Évaluation des risques des nanomatériaux en contexte réglementaire - ECOS
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Évaluation des risques des nanomatériaux en contexte réglementaire • La notion de « risque » désigne une combinaison de dangers intrinsèques et de dangers dus à l’exposition, notion qui peut être appliquée aux nanomatériaux de la même manière que pour les produits chimiques traditionnels. • L’évaluation complète des risques pour la santé humaine et l'environnement nécessite des informations en quantité suffisante sur les dangers et les scénarios d'exposition pour une substance, un produit ou une technologie en question. • L'utilisation des outils classiques d'évaluation des risques des nanomatériaux est actuellement limitée par le manque de connaissances sur les nanomatériaux présents sur le marché, leur caractérisation exacte et leurs dangers intrinsèques. • Ces limites, ainsi que l'absence de recommandations juridiquement contraignantes et d’outils d'évaluation des risques applicables aux propriétés spécifiques des nanomatériaux, représente un obstacle majeur à l'utilisation sécurisée des nanomatériaux manufacturés. • Les gouvernements et les organismes de réglementation doivent : • S'assurer que les fabricants entreprennent des essais appropriés sur les nanomatériaux avant la mise sur le marché de leurs produits. • Demander aux fabricants de démontrer les avantages des produits et des matériaux contenant des nanomatériaux. • Faire usage du principe de précaution afin d'éviter une exposition des travailleurs et des êtres humains aux nanomatériaux. Introduction Les quantités croissantes de produits contenant des nanomatériaux sont source d'inquiétudes quant à leurs impacts négatifs sur la santé humaine et sur l'environnement. Du fait de leur petite taille, les nanomatériaux présentent des propriétés très spécifiques qui dépendent non seulement de leur composition chimique, mais aussi de leurs caractéristiques de surface et de forme (voir Toxicité des nanomatériaux manufacturés). Les nanomatériaux peuvent par conséquent interagir avec les organismes (végétaux, animaux ou êtres humains) d'une façon différente que d'autres substances ayant la même composition chimique.1 Certains nanomatériaux sont utilisés dans des produits commerciaux depuis des dizaines d’années. Parmi les nanomatériaux « classiques », on peut citer le noir de carbone (employé dans les pneumatiques) ou la silice amorphe synthétique (utilisée dans les dentifrices ou comme anticoagulant dans les produits alimentaires). D'autres nanomatériaux, comme p. ex. les nanotubes de carbone (NTC) (employés comme additifs pour polymères, ainsi que dans les peintures, les revêtements et les piles à combustible) et les boites quantiques (utilisés dans les composants électroniques et les écrans plats), sont apparus plus récemment sur le marché.2 À l'heure actuelle, les nanomatériaux sont utilisés dans une vaste gamme de produits, y compris dans des applications de grande échelle qui vont des dentifrices aux équipements de sport en passant par les yaourts, les vêtements, les peintures, les piles et les produits cosmétiques. Le marché global des nanomatériaux est estimé à 11 millions de tonnes par an.3. En théorie, les nanomatériaux manufacturés sont soumis au même règlement que celui sur la protection de la santé des travailleurs et de l'environnement, comme n’importe quelle autre substance ou n’importe quel autre matériau. Cependant, l'efficacité du cadre réglementaire traitant des risques spécifiques des nanomatériaux est limitée en raison de leurs spécificités et des lacunes concernant les connaissances sur l'environnement et la santé. L'absence de méthodes d'essais normalisées pour les nanomatériaux et les désaccords sur la terminologie et les définitions sont un autre obstacle à l'application efficace du règlement. L'évaluation des risques (ER) décrit les procédures pour identifier, évaluer, caractériser et interpréter les risques concernant une substance. Les gouvernements et les organismes de contrôle utilisent les résultats d’ER afin d’adopter des mesures de gestion des risques, c.-à-d. les mesures mises en place 1
