Trouble Panique et Agoraphobie - Mémoire de 3ème année 2013/2014 - Nathalie Aulbert-Bailly - aftcc
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Nathalie Aulbert-Bailly Trouble Panique et Agoraphobie Mémoire de 3ème année 2013/2014 1
SOMMAIRE I/ Cadre de travail…………………………………………………………………………p 3 II/ Motif de consultation………………………………………………………………….p 3 III/ Anamnèse …………………………………………………………………………….p 3 IV/ Diagnostic…………………………………………………………………………….p 7 V/ Cadre théorique………………………………………………………………………..p 9 VI/ Lignes de base………………………………………………………………………...p 18 VII/ Analyse fonctionnelle………………………………………………………………..p 20 VIII/ Analyse de la demande…………………………………………………………..…p 21 IX/ Projections thérapeutiques avec réflexions sur les précautions diverses……………..p 22 X/ Présentation de deux séances ……………………………………………………….....p 25 XI/ Analyse de l’échec et de la réussite…………………………………………………...p 28 Bibliographie……………………………………………………………………………..p 31 Annexe 1 : Tableau des sensations physiques………………………………………… …p 34 Annexe 2 : Tableau d’identification des évitements………………………………….…..p 35 Annexe 3 : Explication du fonctionnement de l’anxiété…………………………….……p 36 Annexe 4 : Tableau du nombre et de l’intensité des symptômes physiques ……………..p 37 Annexe 4 : Evolution de la fréquence des attaques de panique…………………………..p 37 Annexe 5 : Evolution des échelles en cours de traitement ……………………………….p 38 Annexe 6 : Hiérarchie des situations phobogènes ………………………..………………p 39 2
I/ Cadre de travail : Psychologue de formation, je vis à Stockholm (Suède) depuis septembre 2013 à la suite de l’expatriation de mon conjoint. Je réalise des consultations via internet (Skype) depuis janvier 2014 pour des patients francophones basés en France. Cette pratique très répandue en Suède et dans de nombreux pays anglo-saxons m’a permis de continuer à exercer mon métier. Je reçois également de façon ponctuelle mes patients en face à face lors de mes retours réguliers à Paris. Je suis supervisée par l’AFTCC et à l’issue de cette dernière année, je serai supervisée par un membre de l’AFTCC. II/ Motif de consultation : Mr B me contacte par téléphone. Il m’explique rapidement qu’il a des « crises d’angoisse » depuis environ 10 ans. Ses crises qui s’étaient « estompées » ressurgissent fortement à présent. Il pense que ce problème est lié à une fragilité physique ou psychologique. Il souffre de cette situation, il en a « assez ». Il voudrait reprendre une vie normale et ne plus dépendre de ces crises. Son objectif serait également d’arrêter son traitement médicamenteux (antidépresseur et benzodiazépine) et ne plus se sentir dépendant. Il réalise une thérapie analytique depuis quelques années mais n’a pas vu sa situation s’améliorer du point de vue de ses crises d’angoisse. Il a lu sur internet quelques informations sur les TCC mais ne sait pas si cela va l’aider. III/ Anamnèse : 1/ Histoire de vie : Mr B est âgé de 38 ans. Il vit en concubinage, sans enfants. Il est fils unique. Sa mère vit en province et son père réside en région parisienne. Ses parents ont divorcé quand il avait 11 ans. Il a été élevé par sa mère. Il entretient d’excellentes relations avec sa mère qu’il voit régulièrement. Il rencontre occasionnellement son père. Ce dernier s’est remarié quand il avait 13 ans. Le patient décrit sa mère comme une personne anxieuse, sensible et protectrice. Sa mère était professeur des écoles. Il relate une enfance heureuse et choyée par sa mère. Il vivait avec elle dans le sud-ouest de la France. Sa mère n’a jamais refait sa vie. Il décrit son père comme une personne autoritaire et sévère. Il le voyait uniquement pendant la moitié des vacances scolaires. Sa relation avec son père n’a jamais été très bonne. En outre, son père n’a pas vraiment accepté son métier de scénariste. Il aurait préféré qu’il fasse des études « plus sérieuses ». 3
Il vit avec sa compagne depuis 4 ans. Elle est intermittente du spectacle. Son couple fonctionne bien. Il déclare que sa compagne a commencé à faire également les mêmes crises d’angoisse que lui depuis peu de temps. Parcours scolaire et professionnel: Sa scolarité se déroule bien. Il fait partie du club de théâtre du lycée et commence à se passionner pour les métiers du spectacle en art visuel. Après son Bac, il intègre une école de cinéma pour devenir cinéaste. Le cinéma était sa passion et il souhaitait en faire son métier. Après ses études, il s’installe à Paris pour travailler dans le milieu du cinéma. Il effectue différents métiers en attendant de pouvoir vivre de sa passion. A l’âge de 22 ans, son premier scénario est enfin produit. Il écrit ensuite d’autres scénarios de film. Il fait également de brèves apparitions dans des films. Ces expériences lui permettent de se connecter avec le milieu du cinéma français. Il est aujourd’hui scénariste et réalisateur. Antécédents médicaux : Il a présenté un épisode dépressif modéré il y a cinq ans. Il était dans un une situation difficile personnellement et professionnellement. Son médecin lui a prescrit un traitement antidépresseur pendant 6 mois. Il ne se souvient plus du nom du médicament. Aucun autre antécédent médical ou psychiatrique n’est à souligner concernant sa famille et lui-même. 2/ Présentation du patient : Mr B se présente comme un homme intelligent, sensible et dynamique. Son discours est clair et posé. Il possède une certaine dérision concernant son milieu professionnel : « dans le cinéma, les acteurs ou les réalisateurs sont soit dépressifs soit alcooliques ». Il est vif d’esprit et pertinent. Il se décrit comme une personne