Verbalisations associées aux réussites et aux échecs thérapeutiques d'un traitement auto-administré pour les joueurs problématiques - Corpus UL
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Verbalisations associées aux réussites et aux échecs thérapeutiques d'un traitement auto-administré pour les joueurs problématiques Mémoire doctoral Camille Théberge Doctorat en psychologie Docteure en psychologie (D. Psy.) Québec, Canada © Camille Théberge, 2021
VERBALISATIONS ASSOCIÉES AUX RÉUSSITES ET AUX ÉCHECS THÉRAPEUTIQUES D’UN TRAITEMENT AUTO-ADMINISTRÉ POUR LES JOUEURS PROBLÉMATIQUES Mémoire doctoral Camille Théberge Sous la direction de : Isabelle Giroux (Ph.D.), directrice de recherche
Résumé Les traitements auto-administrés (TAA) incluant des entretiens motivationnels ont montré leur efficacité à réduire les comportements de jeu problématiques et les conséquences associées. Les paroles du joueur sont au cœur des entretiens motivationnels et fournissent de l’information sur la motivation du joueur à changer ses comportements. Ces entretiens permettent de travailler l’ambivalence et d’augmenter sa motivation à changer. La présente étude vise à explorer le contenu d’un entretien motivationnel d’un TAA afin d’identifier de quelle façon s’articule le discours motivationnel selon les différentes issues du traitement des joueurs, soit la réussite, l’abandon ou la non-réponse au traitement. Le contenu du discours autre que motivationnel est aussi exploré afin de compléter le portrait. Douze verbatims d’entretiens motivationnels de joueurs problématiques (quatre abandons, réussites et non- complétion) ont fait l’objet d’une analyse qualitative du contenu et d’un accord interjuge. La motivation représentée par l’engagement, les raisons, la capacité, le désir, l’action et le besoin se retrouve verbalisée pour le changement dans chaque trajectoire. Toutefois, l’engagement contre le changement et le besoin de ne pas changer ne se retrouvent que dans la trajectoire de l’abandon alors que la trajectoire de non-réponse présente spécifiquement la mise en action de stratégies de contrôle externes. Une faible perception de la capacité de changer en raison de facteurs personnels est également relevée dans ces deux trajectoires. Le discours autre que motivationnel révèle des attentes élevées envers le traitement ainsi que l’utilisation du jeu comme stratégie de gestion émotionnelle dans les trajectoires d’abandon et de non- réponse au traitement. Les résultats de cette étude appuient la richesse du contenu du discours des joueurs lors d’un entretien motivationnel. Les études cliniques gagneraient à se servir de ce matériel en cours de traitement pour le personnaliser aux besoins des joueurs. ii
Table des matières Table des matières.............................................................................................................. iii Liste des tableaux ............................................................................................................... iv Liste des figures .................................................................................................................. v Liste d’abréviations ............................................................................................................ vi Remerciements .................................................................................................................. vii Introduction générale .......................................................................................................... 1 Le traitement des joueurs problématiques...................................................................... 2 Facteurs prédicteurs de l’abandon .................................................................................. 5 Facteurs prédicteurs de la réponse au traitement ........................................................... 6 La motivation au changement ........................................................................................ 8 Analyse qualitative des facteurs prédicteurs d’abandon .............................................. 10 Mise en contexte du présent mémoire .......................................................................... 12 Chapitre 1 : Les verbalisations lors du premier entretien motivationnel nous informent-elles sur l’issue possible d’un traitement auto-administré ? ...................................................... 13 Les entretiens motivationnels dans le cadre de traitements auto-administrés .................. 16 Les traitements auto-administrés au Québec .................................................................... 17 Les verbalisations des joueurs comme facteur prédicteur du résultat d’un TAA ............. 19 Objectif ............................................................................................................................. 21 Méthode ............................................................................................................................ 22 Analyses ............................................................................................................................ 24 Résultats ............................................................................................................................ 25 Discussion ......................................................................................................................... 33 Forces et limites de l’étude ............................................................................................... 37 Conclusion ........................................................................................................................ 38 Références ......................................................................................................................... 39 Figures............................................................................................................................... 43 Tableaux ............................................................................................................................ 45 Conclusion générale .......................................................................................................... 57 Bibliographie..................................................................................................................... 64 Annexe .............................................................................................................................. 70 iii
