Vingt ans après la fin du monde bipolaire : la désintégration de la Yougoslavie, paradigme ou exception ?

La page est créée Fabien Peltier
 
CONTINUER À LIRE
Politiques méditerranéennes | La Turquie - Les Balkans

Vingt ans après la fin du monde
bipolaire : la désintégration de la
Yougoslavie, paradigme ou exception ?

Pere Vilanova                                              ropéenne (si l’on compare la Slovénie au Kosovo, ou

                                                                                                                       Bilan
Professeur de sciences politiques,                         la Macédoine à la Bosnie et Herzégovine, ou la Croa­
Université de Barcelone                                    tie au Monténégro).
Directeur
                                                           Si la Yougoslavie a été le noyau dur des Balkans et
Division des affaires stratégiques et de sécurité,
                                                           sa désintégration l’épisode le plus dramatique de la
ministère de la défense, Madrid
                                                           restructuration de l’ancien bloc de l’Est sur le sol eu-
Olinta López                                               ropéen, il convient de revenir sur les réflexions et les

                                                                                                                       Med.2010
Master de relations internationales                        analyses des variables qui ont influencé ce proces-
Institut d’études internationales de Barcelone (IBEI),     sus. L’hypothèse initiale est que la crise n’a pas été
Barcelone                                                  déclenchée par un seul facteur, ce type d’explication
Collaboratrice de la DAES, ministère de la défense,        n’étant toujours pas convaincant, même 20 ans plus
Madrid                                                     tard. Il est impossible qu’il y ait une seule cause, tant
                                                           d’un point de vue « macro » (la chute de l’URSS, la
Vingt ans après la fin de la guerre froide ou, si l’on     désintégration du bloc soviétique), puisque la You-

                                                                                                                        233
préfère, de la crise du système bipolaire, il est éclai-   goslavie disposait d’une autonomie fonctionnelle au
rant de revenir sur certains de ses aspects partiels/      sein de ce bloc depuis 1948, que d’un point de vue
régionaux les plus dramatiques. Pour ce faire, et          « micro » (la réactivation des rivalités entre Yougos-
compte tenu de l’importance croissante des études          laves), étant donné que la fédération n’a pas sub-
régionales dans les analyses de politique internatio-      sisté pendant 45 ans par le seul fait du caractère
nale (World Politics), il est intéressant de se concen-    autoritaire du régime de Tito (parti unique, idéologie
trer sur les Balkans et notamment sur le territoire        communiste, etc.), lequel était en tous points le plus
que fut la Yougoslavie fédérale créée par Tito, qui        libéral de toute l’Europe centrale et orientale. Au
entra en crise en 1991.                                    risque de paraître schématique, divers facteurs doi-
Vu sous cet angle, non seulement la Yougoslavie            vent être pris en compte.
s’est avérée être le centre névralgique de la problé-
matique géopolitique des Balkans, mais son héri-
tage se fait également toujours sentir 20 ans plus         Variables : réflexion initiale
tard, bien que d’autres pays de ce qui est communé-
ment défini comme la « zone balkanique » ont vu leur       La géopolitique yougoslave/balkanique a beau-
situation se normaliser peu à peu. Certes à différen­      coup évolué au fil du temps, et, si l’on observe des
tes cadences et avec des résultats contrastés, mais        cartes des Balkans depuis 1810 jusqu’à au-
il n’en demeure pas moins que des pays comme la            jourd’hui, on remarque immédiatement une grande
Roumanie et la Bulgarie font désormais partie de           inconstance des frontières, de nombreux conflits
l’Europe, avec tout ce que cela implique ; d’autres,       liés aux frictions entre territoires et groupes de po-
comme l’Albanie, ont beaucoup avancé vers l’Euro­          pulation, et une forte concurrence entre des puis-
pe et son architecture multiple : UE, OTAN, Con­seil       sances étrangères et voisines. Entre le Congrès de
de l’Europe, OSCE, et les pays restants de l’ex-You-       Vienne (1815) et le début du XXe siècle, la frontière
goslavie adoptent des dynamiques très différentes          entre les grands empires (ottoman, austro-hongrois
dans cette ambitieuse perspective d’intégration eu-        et, en périphérie, russe) se déplace vers l’est, au
détriment de la puissance turque. Avec les deux            de médiateur entre l’est et l’ouest, en plus de son
           guerres mondiales, ce phénomène s’accentuera :             activité à la tête du mouvement des pays non ali-
           plus de déplacements de la population, davantage           gnés, ont perdu de leur importance et n’ont plus
           de changements de frontières, une accumulation             été capables de favoriser le soutien politique et
           des tensions, et l’apparition, la disparition et la        économique de l’ouest. L’insensibilité occidentale
           réapparition de griefs. Si ces mouvements ont af-          face à la nouvelle situation de la Yougoslavie était
           fecté d’une manière ou d’une autre des pays balka-         manifeste à travers son incapacité à appuyer les ré-
           niques comme la Roumanie, la Grèce, la Bulgarie            formes économiques du gouvernement Markovic
           ou l’Albanie, ils ont surtout bouleversé ce que nous       (1988-1991). La dureté économique est l’un des
           appelons aujourd’hui l’ex-Yougoslavie. C’est pour-         éléments (mais non le seul) qui provoqua une crise
           quoi ce territoire a sa propre « géopolitique post-        constitutionnelle ; les nationalistes ethniques (no-
           guerre froide ». Et c’est la raison pour laquelle il af-   tamment les radicaux serbes à partir de 1986) s’en
           fiche un bilan particulièrement dramatique 20 ans          sont servi pour miner ce qui constituait un projet
Bilan

