ÉTHIQUE ET MALADIES À TRANSMISSION VECTORIELLE - ORIENTATIONS DE L'OMS - WHO | World ...

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ÉTHIQUE ET MALADIES À TRANSMISSION VECTORIELLE - ORIENTATIONS DE L'OMS - WHO | World ...
ORIENTATIONS
                DE L’OMS

ÉTHIQUE ET
MALADIES À TRANSMISSION
VECTORIELLE
ÉTHIQUE ET MALADIES À TRANSMISSION VECTORIELLE - ORIENTATIONS DE L'OMS - WHO | World ...
PHOTO DE COUVERTURE :
Des gens font la queue sous un grand manguier en
attendant de se faire vacciner contre la fièvre jaune, à
Yade Bohou, Togo.
Source : OMS / Olivier Asselin
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Éthique et maladies
à transmission vectorielle :
  Orientations de l’OMS
ÉTHIQUE ET MALADIES À TRANSMISSION VECTORIELLE - ORIENTATIONS DE L'OMS - WHO | World ...
Éthique et maladies à transmission vectorielle : orientations de l’OMS
[Ethics and vector-borne diseases: WHO guidance]

ISBN 978-92-4-002346-8 (version électronique)
ISBN 978-92-4-002347-5 (version imprimée)

© Organisation mondiale de la Santé 2021

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Citation suggérée. Éthique et maladies à transmission vectorielle : orientations de l’OMS [Ethics and vector-borne diseases: WHO guidance].
Genève : Organisation mondiale de la Santé ; 2021. Licence : CC BY-NC-SA 3.0 IGO.

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           iii

Table des matières
      REMERCIEMENTS................................................................................................................................ V

      1.        INTRODUCTION........................................................................................................................ 1

      2.        CONTEXTE................................................................................................................................. 4
                2.1  Principaux faits concernant les maladies à transmission vectorielle.....................5
                2.2   Déterminants sociaux des maladies à transmission vectorielle ............................5
                2.3    Déterminants environnementaux des maladies à transmission vectorielle...........8

      3.        Q UESTIONS ET VALEURS ÉTHIQUES PERTINENTES..................................................... 10

      4.        P RISE EN COMPTE DES DÉTERMINANTS SOCIAUX ET ENVIRONNEMENTAUX...... 12

      5.         ONSIDÉRATIONS ÉTHIQUES GÉNÉRALES POUR LES INTERVENTIONS
                C
                DE SANTÉ PUBLIQUE............................................................................................................ 15

      6.        M ÉTHODES DE LUTTE ANTIVECTORIELLE....................................................................... 20

      7.         AMPAGNES DE VACCINATION ET ADMINISTRATION
                C
                DE MASSE DE MÉDICAMENTS............................................................................................ 30

      8.        D ÉPISTAGE ET SURVEILLANCE.......................................................................................... 35

      9.        RECHERCHE............................................................................................................................43

      10.       M OBILISATION COMMUNAUTAIRE....................................................................................54

      RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES................................................................................................ 59
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iv   ÉTHIQUE ET MALADIES À TRANSMISSION VECTORIELLE : ORIENTATIONS DE L’OMS

Boxes
         ENCADRÉ 1. É TUDE COMPARATIVE DE DEUX VILLES : DÉTERMINANTS SOCIAUX
                     ET MALADIE À TRANSMISSION VECTORIELLE À BROWNSVILLE,
                     TEXAS (ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE) ET À MATAMOROS, TAMAULIPAS
                    (ÉTATS-UNIS DU MEXIQUE)......................................................................................... 7

         ENCADRÉ 2. D ÉFORESTATION ET URBANISATION DANS LA PROVINCE
                     DU GUANGDONG (RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE) ..................................... 9

         ENCADRÉ 3. É LIMINATION DU PALUDISME DANS LA RÉGION DE
                     LA MÉDITERRANÉE ORIENTALE...............................................................................26

         ENCADRÉ 4. D ÉSAPPROBATION D’UNE INTERVENTION DE SANTÉ PUBLIQUE
                     PAR LA POPULATION : APPLICATION PAR VOIE AÉRIENNE
                     D’INSECTICIDE POUR LUTTER CONTRE LA MALADIE À VIRUS
                     ZIKA (PUERTO RICO)...................................................................................................27

         ENCADRÉ 5. A DMINISTRATION DE MASSE DE MÉDICAMENTS CONTRE
                     LA FILARIOSE LYMPHATIQUE DANS L’ÉTAT D’ASSAM,
                     RÉPUBLIQUE DE L’INDE..............................................................................................32

         ENCADRÉ 6. C ONTROVERSE ÉTHIQUE AUTOUR DE L’UTILISATION
                     DU VACCIN CONTRE LA DENGUE CYD-TDV............................................................33

         ENCADRÉ 7. M EILLEURES PRATIQUES POUR UN STOCKAGE PLUS SÛR
                     DE L’EAU : MESURES DE LUTTE ANTIVECTORIELLE OBLIGATOIRES
                     ET SURVEILLANCE CIBLÉE DANS LA RÉPUBLIQUE DE L’INDE...........................37

         ENCADRÉ 8. U N ŒIL DANS LE CIEL : UTILISATION DE LA TECHNOLOGIE DES
                     DRONES AÉRIENS POUR SURVEILLER LES MALADIES DANS
                     LA RÉPUBLIQUE DE SINGAPOUR.............................................................................38

         ENCADRÉ 9. U TILISATION DE DONNÉES SUR LES MOUVEMENTS HUMAINS
                     POUR DÉMONTRER LA PROPAGATION DU VIRUS ZIKA DANS
                     LA RÉPUBLIQUE DE SINGAPOUR..............................................................................39

         ENCADRÉ 10. WORLD MOSQUITO PROGRAMME : CONSENTEMENT ÉCLAIRÉ
                      DANS LES ESSAIS DE TERRAIN..............................................................................49

