ÉTHIQUE ET MALADIES À TRANSMISSION VECTORIELLE - ORIENTATIONS DE L'OMS - WHO | World ...
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PHOTO DE COUVERTURE : Des gens font la queue sous un grand manguier en attendant de se faire vacciner contre la fièvre jaune, à Yade Bohou, Togo. Source : OMS / Olivier Asselin
Éthique et maladies à transmission vectorielle : orientations de l’OMS [Ethics and vector-borne diseases: WHO guidance] ISBN 978-92-4-002346-8 (version électronique) ISBN 978-92-4-002347-5 (version imprimée) © Organisation mondiale de la Santé 2021 Certains droits réservés. La présente publication est disponible sous la licence Creative Commons Attribution – Pas d’utilisation commerciale – Partage dans les mêmes conditions 3.0 IGO (CC BY NC-SA 3.0 IGO ; https://creativecommons.org/licenses/by- nc-sa/3.0/igo/deed.fr). Aux termes de cette licence, vous pouvez copier, distribuer et adapter l’oeuvre à des fins non commerciales, pour autant que l’oeuvre soit citée de manière appropriée, comme il est indiqué ci dessous. Dans l’utilisation qui sera faite de l’oeuvre, quelle qu’elle soit, il ne devra pas être suggéré que l’OMS approuve une organisation, des produits ou des services particuliers. L’utilisation de l’emblème de l’OMS est interdite. Si vous adaptez cette oeuvre, vous êtes tenu de diffuser toute nouvelle oeuvre sous la même licence Creative Commons ou sous une licence équivalente. Si vous traduisez cette oeuvre, il vous est demandé d’ajouter la clause de non-responsabilité suivante à la citation suggérée : « La présente traduction n’a pas été établie par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). L’OMS ne saurait être tenue pour responsable du contenu ou de l’exactitude de la présente traduction. L’édition originale anglaise est l’édition authentique qui fait foi ». Toute médiation relative à un différend survenu dans le cadre de la licence sera menée conformément au Règlement de médiation de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (http://www.wipo.int/amc/en/mediation/rules/). Citation suggérée. Éthique et maladies à transmission vectorielle : orientations de l’OMS [Ethics and vector-borne diseases: WHO guidance]. Genève : Organisation mondiale de la Santé ; 2021. Licence : CC BY-NC-SA 3.0 IGO. Catalogage à la source. Disponible à l’adresse http://apps.who.int/iris. Ventes, droits et licences. Pour acheter les publications de l’OMS, voir http://apps.who.int/bookorders. Pour soumettre une demande en vue d’un usage commercial ou une demande concernant les droits et licences, voir http://www.who.int/about/licensing. Matériel attribué à des tiers. Si vous souhaitez réutiliser du matériel figurant dans la présente oeuvre qui est attribué à un tiers, tel que des tableaux, figures ou images, il vous appartient de déterminer si une permission doit être obtenue pour un tel usage et d’obtenir cette permission du titulaire du droit d’auteur. L’utilisateur s’expose seul au risque de plaintes résultant d’une infraction au droit d’auteur dont est titulaire un tiers sur un élément de la présente oeuvre. Clause générale de non-responsabilité. Les appellations employées dans la présente publication et la présentation des données qui y figurent n’impliquent de la part de l’OMS aucune prise de position quant au statut juridique des pays, territoires, villes ou zones, ou de leurs autorités, ni quant au tracé de leurs frontières ou limites. Les traits discontinus formés d’une succession de points ou de tirets sur les cartes représentent des frontières approximatives dont le tracé peut ne pas avoir fait l'objet d'un accord définitif. La mention de firmes et de produits commerciaux ne signifie pas que ces firmes et ces produits commerciaux sont agréés ou recommandés par l’OMS, de préférence à d’autres de nature analogue. Sauf erreur ou omission, une majuscule initiale indique qu’il s’agit d’un nom déposé. L’Organisation mondiale de la Santé a pris toutes les précautions raisonnables pour vérifier les informations contenues dans la présente publication. Toutefois, le matériel publié est diffusé sans aucune garantie, expresse ou implicite. La responsabilité de l'interprétation et de l'utilisation dudit matériel incombe au lecteur. En aucun cas, l’OMS ne saurait être tenue responsable des préjudices subis du fait de son utilisation.
