VERS UNE COMBUSTION DÉCARBONÉE : IMPACT DE L'AJOUT D'HYDROGÈNE AUX MÉLANGES DE COMBUSTIBLES - Cerfacs

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VERS UNE COMBUSTION DÉCARBONÉE : IMPACT DE L'AJOUT D'HYDROGÈNE AUX MÉLANGES DE COMBUSTIBLES - Cerfacs
École polytechnique de l’université d’Orléans
   Spécialité Technologies pour l’Énergie, l’Aérospatial et la Motorisation

VERS UNE COMBUSTION DÉCARBONÉE :
  IMPACT DE L’AJOUT D’HYDROGÈNE
  AUX MÉLANGES DE COMBUSTIBLES

                    Rapport de stage

                               Auteur
                        Clément GUYONNET

                      Référents professionnels
                        Bénédicte CUENOT
                          Eléonore RIBER

                        Référent académique
                          Fabien HALTER

                           Stage de fin d’étude
                               Année 2020
VERS UNE COMBUSTION DÉCARBONÉE : IMPACT DE L'AJOUT D'HYDROGÈNE AUX MÉLANGES DE COMBUSTIBLES - Cerfacs
VERS UNE COMBUSTION DÉCARBONÉE : IMPACT DE L'AJOUT D'HYDROGÈNE AUX MÉLANGES DE COMBUSTIBLES - Cerfacs
Résumé :
Ce rapport synthétise les travaux d’un stage de fin d’études, réalisé
au Centre Européen de Recherche et de Formation Avancée en
Calcul Scientifique (CERFACS), portant sur l’étude des combus-
tions décarbonées, notamment sur l’impact de l’ajout d’hydrogène
aux hydrocarbures.
L’objectif est d’étudier la combustion de mélange méthane -
hydrogène - air dans des flammes laminaires de pré-mélange et
de diffusion à contre-courant composées de méthane, d’air et
d’hydrogène. L’impact de la teneur en hydrogène de tels mélanges
sur les émissions de polluants et de gaz à effet de serre a été
particulièrement analysé.

                            Abstract :

This report summarizes the work of an end-of-study intership, done
at the CERFACS, and that deals with decarbonated combustion,
in particular on the impact of adding hydrogen to hydrocarbons.
The objective is to simulate and study premixed and diffusion
laminar flames composed of a blend of methane, hydrogen and air.
In particular, the impact of hydrogen content on pollutant and
greenhouse gas emissions has been focused on.
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Polytech Orléans                                                                     CERFACS

   Remerciements

   Après 6 mois de stage de fin d’études, je souhaiterais remercier les personnes qui ont permis
son bon déroulement.

   J’adresse donc mes remerciements à mes deux référentes du CERFACS, Bénédicte CUE-
NOT et Eléonore RIBER pour avoir assuré un suivi technique en continu et pour avoir
répondu à l’ensemble de mes questions, mais également pour avoir porté un regard critique
sur la préparation de mes présentations écrites et orales.

   Merci également à Fabien HALTER, mon tuteur académique, pour son intérêt particulier
porté à mon stage et dont les travaux de recherches participent également à faire avancer la
communauté scientifique.

   Enfin, je n’oublie pas l’ensemble des stagiaires et doctorants qui ont participé de près ou de
loin à la réussite de ce stage que ce soit par leurs conseils, un partage d’expériences où encore
pour créer une ambiance conviviale qui donne le sourire à tout le monde.
   Une grande équipe que j’espère pouvoir recroiser.

Avril - Septembre 2020                         3                               Rapport de stage
VERS UNE COMBUSTION DÉCARBONÉE : IMPACT DE L'AJOUT D'HYDROGÈNE AUX MÉLANGES DE COMBUSTIBLES - Cerfacs
Table des matières
Liste des figures                                                                                                                   5

Liste des tableaux                                                                                                                  5

1 Présentation du projet                                                                                                            6
  1.1 Préambule . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .                                       6
  1.2 Contexte global . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .                                       6
  1.3 Projet SCIROCCO . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .                                           7

2 Introduction : Cinétique - Schémas chimiques                                             9
  2.1 Chimie de combustion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
  2.2 Schéma cinétique et mécanisme réduit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10

3 Outils numériques                                                                                                                12
  3.1 CANTERA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .                                          12
  3.2 ARCANE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .                                         12
  3.3 AVBP . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .                                       12

4 Flammes laminaires pré-mélangées                                                                                                 13
  4.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   13
  4.2 Caractéristiques de flamme . . . . . . . . . . . . .     .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   14
      4.2.1 Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . .      .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   14
      4.2.2 Propriété de transport . . . . . . . . . . .       .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   15
      4.2.3 Vitesse de flamme laminaire pré-mélangée           .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   16
      4.2.4 Température adiabatique de flamme . . . .          .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   19
  4.3 Émission de polluants . . . . . . . . . . . . . . . .    .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   20

5 Flamme de diffusion à contre-courant                                                                                             23
  5.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .         .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   23
  5.2 Les grandeurs caractéristiques . . . . . . . . . . . . . .           .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   24
      5.2.1 Étirement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .            .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   24
      5.2.2 Richesse globale . . . . . . . . . . . . . . . . . .           .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   25
      5.2.3 Fraction de mélange . . . . . . . . . . . . . . .              .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   26
  5.3 Flamme de diffusion à contre-courant : H2 vs Air . . .               .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   26
  5.4 Flamme de diffusion à contre-courant : H2 vs CH4/Air                 .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   28
  5.5 Émission de polluants . . . . . . . . . . . . . . . . . . .          .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   30

6 Transport                                                                                                                        32

7 Conclusion                                                                                                                       34