assez tendue et persévérante. Il est passionné par son travail et se rend compte que parfois il pousse un peu loin ses propres limites physiques. Mr B m’explique qu’il n’a jamais été serein et qu’il a besoin d’être vigilant, de contrôler. Mr B fume un paquet et demi de cigarettes par jour en moyenne. Il fume sa première dès le réveil. Il a commencé vers l’âge de 20 ans. Il aimerait arrêter de fumer mais explique ne pas avoir assez de volonté pour l’instant. La cigarette lui permet de rester en éveil. Il ne consomme pas d’autres substances. Il boit de l’alcool lors de repas festifs ou lors de soirées de représentations. Il a une consommation de café assez importante (6 à 7 tasses par jour) pour rester concentré et attentif. En effet, il a énormément de travail et son activité peut l’amener à travailler souvent tard le soir. 4
Il ne fait plus de sport mais il pratiquait la natation une fois par semaine quand il avait 20 ans. Il a des insomnies qu’il lie à son stress professionnel. Il m’explique travailler sous pression. Les projets d’écriture de film sont de plus en plus rapides et il doit s’adapter à la demande. Il travaille de nombreuses heures par jour et jusque tard le soir. C’est un milieu très concurrentiel avec des enjeux financiers importants. Il ne s’endort jamais avant minuit ou 1h00 du matin depuis longtemps. Il dort en moyenne 6h00 par nuit. S‘il fait une insomnie et s’endort plus tardivement (4h du matin), il a la possibilité de débrancher son réveil. C’est un des avantages de travailler à son domicile. Il résume cette situation comme étant un don de soi. Il aime son travail et cela ne lui pose pas de problème. 3/ Histoire du trouble : En juin 2003, alors qu’il était en weekend à la campagne, Mr B raccompagne des amis en voiture à la gare. Au volant, il ne sent pas bien. Il a commencé à avoir chaud et a été pris d’une sensation d’étourdissement. Il a senti que ses jambes étaient molles et engourdies, il ne pouvait plus conduire. Il a été contraint d’immobiliser son véhicule car il se sentait « défaillir ». Ses mains étaient moites. Il a eu le sentiment que son cœur battait trop vite et qu’il allait s’arrêter. Il a pensé qu’il allait faire un arrêt cardiaque. Il avait mal au niveau de la poitrine. C’était la première fois qu’il avait ce genre de sensations. Il a vraiment eu l’impression qu’il allait mourir. Il avait également des difficultés à respirer. Il était très inquiet, il a eu l’impression de devenir fou, de perdre totalement le contrôle. Cela a été très long selon lui mais il n’arrive pas à estimer la durée. Ses amis inquiets de la situation ont appelé les pompiers. Il a été transporté au service des urgences de l’hôpital le plus proche. Aucune problématique n’a été relevée sur le plan organique. Le médecin de l’hôpital lui a recommandé de faire une cure de magnésium et de se reposer. Peu de temps après cet évènement, il a refait une crise de ce type dans le train. Dans son wagon, un médecin était présent et lui a expliqué qu’il faisait une attaque de panique. Il n’a pas vraiment compris ce que cela signifiait mais était rassuré qu’un médecin soit présent et puisse le secourir. Il évitera de prendre le train à la suite de cet épisode. Il a également beaucoup de difficultés à prendre le métro par l’effet d’un phénomène de généralisation au stimulus présentant des similitudes. Il privilégie la voiture en étant passager ou le taxi. Il a également vécu le même type de crises lorsqu’il effectuait ses courses au supermarché ou dans certains lieux publics tels que la Poste. Il vit maintenant dans la crainte de la survenue de ce type d’évènements. Mr B décide de consulter un médecin qui lui fait passer de nombreux examens médicaux (tyroïde, diabète, cœur, poumons). Aucune problématique n’a été relevée sur le plan organique. 5
Toutefois, son médecin lui confirme qu’il est anxieux et lui prescrit un Benzodiazépine et un antidépresseur. Malgré le traitement, il continue d’avoir des crises. Il ne comprend pas pourquoi cela lui arrive. Il a programmé le numéro des urgences sur son téléphone portable. Lorsqu’il se déplace en voiture, il regarde toujours les coordonnées de l’hôpital le plus proche. Il m’explique qu’il a peur de faire une attaque de panique et qu’il n’y ait pas de médecin dans les environs proches pour le secourir. Malgré les résultats négatifs aux différents examens médicaux, il n’exclut pas la possibilité d’avoir une grave maladie. Il est inquiet à l’idée de s’évanouir et de pouvoir ainsi se blesser grièvement à la tête. Il redoute de s’évanouir devant ses pairs ou devant les comédiens. Il n’apprécie pas les endroits où il a le sentiment d’être enfermé. Il n’aime pas faire la queue à la caisse dans les magasins et se sentir « coincé ». Il a maintenant en permanence ses comprimés de Lysanxia sur lui. Mr B vit dans la crainte de la survenue de nouvelles crises qui se déclenchent principalement à l’extérieur de son domicile mais parfois également chez lui. Il a l’impression qu’il ne maîtrise rien. Son activité professionnelle lui permet de travailler principalement à son domicile ce qui le rassure mais maintient son trouble. S’il ne se sent pas bien, il prend deux comprimés de Lysanxia et peut décliner les invitations professionnelles ou personnelles. Il m’explique que dans son milieu professionnel, il ne peut pas se permettre de se montrer sous « cet angle-là », qu’il risquerait d’être mal jugé professionnellement. Il doit montrer qu’il est endurant ou résistant physiquement et psychologiquement vis-à-vis de ses pairs. Il effectue ses