Liste des tableaux Tableau 1. Données sociodémographiques des joueurs en fonction de la trajectoire de traitement.. ........................................................................................................................ 45 Tableau 2. Thèmes motivationnels et distribution selon les trajectoires de traitement.. .. 46 Tableau 3. Autres thèmes et leur distribution selon la trajectoire de traitement............... 51 iv
Liste des figures Figure 1. Schéma des thèmes motivationnels en fonction des trajectoires de traitement ..... ........................................................................................................................................... 43 Figure 2. Schéma des thèmes non motivationnels en fonction des trajectoires de traitement. ........................................................................................................................................... 44 v
Liste d’abréviations ALV : Appareil de loterie vidéo APA : American Psychiatric Association DSM : Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux ICJE : Indice canadien de jeu excessif JHA : Jeux de hasard et d’argent TAA : Traitement auto administré TCC : Thérapie cognitive comportementale vi
Remerciements La réalisation de ce mémoire n’aurait pas pu être possible sans la contribution et l’appui de plusieurs personnes que je souhaite remercier. Tout d’abord, je tiens à remercier Isabelle Giroux, ma directrice de recherche avec qui j’ai échangé de très nombreux courriels et conversations de cadre de porte durant mon parcours. Merci de ta présence, de ton temps, de ton écoute et tes conseils. Merci de m’avoir accueilli au sein du CQEPTJ, et ce, depuis mon baccalauréat. Ce laboratoire qui fut autant un lieu de travail et d’étude qu’un lieu de plaisir et de belles rencontres. Un merci tout spécial à Christian qui a su m’encourager et me conseiller tout au long de mon projet de recherche dirigé et de mon doctorat. Qui a aussi su rendre mes nombreux diners au laboratoire plus plaisants. Un grand merci à mes nombreux collègues de laboratoire qui m’ont fait rire, m’ont rassuré, m’ont encouragé et m’ont conseillé. Merci entre autres à Chanelle, Pierre-Yves, Alexandre, Benjamin, Maxime, Daniel, Étienne, Catherine, David, Dominic, Jonathan. Merci à Monsieur Stéphane Sabourin, membre de mon comité d’encadrement. Merci pour tes commentaires et conseils. Merci aussi à mes superviseurs cliniques qui m’ont grandement appris autant sur le plan professionnel que personnel. Merci à Nancy Grenier, Dominique Desbiens, Guy Boucher, Catherine Guay et Julie St-Amand. Un merci tout spécial à mes ami(e)s rencontrés durant mon parcours en psychologie. Vous avez fait de ces nombreuses années d’étude des moments inoubliables. Merci de votre temps, de vos sourires, de votre soutien et de tous les beaux moments que vous laissez gravés dans ma mémoire. Merci Édith, Catherine G., Maude, Jordane, Jessica, Sophie, Marie-Michèle, Marie. vii
Un merci tout spécial à Sara, ma belle amie sans qui les 10 dernières années n’auraient pas été les mêmes. Tu es une personne incroyable que je suis si chanceuse d’avoir eue à mes côtés durant toutes ces années. Merci aussi à mes amies qui ne m’ont pas accompagné dans mes études, mais qui ont eu un impact incroyable sur ma santé psychologique durant ce parcours. Un grand merci à Isabelle, Michèle, Catherine T., Alexis, Anouk et tant d’autres. Enfin, je ne pourrais passer sous silence les membres de ma famille qui ont su m’apporter le soutien, l’amour et le réconfort nécessaires pour m’aider à cheminer à travers les dernières années. Il est difficile de choisir les bons mots pour vous dire à quel point je suis reconnaissante. Je tiens donc à remercier ma mère, Anne, mon père, Pascal, mes grands- parents, Abel, Paulette et Jocelyne, mon parrain et ma marraine, Jacques et Diane. viii
Avant-propos Le présent mémoire doctoral comporte un article, dont Camille Théberge, candidate au doctorat en psychologie, est la première auteure. Elle a procédé́ à l’entière réalisation de l’article, ce qui inclut la recension des écrits, l’analyse qualitative, l’interprétation des résultats et la rédaction. Madame Isabelle Giroux, Ph. D., directrice de mémoire doctoral, a fourni un soutien continu dans l’élaboration et la rédaction de l’article. Elle a contribué à l’identification des objectifs de recherche, à la rédaction et elle a encadré la démarche scientifique. Mme Giroux est deuxième auteure de l’article. Mme Catherine Boudreault, Ph. D. est troisième auteure de l’article de ce mémoire. Cette étude s’inscrit dans une seconde analyse des données provenant de la thèse de Mme Boudreault, cette dernière a agi à titre de personne-ressource tout au long de la réalisation de cette étude. Mme Chanelle Gilbert-Baril et Monsieur Étienne Gagnon ont contribué à la transcription des enregistrements audio en verbatims et à la codification en parallèle. Ce mémoire doctoral utilise les données secondaires d’une étude de traitement menée par Catherine Boudreault, B.A., Isabelle Giroux, Ph. D., Christian Jacques, M. Ps., Annie Goulet, Ph. D., Hélène Simoneau, Ph. D., et Robert Ladouceur, Ph. D. et financée par le Fonds de recherche du Québec – Société et culture (FRQ- SC) en collaboration avec le Ministère de la Santé et des Services Sociaux (MSSS) du Québec. ix