8 Annexes                                                                                                                          38
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Table des figures
   1    Schéma descriptif du "CORE-HOUR" . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .           10
   2    Simulation haute fidélité 360 degrés d’un moteur complet . . . . . . . . . . . . .         11
   3    Schéma profil d’une flamme pré-mélangée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .        13
   4    Evolution du nombre de Prandtl en fonction de la position pour une flamme pré-
        mélangée CH4/H2/Air pour différents pourcentages (volumétriques) d’hydrogène               16
   5    Vitesse de flamme en fonction de la richesse du mélange pour différents pourcen-
        tages (volumétriques) d’hydrogène (0 - 100%) - Mécanisme POLIMI détaillé, P
        = 1 bar, T = 300 K . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .     17
   6    Vitesse de flamme CH4/H2/Air en fonction du pourcentage d’hydrogène, résul-
        tats comparés avec la littérature - Mécanisme POLIMI detaillé, P = 1 bar, T =
        300 K, Phi = 0.8 (gauche) Phi = 1.2 (droite) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       18
   7    Vitesse de flamme en fonction de la richesse du mélange pour une flamme pré-
        mélangée H2/Air - Mécanisme POLIMI détaillé et littérature . . . . . . . . . . .           18
   8    Température adiabatique de flamme en fonction de la richesse du mélange pour
        différents pourcentages (volumétriques) en H2 - POLIMI détaillé . . . . . . . . .          19
   9    EINO en fonction de la richesse du mélange pour différents pourcentages (volu-
        métriques) d’hydrogène - Prémélange CH4/H2/Air en condition atmosphérique .                21
   10   EICO en fonction de la richesse du mélange pour différents pourcentages (volu-
        métriques) d’hydrogène - Prémélange CH4/H2/Air en condition atmosphérique .                22
   11   EICO2 en fonction de la richesse du mélange pour différents pourcentages (vo-
        lumétriques) d’hydrogène - Prémélange CH4/H2/Air en condition atmosphérique                22
   12   Schéma d’une flamme de diffusion à contre-courant : H2 vs Air . . . . . . . . . .          23
   13   Profil de flamme de diffusion à contre-courant - H2 vs Air - Conditions ambiantes          27
   14   Température en fonction de l’étirement, jusqu’à extinction pour différentes ri-
        chesses globales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .   28
   15   Evolution de la température en fonction de l’étirement, jusqu’à extinction pour
        différentes richesses de méthane . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .     29
   16   Taux de consommation [kg/m3 /s] H2 - O2 - CH4 en fonction de la positon
        normalisée pour φCH4 = 0.1 et un étirement de 1500 s−1 et 4150 s−1 - Conditions
        atmosphériques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .     29
   17   Taux de dégagement de chaleur normalisé en fonction du Z* de Bilger pour
        différents φCH4 - Conditions atmosphériques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .        30
   18   EINO en fonction de l’étirement et de la richesse en méthane pour une CDF . .              31
   19   EICO (gauche) et EICO2 (droite) en fonction de l’étirement et de la richesse en
        méthane pour une CDF . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .         31
   20   Fraction molaire en fonction de la position - transport détaillé (d) et simplifié (s)      33
   21   Schéma partiel de l’organisation interne du CERFACS . . . . . . . . . . . . . .            38

Liste des tableaux
   1    Propriété du dihydrogène et du méthane - Données atmosphériques [1] . . . . . 14
   2    Propriété de transport du dihydrogène, du méthane et de l’air . . . . . . . . . . 32

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1     Présentation du projet
1.1    Préambule
    Dans le cadre de la formation Technologies pour l’Energie, l’Aérospatial et la Motorisation
(TEAM), un stage de fin d’études en 5ème année est réalisé. L’objectif de ce stage est d’effectuer
une mission technique dans un projet scientifique durant une période significative de six mois.
Ceci permet de mettre en application les connaissances théoriques acquises lors des premières
années de cette formation d’ingénieur et de réaliser une étude technique en groupe et en au-
tonomie pour répondre à une problématique industrielle, en adoptant une démarche de travail
d’ingénieur.

1.2    Contexte global
    D’après le rapport World Energy Outlook (WEO) 2019 réalisé par l’Agence Internationale
de l’Energie [2], la demande en énergie augmentera d’au moins 1.3% annuellement jusqu’à
2040 (2.8% en 2018). En suivant ce scénario et afin de respecter la décision prise pour
limiter le réchauffement climatique global à 2°C (Accord de Paris pour 2050), il est nécessaire
d’augmenter la part d’énergie renouvelable dans le bilan. Le futur se présente ainsi avec une
utilisation limitée, plus responsable des énergies fossiles, mais repose également sur l’utilisation
et le stockage massif des énergies renouvelables. Pour y parvenir, il faudra du temps et
s’appuyer sur les nouvelles technologies.

    Il est intéressant de noter que la combustion, qui est à l’origine de nombreux problèmes
climatiques actuels, fait également partie de la solution. L’hydrogène (H2) est un combustible
qui offre d’énormes capacités de stockage sur de très longues périodes. L’idée est alors
d’utiliser des sources renouvelables intermittentes pour produire de l’hydrogène par électrolyse.
L’hydrogène peut ainsi être stocké en quantités pratiquement illimitées pour être brûlé plus
tard lorsque la demande énergétique augmente. D’un autre côté les constructeurs de turbines
à gaz se sont efforcés de produire des turbines de plus en plus performantes, avec pour objectif
2030, la production d’une turbine à gaz fonctionnant uniquement avec de l’hydrogène [3].
Afin que ces technologies se développent rapidement, une des stratégies consiste à améliorer
les chambres de combustion existantes, qui fonctionneront encore longtemps, en injectant
progressivement de l’hydrogène dans les mélanges de combustibles.