iii Table des matières REMERCIEMENTS................................................................................................................................ V 1. INTRODUCTION........................................................................................................................ 1 2. CONTEXTE................................................................................................................................. 4 2.1 Principaux faits concernant les maladies à transmission vectorielle.....................5 2.2 Déterminants sociaux des maladies à transmission vectorielle ............................5 2.3 Déterminants environnementaux des maladies à transmission vectorielle...........8 3. Q UESTIONS ET VALEURS ÉTHIQUES PERTINENTES..................................................... 10 4. P RISE EN COMPTE DES DÉTERMINANTS SOCIAUX ET ENVIRONNEMENTAUX...... 12 5. ONSIDÉRATIONS ÉTHIQUES GÉNÉRALES POUR LES INTERVENTIONS C DE SANTÉ PUBLIQUE............................................................................................................ 15 6. M ÉTHODES DE LUTTE ANTIVECTORIELLE....................................................................... 20 7. AMPAGNES DE VACCINATION ET ADMINISTRATION C DE MASSE DE MÉDICAMENTS............................................................................................ 30 8. D ÉPISTAGE ET SURVEILLANCE.......................................................................................... 35 9. RECHERCHE............................................................................................................................43 10. M OBILISATION COMMUNAUTAIRE....................................................................................54 RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES................................................................................................ 59
iv ÉTHIQUE ET MALADIES À TRANSMISSION VECTORIELLE : ORIENTATIONS DE L’OMS Boxes ENCADRÉ 1. É TUDE COMPARATIVE DE DEUX VILLES : DÉTERMINANTS SOCIAUX ET MALADIE À TRANSMISSION VECTORIELLE À BROWNSVILLE, TEXAS (ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE) ET À MATAMOROS, TAMAULIPAS (ÉTATS-UNIS DU MEXIQUE)......................................................................................... 7 ENCADRÉ 2. D ÉFORESTATION ET URBANISATION DANS LA PROVINCE DU GUANGDONG (RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE) ..................................... 9 ENCADRÉ 3. É LIMINATION DU PALUDISME DANS LA RÉGION DE LA MÉDITERRANÉE ORIENTALE...............................................................................26 ENCADRÉ 4. D ÉSAPPROBATION D’UNE INTERVENTION DE SANTÉ PUBLIQUE PAR LA POPULATION : APPLICATION PAR VOIE AÉRIENNE D’INSECTICIDE POUR LUTTER CONTRE LA MALADIE À VIRUS ZIKA (PUERTO RICO)...................................................................................................27 ENCADRÉ 5. A DMINISTRATION DE MASSE DE MÉDICAMENTS CONTRE LA FILARIOSE LYMPHATIQUE DANS L’ÉTAT D’ASSAM, RÉPUBLIQUE DE L’INDE..............................................................................................32 ENCADRÉ 6. C ONTROVERSE ÉTHIQUE AUTOUR DE L’UTILISATION DU VACCIN CONTRE LA DENGUE CYD-TDV............................................................33 ENCADRÉ 7. M EILLEURES PRATIQUES POUR UN STOCKAGE PLUS SÛR DE L’EAU : MESURES DE LUTTE ANTIVECTORIELLE OBLIGATOIRES ET SURVEILLANCE CIBLÉE DANS LA RÉPUBLIQUE DE L’INDE...........................37 ENCADRÉ 8. U N ŒIL DANS LE CIEL : UTILISATION DE LA TECHNOLOGIE DES DRONES AÉRIENS POUR SURVEILLER LES MALADIES DANS LA RÉPUBLIQUE DE SINGAPOUR.............................................................................38 ENCADRÉ 9. U TILISATION DE DONNÉES SUR LES MOUVEMENTS HUMAINS POUR DÉMONTRER LA PROPAGATION DU VIRUS ZIKA DANS LA RÉPUBLIQUE DE SINGAPOUR..............................................................................39 ENCADRÉ 10. WORLD MOSQUITO PROGRAMME : CONSENTEMENT ÉCLAIRÉ DANS LES ESSAIS DE TERRAIN..............................................................................49 ENCADRÉ 11. É TUDE CLINIQUE D’INOCULATION D’ÉPREUVE DU PALUDISME À NAIROBI (RÉPUBLIQUE DU KENYA).............................................52 ENCADRÉ 12. C ONFLITS RELATIFS AU LÂCHER DE MOUSTIQUES GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉS AU BURKINA FASO...............................................58
Remerciements v Remerciements Urbanisation et inégalités sanitaires mondiales. Une fille se repose dans un hamac dans une rue de Manille, Philippines. Source : OMS / Anna Kari
vi ÉTHIQUE ET MALADIES À TRANSMISSION VECTORIELLE : ORIENTATIONS DE L’OMS Ce document d’orientation a été rédigé sous la Carl Coleman (Seton Hall University School of Law, direction d’Andreas Reis (codirigeant de l’unité Éthique Newark, New Jersey, États-Unis d’Amérique) était et gouvernance en matière de santé du Département le rédacteur principal et Jerome Singh (University Recherche pour la santé) et de Raman Velayudhan of KwaZulu-Natal, République sud-africaine, et (chef de l’unité Santé publique vétérinaire, lutte Université de Toronto, Canada) a contribué à la antivectorielle et environnement du Département rédaction de parties du rapport. Zeb Jamrozik Maladies tropicales négligées), en collaboration (Monash University, Australie), Florencia Luna étroite avec Jan Kolaczinski (chef de l’unité Lutte (Université latino-américaine de sciences sociales, antivectorielle et résistance aux insecticides du République argentine), Carla Saenz (Organisation Programme mondial de lutte antipaludique) et panaméricaine de la Santé, Washington, États-Unis Mariam Otmani del Barrio (scientifique, Programme d’Amérique) et Michael Selgelid (Monash University, spécial de recherche et de formation sur les maladies Australie) ont assuré la supervision du projet de tropicales), sous la supervision de John Reeder rapport. (directeur, Programme spécial de recherche et de L’OMS remercie les personnes suivantes, qui ont formation sur les maladies tropicales) et de Soumya contribué à l’élaboration de ces orientations : Swaminathan (spécialiste scientifique principale). Experts externes Joel Aik, Environmental Health Institute, National Patricia Kingori, Ethox, University of Oxford, Nuffield Environment Agency (République de Singapour) Department of Population Health (Royaume-Uni) Rafael Argilés, Division mixte FAO/AIEA des Bocar Kouyaté, Centre de recherche en santé Nouna techniques nucléaires dans l’alimentation et (Burkina Faso) l’agriculture (République d’Autriche) Peter G. Kremsner, Université de Tübingen Bernard Baertschi, Université de Genève (République fédérale d’Allemagne) (Confédération suisse) Florencia