         ENCADRÉ 11. É TUDE CLINIQUE D’INOCULATION D’ÉPREUVE DU
                      PALUDISME À NAIROBI (RÉPUBLIQUE DU KENYA).............................................52

         ENCADRÉ 12. C ONFLITS RELATIFS AU LÂCHER DE MOUSTIQUES
                      GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉS AU BURKINA FASO...............................................58
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Remerciements             v

Remerciements

                  Urbanisation et inégalités sanitaires mondiales.
                Une fille se repose dans un hamac dans une rue de
                                              Manille, Philippines.
                                           Source : OMS / Anna Kari
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vi       ÉTHIQUE ET MALADIES À TRANSMISSION VECTORIELLE : ORIENTATIONS DE L’OMS

Ce document d’orientation a été rédigé sous la                  Carl Coleman (Seton Hall University School of Law,
direction d’Andreas Reis (codirigeant de l’unité Éthique        Newark, New Jersey, États-Unis d’Amérique) était
et gouvernance en matière de santé du Département               le rédacteur principal et Jerome Singh (University
Recherche pour la santé) et de Raman Velayudhan                 of KwaZulu-Natal, République sud-africaine, et
(chef de l’unité Santé publique vétérinaire, lutte              Université de Toronto, Canada) a contribué à la
antivectorielle et environnement du Département                 rédaction de parties du rapport. Zeb Jamrozik
Maladies tropicales négligées), en collaboration                (Monash University, Australie), Florencia Luna
étroite avec Jan Kolaczinski (chef de l’unité Lutte             (Université latino-américaine de sciences sociales,
antivectorielle et résistance aux insecticides du               République argentine), Carla Saenz (Organisation
Programme mondial de lutte antipaludique) et                    panaméricaine de la Santé, Washington, États-Unis
Mariam Otmani del Barrio (scientifique, Programme               d’Amérique) et Michael Selgelid (Monash University,
spécial de recherche et de formation sur les maladies           Australie) ont assuré la supervision du projet de
tropicales), sous la supervision de John Reeder                 rapport.
(directeur, Programme spécial de recherche et de
                                                                L’OMS remercie les personnes suivantes, qui ont
formation sur les maladies tropicales) et de Soumya
                                                                contribué à l’élaboration de ces orientations :
Swaminathan (spécialiste scientifique principale).

Experts externes
Joel Aik, Environmental Health Institute, National              Patricia Kingori, Ethox, University of Oxford, Nuffield
Environment Agency (République de Singapour)                    Department of Population Health (Royaume-Uni)

Rafael Argilés, Division mixte FAO/AIEA des                     Bocar Kouyaté, Centre de recherche en santé Nouna
techniques nucléaires dans l’alimentation et                    (Burkina Faso)
l’agriculture (République d’Autriche)
                                                                Peter G. Kremsner, Université de Tübingen
Bernard Baertschi, Université de Genève                         (République fédérale d’Allemagne)
(Confédération suisse)
                                                                Florencia Luna, Conseil scientifique et de recherche
Konstantinos (Kostas) Bourtzis, Division mixte FAO/             technologique national, Université latino-américaine
AIEA des techniques nucléaires dans l’alimentation              de sciences sociales (République argentine)
et l’agriculture (République d’Autriche)
                                                                Cheryl Cox Macpherson, St. George’s University
Jérémy Bouyer, Division mixte FAO/AIEA des                      (Grenade)
techniques nucléaires dans l’alimentation et
                                                                Lee Ching Ng, National Environment Agency
l’agriculture (République d’Autriche)
                                                                (République de Singapour)
Christiane Druml, Faculté de médecine de Vienne
                                                                Francine Ntoumi, Fondation congolaise de la
(République d’Autriche)
                                                                recherche médicale, Université Marien Ngouabi
Vijayaprasad Gopichandran, ESIC Medical College                 (République du Congo) et Université de Tübingen
and Post Graduate Institute of Medical Sciences and             (République fédérale d’Allemagne)
Research (République de l’Inde)
                                                                Ron Rosenberg, Centers for Disease Control and
François Hirsch, INSERM (République française)                 Prevention (États-Unis d’Amérique)

Aamir Jafarey, Centre of Biomedical Ethics                      Thomas Scott, University of California (Davis, États-
and Culture, Sindh Institute of Urology and                     Unis d’Amérique)
Transplantation (République islamique du Pakistan)
                                                                Michael Selgelid, Monash University (Australie)
Zeb Jamrozik, Monash University (Australie)
                                                                Seema Shah, Lurie Children’s Hospital of Chicago et
                                                                Northwestern University (États-Unis d’Amérique)
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Remerciements            vii

Jerome Singh, University of KwaZulu-Natal               Hanano Yamada, Division mixte FAO/AIEA des
(République sud-africaine) et Université de Toronto     techniques nucléaires dans l’alimentation et
(Canada)                                                l’agriculture (République d’Autriche)

Évaluateurs externes
Ronald Bayer, Columbia University Mailman School        Stephanie James, Fondation pour les Instituts
of Public Health (États-Unis d’Amérique)                nationaux de la santé (États-Unis d’Amérique)

Salome R. A. Bukachi, University of Nairobi             Michael Penkunas, Institut international de
(République du Kenya)                                   l’Université des Nations Unies pour la santé
                                                        mondiale (Malaisie)
Claudia Emerson, Institute on Ethics and Policy for
Innovation, McMaster University (Canada)                Karen Tountas, Fondation pour les Instituts
                                                        nationaux de la Santé, Bethesda, Maryland
                                                        (États-Unis d’Amérique)

Personnel de l’OMS
Tasnim Azim, responsable régionale chargée des          Ronnie Johnson, scientifique, Santé de la famille,
activités d’éthique, Bureau régional de l’Asie du       de la femme et de l’enfant, Santé reproductive et
Sud-Est, New Delhi                                      recherche, Santé maternelle et périnatale, Prévention
                                                        des avortements non sécurisés, Genève
Ties Boerma, directeur (à la retraite), Systèmes de
santé et innovation, Information, bases factuelles et   Vannda Kab, administrateur technique, bureau de
recherche, Genève                                       l’OMS dans le pays (Royaume du Cambodge)