Introduction générale Les jeux de hasard et d’argent (JHA) regroupent toute activité impliquant la mise d’une somme d’argent ou d’un objet de valeur qui ne peut être repris une fois misé et dont l’issue repose sur le hasard (Ladouceur, Sylvain, Boutin & Doucet, 2000). Ceux-ci incluent notamment la loterie, les appareils de loterie vidéo (ALV), les machines à sous, le bingo, les jeux de table et de carte, le poker et les jeux de casino en ligne (Kairouz & Robillard, 2014). Pour une majorité d’individus, la participation aux JHA prend la forme d’une activité récréative sans risque, alors que pour d’autres cette implication dans les JHA apporte son lit de difficultés les amenant à développer un problème relié au jeu. Afin de déterminer la gravité des comportements de jeu, l’Indice canadien de jeu excessif (ICJE) est fréquemment utilisé (Ferris & Wynne, 2001). Il s’agit d’un instrument de dépistage permettant de catégoriser la population générale, incluant les non-joueurs, en fonction de leurs activités de jeu et des conséquences associées, durant les 12 derniers mois. Selon cet instrument, il peut être question de joueur à faible risque, à risque modéré et de joueur excessif (Ferris & Wynne, 2001). L’appellation joueur pathologique probable est parfois préférée à celle de joueur excessif, étant donné que cette appellation démontre que l’ICJE tente d’estimer la portion des joueurs qui répondent aux critères du jeu d’argent pathologique (Giroux, Jacques, Ladouceur, Leclerc & Brochu, 2012). Le jeu d’argent pathologique se retrouve dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5 ; American Psychiatric Association [APA], 2013) sous la catégorie des troubles addictifs. Il se définit par une pratique inadaptée, persistante et répétée de jeu d’argent qui perturbe le fonctionnement et/ou cause une détresse significative. Pour que le diagnostic soit posé, un total de quatre critères doivent être remplis dans une période de 12 mois et les symptômes ne doivent pas être mieux expliqués par un épisode maniaque (APA, 2013). La gravité de ce diagnostic est déterminée par le nombre de critères endossés par le joueur (4-5 critères =léger ; 6 -7 critères =moyen ; 8-9 critères = grave). Dans la littérature anglophone, le terme problem gambling est fréquemment utilisé et sa traduction « joueur problématique » désigne un joueur qui rencontre des difficultés liées 1
au jeu, mais qui ne répond pas nécessairement aux critères diagnostiques du jeu d’argent pathologique. Les joueurs pathologiques probables et ceux à risque modéré, au sens de l’ICJE, sont souvent inclus dans les joueurs problématiques (Costes et al., 2011). Selon la dernière étude de prévalence au Québec, en 2012, 84 % des adultes ont participé aux JHA au moins une fois dans leur vie et 66 % ont joué au cours de l’année précédant cette enquête. De plus, 2,9 % de la population québécoise représentaient des joueurs à faible risque, 1,4 % des joueurs à risque modéré et finalement, 0,4 % étaient des joueurs pathologiques probables selon l’ICJE. Ainsi, en 2012, les joueurs problématiques représentaient près de 115 000 personnes (Kairouz & Robillard, 2014). Les joueurs problématiques, même s’ils ne répondent pas nécessairement aux critères du jeu d’argent pathologique, peuvent vivre plusieurs conséquences négatives associées à leur pratique de jeu sur leur travail, leurs relations sociales, leur santé physique et mentale ainsi que sur leurs finances (Browne & Rockloff, 2018; Canale, Vieno & Griffiths, 2016; Raylu & Oei, 2002). Li et ses collaborateurs (2017) ont notamment exploré les conséquences sur les joueurs ainsi que sur leurs proches. Ces conséquences regroupent entre autres un rendement inférieur et de l’absentéisme au travail, des difficultés de sommeil, du stress, des symptômes dépressifs, des conflits relationnels, une réduction de l’argent disponible pour les autres dépenses ainsi que la vente d’objet pour financer son jeu. Le traitement des joueurs problématiques Afin de diminuer les conséquences négatives du jeu chez les joueurs, plusieurs traitements ont été mis en place tels que des thérapies cognitives, cognitives comportementales, psychodynamiques, éclectiques, des traitements pharmacologiques et certains groupes de soutien dont les Gamblers Anonymes (GA : Pallesen, Mitsem, Kvale, Johnsen, & Molde, 2005; Toneatto & Millar, 2004). De façon générale, les traitements psychologiques pour le jeu problématique sont démontrés comme étant plus efficaces que l’absence de traitement (Pallesen et al., 2005). Parmi ceux-ci, les thérapies cognitives comportementales (TCC) seraient les plus efficaces, 2