Luna, Conseil scientifique et de recherche Konstantinos (Kostas) Bourtzis, Division mixte FAO/ technologique national, Université latino-américaine AIEA des techniques nucléaires dans l’alimentation de sciences sociales (République argentine) et l’agriculture (République d’Autriche) Cheryl Cox Macpherson, St. George’s University Jérémy Bouyer, Division mixte FAO/AIEA des (Grenade) techniques nucléaires dans l’alimentation et Lee Ching Ng, National Environment Agency l’agriculture (République d’Autriche) (République de Singapour) Christiane Druml, Faculté de médecine de Vienne Francine Ntoumi, Fondation congolaise de la (République d’Autriche) recherche médicale, Université Marien Ngouabi Vijayaprasad Gopichandran, ESIC Medical College (République du Congo) et Université de Tübingen and Post Graduate Institute of Medical Sciences and (République fédérale d’Allemagne) Research (République de l’Inde) Ron Rosenberg, Centers for Disease Control and François Hirsch, INSERM (République française) Prevention (États-Unis d’Amérique) Aamir Jafarey, Centre of Biomedical Ethics Thomas Scott, University of California (Davis, États- and Culture, Sindh Institute of Urology and Unis d’Amérique) Transplantation (République islamique du Pakistan) Michael Selgelid, Monash University (Australie) Zeb Jamrozik, Monash University (Australie) Seema Shah, Lurie Children’s Hospital of Chicago et Northwestern University (États-Unis d’Amérique)
Remerciements vii Jerome Singh, University of KwaZulu-Natal Hanano Yamada, Division mixte FAO/AIEA des (République sud-africaine) et Université de Toronto techniques nucléaires dans l’alimentation et (Canada) l’agriculture (République d’Autriche) Évaluateurs externes Ronald Bayer, Columbia University Mailman School Stephanie James, Fondation pour les Instituts of Public Health (États-Unis d’Amérique) nationaux de la santé (États-Unis d’Amérique) Salome R. A. Bukachi, University of Nairobi Michael Penkunas, Institut international de (République du Kenya) l’Université des Nations Unies pour la santé mondiale (Malaisie) Claudia Emerson, Institute on Ethics and Policy for Innovation, McMaster University (Canada) Karen Tountas, Fondation pour les Instituts nationaux de la Santé, Bethesda, Maryland (États-Unis d’Amérique) Personnel de l’OMS Tasnim Azim, responsable régionale chargée des Ronnie Johnson, scientifique, Santé de la famille, activités d’éthique, Bureau régional de l’Asie du de la femme et de l’enfant, Santé reproductive et Sud-Est, New Delhi recherche, Santé maternelle et périnatale, Prévention des avortements non sécurisés, Genève Ties Boerma, directeur (à la retraite), Systèmes de santé et innovation, Information, bases factuelles et Vannda Kab, administrateur technique, bureau de recherche, Genève l’OMS dans le pays (Royaume du Cambodge) Lauren Carrington, Santé publique vétérinaire, unité Jan Kolaczinski, chef de l’unité Lutte antivectorielle Lutte antivectorielle et environnement, Département et résistance aux insecticides du Programme Maladies tropicales négligées, Genève mondial de lutte antipaludique, Genève Anna Drexler, administratrice technique, Gestion des Marion Law, unité Préqualification, Département vecteurs et de l’écologie, Genève Réglementation et préqualification, Division Accès aux médicaments et aux produits de santé, Genève Gaya Gamhewage, directrice, Programme OMS de gestion des situations d’urgence sanitaire, Katherine Littler, codirigeante, unité Éthique et Gestion des risques infectieux, Réseaux d’experts et gouvernance en matière de santé, Genève interventions, Genève Ahmed Mandil, coordonnateur, Recherche et Ki-Hyun Hahm, administrateur technique, Bureau innovation, Bureau régional de l’OMS pour la régional OMS du Pacifique occidental, Division des Méditerranée orientale, Le Caire systèmes de santé, Manille Jeannette Martinez, unité Préqualification, Margaret Harris, Programme OMS de gestion des Département Réglementation et préqualification, situations d’urgence sanitaire, Gestion des risques Division Accès aux médicaments et aux produits de infectieux, Genève santé, Genève Patrik Hummel, consultant, Recherche, éthique Vasee Moorthy, coordonnateur, Systèmes de et gestion des connaissances, Éthique en santé à santé et innovation, Information, bases factuelles l’échelle mondiale, Genève et recherche, Recherche, éthique et gestion des connaissances, Genève
viii ÉTHIQUE ET MALADIES À TRANSMISSION VECTORIELLE : ORIENTATIONS DE L’OMS Mariam Otmani del Barrio, administratrice Abha Saxena, coordonnatrice (à la retraite), technique, VIH/SIDA, tuberculose, paludisme et Recherche, éthique et gestion des connaissances, maladies tropicales négligées, Programme spécial Éthique en santé à l’échelle mondiale, Genève de recherche et de formation sur les maladies Dominic Schuler, Évaluation des produits de lutte tropicales de l’OMS, Vecteurs, environnement et antivectorielle, Département Préqualification, société, Genève Genève Lee-Anne Pascoe, consultante, unité Éthique et Soumya Swaminathan, spécialiste scientifique gouvernance en matière de santé, Genève principale, Genève Martha Quinones Pinzon, administratrice technique, Rajpal Singh Yadav, scientifique, unité Santé VIH/SIDA, tuberculose, paludisme et maladies publique vétérinaire, lutte antivectorielle et tropicales négligées, Programme mondial de lutte environnement, Département Maladies tropicales antipaludique, Entomologie et lutte antivectorielle, négligées, Genève Genève Kirsten Vannice, scientifique, Santé de la famille, Caron Rahn Kim, médecin, Santé de la famille, de la femme et de l’enfant, Vaccination, vaccins et de la femme et de l’enfant, Santé reproductive et produits biologiques, initiative pour la recherche sur recherche, Santé maternelle et périnatale, Prévention les vaccins, Genève des avortements non sécurisés, Genève Raman Velayudhan, chef, unité Santé publique Nigel Rollins, médecin, Santé de la famille, de la vétérinaire, lutte antivectorielle et environnement, femme et de l’enfant, Santé de la mère, du nouveau- Département Maladies tropicales négligées, Genève né, de l’enfant et de l’adolescent, Recherche et développement, Genève Sina Zintzmeyer, spécialiste de la gestion de projets, Poliomyélite, situations d’urgence et collaboration Carla Saenz, conseillère régionale en bioéthique, avec les pays, Fonctions d’appui, Réaction d’urgence Organisation panaméricaine de la santé, Washington à la maladie à virus Zika, Genève Organismes de financement João Rangel de Almeida, Wellcome Trust (Royaume-Uni) Susanna Hausmann Muela, Département fédéral des affaires étrangères, Direction du développement et de la coopération (Confédération suisse) Le projet a été partiellement financé par une subvention du Wellcome Trust.
