VIH-sida : quand les inégalités alimentent la pandémie - La réponse des Sociétés de Croix-Rouge en Amérique latine et dans les Caraïbes

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VIH-sida : quand les inégalités alimentent la pandémie - La réponse des Sociétés de Croix-Rouge en Amérique latine et dans les Caraïbes
Santé et assistance / Novembre 2009 //

VIH-sida : quand les inégalités
alimentent la pandémie
La réponse des Sociétés de Croix-Rouge
en Amérique latine et dans les Caraïbes

État des lieux et recommandations

                                          jl martinage/fédération internationale
VIH-sida : quand les inégalités alimentent la pandémie - La réponse des Sociétés de Croix-Rouge en Amérique latine et dans les Caraïbes
FIRC Santé / VIH-sida : Quand les inégalités alimentent la pandémie
La réponse des Sociétés de Croix-Rouge en Amérique latine et dans les Caraïbes / Novembre 2009 //

Introduction
                                                      E
                                                              n Amérique latine et dans les Caraïbes, la pandémie du VIH est
                                                              alimentée par plusieurs formes d’inégalités sociales et économi-
                                                              ques exacerbées par l’opprobre et la discrimination qui frappent
                                                      durement des groupes très vulnérables, par l’absence persistante d’équi-
                                                      té entre hommes et femmes et par l’homophobie. Si des efforts considé-
                                                      rables ont été mis en œuvre en vue de limiter l’impact du VIH dans la ré-
                                                      gion, nombre de ces facteurs aggravants ont toutefois été négligés.
                                                      Au cours des dix dernières années, les Sociétés de la Croix-Rouge et du
                                                      Croissant-Rouge ont progressivement renforcé leurs activités de lutte
                                                      contre le VIH et ses conséquences. En commençant par les organisa-
                                                      tions du continent africain, qui reste le plus gravement touché par la pan-
                                                      démie, elles se sont peu à peu jointes à l’Alliance mondiale contre le VIH
                                                      constituée en 2006 par la Fédération internationale des Sociétés de la
                                                      Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR) afin d’intensifier l’action com-
                                                      munautaire en matière de prévention, d’assistance et de traitement ainsi
             Affiche en espa-                         que de réduction de l’opprobre et de la discrimination. Le travail de défri-
              gnol faisant la                                            chage accompli dans des pays comme le Zimbabwe a
               promotion de
           l’Alliance mondiale                                           été étendu à d’autres parties du monde en tenant
            contre le VIH dans                                           compte des spécificités régionales.
                  la région.
                                                                                Les Sociétés de Croix-Rouge d’Amérique latine et des
                                                                                Caraïbes comptent parmi les organisations qui s’effor-
                                                                                cent jusque dans les régions les plus isolées de pro-
                                                                                mouvoir l’information sur le VIH et sa prévention, de
                                                                                faire reculer les inégalités et de limiter l’impact de la
                                                                                pandémie sur les individus et les communautés.
                                                                                Si les taux de prévalence demeurent plus faibles dans
                                                                                cette partie du monde qu’en Afrique subsaharienne, les
                                                                                Caraïbes se placent néanmoins au deuxième rang mon-
                                                                                dial après le continent africain. En Amérique latine, les
                                                                                taux de prévalence sont élevés parmi les populations
                                                                                vulnérables mentionnées dans ce rapport. De manière
                                                                                générale, la lutte contre la pandémie en Amérique latine
                                                                                et dans les Caraïbes se heurte à de sérieuses difficultés
                                                                                du fait que les groupes à haut risque d’infection sont
                                                                                aussi exposés à l’opprobre, à la discrimination et à la
                                                                                violence. Un accès amélioré aux traitements et des stra-
                                                                                tégies de prévention combinant information et éduca-
                                                                                tion, communication, services de soutien et incitations à
                                                                                changer de comportements pourraient toutefois faire re-
                                                                                culer de façon notable les taux d’infection. Plaider au
                                                                                nom des communautés les plus vulnérables menacées
                                                                                par le VIH, faciliter l’accès aux services et combattre
                                                                                l’opprobre et la discrimination sont autant de mesures
                                                                                susceptibles également d’améliorer la situation.
                                                                                Le présent rapport met en lumière la contribution de
                                                                                plus en plus importante des Sociétés de la Croix-Rou-
                                                                                ge d’Amérique latine et des Caraïbes dans la préven-
                                                                                tion du VIH et dans la lutte contre l’opprobre et la dis-
                                                                                crimination envers les personnes qui vivent avec le VIH
                                                                                et les autres populations vulnérables particulièrement
                                                                                touchées par la pandémie.

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VIH-sida : quand les inégalités alimentent la pandémie - La réponse des Sociétés de Croix-Rouge en Amérique latine et dans les Caraïbes
FIRC Santé / VIH-sida : Quand les inégalités alimentent la pandémie
                                                                La réponse des Sociétés de Croix-Rouge en Amérique latine et dans les Caraïbes / Novembre 2009 //

                           Chiffres régionaux pour les program-                             avec les populations les plus vulnérables
                            mes VIH des dix Sociétés de la Croix-Rouge                       par le biais d’approches comme l’éducation
                            engagées dans l’Alliance mondiale contre le                      via des « pair-éducateurs » et les incitations
                            VIH en Amérique latine et dans les Caraïbes                      à changer les comportements.
                            en 2008 :                                                    •   Les inégalités sociales et économiques,
                            • 796 242 : nombre de personnes touchées                         exacerbées par l’opprobre et la discrimi-
                              par des messages de prévention                                 nation, alimentent la pandémie du VIH
                            • 3002 : nombre de personnes vivant avec le                      dans la région.
                              VIH qui ont bénéficié d’une assistance indi-               •   Il apparaît de plus en plus clairement qu’il
                              viduelle                                                       existe un fossé entre la connaissance et
                            • 5195 : nombre d’orphelins du sida qui ont                      la pratique en matière de protection. Dif-
                              bénéficié d’un soutien                                         férentes études indiquent que des indivi-
                            • 804 439 : nombre total de personnes tou-                       dus parfaitement conscients du risque
Principales conclusions

