Un projet fou pour un monde meilleur - Pavillon ADC

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Un projet fou pour un monde meilleur - Pavillon ADC
8            Théâtre                                                                                                                 Le Matin Dimanche
                                                                                                                                             7 juin 2020

Un feuilleton théâtral en neuf épisodes dans autant de théâtres genevois, tout
au long de la prochaine saison: c’est l’entreprise insensée lancée par trois femmes.
Surprise: tout le monde a accepté de participer!

Un projet fou pour
un monde meilleur
JEAN-JACQUES ROTH                                   danse et le nouveau Théâtre de Carouge.                mineuse de plumes, de metteurs en scène, de
jean-jacques.roth@lematindimanche.ch                Nous voulons rendre hommage à cette force              comédiens, de techniciens (lire l’encadré).
                                                    et à cette diversité.»                                 Car si les personnages, le contexte du feuille-
Soudain, le monde s’effondre. Des failles              Contre toute attente, les directions des            ton et la distribution ont été fixés par les trois
creusent la planète, engloutissent les villes,      théâtres prennent feu. De proche en proche,            initiatrices, le choix des auteurs et des met-
font des morts par milliers. Plus rien ne fonc-     l’incendie n’épargne personne, des scènes              teurs en scène s’est effectué en intelligence
tionne, eau, électricité, chaînes alimentaires.     traditionnelles aux plus alternatives, de la           avec chaque théâtre, de manière à respecter
Coupés de tout, les survivants doivent se re-       Comédie à l’Usine. Même le Grand Théâtre se            son histoire et son public. «Ce n’est pas une
grouper en communautés. Genève n’est pas            joint à l’effort en mettant des choristes à dis-       dramaturgie autoritaire, souligne Michèle
épargnée: rescapés d’un immeuble déglin-            position pour l’un des épisodes. Vidy, à Lau-          Pralong, c’est une bataille pour l’imaginaire.»
gué, onze habitants s’y retrouvent condam-          sanne, sort aussi le grand jeu pour coproduire            Mais que va raconter «Vous êtes ici», puis-
nés à inventer ensemble une nouvelle vie.           un épisode écrit par le metteur en scène Ste-          que ce titre de travail s’est désormais imposé?
   Tel est le pitch d’un projet totalement inédit   fan Kaegi. Le Forum Meyrin accueillera un              On l’aura compris: la petite communauté des
qui va traverser la prochaine saison théâtrale      week-end de débats, le Théâtre Am Stram                habitants réunis par le désastre va tenter d’in-
genevoise de part en part. Une entreprise radi-     Gram abritera un atelier d’écriture collabora-         venter un monde autre, porté par des désirs de
cale, ambitieuse, comme on n’en a peut-être         tive pour le dernier épisode, mais aussi un bal        partage, de circuits courts, de nouveaux récits
jamais vu sur les scènes. Une série comme sur       littéraire…                                            et de féminisme. Mais rien n’est simple, et
Netflix, avec ses personnages récurrents, ses          Conçu au départ pour une poignée d’épiso-           heureusement. Sans quoi il n’y aurait ni his-
rebondissements, ses intrigues, mais une série      des, le projet s’élargit et finit à dix stations. Il   toire ni théâtre. «Il y aura des tensions, des
théâtrale. En neuf épisodes et dans autant de       aura fallu dix-huit mois pour monter ce tra-           conflits, du rire et des pleurs. Du bon théâtre,
théâtres. Démarrage en septembre au Théâtre         vail d’orfèvrerie, qui réunit une somme fara-          c’est le défi, toujours!» assure Michèle Pralong
de l’Orangerie; final en juin 2021 à la Nouvelle
Comédie, avec l’intégrale du parcours!                                                                     Jardinier rigide et geek non binaire
   Oui, un projet de fou, ou plutôt de folles,                                                             Les personnages seront traversés par tous les