1. Introduction 1 1. Introduction Le triatome, responsable de la transmission de la maladie de Chagas, Bolivie. Source : OMS / Fernando G. Revilla
2 ÉTHIQUE ET MALADIES À TRANSMISSION VECTORIELLE : ORIENTATIONS DE L’OMS Depuis les premiers établissements humains il y a Deuxièmement, contrairement à d’autres maladies 15 000 ans, les maladies à transmission vectorielle infectieuses, les maladies à transmission vectorielle jouent un rôle majeur dans la morbidité et la mortalité sont transmises d’une personne à l’autre par mondiales. En 2017, consciente de la menace et du l’intermédiaire d’autres êtres vivants, les vecteurs. fardeau croissants que constituent les maladies à Étant donné que des vaccins ou des traitements transmission vectorielle pour les individus, les familles médicamenteux ne sont disponibles que pour un et les sociétés, l’Organisation mondiale de la Santé petit nombre des agents pathogènes transmis par (OMS) publiait une vaste stratégie d’action mondiale les vecteurs, la principale méthode de lutte contre de lutte antivectorielle pour la période 2017–2030 (1). les maladies à transmission vectorielle consiste à Cette stratégie propose divers plans pour soutenir éliminer les vecteurs par des interventions menées la lutte antivectorielle dans le monde. Ces plans directement auprès des populations concernées. reposent sur un renforcement des capacités, une La réussite de ces interventions dépend de l’action amélioration de la surveillance et de la coordination collective entreprise par une grande partie ou la ainsi qu’une action intégrée multisectorielle ciblant totalité des membres de la communauté, sans que plusieurs maladies. Peu après la publication de cette le consentement de chacun puisse toujours être stratégie en 2017, l’Assemblée mondiale de la Santé sollicité. Même si ces mesures doivent bénéficier à adoptait la résolution WHA70.16, qui demandait l’ensemble de la communauté, elles ne se traduisent notamment à l’OMS de fournir des orientations sur pas nécessairement par des bénéfices comparables les questions d’éthique associées à la mise en œuvre ou par une exposition à des fardeaux ou risques de la lutte antivectorielle (2). équivalents pour tous ses membres. Consciente du manque d’attention précédemment Enfin, certaines méthodes de lutte antivectorielle porté aux questions d’éthique soulevées par la prise en cours d’étude reposent sur des modifications en charge des maladies à transmission vectorielle, génétiques de moustiques et d’autres vecteurs. Ces l’OMS a organisé une réunion, qui s’est tenue à interventions, susceptibles d’entraîner d’importants Genève les 23 et 24 février 2017, afin d’identifier bénéfices pour la santé publique, peuvent toutefois les considérations éthiques pertinentes et de comporter des risques ou avoir des conséquences préparer les prochaines orientations. Cette réunion incertaines pour la santé humaine et l’environnement. a rassemblé les principales parties prenantes en Certaines interventions de lutte antivectorielle matière de lutte antivectorielle, de santé maternelle et de nature génétique, en particulier le forçage infantile, d’écologie et de changements climatiques, génétique, pourraient conduire à des modifications de recherche et développement de vaccins, et de potentiellement irréversibles des populations de communications pour la santé publique. vecteurs, susceptibles de se propager au-delà des frontières nationales. La réunion a permis d’identifier divers aspects des maladies à transmission vectorielle soulevant Après avoir publié un rapport de synthèse des d’importantes questions d’éthique. Premièrement, discussions tenues lors de la réunion (3), l’OMS a nombre de ces maladies sont des maladies constitué un groupe consultatif rassemblant un négligées, avec un impact disproportionné sur les nombre plus important d’experts, qui ont contribué populations les plus démunies. Ceci se manifeste à l’élaboration de ces orientations. Ce groupe s’est par un manque de ressources destinées à la réuni à Vienne du 7 au 9 mai 2018 afin d’identifier les lutte contre ces maladies et à leur surveillance, principales questions à inclure dans les orientations, notamment un soutien insuffisant à la recherche puis un sous-groupe s’est réuni à Washington, DC, les et au développement de médicaments, de vaccins, 4 et 5 février 2019 pour commencer à travailler sur le de nouvelles méthodes de lutte antivectorielle et premier projet. Le groupe consultatif au complet s’est d’autres interventions potentiellement bénéfiques. à nouveau rassemblé à Genève du 23 au 25 juillet Les maladies à transmission vectorielle entraînent 2019 pour examiner et améliorer la version de travail. ainsi des problèmes fondamentaux de justice sociale Celle-ci a ensuite été envoyée pour commentaire à dans le monde. un groupe rassemblant divers experts techniques
1. Introduction 3 internationaux. Le présent document tient compte directement à la discussion sur les questions et les des observations de tous ces contributeurs. valeurs éthiques, au Chapitre 3. Ces orientations ne peuvent ni apporter des réponses universelles aux Ces orientations s’adressent en premier lieu aux complexes questions d’éthique qui sont soulevées personnes intervenant directement dans la prévention ni proposer une liste type de questions qui seraient et la lutte contre les maladies à transmission pertinentes dans tous les cas de figure. Elles ont vectorielle, notamment les directeurs de programme, plutôt pour objectif d’aider les lecteurs à identifier les chercheurs et les acteurs de terrain. Un bref les aspects de leur travail qui sont associés à des rappel technique est proposé pour les personnes non enjeux éthiques importants et à y répondre en tenant expertes en maladies à transmission vectorielle ; les compte des valeurs et normes internationales. lecteurs travaillant dans ce domaine peuvent passer
4 ÉTHIQUE ET MALADIES À TRANSMISSION VECTORIELLE : ORIENTATIONS DE L’OMS 2. Contexte Urbanisation et inégalités en matière de santé. Lavage et séchage de vêtements à côté d’un ruisseau qui est désormais un égout à ciel ouvert à Yaoundé, Cameroun. Source : OMS / Anna Kari