                              chées et assistées par les programmes                          d’infection continuent d’avoir des relations
                            • 448 776 : heures de travail accomplies par                     sexuelles non protégées.
                              les volontaires de la Croix-Rouge dans le                  •   Des stratégies de communication spé-
                              cadre des programmes VIH                                       cifiques doivent être élaborées à l’inten-
                            • 1 864 302 : montant en francs suisses al-                      tion de groupes vulnérables bien ciblés
                              loué aux programmes VIH dans la région.                        afin d’améliorer la prise de conscience, de
                                                                                             promouvoir la tolérance et de diffuser des
                           Chiffres mondiaux pour les program-                              informations sur le VIH à travers la région.
                             mes VIH des Sociétés de la Croix-Rouge et                   •   Il est essentiel de travailler en étroite liaison
                             du Croissant-Rouge à travers la planète :                       avec les personnes qui vivent avec le
                             • 22 461 108 : nombre de personnes tou-                         VIH.
                               chées par des messages de prévention                      •   La promotion du dépistage volontaire et
                             • 132 566 : nombre de personnes vivant avec                     l’accès aux traitements antirétroviraux doi-
                               le VIH qui ont bénéficié d’une assistance                     vent être encore améliorés à travers toute
                               individuelle                                                  la région.
                             • 128 233 : nombre d’orphelins du sida qui                  •   Les programmes VIH devraient autant que
                               ont bénéficié d’un soutien                                    possible être intégrés à d’autres program-
                             • 22 721 907 : nombre total de personnes                        mes sanitaires et sociaux comme la santé
                               touchées et assistées par les programmes                      et les premiers secours communautaires
                             • 27 464 544 : heures de travail accomplies                     ou le don du sang volontaire non rémuné-
                               par les volontaires de la Croix-Rouge dans                    ré.
                               le cadre des programmes VIH                               •   Plusieurs groupes de population ont été
                             • 46 407 217 : montant en francs suisses al-                    identifiés dans la région comme nécessi-
                               loué aux programmes VIH. Cela ne repré-                       tant une attention particulière en matière
                               sente que 0,3 % du total mondial des fonds                    de prévention :
                               affectés en 2008 à la lutte contre le VIH,                    • les hommes qui ont des relations sexuel-
                               mais le volume de travail accompli est im-                        les avec des hommes, les homosexuels
                               pressionnant.                                                     et les transsexuels
                                                                                             • les professionnel (le) s du sexe et leurs
                           TENDANCES                                                            clients
                            • Pour réduire durablement les taux d’infec-                     • les femmes et les jeunes filles
                              tion par le VIH en Amérique latine et dans                     • les prisonniers et autres détenus
                              les Caraïbes, il faut cibler les groupes les                   • les consommateurs de drogue, notam-
                              plus exposés (jeunes particulièrement vul-                         ment par injection
                              nérables, professionnel (le) s du sexe et                      • les travailleurs migrants et autres popu-
                              leurs clients, hommes ayant des relations                          lations mobiles
                              sexuelles avec des hommes, transsexuels,                       • les membres de minorités comme les
                              prisonniers, populations mobiles, etc.), car                       communautés indigènes
                              ils ont moins de chances d’être touchés par                    • les jeunes citadins, y compris les mem-
                              les campagnes de prévention de masse.                              bres de gangs vivant dans les quartiers
                            • La compréhension des spécificités loca-                            déshérités et dans la rue
                              les de la pandémie du VIH est essentielle                      • les personnes déplacées et les popula-
                              pour limiter la transmission du virus. Il est                      tions affectées par des conflits armés
                              également crucial de travailler directement                    • les habitants de régions isolées

                                                                                                                                                              3
VIH-sida : quand les inégalités alimentent la pandémie - La réponse des Sociétés de Croix-Rouge en Amérique latine et dans les Caraïbes
FIRC Santé / VIH-sida : Quand les inégalités alimentent la pandémie
La réponse des Sociétés de Croix-Rouge en Amérique latine et dans les Caraïbes / Novembre 2009 //

                             Bien qu’ il existe de nombreuses particularités                   liale s’est peu à peu désintégrée, avec pour consé-
                             régionales, les tendances observées en Amérique                   quence une augmentation dramatique du nombre
                             latine et aux Caraïbes sont, dans l’ensemble,                     de familles monoparentales. En 2020, 60 pour
                             similaires à celles constatées dans d’autres ré-                  100 des habitants de l’Amérique latine et des Ca-
                             gions à prévalence élevée du VIH.                                 raïbes seront âgés de moins de 30 ans. Cela pour-
                                                                                               rait représenter un atout économique, mais cela
                             Les inégalités alimentent                                         comporte aussi un énorme défi en termes d’accès
                                                                                               à l’éducation, d’emploi et d’intégration sociale.
                             les épidémies de VIH                                              Par ailleurs, il faut s’attendre à ce que les grosses-
                             La plupart des pays d’Amérique latine et des Ca-                  ses non désirées se multiplient et à ce que les taux
                             raïbes sont touchés par de profondes inégalités                   d’infection explosent eux aussi, si les stratégies de
                             sociales et économiques, et le fossé tend à s’agran-              prévention ne parviennent pas à toucher les plus
                             dir entre les gens qui ont les moyens de payer des                exposés à la contamination par le VIH ni à faire
                             services médicaux, de s’instruire et de s’informer,               reculer l’opprobre et la discrimination.
                             et ceux qui vivent dans une grande précarité et
                             sont quasiment ou totalement privés de services                   Les disparités socio-économiques sont un facteur
                             de santé et n’ont qu’un accès très limité à l’éduca-              aggravant des épidémies de VIH. Une personne
                             tion et aux informations sur la prévention.                       mal nourrie et en mauvaise santé a généralement
                                                                                               un système immunitaire affaibli, ce qui la rend
                             Une récente étude publiée par la FICR1 confirme                   moins apte à combattre l’infection.
                             que la pauvreté continue de constituer à travers
                             toute la région un problème majeur entretenu par                  Alors que la communauté internationale s’apprête à
                             les disparités socio-économiques et, dans certains                évaluer en 2010 les progrès accomplis vers la réalisa-
1. « El futuro de la Cruz    pays, par l’instabilité politique, ainsi que par le               tion des Objectifs du développement pour le millé-
Roja en America Latina
   y el Caribe : los retos   gouffre qui sépare une minorité de nantis de la                   naire, les inégalités de toutes sortes auxquelles sont
de la gestion del riesgo     grande masse des personnes vivant près ou en                      confrontés tant d’habitants de la région continuent
 y la cohesion social »,
   page 21, IFRC, 2009       dessous du seuil de pauvreté. La structure fami-                  d’avoir un grave impact sur la pandémie du VIH.

                                                                                                                                                    Un
                                                                                                                                                volontaire
                                                                                                                                             de la campagne
                                                                                                                                           „Together We Can
                                                                                                                                          « en Haïti fait passer
                                                                                                                                            des messages de
                                                                                                                                            prévention contre
                                                                                                                                                  le VIH.

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VIH-sida : quand les inégalités alimentent la pandémie - La réponse des Sociétés de Croix-Rouge en Amérique latine et dans les Caraïbes
FIRC Santé / VIH-sida : Quand les inégalités alimentent la pandémie
                                                           La réponse des Sociétés de Croix-Rouge en Amérique latine et dans les Caraïbes / Novembre 2009 //

     données régionales sur le VIH
     Amérique latine – En 2007, on a estimé à 140 000 le nombre des nouvelles infections par le VIH, ce
     qui portait à 1,7 million le nombre des personnes qui vivent avec le VIH dans cette partie du monde.
     L’année dernière, environ 63 000 personnes sont décédées des suites du sida. La transmission du VIH
     s’opère principalement parmi les hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes, les profes-
     sionnel (le) s du sexe et, dans une moindre mesure, les consommateurs de drogues injectables.

