N.01 - UN COUP D'OEIL DES CHERCHEURS SUR L'ACTUALITÉ SCIENTIFIQUE - OCTOBRE - BIOUTILS

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UN COUP D’OEIL
     DES CHERCHEURS
      SUR L’ACTUALITÉ
       SCIENTIFIQUE

        OCTOBRE
          2017

     01
N.

        ÉVOLUTION
N. 01           PREFACE          PREFACE
OCTOBRE         ENSEIGNANTS
  2017        & CHERCHEURS:
              ENSEMBLE POUR        ENSEIGNANTS & CHERCHEURS:
ÉVOLUTION    UN ENSEIGNEMENT
                 MODERNE           ENSEMBLE POUR UN ENSEIGNEMENT
               DE LA BIOLOGIE
                     p. 1
                                   MODERNE DE LA BIOLOGIE
                ÉDITORIAL
                LA SCIENCE         Chères enseignantes,                                   décrites par les auteurs eux-mêmes, c’est-à-dire
              DE L’ÉVOLUTION       chers enseignants,                                     les chercheurs qui ont effectué la recherche.
                    p. 3                                                                  Un article éditorial rédigé par un scientifique local
                                   Le monde de la recherche académique repose             fournira également l’historique et le contexte des
                                   sur des faits qui sont constitués de données et de     publications. Enfin, une activité pratique, proposée
                BREAK #1           résultats. Ces informations sont diffusées au sein     parmi la liste des expériences BiOutils, permettra
            HOMO FLORESIENSIS      de la communauté scientifique par la rédaction de      de mieux comprendre la démarche scientifique
              PETITE ESPÈCE,       publications (ou articles) scientifiques.              sous-jacente.
             GRAND MYSTÈRE         Ces publications sont utilisées par les chercheurs     Les objectifs de break’d! sont (i) de fournir aux
                                   pour être à jour sur les avancées de la recherche      enseignants une formation continue liée à leurs
                   p. 6
                                   et aussi pour développer leurs propres expériences.    programmes éducatifs, (ii) d’offrir aux étudiants
                                   Même si la rédaction d’une publication peut            la possibilité de s’immerger dans l’actualité scien-
                 BREAK #2          prendre des années de travail, d’hypothèses, de dis-   tifique (iii) de favoriser les débats en classe et les
            LA RECETTE D’UN PLUS   cussions et d’expérimentations, les derniers déve-     discussions entre les enseignants et leurs élèves
                                   loppements technologiques et sociétaux nous ont        sur des sujets scientifiques (iv) de servir de point de
               GRAND CERVEAU
                                   menés à une situation où, toutes les 20 secondes,      départ pour la mise en place de webinaires théma-
                    p. 8           une nouvelle publication scientifique est produite.    tiques avec des chercheurs actifs.                        1
                                   En dehors du milieu académique, ces publications       Nous espérons que vous apprécierez le contenu
                 BREAK #3          sont également très importantes, non seulement         de ce magazine, fruit d’un effort commun entre
                                   pour les progrès technologiques qu’elles apportent,    enseignants et scientifiques, engagés pour l’ensei-
            COMMENT LES CHATS
                                   mais aussi pour les débats qu’elles favorisent à       gnement moderne de la biologie!
                ONT CONQUIS        différents niveaux, de l’élaboration de stratégies
             LE MONDE ANTIQUE      politiques à l’enseignement. Cependant, de tels        —–– Massimo Caine, coordinateur du projet
                    p. 10          articles sont souvent publiés par des journaux dont        BiOutils & TheScienceBreaker
                                   les abonnements sont coûteux et, même si ce n’est
                                   pas le cas (pour les journaux dits à accès libre),
                 BREAK #4
                                   le jargon de l’écriture scientifique empêche de bien
            LA VIE QUOTIDIENNE     comprendre ce qui a été réalisé par les chercheurs.
               DES HOMMES          Pour remédier à cette situation et soutenir l’ensei-
              DE NÉANDERTAL        gnement de la biologie moderne dans les classes,
                                   nous avons créé ce mini-magazine innovant et
                    p. 12
                                   facile à lire intitulé «break’d!».
                                   break’d! est édité et conçu par les plates-formes
             ACTIVITÉ BIOUTILS     de communication scientifique de l’Université de
              LA PHYLOGÉNIE        Genève, BiOutils et TheScienceBreaker. Le projet
                                   a été mis en place avec des enseignants locaux et le
               MOLÉCULAIRE
                                   Laboratorio Cultura Visiva de la Haute Ecole Spécia-
                   p. 14           lisée de Suisse Italienne (SUPSI). 6 mini-magazines
                                   seront produits et distribués, chacun abordant
                                   un sujet spécifique : évolution, biologie végétale,
                                   génétique, microbiologie (microbiote), microbiologie
                                   (résistance aux antibiotiques) et neurobiologie.
                                   Dans chaque mini-magazine, quatre publications
                                   scientifiques différentes seront vulgarisées et
ÉDITORIAL

