux - Érudit
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Document generated on 07/19/2022 3:35 p.m. Continuité Dossier Faubourg Québec La ville conviviale François Dufaux Number 86, Fall 2000 Regards sur la ville URI: https://id.erudit.org/iderudit/16896ac See table of contents Publisher(s) Éditions Continuité ISSN 0714-9476 (print) 1923-2543 (digital) Explore this journal Cite this article Dufaux, F. (2000). Faubourg Québec : la ville conviviale. Continuité, (86), 26–30. Tous droits réservés © Éditions Continuité, 2000 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/
FAUBOURG QUEBEC La ville CONVIVIALE Montréal ne s'estpas cons- truit en un jour. Ici comme dans n 'importe quelle ville, l'évolution de l'habitat suit les poussées de l'urbanisation. E t c'est dans cette foulée que l'on assiste à la naissance des «plex », ces constructions qui intègrent dans un même bâtiment deux, trois, quatre ^ etA logements. Les plans du •S * " ^ J ^ F a u b o u r ç j Québec ; m .: • • * * - • f j - ^ t ****""«>•«»»«» Faubourg Québec, quartier nr aujourd'hui disparu, g^-I!^*.«!^Bwaû. •J"»-'- rendent compte de cette façon f leuve St-Laurent originale de vivre la ville. p a r François Dufaux l'habitat. Ainsi naissent ces milliers de «plex»: duplex, triplex, quadruplex (aussi M ontréal a connu au XIXe appelé quatreplex) et autres constituent siècle une formidable bientôt le décor quotidien de la ville. Ce croissance. Dans la paysage familier participe depuis peu à seconde moitié de ce l'image de la ville. Publicités et cartes siècle, le développement postales ont compris d'instinct cet aspect industriel, commercial et original de Montréal. Pourtant, historiens financier accélère cette expansion: la popu- et architectes méconnaissent souvent les lation urbaine sextuple pour atteindre les origines et l'évolution de cette forme de 300 000 habitants vers 1900. Et elle triplera logement urbain. Carte situant le quartier Faubourg Québec encore avant 1940. La croissance de la Les préjugés constituent le premier obs- aujourd'hui disparu. population dépasse alors celle de l'espace tacle devant un phénomène original tels Illustration: François Dufaux urbain et favorise une densification de les «plex». Après 1945, le discours poli- V numéro quatre-vwgt-six D o s s i e r
tique est favorable à la maison unifamiliale et à la propriété privée. Dans ce contexte, le logement montréalais présente la double contradiction d'être un immeuble multifa- milial et à tenure locative. Ce double choix, à l'eneontre de la vie de banlieue, T déconcerte et est souvent hâtivement assi- milé aux difficiles conditions de vie des classes ouvrières. Par ailleurs, pour les histo- riens de l'art comme pour les architectes, les «plex» ne ressemblent ni aux maisons unifamiliale en rangée d'Angleterre, ni aux apparte- ments de New York ou de Boston et encore moins aux immeubles parisiens. Dans une dynamique culturelle où le fait d'être reconnu à l'étranger apparaît comme une légitimation, l'étude du triplex ne semble mener nulle part. Au cours des dernières décennies, des chercheurs ont toutefois démontré que ces bâtiments de quelques logements construits par des entrepreneurs locaux iuplex s'inscrivaient dans le développement éco- nomique de la ville et dans une stratégie sociale chez les résidants. Des historiens ont observé l'importance de la tenure locative, qui s'impose dès le XVIIIe siècle à Québec, puis au début du XIX' siècle à Montréal. On remarque entre autres que le statut de propriétaire ou locataire n'est pas un indice direct de la condition sociale: des bourgeois sont locataires en ville, des ouvriers sont propriétaires dans les fau- bourgs. Le logement urbain à Montréal, triplex avec sa large part de locataires et ses bâti- 1' — n ments comptant plus d'un logement, pro- longerait-il des habitudes établies dès le Régime français? L'hypothèse apparaît fa [ M © ffl f reeevable sur les plans économique et social. E Elle semble toutefois plus périlleuse en ce qui concerne