     Caraïbes – En 2007, cette région comptait environ 230 000 personnes vivant avec le VIH (dont les
     trois quarts environ en République dominicaine et en Haïti). Le nombre des nouvelles infections a
     été estimé à 20 000 et celui des décès consécutifs au sida à 14 000. Les relations hétérosexuelles,
     rémunérées ou non, constituaient le principal mode de transmission, mais les rapports sexuels entre
     hommes, quoique largement occultés par la société, représentaient un facteur d’infection non négli-
     geable dans plusieurs pays.
                                                                                                                               Source : ONUSIDA
                                                              http://www.unaids.org/en/CountryResponses/Regions/LatinAmerica.asp
                                                                  http://www.unaids.org/en/CountryResponses/Regions/Caribbean.asp

                                Tendances                                                    ports sexuels avec des hommes. D’après les chif-
                                épidémiologiques                       2                     fres figurant dans le dernier rapport de la Croix-
                                                                                             Rouge équatorienne, les nouvelles infections
                                Dans de nombreux pays d’Amérique latine, les                 sont en hausse parmi les femmes (29 pour 100 du
             2. Le présent      épidémies de VIH peuvent être considérées com-               total en 2005, contre 40,12 pour 100 en
  document ne prétend
    pas offrir un tableau       me étant de « faible intensité » parmi la popula-            juin 2008) ; de même la tranche des moins de 30
             exhaustif des      tion générale. Cependant, les infections recensées           ans a enregistré une augmentation considérable
  épidémies de sida en
      Amérique latine et        sont largement concentrées chez des individus                du taux d’infection (de 42,84 pour 100 en 2004
dans les Caraïbes. Par          appartenant à des groupes à risque. Les taux de              à 65,56 pour 100 en juin 2008). Il en ressort que
  ailleurs, les dernières
 statistiques régionales        prévalence parmi certains segments de la popula-             les programmes de prévention et d’assistance doi-
  émanant d’ONUSIDA             tion comme les hommes qui ont des relations                  vent évidemment être focalisés sur ces deux po-
sur lesquelles se fonde
   ce rapport datent de         sexuelles avec des hommes, les prisonniers, les              pulations.
    2008 et 2007 (AIDS
       epidemic update,
                                professionnel (le) s du sexe et les toxicomanes par
  regional summary for          injection sont souvent très élevés, de l’ordre de            La situation est plus alarmante encore dans les
 Latin America and the
   Caribbean, UNAIDS,
                                plus de 5 pour 100. A Buenos Aires, par exemple,             Caraïbes, où plusieurs pays souffrent d’épidémies
2007 and 2008 Report            le taux d’infection chez les hommes ayant des                généralisées avec des épidémies concentrées au
     on the Global AIDS
     Epidemic, UNAIDS           relations homosexuelles se situe entre 7 et 15 pour          sein de certains groupes. D’après les statistiques
               2008). Une       100, alors que la prévalence globale parmi la po-            de l’ONUSIDA pour 2006, la prévalence du
    actualisation de ces
   chiffres pourrait être       pulation adulte de l’Argentine ne dépasse pas 0,6            VIH atteignait ou dépassait 1 pour 100 aux Ba-
          publiée d’ici au      pour 100. En d’autres termes, on se trouve en                hamas, à La Barbade, au Belize, au Guyana, en
 lancement du présent
    rapport, mais, dans         présence d’une épidémie fortement concentrée.                Haïti, à la Jamaïque, au Surinam et à Trinité-et-
         l’intervalle, il est                                                                Tobago. L’ONUSIDA déplorait par ailleurs un
néanmoins possible de
   discerner un certain         L’un des problèmes réside dans le fait que beau-             « système de surveillance inadéquat » dans plu-
nombre de tendances.            coup de gens ignorent leur séropositivité au VIH.            sieurs pays, d’où la difficulté d’obtenir des don-
3. Feuillet d’information
                                Les statistiques les plus récentes pour la Colombie,         nées complètes et exactes.
 épidémiologique sur le         par exemple, indiquent que 170 000 personnes au
 VIH/sida en Colombie,
 actualisation de 2008,
                                moins vivaient avec le VIH en 2007, y compris 47             Selon le dernier rapport de la Croix-Rouge du
      OMS/ONUSIDA/              000 femmes. Toutefois, certaines sources estiment            Guyana, la prévalence globale du VIH parmi la
    UNICEF, décembre
                    2008.
                                que les chiffres réels pourraient atteindre jusqu’à          population adulte du pays atteindrait 2,5 pour
                                230 000, dont 66 000 femmes.3                                100, le sida figurant parmi les premières causes de
                                                                                             mortalité chez les 25 à 34 ans. Les rapports hété-
                                Un autre cas intéressant est celui de l’Equateur,            rosexuels non protégés constituent le principal
                                où l’on signale une « épidémie en expansion à                mode de transmission du virus. Sa propagation
                                phase concentrée » en raison de taux de préva-               est en grande partie associée au sexe tarifé, mais
                                lence dépassant les 5 pour 100 parmi des groupes             le VIH tend néanmoins à se propager rapidement
                                spécifiques comme les hommes qui ont des rap-                parmi l’ensemble de la population.

                                                                                                                                                         5
VIH-sida : quand les inégalités alimentent la pandémie - La réponse des Sociétés de Croix-Rouge en Amérique latine et dans les Caraïbes
FIRC Santé / VIH-sida : Quand les inégalités alimentent la pandémie
La réponse des Sociétés de Croix-Rouge en Amérique latine et dans les Caraïbes / Novembre 2009 //