pour protéger la santé et la sécurité du public, les consommateurs, les travailleurs et l'environnement des risques identifiés ou potentiels. Cette fiche d'information donne un aperçu des procédures d'évaluation des risques pour les nanomatériaux manufacturés ainsi que des détails et commentaires pertinents sur les évolutions en cours. Contexte Les impacts possibles des nanomatériaux manufacturés (NMM) sur la santé humaine ou l'environnement ne sont pas encore pleinement compris. L'un des défis de l'évaluation des risques pour les nanomatériaux est de définir la nature exacte des nanomatériaux et comment ils diffèrent des produits chimiques classiques ou des autres polluants. Cette fiche se concentre sur les NMM spécifiquement produits afin de faire usage de leurs propriétés sous la forme « nano ». Ceci exclut les nanomatériaux d'origine naturelle, les nanomatériaux générés incidemment (ceux qui ont été libérés ou transformés à partir de produits autres que des nanoproduits), et de processus (tels que les nanoparticules générées par le forage, l'usinage, l'abrasion, etc. des produits, qu'elles contiennent ou non des nanoproduits). Les méthodes d'évaluation des risques doivent être adaptées aux caractéristiques des NMM et à leurs propriétés spécifiques, car les propriétés des NMM diffèrent de celles des substances équivalentes qui ne sont pas sous forme « nano » (également appelé formes « conventionnelles ») : • Leur petite taille leur permet de passer au travers des barrières biologiques des êtres humains et des animaux, les rendant transférables vers les cellules et les organes • Ils peuvent s'accumuler dans les organismes humains et les animaux en suivant un schéma différent de leurs homologues « conventionnels » • Leur grand rapport surface de contact sur volume modifie les interactions avec les systèmes biologiques tels que les humains, les animaux et l'environnement L'évaluation des risques pour les NMM s’appuie sur des recherches scientifiques qui durent depuis plus d’une dizaine d’années. Au fil du temps, une approche plus systématique d’évaluation des risques a émergé au sein des projets financés par l'Union européenne et les activités de l'OCDE. De plus en plus de résultats préliminaires sont disponibles, mais leur portée reste relativement limitée. Des résultats d’ER plus nombreux devraient être disponibles à l'avenir, la compréhension élémentaire des effets (éco)toxicologiques des nanomatériaux de base et la disponibilité d'outils d'évaluation des risques étant prévues pour 2020.4 Évaluation des risques Pour mieux comprendre le rôle de l'évaluation des risques, il est nécessaire de comprendre ce que signifie « risque » dans un contexte réglementaire concernant les substances ou activités qui pourraient avoir des effets nuisibles sur la santé humaine ou l'environnement (« toxicologie réglementaire »). L'objectif de la réglementation en matière de sécurité est de protéger de tout préjudice l’objet de la préservation, généralement la santé humaine et l'environnement. Le règlement peut être fondé sur le danger inhérent à une substance donnée ou à une activité, ou sur le niveau de risque. Dans le cas de la réglementation fondée sur le risque, l'encadré 1, ci-dessous, fournit des définitions pour les éléments pris en considération pour déterminer les niveaux de risque des substances chimiques. Encadré 1 : Définition du risque utilisé en toxicologie réglementaire Risque = f(exposition) * f(danger) Exposition : Quelle est la quantité d'une substance à laquelle un organisme cible est exposé (ou qu’il absorbe) durant un certain laps de temps. 2