démontrant des effets robustes à court terme. Plus précisément, les résultats d’une méta- analyse ont révélé des résultats significatifs (fréquence de jeu, durée des périodes de jeu, abstinence, résultats au South Oaks Gambling Screen (SOGS) et autres résultats) importants dans les 3 mois suivants les traitements de TCC et ces résultats se maintiennent à long terme soit jusqu’à 24 mois ou plus dans les études qui ont inclus ces temps de mesure (Gooding & Tarrier, 2009). La TCC comprend, entre autres, des interventions cognitives telles que l’identification et la correction de distorsions cognitives à propos du jeu. Les distorsions cognitives référent aux pensées qui sont en partie ou totalement erronées que peuvent entretenir les joueurs par rapport au jeu et qui favorisent le maintien des comportements (Chretien, Giroux, Goulet, Jacques & Bouchard, 2017). La TCC inclut aussi des interventions comportementales afin de renforcer les comportements qui ne se rapportent pas au jeu, d’encourager la résolution de problèmes et de prévenir la rechute (Ledgerwood & Petry, 2005; Petry, 2009). La TCC s’avère efficace pour diminuer le nombre de critères diagnostiques du jeu d’argent pathologique endossés par les joueurs, la fréquence de jeu, le désir de jouer ainsi que pour augmenter le sentiment de contrôle et d’efficacité personnelle (Ladouceur et al., 2001; Raylu & Oei, 2002; Smith, Dunn, Harvey, Battersby & Pols, 2013; Sylvain, Ladouceur & Boisvert, 1997; Toneatto & Millar, 2004). Les échecs thérapeutiques Malgré que les résultats significatifs reflètent la diminution des symptômes pour une grande partie des joueurs qui entrent en traitement, pour certains le traitement ne permet pas de résoudre le problème ou de prévenir son retour (Hollon, Dimidjian & Hollon, 2011). Les « échecs thérapeutiques » regroupent différents problèmes liés au traitement. Mash et Hunsley (1993) définissent l’échec thérapeutique comme tout échec dans l’atteinte des buts thérapeutiques visés. Selon ces auteurs, les participants qui refusent le traitement, qui abandonnent, qui ne répondent pas au traitement, qui ont une réponse limitée et pour qui les bénéfices du traitement ne se maintiennent pas dans le temps sont considérés comme des échecs thérapeutiques. 3
Dans les traitements pour les problèmes de jeu, le taux d’abandon inclut tout joueur qui a cessé la thérapie avant la fin du traitement, la fin du traitement étant définie par un nombre de séances précis ou par l’atteinte d’un changement clinique visé (Giroux, Demers, Jacques, Sévigny & Bouchard, 2015). De façon générale, dans les études de traitements pour les joueurs problématiques, on retrouve des taux d’abandon pouvant aller jusqu’à 50% (Dunn, Delfabbro & Harvey, 2012; Melville, Casey & Kavanagh, 2007). Au Québec, l’évaluation d’un traitement pilote d’approche cognitive comportementale implanté dans quatre grandes régions révèle des taux allant jusqu’à 65% dans les services externes (sans hébergement) (Allard & Papineau, 2006). Les rechutes, quant à elles, sont définies de plusieurs façons, allant du simple épisode de jeu isolé à un nombre minimum d’épisodes de jeu accompagnés d’un sentiment de perte de contrôle, suivant une période d’abstinence (Aragay, Jiménez-murcia & Granero, 2015; Echeburúa, Fernández-Montalvo & Báez, 2001; Ledgerwood & Petry, 2006; Smith et al., 2015). Chez environ 18 % des joueurs, les bénéfices du traitement ne se maintiennent pas à long terme et on observe une rechute aux mesures de suivi (Jiménez-murcia et al., 2007; Ramos-grille, Aragay, Valero & Vallès, 2015). Enfin, un joueur qui ne répond pas au traitement représente un joueur qui ne réussit pas à atteindre les buts visés par la thérapie, soit l’abstinence ou le jeu contrôlé (Dowling, Smith & Thomas, 2009). L’abstinence est définie comme l’arrêt complet des comportements de jeu, alors que le jeu contrôlé peut être défini comme la réduction des comportements de jeu en termes de fréquence, de temps et d’argent dépensé, afin que ces comportements ne causent plus de conséquences pour le joueur et son entourage (Ladouceur, Lachance & Fournier, 2009). En ce sens, l’atteinte du jeu contrôlé indique que le joueur ne devrait pas répondre aux critères diagnostiques du jeu d’argent pathologique à la fin du traitement. Allard et Papineau (2006), dans leur évaluation du programme expérimental québécois de traitement pour les joueurs pathologiques entre 2001 et 2003, ont révélé que près de 18 % des joueurs ne répondraient pas au traitement, puisqu’ils avaient maintenu un diagnostic de joueurs pathologiques. 4
Les échecs thérapeutiques dans les traitements pour les joueurs problématiques peuvent donc représenter une proportion importante des joueurs qui entrent en traitement. Plusieurs auteurs ont donc tenté d’identifier les facteurs qui pourraient prédire ces échecs afin d’augmenter l’efficacité des traitements en offrant des pistes de solutions pour adapter les interventions (Merkouris, Thomas, Browning & Dowling, 2016). Facteurs prédicteurs de l’abandon D’abord, deux recensions se sont intéressées aux facteurs reliés aux abandons dans les traitements pour les joueurs pathologiques, soit celles de Giroux et ses collaborateurs (2015) et de Melville et ses collaborateurs (2007). Quatre grandes catégories de prédicteurs ont été identifiées, soit les facteurs sociodémographiques et contextuels, les facteurs reliés au jeu, les facteurs psychologiques et les facteurs reliés au traitement. Les joueurs plus âgés et n’ayant pas d’emploi seraient plus à risque d’abandonner selon les résultats de la recension de Melville et al. (2007). Cependant, Giroux et ses collaborateurs (2015) en réunissant plus de 50 articles de 1994 à 2013 rapportent que les jeunes joueurs seraient plus susceptibles d’abandonner la thérapie, sans retrouver d’association significative entre l’occupation et l’abandon. Cependant, une association est remarquée entre le statut civil de divorcé ou séparé et l’abandon (Giroux et al., 2015). D’un point de vue contextuel, les joueurs qui vivent une situation stressante telle que le changement d’emploi ou une naissance et qui ont un faible support social risquent davantage d’abandonner (Melville et al., 2007). Cependant, ces facteurs méritent une investigation supplémentaire étant donné qu’une seule étude rapporte des résultats significatifs. Parmi les facteurs reliés au jeu, les deux recensions identifient l’apparition précoce des comportements de jeu et une plus grande durée de ceux-ci comme étant des prédicteurs de l’abandon. Certains comportements de jeu courants se retrouvent identifiés également : selon les résultats de Melville et ses collaborateurs (2007), les joueurs qui consacrent plus de temps au jeu et qui ont une dette moins élevée se voient plus à risque d’abandonner. De plus, 5