LA SCIENCE
DE L’ÉVOLUTION

L’évolution est une discipline de la biologie où l’on      tion des virus ou de certaines bactéries au cours
cherche à comprendre les mécanismes qui                    des cycles d’épidémies. Avec de tels organismes,
expliquent la diversité du vivant et sa variation          il est possible d’observer les processus d’évolution
au cours du temps. Ces investigations peuvent se           et parfois même de les reproduire expérimenta-
situer à tous les niveaux d’organisation du vivant.        lement en laboratoire. Par contre, de nombreuses
On peut se poser une question d’évolution au               autres questions portent sur des temps beaucoup
niveau moléculaire, comme par exemple l’étude              plus longs et il devient impossible de tester
de l’évolution d’une protéine; ou bien au niveau des       les hypothèses par une expérimentation directe.
espèces, comme l’étude de l’évolution des singes           Les chercheurs doivent donc développer des
et de l’Homme (voir par exemple les breaks #1 et #2).      méthodes permettant de reconstituer des scéna-
Toute question en biologie doit inclure la compré-         rios sur les événements du passé et y apporter une
hension de son contexte évolutif. Comme l’affirmait        évaluation de leur plausibilité.
le biologiste de l’évolution Theodosius Dobzhansky         Jusque vers 1990, les chercheurs étudiaient
(1900-1975), «rien en biologie n’a de sens, si ce n’est    essentiellement les phénotypes, la morphologie
à la lumière de l’évolution».                              et les fossiles pour reconstruire l’évolution. Ce type
L’évolution des organismes peut être étudiée au            d’étude reste le seul possible si l’on s’intéresse à
niveau intra-spécifique, c’est à dire au niveau des        des espèces disparues que l’on ne connaît que sous
individus et des populations d’une même espèce.            forme de fossiles, comme dans l’étude de Argue
                                                                                                                     3
On s’intéressera par exemple aux allèles présents          et al. 2017 (voir le break #1). Depuis les années 1990,
dans une population et à leur abondance, que l’on          les méthodes de séquençage de l’ADN ont ouvert
comparera aux abondances des allèles d’une autre           de nouvelles possibilités qui ne cessent de croître
population.                                                et de nous surprendre avec les dernières technologies
Cela nous renseigne sur les échanges génétiques            de séquençage massif.
et le taux de migrants qui passent d’une population        Afin d’analyser ces séquences d’ADN chaque fois
à l’autre au cours des générations. Lorsque l’évolu-       plus abondantes, nous avons aujourd’hui plusieurs
tion est étudiée au niveau des processus intraspéci-       modèles qui décrivent comment celles-ci évoluent
fiques on parle souvent de «microévolution».               au cours du temps. Ces modèles permettent aux
Un exemple récent d’étude intra-spécifique,                phylogénéticiens de reconstruire les relations de
incluant des échantillons de représentant ayant            parenté entre espèces en analysant leurs séquences
vécu des milliers d’années en arrière, a montré            d’ADN et même en comparant leurs génomes.
que le chat domestique provient de populations             Ces modèles ne sont pas toujours parfaits et certains
du Proche Orient et d’Egypte. Ce nouvel ami de             biais peuvent conduire à des conclusions erronées
l’homme a ensuite entamé sa dispersion géogra-             même si la masse de données est importante.
phique dès le Néolithique, avec une accélération au        Les chercheurs développent donc des modèles
cours de l’Antiquité en suivant les routes commer-         de plus en plus réalistes ou, comme dans mon labora-
ciales maritimes et terrestres (voir le break #3).         toire, des méthodes pour trier les données qui
Par opposition, lorsque l’on étudie les processus          évoluent selon les modèles disponibles actuellement
évolutifs entre espèces, on parle alors de «macroé-        (Rivera-Rivera et Montoya-Burgos, 2016).
volution». C’est le cas de l’étude de DeCasien et          Le champ de l’évolution couvre également des
al. 2017 (voir le break #2) qui s’intéresse aux facteurs   questions sur les causes qui ont conduit aux formes
expliquant l’évolution de la taille du cerveau chez        et aux fonctions des organismes d’aujourd’hui.
différentes espèces de primates.                           Des méthodes de modélisation statistique, parfois
En évolution, certaines questions couvrent un              développées dans d’autres domaines scientifiques,
temps évolutif court, comme par exemple l’évolu-           sont adaptées à l’étude de l’évolution.
80000                                                                                                  Les modèles statistiques de régression linéaire           dans un échantillon de dent d’un homme du Néan-
                                                                                                                                    multiples sont de plus en plus utilisés, mais ils         dertal est interprétée comme une évidence que
                                                                                                                                    doivent tenir compte d’une possible co-variation          les Néandertaliens connaissaient et faisaient usage
                                                                                                                                    associée aux liens de parenté entre espèces               de ce champignon comme antibiotique.
                                                                                                                                    (phylogénie). Cette méthode a été utilisée dans           En effet, nous savons aujourd’hui que de nombreuses
                             70000                                                                                                  l’étude de DeCasien et al. 2017 (voir le break #2),       espèces du genre Penicillium produisent des
                                                                                                                                    afin d’évaluer deux hypothèses pouvant expliquer          antimicrobiens dont la pénicilline. Mais, sachant que
                                                                                                                                    les différences de taille du cerveau chez les primates.   les champignons du genre Penicillium se déve-
                                                                                                                                    La première hypothèse propose que le régime               loppent sur toutes sortes de matières organiques,
                                                                                                                                    alimentaire soit le facteur principal déterminant         les restes de Penicillium rubens retrouvés dans
                             60000                                                                                                  la taille du cerveau. La deuxième hypothèse,              la bouche d’un Néandertalien pourraient provenir
                                                                                                                                    appelée l’hypothèse du cerveau social, stipule            simplement d’une ingestion involontaire accompa-
                                                                                                                                    qu’un comportement social plus complexe conduit           gnant d’autres aliments.
                                                                                                                                    à l’augmentation de la taille du cerveau.                 Il est clair que l’évolution, en tant que discipline de
                                                                                                                                    Ces auteurs concluent que, en plus du rôle joué par       la biologie, couvre un champ très vaste en termes
                             50000
                                                                                                                                    la taille du corps (plus une espèce est grande,           de questions abordées, de collecte de données,
    Nombre de publications