courses dans un petit magasin du quartier à des heures creuses pour ne pas être dans la foule ou dans les files d’attente. Il déteste quand les rayons ont été changés de place. Lorsqu’il fait la queue à la caisse, il a déjà sa carte bancaire en main pour « s’échapper » le plus vite du magasin. Si la file d’attente est trop longue, il laisse son panier et sort du magasin. Il effectue ses déplacements avec ses comprimés de Lysanxia dans sa poche, son téléphone portable à la main et il écoute de la musique en permanence pour penser à autre chose. Il continue à faire ses courses car il n’a pas le choix mais il souffre énormément de cette situation. Quand il est à la caisse, il se dit « qu’il ne lui reste plus que quelques minutes et qu’après il sera dehors, presque chez lui ». Il n’évite pas totalement mais il passe en force à l’aide d’objets contra phobiques. Il ne supporte pas les endroits « bondés » où il y a du bruit, de la lumière forte. Lorsqu’il a ses crises à la maison, il s’allonge, essaie de penser à autre chose, respire et tente de se calmer. Il appréhende l’idée de ne pas avoir de médecin autour de lui lorsqu’il fait une attaque de panique dans le cas où ce serait grave. Il évite de sortir quand il ne se sent pas bien ou trop fragile. Quand il a une crise à l’extérieur, il prend son traitement anxiolytique et cherche un endroit où 6
s’asseoir pour reprendre son calme, tente de penser à autre chose et rentre chez lui le plus vite possible. Il vit dans l’appréhension de refaire de nouveaux épisodes. IV/ Diagnostic : Le diagnostic est un trouble panique avec agoraphobie, d’après les critères du DSM IV (2000). L’agoraphobie s’est développée dans un second temps. • Schizophrénie : NON L’entretien avec Mr B ne permet pas retrouver les critères inhérents à la schizophrénie, ce qui nous permet d’écarter cette possibilité. En effet, la définition du DSM IV exige la présence de 2 symptômes sur une liste de 5 pendant au moins un mois. Idées délirantes : Le patient ne pense pas avoir de talent, de pouvoir ou de qualité particulière. Hallucinations : Il ne souffre pas d’hallucinations auditives, olfactives, visuelles ou corporelles. Pensée désorganisée : Il n’est pas retrouvé dans l’entretien de pensée désorganisée et cela n’est pas retrouvé dans son histoire. Comportement désorganisé ou catatonique : Il montre un discours clair et un comportement organisé et cohérent. Symptômes négatifs : Il ne présente pas d’émoussement affectif, d’alogie ou de perte de volonté. • Substances : NON Le patient boit modérément de l’alcool lorsqu’il est en soirée. Il a une consommation nicotinique importante (30 cigarettes par jour). Il prend un traitement antidépressif de type Effexor (25mg par jour) depuis 10 ans, date de sa première attaque de panique. Il a toujours dans sa poche un comprimé de Lysanxia (20 mg) en cas d’attaque de panique. Il peut en prendre jusqu’à 3 ou 4 comprimés en cas de crise importante. Mr B ne prend aucune autre substance. Son trouble n’est pas lié à l’utilisation de substances. • Dépression : NON Selon le DSM IV, au moins un des deux symptômes principaux doivent être présents pendant une période de deux semaines et quatre symptômes secondaires parmi les cinq. Humeur dépressive : NON Perte d’intérêt ou de plaisir : NON 7
Les réponses de Mr B montrent qu’il ne présente pas une humeur triste, ni une anhédonie. L’inventaire de dépression de Beck (BDI) ne met pas en évidence une dépression (score de 2). Ce questionnaire est l’un des plus utilisé pour donner une estimation quantitative de la dépression dans la population adulte. • Trouble anxieux : OUI Mr B ne s’inquiète pas de l’imprévu, n’est pas constamment anxieux, ne souffre pas d’inquiétude concernant son entourage. Il présente une certaine anxiété mais cette dernière ne valide pas un TAG. Nous recherchons à identifier si des rituels ou des pensées intrusives existent. Les réponses de Mr B ne permettent pas de confirmer un TOC. Mr B n’a pas vécu d’événements traumatisants et ne souffre pas de réminiscence quelconque. Ce diagnostic nous permet d’écarter l’état de stress posttraumatique. En revanche, nous retrouvons bien les symptômes physiques et psychiques de l’Attaque de panique décrits par Mr B telle qu’une période bien délimitée de crainte ou de malaise intense dont la survenue est brutale (acmé en moins de 10 minutes) et comportant 4 symptômes au minimum sur une liste de 13 (DSM IV-TR). Le patient présente 9 symptômes de cette liste (Palpitations cardiaques / Etourdissement, instabilité, évanouissement / Souffle coupé, étouffement / Douleur, gêne thoracique /Tremblements ou secousses musculaires / Transpiration / Engourdissement, picotements / Peur de mourir / Peur de devenir fou). Mr B présente des attaques de panique récurrentes et inattendues qui sont accompagnées de la crainte persistante pendant une période d’un mois (ou plus) d’en avoir d’autres. Cela dure depuis 10 ans avec des périodes plus ou moins marquées. Mr B a des préoccupations concernant les conséquences de ses attaques comme perdre le contrôle, avoir une crise cardiaque ou devenir fou. Ses crises se répètent, il redoute d’en faire d’autres et il a la hantise des conséquences de ses crises. Ces éléments permettent de confirmer un trouble panique selon les critères du DSM IV-TR. Il présente également des symptômes d’anxiété liée au fait de se retrouver dans des endroits d’où il serait difficile de trouver du secours en cas d’attaque de panique inattendue. Les situations sont évitées ou subies avec une souffrance intense : «je suis dans la queue du supermarché et je vois que cela n’avance pas, c’est terrible». Nous pouvons écarter le diagnostic de phobie spécifique puisqu’il n’y a pas une ou quelques situations redoutées. Le diagnostic de phobie sociale est écarté car ce n’est pas le regard, le jugement des autres qui le gène. La phobie sociale est caractérisée par une peur marquée et persistante d’une ou plusieurs situations sociales ou d’actions publiques dans 8