    Il est également important de faire la différence entre les différentes façons de produire
l’hydrogène. Aujourd’hui, 95% de la production mondiale d’hydrogène est générée à partir de
vaporeformage de combustibles fossiles : il s’agit de faire réagir du méthane avec de l’eau pour
obtenir un mélange contenant de l’hydrogène H2 et du dioxyde de carbone CO2, on parle
d’hydrogène « gris ». Cette méthode est largement répandue, car le coût de production est
faible, cependant elle émet de fortes quantités de CO2. Le CO2 émis par ce procédé peut
éventuellement être capté et stocké pour produire un hydrogène un peu plus décarboné, on
parle alors d’hydrogène "bleu". Enfin, l’hydrogène "vert" est entièrement décarboné, car il est
produit à partir d’énergie renouvelable. Trois filières seront nécessaires au développement de
l’hydrogène vert : les électrolyseurs, les piles à combustible et la combustion. Si les

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deux premières sont bien identifiées, la troisième surprend parfois certains acteurs. En fait,
la combustion apparait aujourd’hui comme un élément essentiel : si l’électrolyse permet de
générer l’hydrogène, récupérer ensuite l’énergie contenue dans l’H2 peut se faire avec des piles
à combustible dans certains cas, mais doit se faire par combustion dans beaucoup d’autres.
Rappelons que la réaction chimique (H2 + 0.5 O2  H2O) est la même dans une pile à
combustible où dans un moteur à combustion alimenté en hydrogène, ainsi les deux procédés
sont décarbonés. Par exemple, générer de l’énergie mécanique à partir de H2 peut se faire avec
une pile à combustible, mais les exemples suivants montrent les limites de cette approche :
  — Si il s’agit de générer de la chaleur plutôt que du travail mécanique, la combustion est
    mieux adaptée : le chauffage individuel, la cuisson des aliments, la génération de chaleur
    dans les fours industriels ou dans de nombreux processus de génie chimique se font mieux
    en brûlant de l’hydrogène.
  — Si il faut générer des puissances considérables, les piles à combustible ne sont pas adaptées.
    Le meilleur exemple est la propulsion des avions civils. Le rapport McKinsey de 2020
    montre que seules des turbines à combustion d’hydrogène permettraient de fournir la
    puissance nécessaire au décollage d’un avion.
  — Même dans des gammes de puissances plus faibles, le choix de la pile à combustible n’est
    pas forcément si clair. Pour les voitures, si la Toyota Mirai fonctionne aujourd’hui avec de
    l’hydrogène brûlé dans une pile à combustible, les constructeurs développent en parallèle
    des moteurs à piston avec des rendements dépassant 0.5 et donc comparables aux piles à
    combustible, mais coûtant bien moins qu’une pile à combustible (90% moins chère).
  — Dans les stratégies Power2Gas, l’hydrogène est un vecteur énergétique qui permet de
    stocker des quantités considérables d’énergie renouvelable. Dans ces approches, l’hydro-
    gène est généré à partir d’énergie renouvelable. La récupération de cette énergie se fait
    en générant par exemple de l’électricité dans une turbine à gaz terrestre à haut rende-
    ment qui brûle l’hydrogène. Comme cité précédemment, tous les constructeurs de turbine
    ont aujourd’hui la capacité de faire tourner leurs turbines avec des mélanges méthane /
    hydrogène [3]. Là aussi la combustion est mieux adaptée que les piles.
En conclusion, une filière "hydrogène vert" doit inclure des travaux sur les électrolyseurs, les
piles à combustibles et la combustion.

1.3    Projet SCIROCCO
   C’est dans ce contexte que se déroule le projet européen "Simulation and Control of
Renewable COmbustion" (SCIROCCO) proposé par le Centre Européen de Recherche et de
Formation Avancée en Calcul Scientifique (CERFACS) et l’instut de mécanique des fluides de
Toulouse (IMFT).

   Le projet cible plus précisément les méthodes de combustion des gaz renouvelables (principa-
lement l’hydrogène). Comme l’hydrogène va devenir un vecteur énergétique particulièrement ré-
pandue dans les années à venir, avec de forts intérêts et d’importants investissements européens
(post COVID-19) dans les domaines aéronautiques, automobile et énergétiques, SCIROCCO

Avril - Septembre 2020                          7                              Rapport de stage
VERS UNE COMBUSTION DÉCARBONÉE : IMPACT DE L'AJOUT D'HYDROGÈNE AUX MÉLANGES DE COMBUSTIBLES - Cerfacs
Polytech Orléans                                                                   CERFACS

propose d’étudier les conséquences d’une injection supplémentaire et différenciée d’hydrogène
pur dans les chambres de combustion existantes, fonctionnant avec des hydrocarbures classiques
tels que le méthane ou le kérosène. Ainsi, le projet SCIROCCO se décompose en plusieurs objets
d’études :
  — Deux configurations, représentatives de nombreuses chambres de combustion actuelles,
    seront étudiées : les petites flammes gazeuses laminaires que l’on trouve dans les ga-
    zinières et les chauffages domestiques de faible puissance (brûlant propane ou méthane)
    et les flammes turbulentes tourbillonnantes de forte puissance, brûlant des combus-
    tibles liquides (n-heptane ou kérosène pour les cas SCIROCCO), que l’on trouve dans
    les turbines à gaz. Les résultats seront génériques et fourniront des modèles pour de
    nombreux autres systèmes de combustion utilisant l’hydrogène (fours, moteurs à piston,
    réchauffeurs de génie chimique...).
  — Ces deux types de flammes seront étudiées expérimentalement dans le laboratoire de
    combustion de l’IMFT à Toulouse. Elles seront également calculées systématiquement à
    l’aide des outils CFD (Computational Fluid Dynamics) du CERFACS.
  — SCIROCCO tentera de déterminer la configuration optimale pour une injection multi
    carburant. Pour ce faire, il faudra explorer un grand nombre de configurations différentes
    et tester l’ensemble des paramètres.
    On notera que les flammes d’hydrogène s’enflamment et brûlent beaucoup plus vite que
tous les combustibles fossiles. À titre d’exemple, une vitesse de flamme typique pour un
mélange stoechiométrique kérosène/air est de 40 cm/s alors qu’elle atteint 300 cm/s pour un
mélange stœchiométrique H2/air dans les mêmes conditions thermodynamiques. L’injection
d’hydrogène pur, même en petites quantités, à des endroits adéquats dans une chambre
de combustion peut présenter de multiples avantages : allumage plus facile, limites
d’extinction plus étendues, limitation des polluants, atténuation des instabilités de
combustion. Ces avantages ne sont obtenus que lorsque le processus de combustion est compris
et contrôlé : l’injection d’H2 peut également entrainer des températures locales plus élevées
et une augmentation des émissions d’oxydes nitriques (NOx) par exemple, ce qui limite les
avantages potentiels de l’hydrogène.