sur lequel personne n’aurait misé un kopeck,                                                               débats, les passions et les espoirs imposés par
à part ses initiatrices, dont la première d’en-     Les participants                                       l’utopie soudain rendue tangible par la catas-
tre elles, Michèle Pralong, auteure et met-                                                                trophe. Du jardinier psychorigide confronté
teure en scène, est une figure connue de la                                                                aux règles de vie en communauté à l’esthéti-
scène locale où elle a notamment codirigé le        ● Auteurs/es: Claude-Inga Barbey, Stéphane             cienne exubérante envahie par les messages
Théâtre du Grütli.                                  Bouquet, Dieudonné Niangouna, Nina Nana,               de l’au-delà. De la femme surmenée qui veut
                                                    Jihane Chouaib, Stefan Kaegi, Jérôme Richer,           tout, tout le temps, forcée de redécouvrir l’en-
Somme faramineuse de plumes                         Marina Skalova, Joël Maillard, Antoine Volo-           fant qu’elle voyait à peine, alors que son com-
Vite rejointe par Julie Gilbert, scénariste,        dine, Julie Gilbert, Michèle Pralong, etc.             pagnon vidéaste s’initie à la culture du cham-
auteure et dramaturge notamment du Théâ-                                                                   pignon, idéal en temps de disette. Sans oublier
tre de Poche de Genève la saison dernière,          ● Comédiens/nes: Rebecca Balestra, Claude-             une geek non binaire, des colocataires re-
puis par Dominique Perruchoud, qui a été di-        Inga Barbey, Baptiste Gilliéron, Juan Antonio          muantes, une mère kosovare et sa fille atta-
rectrice administrative et financière de La         Crespillo, Gabriel Bonnefoy, Noémie Griess,            chée au monde d’avant…
Comédie à Genève et du Théâtre Vidy à Lau-          Karim Kadjar, Aurélien Gschwind, Marion                   Sociologie de bobos pour catéchisme écolo
sanne, elles ont tapé aux portes des princi-        Duval, Jeremy Narby, Franz Treichler, etc.             féministe? «Non, non, aucun personnage n’est
paux théâtres genevois avec l’envie de les                                                                 d’une pièce, au contraire, souligne Julie Gil-
voir travailler ensemble. «Genève est un des        ● Réalisateurs/trices: Marion Duval, Manon             bert. Il y a ceux qui ne veulent rien changer, et
hauts lieux du renouveau de la scène euro-          Krüttli, Yan Duyvendak, Marine Magnin,                 ceux qui croient faire déjà tout juste, mais tous
péenne, voire mondiale. On va y inaugurer           Oscar Gomez Mata, Charlotte Terrapon et le             vont être secoués de la même manière.»
trois bâtiments importants la saison pro-           collectif, Stefan Kaegi, Bérangère Vantusso,              Le premier épisode est écrit par Claude-Inga
chaine: la Nouvelle Comédie, le Pavillon de la      Yvan Rihs, Maya Bösch, etc.                            Barbey, qu’on ne présente plus, mais qu’on
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Le Matin Dimanche
7 juin 2020                                                                                                            Théâtre                           9

Les trois initiatrices de «Vous êtes ici» (de g. à dr.): Julie Gilbert, Michèle Pralong et Dominique Perruchoud. Lutz/2020

n’attendait pas dans ce registre. Elle-même               L’ouvrage qui recueille le témoignage de           d’entraînement de «Vous êtes ici». Dans le
s’est étonnée d‘être invitée dans cet univers:          leurs expériences s’intitule «Constellation.         même esprit, les femmes occupent une place
«Elles voulaient quelqu’un qui ait un peu le            Trajectoires révolutionnaires du jeune               qu’elles n’ont pas souvent au théâtre. C’est dé-
sens de l’humour. C’est un pari très particulier,       XXIe siècle». C’est l’un des terreaux du pro-        libéré. Il y a plus d’auteures que d’auteurs, de
il faut se conformer à la «bible» qui décrit cha-       jet, mais pas le seul. Dans la petite salle du       metteures en scène que de metteurs en scène.