Lauren Carrington, Santé publique vétérinaire, unité    Jan Kolaczinski, chef de l’unité Lutte antivectorielle
Lutte antivectorielle et environnement, Département     et résistance aux insecticides du Programme
Maladies tropicales négligées, Genève                   mondial de lutte antipaludique, Genève

Anna Drexler, administratrice technique, Gestion des    Marion Law, unité Préqualification, Département
vecteurs et de l’écologie, Genève                       Réglementation et préqualification, Division Accès
                                                        aux médicaments et aux produits de santé, Genève
Gaya Gamhewage, directrice, Programme OMS
de gestion des situations d’urgence sanitaire,          Katherine Littler, codirigeante, unité Éthique et
Gestion des risques infectieux, Réseaux d’experts et    gouvernance en matière de santé, Genève
interventions, Genève
                                                        Ahmed Mandil, coordonnateur, Recherche et
Ki-Hyun Hahm, administrateur technique, Bureau          innovation, Bureau régional de l’OMS pour la
régional OMS du Pacifique occidental, Division des      Méditerranée orientale, Le Caire
systèmes de santé, Manille
                                                        Jeannette Martinez, unité Préqualification,
Margaret Harris, Programme OMS de gestion des           Département Réglementation et préqualification,
situations d’urgence sanitaire, Gestion des risques     Division Accès aux médicaments et aux produits de
infectieux, Genève                                      santé, Genève

Patrik Hummel, consultant, Recherche, éthique           Vasee Moorthy, coordonnateur, Systèmes de
et gestion des connaissances, Éthique en santé à        santé et innovation, Information, bases factuelles
l’échelle mondiale, Genève                              et recherche, Recherche, éthique et gestion des
                                                        connaissances, Genève
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viii    ÉTHIQUE ET MALADIES À TRANSMISSION VECTORIELLE : ORIENTATIONS DE L’OMS

Mariam Otmani del Barrio, administratrice                      Abha Saxena, coordonnatrice (à la retraite),
technique, VIH/SIDA, tuberculose, paludisme et                 Recherche, éthique et gestion des connaissances,
maladies tropicales négligées, Programme spécial               Éthique en santé à l’échelle mondiale, Genève
de recherche et de formation sur les maladies
                                                               Dominic Schuler, Évaluation des produits de lutte
tropicales de l’OMS, Vecteurs, environnement et
                                                               antivectorielle, Département Préqualification,
société, Genève
                                                               Genève
Lee-Anne Pascoe, consultante, unité Éthique et
                                                               Soumya Swaminathan, spécialiste scientifique
gouvernance en matière de santé, Genève
                                                               principale, Genève
Martha Quinones Pinzon, administratrice technique,
                                                               Rajpal Singh Yadav, scientifique, unité Santé
VIH/SIDA, tuberculose, paludisme et maladies
                                                               publique vétérinaire, lutte antivectorielle et
tropicales négligées, Programme mondial de lutte
                                                               environnement, Département Maladies tropicales
antipaludique, Entomologie et lutte antivectorielle,
                                                               négligées, Genève
Genève
                                                               Kirsten Vannice, scientifique, Santé de la famille,
Caron Rahn Kim, médecin, Santé de la famille,
                                                               de la femme et de l’enfant, Vaccination, vaccins et
de la femme et de l’enfant, Santé reproductive et
                                                               produits biologiques, initiative pour la recherche sur
recherche, Santé maternelle et périnatale, Prévention
                                                               les vaccins, Genève
des avortements non sécurisés, Genève
                                                               Raman Velayudhan, chef, unité Santé publique
Nigel Rollins, médecin, Santé de la famille, de la
                                                               vétérinaire, lutte antivectorielle et environnement,
femme et de l’enfant, Santé de la mère, du nouveau-
                                                               Département Maladies tropicales négligées, Genève
né, de l’enfant et de l’adolescent, Recherche et
développement, Genève                                          Sina Zintzmeyer, spécialiste de la gestion de projets,
                                                               Poliomyélite, situations d’urgence et collaboration
Carla Saenz, conseillère régionale en bioéthique,
                                                               avec les pays, Fonctions d’appui, Réaction d’urgence
Organisation panaméricaine de la santé, Washington
                                                               à la maladie à virus Zika, Genève

Organismes de financement
João Rangel de Almeida, Wellcome Trust
(Royaume-Uni)

Susanna Hausmann Muela, Département fédéral
des affaires étrangères, Direction du développement
et de la coopération (Confédération suisse)

Le projet a été partiellement financé par une
subvention du Wellcome Trust.
1. Introduction           1

1. Introduction

                  Le triatome, responsable de la transmission de la
                                       maladie de Chagas, Bolivie.
                                  Source : OMS / Fernando G. Revilla
2        ÉTHIQUE ET MALADIES À TRANSMISSION VECTORIELLE : ORIENTATIONS DE L’OMS

Depuis les premiers établissements humains il y a               Deuxièmement, contrairement à d’autres maladies
15 000 ans, les maladies à transmission vectorielle             infectieuses, les maladies à transmission vectorielle
jouent un rôle majeur dans la morbidité et la mortalité         sont transmises d’une personne à l’autre par
mondiales. En 2017, consciente de la menace et du               l’intermédiaire d’autres êtres vivants, les vecteurs.
fardeau croissants que constituent les maladies à               Étant donné que des vaccins ou des traitements
transmission vectorielle pour les individus, les familles       médicamenteux ne sont disponibles que pour un
et les sociétés, l’Organisation mondiale de la Santé            petit nombre des agents pathogènes transmis par
(OMS) publiait une vaste stratégie d’action mondiale            les vecteurs, la principale méthode de lutte contre
de lutte antivectorielle pour la période 2017–2030 (1).         les maladies à transmission vectorielle consiste à
Cette stratégie propose divers plans pour soutenir              éliminer les vecteurs par des interventions menées
la lutte antivectorielle dans le monde. Ces plans               directement auprès des populations concernées.
reposent sur un renforcement des capacités, une                 La réussite de ces interventions dépend de l’action
amélioration de la surveillance et de la coordination           collective entreprise par une grande partie ou la
ainsi qu’une action intégrée multisectorielle ciblant           totalité des membres de la communauté, sans que
plusieurs maladies. Peu après la publication de cette           le consentement de chacun puisse toujours être
stratégie en 2017, l’Assemblée mondiale de la Santé             sollicité. Même si ces mesures doivent bénéficier à
adoptait la résolution WHA70.16, qui demandait                  l’ensemble de la communauté, elles ne se traduisent
notamment à l’OMS de fournir des orientations sur               pas nécessairement par des bénéfices comparables
les questions d’éthique associées à la mise en œuvre            ou par une exposition à des fardeaux ou risques
de la lutte antivectorielle (2).                                équivalents pour tous ses membres.