Avril - Septembre 2020                        8                             Rapport de stage
VERS UNE COMBUSTION DÉCARBONÉE : IMPACT DE L'AJOUT D'HYDROGÈNE AUX MÉLANGES DE COMBUSTIBLES - Cerfacs
Polytech Orléans                                                                                           CERFACS

2     Introduction : Cinétique - Schémas chimiques
2.1    Chimie de combustion
    Afin d’étudier et d’obtenir des résultats sur la flamme, il faut comprendre la cinétique
chimique de cette dernière. Pour cela, il est possible de réaliser des expériences pratiques
démontrant des phénomènes expérimentaux ou bien de se baser sur des simulations numériques.
Pour que la simulation soit proche de l’expérience, il faudra être capable de définir proprement
la flamme dans son ensemble, comme présenté en détail par Poinsot T. [4].

    Aujourd’hui la simulation numérique d’une flamme représente une véritable source d’infor-
mation, fiable et précise qui permet de remplacer certaines expériences complexes, coûteuses
et parfois dangereuses. Dans le cas de notre étude, un certain nombre d’équations sont définies
pour faciliter la compréhension.

    On considère un système chimique de n espèces réagissant via m par des réactions :
                           n                    n
                                  0
                                     Mk =            00
                                                        Mk pour les réactions j = 1, m                            (1)
                           X                    X
                                 νkj                νkj
                           k=1              k=1

Mk représente le symbole de l’espèce k, νkj
                                          0
                                            et νkj
                                                00
                                                   sont les coefficients stœchiométriques molaires
de l’espèce k dans la réaction j. La conservation de la masse implique :
                           n                    n
                                  0
                                     Wk =            00
                                                        Wk pour les réactions j = 1, m                            (2)
                           X                    X
                                 νkj                νkj
                           k=1              k=1

où Wk représente la masse moléculaire moyenne de l’espèce k.
   Afin de simplifier l’usage, on utilise seulement le taux de réaction massique ω̇k :
                           m              m
                                                                                        ω̇kj
                   ω̇k =         ω̇kj =         Wk (νkj
                                                     00    0
                                                              )Qj avec Qj =                                       (3)
                           X              X
                                                        − νkj
                           j=1            j=1                                      Wk (νkj
                                                                                        00    0
                                                                                           − νkj )

où Qj est le taux de progression de la j ème réaction. Le taux de progression de la j ème réaction
peut également se mettre sous la forme :
                                                         0                     00
                                                 n 
                                                     ρYk νkj            n 
                                                                            ρYk νkj
                                  Qj = Kf j                                                                       (4)
                                                 Y                      Y
                                                                − Kbj
                                                 k=1   Wk               k=1   Wk

où Kf j et Kbj représentent les vitesses d’avancement avant et arrière de la réaction, Yk la
fraction massique de l’espèce k.

   Une fois ces équations établies, il est nécessaire de déterminer les constantes de réaction Kf j
et Kbj . En pratique, on utilise un modèle empirique proposé par la loi d’Arrhenius. Ainsi, on
pose :
                                                           Ej
                                                             
                                    Kf j = Af j T βj exp                                       (5)
                                                           RT
où Af j est un facteur pré exponentiel dépendant de la réaction, Ej est l’énergie d’activation

Avril - Septembre 2020                                      9                                        Rapport de stage
Polytech Orléans                                                                                   CERFACS

(la loi d’Arrhenius suppose que l’énergie d’activation est indépendante de la température, on
peut venir corriger cette hypothèse en fonction de T βj qui permet de moduler le facteur pré-
exponentiel en fonction de la température), R la constante des gaz parfaits et T la température
en kelvin.

                                                         Kf j
                           Kbj =        Pn                         
                                                                       ∆Sj0       ∆Hj0
                                                                                                         (6)
                                               (ν 0 −νkj
                                                      00 )
                                   ( RT
                                     pa
                                        )   k=1 kj           exp        R
                                                                              −   RT

où pa correspond à la pression atmosphérique (1 bar), ∆Hj0 et ∆Sj0 représentent respectivement
la variation d’enthalpie et d’entropie de la réaction j.
    On remarquera que le coefficient Kbj est défini grâce à Kf j et cela pour chaque réaction. La
réalisation d’un tel schéma de combustion demande d’identifier l’ensemble des réactions et des
espèces nécessaires. Il faudra également répertorier toutes les valeurs précédemment définies
dans une table pour chaque réaction j. Un exemple de table d’un schéma cinétique réduit pour
une combustion H2 - Air est donné par Boivin et al. [5].

2.2    Schéma cinétique et mécanisme réduit
    Utiliser des schémas cinétiques complets (décrivant entièrement le phénomène de combus-
tion) nécessite d’importantes ressources informatiques. En plus de cela, la flamme se trouve la
plupart du temps dans un espace confiné à géométrie complexe. Il est donc nécessaire d’avoir
un nombre de mailles suffisamment important aux parois (Y + ), aux zones d’interactions, zones
de chocs, fronts de flammes, etc. afin de ne pas dissiper les phénomènes physiques d’intérêt.
    Pour des simulations 3D, en LES (Large Eddy Simulation) ou DNS (Direct Numerical
Simulation), le nombre de mailles devient parfois considérable, le temps de calcul et le prix d’une
telle simulation également. Comme illustré sur la Fig. 1, un calcul peut nécessiter plusieurs
centaines de milliers d’heures CPU, parfois plusieurs millions [6]. Au prix de 2.73 centimes
d’euros l’heure CPU, le coût du calcul peut rapidement devenir inabordable.