selon les travaux recensés par Giroux et son équipe (2015), un joueur ayant des habitudes de jeu problématiques plus importantes, mesurées avec l’ICJE, serait plus à risque d’abandonner le traitement. En ce qui concerne les facteurs psychologiques, les joueurs ayant des problèmes concomitants tels que l’anxiété, l’abus de drogue ou d’alcool et des symptômes obsessifs compulsifs seraient davantage à risque d’abandonner leur traitement. L’impulsivité et une plus grande recherche de sensations chez le joueur le rendent plus à risque également d’abandonner le traitement (Giroux et al., 2015; Melville et al., 2007). Cependant, lorsque l’on regarde l’influence de l’anxiété et de l’impulsivité sur l’abandon, seulement certaines études qui ont mesuré ces variables rapportent des résultats significatifs. Ainsi, ces facteurs manquent encore d’appuis afin de déterminer leur caractère prédicteur. Enfin, pour ce qui est des variables propres au traitement, seule la modalité de traitement influence le taux d’abandon. Plus précisément, les groupes d’entraide représentent le plus haut taux d’abandon (Giroux et al., 2015). De façon générale, bien que plusieurs études tentent de prédire l’abandon, un faible nombre de variables analysées sont rapportées comme étant significativement prédictives. De plus, la plupart des variables rapportées comme prédictives se retrouvent non supportées ou contredites par les résultats d’une ou de plusieurs autres études incluses dans les recensions (Giroux et al., 2015; Melville et al., 2007). En ce sens, d’autres études sont nécessaires afin de permettre l’identification des facteurs prédicteurs de l’abandon. L’exploration des facteurs de manière qualitative pourrait permettre de mieux comprendre le vécu du joueur qui abandonne son traitement et guider les prochaines études vers de nouvelles thématiques. Facteurs prédicteurs de la réponse au traitement L’équipe de Merkouris (2016) s’est intéressée, dans une revue systématique, aux facteurs prédicteurs des résultats dans les traitements pour les joueurs pathologiques, excluant les abandons. Les résultats de traitement incluent la sévérité des symptômes, le total 6
des dépenses reliées au jeu et la fréquence de jeu. De plus, plusieurs temps de mesure sont inclus soit le post-traitement et les mesures de suivis court terme (3 à 6 mois post-traitement), moyen terme (approximativement 12 mois post-traitement) et long terme (24 mois ou plus post-traitement). Selon ces résultats, les caractéristiques sociodémographiques analysées montrent que les joueurs plus âgés obtiendraient de meilleurs résultats au post-traitement et à moyen terme. Les joueurs de sexe masculin seraient reliés à de meilleurs résultats à plusieurs temps de mesure (court-terme et moyen-terme), mais les femmes obtiendraient des meilleurs résultats au post-traitement. Le fait d’être en couple serait prédicteur de meilleurs résultats au post- traitement et à court terme, mais être célibataire serait associé à de meilleurs résultats à moyen terme. Les caractéristiques reliées au jeu ayant été retrouvées comme significatives indiquent qu’une moins grande sévérité de symptômes au prétraitement serait reliée à de meilleurs résultats au post-traitement et à moyen terme alors qu’aucune dette de jeu prédirait de meilleurs résultats au post-traitement. Les joueurs avec de plus importants comportements de jeu avant le traitement obtiendraient de moins bons résultats au post-traitement et à moyen terme. L’analyse des facteurs psychologiques du joueur suggère, à l’exception d’une étude, que les joueurs avec moins de symptômes dépressifs auraient de meilleurs résultats au post- traitement, à court terme et moyen terme. De plus, les résultats indiquent qu’une consommation d’alcool moins élevée serait associée à un meilleur résultat au post-traitement et à moyen terme et le fait d’être au stade de motivation au changement de l’action serait relié à de meilleurs résultats au post-traitement. Puis, certains traits de personnalité tels qu’un faible niveau de recherche de nouveauté, d’évitement et de recherche de sensations seraient associés à de meilleurs résultats que ceux présentant ces traits de façon plus importante. Pour ce qui est des caractéristiques du traitement, des résultats contradictoires sont retrouvés par rapport au but du traitement, soit l’abstinence ou le jeu contrôlé. Plus 7