lesquelles le sujet est exposé à des personnes inconnues ou à l'éventuelle observation attentive d’autrui (DSM-IV-TR, 2000). Toutefois, compte tenu de son inquiétude d’être jugé dans la situation d’une attaque de panique en présence de son milieu professionnel, des traits de personnalité d’anxiété sociale sont à noter. Le diagnostic est un trouble panique avec agoraphobie. Il n’y a pas de comorbidités sur l’axe I. Nous avons utilisé l’échelle d’évaluation des phobies, attaques de panique et anxiété généralisée (PPAG) qu’a développé J. Cottraux (1993). Cet instrument permet d’évaluer les trois grands types d’anxiété, à savoir les phobies, les attaques de panique et l’anxiété généralisée. Cette échelle répond aux critères diagnostiques du DSM-IV. Nous avons utilisé cet outil en auto-évaluation. Il s’agit d’une mesure ipsative du comportement phobique où chaque sujet est comparable à lui-même. Cet outil a permis de confirmer les symptômes physiques liés à ses attaques de panique. Mr B ne souffre pas d’autres phobies. Nous avons utilisé le questionnaire des cognitions agoraphobiques QCA (Chambless, 1984 ; traduction Cottraux J.) pour lister les pensées irrationnelles sur les possibles conséquences de la panique. Cet outil sera utile pour travailler sur la restructuration cognitive. Le questionnaire des sensations corporelles (QSC) de Chambless D.L. (1984) traduit par Lachance S. évalue la peur des sensations physiques associées à l’anxiété. L’intérêt du QSC est de prédire l’évitement phobique. Selon Arrindell (1983), plus les peurs corporelles sont grandes et plus l’évitement phobique est important. Les deux échelles du QCA avec le QSC seraient des composants de la peur de la peur. L’inventaire de mobilité pour l’agoraphobie (IMA, Chambless, adaptation M. Bouvard) a été également passé pour évaluer les situations évitées. Les résultats montrent que Mr B n’évite pas toutes les situations mais il « prend sur lui ». L’intérêt de ce questionnaire est de fournir une liste assez complète des situations agoraphobes et il possède de bonnes qualités psychométriques. V/ Cadre théorique Plusieurs modèles de référence relatifs aux attaques de panique ont été décrits tels que l’approche comportementale (Mowrer) ou des approches cognitives (Clark, Barlow). Approche comportementale : Mowrer (1986) propose un modèle à deux facteurs. 1/ Conditionnement classique : la personne apprendrait à avoir peur d’un stimulus neutre (qui deviendra un stimulus conditionnel) par son association à un stimulus intrinsèquement aversif. 9
2/ Conditionnement opérant : la personne est soulagée en évitant le stimulus conditionnel (SC). L’effet apaisant de l’évitement contribuerait au maintien de la phobie puisqu’il agirait comme renforçateur. Approche cognitive : Le modèle cognitif des attaques de panique de Clark a pour point de départ l’hypothèse du modèle des schémas faite par Aaron Beck sur les troubles psychiques (Beck et Emery, 1985). Aaron Beck postule que l’anxiété survient en réponse à certains stimuli que les patients interprètent de façon plus dangereuse qu’ils ne le sont en réalité. A partir de cette hypothèse, David Clarck propose le modèle du trouble panique. Modèle cognitif de l’attaque de panique (Clarck, 1986) Stimulus déclenchant (interne ou externe) Menace perçue Interprétation des sensations comme Appréhension catastrophiques Sensations physiques Les patients interprètent leurs manifestations physiques comme une menace, cette interprétation engendrera des pensées erronées (dimension cognitive) et des comportements (fuite, évitements), des images mentales et des monologues intérieurs. Les patients présentant des attaques de panique récurrentes interprètent de façon catastrophique leurs propres sensations physiques. L’attaque de panique est déclenchée par des stimuli externes ou par des stimuli internes (sensations physiques, pensées ou images). Ces stimuli sont interprétés comme le signe d’un danger imminent. Cette interprétation produit une appréhension qui est associée à de nombreuses sensations physiques. Ces sensations sont à leur tour interprétées sur un mode catastrophique (mort, perte de contrôle). A partir de cette interprétation catastrophique, le patient va développer des conduites qui vont contribuer au maintien du trouble panique. De peur de ressentir certaines sensations, il devient hyper vigilant et surveille en permanence la moindre sensation physique. Ses sensations le confortent dans l’idée d’un problème sérieux, physique ou mental. Ensuite, le sujet développe des comportements de sécurité qui auront tendance à maintenir ses interprétations négatives. Ainsi, il 10