l'architecture. Comment établir un lien entre les maisons du Vieux- it! 1 1 Montréal et les triplex du Plateau Mont- quatreplex Royal ? Quel rapport entre la pierre et les toitures à versants d'une part, et les esca- liers extérieurs et le toit plat d'autre part? jacente à la conception des bâtiments. Ces exemples d'habitation classés en Cette relation est d'autant plus difficile Ainsi peut-on établir une typologie de fonction du n o m b r e de logements m o n t r e n t à saisir que les quartiers résidentiels l'habitat urbain montréalais en fonction que chaque t y p e emprunte un caractère de Montréal construits avant 1880 ont du nombre de logements. Les exemples modeste ou plus bourgeois. été balayés par le « progrès » à partir de Les transformations en façade cachent du Faubourg Québec présentent plusieurs souvent une persistance des traditions dans 19.50. variantes de duplex, triplex, quadruplex et le système de construction et révèlent bâtiments commerciaux. la composition des plans ainsi que LE FAUBOURG QUÉBEC Ce quartier à l'est du Vieux-Montréal se les principes d'organisation des logements, L'analyse du système de construction, des développe dans la deuxième moitié du n o t a m m e n t la présence de portes intentions esthétiques derrière la compo- XVIIP siècle. En 1846, le plan de Canes individuelles sur la rue. sition formelle du plan et des façades ainsi montre un milieu urbain densifié avec la Source: ANQ-M-François Dufaux que du programme social dans la configu- construction de bâtiments contigus. ration des espaces intérieurs et extérieurs L'incendie de 1852 en ravage une grande permet de comprendre la logique sous- partie. Les maisons sont promptement D o s s i e r numéro quatre-vrngt-srx o
Deux maisons de la rue Saint-Louis, à d'autres logements afin d'augmenter la trent la transformation de passage en Montréal, t é m o i g n e n t du contraste entre le rente foncière. Les lots plus étroits (entre porte cochère avec la construction d'un logement urbain d'avant 1850 et celui 18 pieds et 25 pieds de façade) se déve- nouveau logement. d'après 1880. loppent selon des stratégies similaires. La qualité de l'habitat n'est pas synonyme Photo: Guy Mercier La plupart des logements sont composés de faible densité. Duplex, triplex et qua- de pièces réparties sur deux ou trois druplex proposent différents agencements reconstruites au moment où une nouvelle niveaux et forment ainsi des « maisonnet- de logements sur deux ou trois étages. La réglementation municipale sur l'emploi tes». C'est ainsi que les duplex, triplex et présence de boutiques au rez-de-chaussée de matériaux incombustibles est mise en quadruplex sont souvent composés de ou d'autres logements permet de répartir place. Les plans analysés concernent plusieurs maisonnettes, côte à côte et les coûts, de générer des revenus et de 59 bâtiments abritant 135 logements. On superposées. Les surfaces sont compara- soutenir une meilleure construction avec distingue 11 maisons unifamiliales, bles aux maisons unifamiliales. Certaines des fondations en pierre et l'emploi de 23 duplex, 10 triplex, 6 quadruplex, maisonnettes ont un niveau au rez-de- la maçonnerie. La transformation pro- 1 quintuplex et 8 bâtiments commerciaux chaussée et un demi-sous-sol habité. gressive de plusieurs maisons, avec l'ajout avec logements aux étages. Lorsqu'un commerce prend place au rez- d'étages ou la modification du toit, sug- Chaque lot est à la fois un lieu d'habita- de-chaussée, on trouve un sous-sol qui gère que cette stratégie était adoptée tion, de travail, de production et d'entre- sert d'espace d'entreposage. Plusieurs autant pour les propriétés bourgeoises posage. Les lots originaux de 1/8 d'arpent maisonnettes sont réparties entre le pre- que populaires. (45 pieds sur 90 ou 14 mètres sur 28) se mier niveau et les combles. Pour augmen- Tous les logements ont un accès direct à prêtent à plusieurs usages. Les bâtiments ter l'espace habitable, la forme du toit se l'extérieur; il n'y a donc pas d'entrée sont construits