précisément, une étude (Ladouceur, Lachance & Fournier, 2009) rapporte que les joueurs qui choisissent le jeu contrôlé comme objectif auraient de meilleurs résultats au post-traitement alors qu’une autre étude (Toneatto & Dragonetti, 2008) rapporte des résultats contraires démontrant que les joueurs choisissant l’abstinence auraient de meilleurs résultats au post- traitement et à moyen terme. Cependant, plusieurs joueurs de la première étude auraient modifié leur objectif de jeu contrôlé à l’abstinence durant le traitement. Ainsi, il apparaît difficile de tirer des conclusions sur le but de traitement comme facteur prédicteur. Enfin, les joueurs qui complètent plus de sessions de traitement obtiendraient de meilleurs résultats au post-traitement et à moyen terme. En somme, un nombre limité de facteurs se retrouvent significativement prédicteurs des résultats de traitement et les résultats de cette revue systématique doivent être interprétés avec prudence en raison du petit nombre d’études qui examinent chaque variable. Il est ainsi, à ce jour, difficile de discriminer les joueurs qui ne répondront pas au traitement de ceux qui obtiendront de bons résultats. De plus, des facteurs recensés, plusieurs apparaissent difficiles, voire impossibles, à modifier avant le début du traitement (par ex. : sexe, âge). Les facteurs psychologiques pourraient toutefois faire l’objet d’une intervention afin de favoriser de meilleurs résultats de traitement. Par exemple, la motivation au changement pourrait être adressée pour favoriser un meilleur résultat au traitement. La motivation au changement Alors qu’être au stade de changement de l’action prédit un bon résultat au traitement (Merkouris et al., 2016), ce n’est pas l’ensemble des joueurs qui se retrouvent à ce stade en début de traitement (Soberay, Grimsley, Faragher, Barbash & Berger, 2014). De façon générale, les joueurs présentent beaucoup d’ambivalence envers le fait d’arrêter de jouer et résistent au changement (Wulfert, Blanchard & Martell, 2003). L’ambivalence représente le conflit interne qui se produit lorsqu’une personne pèse le pour et le contre d’un changement (Miller & Rollnick, 2004). En ce sens, les abandons et les rechutes indiquent une ambivalence 8
intrinsèque liée au changement d’un comportement problématique qui apporte certains avantages en plus des conséquences (Wulfert, Blanchard & Freidenberg, 2006). Afin d’expliquer le processus du changement qui s’opère chez les joueurs en traitement, le modèle transthéorique de changement (Prochaska, DiClemente & Norcross, 1992) est fréquemment utilisé (Dunn et al., 2012; Melville et al., 2007; Merkouris et al., 2016). Selon ce modèle, les personnes désirant modifier un comportement problématique vont se déplacer d’avant-arrière à travers cinq stades soit la précontemplation, la contemplation, la préparation, l’action et finalement le maintien. Appliqués au jeu, les stades de changements peuvent être présentés ainsi : le joueur dans le stade de précontemplation ne considère pas avoir un problème et n’a donc aucune intention de changer. En contemplation, le joueur commence à reconnaître que ses comportements entraînent certains problèmes, il commence à penser au changement, mais il est encore très ambivalent. C’est à ce moment qu’il évalue les avantages et désavantages de ses comportements. En préparation, de petits changements sont enclenchés ou seront faits à court terme, mais des changements effectifs ne sont pas encore atteints. En action, le joueur met des efforts considérables pour changer ses comportements et les changements sont mis en place avec succès. Après six mois, le joueur se retrouve dans le stade de maintien, dans lequel le joueur travaille pour prévenir la rechute et consolider ses gains (Norcross, Krebs & Prochaska, 2011; Prochaska et al., 1992). Afin de travailler l’ambivalence d’un joueur et de l’amener vers un stade de changement plus avancé, les entretiens motivationnels basés sur l’approche de Miller et Rollnick (1991) sont démontrés efficaces (Diskin & Hodgins, 2009). De plus, selon les résultats d’une récente méta-analyse, ces entretiens permettent de réduire significativement les montants dépensées et la fréquence de jeu par mois (Yakovenko, Quigley, Hemmelgarn, Hodgins & Ronksley, 2015). L’approche motivationnelle suppose que ce qu’un individu dit à propos du changement au cours de l’entretien est lié au changement subséquent (Miller & Rollnick, 9
2004). Plus précisément, les paroles du client sont au centre de l’entretien motivationnel puisque verbaliser l’intention de changer et développer un plan pour produire un changement conduit à une certaine obligation publique et personnelle (Heckhausen & Gollwitzer, 1987). Par exemple, si un client se retrouve à argumenter contre le changement d’un comportement, il peut en déduire qu’il ne veut pas ou qu’il n’a pas l’intention de changer et sera probablement moins susceptible de le faire. À l’inverse, s’il se retrouve à argumenter en faveur du changement, il est plus susceptible d’effectuer un changement spécifique de comportement (Moyers et al., 2007). En ce sens, bien que plusieurs études mesurent l’engagement et la motivation par des questionnaires, la source d’information la plus riche semble être le discours du client durant l’entretien motivationnel (Amrhein, Miller, Yahne, Palmer & Fulcher, 2003). En dépendance, lorsque le contenu des entretiens motivationnels est exploré, il est rapporté qu’un langage plus important relié aux raisons, à la capacité et au désir de maintenir les comportements addictifs est relié à de moins bons résultats de traitement (Magill et al., 2018). Ces résultats appuient donc l’intérêt d’explorer le discours des joueurs. Analyse qualitative des facteurs prédicteurs d’abandon En ce sens, alors que la plupart des facteurs reliés à l’abandon sont documentés à l’aide de questionnaires (Giroux et al., 2015; Melville et al., 2007), Dunn et ses collaborateurs (2012) ont tenté de compléter ces résultats en explorant plutôt les verbalisations des joueurs. Cette étude qualitative avait pour but d’explorer les verbalisations des joueurs ayant abandonné ou complété le traitement State-wide Gambling Therapy Service, un programme de traitement australien basé sur l’approche cognitive comportementale (Dunn et al., 2012). Au total, dix joueurs ont accepté de participer, soit cinq ayant abandonné à la deuxième ou troisième session et cinq ayant terminé le traitement de huit ou douze sessions. Les joueurs ont été contactés par téléphone pour une entrevue d’une durée de 40 à 88 minutes. À cela s’ajoutait un questionnaire rétrospectif afin d’identifier le stade de changement auquel ils appartenaient à l’entrée en traitement. Ce questionnaire, comportant 27 questions sur une échelle Likert (définitivement faux à définitivement vrai), permettait au joueur de compléter leurs réponses à l’aide d’explications. Étant donné la restriction du comité d’éthique, les 10