                                                                                                                                    plus son cerveau est grand), le régime alimentaire        d’approches méthodologiques et technologiques,
                                                                                                                                    participe à expliquer les variations de taille du         de savoir-faire. Cette discipline est en fait un
                                                                                                                                    cerveau entre espèces, et pas le niveau de complexité     domaine multidisciplinaire très riche. L’évolution
                                                                                                                                    sociale. Si l’on regarde plus attentivement les           montre, depuis quelques décennies, un essor scien-
                             40000
                                                                                                                                    résultats, on remarque que le régime alimentaire          tifique considérable, au même titre que la géné-
                                                                                                                                    explique une toute petite fraction de la variation        tique, comme le montre la progression du nombre
                                                                                                                                    de la taille du cerveau (moins de 0.2%) et ce résultat    de publications scientifiques dans ce domaine
                                                                                                                                    n’est que marginalement significatif.                     (Figure 1).
                             30000                                                                                                  Toutefois, le plus intéressant et convaincant dans
                                                                                                                                    cette étude est la réfutation de l’hypothèse du
                                                                                                                                    cerveau social. Comme dans beaucoup d’études en
                                                                                                                                    évolution, il faut poursuivre les investigations afin
                                                                                                                                    d’apporter une explication plus complète sur les
4                            20000                                                                                                  raisons qui ont fait augmenter la taille du cerveau                                                                 5
                                                                                                                                    chez certaines lignées de primates.
                                                                                                                                    L’analyse de l’ADN a ouvert des possibilités extraor-
                                                                                                                                    dinaires dans l’étude de nombreuses questions
                                                                                                                                    en évolution. Non seulement nous pouvons
                             10000                                                                                                  analyser les séquences d’ADN d’espèces actuelles
                                                                                                                                    pour reconstruire l’histoire évolutive passée,
                                                                                                                                    mais nous pouvons également extraire et analyser
                                                                                                                                    l’ADN présent dans des échantillons de peau ou
                                                                                                                                    d’ossements très anciens, jusqu’à plus de 700’000
                                 0
                                                                                                                                    ans. Cependant, extraire et analyser de l’ADN ancien
                                                                                                                                    est très délicat. En particulier, démontrer qu’une
                                                                                                                                    séquence d’ADN provient bien de l’échantillon ancien
                                     ’71 – ’80   ’81 – ’90               ’91 – ‘00               ’01 – ‘10               ’11– ‘17
                                                                                                                                    et non pas d’une contamination récente est
                                                                        Périodes                                                    chose difficile. Par exemple, dans l’article de Weyrich     A PROPOS DE L’AUTEUR:
                                                                                                                                    et al. 2017 (voir le break #4) sur l’analyse du régime
                                                                                                                                    alimentaire et du microbiome buccal de l’Homme              Nom
        Figure 1                                        Recherche par mots clés:                             Cancer                 du Néandertal, la présence sur une dent de restes           Juan I. Montoya-Burgos, PhD
        Progression du nombre de publica-               Biology plus l’un des termes suivant:                Genetics               de deux espèces de champignons infestant typi-
        tions scientifiques dans différents             cancer*; genetic*; evolution* addi-                  Evolution+Phylogeny    quement les céréales, sans trouver de telles plantes        Position
        domaines de la biologie. Recherche              tionné des résultats pour phylogen*;                 Neuro                  dans l’échantillon, mérite réflexion.                       Responsable de groupe
        faite dans la base de données de                neuro*; physiolog*; ecolog*; deve-                   Physiology             D’autant plus que les auteurs placent ces espèces           et Chargé d’enseignement
        «Web of Science Core Collection».               lopmental*; marine*; immunolog*;                     Ecology                de champignons dans la liste des contaminants
        (https://appswebofknowledge.com)                microbiolog*.                                        Developmental          possibles d’origine actuelle. D’autre part, l’interpré-     Institution
                                                                                                             Marine                 tation des résultats provenant d’échantillons               Université de Genève
                                                        Le symbole * (astérisque) permet                     Immunology             humains anciens doit rester objective, sans y inclure       Genève, Suisse
                                                        d’ajouter n’importe quelle terminaison               Microbiology           des visions trop anthropocentriques. Par exemple,
                                                        au mot.                                                                     la présence du champignon Penicillium rubens
BREAK #1                                                                                                                          PUBLICATION                           Titre                                    Journal
                                                                                                                                                                            The affinities of Homo                   Journal of Human Evolution
                                                                                                                                      ORIGINALE
                                                                                                                                                                            floresiensis based                       Année

    HOMO FLORESIENSIS                                                                                                                                                       on phylogenetic analyses
                                                                                                                                                                            of cranial, dental,
                                                                                                                                                                                                                     2017

    PETITE ESPÈCE, GRAND MYSTÈRE                                                                                                                                            and postcranial characters.