                           Dans la région des Caraïbes, le VIH se répand                       sentent une cible cruciale en matière de prévention,
                           principalement via les relations sexuelles, notam-                  notamment ceux qui vivent dans les zones urbai-
                           ment les rapports non protégés entre les profes-                    nes défavorisées, mais aussi les membres de com-
                           sionnel (le) s du sexe et leurs clients. Les                        munautés isolées qui n’ont pas nécessairement ac-
                           prisonniers affichent aussi des taux élevés d’in-                   cès à l’information et aux services de prévention.
                           fection. Une étude menée en 2005 à la prison
                           centrale du Belize avait révélé une prévalence de                   Selon le rapport 2007 de l’ONUSIDA, Haïti
                           5 pour 100 parmi les détenus.                                       « connaît la plus importante des épidémies des
                                                                                               Caraïbes », avec une prévalence de 2,2 pour 100.
                           Dans de nombreux pays des Caraïbes, la pandé-                       Des efforts considérables ont été déployés au
                           mie est alimentée par un facteur déterminant :                      cours des dernières années afin d’améliorer la si-
                           l’opprobre et la discrimination qui continuent                      tuation. Depuis 2004, la Croix-Rouge haïtien-
                           d’affecter très lourdement les hommes ayant des                     ne, soutenue par la Croix-Rouge américaine, a
                           relations sexuelles avec des hommes, incitant                       mis en œuvre un important programme de pré-
                           beaucoup d’entre eux à tenir secrète leur orienta-                  vention baptisé « Together We Can ». Il a déjà
                           tion. En raison du harcèlement social et institu-                   touché plus de 435 000 jeunes par le biais d’in-
                           tionnel qu’ils subissent trop souvent, il est diffi-                terventions spécifiques, de campagnes d’éduca-
                           cile de les toucher par le biais de campagnes de                    tion mutuelle avec des « pair-educateurs » et
                           prévention spécifiques.                                             autres activités de sensibilisation associées à des
                                                                                               manifestations culturelles et de loisirs. Dans le
                           Enfin, aussi bien en Amérique latine que dans les                   même temps, plus d’un demi-million de jeunes
                           Caraïbes, les femmes sont de plus en plus expo-                     ont été ciblés par des programmes de communi-
                           sées à la transmission du virus du simple fait de                   cation de masse. Actuellement, « Together We
                           l’augmentation des taux d’infection parmi la po-                    Can » touche plus de 9 500 jeunes par mois.
                           pulation générale.
                                                                                               Des enquêtes menées avant et après divers ateliers
                           Au demeurant, il serait erroné de conclure que                      et activités révèlent des gains de plus de 100 pour
                           seuls les groupes vulnérables sont menacés. Plu-                    100 en termes de connaissance et compréhension
                           sieurs études conduites dans les Caraïbes ont ré-                   du VIH, de tolérance vis-à-vis des personnes séro-
                           vélé que des individus parfaitement conscients du                   positives ainsi que d’importants progrès en matière
                           risque de contamination persistent à avoir des rap-                 d’abstinence et d’utilisation des préservatifs.
                           ports sexuels non protégés.4 La répugnance à utili-
                           ser les préservatifs reste très forte. Dans ces condi-              Outre dans les grandes agglomérations urbaines, le
                           tions, si les groupes les plus vulnérables doivent                  programme est implanté dans des régions rurales
                           bien évidemment faire l’objet d’une attention par-                  isolées et dans des zones instables comme Cité So-
                           ticulière, il apparaît indispensable de renforcer                   leil, où il a touché des membres de gangs qui ont
                           aussi les campagnes d’information, d’éducation et                   sécurisé l’accès des éducateurs et des volontaires de
                           de communication en direction du grand public.                      la Croix-Rouge haïtienne pour leur permettre de
                                                                                               conduire des activités parmi la jeunesse locale.
                           Sensibiliser les jeunes                                             Le projet repose sur l’effet boule de neige. Les
                           exposés aux risques                                                 éducateurs demandent aux jeunes participants de
                           Pour garantir une réduction durable des taux                        diffuser les messages et principes de prévention
                           d’infection par le VIH dans la région, il est indis-                qui leur ont été transmis parmi leurs propres
                           pensable de sensibiliser les groupes les plus expo-                 amis, frères et soeurs, camarades de classe et voi-
                           sés, qui passent souvent à travers les mailles des                  sins. Chaque jeune touché directement par le
                           campagnes de prévention de masse. La compré-                        programme sensibilise ainsi onze autres jeunes en
                           hension des spécificités locales de l’épidémie est                  moyenne et contribue activement à promouvoir
                           également essentielle pour faire reculer les taux                   des comportements plus sûrs au sein de toute la
                           d’infection. Du fait qu’elles opèrent essentielle-                  jeunesse de sa communauté.
                           ment par l’intermédiaire de volontaires commu-
                           nautaires, les Sociétés de la Croix-Rouge sont                      Le programme devrait être bientôt étendu à la ré-
                           dans une position privilégiée pour identifier les                   gion de Nippes et au nord-ouest du pays. Il sera
                           caractéristiques particulières de l’épidémie au ni-                 complété par la mise à disposition de préservatifs
                           veau local et pour travailler directement avec les                  dans le cadre des activités et aux sièges des sec-
   4. Rapport actualisé
                           populations les plus exposées.                                      tions de la Croix-Rouge haïtienne.
    sur le sida, résumé
       régional pour les
      Caraïbes, page 5,
                           Compte tenu des tendances démographiques de                         Le projet « Together We Can » a également été
        ONUSIDA 2007.      l’Amérique latine et des Caraïbes, les jeunes repré-                mis en œuvre au Guyana, où la Croix-Rouge du

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VIH-sida : quand les inégalités alimentent la pandémie - La réponse des Sociétés de Croix-Rouge en Amérique latine et dans les Caraïbes
FIRC Santé / VIH-sida : Quand les inégalités alimentent la pandémie
                                                      La réponse des Sociétés de Croix-Rouge en Amérique latine et dans les Caraïbes / Novembre 2009 //

                           Guyana a touché quelque 5 000 jeunes directe-                de prévention du VIH, ces communautés étant
                           ment et le double environ grâce au fameux effet              particulièrement exposées à la contamination.
                           boule de neige. Environ 500 personnes se sont                Dans les zones déshéritées, généralement sous la
                           enregistrées pour des services de conseil et de dé-          coupe des gangs et des trafiquants de drogue, la
                           pistage volontaires et l’organisation a intensifié           violence est permanente et la toxicomanie sous
                           ses efforts de lutte contre l’opprobre et la discri-         toutes ses formes est omniprésente, multipliant
                           mination.                                                    les risques d’infection par le VIH.

                           Les migrants et les                                          La majorité des personnes déplacées sont origi-
                                                                                        naires de régions rurales et ont des connaissances
                           personnes déplacées                                          très limitées en matière d’hygiène sexuelle et de
                           Les travailleurs migrants et autres populations              santé génésique. Il est très fréquent d’entendre
                           mobiles sont aussi des groupes très vulnérables.             une femme déclarer qu’elle n’a jamais vu un pré-
                           Ils sont nombreux dans la région : Haïtiens en               servatif de sa vie avant sa participation à un pro-
                           République dominicaine, habitants de l’Améri-                gramme de la Croix-Rouge.6
                           que centrale migrant vers le nord, Colombiens,
                           Vénézuéliens et habitants des Caraïbes se rendant            De plus, le déracinement a bouleversé la hié-
                           à Panama.                                                    rarchie sociale. Les hommes qui cultivaient la
                                                                                        terre ne peuvent plus pratiquer leur activité une
                           Les personnes déplacées à l’intérieur des frontiè-           fois arrivés dans les grandes villes. Cette oisiveté
                           res nationales par des conflits sont, de même, ex-           forcée peut les pousser à abuser de la drogue et de
                           posées à des risques accrus. En Colombie, on es-             l’alcool et augmente le risque de violences physi-
                           time que deux à trois millions de personnes ont              ques et sexuelles envers leurs compagnes et leurs
                           dû abandonner leurs foyers à cause des violences             enfants. Faute de pouvoir trouver un emploi, cer-
                           internes.5 La plupart n’ont pratiquement rien pu             tains sont aussi contraints de quitter leur famille
                           emporter et vivent à présent dans des conditions             pour chercher du travail ailleurs dans le pays. Sé-
                           très précaires, principalement dans les bidonvilles          parés de leurs proches, beaucoup recourent à des
    5. The State of the    qui entourent les principales villes du pays, à              rapports sexuels rémunérés et, s’ils sont infectés
world’s refugees 2006,
chapitre 7, HCR, 2006      commencer par la capitale Bogotá.                            par le VIH, ils risquent de le transmettre à leur
                                                                                        épouse une fois rentrés au foyer. Ce problème est
   6. Etude de cas « Je
   n’avais jamais vu de
                           La Croix-Rouge colombienne a mis en place                    tellement sérieux que, dans de telles circonstan-
préservatif avant que la   tout un éventail de programmes pour les popula-              ces, les volontaires de la Croix-Rouge s’efforcent
     Croix-Rouge m’en
montre un », annexe au
                           tions déplacées, allant des premiers secours au              de persuader les conjoints d’utiliser des préserva-
       présent rapport.    soutien psychosocial. Elle y a adjoint des activités         tifs en cas de doute.