2. Contexte 5 2.1 P rincipaux faits concernant les maladies à transmission vectorielle Les maladies à transmission vectorielle sont des associées à une morbidité et une mortalité élevées, maladies humaines provoquées par des parasites, surchargeant parfois les systèmes de santé locaux. des virus et des bactéries qui sont transmises par Parmi les maladies à transmission vectorielle, la divers vecteurs, notamment les moustiques, les dengue est celle qui se propage le plus rapidement. phlébotomes, les triatomes, les simulies, les tiques, Son incidence a été multipliée par 15 depuis l’an 2000 les mouches tsé-tsé, les acariens et les poux. Les et elle est présente dans plus de 129 pays. principales maladies à transmission vectorielle Les agents pathogènes à l’origine des maladies représentent près de 17 % du fardeau des maladies à transmission vectorielle présentent un cycle infectieuses dans le monde. Plus de 700 000 biologique complexe, impliquant les humains, des décès par an sont attribuables à des maladies à vecteurs et parfois des hôtes intermédiaires animaux. transmission vectorielle. Les arthropodes hématophages, en particulier les Parmi toutes les maladies à transmission vectorielle, moustiques, en sont les principaux vecteurs. D’autres le paludisme entraîne la charge de morbidité mondiale maladies à transmission vectorielles majeures, telles la plus élevée, avec environ 405 000 décès en 2018, la que la schistosomiase, sont toutefois transmises plupart chez des enfants âgés de moins de 5 ans. La par d’autres types de vecteurs. L’épidémiologie des maladie de Chagas, l’infection à virus Chikungunya, maladies à transmission vectorielle dépend de la la dengue, la leishmaniose, la schistosomiase, la nature de la transmission : essentiellement entre fièvre jaune et la maladie à virus Zika sont d’autres êtres humains (comme pour le paludisme et la exemples de maladies à transmission vectorielle dengue) ou exclusivement de l’animal à l’être humain importantes. Nombre de ces maladies ont été à (comme pour la fièvre à virus West Nile) (3). l’origine de récentes flambées épidémiques majeures 2.2 D éterminants sociaux des maladies à transmission vectorielle Certains individus ou groupes sont plus exposés La prédisposition et la vulnérabilité aux maladies à aux maladies à transmission vectorielle en raison transmission vectorielle dépendent de divers facteurs des circonstances dans lesquelles ils naissent, sociaux, tels que le genre, l’âge, la situation socio- grandissent, vivent, travaillent et vieillissent, et donc économique, la situation migratoire et l’appartenance des forces et des systèmes dont ces circonstances à une population autochtone. Des interactions entre dépendent. Ces « déterminants sociaux de la divers facteurs biologiques et socioculturels, qui santé » peuvent avoir une incidence sur les risques varient au fil du temps et selon le lieu, façonnent d’exposition aux maladies à transmission vectorielle, des inégalités spécifiques du contexte, avec un d’infection consécutive à une telle exposition et impact sur la santé et le bien-être (5, 6). Le point de d’issue défavorable de l’infection (4). Une riposte rencontre entre ces différents facteurs détermine mondiale efficace aux maladies à transmission les vulnérabilités et le ressenti des personnes vis-à- vectorielle doit donc reposer sur un examen attentif vis de certaines affections, ainsi que leur capacité de ces circonstances sociales (1). d’accès aux soins de santé et aux traitements (7).
6 ÉTHIQUE ET MALADIES À TRANSMISSION VECTORIELLE : ORIENTATIONS DE L’OMS Genre de gestion des déchets peuvent accroître l’exposition aux moustiques dans les zones de jeu probables Les normes, rôles et relations de genre se conjuguent des enfants (3). Ceux-ci, tout comme certaines avec d’autres axes d’inégalité, tels que l’âge, la situation personnes âgées et certaines personnes présentant socio-économique, la capacité ou l’incapacité ou une altération des facultés mentales, sont en outre encore la situation géographique, pour influer sur les exposés à des risques inhérents compte tenu de leur risques de maladies à transmission vectorielle et sur le dépendance à des tiers. Dans la plupart des cas, ils vécu personnel de la maladie. Les rôles professionnels n’auront accès à des mesures de prévention ou au dépendants du genre peuvent par exemple avoir un traitement des maladies à transmission vectorielle impact sur la probabilité d’être exposé à un vecteur. que si la personne qui s’occupe d’eux s’en préoccupe. Dans certaines communautés de pêcheurs et d’agriculteurs, la schistosomiase touche plus souvent les hommes que les femmes. À l’inverse, dans les communautés où les femmes lavent les ustensiles Situation socio-économique et les vêtements dans des eaux infectées par des La situation socio-économique, notamment le niveau gastéropodes, les femmes peuvent être plus exposées d’études, la profession et les revenus, peut influer à la schistosomiase que les hommes (8, 9). De même, sur les résultats escomptés en matière de santé et dans de nombreuses zones d’endémie du paludisme, désavantager ou privilégier ainsi certains segments certaines activités traditionnellement réservées aux de la population (13). Le travail est un facteur de risque hommes peuvent augmenter leur exposition aux majeur d’exposition aux maladies à transmission vecteurs du paludisme, en particulier dans les zones vectorielle ; par exemple, les éleveurs nomades de la rurales ou en cas de travail de nuit (10). Les inégalités vallée du Grand Rift sont particulièrement exposés dans les relations de pouvoir entre les genres peuvent aux maladies transmises par les tiques, telles que la également influer sur les stratégies de lutte contre fièvre pourprée (14). La pauvreté constitue également les maladies employées, par exemple lorsque les un facteur de risque majeur. En effet, les personnes décisions prises au sein du ménage concernant vivant dans la pauvreté ont moins souvent accès à de l’attribution de moustiquaires disponibles en nombre l’eau potable et à un assainissement. Les ménages restreint dépendent des rôles, normes et relations peuvent en conséquence stocker l’eau dans des de genre (10). En outre, des facteurs liés au genre