                       Figure 1 – Schéma descriptif du "CORE-HOUR"

Avril - Septembre 2020                              10                                       Rapport de stage
Polytech Orléans                                                                        CERFACS

    Pour réduire le temps CPU, une solution consiste à utiliser des mécanismes cinétiques
réduits. Ces mécanismes ont pour but de reproduire les paramètres importants de la flamme :
délais d’auto-allumage, état des gaz brûlés, vitesse de flamme, profil d’espèces sur une plage de
fonctionnement donnée, en utilisant moins de réactions chimiques. Évidement, plus on simplifie
les équations plus on commet d’erreur. L’objectif est de trouver le bon compromis entre le
temps de simulation (et donc son coût) et la précision de la cinétique acceptée.
    On définit ici l’ensemble des modèles réduits par complexité et coût décroissants :
  • Les schémas détaillés (réactions GRImech) sont élaborés par des chimistes et sont capables
    de décrire avec précision l’oxydation de la plupart des hydrocarbures par exemple.
  • Une première étape de réduction conduit à des mécanismes squelettiques (50-100 espèces)
    qui conservent la plupart des performances des schémas détaillés.
  • Une deuxième étape de réduction en régime quasi stationnaire (QSS) conduit à des sché-
    mas analytiques (10-30 espèces) ayant des performances réduites, mais toujours raison-
    nables.
  • Enfin, des schémas globaux ou semi-globaux (1 à 4 étapes) parfaitement adaptés néces-
    sitent souvent un ajustement en ligne des constantes avec P, Φ, etc. [7].
  • En complément, les carburants complexes peuvent être simplifiés et décrits avec des car-
    burants de substitution.
    Ainsi, en utilisant les simplifications précédentes, il est possible de réduire considérablement
le temps et le coût d’une simulation. A titre d’exemple, grâce à la réduction du coût CPU, le
CERFACS et ses associées peuvent donc présenter et soutenir des projets conséquents avec
les moyens informatiques actuels comme la première simulation haute fidélité d’un moteur
complet présentée Fig. 2.

            Figure 2 – Simulation haute fidélité 360 degrés d’un moteur complet

Avril - Septembre 2020                          11                               Rapport de stage
Polytech Orléans                                                                      CERFACS

3     Outils numériques
   Dans cette étude, nous utiliserons trois outils ayant fait leurs preuves présentées ci-après.
Ces trois outils sont complémentaires les résultats de l’un peuvent être utilisés en données
d’entrée pour l’autre.

3.1    CANTERA
    Cantera [9] est une suite d’outils à code source libre pour les problèmes liés à la cinétique
chimique, à la thermodynamique et aux processus de transport. Il permet de réaliser des calculs
0D et 1D avec tout type de chimie, des plus détaillées au plus globales. Le support repose
fortement sur la communauté d’utilisateurs.
    Au CERFACS, la version utilisée (basée sur la version 2.3 de Cantera) a été développée
pour les besoins spécifiques orientés vers la CFD et est utilisée avec l’interface python 3.
    Ainsi, différentes fonctionnalités ont été ajoutées : Modèle de transport simplifié correspon-
dant à celui implémenté dans le code LES AVBP, approximation des espèces QSS et semi-
implicitation des espèces, gestion de bibliothèques dynamiques pour la cinétique personnalisée,
modèle d’épaississement de la flamme, installation par défaut de python 3, technique alterna-
tive de remaillage des flammes 1D, calcul des flammes (flammes de diffusion à contre-courant
dans l’espace des fractions de mélange).

3.2    ARCANE
    ARCANE (Analytical Reduction of Chemistry : Automatic, Nice and Efficient) est un code
de réduction de la chimie basée sur YARC écrit par Pr. Perrine Pepiot [8]. C’est un outil de
réduction sur Cantera et Python3 pour produire des cinétiques réduites.
    Le code est développé par le CERFACS et l’université de Cornell pour générer des méca-
nismes de cinétique chimique réduite qui sont financièrement abordables pour les simulations
de combustion de la LES. Il peut également être utilisé dans toute configuration impliquant la
cinétique chimique, comme le vapocraquage ou les problèmes de biochimie.
    ARCANE est écrit en python et se rapporte à Cantera pour les calculs de chimie. Le code
utilise le graphique de relation directe avec la méthode de propagation des erreurs (DRGEP)
pour la réduction des espèces et des réactions et le niveau d’importance (LOI) pour l’étape
de quasi-équilibre (QSS). De plus, il offre une grande modularité (cas personnalisés, erreurs
personnalisées, etc.) et est automatique (réduction directe de la chimie détaillée au mécanisme
final de Chimie Analytiquement Réduite (ARC) avec un simple script python)

3.3    AVBP
    AVBP est un code LES (Large Eddy Simulation) dédié aux écoulements compressibles
instationnaires dans des géométries complexes avec ou sans combustion. Il est appliqué aux
chambres de combustion, aux turbomachines, aux analyses de sécurité, à l’optimisation des
chambres de combustion, à la formation de polluants (CO, NO, suies). La formulation d’AVBP
est entièrement compressible et permet d’étudier les problèmes de combustion compressibles
tels que les instabilités thermoacoustiques ou les moteurs à détonation.

Avril - Septembre 2020                         12                               Rapport de stage
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4     Flammes laminaires pré-mélangées
4.1    Introduction
   Le cas élémentaire d’une flamme laminaire unidimensionnelle se propageant dans un gaz
pré-mélangé (combustible mélangé à l’air dans notre cas) est un problème fondamental de la
combustion, tant pour la théorie que pour les techniques numériques. La résolution numérique
pour les flammes laminaires pré-mélangées est intéressante, car les comparaisons détaillées
entre les expériences sont possibles, les calculs peuvent être utilisés pour valider les modèles
chimiques, la théorie peut être utilisée pour étudier la structure, les instabilités, etc. Les codes
consacrés à la combustion turbulente peuvent être utilisés pour les flammes laminaires.

   Dans notre cas d’étude, l’objectif est d’étudier la conséquence de l’ajout d’hydrogène dans
une flamme pré-mélangée méthane air sur plusieurs domaines. Pour se faire, nous utiliserons
le mécanisme de combustion détaillé POLIMI, développé par l’école polytechnique de Milan,
composé de 151 espèces et 2335 réactions.