Danger : Possibilité intrinsèque d'une substance de perturber les processus biologiques dans les organismes vivants (toxicité). Le règlement horizontal européen concernant les substances chimiques REACH comprend les procédures d'évaluation des risques5 afin d’adopter des mesures de gestion. Les principaux éléments du cadre de l'évaluation des risques6 sont brièvement abordés ci-après : • Hypothèse de risque • Identification des dangers • Caractérisation des dangers y compris l'évaluation de la relation dose-réponse • Évaluation de l'exposition et appréciation • Caractérisation des risques • Évaluation des risques et appréciation Hypothèse de risque Une ER fiable s'appuie sur une hypothèse d’évaluation des risques pouvant être testée (vérifiable), basée sur une identification précise des sources pertinentes d'une substance donnée ainsi que des dangers présumés sur des « cibles » spécifiques telles que les êtres humains, des animaux ou l'environnement. L'hypothèse devrait répondre à des questions clés telles que : « Qui est soumis au risque ? » et « quels sont les risques auxquels ils/elles sont soumis-es ? »7 Une mauvaise formulation du problème peut se traduire par une analyse des risques inappropriée, et par conséquent, dans le cadre d’une gestion des risques inappropriée, des mesures réglementaires malavisées ou, plus inquiétant encore, de l’inaction. Des connaissances scientifiques limitées et des données manquantes par rapport à d'éventuelles sources, les cibles et les effets des nanomatériaux sont des obstacles sérieux à un énoncé du problème adéquat. Identification des dangers L'identification des dangers s'occupe « d’inconnues identifiées » à l'intérieur d'une gamme de possibilités connues. Les risques potentiels sont identifiés en fonction de connaissances tirées d’expériences ou de connaissances scientifiques préliminaires. L'OCDE a déclaré que la majorité de ses lignes directrices d'examen existantes pour les substances chimiques « conventionnelles » sont généralement applicables aux NMM8, notamment celles relatives aux points limites évalués9, aux organes cibles10, et aux doses efficaces11. Cependant, il n'y a pas de consensus scientifique sur l'applicabilité des lignes directrices de l'OCDE aux nanomatériaux, car il existe seulement un petit nombre d'études12 sur la pertinence de leur devenir dans l'environnement et d’autres études13 concluent que le devenir des nanomatériaux dans l'environnement ne peut pas être évalué de façon fiable avec les lignes directrices existantes. Les besoins spécifiques en nouvelles lignes directrices d'examen ont été identifiés : il faut spécifier le comportement de dissolution et les propriétés d'adsorption-désorption, déterminer le comportement de dispersion et identifier les processus de transformation dans l'environnement. Évaluation des dangers et appréciation L’évaluation des dangers identifie la capacité d'une substance ou d’un matériau à nuire aux êtres humains ou aux organismes dans l'environnement lorsqu'elle/il est pris-e à une certaine dose.14 Dans les essais de toxicité chimique classiques, ceci est fait par l'expérimentation animale. L'évaluation du danger des produits chimiques se fait de plus en plus à l'aide de méthodes in vitro (l'étude toxicologique des impacts sur des cellules ou tissus cultivés en laboratoire), ce qui réduit la dépendance à l'expérimentation animale. Plus récemment, des méthodes alternatives ont été discutées pour accélérer l'évaluation des dangers, parmi elles, les méthodes de regroupement et les méthodes de modélisation assistée par ordinateur.15 Pour les nanomatériaux, les questions importantes sur l'évaluation du danger sont : quelles sont leurs propriétés physico-chimiques ? Quelle est la durée de vie des nanomatériaux (jusqu'à quel point est la limite ?) et quel effet potentiel les nanomatériaux peuvent-ils avoir sur un organisme donné ? 3
Évaluation de l'exposition et appréciation L’évaluation de l'exposition et son appréciation visent à déterminer la mesure dans laquelle les gens et/ou l'environnement sont exposés à une substance particulière. La libération des nanomatériaux peut survenir à chaque étape du cycle de vie d’un produit - durant la fabrication, le transport, la phase d’utilisation, les traitements de fin de vie, et l'élimination finale. Dans un contexte d’évaluation du risque, il faut identifier les points d'exposition et les niveaux d’exposition potentiels durant le cycle de vie. Il y a peu ou pas d'information sur l'exposition disponible pour les nanomatériaux. Avec l'incertitude sur les