                                                                                                                                                   Au
                                                                                                                                                Salvador,
                                                                                                                                             campagne de
                                                                                                                                           prévention du VIH
                                                                                                                                           de la Croix-Rouge
                                                                                                                                             impliquant les
                                                                                                                                             chauffeurs de
                                                                                                                                                  taxi.

                                                                                                                                                    7
VIH-sida : quand les inégalités alimentent la pandémie - La réponse des Sociétés de Croix-Rouge en Amérique latine et dans les Caraïbes
FIRC Santé / VIH-sida : Quand les inégalités alimentent la pandémie
La réponse des Sociétés de Croix-Rouge en Amérique latine et dans les Caraïbes / Novembre 2009 //

                             C’est un des sujets débattus dans le cadre des                    très difficile de toucher les communautés vivant
                             séances de prévention du VIH organisées par les                   dans des régions reculées. C’est encore plus vrai
                             sections régionales de la Croix-Rouge colom-                      s’agissant du VIH, que ces mêmes communautés
                             bienne. Des volontaires spécialement formés,                      ont tendance à considérer comme un problème
                             parmi lesquels figurent des pair-éducateurs, visi-                qui ne les concerne pas. Pourtant, avec le déve-
                             tent régulièrement les communautés déplacées                      loppement des transports et l’augmentation de la
                             pour diffuser des connaissances de base sur le vi-                mobilité, les minorités ont de plus en plus de
                             rus, distribuer des brochures d’information, faire                contacts avec le reste de la société. C’est pourquoi
                             des démonstrations pratiques sur la manière d’uti-                plusieurs Sociétés de la Croix-Rouge d’Amérique
                             liser les préservatifs et, surtout, tenter de répondre            latine, notamment celles du Guatemala, de
                             aux questions et préoccupations des participants.                 l’Equateur et de la Colombie, ont élaboré des
                                                                                               programmes VIH spécialement conçus pour en-
                                                                                               glober les peuples indigènes, lesquels représentent
                             Les femmes                                                        environ un dixième de la population totale de
                             Comme on l’a déjà vu, une des principales carac-                  l’Amérique latine.8
                             téristiques de la pandémie du VIH en Amérique
                             latine et dans les Caraïbes est le niveau élevé de                Dans ce domaine, il est essentiel de prendre en
                             prévalence du virus chez les hommes qui ont des                   compte les spécificités culturelles et d’adapter les
                             relations sexuelles avec des hommes, exacerbé par                 messages aux caractéristiques locales. Personne
                             l’opprobre et la discrimination auxquels ils sont                 n’est mieux placé pour cela que les volontaires de
                             confrontés.                                                       la Croix-Rouge qui font partie intégrante des
                                                                                               communautés et sont ainsi mieux à même de
                             Toutefois, les femmes et les jeunes filles sont aussi             comprendre leurs problèmes et besoins particu-
                             très exposées en raison de l’inégalité entre les                  liers. Pour travailler avec les peuples indigènes, il
                             sexes qui les prive du plein contrôle de leur vie                 faut commencer par établir des liens de confiance
                             sexuelle. Cela vaut pour les couples quand le mari                avec leurs leaders, en particuliers les anciens et les
                             ou le partenaire n’est pas fidèle et pour les profes-             chefs traditionnels, et les persuader de la nécessité
                             sionnelles du sexe dont les clients exigent souvent               d’informer leurs communautés sur les risques du
                             des rapports non protégés (un problème qui tou-                   VIH. Ce n’est pas une tâche aisée, parce que les
                             che également les prostitués de sexe masculin et                  leaders communautaires sont généralement cir-
                             les transsexuels).                                                conspects lorsqu’on les confronte à des problèmes
                                                                                               venus de l’extérieur et parce qu’ils ont trop sou-
                             Hélas, très peu de femmes osant dénoncer les                      vent eu à subir eux-mêmes l’opprobre et la discri-
                             abus dont elles sont victimes, leur détresse reste                mination. Une fois qu’ils ont réussi à convaincre
                             largement ignorée.7                                               les chefs traditionnels, les volontaires peuvent
                                                                                               alors organiser des séances d’information et de
                             C’est pourquoi de nombreuses Sociétés de Croix-                   prévention afin de sensibiliser l’ensemble de la
                             Rouge dans la région saisissent la moindre occa-                  communauté, et plus particulièrement les adoles-
                             sion de sensibiliser les femmes au problème. Ain-                 cents, et expliquer ce qu’on peut faire pour se pro-
                             si, à l’occasion de la Journée internationale de la               téger tout en respectant les usages et traditions.
                             femme, la Croix-Rouge argentine a conduit une
                             campagne nationale de prévention avec le                          Dans certains cas, cela suppose de pouvoir com-
                             concours de plus de 150 volontaires de 29 sec-                    muniquer dans la langue locale. Les messages
                             tions. Sous le slogan « Aujourd’hui et chaque                     peuvent être imprimés si la langue en question
                             jour, prenons l’initiative », la campagne qui visait              possède une forme écrite ou transmis par voie
                             à encourager les femmes à prendre le contrôle de                  orale durant les séances de prévention, en tra-
                             leur vie sexuelle a contribué à mettre en lumière                 vaillant en partenariat avec les dispensaires de
                             la prévalence croissante du VIH chez les femmes,                  santé et, lorsque c’est possible, avec les stations de
                             en raison de diverses formes d’inégalité entre les                radio locales communautaires.
  7. Cf. interview de la     sexes. Lancée dans la ville de Cordoba, elle a été
 militante colombienne       étendue à d’autres agglomérations, touchant au                    La Croix-Rouge colombienne a lancé un pro-
  Mayerline Vera dans
            l’article « La   total quelque 27 000 personnes. Les volontaires                   gramme de ce type parmi les indigènes Guam-
Croix-Rouge nous aide        ont distribué plus de 18 000 préservatifs et 15                   bianos dans la petite ville de Silvia, au sud du
           à diffuser les
 connaissances sur le        500 cartes et brochures d’information.                            pays. Ses volontaires conduisent des sessions de
  VIH », disponible sur                                                                        sensibilisation dans l’école communautaire et
     www.ifrc.org/wad.
                                                                                               sont régulièrement conviés à diffuser des mes-
        8. www.imf.org/
                             Les peuples indigènes                                             sages de prévention sur les ondes de la station
       external/pubs/ft/
    fandd/2005/12/hall.
                             Lorsqu’on veut diffuser des messages de préven-                   de radio locale qui émet dans la langue des
     htm, paragraphe 1.      tion de quelque nature que ce soit, il est toujours               Guambianos.