    On représente sur la Fig. 3 un profil de flamme de pré-mélange. Dans notre cas d’étude,
les réactifs seront composés d’air (O2 + 3.76 N2), de méthane (CH4) et d’hydrogène (H2) ; les
principaux produits seront, pour une combustion complète stœchiométrique, de l’eau (H2O)
du dioxyde de carbone (CO2) et de l’azote (N2). Il sera intéressant d’étudier les produits et
les émissions de polluants, la température de flamme, la vitesse, etc.

                     Figure 3 – Schéma profil d’une flamme pré-mélangée

Avril - Septembre 2020                          13                               Rapport de stage
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4.2      Caractéristiques de flamme
4.2.1    Généralités
    Tout d’abord, il est intéressant d’avoir quelques données générales sur les deux combus-
tibles étudiés : méthane et hydrogène ; la Tab. 1 détaille quelques-unes de leurs propriétés. On
remarquera les fortes différences entre les deux combustibles, notamment la masse molaire de
l’hydrogène particulièrement faible.

              Propriété                                 Dihydrogène     Méthane
              Formule                                        H2            CH4
              Masse molaire (W) [g/mol]                     2.016        16.043
              Densité ρ [kg/m3 ]                            0.08           0.65
              Limites d’explosivité dans l’air (vol%)      4 - 76        4.4 - 17
              Limites de flammabilités (φ)                0.1 - 7.1     0.5 - 1.67
              Conductivité thermique (λ) [mW/mK]           180,05        32,563
              Pouvoir calorifique inférieur [MJ/kg]        120,97         50,03

        Table 1 – Propriété du dihydrogène et du méthane - Données atmosphériques [1]

    Lors d’une combustion pré-mélangée, le combustible et l’oxydant sont mélangés
avant la combustion. Parmi les différentes configurations de flammes de pré-mélange, on
retrouve le bec Bunsen, le chalumeau, le moteur à allumage commandé (essence), les chambres
de combustion, etc. Pour caractériser le mélange, on définit sa richesse φ qui représente la
quantité de combustible consommée par quantité d’oxydant consommée.

   Si νF0 et νO0 sont les coefficients correspondant au combustible et à l’oxydant lorsque l’on
considère une réaction globale de type :

                               νF0 F uel + νO0 Oxydant = P roduit,                           (7)

les fractions massiques du combustible et de l’oxydant correspondent à des conditions stoechio-
métriques lorsque :
                                      YO         νO0 WO
                                         
                                             =          =s                                  (8)
                                      YF st νF0 WF
où WO et WF sont les masses molaires de l’oxydant et du fuel. Le ratio s est appelé le rapport
stoechiométrique de masse. La richesse d’un mélange donné est alors :

                                      YF   YF   YF
                                                        
                                  φ=s    =    /                                              (9)
                                      YO   YO   YO             st

On peut également la définir telle que :

                                                  ṁF
                                           φ=s                                             (10)
                                                  ṁO

où ṁF et ṁO sont respectivement les débits massiques du combustible et de l’oxydant
[kg/m2 /s]. La richesse du mélange est un paramètre particulièrement important, la plupart des

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systèmes pratiques brûlent en régime pauvre ou légèrement pauvre. L’objectif étant bien sûr
d’économiser le carburant tout en gardant les meilleures conditions pour la flamme. Cependant
pour optimiser certains paramètres il est parfois nécessaire d’augmenter la richesse du mélange
(demande de puissance, moteur froid).

    Les valeurs de la fraction massique du carburant à la stœchiométrie sont très faibles (5.5%
pour un mélange CH4/Air et 2.8% pour H2/Air), de sorte que le gaz pré-mélangé entrant dans
la chambre contient principalement de l’air : l’ajout de carburant à l’air a de faibles consé-
quences sur les propriétés de l’air en termes de masse moléculaire, de propriétés de transport
et de capacité thermique par rapport à l’air pur. On retrouve cette méthode dans de nom-
breuses théories sur les flammes pré-mélangées et dans certains codes pour simplifier les calculs.

4.2.2   Propriété de transport
    Le nombre de Lewis (Le), est un nombre sans dimension comparant la diffusivité de masse
(D) avec la diffusivité thermique (α), tous deux en [m2 .s−1 ]. Il est utilisé pour caractériser
les écoulements de fluides dans lesquels ont lieu simultanément un transfert de masse et un
transfert de chaleur par conduction thermique.

                                              α     λ
                                       Le =     =                                            (11)
                                              D   ρDm Cp
avec λ la conductivité thermique, ρ la densité, Dm le coefficient de diffusion moyen du mélange
et Cp la capacité thermique spécifique à pression constante. Pour simplifier les calculs, une
hypothèse récurrente revient à supposer un nombre de Lewis égal à 1. Cette hypothèse n’est
pas toujours bonne à prendre. En effet, comme le montre Tab. 1, les propriétés entre le
méthane et l’hydrogène peuvent entrainer une erreur non négligeable sur ces hypothèses. On
retrouve également dans la littérature, des travaux permettant de simplifier les calculs tout
en restant le plus exact possible, notamment Halter et al. qui proposent différentes façons de
traiter ce problème [10].

   Le nombre de Prandtl (Pr), est défini comme étant le rapport entre la diffusivité de la
quantité de mouvement (viscosité cinématique) et celle de la chaleur (diffusivité thermique) :

                                           ν       ρνCp   µCp
                                Pr =             =      =                                    (12)
                                       λ/ (ρCp )     λ     λ
où ν est la viscosité cinématique, λ la conductivité thermique, ρ la masse volumique et Cp la
capacité thermique massique à pression constante.

    Une des hypothèses de simplification des calculs consiste à supposer un nombre de Prandtl
constant au cours de la combustion. La Fig. 4 met en évidence le fait que cette hypothèse
n’est pas toujours bonne dans notre cas. En effet, pour une flamme Méthane/Air, l’hypothèse
peut être acceptable pour des mélanges pauvres ou à la stœchiométrie. En revanche, l’ajout
d’hydrogène dans le mélange entraine d’importantes fluctuations entre les gaz frais et brûlés.
Une variation du nombre de Prandtl allant jusqu’à 35% dans les gaz frais rend l’hypothèse

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moins bonne, cela s’explique par une forte différence de viscosité dynamique entre l’hydrogène
(µH2 = 9,05×10−6 kg/m/s) et le méthane (µCH4 = 1,34×10−5 kg/m/s).