    Un nouveau type d’humain, Homo floresiensis, a été                 réponse évolutive à un approvisionnement alimen-               ne sont pas du tout liés. Dans des tests additionnels
    découvert par surprise en 2003 par une équipe                      taire limité et, à l’inverse, le corps pourrait être plus      que nous avons menés, nous n’avons pas trouvé             A PROPOS DE L’AUTEUR:
    d’archéologues australo-indonésiens qui essayait                   grand en absence de prédation. L’Homo erectus                  de preuve statistique en faveur d’une relation phylo-
    de découvrir les origines des premiers Australiens.                est la seule espèce d’hominidés connue d’Indonésie.            génétique proche entre ces deux espèces.                  Nom
    Ils se sont concentrés sur la grotte de Liang Bua, sur             Elle est beaucoup plus grande que l’Homo floresiensis          L’Homo floresiensis était une population relique          Debbie Argue, PhD
    l'île de Flores, en Indonésie. Au lieu de trouver des              et a vécu à Java il y a 1,5 millions d’années.                 descendue d’un lignage inconnu de petits hominidés
    os d’hommes modernes, ils ont fait une découverte                  Il n’existe pas de traces d’Homo erectus à Flores,             datant d’environ 2 millions d’années, qui a vécu          Position
    sans précédent. Dans les profondeurs de l’excavation               mais il est vrai que Flores est relativement inconnue          à un demi-monde de distance. Cela signifierait que        Chercheuse postdoctorale
    se trouvaient les os d’un grand nombre d’individus                 au niveau archéologique.                                       la diffusion des hominidés hors de l’Afrique a eu
    très différents et très petits, datant de 60’000                   2) Que l’Homo floresiensis était issu d’un lignage             lieu plus tôt que ce que nous pensions et nous            Institution
    à 100’000 ans. Ces os représentent une nouvelle                    précoce d’Homo, similaire aux espèces connues                  entrevoyons maintenant la perspective excitante de        Australian National University
    espèce appelée Homo floresiensis.                                  d’il y a environ 2 millions d’années en Afrique et qui         trouver, un jour, l’Homo floresiensis en Afrique.         Canberra, Australie
    14 ans après, nous en connaissons beaucoup plus sur                étaient relativement petites. Ceci impliquerait
    cet Homo floresiensis. Les individus étaient petits                qu’une population fondatrice inconnue d’hominidés
    (environ 1 mètre de hauteur), ils avaient un petit                 archaïques est arrivée à Flores. Jusqu’à très récem-
    cerveau de 426 cm3 (le nôtre mesure en moyenne                     ment, nous n’avions pas d’indication qu’une espèce
6   entre 1'300 et 1'500 cm3) et des fronts inclinés vers              de petits hominidés soit arrivée à Flores. Mais en                                                                     Ce texte est une traduction du break «Homo floresiensis – little     7
    l’arrière. Pourtant, ils possédaient un cortex frontal             2016, des archéologues ont découvert à Mate Menge                                                                      species, big mystery» écrit à l’origine par Debbie Argue et publié
                                                                                                                                                                                              sur TheScienceBreaker (https://doi.org/10.25250/thescbr.
    étendu. Cela signifie qu’ils pouvaient faire des choses            (à environ 74 km de la grotte de Liang Bua) la mâ-
                                                                                                                                                                                              brk059). Ce texte est mis à disposition selon les termes de la
    intelligentes telles que planifier, apprendre de leurs             choire partielle d’un individu adulte, similaire à celle
                                                                                                                                                                                              Licence Creative Commons CC BY-SA 4.0
    erreurs et transmettre des informations de généra-                 de l’Homo floresiensis bien que plus petite, ainsi
    tion en génération. Ils n’avaient pas de menton mais               que quelques dents qui datent d’environ 700’000 ans.
    des structures similaires à celles des singes à l’inté-            Nous avons testé les deux hypothèses en comparant
    rieur de la mâchoire. Les os du poignet étaient                    les caractéristiques du crâne, des mâchoires, des
    eux aussi similaires à ceux des singes. Les bras étaient           dents, des épaules, des bras et des jambes de l’Homo
    relativement longs et leurs épaules étaient haussées               floresiensis avec celles de l‘Australopithecus
    et penchées en avant. Cette espèce marchait de-                    afarensis, A. africanus, A. sediba, H. habilis, H. ergaster,
    bout, mais sa marche avait probablement une allure                 H. georgicus, H. naledi, H. erectus, H. floresiensis
    étrange puisque ses pieds étaient plutôt longs par                 et H. sapiens. C’est la première fois que la «question
    rapport aux jambes. Ils devaient lever les pieds plus              H. floresiensis» était abordée en utilisant une
    haut que nous pour les séparer du sol.                             approche de type «corps entier». Les travaux les plus
    Le mystère est donc : quelle est la place de cette                 anciens s’étaient concentrés sur le crâne, les mandi-
    espèce dans l’arbre de l’évolution humaine? Deux                   bules et les dents.
    hypothèses ont été proposées au départ :                           Nos résultats ont montré que l’Homo floresiensis
    1) Que l’Homo floresiensis était le descendant nain                et l’Homo habilis étaient étroitement liés. L’espèce
    d’une population d’Homo erectus qui a évolué sous                  Homo habilis, connue seulement en Afrique,
    des conditions d’isolement sur une petite île                      date d’environ 1,4 à 1,8 millions d’années. L’Homo
    (la «règle de l’île»). La «règle de l’île» stipule que la taille   floresiensis et l’Homo habilis sont des «espèces
    corporelle des mammifères est altérée lorsqu’une                   sœurs» dans notre arbre phylogénétique, ce qui
    population fondatrice atteint une île, se sépare                   signifie que vraisemblablement ils partageaient un
    sur le plan reproductif de son groupe d’origine conti-             ancêtre commun immédiat. De l’autre côté, l’Homo
    nentale et fait face à un environnement différent                  erectus est une espèce sœur de l’africain de l’Est,
    de celui de ses cousins continentaux. Par exemple,                 Homo ergaster, datant de 1,5 millions d’années.
    une taille corporelle plus petite pourrait être la                 C’est à dire que l’Homo floresiensis et l’Homo erectus
BREAK #2                                                                                                                PUBLICATION                           Titre                                     Journal
                                                                                                                            ORIGINALE                             Primate brain size                        Nature Ecology & Evolution
                                                                                                                                                                  is predicted by diet                      Année

    LA RECETTE D’UN PLUS                                                                                                                                          but not sociality                         2017