dangers et les risques connus (p. ex. comme pour les nanoparticules d’argent et de zinc ou les NTC), cette situation donne lieu à des inquiétudes possibles sur la santé humaine et les risques environnementaux. Caractérisation des risques La caractérisation des risques est l'estimation de l'incidence et la gravité des effets indésirables susceptibles de se produire dans une population humaine (p. ex., des travailleurs), d'autres espèces, ou un milieu environnemental (air, eau ou sol) en raison de l'exposition réelle ou prévue d'une substance. Il inclut également « l'estimation du risque », qui est la quantification de cette probabilité.16 Dans le cas des nanomatériaux, la caractérisation des risques nécessite des outils d'évaluation des risques adaptés qui n'existent pas encore ou n'ont pas encore été bien adaptés aux nanoparticules. Par conséquent, une caractérisation adéquate des risques ne peut pas encore être livrée.17 Évaluation des risques et appréciation Pour des décisions fiables sur les mesures de gestion des risques, il est nécessaire d’obtenir des résultats sensés sur le plan scientifique à partir des éléments énumérés ci-dessus. Dans le cas des NMM, les limitations existantes ou d'ordre méthodologique (voir section suivante) empêchent encore l’évaluation des risques. D'autres recherches sont nécessaires pour comprendre, par exemple, si les facteurs (par défaut) utilisés afin d'extrapoler les effets d’une espèce (p. ex. rats) à une autre (p. ex. les humains) sont appropriés pour l'ER de ce NMM.18 Évaluation des risques appliquée aux nanomatériaux En utilisant des approches traditionnelles d'évaluation des risques, s‘assurer de la sécurité de l’ensemble des NMM du marché nécessiterait de tester chaque forme de nanomatériau ainsi que tous les produits dans lesquels ils sont utilisés dans tous les scénarios d'exposition possibles. Compte tenu de l'hétérogénéité des NMM, cette approche nécessiterait de nombreuses dizaines d’années pour produire un niveau adéquat de données. Cela nécessiterait de grandes quantités de ressources pour interpréter la portée de l'énorme quantité des résultats des essais. Cela nécessiterait aussi un grand nombre d'essais effectués sur des animaux, ce qui entre en conflit avec les objectifs concernant le bien- être des animaux. Pour éviter ces inconvénients, l'approche au cas par cas pour réglementer les nanomatériaux fait place à des alternatives de « regroupement », ou des approches qui pourraient s'appliquer pour les différents résultats d'évaluation des risques des nanomatériaux ayant des propriétés comparables. Les méthodes d'évaluation des risques pour les nanomatériaux sont actuellement examinées, évaluées et améliorées par plusieurs intervenants dans le but d’évaluer d’un point de vue quantitatif, complet et valide sur le plan scientifique leurs risques pour le futur. Le groupe de travail de l'OCDE sur les nanomatériaux manufacturés (GTNMM), en particulier, a créé un groupe de travail sur l'évaluation des risques et du programme de réglementation qui apprécient les méthodes d'évaluation des risques pour les nanomatériaux manufacturés, en échangeant des informations et en identifiant les possibilités de renforcer et d'améliorer la capacité d'évaluation des risques à l'échelle internationale (voir Examen des annexes REACH relatives aux nanomatériaux). Par la suite, trois méthodes d'évaluation alternatives fréquemment abordées seront brièvement évaluées. Bien que la terminologie utilisée par les différentes communautés d'experts ne soit pas cohérente, les méthodes pourraient aider à accélérer l'évaluation des risques des nanomatériaux. L'applicabilité de ces méthodes continue à s'appuyer sur un ensemble de données encore rarement disponibles pour les nanomatériaux. 4