entrevues n’ont pas été enregistrées, l’analyse a donc été restreinte aux notes prises par le thérapeute. L’analyse thématique du contenu des entrevues suggère certains facteurs qui auraient pu conduire à l’abandon du traitement. D’abord, le fait d’avoir commencé à jouer pour le plaisir ou dans le cadre d’interactions sociales n’est rapporté que par les joueurs ayant abandonné. D’un autre côté, les joueurs qui ont complété le traitement rapportent avoir commencé à jouer par solitude ou pour éviter les émotions négatives. Cependant, les auteurs émettent l’hypothèse que la complétion du programme peut avoir permis une meilleure compréhension des motivations personnelles et, de ce fait, l’identification du jeu comme un comportement d’évitement pourrait seulement démontrer une meilleure connaissance de soi. Les joueurs des deux groupes rapportent avoir confiance en leurs aptitudes apprises dans le traitement. Cependant, lorsqu’ils sont questionnés sur la possibilité de rechuter, ceux ayant abandonné mentionnent qu’il s’agit d’une possibilité contrairement aux joueurs ayant complété le traitement qui mentionnent être plus confiants en leur capacité de se contrôler. De plus, l’ensemble des joueurs mentionne avoir trouvé les devoirs à effectuer entre les séances difficiles. Cependant, seuls les joueurs ayant abandonné le traitement mentionnent ne pas les avoir complétés. Puis, concernant le stade de motivation au changement à l’entrée en traitement, les joueurs qui ont complété le traitement répondent plus fortement en accord aux questions conçues pour mesurer l’engagement dans l’action. L’engagement dans l’action (commitment to action) était alors mesuré par des énoncés tels que : « Je travaillais fort pour changer mes comportements de jeu ». Le petit échantillon et la mesure à postériori limitent la portée de ces résultats (Dunn et al., 2012). Cependant, ces résultats indiquent la pertinence pour de futures études d’explorer la motivation au changement des comportements de jeu des joueurs en traitement puisqu’il est possible que l’engagement dans l’action et possiblement l’engagement dans les devoirs thérapeutiques soit un indice permettant de prédire le risque d’abandon. 11
Le fait que les joueurs aient été contactés après la fin du traitement ne permet qu’une évaluation rétrospective. Ainsi, il est difficile de déterminer quels éléments du discours pourraient être détectés en début de traitement afin de donner des pistes d’information sur l’issue possible de traitement de chacun des joueurs afin de prévenir l’abandon. Mise en contexte du présent mémoire En somme, les joueurs qui entrent en traitement ont trois trajectoires possibles soit la réussite du traitement qui résulte en la réduction de leurs symptômes et des impacts négatifs de leurs comportements, l’abandon du protocole de traitement ou la non-réponse à celui-ci résultant au maintien de symptômes et de conséquences négatives du jeu. L’identification des joueurs à risque d’abandonner ou de ne pas répondre au traitement pourrait permettre d’adapter les interventions pour favoriser une meilleure adhérence et réussite au traitement. Toutefois, peu d’information nous permet actuellement de reconnaître ces joueurs au début de leur traitement. La motivation du joueur à l’entrée en traitement a été soulevée comme un facteur prédicteur de l’abandon et du résultat au traitement (Dunn, Delfabbro, & Harvey, 2012; Merkouris et al., 2016) et pourrait mériter davantage d’exploration. De plus, le discours des joueurs durant l’entretien motivationnel pourrait être une source d’information riche pour bien identifier leur niveau d’engagement et leur motivation (Amrhein et al., 2003). La présente étude porte donc sur les verbalisations des joueurs durant un entretien motivationnel dans le cadre d’un traitement auto-administré (TAA). Plus précisément, l’objectif de cette étude est d’explorer les thèmes émergeant du discours des joueurs problématiques lors du premier entretien motivationnel complété dans le cadre d’un TAA en fonction de leur issue de traitement soit la réussite, l’abandon ou la non-réponse au traitement. 12
Chapitre 1 : Les verbalisations lors du premier entretien motivationnel nous informent-elles sur l’issue possible d’un traitement auto-administré ? Camille Théberge, B.A., Isabelle Giroux Ph. D., Catherine Boudreault, Ph. D. École de psychologie, Faculté des sciences sociales, Université Laval Cette étude a été financée par le Fonds pour la prévention et le traitement du jeu de l’Université Laval. L’étude utilise les données secondaires d’une étude de traitement des chercheurs Isabelle Giroux, Ph. D., Hélène Simoneau, Ph. D., et Robert Ladouceur, Ph. D. financée par le Fonds de recherche du Québec – Société et culture (FRQ- SC) en collaboration avec le Ministère de la Santé et des Services Sociaux (MSSS) du Québec. 13