récipients conservés au domicile, créant ainsi des peuvent influer sur l’issue d’une infection, que ce soit gîtes larvaires pour les vecteurs (en particulier les en raison d’un accès différencié au traitement médical moustiques Aedes). Des efforts visant à promouvoir ou d’usages socioculturels associés aux schémas de des méthodes plus sûres de recueil et de stockage de travail au sein du ménage susceptibles d’augmenter la l’eau, ainsi qu’un développement des infrastructures probabilité de malnutrition chez les femmes (11). sur le long terme, qui évitera aux familles de devoir stocker de l’eau chez elles, sont nécessaires pour venir à bout de ce problème. Âge En outre, les personnes vivant dans la pauvreté ont moins souvent accès aux mesures de prévention De nombreuses maladies à transmission vectorielle (moustiquaires imprégnées d’insecticide ou pèsent de manière disproportionnée sur les enfants pulvérisation d’insecticide à effet rémanent à l’intérieur et les personnes âgées. Par exemple, la mortalité des habitations, par exemple) ou aux traitements de liée au paludisme touche essentiellement les enfants l’infection, car elles sont essentiellement tributaires âgés de moins de 5 ans (12). Si certaines différences des services fournis par les pouvoirs publics. Elles liées à l’âge dépendent de facteurs biologiques, sont par ailleurs plus exposées aux comorbidités les facteurs sociaux jouent également un rôle (dont la malnutrition), qui aggravent les conséquences important. Ainsi, les normes sociales concernant d’une infection. l’horaire du coucher peuvent augmenter le risque d’exposition des enfants aux vecteurs qui piquent L’Encadré 1 présente une étude de cas illustrant le essentiellement en début de soirée (3). De même, les lien entre les déterminants sociaux de la santé et une usages sociaux en matière de stockage de l’eau et maladie à transmission vectorielle.
2. Contexte 7 Encadré 1. Étude comparative de deux villes : déterminants sociaux et maladie à transmission vectorielle à Brownsville, Texas (États-Unis d’Amérique) et à Matamoros, Tamaulipas (États-Unis du Mexique) Brownsville et Matamoros sont des villes sœurs séparées par le fleuve Rio Grande, la frontière internationale entre les États-Unis d’Amérique et les États-Unis du Mexique, d’un point de vue géopolitique. Ces deux villes présentent néanmoins le même climat et de nombreuses similitudes sur les plans commercial et culturel. La population de Brownsville est majoritairement hispanique et les membres de nombreuses familles sont répartis de part et d’autre de la frontière. Près de 15 000 personnes traversent chaque jour les trois ponts internationaux qui relient les deux villes pour travailler, faire des achats et rendre visite à leurs proches. Il existe cependant une différence de prédisposition à la dengue malgré la présence du moustique vecteur, Aedes aegypti, dans les deux villes. Des épidémies se déclenchent régulièrement à Matamoros, alors que seuls quelques cas contractés localement sont enregistrés à Brownsville. Divers facteurs augmentent le risque d’infection par le virus de la dengue à Matamoros. Si les deux villes sont dotées d’équipements comparables pour l’approvisionnement en eau et la gestion des eaux usées, le drainage des rues est moins efficace à Matamoros, entraînant parfois la fermeture de routes et empêchant la collecte régulière des ordures. En outre, le revenu par habitant est nettement plus faible à Matamoros. Bien moins de domiciles sont équipés de l’air conditionné ou d’écrans moustiquaires pour fenêtres en bon état, ce qui facilite l’invasion par les moustiques. La suroccupation des logements et la forte densité de population augmentent la probabilité que des moustiques porteurs de l’agent infectieux rencontrent un hôte humain. Enfin, le fort taux de natalité à Matamoros accroît rapidement le nombre des personnes sensibles en apportant de nouveaux hôtes immunologiquement naïfs (15–17). Situation migratoire aux soins de santé, expliquent un grand nombre de ces risques. Les migrants constituent une grande La migration peut parfois contribuer à l’introduction part des pauvres de nombreuses villes, qui sont ou à la réintroduction de maladies à transmission confrontés à des difficultés financières et de diverses vectorielle. Par exemple, une résurgence du natures, notamment en ce qui concerne l’accès à paludisme en Grèce a été associée à la hausse de un logement décent et aux services sociaux. Les l’immigration (18) et un lien a été mis en évidence restrictions juridiques appliquées aux migrants entre des flambées épidémiques de leishmaniose peuvent exacerber ces risques, par exemple, dans et la migration due à la guerre en Syrie (19). Aucune certains pays, en limitant l’accès des immigrants corrélation systématique n’a toutefois pu être établie sans papiers aux soins de santé (21). entre la migration et la transmission des maladies à transmission vectorielle. Les voyageurs réguliers, les touristes ou les agents de santé sont plus susceptibles d’importer une maladie dans un pays Peuples et communautés que les migrants ou les réfugiés (20). (Pour plus autochtones d’informations, voir la section sur le dépistage des voyageurs au Chapitre 8.) Nombre de maladies à transmission vectorielle touchent de manière disproportionnée les membres Toutefois, même si la migration ne contribue pas des populations autochtones. Les communautés nécessairement aux flambées épidémiques de autochtones vivent essentiellement dans des zones maladies à transmission vectorielle de manière rurales isolées, en général fortement touchées par directe, les migrants peuvent être plus exposés aux la pauvreté et avec un accès limité aux services de infections ou à des issues défavorables dans les zones santé. Ces zones abritent souvent des vecteurs où de telles maladies sont présentes. Les facteurs absents du milieu urbain, auxquels les individus sont qui touchent d’autres communautés défavorisées, plus facilement exposés, du fait d’activités telles que comme le manque d’accès à un logement sûr ou l’agriculture, la pêche et la chasse, ou en raison du stable, à l’eau potable, ou encore à l’alimentation et partage des espaces de vie avec des animaux.