Regroupement / Catégorisation Cette approche suggère un regroupement ou une catégorisation des nanomatériaux en se basant sur l'hypothèse que les caractéristiques physico-chimiques, toxicologiques et écotoxicologiques soient probablement des indicateurs de danger similaires ou qu’ils suivent un schéma classique. Cette approche vise à éliminer la nécessité de tester chaque nanomatériau pour chaque point limite, en dérivant les mentions de danger des données génériques disponibles pour un groupe ou une catégorie de substances. Des groupes ou catégories de nanomatériaux pourraient être basés sur les données applicables : • provenant d'une substance « conventionnelle » à l'une ou plusieurs formes de nanoparticules de la même substance, • puis d’une forme de nanoparticule provenant d’une substance à plusieurs formes de nanoparticules de la même substance19 • entre les différentes substances (qu’elles soient des formes de nanoparticules différentes ou « conventionnelles ») À ce jour, seuls de grands groupes de nanomatériaux basés sur les propriétés physico-chimiques ont été pris en considération, dont ceux à base de carbone, de métaux et d’oxydes métalliques, de tubes et de fils. Il n'y a actuellement aucun concept de groupement global unifié ayant des critères bien définis, généralement reconnus, qui s’applique sur une approche de regroupement des nanomatériaux. Par conséquent, des concepts de regroupement larges peuvent présenter le risque de ne pas prendre en compte certains dangers ou de sous-estimer les effets indésirables. Indépendamment d'un concept unifié, l’utilisation d'une approche de regroupement des nanomatériaux fait face à des défis importants : • La complexité inhérente des nanomatériaux signifie que leurs caractéristiques connues telles que la libération d’ions toxiques, la surface active, les impuretés, les revêtements, la forme et la capacité à traverser les barrières biologiques, ne sont peut-être pas assez fiables pour un regroupement. • Les nanomatériaux évoluent avec l'âge et peuvent se transformer tout au long de leur cycle de vie, ce qui peut influer sur leur toxicité. Ces phénomènes, ainsi que d'autres manques de connaissances compliquent la prédiction de leur toxicité20 et, par conséquent, empêchent une analyse fiable pour un regroupement potentiel ou une catégorisation. Le GTNMM de l’OCDE se penche actuellement sur ces questions, mais les résultats ne sont pas attendus avant quelques d'années21 et aucune mesure réglementaire spécifique concernant des directives sur le regroupement des nanomatériaux n’est encore disponible dans l'Union européenne ou ailleurs. La dernière version d'un document réglementaire de l'OCDE sur le regroupement des produits chimiques exclut explicitement de telles orientations, car elles sont prématurées.22 Avec les connaissances scientifiques actuelles, le « regroupement » peut théoriquement aider à accélérer le processus d'évaluation réglementaire tout en évitant les essais sur les animaux. Cependant, les organismes de gestion internationale des produits chimiques23 ont reconnu que ces approches peuvent potentiellement introduire une incertitude supplémentaire lors de l'évaluation des dangers et des risques, ce qui pourrait donner lieu à une sur- ou sous-réglementation d'un nanomatériau.24 Ces méthodes pourraient encore être utiles lors d’une évaluation préliminaire de la sécurité des nanomatériaux. Mais elles ont toutes besoin d’être développées, en commençant avec la théorie jusqu’à la pratique, le perfectionnement scientifique et la normalisation. Référence croisée Cette approche vise à combler les manques de données d’une substance chimique en employant des données de remplacement d'une autre substance.25 Les informations sur un point limite pour un produit chimique donné sont prédites en utilisant des données du même point limite pour une autre substance. Une telle approche exige des produits chimiques ayant une similitude d’aspect 5