s’en suivra des comportements de sécurité pour prévenir les malaises qui pourront aboutir à un évitement agoraphobique. Les sujets souffrant de trouble panique sont souvent beaucoup plus sensibles à certaines sensations corporelles et en particulier aux sensations d’anxiété (Mac Nally R. J., 1994). Certains auteurs suggèrent que les patients souffrant de trouble panique auraient une plus grande peur de leurs sensations physiques (Craske & Rowe, 1997 ; O’Mahony & Ward, 2003). Le modèle cognitif permet d’expliquer à la fois les attaques de panique qui sont précédées d’un niveau d’anxiété et celles qui surviennent inopinément. Différentes hypothèses sont suggérées pour expliquer l’apparition des attaques de panique. Facteurs biologiques : Les études biologiques ont conduit à incriminer différents systèmes biologiques tels que les monoamines, les neuropeptides, le GABA. Il semble que ces études aient apportées des éclairages sur les mécanismes biologiques impliqués dans le déclenchement des crises et des perturbations associées à l’anxiété chronique témoignant d’un état d’hyper vigilance. Les patients ayant un trouble panique présentent une augmentation de la ventilation deux à trois fois supérieure à celle des sujets sains. Ces résultats ont conduit à admettre l’hypothèse que les sujets paniqueurs sont hypersensibles au CO2. De même, la comparaison avec d’autres troubles anxieux (TAG, Phobies) met en évidence une réponse plus importante pour les paniqueurs (Griez et al., 1990). En 1993, Klein élabore le modèle de la suffocation à partir de la dyspnée, symptôme observé dans l’anxiété et non lors de la peur. Klein propose l’existence d’un centre de la suffocation situé dans le système nerveux central et sensible aux taux de dioxyde de carbone et de lactate. Les paniqueurs auraient une hypersensibilité de ce centre. D’autres études suggèrent que chez les patients atteints de trouble panique avec agoraphobie, il y aurait des anomalies dans le cortex orbitofrontal médial, cette zone joue un rôle important dans l’extinction de la peur. En effet, les patients atteints de TPA ont montré une diminution du volume de matière grise dans leur gauche gyrus orbitofrontal médial (Kyoung-Sae N., Byung-Joo H., Lee K., Yong-Ku K., Heon-Jeong L., Ho-Kyoung Y., 2013). Facteurs génétiques : L’étude de Gorwood (1999) suggère une surreprésentation de patients souffrant de trouble panique chez les sujets atteints (10,7% versus 1,4%). L’étude de Torgesen (1983) sur les jumeaux observe un taux de concordance supérieur pour le trouble panique et l’agoraphobie mais non pour les autres 11
troubles anxieux. Il y aurait plus d’anxieux dans les familles d’un sujet anxieux que dans celles d’un sujet indemne de troubles anxieux. Facteurs de consommation : Plusieurs études ont montré une hypersensibilité des patients paniqueurs à la caféine. Chez les anxieux, la consommation quotidienne de café était corrélée au niveau d’anxiété (Ballenger et al., 1998). Les patients paniqueurs fumeurs rapportent plus de symptômes anxieux et ont un plus grand handicap social en comparaison des paniqueurs non-fumeurs. Plusieurs hypothèses ont été avancées pouvant expliquer l’association entre le trouble panique et le tabagisme. La nicotine induit une libération accrue d’adrénaline et de noradrénaline et une augmentation de la fréquence cardiaque et de la tension artérielle. Ces signes pourraient être impliqués dans la provocation d’attaques de panique. Des fluctuations des taux de nicotine en lien avec l’élimination rapide de celle-ci (demi- vie : environ deux heures), pourraient s’accompagner de symptômes physiologiques de sevrage et ainsi provoquer des attaques de panique. La sensibilité au CO2 a aussi été évoquée car parmi des patients souffrant de trouble panique, les grands fumeurs se trouvent être les plus sensibles à l’exposition au CO2, réagissant par des symptômes d’attaques de panique plus intenses. De manière plus spécifique l’association entre tabagisme et trouble panique semble documentée dans le sens d’une induction ou du moins d’une aggravation de ce trouble par le tabagisme probablement par des mécanismes biologiques et physiologiques (Khazaal Y., Cornuz J. et Zullino D., 2004). Facteurs psycho-environnementaux : Le rôle des événements stressants a été montré dans le trouble panique par de nombreuses constations cliniques et confirmées par des études épidémiocliniques (Servant et Parquet, 1994 ; Servant, 1998). Les événements stressants (positifs ou négatifs) sont fréquemment retrouvés dans les mois précédents les attaques de panique. Une autre place importante a été faite à l’étude des séparations précoces. Un risque élevé de trouble panique est associé aux décès parentaux et également aux séparations d’avec la mère mais pas d’avec le père (Kendler et al., 1995). Les attaques de panique et l'agoraphobie de l'adulte pourraient être des réélaborations de l'angoisse infantile de séparation (Petot D., 2004). Plusieurs études ont mis en évidence la relation entre l’anxiété de séparation et le trouble panique et/ou l’agoraphobie. La survenue dans l’enfance de manifestation d’anxiété de séparation serait un facteur de prédisposition pour le développement ultérieur des attaques de panique et du trouble panique. L’ensemble des travaux permet de considérer les séparations dans l’enfance, comme un facteur de 12