8 ÉTHIQUE ET MALADIES À TRANSMISSION VECTORIELLE : ORIENTATIONS DE L’OMS Cependant, la pauvreté et ses conséquences certains facteurs tels que l’éloignement physique des n’expliquent pas à elles seules le taux élevé des établissements de soins et la discrimination par des maladies à transmission vectorielle au sein des membres du groupe majoritaire. En outre, au sein communautés autochtones. La langue et des des communautés autochtones, différents sous- spécificités culturelles peuvent aggraver les difficultés groupes peuvent être soumis à des niveaux variables d’accès à la prévention et au traitement, tout comme d’exposition aux risques. 2.3 D éterminants environnementaux des maladies à transmission vectorielle L’épidémiologie des maladies à transmission sur les taux de piqûres, de survie et de reproduction vectorielle dépend grandement de l’environnement. des vecteurs ainsi que sur leur distribution. Une Outre l’impact de l’environnement sur les vecteurs en augmentation de la température ambiante accroît tant que tels, les interactions humaines avec ou dans souvent le taux d’agents pathogènes chez les les environnements et écosystèmes naturels influent vecteurs ou favorise la reproduction de ces derniers. sur l’exposition aux vecteurs (22). Par exemple, les Les conditions climatiques et météorologiques activités industrielles contribuant à la pollution, aux peuvent avoir d’autres conséquences, notamment en émissions de carbone et à la dégradation des terres, raison de l’impact de la sécheresse sur les systèmes ainsi que l’empiètement de l’homme sur le milieu de stockage de l’eau, les pratiques d’irrigation et sauvage, peuvent augmenter l’exposition de l’homme l’utilisation des sols. Par ailleurs, les mouvements aux vecteurs. De même, une urbanisation anarchique de population liés au climat peuvent influer sur peut générer des zones de forte densité de population l’écologie des vecteurs et l’exposition humaine dépourvues d’un assainissement adéquat ou d’un aux infections (27). Toutefois, les interactions accès à l’eau potable, conditions qui favorisent la entre facteurs climatiques et non climatiques multiplication des populations de vecteurs et la sont complexes et encore mal comprises. Des transmission des maladies. Les autres facteurs de recherches complémentaires sur les liens entre causalité liés aux activités humaines incluent les îlots des manifestations particulières des changements de chaleur urbains (agglomérations plus chaudes climatiques et les maladies à transmission vectorielle que les zones rurales voisines) et la construction doivent être réalisées de toute urgence, en étant dans les zones côtières ou d’autres écosystèmes particulièrement attentif à l’impact des risques liés au fragiles (23, 24). climat sur des mesures spécifiques de lutte contre les maladies. Une corrélation a été établie entre les changements climatiques et des résultats sanitaires défavorables. L’Encadré 2 illustre certains facteurs de risque Ces changements influeraient en outre sur les environnementaux susceptibles d’être associés à modes de transmission des maladies à transmission des maladies à transmission vectorielle, notamment vectorielle (25, 26). Les variations de la température, la déforestation et l’urbanisation. des précipitations et de l’humidité peuvent influer
2. Contexte 9 Encadré 2. Déforestation et urbanisation dans la province du Guangdong (République populaire de Chine) En 2014, la province du Guangdong a connu sa pire flambée épidémique de dengue depuis la réapparition de la maladie en République populaire de Chine à la fin des années 1970. Plus de 45 000 cas et six décès ont été signalés, l’incidence la plus forte étant enregistrée à Guangzhou, la capitale provinciale. La flambée épidémique du Guangdong illustre le rôle joué par l’urbanisation, la déforestation et les mouvements de population dans la propagation de la dengue et l’influence des changements socio-économiques sur les épidémies. Les facteurs de risque suivants ont contribué à la flambée épidémique : • Le delta du fleuve Pearl River, dans le Guangdong, foyer de l’épidémie, a un climat subtropical chaud et humide qui favorise la prolifération d’Aedes albopictus. L’année 2014 a connu des températures et des précipitations moyennes supérieures à celles des années précédentes, ce qui a probablement contribué à la survie du vecteur dans cette zone. • La province du Guangdong a fait face à une urbanisation galopante, en particulier dans les zones où la dengue était la plus répandue, à savoir les villes densément peuplées de Guangzhou et Foshan et les villes voisines, où des grappes de cas ont été recensées, notamment Zhongshan et Zhuhai. • L’urbanisation et le développement économique ont engendré une modification de l’utilisation des sols et une déforestation. Les eaux de pluie, auparavant absorbées et stockées dans les forêts, ont entraîné des ruissellements, qui ont formé des zones d’eau stagnante propices à la prolifération des moustiques. • Les villages urbains à la périphérie des villes du delta du fleuve Pearl River se sont multipliés, avec une urbanisation rapide, peu planifiée et souvent menée sans autorisation ; les défaillances en matière d’infrastructure et d’assainissement qui en résultent créent un environnement favorable aux moustiques. • L’urbanisation est aggravée par un influx de travailleurs migrants en provenance des zones rurales vers les centres urbains. Cette évolution a engendré des conditions de surpopulation dans le Guangdong pour les migrants, avec d’importants mouvements de population. Certains d’entre eux, n’ayant jamais été exposés à la dengue, y sont particulièrement sensibles. • Le delta du fleuve Pearl River est une plate-forme d’interconnexion majeure, avec des centres urbains bien connectés qui favorisent la propagation de la dengue lors des épidémies. Ces facteurs de risque existent également dans d’autres pays et régions en rapide développement. La déforestation, l’urbanisation et la migration compliquent la lutte gouvernementale contre les maladies à transmission vectorielle (28–32).