que personnage: d’où il vient, ce qu’il devient.        Théâtre Saint-Gervais qui leur sert de bureau,       Et même sept comédiennes contre six comé-
C’est comme dans l’écriture des séries. J’ai été        les trois femmes ont accumulé une montagne           diens, alors qu’en général, c’est l’inverse.
curieuse d’entrer dans ce monde de collapso-            de livres réfléchissant à une société «plus par-     «Nous avons aussi voulu un théâtre plus léger,
logie, transgenre, humaniste, qui n’est pas du          tageuse, moins guerrière». On y trouve Je-           un peu forain. Avec cette sensation qu’on doit
tout le mien. Je vais même y jouer un rôle!»            remy Narby, Marielle Macé, Donna Haraway,            changer à tous les niveaux de notre vie»,
                                                        Bruno Latour ou Alain Damasio, des classi-           explique Michèle Pralong.
Plus partageuse, moins guerrière                        ques des mouvements alternatifs. Cette bi-
La liste des auteures et auteurs (les initiatrices      bliothèque, depuis dix-huit mois, n’a cessé de       Résumé des épisodes précédents
préfèrent le terme d’auteureuses) rassemble             circuler entre les participants.                     Les spectacles dureront entre 50 minutes et
bien d’autres tempéraments, de Marina Ska-                Théâtre militant? «Non, c’est le geste qui est     1 heure 30. On ne sera pas obligé de tout voir
lova à Joël Maillard. Un des épisodes est écrit         militant, corrige Julie Gilbert. Si demain doit      pour comprendre: comme dans les séries, un
par Mauvaise Troupe, un collectif issu de la            être pensé avec humilité, pourquoi ne pas se         résumé des épisodes précédents permettra de
ZAD de Notre-Dame-des-Landes, ces réfrac-               réunir dans un esprit de solidarité et de mu-        déguster chaque spectacle de manière auto-
taires à l’implantation d’un aéroport dans              tualisation?» C’est ainsi que les théâtres contri-   nome. La diversité des écritures et des mises
l’Ouest français qui occupèrent la zone en ex-          buent au financement au prorata de leurs sub-        en scène contribuera à cette liberté d’appro-
plorant toutes sortes de modes de vie alterna-          ventions et non en fonction du coût de l’épi-        che. On ira de la comédie au drame, du théâtre
tifs. «Leur idéal, c’était réunir la politique, l’art   sode qu’ils produisent. Mécanisme de redistri-       de marionnettes à la performance. C’est l’inté-
et la vie», résume Michèle Pralong.                     bution exceptionnel, qui dit bien la force           rêt d’avoir réuni des auteurs et des met-      ➜
Un projet fou pour un monde meilleur - Pavillon ADC
10 Théâtre                                                                                                             Le Matin Dimanche
                                                                                                                               7 juin 2020

 ➜ teurs en scène de toutes les familles théâ-
trales. L’intégrale, en fin de saison, ne pourra
pas restituer tous les épisodes pour des rai-
sons logistiques. Ainsi, le/la poulpe (l’écriture
                                                    «On n’arrête pas d’inventer, de s’adapter.
                                                    C’est l’avantage de travailler avec autant
                                                    d’auteurs sur une période aussi longue. Ça
                                                    bougera jusqu’au bout, pour faire écho à ce
                                                                                                         Avec «Ca
non binaire colonise jusqu’aux animaux) qui
est au centre de l’épisode conçu par Stefan
Kaegi recourt à des moyens scéniques trop im-
portants pour être repris.
                                                    que nous traversons», dit Julie Gilbert.