Consciente du manque d’attention précédemment                   Enfin, certaines méthodes de lutte antivectorielle
porté aux questions d’éthique soulevées par la prise            en cours d’étude reposent sur des modifications
en charge des maladies à transmission vectorielle,              génétiques de moustiques et d’autres vecteurs. Ces
l’OMS a organisé une réunion, qui s’est tenue à                 interventions, susceptibles d’entraîner d’importants
Genève les 23 et 24 février 2017, afin d’identifier             bénéfices pour la santé publique, peuvent toutefois
les considérations éthiques pertinentes et de                   comporter des risques ou avoir des conséquences
préparer les prochaines orientations. Cette réunion             incertaines pour la santé humaine et l’environnement.
a rassemblé les principales parties prenantes en                Certaines interventions de lutte antivectorielle
matière de lutte antivectorielle, de santé maternelle et        de nature génétique, en particulier le forçage
infantile, d’écologie et de changements climatiques,            génétique, pourraient conduire à des modifications
de recherche et développement de vaccins, et de                 potentiellement irréversibles des populations de
communications pour la santé publique.                          vecteurs, susceptibles de se propager au-delà des
                                                                frontières nationales.
La réunion a permis d’identifier divers aspects
des maladies à transmission vectorielle soulevant               Après avoir publié un rapport de synthèse des
d’importantes questions d’éthique. Premièrement,                discussions tenues lors de la réunion (3), l’OMS a
nombre de ces maladies sont des maladies                        constitué un groupe consultatif rassemblant un
négligées, avec un impact disproportionné sur les               nombre plus important d’experts, qui ont contribué
populations les plus démunies. Ceci se manifeste                à l’élaboration de ces orientations. Ce groupe s’est
par un manque de ressources destinées à la                      réuni à Vienne du 7 au 9 mai 2018 afin d’identifier les
lutte contre ces maladies et à leur surveillance,               principales questions à inclure dans les orientations,
notamment un soutien insuffisant à la recherche                 puis un sous-groupe s’est réuni à Washington, DC, les
et au développement de médicaments, de vaccins,                 4 et 5 février 2019 pour commencer à travailler sur le
de nouvelles méthodes de lutte antivectorielle et               premier projet. Le groupe consultatif au complet s’est
d’autres interventions potentiellement bénéfiques.              à nouveau rassemblé à Genève du 23 au 25 juillet
Les maladies à transmission vectorielle entraînent              2019 pour examiner et améliorer la version de travail.
ainsi des problèmes fondamentaux de justice sociale             Celle-ci a ensuite été envoyée pour commentaire à
dans le monde.                                                  un groupe rassemblant divers experts techniques
1. Introduction       3

internationaux. Le présent document tient compte        directement à la discussion sur les questions et les
des observations de tous ces contributeurs.             valeurs éthiques, au Chapitre 3. Ces orientations ne
                                                        peuvent ni apporter des réponses universelles aux
Ces orientations s’adressent en premier lieu aux
                                                        complexes questions d’éthique qui sont soulevées
personnes intervenant directement dans la prévention
                                                        ni proposer une liste type de questions qui seraient
et la lutte contre les maladies à transmission
                                                        pertinentes dans tous les cas de figure. Elles ont
vectorielle, notamment les directeurs de programme,
                                                        plutôt pour objectif d’aider les lecteurs à identifier
les chercheurs et les acteurs de terrain. Un bref
                                                        les aspects de leur travail qui sont associés à des
rappel technique est proposé pour les personnes non
                                                        enjeux éthiques importants et à y répondre en tenant
expertes en maladies à transmission vectorielle ; les
                                                        compte des valeurs et normes internationales.
lecteurs travaillant dans ce domaine peuvent passer
4   ÉTHIQUE ET MALADIES À TRANSMISSION VECTORIELLE : ORIENTATIONS DE L’OMS

2. Contexte

                                                                                    Urbanisation et inégalités en matière de santé.
                                                                             Lavage et séchage de vêtements à côté d’un ruisseau
                                                                               qui est désormais un égout à ciel ouvert à Yaoundé,
                                                                                                                        Cameroun.
                                                                                                           Source : OMS / Anna Kari
2. Contexte        5