le long des limites exté- transforme, passant de deux versants au commune, d'escaliers ou de corridors par- rieures afin de libérer la cour au centre du toit mansard puis au toit plat. Le passage tagés comme dans un immeuble à appar- lot. La maison principale est implantée le de la rue à la cour est impératif. Deux tements. Les logements avec accès direct long de la rue. Dans un premier temps, aménagements sont possibles: l'entrée sur la rue, espace public, ont toujours en on retrouve dans la cour des écuries, des latérale lorsque le bâtiment est plus étroit plus une porte qui donne sur la cour, lieu étables et des poulaillers, puis, plus tard, que le terrain ou la porte cochère intégrée de travail et d'entreposage. Quelques des ateliers et des hangars destinés à des au bâtiment. Là encore, la construction au- logements de moins de quatre pièces, activités artisanales et industrielles. dessus du passage est une façon d'agrandir dotés d'une seule entrée, ne s'ouvrent L'urbanisation s'accroissant, on construit les logements; quelques exemples mon- que sur la cour. Dans ces cas, des escaliers o numéro quatre-vrngt-stx D o s s i e r
extérieurs peuvent être aménagés pour lot de 18 à 30 pieds lot de 30 à 45 pieds lot de 45 à 60 pieds atteindre le logement à l'étage. Les plans analysés incluent aussi des bâti- ments érigés sur les rues Saint-Paul et Sainte-Marie (aujourd'hui Notre-Dame) qui relient le Faubourg Québec au Vieux- unifamiliale Montréal, alors centre-ville. De nombreux commerces profitent de cette situation. On remarque toutefois peu d'exemples où le rez-de-chaussée commercial est indépendant du logement à l'étage. La duplex plupart des boutiques occupent une ou deux pièces du logement qui s'ouvrent sur la rue. La construction des bâtiments comme l ' a m é n a g e m e n t des plans intérieurs triplex empruntent à des techniques et à des concepts issus des traditions française et anglo-saxonne. Aucune construction n'est parfaitement homogène dans ses référen- ces. On emprunte aux deux cultures. Le quatreplex système structural comme la construction en pièce sur pièce témoigne d'une persis- tance de techniques propres au Québec. Le décor en façade et les plans intérieurs grande variété de logements destinés à Composition des logements en fonction montrent divers compromis entre la tradi- plusieurs types de familles issues de du nombre de lots et de leur largeur. tion des pièces en enfilade et la nouvelle diverses classes sociales. Cette mixité, La stratégie de densification vise formalité du hall ou corridor de distribu- d'une rue ou d'un bâtiment à l'autre, est à augmenter la surface habitable tion. Il s'agit là d'une intégration de nou- avec l'occupation des demi-sous-sols favorable à la cohabitation et aux échan- e t la transformation des toitures. On veautés venues de Grande-Bretagne ou ges entre les résidants, première qualité observe aussi divers agencements incluant des États-Unis. Ce métissage dans la de la vie urbaine. L'entrée des logements des logements de grandeurs variables forme des bâtiments comme dans la dis- sur la rue confirme l'égalité d'accès à dans le même bâtiment. tribution des pièces constitue une des l'espace public. On trouve là un intéres- Source: François Dufaux caractéristiques distinctives de l'habitat sant équilibre entre convivialité et auto- urbain à Montréal. nomie des ménages, comme une façon L'analyse du Faubourg Québec, souvent logique et intelligente de vivre la ville. décrit comme un quartier populaire, démontre qu'on y trouvait, comme dans François Dufaux est étudiant au doctorat à les autres quartiers de Montréal, une l'University College London. Une exposition d'histoire, d'art et d'architecture Monstre ou chef-d'œuvre? Jusqu'au 3 d é c e m b r e 2000 Au Centre d'histoire de Montréal 335, place d'Youville, Vieux-Montréal (514) 872-3207 Dans le cadre de l'événement Silophone Musique, nouveaux médias et patrimoine - numéro quatre-vingt-six D o s s i e r
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