risque, non spécifique, pour le trouble panique à l’âge adulte. A côté des pertes et des séparations concernant un parent, d’autres facteurs interviennent tels qu’un milieu familial avec moins de cohésion ou d’indépendance et plus de conflits et de contrôle. Ceci a conduit à décrire un style parental de l’enfant anxieux et peut être vu comme un apprentissage vicariant. D’autres facteurs ont été répertoriés tels que les stresseurs interpersonnels et particulièrement les relations conjugales, quand l’un des membres du couple a un trouble panique avec agoraphobie. Des résultats indiquent que la présence de patrons d'interaction négatifs, avant toute intervention psychothérapique, est liée à une symptomatologie plus sévère et qu'elle prédit une plus faible réponse au traitement psychologique (Ghassan El-Baalbaki, 2008). Des chercheurs postulent que les couples dont l'un des conjoints souffre de TPA, en tirent des bénéfices secondaires qui peuvent être des facteurs de maintien du trouble (Marcaurelle, 2004). Ainsi, il est nécessaire de prendre en compte différents facteurs telle que la vulnérabilité biologique associée à des facteurs psychologiques et environnementaux. C’est ce que représente le modèle de la fausse alarme de Barlow (1988) où il existe différents niveaux de causalité présents. Modèle de la fausse alarme (Barlow 1988) Vulnérabilité biologique STRESS dû à des événements de vie négatifs FAUSSE ALARME (Attaque de panique initiale) ALARME APPRISE VULNERABILITE PSYCHOLOGIQUE (Appréhension anxieuse centrée sur futures alarmes) Symptômes végétatifs et/ou cognitifs d’anxiété POSSIBLE Et manifestations somatiques déclenchent l’alarme DEVELOPPEMENT Apprise d’une façon imprévisible D’UN EVITEMENT AGORAPHOBIQUE Déterminé par des facteurs sociaux, culturels et environnementaux et modulé par la présence ou l’absence de signaux de sécurité Epidémiologie : Le trouble panique est un trouble psychiatrique souvent rencontré en médecine de première ligne mais il est fréquemment sous-diagnostiqué et sous-traité (Foldes-Busque G., Marchand A. et Landry P., 2007). C’est un véritable problème de santé publique par sa prévalence élevée et les 13
consultations diverses et répétées qu’il entraîne. Ce trouble reste sous-diagnostiqué en raison des symptômes somatiques souvent mis au premier plan qui orientent vers une pathologie organique (Servant D.et Parquet P.J., 2000). La fréquence du diagnostic actuel de trouble panique est de 9% évaluée au moyen de la passation systématique chez tous les patients du MINI (Mini International Neuropsychiatrie Interview), (Servant D.et Parquet P.J., 2000). Chez près des deux tiers des patients coexistaient une agoraphobie et chez un tiers, une dépression. Aussi jusqu’à 30% de la population peut expérimenter une attaque de panique et seuls les sujets paniqueurs vont avoir tendance à interpréter cet événement perçu d’une façon catastrophique, soit 3 à 5% de la population. L’attaque de panique est fréquente chez l’adulte jeune de 25 à 44 ans mais elle est exceptionnelle après 65 ans. Le sexe ratio est de 1 pour le trouble panique. Le risque est deux fois plus élevé lorsque les parents sont atteints de trouble panique. Ce trouble est présent dans tous les milieux socio- économiques. Il n’existerait pas de facteur de risque différent selon le milieu ou le statut professionnel. En revanche, selon JL Emery (2002), il y aurait des différences en fonction du niveau d’études. Le facteur de risques serait moins élevé pour un niveau élevé d’études. Il semblerait également qu’habiter dans une grande ville serait un facteur de risque supplémentaire. Le trouble panique peut entrainer le développement d’une agoraphobie. En effet, dans la population générale, entre un tiers et la moitié des sujets ayant eu un trouble panique aura aussi une agoraphobie (Lépine et al., 2005). L’agoraphobie associée aux attaques de panique est un trouble invalidant aux multiples conséquences personnelles, familiales et sociales. La prévalence à vie de l’agoraphobie (avec ou sans trouble panique) est estimée à 6,7% (Magee et al., 1996). Le trouble agoraphobique serait deux fois plus fréquent chez la femme que chez l’homme (Katerndahl et Realini, 1993). Le trouble panique est souvent associé à un syndrome dépressif. Ce dernier est à dissocier d’un fléchissement de l’humeur et d’un simple découragement, fréquemment observé pendant les épisodes aigus du trouble panique. Les études cliniques et épidémiologiques estiment qu’environ 30% des patients déprimés présentent des attaques de panique et que 30 à 40% des patients souffrant de trouble panique présentent des symptômes dépressifs marqués (Lépine, 1994). Les troubles dépressifs et anxieux sont significativement plus fréquents chez les femmes et les troubles liés à l’alcool plus fréquents chez les hommes (Lépine et al., 2000). Chez les personnes souffrant de trouble panique avec agoraphobie, certaines études rapportent des taux de comorbidité atteignant 60%, dont une forte proportion de dépression, d’anxiété généralisée et d’anxiété sociale. À l’inverse, lorsqu’une personne souffre premièrement d’une dépression, il semble moins fréquent qu’elle développe un trouble d’anxiété secondaire. Certaines 14
études menées auprès de sujets souffrant d’alcoolisme observent des taux de comorbidité dépassant parfois 30% pour l’agoraphobie (Bouchard S., Verrier P., ADAC/ACTA: www.anxietycanada.ca). On compte également parmi les affections psychiatriques comorbides certains autres troubles anxieux comme le syndrome de stress post-traumatique (ESPT), le trouble obsessionnel compulsif (TOC) ainsi que des troubles mentaux tels que le trouble bipolaire, les troubles dissociatifs, les troubles de l'alimentation ou les troubles complexes de la personnalité (Institut Lundbeck). Traitement : Le trouble panique répond bien à certaines techniques d’intervention comportementales et cognitives (Landon et Barlow, 2004). Ainsi, la thérapie cognitivo-comportementale constitue la psychothérapie la plus recommandée pour traiter ce type de trouble (Chambless & Gillis, 1993). Elle s’avère plus efficace ou équivalente à la pharmacothérapie (Craske MG, Barlow DH, 2001). Elle serait plus bénéfique en