fondamentale, par exemple, leur configuration structurelle, ou des propriétés et/ou activités au niveau moléculaire. Les références croisées peuvent être appliquées entre deux substances chimiques (approche analogique) ou dans un groupe ou une catégorie de produits chimiques (méthode des catégories), et peuvent être quantitatives ou qualitatives. Dans le cas d'une évaluation de référence quantitative, la(les) valeur(s) connue(s) d'une propriété d'un ou un groupe de produits chimiques source est utilisée pour estimer la valeur inconnue de la même propriété pour un produit chimique donné, par exemple l'obtention d'une relation dose-réponse. En revanche, une référence croisée à l'échelle qualitative ne peut donner que des réponses « oui » ou « non ». Les références croisées entre nanomatériaux sont différentes des références croisées entre les substances « conventionnelles » parce que les nanomatériaux sources et cibles utilisés dans les références croisées sont généralement des formes différentes de la même substance plutôt que des substances différentes.26 RQSA La RQSA, qui signifie relation quantitative structure-activité, se fonde sur l'idée que la structure chimique et donc les propriétés physico-chimiques d'une molécule sont directement responsables de l'activité biologique, et que les effets peuvent être prédits à partir de cette relation. La RQSA est en fait couramment utilisée pour prédire les propriétés physico-chimiques des substances chimiques « conventionnelles ». L'appliquer aux nanomatériaux nécessite ainsi une adaptation de type « nanomodèle RQSA ». En théorie, utiliser un nanomodèle RQSA, pourrait permettre de prédire, par exemple, la cytotoxicité (toxicité pour les cellules) d'un nanomatérial d'oxyde métallique tel que l'oxyde de zinc. Cependant, la réussite de l'élaboration de nanomodèles RQSA dépend non seulement de la qualité des données expérimentales, mais aussi de la disponibilité d’ensembles de données suffisamment grandes.27 La disponibilité des données pose encore des restrictions pour l'application de nano-modèles RQSA, comme les données sur la toxicité des nanomatériaux continuent de manquer de cohérence, la comparabilité et l'accès du public. Défis pour l'évaluation des risques liés aux nanomatériaux L’innovation spécifique des nanoparticules et les applications commerciales des NMM continuent à se développer. L'état d'émergence en cours des technologies connexes aux nanoparticules, des matériaux et des applications se caractérise par une insuffisance de connaissances scientifiques. Ceci est combiné à un manque d'expérience avec ces nouveaux produits et leurs processus de production. Il est ensuite difficile de réglementer les aspects concernant l’environnement, la santé et la sécurité des NMM. Les lacunes concernant les connaissances relatives à l'impact sanitaire et environnemental des NMM peuvent mener à une incertitude réglementaire et/ou inefficace (y compris une surréglementation). Les principaux éléments fondamentaux des connaissances scientifiques sur les nanomatériaux restent hors de portée, malgré des années d'efforts déployés par les instances internationales (voir encadré 2). L'élaboration d'outils pour une approche globale harmonisée de l'évaluation des risques des nanomatériaux est également difficile à atteindre. L'absence structurelle de données de qualité rend presque impossible une évaluation fiable des risques sur les nanomatériaux. Cette situation déjà préoccupante s’accentue davantage suite à la négligence des autorités publiques concernant la mise en place d’une réglementation efficace sur les nanomatériaux pour les produits chimiques existants au sein de l'UE et dans les autres pays industrialisés. Encadré 2 : Construction d'une base scientifique mondiale harmonisée et d’outils d'évaluation des risques Trois organisations internationales coopèrent à l'élaboration de normes harmonisées et de lignes directrices sur les essais afin d'établir une approche globale pour l'identification et la caractérisation des nanomatériaux et l’évaluation de leurs risques. Ces organisations sont l'Organisation 6