Figure 4 – Evolution du nombre de Prandtl en fonction de la position pour une flamme
pré-mélangée CH4/H2/Air pour différents pourcentages (volumétriques) d’hydrogène

4.2.3   Vitesse de flamme laminaire pré-mélangée
    Afin d’étudier la flamme, il est important de regarder la vitesse de propagation de celle-ci.
En effet, l’hydrogène est facilement inflammable (limite de flammabilité importante cf. Tab 1)
et présente une vitesse de flamme particulièrement élevée (de l’ordre de 3 m.s−1 , soit quasiment
10 fois plus rapide que celle du méthane). Cela fait de l’hydrogène un gaz dangereux et délicat
à manipuler.

   Ainsi, on se demande comment évolue la vitesse de flamme en fonction de la concentration
en hydrogène dans le mélange. Fig. 5 représente les différentes vitesses de flammes (Slu0 en
m.s−1 ) pour des mélanges H2/CH4/Air avec des concentrations en H2 de 0 à 100% évoluant
par pas de 20%. Naturellement, on remarque que l’ajout d’hydrogène favorise l’augmentation
de la vitesse de flamme. Cependant, l’évolution n’est pas linéaire, il faut ajouter beaucoup
d’hydrogène (à partir de 80%) pour obtenir une vitesse proche de la flamme d’hydrogène pure.
La présence du méthane dans la flamme permet de ralentir sa propagation : un phénomène
qui peut être intéressant en ce qui concerne la sécurité.

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Figure 5 – Vitesse de flamme en fonction de la richesse du mélange pour différents pourcentages
(volumétriques) d’hydrogène (0 - 100%) - Mécanisme POLIMI détaillé, P = 1 bar, T = 300 K

    Pour valider nos résultats numériques, il nous est possible de les comparer avec des résultats
expérimentaux trouvés dans la littérature. La Fig. 6 présente ces résultats pour deux richesses
différentes. Pour un mélange pauvre (à gauche, φ= 0.8), la littérature ([11], [12], [13], [14],
[15], [16] et [17]) s’accorde sur l’ensemble des différentes concentrations d’H2. Pour un mélange
plus riche (droite, φ= 1.2), seuls Nilsson et al. [18] valident nos résultats pour de fortes
concentrations d’H2 (65 à 90%). On notera que le mécanisme POLIMI est en adéquation avec
la littérature sur l’ensemble des résultats ([12], [16], [17], [18], [19], [20] et [21]). Les valeurs
expérimentales pour la combustion d’hydrogène pur montrent quelques disparités.

    Afin de valider nos résultats dans leur ensemble, la Fig. 7 compare les résultats obtenus
avec POLIMI pour un mélange H2/Air avec les expériences trouvés dans la littérature
([16],[15], [17],[21], [22] et [12]). On remarque, des variations assez importantes des valeurs
expérimentales. POLIMI se trouve dans la moyenne, et vient particulièrement s’accorder avec
les résultats de Pareja et al. (2010). Les résultats récents semblent venir se positionner sur la
partie inférieure à centrale de l’enveloppe.

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Figure 6 – Vitesse de flamme CH4/H2/Air en fonction du pourcentage d’hydrogène, résultats
comparés avec la littérature - Mécanisme POLIMI detaillé, P = 1 bar, T = 300 K, Phi = 0.8
(gauche) Phi = 1.2 (droite)

Figure 7 – Vitesse de flamme en fonction de la richesse du mélange pour une flamme pré-
mélangée H2/Air - Mécanisme POLIMI détaillé et littérature

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4.2.4   Température adiabatique de flamme
    La température adiabatique de flamme à pression constante est également une caracté-
ristique importante de la flamme. Elle permet de correctement dimensionner les brûleurs,
chambres de combustion, etc. Le calcul de la température atteinte au sein de la flamme
nécessite de faire une approximation sur la nature des échanges énergétiques entre le système
en réaction et le milieu extérieur. Les réactions de combustion étant très rapides, on fait alors
l’hypothèse que les échanges énergétiques n’ont pas le temps de se faire entre le système en
réaction (la flamme) et l’atmosphère environnante. Ainsi, il s’agit d’une température théorique
qui sera atteinte uniquement dans les meilleures conditions possibles. En pratique cette
température n’est jamais atteinte, une partie de l’énergie se transforme en chaleur échangée
avec l’extérieur ou en travail lors de la combustion.

    L’hydrogène possède un pouvoir calorifique plus important que celui du méthane (environ
120 Mj/kg contre 50 Mj/kg pour le méthane, une telle propriété fait du dihydrogène un
carburant de choix dans le domaine du spatial). Ainsi, la combustion d’H2 est particulièrement
exothermique ; l’injection d’hydrogène dans le mélange augmente donc la température de
flamme. On constate, comme illustré sur la Fig. 8, qu’un ajout de 20% d’hydrogène augmente
la température de flamme d’environ 2%, et qu’une concentration d’H2 en dessous de 60%
augmente d’environ 4% la température. La variation maximale est obtenue à forte richesse :
environ 13% pour φ = 1.4.