    GRAND CERVEAU

    Il existe des centaines d’espèces de primates disper-      énergétiques liés au fait d’avoir un grand cerveau.          espèces qui cohabitent dans des groupes plus
    sées sur toute la surface du globe, qui varient            Pourtant, au cours des dernières décennies, l’hypo-          nombreux n’ont pas de cerveau de taille relativement       A PROPOS DE L’AUTEUR:
    significativement à la fois en termes de taille du cer-    thèse prédominante était que le développement                supérieure et que les divers systèmes d’accouple-
    veau et d’intelligence. Si l’on regarde les extrêmes,      d’un plus grand cerveau chez les primates résultait          ment n’expliquent pas les différences dans la taille       Nom
    les grands singes (nos parents vivants les plus            d’une complexité sociale accrue - ou hypothèse               relative du cerveau d’une espèce à l’autre.                Alexandra R. DeCasien
    proches) ont un cerveau légèrement plus grand que          du cerveau social. Les chercheurs ont étayé cette            Ces constatations n’ont pas seulement réfuté les
    celui des nouveau-nés humains, tandis que les              hypothèse avec des études montrant que les                   principales prédictions de l’hypothèse du cerveau          Position
    lémuriens microcèbes ont un cerveau qui mesure             espèces de primates qui cohabitent dans des groupes          social, mais elles ont aussi renforcé les idées plus       Doctorante
    moins de 1/100e de cette taille. Bien que quelques         plus nombreux ont un cerveau relativement plus               anciennes sur l’influence de l’alimentation dans
    espèces soient très innovantes, qu’elles aient une forte   grand. D’autres études ont aussi affirmé que les es-         l’évolution du cerveau des primates. Étant donné           Institution
    capacité à se contrôler, présentent une mémoire            pèces avec les systèmes sociaux les plus complexes           que les primates font souvent face à des défis             New York University
    spatiale impressionnante et/ou utilisent de nombreux       devaient avoir un cerveau relativement plus grand.           écologiques au sein de contextes sociaux, vraisem-         New York, USA
    outils variés, beaucoup d’autres espèces ne possèdent      Toutefois, les études divergeaient sur la question           blablement les pressions sélectives des environ-
    pas ces capacités.                                         de déterminer si les espèces monogames ou les                nements physique et social ont affecté l’évolution
    Beaucoup d’hypothèses ont été formulées pour               polygynandres (multi-mâles, multi-femelles) pos-             de leur cerveau.
    tenter d’expliquer pourquoi certaines espèces ont          sèdent des systèmes plus complexes et des cerveaux           Quant à nous, humains, il est plus difficile de déter-
8   développé un cerveau volumineux, notamment                 relativement plus grands.                                    miner ce qui a conduit initialement à l’évolution        Ce texte est une traduction du break «Food for thought: recipe     9
    celles dont le cerveau est plus grand que prévu par        Nous tenions à résoudre les contradictions suivantes         de nos énormes cerveaux, mais les résultats de notre     for bigger brains» écrit à l’origine par Alexandra R DeCasien et
                                                                                                                                                                                     publié sur TheScienceBreaker (https://doi.org/10.25250/thescbr.
    rapport à la taille de leur corps. Les animaux ayant un    avec une nouvelle étude. D’abord, l’alimentation             étude suggèrent que l’alimentation aurait joué un
                                                                                                                                                                                     brk058). Ce texte est mis à disposition selon les termes de la
    corps plus grand ont tendance à avoir un plus grand        ou la socialité (ou les deux), expliquent-elles les          rôle au moins aussi important que celui des facteurs
                                                                                                                                                                                     Licence Creative Commons CC BY-SA 4.0
    cerveau parce qu’ils requièrent plus de puissance          différences dans la taille relative du cerveau parmi         sociaux. L’évolution humaine est marquée par
    de traitement pour maintenir et contrôler leurs            les primates? Deuxièmement, les espèces ayant                une augmentation de la consommation de viande
    fonctions corporelles. Une partie de ce qui rend les       certains systèmes d’accouplement ont-elles un cer-           et fruits de mer, qui ne sont pas seulement des
    humains uniques est le fait que nous ayons le plus         veau relativement plus grand que celui des espèces           aliments de haute qualité, mais dont la technologie
    grand cerveau relativement à la taille de notre corps      utilisant d’autres systèmes? Le problème principal           nécessaire pour les chasser et les préparer exige
    (ou taille relative du cerveau). Notre cerveau est         semblait être le fait que peu d’espèces (soit moins          des compétences cognitives plus complexes.
    toutefois loin d'être parmi les plus volumineux du         de 50) avaient été incluses dans la plupart des plus         Il est possible que la sélection d’une intelligence
    règne animal – pensons, par exemple, aux éléphants         anciennes études et donc nous avons recueilli                technologique liée à l’obtention de ce type d’aliments
    ou aux baleines.                                           des données de plus de 140 espèces de primates.              soit arrivée en premier, avec des changements
    Les premières hypothèses sur ce qui aurait pu conduire     De même, nous avons utilisé les techniques statis-           neurologiques associés qui ont fourni un échafau-
    au développement d’un cerveau relativement                 tiques les plus récentes pour voir si cela avait un impact   dage pour le développement ultérieur de compéten-
    plus grand chez certaines espèces portaient sur            sur les résultats. Nous n’avons pas inclus les humains       ces sociales complexes.
    l’alimentation. La plupart des espèces de primates         dans notre étude, car notre cerveau est excep-
    mangent essentiellement des fruits ou des feuilles         tionnellement grand et nous n’avons ni une taille
    et quelques-unes y incorporent également des               moyenne pour nos groupes, ni un système d’accou-
    insectes ou de petits animaux. Puisque les fruits          plement clair (les sociétés humaines ne considèrent
    sont regroupés dans le temps et l’espace et doivent        pas toutes la monogamie comme étant la norme).
    souvent être extraits de leur peau protectrice, les        Nous avons découvert que les espèces de primates
    chercheurs ont suggéré que la consommation                 qui consomment des aliments de meilleure qualité
    de fruits pouvait demander une complexité et une           et plus difficiles à trouver, comme les fruits et/ou
    flexibilité cognitives plus grandes que celles de la       de petits animaux, ont un cerveau relativement
    consommation de feuilles. De plus, les fruits sont une     plus grand que celles qui mangent des feuilles, une
    source d’alimentation relativement plus riche, qui         source d’alimentation abondante et de moindre
    pourrait aider à compenser quelques-uns des coûts          qualité. D'ailleurs, nos résultats indiquent que les
BREAK #3                                                                                                               PUBLICATION                             Titre                                    Journal
                                                                                                                            ORIGINALE                               The palaeogenetics                       Nature Ecology & Evolution
                                                                                                                                                                    of cat dispersal                         Année