                                                    Les bonnes questions
                                                    Directeur du Théâtre de Carouge, Jean Lier-
                                                                                                         va passer
   À la tête des questions logistiques et finan-    mier a fini par embarquer dans le projet, bien
cières, Dominique Perruchoud reste estoma-          qu’il ne corresponde pas a priori à sa pro-
quée par la dynamique du dispositif. «Fran-         grammation. «Mais une initiative d’une telle          Lionel
chement, au départ, je pensais que c’était im-      envergure est une chose rare, et elle est re-         Frésard (à g.) et
possible. Quand les premiers théâtres ont ac-       marquablement conçue. La distribution est             Jean-François
cepté, les bras m’en sont tombés. Ensuite,          excellente. À Carouge, j'essaie de trouver des        Michelet,
lorsque nous avons douté, au moment du con-         poètes qui formulent mieux les questions              une complicité
finement, c’est l’énergie des participants qui      que je ne pourrais le faire. Dans «Vous êtes          qui va
nous a portées. Les auteurs étaient tellement       ici», les personnages sont amenés à se poser          désormais
impliqués, avec cette réalité qui venait dépas-     les bonnes questions au bon moment. Il y a            se développer
ser notre fiction! L’importance du projet est       une pertinence du texte, de la langue, du             sur scène.
alors apparue encore plus clairement.»              contenu. Ce n’est pas forcément mon che-              RTS/Cédric
   Car, surprise! le Covid-19 est passé par là.     min, mais c’est peut-être un chemin. Et l’abri-       Vincensini
Outre les incertitudes liées à la faisabilité du    ter sous mon toit me permettra peut-être de
projet, qui ne sont pas toutes levées, c’est        mieux le comprendre de l’intérieur. Dans la
bien sûr la collision entre le scénario et la       phase de la société où on est, je me garderais
pandémie qui a frappé tous les esprits. «Elles      bien de juger quiconque.»
ont vraiment eu le nez creux», observe                 Autour de lui, même élan. Codirecteurs de
Claude-Inga Barbey.                                 la Comédie, Natacha Koutchoumov et Denis
   La question s’est posée: fallait-il revoir le    Maillefer écrivent que participer à ce projet est
pitch, remplacer les failles telluriques par le     «une nécessité et une fierté». Le collectif du
virus, troquer un désastre contre un autre,         Théâtre du Loup dit «l’urgence à être ensem-
bien vivant celui-ci? Finalement non: la puis-      ble, vraiment, physiquement, géographique-
sance de la métaphore vaut mille fois mieux         ment, intellectuellement».
que la duplication du réel, même si des traces         Il y aura aussi les ramifications de la série.
virales se déposeront ici et là dans la pièce.      Une collecte enregistrée de chants populaires
                                                    chantés à Genève qui seront réinjectés dans
                                                    un épisode. Un week-end de débats, de ren-
                                                    contres, de films. L’écriture collective du der-
                                                    nier épisode, ouverte à tous. Et puis – certains
Le projet en chiffres                               vont sourire – des ateliers de tricot après cha-
                                                    que épisode. Michèle Pralong explique: «Quit-
                                                    ter nos ordinateurs, établir de nouvelles rela-
                                                    tions, ça passe par du faire. Dans ces séances
                                                    de tricot philosophique, on confectionnera
                                                    une grande pièce pour la fin de l’histoire tout
                                                    en discutant des questions soulevées par la
                                                    pièce.» Autre partenariat, la RTS pourrait enre-
                                                    gistrer tous les épisodes pour les diffuser en       ● Lionel Frésard et
                                                    podcast. Retour de la pièce radiophonique:
                                                    l‘avenir a parfois des couleurs vintage.
                                                                                                         Jean-François Michelet,
                                                       On ne doute pas qu’il y aura des hauts et des     animateurs de «Caravane
                                                    bas, des moments de grâce et des longueurs.          FM» sur la RTS, feront
                                                    La diversité des genres, des plumes, des scè-        de l’émission un spectacle
                                                    nes peut créer un bouquet merveilleux ou une
La carte des théâtres genevois où les épisodes      cacophonie. Une telle entreprise est à ce prix.      sur scène cet automne.
seront représentés.                                 Mais l’ambition est là, et le résultat, sur le pa-   Beaucoup de chansons,
                                                    pier, inespéré. Les trois combattantes de            et aussi d’émotion.