Résumé Les traitements auto-administrés avec entretiens motivationnels ont démontré des effets bénéfiques sur l’adhérence au traitement et sa réussite, chez les joueurs problématiques. Le contenu de ces entretiens a cependant été rarement analysé. Cette étude vise à explorer le contenu d’un entretien motivationnel selon la trajectoire de traitement, soit la réussite, l’abandon ou la non-réponse. Douze verbatims d’entretiens motivationnels de joueur problématiques (quatre par trajectoire) ont fait l’objet d’une analyse de contenu avec interjuge. L’engagement, les raisons, la capacité, le désir, l’action et le besoin de changer se retrouvent verbalisés dans chaque trajectoire. Les trajectoires d’abandon et de non-réponse présentent des thèmes motivationnels spécifiques, dont une faible perception de sa capacité à changer. Ces trajectoires révèlent également des attentes élevées envers le traitement et l’utilisation du jeu comme stratégie de gestion émotionnelle. Ces résultats appuient la richesse du discours des entretiens motivationnels pour renseigner sur la finalité possible du traitement. 14
Les verbalisations lors du premier entretien motivationnel nous informent-elles sur l’issue possible d’un traitement auto-administré ? Au Québec, en 2012, la dernière étude de prévalence du jeu pathologique indique qu’environ 115 000 personnes étaient présumées comme étant des joueurs problématiques. Plus précisément, 1,4% de la population québécoise présentait des comportements de jeu à risque modéré et 0,4% étaient considérés comme étant des joueurs pathologiques probables (Kairouz & Robillard, 2014). Ces joueurs peuvent vivre plusieurs conséquences négatives associées à leur pratique de jeu sur leur travail, leurs relations sociales et leur santé physique et mentale (Browne & Rockloff, 2018; Canale, Vieno & Griffiths, 2016; Raylu & Oei, 2002). Afin de diminuer ces conséquences, plusieurs traitements sont offerts tels que des thérapies cognitives, cognitives-comportementales, psychodynamiques, éclectiques, des traitements pharmacologiques et certains groupes de support dont les Gamblers Anonymes (GA ; Pallesen et al., 2005; Toneatto & Millar, 2004). De ceux-ci, ce sont les thérapies cognitives comportementales (TCC) qui sont démontrées comme étant les plus efficaces (Gooding & Tarrier, 2009). Cependant, malgré leur efficacité, certains joueurs abandonnent en cours de traitement ou demeurent avec des comportements problématiques. Au Québec, au début des années 2000, les centres de réadaptation en dépendance offrant des traitements cognitifs comportementaux en service externe (sans hébergement) affichaient des taux d’abandon allant jusqu’à 65% (Allard & Papineau, 2006). De plus, jusqu’à 18% des joueurs qui complétaient le traitement ne répondaient pas à celui-ci, puisqu’ils maintenaient un diagnostic de jeu pathologique (Allard & Papineau, 2006). Plusieurs facteurs influencent les taux d’abandon et de non-réponse au traitement, et ceux-ci ont fait l’objet de multiples études amenant des résultats divergents (Giroux et al., 2015; Melville et al., 2007; Merkouris et al., 2016). Alors que certains facteurs sociodémographiques (âge, sexe, état civil), contextuels (situation, support social), reliés au jeu (âge d’apparition, durée, temps consacré, dette, gravité de la problématique), reliés au traitement (modalité) et psychologiques (problématique concomitante, traits de personnalité, motivation) ont été retrouvés comme prédicteurs de l’abandon dans certaines études, ils ne se retrouvent pas ou peu d’appui dans d’autres. De plus, plusieurs de ces facteurs identifiés 15
sont peu influençables par le thérapeute. Toutefois, parmi les facteurs identifiés, la motivation au traitement peut être adressée en traitement et semble influencer la complétion et la réussite du traitement (Dunn et al., 2012 ; Merkouris et al., 2016). Plus précisément, les entretiens motivationnels ont montré leur efficacité à travailler l’ambivalence du joueur et à l’amener vers un stade de changement plus avancé (Diskin & Hodgins, 2009). Les entretiens motivationnels dans le cadre de traitements auto-administrés Les entretiens motivationnels, lorsqu’intégrés à un traitement pour les joueurs pathologiques déjà existants permettent d’obtenir de meilleurs résultats (Yakovenko, Quigley, Hemmelgarn, Hodgins & Ronksley, 2015 ; Wulfert et al., 2006). D’ailleurs, ces entretiens sont fréquemment intégrés à des traitements auto-administrés (TAA) et leur combinaison a démontré son efficacité (Diskin & Hodgins, 2009; Hodgins, Currie & el- Guebaly, 2001). Les TAA sont définis comme des traitements qui fournissent à un individu de l’information sur une problématique donnée ainsi que des outils et stratégies lui permettant de cheminer de façon indépendante ou avec le soutien minimal d’un intervenant (Danielsson, Eriksson & Allebeck, 2014). Dans le contexte du jeu, ces traitements fournissent, par manuel ou en format internet, les principes de bases de la thérapie cognitive comportementale. Dans leur revue systématique, Petry et ses collaborateurs (2017) révèlent des effets bénéfiques à court terme pour les TAA en réduisant les comportements de jeu. Ces résultats semblent s’améliorer lorsqu’un entretien motivationnel ou un soutien est fourni en combinaison avec ces traitements. Hodgins, Currie, Currie et Fick (2009) ont évalué l’efficacité d’un manuel d’auto- traitement et l’importance de la combinaison avec une composante motivationnelle, dans une étude incluant 314 joueurs problématiques. Les participants étaient répartis en quatre groupes, soit un groupe contrôle de type liste d’attente, un groupe recevant uniquement le manuel d’auto-traitement, un troisième groupe recevant le manuel suite à un entretien motivationnel et le dernier groupe recevant le manuel, le premier entretien motivationnel ainsi que 6 autres entretiens motivationnels suivant la réception du manuel. Selon leurs 16
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