2.1 P
     rincipaux faits concernant les maladies
    à transmission vectorielle
Les maladies à transmission vectorielle sont des            associées à une morbidité et une mortalité élevées,
maladies humaines provoquées par des parasites,             surchargeant parfois les systèmes de santé locaux.
des virus et des bactéries qui sont transmises par          Parmi les maladies à transmission vectorielle, la
divers vecteurs, notamment les moustiques, les              dengue est celle qui se propage le plus rapidement.
phlébotomes, les triatomes, les simulies, les tiques,       Son incidence a été multipliée par 15 depuis l’an 2000
les mouches tsé-tsé, les acariens et les poux. Les          et elle est présente dans plus de 129 pays.
principales maladies à transmission vectorielle
                                                            Les agents pathogènes à l’origine des maladies
représentent près de 17 % du fardeau des maladies
                                                            à transmission vectorielle présentent un cycle
infectieuses dans le monde. Plus de 700 000
                                                            biologique complexe, impliquant les humains, des
décès par an sont attribuables à des maladies à
                                                            vecteurs et parfois des hôtes intermédiaires animaux.
transmission vectorielle.
                                                            Les arthropodes hématophages, en particulier les
Parmi toutes les maladies à transmission vectorielle,       moustiques, en sont les principaux vecteurs. D’autres
le paludisme entraîne la charge de morbidité mondiale       maladies à transmission vectorielles majeures, telles
la plus élevée, avec environ 405 000 décès en 2018, la      que la schistosomiase, sont toutefois transmises
plupart chez des enfants âgés de moins de 5 ans. La         par d’autres types de vecteurs. L’épidémiologie des
maladie de Chagas, l’infection à virus Chikungunya,         maladies à transmission vectorielle dépend de la
la dengue, la leishmaniose, la schistosomiase, la           nature de la transmission : essentiellement entre
fièvre jaune et la maladie à virus Zika sont d’autres       êtres humains (comme pour le paludisme et la
exemples de maladies à transmission vectorielle             dengue) ou exclusivement de l’animal à l’être humain
importantes. Nombre de ces maladies ont été à               (comme pour la fièvre à virus West Nile) (3).
l’origine de récentes flambées épidémiques majeures

2.2 D
     éterminants sociaux des maladies
    à transmission vectorielle
Certains individus ou groupes sont plus exposés             La prédisposition et la vulnérabilité aux maladies à
aux maladies à transmission vectorielle en raison           transmission vectorielle dépendent de divers facteurs
des circonstances dans lesquelles ils naissent,             sociaux, tels que le genre, l’âge, la situation socio-
grandissent, vivent, travaillent et vieillissent, et donc   économique, la situation migratoire et l’appartenance
des forces et des systèmes dont ces circonstances           à une population autochtone. Des interactions entre
dépendent. Ces « déterminants sociaux de la                 divers facteurs biologiques et socioculturels, qui
santé » peuvent avoir une incidence sur les risques         varient au fil du temps et selon le lieu, façonnent
d’exposition aux maladies à transmission vectorielle,       des inégalités spécifiques du contexte, avec un
d’infection consécutive à une telle exposition et           impact sur la santé et le bien-être (5, 6). Le point de
d’issue défavorable de l’infection (4). Une riposte         rencontre entre ces différents facteurs détermine
mondiale efficace aux maladies à transmission               les vulnérabilités et le ressenti des personnes vis-à-
vectorielle doit donc reposer sur un examen attentif        vis de certaines affections, ainsi que leur capacité
de ces circonstances sociales (1).                          d’accès aux soins de santé et aux traitements (7).
6         ÉTHIQUE ET MALADIES À TRANSMISSION VECTORIELLE : ORIENTATIONS DE L’OMS

Genre                                                            de gestion des déchets peuvent accroître l’exposition
                                                                 aux moustiques dans les zones de jeu probables
Les normes, rôles et relations de genre se conjuguent            des enfants (3). Ceux-ci, tout comme certaines
avec d’autres axes d’inégalité, tels que l’âge, la situation     personnes âgées et certaines personnes présentant
socio-économique, la capacité ou l’incapacité ou                 une altération des facultés mentales, sont en outre
encore la situation géographique, pour influer sur les           exposés à des risques inhérents compte tenu de leur
risques de maladies à transmission vectorielle et sur le         dépendance à des tiers. Dans la plupart des cas, ils
vécu personnel de la maladie. Les rôles professionnels           n’auront accès à des mesures de prévention ou au
dépendants du genre peuvent par exemple avoir un                 traitement des maladies à transmission vectorielle
impact sur la probabilité d’être exposé à un vecteur.            que si la personne qui s’occupe d’eux s’en préoccupe.
Dans certaines communautés de pêcheurs et
d’agriculteurs, la schistosomiase touche plus souvent
les hommes que les femmes. À l’inverse, dans les
communautés où les femmes lavent les ustensiles
                                                                 Situation socio-économique
et les vêtements dans des eaux infectées par des
                                                                 La situation socio-économique, notamment le niveau
gastéropodes, les femmes peuvent être plus exposées
                                                                 d’études, la profession et les revenus, peut influer
à la schistosomiase que les hommes (8, 9). De même,
                                                                 sur les résultats escomptés en matière de santé et
dans de nombreuses zones d’endémie du paludisme,
                                                                 désavantager ou privilégier ainsi certains segments
certaines activités traditionnellement réservées aux
                                                                 de la population (13). Le travail est un facteur de risque
hommes peuvent augmenter leur exposition aux
                                                                 majeur d’exposition aux maladies à transmission
vecteurs du paludisme, en particulier dans les zones
                                                                 vectorielle ; par exemple, les éleveurs nomades de la
rurales ou en cas de travail de nuit (10). Les inégalités
                                                                 vallée du Grand Rift sont particulièrement exposés
dans les relations de pouvoir entre les genres peuvent
                                                                 aux maladies transmises par les tiques, telles que la
également influer sur les stratégies de lutte contre
                                                                 fièvre pourprée (14). La pauvreté constitue également
les maladies employées, par exemple lorsque les
                                                                 un facteur de risque majeur. En effet, les personnes
décisions prises au sein du ménage concernant
                                                                 vivant dans la pauvreté ont moins souvent accès à de
l’attribution de moustiquaires disponibles en nombre
                                                                 l’eau potable et à un assainissement. Les ménages
restreint dépendent des rôles, normes et relations
                                                                 peuvent en conséquence stocker l’eau dans des
de genre (10). En outre, des facteurs liés au genre
                                                                 récipients conservés au domicile, créant ainsi des
peuvent influer sur l’issue d’une infection, que ce soit
                                                                 gîtes larvaires pour les vecteurs (en particulier les
en raison d’un accès différencié au traitement médical
                                                                 moustiques Aedes). Des efforts visant à promouvoir
ou d’usages socioculturels associés aux schémas de
                                                                 des méthodes plus sûres de recueil et de stockage de
travail au sein du ménage susceptibles d’augmenter la
                                                                 l’eau, ainsi qu’un développement des infrastructures
probabilité de malnutrition chez les femmes (11).
                                                                 sur le long terme, qui évitera aux familles de devoir
                                                                 stocker de l’eau chez elles, sont nécessaires pour
                                                                 venir à bout de ce problème.
Âge                                                              En outre, les personnes vivant dans la pauvreté ont
                                                                 moins souvent accès aux mesures de prévention
De nombreuses maladies à transmission vectorielle
                                                                 (moustiquaires       imprégnées       d’insecticide     ou
pèsent de manière disproportionnée sur les enfants
                                                                 pulvérisation d’insecticide à effet rémanent à l’intérieur
et les personnes âgées. Par exemple, la mortalité
                                                                 des habitations, par exemple) ou aux traitements de
liée au paludisme touche essentiellement les enfants
                                                                 l’infection, car elles sont essentiellement tributaires
âgés de moins de 5 ans (12). Si certaines différences
                                                                 des services fournis par les pouvoirs publics. Elles
liées à l’âge dépendent de facteurs biologiques,
                                                                 sont par ailleurs plus exposées aux comorbidités
les facteurs sociaux jouent également un rôle
                                                                 (dont la malnutrition), qui aggravent les conséquences
important. Ainsi, les normes sociales concernant
                                                                 d’une infection.
l’horaire du coucher peuvent augmenter le risque
d’exposition des enfants aux vecteurs qui piquent                L’Encadré 1 présente une étude de cas illustrant le
essentiellement en début de soirée (3). De même, les             lien entre les déterminants sociaux de la santé et une
usages sociaux en matière de stockage de l’eau et                maladie à transmission vectorielle.
2. Contexte         7