termes de maintien des gains thérapeutiques à long terme (Mitte K., 2005). Suite à une TCC, 80% à 95% des individus présentent une amélioration cliniquement significative et parviennent à un niveau de fonctionnement adéquat (Starcevic V., 2005). Thérapie et internet : L’utilisation de la vidéoconférence pour offrir des services psychologiques est un domaine en plein développement. Les études à ce sujet ont commencé à appuyer empiriquement sa faisabilité, son acceptabilité et son efficacité. Une étude de Cowain (2000) montre une amélioration concernant une patiente souffrant de TPA avec une dépression comorbide. Cette dernière a été prise en charge par une thérapie de type TCC par vidéoconférence à raison d’une heure par semaine pendant douze semaines. Les scores sur l’Inventaire de Dépression de Beck (BDI) au pré-traitement sont de 46 et sur l’Inventaire d’Anxiété de Beck (IAB) de 14. Les scores finaux sur le BDI et sur le IAB au post-traitement sont respectivement de 0 et 3. L’auteur rapporte également que la participante n’a plus d’attaque de panique et qu’elle a diminué de façon significative la prise de sa médication (Trifluoperazine et Paroxetine). D’autres chercheurs comparent la thérapie cognitivo-comportementale effectuée en face à-face, en vidéoconférence et par téléphone (Day & Schneider, 2002). Pour leur étude, quatre-vingt participants souffrant de troubles hétérogènes de santé mentale sont assignés aléatoirement dans l’une de ces trois conditions. Les résultats démontrent qu’il y a une amélioration générale significative après cinq sessions de traitement et ce, quelques soient les conditions. Aucune différence significative n’est notée entre les trois conditions de traitement. 15
D’autres résultats d’études montrent des taux d’acceptabilité et de satisfaction très élevés (Blackmon et coll., 1997; Doze et coll., 1999; Umess, 1999) et laissent envisager son efficacité et la capacité de développer une alliance thérapeutique (Bouchard et coll., 2004; Deitsch et coll., 2000; Kaplan, 1997; Mielonen et coll.,1998; Manchanda & McLaren, 1998; Simpson, 2001). Quarante-cinq adultes souffrant d’un trouble panique agoraphobie ont pris part à une étude sur la mesure de l’alliance thérapeutique. Les résultats ont révélé qu’une bonne alliance thérapeutique se développe dans les deux conditions, en vidéoconférence et en face-à-face. Plus précisément, les approches indiquent que la qualité de l’alliance thérapeutique augmente avec le temps dans les deux conditions et qu’il n’existe pas de différence significative. Ces scores sont comparables aux résultats d’autres études (Bouchard et coll., 2004; Ghosh et coll. 1997; Manchanda et coll., 1998). Les résultats suggèrent que les participants des deux conditions arrivent à développer un attachement envers leur thérapeute, en dépit de la vidéoconférence. L’étude de Gosh et coll. (1997) confirme qu’une bonne alliance thérapeutique se développe en vidéoconférence. Les participants en vidéoconférence arrivent donc à s’entendre sur les tâches à accomplir avec le thérapeute, aussi bien que les participants en face-à-face et cet accord est de plus en plus fort avec le temps. Ces analyses montrent donc qu’une bonne alliance thérapeutique s’établit dès la première rencontre et que la qualité de l’alliance thérapeutique est similaire à celle retrouvée en face-à-face. Ces études rapportent que l’alliance thérapeutique était établie et que les patients avaient fini par oublier la technologie et la distance qui les séparait de leur thérapeute. En outre, il semble que pour certaines personnes, la distance qui les sépare de leur thérapeute a un effet positif sur elles-mêmes et contribue au développement d’une alliance thérapeutique. En ce sens, la distance qui les sépare semble être un contexte favorable et génère un sentiment de confort face au thérapeute. Simpson (2001) rapporte que certains participants soulignaient que la vidéoconférence contribuait à améliorer l’alliance thérapeutique. Ces participants estiment qu’ils se sentent moins conscients d’eux-mêmes lorsqu’ils sont en thérapie par vidéoconférence donc ils peuvent plus se concentrer sur l’échange et focaliser leur énergie sur la relation thérapeutique et le processus thérapeutique. De la même manière, dans une autre étude, certains patients rapportaient que la vidéoconférence était moins intimidante qu’en face-à-face et qu’ils avaient un plus grand sentiment de contrôle de leur espace (Simpson, Bell, Know & Mitchell, 2005). Ainsi, pour certains, la vidéoconférence présente un avantage car la distance offre un environnement suffisamment sécuritaire pour favoriser le développement d’une alliance thérapeutique. Cela permet à certains patients d’exprimer plus facilement leurs émotions par rapport à une thérapie en face-à-face (Goldfield & Boachie, 2003). La vidéoconférence peut donc constituer une alternative intéressante à la thérapie traditionnelle en face-à-face puisqu’elle est au moins aussi efficace et présente l’avantage d’améliorer l’accessibilité à un psychologue. En outre, elle présente potentiellement des avantages que la thérapie 16