internationale de normalisation (ISO), l'OCDE (voir la fiche d'information La réglementation sur les nanotechnologies et l’OCDE pour plus d'informations), et le Comité européen de normalisation (CEN). Le comité technique de l'ISO a été créé en 2005, le Comité technique du CEN et le groupe de travail de l'OCDE sur les nanomatériaux manufacturés ont été tous deux créés en 2006. En dépit de dix années d'intenses activités scientifiques de ces trois organisations, il existe toujours des lacunes concernant des données importantes et fondamentales. Une fiche distincte sur la normalisation (tant pour le CEN que pour l'ISO) et les nanomatériaux a été publiée fin-2016. D'importants défis persistent en termes de gouvernance responsable sur la sécurité des nanomatériaux qui peuvent être regroupés en quatre domaines : • Nouveauté : La nouveauté des nanomatériaux et leur comportement ont nécessité la création de nouvelles connaissances scientifiques fondamentales sur les éléments de base pour des expériences et des essais, à partir de la caractérisation de la matière à l'essai, pour les tests utilisés pour identifier et caractériser les risques potentiels. • Complexité : La complexité inhérente des matériaux - l'importance de leur taille, de leur forme, de leur revêtement de surface, etc. dans l'influence de leur fonctionnalité - et le grand nombre de formes différentes de chaque nanomatériau contribuent à l'incertitude de l’évaluation des risques et de la sécurité. Tester chaque forme potentielle d'un nanomatériau nécessiterait des dizaines d’années de recherche avant qu'une quantité suffisante de données fiables soit disponible pour évaluer adéquatement leurs risques individuels. • Qualité médiocre de la science : Des lacunes importantes dans la rigueur scientifique appliquée à de nombreuses expériences sur les nanomatériaux ont été démontrées à l'échelle mondiale, comme les nanomatériaux testés ne sont pas (bien) décrits, des doses discutables sont testées et des essais inappropriés sont entrepris pour identifier les potentiels dangers. Beaucoup de ces essais sont inutiles, car ils ne sont pas reproductibles, pas comparables et de qualité insuffisante pour être inclus dans un répertoire d'études hautement nécessaire. • Absence de précaution : En dépit du texte REACH stipulant clairement que l'application des dispositions du règlement repose sur le principe de précaution, il n'y a aucune preuve de son application aux nanomatériaux (comme pour d'autres substances potentiellement et clairement problématiques). C'est le cas, même avec un nombre croissant de produits contenant des nanomatériaux mis sur le marché. Moins de dix nanomatériaux ont subi une évaluation limitée des risques à ce jour, spécialement pour l'application étroite de filtrage UV dans les écrans solaires (par la réglementation européenne sur les cosmétiques). Dans une approche beaucoup trop simpliste, la Commission européenne crée un faux conflit entre la précaution, la compétitivité de l'UE et l'innovation. En conséquence, la Commission européenne retarde actuellement l'adoption de législations et refuse de mettre en œuvre la législation existante en matière de nanomatériaux, pour éviter des effets potentiellement négatifs sur la croissance et la compétitivité. En plus de ces défis, un projet financé par l'Union européenne sur les tests de toxicité (NANoREG28) a identifié de graves lacunes concernant les connaissances actuelles et les enjeux scientifiques qui mènent à une bonne évaluation des risques pour les nanomatériaux29 : • Les caractéristiques physico-chimiques des nanomatériaux qui déterminent la libération, l'exposition, le comportement et les effets toxicologiques dans l'environnement sur les espèces et les êtres humains ne sont pas encore bien compris. • Le devenir et la persistance des nanomatériaux chez l'homme et dans l'environnement (impacts de la solubilité, revêtements, charge de surface, etc., impacts sur la biodisponibilité, la translocation et les effets toxiques) ne sont toujours pas bien compris. • Le transfert des nanomatériaux entre divers milieux environnementaux (air, eau, sol) n'est pas clair. • Les voies d’absorption des nanomatériaux par les êtres humains et les espèces cibles (inhalation, ingestion, absorption) doivent être mieux comprises. Les mécanismes et les caractéristiques qui déterminent la façon dont les nanomatériaux sont distribués dans les 7