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VIH-sida : quand les inégalités alimentent la pandémie - La réponse des Sociétés de Croix-Rouge en Amérique latine et dans les Caraïbes
FIRC Santé / VIH-sida : Quand les inégalités alimentent la pandémie
                                                  La réponse des Sociétés de Croix-Rouge en Amérique latine et dans les Caraïbes / Novembre 2009 //

     Affiche de
  la Croix-Rouge
    en Argentine      En Amérique centrale, la Croix-Rouge du Guate-                Les hommes qui ont
mettant en évidence
  la situation des
                      mala conduit un programme similaire parmi qua-
                      tre peuples indigènes différents : les Mayas (23
                                                                                    des rapports sexuels
 femmes face au
         VIH.         ethnies), les Xincas, les Garifunas et les Ladinos.           avec des hommes
                      Grâce à l’appui de la Croix-Rouge espagnole, elle             Les hommes qui ont des rapports sexuels avec des
                      a pu ouvrir une délégation à Nuevo Palmar, une                hommes sont les plus exposés à l’infection par le
                      ville de plus de 27 000 habitants dont plus de 80             VIH dans la région. Ils sont aussi le groupe le
                      pour 100 sont des Mayas de l’ethnie Quiché. Les               plus affecté par l’opprobre et la discrimination,
                      membres de la communauté, en particulier les jeu-             que ce soit sous la forme d’insultes, de discrimi-
                      nes et les femmes, suivent des sessions d’informa-            nation à l’embauche et au logement, d’abus et
                      tion et d’éducation sur le VIH. Ce programme est              violences physiques, de viols.
                      d’autant plus vital que cette communauté est forte-
                      ment affectée par la pauvreté, les problèmes socio-           A cause de tout cela, beaucoup gardent secrète
                      économiques, la discrimination, les carences de               leur orientation sexuelle et, par voie de consé-
                      services de santé et d’information sur la sexualité,          quence, effectuent rarement des tests de dépistage
                      autant de facteurs qui contribuent à alimenter la             et ne sollicitent pas toujours de traitements
                      pandémie du VIH.                                              lorsqu’ils en ont besoin. C’est pourquoi la lutte
                                                                                    contre l’opprobre et la discrimination contre les
                      Le fait qu’un nombre croissant de chefs de com-               minorités, y compris la communauté homo-
                      munautés indigènes commencent à prendre                       sexuelle, fait partie intégrante de la politique de la
                      conscience de la menace que représente le VIH                 FICR relative au VIH.
                      est sans doute un des aboutissements les plus po-
                      sitifs des efforts déployés ces dernières années.             En dépit des efforts déployés, il reste énormément
                      Ces efforts vont se poursuivre et s’intensifier en            à faire pour vaincre ce rejet. Si l’homosexualité
                      étroit partenariat avec les autorités locales et tra-         est devenue légèrement mieux acceptée dans
                      ditionnelles.                                                 beaucoup de pays d’Amérique latine, l’homopho-

                                                                                                                                                9
VIH-sida : quand les inégalités alimentent la pandémie - La réponse des Sociétés de Croix-Rouge en Amérique latine et dans les Caraïbes
FIRC Santé / VIH-sida : Quand les inégalités alimentent la pandémie
La réponse des Sociétés de Croix-Rouge en Amérique latine et dans les Caraïbes / Novembre 2009 //

                           bie demeure néanmoins très forte, notamment                         Dans le travail de prévention parmi les profes-
                           dans les Caraïbes, où les hommes qui ont des rap-                   sionnel (le) s du sexe, il est aussi important
                           ports sexuels avec des hommes sont en butte au                      d’adapter les messages à leurs pratiques respecti-
                           harcèlement tant social qu’institutionnel.9 Dans                    ves. Il n’y a guère de sens, par exemple, à distri-
                           de nombreux pays, l’homosexualité est illégale et                   buer une brochure traitant des rapports hétéro-
                           punissable par la loi.                                              sexuels à des hommes qui ont des rapports avec
                                                                                               d’autres hommes ou avec des transsexuels.
                           Dans un récent article10, les faits suivants ont été
                           relatés : « Le Forum jamaïcain pour les lesbien-                    Pour faciliter l’accès à ce groupe, les Sociétés de la
                           nes, les bisexuels et les gays (J-FLAG), un groupe                  Croix-Rouge de la région privilégient, comme
                           de pression, fait état de 33 cas de blessures graves                pour les jeunes, l’éducation mutuelle en em-
                           consécutives à des violences en bande contre des                    ployant des volontaires qui sont eux-mêmes d’an-
                           homosexuels en l’espace de 18 mois. Deux cou-                       cien (ne) s professionnel (le) s du sexe ou qui tra-
                           ples de femmes ont subi des viols au cours des                      vaillent en étroite liaison avec des membres de
                           dernières semaines. De nombreuses agressions ne                     cette communauté afin de diffuser des messages
                           sont pas recensées, en partie parce que la police                   de prévention et de distribuer des préservatifs.
                           n’enquête pas systématiquement à leur sujet. »                      Ces actions ne constituent en aucune façon une
                                                                                               manière d’encourager la prostitution, mais bien
                           Une autre tendance importante affecte l’Améri-                      plutôt la prise en compte d’une réalité très simple,
                           que latine et les Caraïbes, comme d’autres parties                  à savoir qu’on ne pourra pas freiner de manière
                           du monde : la formule « hommes qui ont des rap-                     significative la propagation du VIH sans toucher
                           ports sexuels avec des hommes » décrit un com-                      ce groupe à très haut risque. En effet, à défaut de
                           portement plutôt qu’un groupe particulier d’in-                     promouvoir la prévention parmi les professionnel
                           dividus, car elle peut englober aussi bien des                      (le) s du sexe, des hommes continueront de leur
                           homosexuels déclarés que des hommes bisexuels.                      imposer des rapports non protégés, de contami-
                           S’agissant de ces derniers, leurs partenaires fem-                  ner leurs partenaires femmes et celles-ci de trans-
                           mes ignorent la plupart du temps cet autre aspect                   mettre le virus par voie intra-utérine à leurs pro-
                           de leur vie sexuelle, ce qui les expose elles-mêmes                 pres enfants.
                           à la contamination par le VIH. Les besoins des
                           hommes exclusivement homosexuels et des bi-
                           sexuels sont donc différents et il convient de leur                 Les toxicomanes
                           apporter des réponses différentes.11                                Les toxicomanes qui partagent du matériel non
                                                                                               stérilisé pour s’injecter de la drogue dans le flux
                           Les professionnel (le) s                                            sanguin sont extrêmement vulnérables à l’infec-
                                                                                               tion par le VIH. Ce mode de transmission est un
                           du sexe                                                             des principaux vecteurs des épidémies de VIH à
                           Les professionnel (le) s du sexe sont à l’évidence                  travers le monde, y compris dans certains pays
                           un autre groupe particulièrement vulnérable à                       d’Amérique latine et des Caraïbes. La couverture
                           l’infection par le VIH, également en proie à l’op-                  préventive est parfois défaillante, en particulier
                           probre. Il est souvent difficile de les approcher.                  quand les échanges de seringues sont fréquents.12
                           C’est pourquoi plusieurs Sociétés de la Croix-
                           Rouge d’Amérique latine et des Caraïbes ont dé-                     Cela étant, outre la toxicomanie par injection, la
                           veloppé des programmes spécifiques à leur inten-                    consommation de drogues plus « douces » com-
                           tion, afin de les sensibiliser au risque qu’ils                     me la marijuana, parfois combinée à la consom-
                           prennent en acceptant des rapports non protégés                     mation d’alcool, peut aussi miner l’aptitude des
   9. Rapport actualisé
    sur le sida, résumé    et de les aider à se défendre contre les pressions                  individus à exiger l’utilisation du préservatif ou à
       régional pour les   exercées par certains de leurs clients.                             se protéger.
      Caraïbes, page 2,
        ONUSIDA 2007
                           Le risque est loin d’être négligeable quand on sait
    10. The Economist,     que des professionnel (le) s du sexe confessent                     Les prisonniers et
   17 septembre 2009.
                           que, presque quotidiennement, plusieurs clients                     autres personnes
    11. HIV prevention :
         Principles and
                           potentiels offrent de doubler, voire de tripler leur
                           rémunération s’ils acceptent un rapport non pro-
                                                                                               en détention
          guidelines for
programming, page 13,      tégé. Heureusement, on est parvenu à persuader                      Les taux d’infection par le VIH parmi les person-
           IFRC, 2009.     un grand nombre d’entre eux de rejeter de telles                    nes emprisonnées sont généralement plus élevés
   12. HIV prevention :
                           demandes, mais on ne saurait évidemment ex-                         que pour l’ensemble de la population et il en va
        Principles and     clure la possibilité que certains, par désespoir ou                 ainsi dans une grande partie de la région Améri-
         guidelines for
        programming,
                           par ignorance, cèdent et multiplient par là-même                    que latine et Caraïbes. L’injection de drogues, le
  page 14, IFRC, 2009.     le risque de propagation du virus.                                  tatouage, les rapports sexuels consentis mais non