     COMMENT LES CHATS ONT                                                                                                                                          in the ancient world                     2017

     CONQUIS LE MONDE ANTIQUE

     Quand les animaux ont été domestiqués, ils ont acquis       10’000 dernières années et retrouvées en Europe,           réserves de nourriture et les cordes des rongeurs.
     une protection contre la famine, les prédateurs             en Asie du Sud-Ouest et en Afrique du Nord.                Ils étaient peut-être aussi récompensés par d’autres        A PROPOS DES AUTEURS:
     et les maladies, mais ont perdu leur liberté. Ceci est      Le profil phylogéographique des chats a changé             mets plus délicieux, comme le poisson.
     très bien illustré par l’exemple du chien, premier          après la période de néolithisation, ce qui confirme        Par conséquent, les chats semblent avoir conquis            Nom
     animal à avoir été domestiqué et qui est très différent     l’hypothèse selon laquelle le déplacement d’animaux        le monde par la mer – une conclusion à laquelle             Eva-Maria Geigl, PhD ;
     de son ancêtre le loup en matière de comportement,          généré par les agriculteurs du Néolithique est             nous n’aurions pas pu arriver sans l’analyse de tant        Thierry Grange, PhD
     de morphologie et de physiologie, cela est aussi            le signe d’un processus de domestication précoce.          d’échantillons!
     visible à l’examen de son génome. Mais qu'en est-il         En effet, la lignée anatolienne de l’ancien chat sauvage   Nous avons aussi pu ajouter une pièce supplémen-            Position
     du chat domestique qui, dans de nombreux cas,               F.s. lybica a également été retrouvée dans des restes      taire au puzzle de l’histoire de la domestication des       Directeurs de recherche
     est encore difficile à distinguer des chats sauvages,       plus récents provenant du sud-est de l’Europe              chats en analysant le motif de leur pelage: tandis
     même au niveau génomique, et dont le comporte-              ainsi que du sud-ouest de l’Asie, où l’on sait, grâce      que tous les chats sauvages sont rayés, beaucoup de         Institution
     ment n’est pas non plus très différent de ces derniers?     à des données archéologiques, que des agriculteurs         chats domestiques sont au contraire tachetés.               Université Paris Diderot
     Il ressort de l’analyse de l’ADN mitochondrial des          anatoliens avaient émigré ultérieurement.                  Selon nos échantillons, le gène responsable de ce           Paris, France
     chats modernes que tous les chats domestiques,              De nombreux archéologues ont été pendant long-             motif est apparu après le 13ème siècle de notre ère
     même les errants, sont issus du chat sauvage                temps convaincus que le chat avait été domestiqué          et s’est répandu depuis l’Asie Mineure vers tout
     nord-africain F.s. lybica, également présent dans           en Égypte en raison du rôle particulier qu’ils avaient     l’Empire Ottoman. Ceci est une preuve en faveur de
10   le sud-ouest de l’Asie. Il s'agit de la région où les hu-   joué dans l’Égypte ancienne. Cela avait été déduit         l’hypothèse selon laquelle les chats n’ont pas beau-                                                                         11
     mains ont commencé, durant le Néolithique, à                de l’observation de tombes et de statues, mais aussi       coup évolué depuis le début de leur cohabitation          Ce texte est une traduction du break «How cats conquered
     domestiquer les plantes, à se sédentariser et à cultiver.   de descriptions d’écrivains gréco-romains comme            avec l'homme, mais qu'ils ont plutôt continué à être      the Ancient world: a 9,000-years DNA tale» écrit à l’origine par
                                                                                                                                                                                      Eva-Maria Geigl et Thierry Grange et publié sur TheScience-
     Ils ont aussi commencé à domestiquer les animaux            Hérodote. De fait, jusqu’à présent, l'abondante            des chasseurs indépendants, presque sauvages,
                                                                                                                                                                                      Breaker (https://doi.org/10.25250/thescbr.brk062). Ce texte
     qu’ils chassaient et mangeaient, comme le mouton,           iconographie égyptienne constituait la source la           à la seule différence qu'ils ne fuient pas les humains.   est mis à disposition selon les termes de la Licence Creative
     la chèvre et le cochon. La découverte archéologique         plus importante d’informations sur la place prépon-                                                                  Commons CC BY-SA 4.0
     d’un squelette de chat dans la tombe d’un enfant            dérante allouée aux chats dans l’Égypte ancienne,
     datant d’environ 9'500 ans à Chypre suggère que ce          où ils étaient adorés et vénérés. En raison de ce statut
     sont les premiers agriculteurs du Néolithique qui ont       particulier, nous n’avons pas été très surpris de dé-
     apporté le chat avec eux. Cela suggère également            couvrir une lignée mitochondriale particulière dans
     que les chats avaient déjà été attirés dans l’environ-      des restes de chats provenant d’Egypte datant du
     nement humain à cette époque, vraisemblablement             1er millénaire avant notre ère. Nous avons par contre
     par l’intermédiaire des rongeurs qui prospéraient           été étonnés de voir cette lignée se répandre très
     dans les réserves de céréales accumulées par les            rapidement et efficacement à d’autre lieux, en l’espace
     agriculteurs sédentarisés (pour la première fois dans       de quelques siècles, y compris jusqu’à un site viking
     l'histoire de l'humanité) dans la région du Croissant       sur la mer Baltique. A l’époque romaine, la lignée
     fertile. Les rongeurs détruisaient les récoltes non         indigène n'était plus majoritaire en Asie Mineure,
     seulement en s’en nourrissant, mais aussi en                mais avait été surpassée par la lignée égyptienne.
     les polluant avec leurs excréments. De plus, ils            En outre, nous avons découvert la lignée mitochon-
     rongeaient les matières organiques, comme celles            driale du chat sauvage d’Asie centrale et du sud dans
     constituant les cordes des bateaux ou les pièces            des restes provenant d’un port romain en Égypte.
     en cuir des armes. Les chats chassaient ces animaux         Ce port, situé sur la mer Rouge, était connu pour ses
     et libéraient ainsi les agriculteurs des nuisibles          liens commerciaux très étroits avec l’Inde.
     et d’autres espèces venimeuses. Une relation s’est          En regroupant ces différents indices, nous sommes
     donc établie, qui apportait des bénéfices aux deux          arrivés à la conclusion que la dispersion des chats
     parties. Nous avons effectué une analyse paléo-             a dû avoir lieu principalement par bateau, sur
     génétique de l’ADN mitochondrial issu des traces            lesquels ils embarquaient eux-mêmes ou alors
     archélogiques de plus de 300 chats, datant des              étaient emmenés par les marins pour protéger les
BREAK #4                                                                                                              PUBLICATION                                     Titre                                    Journal
                                                                                                                           ORIGINALE                                       Neanderthal behaviour, diet,             Nature
                                                                                                                                                                           and disease inferred                     Année