organismes et l'environnement (distribution tissulaire et distribution dans les espèces, la concentration dans les organes cibles) sont particulièrement peu clairs. • La caractéristique (masse, nombre de particules, surface) qui donne la meilleure corrélation entre l'exposition aux nanomatériaux et leur effet toxicologique n’est pas clairement déterminée. • Il n'y a pas encore de méthodes normalisées de caractérisation et de tests de toxicité des nanomatériaux. • Il manque des outils de mise en œuvre pour l’utilisation du regroupement dans l'évaluation du risque par les organismes régulateurs. Ainsi, un double objectif est nécessaire pour : • Réduire et idéalement éliminer les lacunes concernant les données, et entre-temps • Mettre en œuvre une législation fondée sur la précaution, en veillant à ce que les fabricants de nanomatériaux entreprennent des tests appropriés sur les NMM avant que leurs produits soient mis sur le marché, en fournissant des informations à partir de ces résultats aux autorités qui mettent en place les réglementations. Conclusions Les évaluations fiables sur les risques des nanomatériaux ne sont pas encore possibles après plus de dix années d'efforts individuels et internationaux, y compris des évaluations sur leurs aspects les plus fondamentaux. Ces aspects prennent en compte la façon de les caractériser et de les mesurer, la détermination des propriétés physico-chimiques provoquant des effets donnés sur différents systèmes biologiques, et comment ils se comportent au sein de différents systèmes biologiques. Pourtant, de plus en plus de produits contenant des nanomatériaux sont mis sur le marché, avec peu ou pas de données de sécurité spécifiques disponibles. Dans ce contexte de risques incertains, les fabricants devraient être tenus de démontrer les avantages et la sécurité des produits contenant des nanomatériaux. La Commission européenne continue reste passive pour mettre en place une gouvernance adéquate concernant les nanomatériaux, se cachant derrière des ensembles de données incomplets / des manques de connaissances, avec des retards injustifiés dans la révision de la législation sur les produits chimiques et en ne respectant pas les exigences concernant les principaux textes de loi. Face à une telle situation, les gouvernements et les organismes de réglementation devraient faire usage du principe de précaution pour réduire les risques d'exposition aux nanomatériaux à tous les êtres humains (en particulier les travailleurs) et sur l'environnement. Références Arts et al. (2015) : Josje H.E. Arts, Mackenzie Hadi, Muhammad-Adeel Irfan, Athena M. Keened, Reinhard Kreilinge, Delina Lyon, Monika Maier, Karin Michel, Thomas Petry, Ursula G. Sauer, David Warheit, Karin Wiench, Wendel Wohlleben, Robert Landsiedel, A decision-making framework for the grouping and testing of nanomaterials (DF4nanoGrouping), Regulatory Toxicology and Pharmacology, Vol. 71, Supplement, 15.3.2015, p. 1–27. Voir : http://dx.doi.org/10.1016/j.yrtph.2015.03.007 (Tel que le 20.11.2016). Arts et al. (2014) : Josje H.E. Arts, Mackenzie Hadi, Muhammad-Adeel Irfan, Athena M. Keened, Reinhard Kreilinge, Delina Lyon, Monika Maier, Karin Michel, Thomas Petry, Ursula G. Sauer, David Warheit, Karin Wiench, Wendel Wohlleben, Robert Landsiedel, A critical appraisal of existing concepts for the grouping of nanomaterials, Regulatory Toxicology and Pharmacology, Volume 70, p. 492-506. Voir : http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0273230014001809 (Tel que le 20.11.2016). 8
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18 OCDE (2012), p. 34. 19 ECHA/RIVM/JRC (2016). 20 OCDE (2014), p. 103; Lynch et. al. (2014). 21 C.f. OCDE (2014), p. 103. Dans OCDE (2016), les résultats d'une enquête de l'OCDE sur les approches de regroupement/équivalence des nanoparticules résument les concepts croisés des régimes réglementaires. 22 OCDE (2014), p. 104. 23 Arts et al. (2015). 24 Arts et al. (2015). 25 Cf. les références croisées sur les substances classiques pour :ECHA (2015), cadre d'évaluation des références croisées. 26 ECHA/RIVM/JRC (2016), p. 6. 27 Richarz et. al. (2015). 28 Voir la page d'accueil de NANoREG : http://www.nanoreg.eu/ (Tel que le 20.11.2016). 29 (RIVM) (2015), p. 47. Cf. ECHA (2014). 11
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