10
FIRC Santé / VIH-sida : Quand les inégalités alimentent la pandémie
                                                        La réponse des Sociétés de Croix-Rouge en Amérique latine et dans les Caraïbes / Novembre 2009 //

                             protégés et les viols sont autant de facteurs qui            spécialisées. Outre la promotion de la prévention
      13. HIV prevention :   exacerbent la vulnérabilité de ce groupe.                    du VIH, le programme s’attache à améliorer
           Principles and
            guidelines for                                                                l’accès des détenus aux services de soins de santé
           programming,      De plus, une proportion considérable des indivi-             primaires, en particulier dans les centres de réin-
     page 14, IFRC, 2009.
                             dus emprisonnés ont été condamnés pour des                   sertion.
                             délits liés à la drogue et trouvent les moyens de
                             satisfaire leur dépendance dans les lieux de déten-
                             tion.
                                                                                          Des campagnes de
                                                                                          prévention mieux ciblées
                             Pour toutes ces raisons, il est essentiel d’assurer          Les outils de communication sont essentiels pour
                             des services de prévention dans les prisons, afin            toucher les groupes les plus vulnérables. Toute-
                             de sensibiliser les détenus au risque et de prévenir         fois, s’agissant des professionnel (le) s du sexe, ces
                             la transmission par voie sexuelle.13                         outils doivent être adaptés aux particularités des
                                                                                          différentes catégories, faute de quoi le message
           Une
      jeune fille de
                             La Croix-Rouge équatorienne a mis en place un                risque de ne pas être entendu.
    la communauté            programme exemplaire qui vise simultanément à
 Guambiano apprend           améliorer les conditions de vie dans les prisons et          Bien que des campagnes de prévention aient été
à utiliser correctement
 un préservatif devant       à sensibiliser tant les détenus que le personnel des         menées depuis de nombreuses années déjà, il faut
  ses camarades de           établissements. Pour optimiser l’efficacité de son           sans cesse marteler les messages. Il apparaît de
 classe à Silvia, dans
       le sud de la          action dans les domaines de l’hygiène sexuelle et            plus en plus clairement que la connaissance ne
        Colombie.            de la santé génésique, elle a noué des partenariats          suffit pas à faire changer les attitudes et les com-
                             avec plusieurs organisations privées et publiques            portements. Diverses études révèlent que des

                                                                                                                                                    11
FIRC Santé / VIH-sida : Quand les inégalités alimentent la pandémie
       La réponse des Sociétés de Croix-Rouge en Amérique latine et dans les Caraïbes / Novembre 2009 //

                                   individus parfaitement conscients du risque de                     Ce constat impose une grande créativité dans
          14. Cayermites et al,
              2006, in Rapport
                                   contamination par le VIH persistent néanmoins                      l’élaboration des campagnes de prévention.
          actualisé sur le sida,   à avoir des rapports sexuels non protégés.                         Consciente de cette nécessité, la Croix-Rouge de
         résumé régional pour
         les Caraïbes, page 5,                                                                        la Jamaïque a employé divers outils pour toucher
               ONUSIDA 2007.       Ainsi, en Haïti, une enquête a fait ressortir un                   des groupes différents. Outre les messages diffu-
                                   très bon niveau d’information, avec trois person-                  sés via la presse et les médias électroniques, elle a
          15. CAREC, 2007, in
         Rapport actualisé sur     nes sur quatre capables de citer trois méthodes                    recouru à des pièces radiophoniques, à des ta-
                le sida, résumé    clés de protection. Néanmoins, seulement 26                        bleaux d’affichage, à des marches et même des
              régional pour les
            Caraïbes, page 5,      pour 100 des femmes et 42 pour 100 des hom-                        spectacles de danse. Grâce à cette diversification
               ONUSIDA 2007.       mes qui avaient eu des rapports sexuels avec des                   des méthodes de communication, elle a pu effec-
                                   partenaires non réguliers durant l’année écoulée                   tivement toucher des groupes très variés – jeunes,
                                   ont déclaré avoir utilisé un préservatif à ces occa-               adultes, employés du secteur touristique, mem-
                                   sions.14 Plus alarmant encore : un tiers des profes-               bres du clergé, hommes ayant des rapports sexuels
                                   sionnel (le) s du sexe ont admis qu’ils consen-                    avec des hommes, professionnel (le) s du sexe.
                                   taient à des rapports non protégés pour obtenir
                                   une rémunération plus importante. D’autres étu-                    A Haïti, la Croix-Rouge haïtienne a récemment
                                   des conduites dans les Caraïbes orientales ont                     publié une brochure mettant en scène deux rôles-
                                   révélé que plus de huit personnes sur dix savent                   modèles : le musicien Belo et l’actrice Jessica Ge-
                                   que l’utilisation du préservatif protège contre                    neus. Elle traite de la perception des risques en
                                   l’infection par le VIH, mais moins de la moitié                    relation avec les rapports sexuels les plus courants
                                   des hommes sexuellement actifs et une femme                        parmi les jeunes Haïtiens, y compris les relations
                                   seulement sur cinq l’utilisent systématiquement                    tarifées et transgénérationnelles, le tout présenté
                                   lors de leurs rapports avec des partenaires non ré-                dans le contexte et les termes locaux.
                                   guliers.15 Ces deux exemples montrent bien qu’il
                                   existe toujours une forte réticence à utiliser des                 En Amérique centrale, la Croix-Rouge du Pa-
                                   préservatifs, même parmi les individus les mieux                   nama s’est associée à la FICR et à l’agence de pu-
                                   informés.                                                          blicité McCann-Erickson pour mettre sur pied