Encadré 1. Étude comparative de deux villes : déterminants sociaux et maladie à transmission
vectorielle à Brownsville, Texas (États-Unis d’Amérique) et à Matamoros, Tamaulipas (États-Unis
du Mexique)

Brownsville et Matamoros sont des villes sœurs séparées par le fleuve Rio Grande, la frontière internationale entre
les États-Unis d’Amérique et les États-Unis du Mexique, d’un point de vue géopolitique. Ces deux villes présentent
néanmoins le même climat et de nombreuses similitudes sur les plans commercial et culturel. La population de
Brownsville est majoritairement hispanique et les membres de nombreuses familles sont répartis de part et d’autre de
la frontière. Près de 15 000 personnes traversent chaque jour les trois ponts internationaux qui relient les deux villes
pour travailler, faire des achats et rendre visite à leurs proches. Il existe cependant une différence de prédisposition à
la dengue malgré la présence du moustique vecteur, Aedes aegypti, dans les deux villes. Des épidémies se déclenchent
régulièrement à Matamoros, alors que seuls quelques cas contractés localement sont enregistrés à Brownsville.

Divers facteurs augmentent le risque d’infection par le virus de la dengue à Matamoros. Si les deux villes sont dotées
d’équipements comparables pour l’approvisionnement en eau et la gestion des eaux usées, le drainage des rues est
moins efficace à Matamoros, entraînant parfois la fermeture de routes et empêchant la collecte régulière des ordures.
En outre, le revenu par habitant est nettement plus faible à Matamoros. Bien moins de domiciles sont équipés de
l’air conditionné ou d’écrans moustiquaires pour fenêtres en bon état, ce qui facilite l’invasion par les moustiques. La
suroccupation des logements et la forte densité de population augmentent la probabilité que des moustiques porteurs
de l’agent infectieux rencontrent un hôte humain. Enfin, le fort taux de natalité à Matamoros accroît rapidement le
nombre des personnes sensibles en apportant de nouveaux hôtes immunologiquement naïfs (15–17).

Situation migratoire                                            aux soins de santé, expliquent un grand nombre de
                                                                ces risques. Les migrants constituent une grande
La migration peut parfois contribuer à l’introduction           part des pauvres de nombreuses villes, qui sont
ou à la réintroduction de maladies à transmission               confrontés à des difficultés financières et de diverses
vectorielle. Par exemple, une résurgence du                     natures, notamment en ce qui concerne l’accès à
paludisme en Grèce a été associée à la hausse de                un logement décent et aux services sociaux. Les
l’immigration (18) et un lien a été mis en évidence             restrictions juridiques appliquées aux migrants
entre des flambées épidémiques de leishmaniose                  peuvent exacerber ces risques, par exemple, dans
et la migration due à la guerre en Syrie (19). Aucune           certains pays, en limitant l’accès des immigrants
corrélation systématique n’a toutefois pu être établie          sans papiers aux soins de santé (21).
entre la migration et la transmission des maladies
à transmission vectorielle. Les voyageurs réguliers,
les touristes ou les agents de santé sont plus
susceptibles d’importer une maladie dans un pays
                                                                Peuples et communautés
que les migrants ou les réfugiés (20). (Pour plus               autochtones
d’informations, voir la section sur le dépistage des
voyageurs au Chapitre 8.)                                       Nombre de maladies à transmission vectorielle
                                                                touchent de manière disproportionnée les membres
Toutefois, même si la migration ne contribue pas
                                                                des populations autochtones. Les communautés
nécessairement aux flambées épidémiques de
                                                                autochtones vivent essentiellement dans des zones
maladies à transmission vectorielle de manière
                                                                rurales isolées, en général fortement touchées par
directe, les migrants peuvent être plus exposés aux
                                                                la pauvreté et avec un accès limité aux services de
infections ou à des issues défavorables dans les zones
                                                                santé. Ces zones abritent souvent des vecteurs
où de telles maladies sont présentes. Les facteurs
                                                                absents du milieu urbain, auxquels les individus sont
qui touchent d’autres communautés défavorisées,
                                                                plus facilement exposés, du fait d’activités telles que
comme le manque d’accès à un logement sûr ou
                                                                l’agriculture, la pêche et la chasse, ou en raison du
stable, à l’eau potable, ou encore à l’alimentation et
                                                                partage des espaces de vie avec des animaux.
8        ÉTHIQUE ET MALADIES À TRANSMISSION VECTORIELLE : ORIENTATIONS DE L’OMS

Cependant, la pauvreté et ses conséquences                      certains facteurs tels que l’éloignement physique des
n’expliquent pas à elles seules le taux élevé des               établissements de soins et la discrimination par des
maladies à transmission vectorielle au sein des                 membres du groupe majoritaire. En outre, au sein
communautés autochtones. La langue et des                       des communautés autochtones, différents sous-
spécificités culturelles peuvent aggraver les difficultés       groupes peuvent être soumis à des niveaux variables
d’accès à la prévention et au traitement, tout comme            d’exposition aux risques.