traditionnelle ne possède pas pour certains sujets (meilleur sentiment de contrôle, plus confortable pour se dévoiler, adéquation à un nouvel environnement numérique, en particulier pour les jeunes générations). Hypothèses étiopathogéniques : Mr B a fait une interprétation catastrophique de ses symptômes physiques (palpitations cardiaques, sensations de vertige, essoufflement…). Ses symptômes n’étaient qu’une réaction d’alarme de son organisme en lien avec son état de fatigue, son manque de sommeil, sa consommation d’excitants (café et nicotine). En effet, sa première attaque de panique s’est déclenchée après un weekend festif alors qu’il se sentait déjà épuisé par son rythme professionnel. Lors de sa première attaque de panique, Mr B a associé sa crainte à la possibilité de mourir d’une crise cardiaque et d’avoir un problème de santé grave. Il n’a pas remis en cause cette croyance et considère toujours qu’il a peut- être un problème de santé grave. Suite à ce premier événement, il a vécu d’autres attaques de panique qui ont renforcé son sentiment de crainte de mourir par arrêt cardiaque. Les sensations physiques qu’il a ressenties ont été interprétées de façon alarmiste. Par généralisation, il évite de prendre le train ou le métro. Il ne conduit plus. Il éprouve des difficultés à effectuer ses courses en supermarché et ne peut pas rester dans une file d’attente. Ses comportements d’évitement subtils et réels maintiennent son trouble. Cette interprétation alliée à son état de vigilance initial l’a conduit à se scruter en permanence ce qui peut l’amener à associer des sensations physiques à un problème de santé grave et à ressentir une grande peur. La réaction d’alarme est une réaction normale de notre organisme. Or dans l’attaque de panique, le sujet confond la conséquence (réaction d’alarme) avec la cause (signal de danger). En effet, dans le trouble panique, les sensations physiques liées à la réaction d’alarme déclenchent des interprétations alarmistes et une impression de perte de contrôle. Ce processus psychologique accentue ainsi la peur. Plusieurs travaux ont confirmé la tendance des paniqueurs à surveiller inconsciemment leurs sensations corporelles, notamment cardiaques (Effects of cognitive behavioral treatment on physical health status in patients with panic disorder, Behavior Therapy, 2003, 34 : 49-63). Mais cette vigilance ou cette attention excessive est préjudiciable à leur bien-être. Si le sujet est trop à l’affût de son corps, il percevra toujours une sensation sans explication et il ressentira de plus en plus souvent et plus fortement les sensations de son corps. Ainsi, le sujet va multiplier les sensations angoissantes pour des phénomènes qui ne sont que le fonctionnement normal de son corps. Mr B se décrit comme une personne vigilante qui souhaite contrôler et maîtriser et les évènements. Or, la vigilance ou l’hyper vigilance accentue l’activité du système parasympathique et l’expression de ses 17
symptômes physiques. Selon JL Emery (Surmontez vos peurs, 2002), cette attention particulière portée aux manifestations du corps tend à produire une augmentation de l’activation physiologique et une diminution du seuil de perception de certains processus tels que l’hyperventilation. Ainsi l’utilisation de l’hyper vigilance provoquerait un double effet. Chaque fois que l’environnement est bruyant (quand il est dans un magasin), le sujet ne peut pas maintenir la surveillance de son propre corps et cet abandon de ce comportement de sécurité provoquerait une impression de danger. Mais inversement quand l’environnement est calme (quand Mr B est chez lui par exemple), cette possibilité de ressentir les manifestations physiques de son corps serait augmentée. JL Emery (2002) conclut que l’hyper vigilance serait un facteur de maintien important du trouble panique. Ainsi, cette tendance à l’hyper vigilance l’a poussé à être plus attentif à son corps, à s’observer, à se scruter davantage. Nous avons aussi parlé d’apprentissage vicariant. La mère de Mr B est anxieuse et sujette aux attaques de panique. Son anxiété a sans doute été transmise par sa mère par apprentissage vicariant. Il est à noter également que sa compagne souffre également d’attaques de panique, elles-aussi récurrentes. La consommation quotidienne de caféine et de nicotine alliée un état de fatigue physique a sans doute été un facteur précipitant. L’excès de café, de nicotine, le manque de sommeil et son hyper activité (Mr B peut être amené à travailler de nombreuses heures en repoussant ses limites physiques) ont fragilisé l’organisme de Mr B. Ces éléments associés ont contribué à favoriser sa première attaque de panique. En effet, la caféine et la nicotine augmentent la vigilance, accélèrent le rythme cardiaque et peuvent favoriser les crises de panique. Mr B réunissait par conséquent toutes les conditions nécessaires à sa première attaque de panique. La réaction d’alarme de son corps a été mal interprétée et a généré une croyance catastrophique de danger. Le cercle vicieux a ainsi débuté. VI/ Lignes de base : Nous avons transmis un carnet de suivi (colonnes de Beck) au patient pour repérer la fréquence, la durée, l’intensité des attaques de panique et comprendre les facteurs (pensées, sensations, situations ou spontanées) déclenchant ses attaques de panique. Nous avons fait passer le questionnaire des cognitions agoraphobiques (QCA, Chambless). Ce questionnaire est utile pour travailler sur les croyances alarmistes de Mr B. Cet outil sera utile pour travailler sur la restructuration cognitive. Le questionnaire se subdivise en deux sous-scores mettant en évidence d’une part, les inquiétudes physiques et d’autre part, les inquiétudes sociales et comportementales. Les résultats montrent que Mr B se situe sur des inquiétudes physiques (peur de mourir, de faire une crise cardiaque) avec une cotation majoritairement « très souvent » et sur un item concernant 18
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