                                                    «Vous êtes ici» auraient-elles finalement rai-
● Près de 70 techniciens et artistes                son, habitées qu’elles sont par «le sentiment
● 12 théâtres coproducteurs                         qu’il faut faire autrement»? En conclusion de
et 4 théâtres associés                              leur présentation, elles écrivent: «Tout com-        CHRISTOPHE PASSER
● Une vingtaine d’auteures et auteurs,              mence!» Vu le contexte, c’est mieux qu’un ma-        christophe.passer@lematindimanche.ch
une dizaine de metteures et metteurs en scène       nifeste: une promesse.
● 11 plateaux de théâtre, scène cumulée                                                                  On est resté longtemps, au café. Il se
d’environ 1 km2                                                                                          passe vite, avec eux, ce qui arrive du-
● 18 mois de recherche et de préparation                                                                 rant leur émission. Quelque chose de
● 2 millions de francs, apportés pour moitié         À VOIR                                              l’ordre de la confidence, une histoire
par les théâtres coproducteurs et par moitié        «Vous êtes ici», série collective en 9 épisodes      en amène une autre. Depuis 2017, le
par des Fondations et des entreprises               et une intégrale, de septembre 2020                  duo Lionel Frésard et Jean-François
● 12 000 places à vendre                            à juin 2021. Un Pass sera disponible.                Michelet animent «Caravane FM», sur
● 400 élèves d’ores et déjà inscrits                www.vousetesici.ch                                   la RTS. «Ni lui ni moi n’étions enthou-
Le Matin Dimanche
   7 juin 2020                                                                                                    Cultura                          11

ravane en chœur», la télé                                                                                      pas les malins. Mais ce sont les patients
                                                                                                               qui nous ont bouleversés par leur hu-
                                                                                                               mour, leur profondeur, le regard sur
                                                                                                               eux-mêmes.» Pour Michelet, «ils vivent

au théâtre du partage                                                                                          des épreuves parfois très difficiles,
                                                                                                               décident de tenir, d’aller de l’avant. Ce
                                                                                                               sont des leçons de vie, et de courage.»
                                                                                                                  Frésard et Michelet sont aussi de
                                                                                                               bons vivants, et cette légèreté est ce
                                                                                                               qui donne son équilibre aux émis-
                                                                                                               sions. Leur sens heureux de la blague
                                                                                                               et de la chanson fait contrepoint, et
                                                                                                               leur a donné l’envie de développer sur
                                                                                                               scène ce qui se passe au micro. «Il ar-
                                                                                                               rive par exemple souvent que les gens
                                                                                                               nous disent qu’ils aiment bien lors-
                                                                                                               qu’on chante. On fait ça comme ça,
                                                                                                               reprenant au hasard «Le Sud» de Nino
                                                                                                               Ferrer, parce qu’on l’adore. Mais dans
                                                                                                               l’émission, on ne peut pas passer plus
                                                                                                               de temps à chanter.»

                                                                                                               Pas mal de chansons
                                                                                                               Alors ils vont le faire sur scène, en un
                                                                                                               spectacle intitulé «Caravane en
                                                                                                               chœur», et qui vivra sa première le
                                                                                                               3 novembre au Théâtre Benno Besson
                                                                                                               à Yverdon-les-Bains (VD), avant de
                                                                                                               voyager dans toute la Suisse romande.
                                                                                                               «On a ressenti une envie du projet de la
                                                                                                               part des directeurs de salle, cela même
                                                                                                               sans avoir vu une seconde du specta-
                                                                                                               cle. Ça fait plaisir, et ça donne envie de
                                                                                                               donner le meilleur.»
                                                                                                                  Des chansons, donc? «Pas mal, oui.
                                                                                                               Aussi bien des reprises que des choses
                                                                                                               originales, ou alors des paroles à nous
                                                                                                               sur des mélodies connues», dit Miche-
                                                                                                               let. Évidemment, l’idée n’est pas
                                                                                                               d’adapter au théâtre un bastringue qui
                                                                                                               serait de l’ordre de la télé sur scène.