     LA VIE QUOTIDIENNE                                                                                                                                                    from ancient DNA in dental
                                                                                                                                                                           calculus.
                                                                                                                                                                                                                    2017

     DES HOMMES DE NÉANDERTAL

     Les Néandertaliens sont nos plus proches parents            de l’individu de Spy a montré qu’il consommait ce         du microbiome, qui joue un rôle clé dans la santé et                   peu plus qu’humains et hommes de Néandertal
     évolutivement parlant. Ils ont disparu depuis environ       qu’on peut attendre d'un chasseur de l’Âge de Pierre:     le développement de maladies et se transmet de                         interagissaient directement entre eux.
     40’000 ans, mais ont vécu en Europe et en Asie              des rhinocéros laineux et des moutons, accom-             manière verticale. Bien qu’ils ne soient pas situés sur                L’image que nous avons des hommes de Néandertal
     Occidentale, où ils ont cohabité et se sont reproduits      pagnés de champignons. De son côté, le tartre des         la même lignée évolutive, les anciens humains et                       comme d’un groupe complexe et intelligent
     avec les humains. Malgré leur étonnante ressem-             individus d’El Sidron ne contenait aucune trace           les hommes de Néandertal ont échangé au moins                          est de plus en plus claire. L’ADN ancien issu de leurs
     blance physique et génétique avec nous, humains,            de viande et a plutôt révélé un régime composé de         un micro-organisme. Le génome complet d’une                            calculs dentaires a permis de déduire qu’il y avait
     notre compréhension de leur mode de vie est                 champignons, de pignons de pin, de mousse                 archée responsable d’une maladie des gencives                          des différences de régimes alimentaires entre
     limitée. Qui étaient donc nos énigmatiques cousins          de forêt et de peuplier. Cela dresse un portrait des      (Methanobrevibacter oralis) a été reconstruit à partir                 différents groupes d’hommes de Néandertal et de
     génétiques?                                                 Néandertaliens et de leur capacité à s’adapter à leur     des calculs dentaires d’un homme de Néandertal.                        conclure qu’ils avaient connaissance de l’automé-
     Connaître le régime alimentaire d’un groupe ancien          environnement et à survivre en utilisant des ressources   Ce génome était celui d’une sous-espèce de celle                       dication. Le transfert d’au moins un pathogène
     peut nous éclairer sur de nombreux aspects de               variées. Mais l’ADN retrouvé dans le tartre n’a pas       rencontrée dans les bouches humaines, ce à quoi                        oral indique également que nos ancêtres et nos cou-
     leur vie quotidienne. Les aliments qu’ils consom-           seulement fourni des indices sur ce que ces individus     l’on pouvait s’attendre étant donné qu’humains et                      sins génétiques entretenaient des relations sociales.
     maient donnent une idée de la façon dont ils intera-        mangeaient quand ils s’asseyaient pour dîner.             hommes de Néandertal sont eux-mêmes des                                Cette étude apporte de nouvelles informations
     gissaient avec leur milieu. Comprendre la manière           Contrairement au stéréotype de brutalité associé au       espèces différentes (ou sous-espèces). Toutefois, les                  sur l’image toujours plus humaine que nous avons
     dont ils exploitaient et géraient leur environnement        Néandertalien, l’individu de Spy semble avoir été         sous-espèces d’archées ont divergé alors que                           des hommes des cavernes.
     donne ensuite un aperçu de leurs connaissances,             capable d’auto-médication, un comportement                les humains et les hommes de Néandertal formaient
12   ainsi que des outils et structures sociales qu’ils ont pu   complexe qui nécessite la compréhension des effets        déjà deux espèces différentes. On ne peut que                                                                                   13
     mettre en place. Sur un plan plus individuel,               de plusieurs ressources spécifiques. Il souffrait vrai-   spéculer sur la manière dont ce transfert a eu lieu:
     la nourriture constitue un aspect central de la vie         semblablement d’un abcès dentaire (identifiable           par l’intermédiaire de l’environnement, du partage
     quotidienne et savoir ce qu’une personne a mangé            d’après l’observation de sa mâchoire) et de parasites     d’outils, ou même du baiser. En tout cas, un transfert
     peut nous aider à voir le monde à travers ses yeux.         intestinaux (dont l’ADN a été identifié à partir          a bel et bien eu lieu, ce qui démontre encore un
     Une nouvelle méthode a récemment été développée             des calculs dentaires) et se soignait en utilisant de
     pour recueillir des traces de l’alimentation d’un           l’aspirine et des antibiotiques. Les sources naturelles
     individu directement à partir de ses calculs dentaires.     de ces médicaments modernes ont été identifiées
     Ces dépôts qui s’accumulent sur les dents, souvent          grâce à ses calculs dentaires. Cet individu avait             A PROPOS DE L’AUTEUR:
     ignorés, ont permis de donner un nouvel éclairage           en effet mangé des produits issus du peuplier, conte-
     sur les hommes de Néandertal.                               nant de l’acide salicylique (un analgésique consti-           Nom
     Les calculs dentaires, aussi appelés tartre, sont une       tuant le principe actif de l’aspirine) et une espèce          Andrew Farrer
     couche calcifiée de plaque dentaire. La plaque              de champignon appelée Penicillium, productrice
     dentaire est une couche de microbes légèrement              d'antibiotiques.                                              Position
     collante qui se développe sur les dents. De petits          Évidemment, les humains vont eux aussi utiliser ces           Doctorant
     fragments de tout ce qui passe dans la bouche               ressources à travers les âges, jusqu’à culminer avec
     peuvent se retrouver bloqués sur la plaque collante         les médicaments modernes de nos jours. Le fait                Institution
     et être préservés pendant la calcification. On a retiré     de savoir que les néandertaliens utilisaient déjà ces         The University of Adelaide
     le tartre des dents de trois hommes de Néandertal           ressources devrait contribuer à détruire le stéréotype        Adelaide, Australie
     retrouvés pour l’un dans la grotte de Spy en Belgique       de l’homme de Néandertal rustre et le remplacer
     et pour les deux autres dans la grotte d’El Sidron          par une appréciation nuancée de ses compétences.
     en Espagne. Puis, en utilisant une technique appe-          Alors que les similitudes comportementales entre
     lée métagénomique, tout l’ADN conservé dans                 humains et homme de Néandertal deviennent de
     les calculs dentaires a été récupéré et utilisé pour        plus en plus évidentes, ce sont les micro-organismes      Ce texte est une traduction du break «The daily life of Neandertals»
     identifier ces petits fragments, offrant un aperçu          qui indiquent précisément ce qui a changé.                écrit à l’origine par Andrew Farrer et publié sur TheScienceBreaker
                                                                                                                           (https://doi.org/10.25250/thescbr.brk061). Ce texte est mis à
     direct de l’alimentation néandertalienne.                   Comme nous l’avons mentionné, les calculs dentaires
                                                                                                                           disposition selon les termes de la Licence Creative Commons CC
     Les régimes alimentaires des deux régions étaient           sont composés principalement de micro-orga-
                                                                                                                           BY-SA 4.0
     significativement différents. L’ADN retrouvé à partir       nismes. Cette communauté microbienne fait partie
ACTIVITÉ BIOUTILS                                                                                               NOTES