10 ÉTHIQUE ET MALADIES À TRANSMISSION VECTORIELLE : ORIENTATIONS DE L’OMS 3. Questions et valeurs éthiques pertinentes Urbanisation et inégalités sanitaires mondiales. Un homme transporte de l’eau à Jakarta, Indonésie. Source : OMS/Anna Kari
3. Questions et valeurs éthiques pertinentes 11 L’éthique consiste à sélectionner une action ou une politique À l’inverse, elles peuvent aussi porter atteinte au respect appropriée, c’est-à-dire qui concorde avec des intérêts des personnes, par exemple lorsque les mesures légitimes (33). Pour procéder à des analyses éthiques, il prises pour lutter contre une maladie entraînent des convient donc d’identifier au préalable les intérêts en jeu restrictions non justifiées de la liberté de circulation ou dans le contexte étudié. Bien qu’aucune liste consensuelle de rassemblement des individus. de valeurs éthiques applicables dans toutes les situations De nombreuses autres valeurs sont fréquemment n’existe, certaines valeurs reviennent fréquemment dans évoquées au cours des débats sur l’éthique en santé les discussions relatives à la santé publique. Ces valeurs publique. Celles-ci incluent la solidarité (agir ensemble doivent être placées dans le contexte de la mission globale pour le bénéfice mutuel d’un groupe), la réciprocité de santé publique : protéger et améliorer l’état de santé (fournir quelque chose en échange des contributions général des personnes et des communautés auxquelles d’autres personnes), la responsabilisation (désigner les elles appartiennent (34). Cette attention portée à l’impact personnes responsables des décisions et faire appliquer des actions et des politiques sur la population générale ces responsabilités) et les garanties d’une procédure est au cœur de la discipline désormais connue sous le régulière (avertir les personnes qui seront concernées par nom « d’éthique en santé publique » (35). une décision et leur donner la possibilité d’être entendues). L’éthique en santé publique vise tout d’abord Certains pays, groupes religieux et autres communautés essentiellement à promouvoir le bien-être des personnes peuvent également s’inspirer d’autres valeurs. et des communautés. Optimiser le bien-être repose La plupart des questions abordées dans ces orientations sur la probabilité qu’une politique donnée atteigne ses concernent des situations dans lesquelles plusieurs objectifs en matière de bénéfices pour la santé publique valeurs éthiques sont pertinentes. Ces valeurs pointent (l’« efficacité ») et de coûts associés à l’obtention d’un souvent dans des directions différentes, donnant lieu à certain niveau de bénéfice (l’« efficience ») par rapport aux des conflits ou dilemmes éthiques. Prenons l’exemple d’un bénéfices et aux coûts des autres politiques possibles. organisme de santé publique qui décide si l’on doit imposer Une évaluation éthique des activités de santé publique aux ménages d’éliminer les sources d’eau stagnante afin doit en outre s’intéresser à l’impact potentiel d’une action de lutter contre les vecteurs. Une évaluation préliminaire de sur la justice sociale. La justice sociale désigne l’équité en cette intervention suggère qu’elle pourrait être efficace et matière de distribution des ressources, des opportunités et efficiente ; par conséquent, si l’on considère uniquement la des résultats, que ce soit au niveau sociétal au sens large promotion du bien-être, cette activité semble n’engendrer ou au sein d’unités distinctes, telles que les ménages. Les aucune préoccupation éthique particulière. D’un autre côté, activités de santé publique peuvent aussi bien promouvoir imposer aux ménages de modifier leur environnement que restreindre la justice sociale. Par exemple, les mesures de vie privée, avec potentiellement des inspections visant à améliorer les systèmes d’approvisionnement en gouvernementales intrusives dans le but de faire observer eau et d’assainissement d’une ville peuvent contribuer à ces dispositions, remet en cause la valeur éthique de la justice sociale en réduisant une cause importante de respect des personnes. Par ailleurs, du point de vue de mauvaise santé chez les habitants vivant dans la pauvreté. la justice sociale, le fardeau de l’intervention a de fortes À l’inverse, une campagne d’information publique qui ne chances de retomber majoritairement sur des membres serait pas traduite dans la langue d’une minorité du pays vulnérables de la communauté, les ménages pauvres pourrait accroître les injustices, certains membres des dépendant plus couramment d’un approvisionnement en groupes minoritaires ne recevant pas des informations eau manuel, l’eau étant ensuite stockée dans des points importantes pour la santé, telles que les mesures à d’eau stagnante. Dans ces circonstances, pour qu’une prendre pour éviter l’exposition aux maladies. telle intervention soit considérée comme opportune, les bénéfices potentiels en matière de bien-être doivent être Une autre valeur essentielle à prendre en compte suffisamment importants pour l’emporter sur le fardeau lors de l’évaluation des activités de santé publique éthique en jeu. est le respect des personnes. Celui-ci impose de traiter les individus comme des entités autonomes et Enfin, un processus de décision éthique satisfaisant indépendantes et d’éviter d’imposer des contraintes impose un processus de délibération soigneux, externes inutiles. Les activités de santé publique partagé et transparent. L’importance d’un processus de peuvent promouvoir le respect des personnes en décision partagé est l’une des raisons pour lesquelles levant les obstacles qui empêchent les individus de la mobilisation communautaire est autant mise en vivre en bonne santé et de mener une vie productive. avant dans ce document.
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