           après la chute du mur de Berlin.                           assez stable et plausible, même selon les normes
                                                                      occidentales. On peut argumenter que l’effondre-
                                                                      ment de la Yougoslavie n’est pas uniquement impu-
           La faillite du système bipolaire :                         table à des raisons ethniques, ni à la chute d’une
           la rupture d’un certain ordre international                dictature politique classique, mais à la désintégra-
                                                                      tion de l’ordre international, qui influençait forte-
Med.2010

           En 1945, la Yougoslavie de la fin de la première           ment la Yougoslavie. Il s’agit toutefois là d’un point
           guerre mondiale réapparaît sous une forme restau-          de vue partiel et restrictif.
           rée ; de plus, dès le début de la guerre froide, mais      Quant à la crise et à la chute de l’Union soviétique, la
           surtout à partir de la rupture entre Tito et Staline en    perception des réformes de Gorbatchev renferme
           1948, l’équilibre des puissances sur le sol européen       un paradoxe yougoslave. Comme ils prônaient l’au-
           aide grandement la Yougoslavie à se maintenir et à         togestion en lieu et place du socialisme étatique (so-
           garder son indépendance, grâce au soutien popu-            viétique), ses dirigeants ont considéré la perestroïka
 234

           laire considérable dont jouissaient son gouverne-          et la glasnost comme des victoires plutôt que des
           ment et son système étatique.                              échecs de leur modèle de socialisme. À quelques
                                                                      exceptions près, les communistes yougoslaves ont
                                                                      accueilli la politique de détente entre l’orient et l’oc-
           La Yougoslavie fut une victime                             cident avec bienveillance, la percevant comme une
           collatérale de la chute du mur                             nouvelle reconnaissance du succès de la Yougosla-
                                                                      vie sur la voie du socialisme. Les réformes en Europe
           de Berlin. Son rôle de médiateur
                                                                      orientale n’ont pas été considérées comme une me-
           entre l’est et l’ouest, en plus                            nace et les dirigeants yougoslaves ne se sont sentis
           de son activité à la tête du                               en rien menacés par ces changements. Mais ils
           mouvement des pays non alignés,                            n’ont pu concurrencer suffisamment la dynamique
                                                                      « fin du communisme (en tant que modèle étatique)
           ont perdu de leur importance
                                                                      = fin du fédéralisme = essor des nationalismes indé-
           et n’ont plus été capables de                              pendantistes ».
           favoriser le soutien politique                             En tant que leader du mouvement des pays non ali-
           et économique de l’ouest                                   gnés, la Yougoslavie a mené une politique étrangère
                                                                      suffisamment indépendante, et exercé une grande
                                                                      influence aux Nations unies et au sein d’autres fo-
           Toutefois, la position stratégique de la Yougoslavie       rums internationaux. Comme nous l’avons dit, la fin
           entre deux blocs politico-militaires dans l’après-         du système bipolaire a en partie érodé cette position
           guerre européen et sa politique d’équidistance en          de grande visibilité internationale.
           termes idéologiques et politiques n’ont pu survivre        Sur le plan géopolitique, il serait intéressant de com-
           à l’effondrement des structures bipolaires de la fin       parer ce cas avec la désintégration de l’Union sovié-
           de la guerre froide. La Yougoslavie fut une victime        tique, afin de déterminer si les facteurs à l’origine de
           collatérale de la chute du mur de Berlin. Son rôle         la chute de la Yougoslavie étaient identiques ou s’ils
émanaient de variantes spécifiques. En dépit de            1. La crise de l’autorité fédérale, avec la mort de
quelques similitudes dans les deux cas, puisqu’il est         Tito en 1980 et le blocage provoqué par le
question de la fin du communisme, ces deux points             « bloc serbe » à partir de 1987, quand il est par-
sont complètement différents. Ce n’est pas une rai-           venu à paralyser la présidence fédérale collé-
son pour oublier l’impact de la fin du rideau de fer          giale (laquelle allait être dévolue au Croate
dans son ensemble sur le cas yougoslave.                      Stepe Mecic).
Ainsi, il a fallu dans un premier temps déterminer la      2. La minorité serbe dans les régions croates de
cause. Une analyse sommaire a fait ressortir plu-             Krajina et de Slavonie orientale avait déjà pro-
sieurs motifs (et non un seul) pour lesquels il fallait       cédé à ses référendums illégaux d’autodétermi-
identifier différentes causes, puisque aucune de              nation en août 1990, et la Ligue des commu-
celles analysées n’auraient pu à elles seules conduire        nistes de Yougoslavie avait déjà forcé l’expulsion
à de telles conséquences (la guerre entre 1991 et             des communistes slovènes la même année.
2001). L’effondrement de la Yougoslavie est donc           3. Les élections dans les républiques de la fédéra-