     LA PHYLOGÉNIE MOLÉCULAIRE

     Sous forme de démonstration, cette expérience          Expérience mise en place par l’Ecole de l’ADN
     permet d’illustrer les principes de variation de sé-   de Nîmes
     quences et de distance génétique entre les orga-
     nismes pour construire un arbre phylogénétique.        Mots clés
                                                            Phylogénie, évolution, classification, génotype,
     L’expérience                                           électrophorèse, RFLP.
     La phylogénie moléculaire vient compléter les mé-
     thodes traditionnelles de classification basées sur    Pour aller plus loin…
     l’observation des caractéristiques morphologiques
                                                            Vous pouvez lire le protocole expérimental complet
     et anatomiques. Cette méthode repose sur l’ana-
                                                            et réserver le matériel sur www.bioutils.ch/protocoles
     lyse et la comparaison de courtes séquences d’ADN
                                                            / 19-phylogenie-moleculaire
     afin d’établir un arbre phylogénétique. Dans cette
     démonstration, vous allez comparer les ADN de 4
                                                            Matériel
     différentes espèces de primates.
                                                            •   ADN humain           • Marqueur de taille
                                                            •   ADN de gorille         (électrophorèse)
                                                            •   ADN de chimpanzé     • Système
                                                            •   ADN d'orang-outan      d’électrophorèse
                                                                                       portable
                                                                                     • E-gel 1,2%

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         Gorille

               Chimpanzé

                     Homme

                            Orang–outan
NOTES   Crédits                              Responsable
        Le contenu de cette édition          de la publication
        de break’d! a été édité par la       Prof. Patrick Linder, UNIGE
        plateforme de communication
        en Sciences de la vie BiOutils       Comité éditorial
        (Université de Genève), en           Massimo Caine, UNIGE
        collaboration avec la plateforme     Dr. Karl Perron, UNIGE
        d’édition pour le grand public       Dr. Pierre Brawand, DIP
        TheScienceBreaker (Université
        de Genève), et l’enseignant          Sélection des articles
        Dr. Pierre Brawand (Collège          Massimo Caine
        Rousseau, Département de             Dr. Karl Perron
        l’instruction publique, Genève).     Dr. Pierre Brawand
        Le design visuel du mini-maga-
        zine a été développé par le          Rédaction des articles
        Laboratorio cultura visiva (Scuola   Dr. Debbie Argue
        universitaria professionale          Alexandra R. DeCasien
        della Svizzera italiana, SUPSI).     Dr. Eva-Maria Geigl
        Le projet a été financé par          Dr. Thierry Grange
        le Fonds national suisse de la       Andrew Farrer
        recherche scientifique (Agora).
                                             Édition des articles
                                             Massimo Caine

                                             Traduction des textes
                                             TranslationBunny
                                             - Bunny Inc.
                                             Verena Ducret
                                             Aurélia Weber
                                             Margot Riggi

                                             Rédaction de l’éditorial
                                             Dr. Juan I. Montoya-Burgos

                                             Conception et
                                             réalisation graphique
                                             Giancarlo Gianocca
                                             Laboratorio cultura visiva, SUPSI

                                             Avec le soutien
                                             du laboratoire du
                                             Dr. Karl Perron et
                                             de l’équipe de BiOutils
www.bioutils.ch
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