                                                                                                               «Cela n’aura rien à voir, c’est seulement
                                                                                                               un contexte; on passera quelques ex-
                                                                                                               traits de témoignages forts, sans doute,
                                                                                                               explique Frésard, mais on va d’abord
                                                                                                               jouer, entre nous et on l’espère avec la
siastes à l’idée de faire de la télé, rap-    sont déjà passés, cherchant interlocu-                           salle. Ce que l’on cherche, c’est trouver
pelle Frésard. C’était un concept qui         teurs et histoires fortes. Et quand Fré-                         un ton, un climat, une émotion qui res-
existait sur la télévision belge, on nous     sard et Michelet débarquent, ils ac-                             semblent à la palette de l’émission: on
a envoyé un CD d’émissions réalisées          cueillent les gens au micro, après avoir                         aimerait faire rire, peut-être aussi pleu-
là-bas. On a regardé, chacun de notre         distribué alentour des récepteurs radio                          rer un peu.»
côté, on a pleuré. Et on s’est aussitôt dit   branchés sur une fréquence réservée.
                                                                                             «Ce que l’on         Là, ils rient. Ils travaillent avec un
que c’était génial d’essayer.»                Ils accueillent, le mot juste: dans l’émo-     cherche,          musicien merveilleux, Jean-Samuel
   Au casting, ils étaient ensemble, et       tion ou la drôlerie. Tout cela est filmé et    c’est un ton,     Racine, clarinettiste virtuose et poly-
les deux comédiens romands (Frésard           monté ensuite pour une émission de             un climat,        instrumentiste lausannois ouvert à
est Jurassien, Michelet Valaisan, ils ont     télé d’une heure sur la RTS, regardée en       une émotion       mille expériences. Et ce sera la Valai-
des histoires personnelles qui réson-         moyenne par 180 000 personnes.                                   sanne Lucie Rausis qui les mettra en
nent souvent l’une avec l’autre) se sont         «On ne pensait pas que ce serait aussi      qui ressem-       scène. «Caravane en chœur», donc,
retrouvés immédiatement au cœur du            fort à vivre, à faire, à ressentir, explique   blent à la        mais ils auraient pu l’écrire «cœur». Car
sujet, une magie prenait: sans filet,         Michelet. Ce que j’ai appris tient dans        palette de        c’est le battement du leur qui rythme
dans l’écoute, la confiance, la compli-       cette phrase: moins tu as, plus tu es.» Il     l’émission: on    déjà notre impatience à y être.
cité de l’instant.                            se marre, il ne veut pas non plus faire
   Rappelons le principe de l’émission.       dans le solennel. Mais il existe une vé-       aimerait faire    CARAVANE EN CHŒUR Spectacle
Une petite caravane, qui vient durant         rité dans cette émission rare et belle         rire, peut-être   musical (mais pas que) de Lionel
48 heures faire une émission de radio         comme la vie griffée par ses aléas. «On        aussi pleurer     Frésard et Jean-François Michelet.
hyper-locale dans un lieu souvent un          est traqueux. On pleure aussi facile-          un peu»           Dès le 3 novembre à Yverdon, Fribourg,
peu improbable. Il peut s’agir d’un           ment, autant l’un que l’autre, dit Fré-                          Bienne, Pully, Delémont, Monthey, Ge-
EMS, du village de Trient, de Boudry ou       sard. Dans certains endroits, comme la                           nève, Neuchâtel et Vevey. Billets dispo-
                                                                                             Lionel Frésard,
d’une maternité. Durant deux ou trois         Fondation Rive-Neuve, hôpital de                                 nibles dès le lundi 8 juin Plus d’infor-
                                                                                             comédien
semaines, les journalistes de l’émission      soins palliatifs à Blonay, on ne faisait                         mations: www.caravaneenchoeur.ch
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