Figure 8 – Température adiabatique de flamme en fonction de la richesse du mélange pour
différents pourcentages (volumétriques) en H2 - POLIMI détaillé

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4.3    Émission de polluants
    Comme présenté précédemment, l’énergie de demain devra être propre. En effet, la combus-
tion d’hydrocarbures est émettrice de polluants ainsi que de gaz à effet de serre. L’émission de
ces polluants doit être contrôlée, car elle est dangereuse pour l’homme tout comme l’émission
de gaz à effet de serre, de façon indirecte et à plus long terme. Parmi les polluants, on se
concentrera sur :
  • Le monoxyde de carbone (CO), un gaz incolore, inodore, insipide et non irritant, indétec-
    table par l’homme, bien que particulièrement toxique. Son émanation, provenant d’une
    combustion incomplète de composés carbonés, est accentuée par une mauvaise alimenta-
    tion en air frais (mélange riche en carburant) et/ou une mauvaise évacuation des produits
    de combustion :
  • Les oxydes d’azotes (NOx), notamment le monoxyde d’azote (NO), les vapeurs nitreuses
    sont toxiques, elles contribuent à l’effet de serre et au dérèglement climatique, et sont
    acidifiantes et eutrophisantes ; les NOx sont devenus la principale source des pluies acides
    et de l’acidification des eaux douces.
Pour les gaz à effet de serre, bien que nombreux (vapeur d’eau, dioxyde de carbone, méthane,
protoxyde d’azote, etc.), on se concentrera sur le dioxyde de carbone (CO2) responsable d’envi-
ron un quart de l’effet de serre à l’œuvre dans l’atmosphère et produit de combustion largement
répandu (secteur aéronautique, automobile, énergétique, etc.). On notera que la combustion
d’hydrogène et également émettrice d’un gaz à effet de serre : la vapeur d’eau.
   Pour évaluer la quantité de polluants produits, à savoir le taux de formation de NO et de
CO intégré à travers la flamme (c’est-à-dire le taux de production totale dans la flamme),
on utilise les taux de production
                                      totale de NO et de CO intégrés jusqu’à c = 0.98, où
c = (YCO + YCO2 + YH2 O ) / YCO + YCO2 + YH2 O est la variable de progression, l’exposant eq
                                 eq     eq     eq

désignant les valeurs d’équilibre.
                                              Z
                                    tot
                                  ω̇NO,CO =               ω̇NO,CO dx                       (13)
                                              c
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    Dans la flamme pré-mélangée, on trouve, sans surprise, que la production d’oxydes d’azotes
(NO) augmente avec l’ajout d’hydrogène (H2) dans le mélange. En effet, comme illustré sur
la Fig. 8, la température adiabatique de flamme augmente avec la concentration d’hydrogène,
favorisant fortement la création des oxydes d’azotes (NO). La Fig. 9 met également en évidence
le fait que l’apparition des particules fines d’oxyde d’azote est favorisée à la stœchiométrie
du mélange, on pourrait s’attendre à une élévation des émissions avec un mélange plus
riche, notamment pour l’hydrogène pur, car la température adiabatique de flamme n’est pas
maximale à φ = 1, l’excès d’H2 réduit donc les émissions de NO. On notera également que
la proportion de CO et de CO2 émise diminue lorsque la concentration en H2 augmente ;
jusqu’à disparaitre pour une flamme pure H2/Air. En revanche, comme le montrent les
Fig. 10 et Fig. 11 , l’ajout d’hydrogène dans le mélange doit être conséquent (à partir de
60%) pour réduire de façon non négligeable la formation de monoxyde et le dioxyde de carbone.

    En conclusion, il serait plus judicieux de favoriser un mélange CH4/H2/Air, où la concen-
tration en hydrogène est élevée, la richesse est soit très pauvre soit très riche, permettant
ainsi de limiter la production de NO, CO et CO2. Encore une fois, choisir un mélange pauvre
permet d’économiser du carburant, il sera donc favorisé dans la majorité des applications (à
conditions ambiantes).

Figure 9 – EINO en fonction de la richesse du mélange pour différents pourcentages (volumé-
triques) d’hydrogène - Prémélange CH4/H2/Air en condition atmosphérique

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Figure 10 – EICO en fonction de la richesse du mélange pour différents pourcentages (volu-
métriques) d’hydrogène - Prémélange CH4/H2/Air en condition atmosphérique

Figure 11 – EICO2 en fonction de la richesse du mélange pour différents pourcentages (volu-
métriques) d’hydrogène - Prémélange CH4/H2/Air en condition atmosphérique

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5     Flamme de diffusion à contre-courant
5.1     Introduction
    Les flammes de diffusion à contre-courant (CDF) sont souvent étudiées, car elles représentent
une configuration couramment rencontrée dans les chambres de combustion. Contrairement
aux flammes de pré-mélange où le combustible et l’oxydant sont mélangés avant de brûler,
les flammes de diffusion brûlent le combustible et l’oxydant tout en se mélangeant (profil de
flamme Fig. 13). On retrouve de nombreux systèmes pour favoriser le mélange (en créant un
tourbillon par exemple) et éviter que certaines zones restent trop riches ou trop pauvres en fuel.
La dynamique de la flamme n’est donc pas maîtrisée par les mêmes paramètres.
    Comme illustré sur Fig. 12, une flamme de diffusion a besoin d’être alimentée par deux
flux : du côté du carburant (à gauche, zone 1) et du côté de l’oxydant (à droite, zone 2). Le
combustible et l’oxydant diffusent vers la zone de réaction (au centre) où ils brûlent et génèrent
de la chaleur. La température est maximale dans cette zone et se diffuse à partir du front de
flamme vers les flux de combustible et d’oxydant.

          Figure 12 – Schéma d’une flamme de diffusion à contre-courant : H2 vs Air

   Les flammes de diffusion à contre-courant présentent quelques propriétés notables par rap-
port aux flammes de pré-mélanges :
    • Lorsque l’on se place loin du plan de stagnation, la flamme est trop riche en carburant
      ou en oxydant pour s’enflammer. La réaction chimique aura lieu dans une zone limitée
      où le combustible et l’oxydant sont mélangés de manière adéquate. Bien sûr, le mélange
      le plus favorable est obtenu lorsque le combustible et l’oxydant sont dans des proportions
      stœchiométriques.
    • Pour que la flamme soit stabilisée, il est nécessaire qu’elle soit soumise à une contrainte :
      lorsque les flux de combustible et de comburant sont poussés l’un contre l’autre à des
      vitesses données.
    • Contrairement aux flammes de pré-mélange, une flamme de diffusion ne présente pas de
      "vitesse" ni "d’épaisseur" de référence.

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