2.3 D
     éterminants environnementaux des maladies
    à transmission vectorielle
L’épidémiologie des maladies à transmission                     sur les taux de piqûres, de survie et de reproduction
vectorielle dépend grandement de l’environnement.               des vecteurs ainsi que sur leur distribution. Une
Outre l’impact de l’environnement sur les vecteurs en           augmentation de la température ambiante accroît
tant que tels, les interactions humaines avec ou dans           souvent le taux d’agents pathogènes chez les
les environnements et écosystèmes naturels influent             vecteurs ou favorise la reproduction de ces derniers.
sur l’exposition aux vecteurs (22). Par exemple, les            Les conditions climatiques et météorologiques
activités industrielles contribuant à la pollution, aux         peuvent avoir d’autres conséquences, notamment en
émissions de carbone et à la dégradation des terres,            raison de l’impact de la sécheresse sur les systèmes
ainsi que l’empiètement de l’homme sur le milieu                de stockage de l’eau, les pratiques d’irrigation et
sauvage, peuvent augmenter l’exposition de l’homme              l’utilisation des sols. Par ailleurs, les mouvements
aux vecteurs. De même, une urbanisation anarchique              de population liés au climat peuvent influer sur
peut générer des zones de forte densité de population           l’écologie des vecteurs et l’exposition humaine
dépourvues d’un assainissement adéquat ou d’un                  aux infections (27). Toutefois, les interactions
accès à l’eau potable, conditions qui favorisent la             entre facteurs climatiques et non climatiques
multiplication des populations de vecteurs et la                sont complexes et encore mal comprises. Des
transmission des maladies. Les autres facteurs de               recherches complémentaires sur les liens entre
causalité liés aux activités humaines incluent les îlots        des manifestations particulières des changements
de chaleur urbains (agglomérations plus chaudes                 climatiques et les maladies à transmission vectorielle
que les zones rurales voisines) et la construction              doivent être réalisées de toute urgence, en étant
dans les zones côtières ou d’autres écosystèmes                 particulièrement attentif à l’impact des risques liés au
fragiles (23, 24).                                              climat sur des mesures spécifiques de lutte contre
                                                                les maladies.
Une corrélation a été établie entre les changements
climatiques et des résultats sanitaires défavorables.           L’Encadré 2 illustre certains facteurs de risque
Ces changements influeraient en outre sur les                   environnementaux susceptibles d’être associés à
modes de transmission des maladies à transmission               des maladies à transmission vectorielle, notamment
vectorielle (25, 26). Les variations de la température,         la déforestation et l’urbanisation.
des précipitations et de l’humidité peuvent influer
2. Contexte         9

Encadré 2. Déforestation et urbanisation dans la province du Guangdong (République populaire
de Chine)

En 2014, la province du Guangdong a connu sa pire flambée épidémique de dengue depuis la réapparition de la
maladie en République populaire de Chine à la fin des années 1970. Plus de 45 000 cas et six décès ont été signalés,
l’incidence la plus forte étant enregistrée à Guangzhou, la capitale provinciale. La flambée épidémique du Guangdong
illustre le rôle joué par l’urbanisation, la déforestation et les mouvements de population dans la propagation de la
dengue et l’influence des changements socio-économiques sur les épidémies. Les facteurs de risque suivants ont
contribué à la flambée épidémique :

•   Le delta du fleuve Pearl River, dans le Guangdong, foyer de l’épidémie, a un climat subtropical chaud et humide qui
    favorise la prolifération d’Aedes albopictus. L’année 2014 a connu des températures et des précipitations moyennes
    supérieures à celles des années précédentes, ce qui a probablement contribué à la survie du vecteur dans cette
    zone.
•   La province du Guangdong a fait face à une urbanisation galopante, en particulier dans les zones où la dengue
    était la plus répandue, à savoir les villes densément peuplées de Guangzhou et Foshan et les villes voisines, où des
    grappes de cas ont été recensées, notamment Zhongshan et Zhuhai.
•   L’urbanisation et le développement économique ont engendré une modification de l’utilisation des sols et
    une déforestation. Les eaux de pluie, auparavant absorbées et stockées dans les forêts, ont entraîné des
    ruissellements, qui ont formé des zones d’eau stagnante propices à la prolifération des moustiques.
•   Les villages urbains à la périphérie des villes du delta du fleuve Pearl River se sont multipliés, avec une urbanisation
    rapide, peu planifiée et souvent menée sans autorisation ; les défaillances en matière d’infrastructure et
    d’assainissement qui en résultent créent un environnement favorable aux moustiques.
•   L’urbanisation est aggravée par un influx de travailleurs migrants en provenance des zones rurales vers les centres
    urbains. Cette évolution a engendré des conditions de surpopulation dans le Guangdong pour les migrants, avec
    d’importants mouvements de population. Certains d’entre eux, n’ayant jamais été exposés à la dengue, y sont
    particulièrement sensibles.
•   Le delta du fleuve Pearl River est une plate-forme d’interconnexion majeure, avec des centres urbains bien
    connectés qui favorisent la propagation de la dengue lors des épidémies.
Ces facteurs de risque existent également dans d’autres pays et régions en rapide développement. La
déforestation, l’urbanisation et la migration compliquent la lutte gouvernementale contre les maladies à
transmission vectorielle (28–32).
10   ÉTHIQUE ET MALADIES À TRANSMISSION VECTORIELLE : ORIENTATIONS DE L’OMS