          Alejan-
       dra Marcela
        Camacho,
      volontaire de la
Croix-Rouge colombienne
de la section de la Cauca,
 évoque la prévention du
 VIH avec un membre de
     la communauté
       Guambiano.

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FIRC Santé / VIH-sida : Quand les inégalités alimentent la pandémie
                                                       La réponse des Sociétés de Croix-Rouge en Amérique latine et dans les Caraïbes / Novembre 2009 //

                          une campagne intitulée « La vérité n’est pas                   Avec le soutien technique et financier de la FICR,
                          gravée sur le visage. Protège-toi, utilise un préser-          la Croix-Rouge du Guatemala a mis en œuvre
                          vatif ! ». Lancée en 2005, elle ciblait spécialement           un programme destiné à prévenir la violence fa-
                          les jeunes gens sexuellement actifs. L’idée se fon-            miliale et communautaire après le passage de
                          dait sur la réalité des réseaux sexuels – les jeunes           l’ouragan Stan qui avait durement frappé le pays
                          ignorent souvent les conseils en matière de santé              en 2006, plongeant une grande partie de la popu-
                          sexuelle et n’ont pas conscience que les anciennes             lation dans une situation matérielle critique. Cet-
                          relations sexuelles de leurs propres partenaires               te campagne incluait une composante de préven-
                          peuvent avoir un impact sur leur vie et leur santé             tion du VIH, sous la forme d’un spectacle donné
                          personnelles.                                                  par une troupe de théâtre au sein des communau-
                                                                                         tés sinistrées par l’ouragan. Grâce à cette initia-
                          Autre exemple de campagne novatrice, celle me-                 tive, plus de 9 000 familles affectées ont été sensi-
                          née conjointement par les Sociétés de la Croix-                bilisées à la prévention de la violence domestique,
                          Rouge du Guatemala, du Honduras et d’El                        y compris sexuelle.
                          Salvador. Dans ce cas-là, l’objectif consistait à
                          promouvoir la prise de conscience et à accroître le            La radio demeure un média très important dans
                          respect pour les personnes vivant avec le VIH, à               la région, notamment dans les zones rurales, mais
                          diffuser des informations correctes, à dénoncer                aussi dans les grandes villes où beaucoup de gens
                          les idées reçues et à encourager la prévention.                écoutent leur station préférée pendant les longues
                                                                                         heures d’embouteillage. Nous avons déjà vu com-
                          Les chauffeurs de taxi ont été choisis pour parti-             ment la radio a été utilisée pour sensibiliser les
                          ciper au projet en raison du fait que, dans de                 peuples indigènes en Colombie. D’autres Sociétés
                          nombreuses parties de la région, ils sont organisés            nationales, comme la Croix-Rouge du Belize, se
                          en coopératives, ce qui facilite le contact et la for-         servent également de ce média pour faire passer
                          mation. Ce groupe est lui-même en étroit contact               des messages de prévention, y compris du VIH.
                          avec les touristes sexuels et les professionnel (le) s
                          du sexe, ainsi qu’avec un large échantillon de la              Le développement des moyens de communica-
                          population. Souvent bons communicateurs, les                   tion de masse, notamment Internet et les blogs,
                          chauffeurs de taxi peuvent jouer le rôle de                    offre aussi un intéressant potentiel pour promou-
                          conseillers informels et de confidents.                        voir la prévention du VIH et lutter contre l’op-
                                                                                         probre et la discrimination envers les personnes
                          Les Sociétés nationales ont abordé le projet sous              séropositives, ainsi que pour inciter les gens à
                          des angles légèrement différents. Celles du Gua-               s’engager comme volontaires. Un bon exemple en
                          temala et du Honduras ont opté pour cibler di-                 est fourni par le site web de la campagne « Notre
                          rectement les chauffeurs de taxi, alors que celle de           monde. A vous d’agir » développé conjointement
                          El Salvador a ciblé dans un premier temps leurs                par la FICR et le CICR (www.ourworld-your-
                          clients, et seulement ensuite les chauffeurs.                  move.org).

                          La campagne invitait chauffeurs et clients à réflé-
                          chir sur l’opprobre lié au VIH et sur son lien avec            Développer
                          la discrimination. Les chauffeurs ont été dotés                les partenariats
                          d’autocollants, de brochures, de marque-pages et               Aucune organisation, même aussi forte que la
                          autres supports anti-opprobre et anti-discrimina-              Croix-Rouge et le Croissant-Rouge, ne peut à elle
                          tion à distribuer à leurs passagers.                           seule faire face à un problème de santé aussi énor-
                                                                                         me que celui du VIH/sida. C’est une des raisons
                          Les chauffeurs ont passé un test avant et après                pour lesquelles dix Sociétés nationales des Améri-
                          leur formation afin d’évaluer l’évolution de leurs             ques ont adhéré à l’Alliance mondiale de la Fédé-
                          attitudes et comportements. Beaucoup ont affir-                ration internationale contre le VIH, laquelle a
                          mé être plus sensibles au fait que certaines plai-             pour objet de promouvoir, de renforcer et d’har-
                          santeries et remarques apparemment innocentes                  moniser la contribution des différents partenaires
                          pouvaient favoriser l’opprobre et la discrimina-               engagés dans cet effort. L’accent est mis, entre
                          tion.                                                          autres, sur les échanges de bonnes pratiques au
                                                                                         sein du Mouvement international de la Croix-
                          Le projet a aussi eu un impact sur les familles des            Rouge et du Croissant-Rouge, mais aussi avec des
 16. Une vidéo sur le     chauffeurs de taxi, et il a renforcé les liens avec les        partenaires extérieurs.
projet salvadorien est    réseaux locaux de personnes vivant avec le VIH,
 disponible via le lien
              suivant :   les ministères de la santé et les ONG locales. Cer-            Les premiers partenaires sont évidemment les
  www.youtube.com/
  watch ?v= M2IbDG-
                          tains des participants ont par la suite adhéré à la            personnes vivant avec le VIH, qui ne devraient
                tecEw     Croix-Rouge en tant que volontaires.16                         pas être regardées comme des « bénéficiaires »,

                                                                                                                                                   13
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