3. Questions et valeurs
    éthiques pertinentes

                                                                              Urbanisation et inégalités sanitaires mondiales. Un
                                                                                homme transporte de l’eau à Jakarta, Indonésie.
                                                                                                           Source : OMS/Anna Kari
3. Questions et valeurs éthiques pertinentes          11

L’éthique consiste à sélectionner une action ou une politique    À l’inverse, elles peuvent aussi porter atteinte au respect
appropriée, c’est-à-dire qui concorde avec des intérêts          des personnes, par exemple lorsque les mesures
légitimes (33). Pour procéder à des analyses éthiques, il        prises pour lutter contre une maladie entraînent des
convient donc d’identifier au préalable les intérêts en jeu      restrictions non justifiées de la liberté de circulation ou
dans le contexte étudié. Bien qu’aucune liste consensuelle       de rassemblement des individus.
de valeurs éthiques applicables dans toutes les situations
                                                                 De nombreuses autres valeurs sont fréquemment
n’existe, certaines valeurs reviennent fréquemment dans
                                                                 évoquées au cours des débats sur l’éthique en santé
les discussions relatives à la santé publique. Ces valeurs
                                                                 publique. Celles-ci incluent la solidarité (agir ensemble
doivent être placées dans le contexte de la mission globale
                                                                 pour le bénéfice mutuel d’un groupe), la réciprocité
de santé publique : protéger et améliorer l’état de santé
                                                                 (fournir quelque chose en échange des contributions
général des personnes et des communautés auxquelles
                                                                 d’autres personnes), la responsabilisation (désigner les
elles appartiennent (34). Cette attention portée à l’impact
                                                                 personnes responsables des décisions et faire appliquer
des actions et des politiques sur la population générale
                                                                 ces responsabilités) et les garanties d’une procédure
est au cœur de la discipline désormais connue sous le
                                                                 régulière (avertir les personnes qui seront concernées par
nom « d’éthique en santé publique » (35).
                                                                 une décision et leur donner la possibilité d’être entendues).
L’éthique en santé publique vise tout d’abord                    Certains pays, groupes religieux et autres communautés
essentiellement à promouvoir le bien-être des personnes          peuvent également s’inspirer d’autres valeurs.
et des communautés. Optimiser le bien-être repose
                                                                 La plupart des questions abordées dans ces orientations
sur la probabilité qu’une politique donnée atteigne ses
                                                                 concernent des situations dans lesquelles plusieurs
objectifs en matière de bénéfices pour la santé publique
                                                                 valeurs éthiques sont pertinentes. Ces valeurs pointent
(l’« efficacité ») et de coûts associés à l’obtention d’un
                                                                 souvent dans des directions différentes, donnant lieu à
certain niveau de bénéfice (l’« efficience ») par rapport aux
                                                                 des conflits ou dilemmes éthiques. Prenons l’exemple d’un
bénéfices et aux coûts des autres politiques possibles.
                                                                 organisme de santé publique qui décide si l’on doit imposer
Une évaluation éthique des activités de santé publique           aux ménages d’éliminer les sources d’eau stagnante afin
doit en outre s’intéresser à l’impact potentiel d’une action     de lutter contre les vecteurs. Une évaluation préliminaire de
sur la justice sociale. La justice sociale désigne l’équité en   cette intervention suggère qu’elle pourrait être efficace et
matière de distribution des ressources, des opportunités et      efficiente ; par conséquent, si l’on considère uniquement la
des résultats, que ce soit au niveau sociétal au sens large      promotion du bien-être, cette activité semble n’engendrer
ou au sein d’unités distinctes, telles que les ménages. Les      aucune préoccupation éthique particulière. D’un autre côté,
activités de santé publique peuvent aussi bien promouvoir        imposer aux ménages de modifier leur environnement
que restreindre la justice sociale. Par exemple, les mesures     de vie privée, avec potentiellement des inspections
visant à améliorer les systèmes d’approvisionnement en           gouvernementales intrusives dans le but de faire observer
eau et d’assainissement d’une ville peuvent contribuer à         ces dispositions, remet en cause la valeur éthique de
la justice sociale en réduisant une cause importante de          respect des personnes. Par ailleurs, du point de vue de
mauvaise santé chez les habitants vivant dans la pauvreté.       la justice sociale, le fardeau de l’intervention a de fortes
À l’inverse, une campagne d’information publique qui ne          chances de retomber majoritairement sur des membres
serait pas traduite dans la langue d’une minorité du pays        vulnérables de la communauté, les ménages pauvres
pourrait accroître les injustices, certains membres des          dépendant plus couramment d’un approvisionnement en
groupes minoritaires ne recevant pas des informations            eau manuel, l’eau étant ensuite stockée dans des points
importantes pour la santé, telles que les mesures à              d’eau stagnante. Dans ces circonstances, pour qu’une
prendre pour éviter l’exposition aux maladies.                   telle intervention soit considérée comme opportune, les
                                                                 bénéfices potentiels en matière de bien-être doivent être
Une autre valeur essentielle à prendre en compte
                                                                 suffisamment importants pour l’emporter sur le fardeau
lors de l’évaluation des activités de santé publique
                                                                 éthique en jeu.
est le respect des personnes. Celui-ci impose de
traiter les individus comme des entités autonomes et             Enfin, un processus de décision éthique satisfaisant
indépendantes et d’éviter d’imposer des contraintes              impose un processus de délibération soigneux,
externes inutiles. Les activités de santé publique               partagé et transparent. L’importance d’un processus de
peuvent promouvoir le respect des personnes en                   décision partagé est l’une des raisons pour lesquelles
levant les obstacles qui empêchent les individus de              la mobilisation communautaire est autant mise en
vivre en bonne santé et de mener une vie productive.             avant dans ce document.
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