                                                                                                                     Bilan
imputable à une conjugaison de variables (ou de               tion (à laquelle elles ont toutes participé) ont été
causes), traditionnellement analysées de façon in-            convoquées légalement et sont antérieures aux
dépendante. On pourrait l’écrire de cette façon :             proclamations d’indépendance mentionnées.

                   nombre.Max.variables
      Fait (crise) =       ∑ importance · causesn          Quelques considérations sur les causes

                                                                                                                     Med.2010
                           n=1

                                                           1. Rupture de l’ordre international (implications de
Autrement dit, une somme de causes (au moins une              la rupture de l’équilibre est-ouest). La position
et maximum n) d’importances diverses ont conduit à            stratégique de la Yougoslavie, leader du mouve-
l’effondrement de la Yougoslavie.                             ment des non-alignés, entre deux blocs politico-
Aux fins de cette analyse, il convient d’abord de dé-         militaires dans l’après-guerre européen et sa
finir les variables (n). De notre point de vue, les plus      politique d’équidistance en termes idéologiques

                                                                                                                      235
significatives sont :                                         et politiques n’ont pu survivre à l’effondrement
                                                              des structures bipolaires de la fin de la guerre
1.   La rupture de l’ordre international                      froide. La Yougoslavie a perdu son importance
2.   L’effondrement de l’Union soviétique                     par rapport à d’autres zones du monde, et elle
3.   L’intervention extérieure                                n’a donc plus été capable d’attirer l’appui poli-
4.   Les ethnies                                              tique et économique de l’ouest.
5.   La démographie                                        2. Désintégration de l’Union soviétique (rupture de
6.   L’économie                                               l’ordre international – implications directes de
7.   Les nationalistes                                        l’URSS). L’effondrement de l’Union soviétique
8.   La crise et la disparition de la Yougoslavie fédé-       déboucha sur une Yougoslavie vulnérable aux
     rale                                                     fragilités de l’espace européen central et orien-
                                                              tal, donna de l’espace et « légitima » les diverses
Ainsi, le n pour l’ensemble de la Yougoslavie fédé-           forces nationalistes, qui se présentèrent comme
rale est définit par huit causes. Cette analyse ap-           porteuses d’alternatives de « libération natio-
proximative cache un autre problème : les causes et           nale » à la chute du modèle communiste. L’effon-
leur importance varient dans chacune des républi­             drement du communisme de l’Union soviétique
ques. Il serait donc nécessaire de compléter l’équa-          a eu des conséquences à l’échelle continentale,
tion, en considérant la pertinence de chacune des             très diverses dans toute l’Europe orientale, no-
causes de manière indépendante dans chaque ré-                tamment dans des pays qui ne faisaient pas par-
publique et en les analysant dans leur ensemble               tie, à proprement parler, de l’URSS ni des « dé-
pour comprendre l’effondrement de la Yougoslavie.             mocraties populaires ».
Cela dépasserait toutefois l’objet du présent article.     3. Intervention extérieure. Entre 1991 et 1995, le
Il s’agit là d’une approximation formelle, puisque les        bilan des interventions extérieures se résume
causes internes de la crise de la Yougoslavie remon-          aux échecs successifs de médiation de l’UE, aux
tent au moins aux événements suivants :                       différents degrés d’implication de certains pays
dans la crise yougoslave par rapport à d’autres            ficia du plus grand appui après la chute du com-
                (si l’Allemagne a été accusée d’être procroate, la         munisme.
                position proserbe de la France ne fait aucun            8. La crise du projet d’une Yougoslavie fédérale
                doute ; le Royaume-Uni est resté inhibé et tous            (perte de la cohésion après la mort de Tito). Peu
                les membres de l’UE, qui n’en comptait alors               après la mort de Tito, les divisions ethniques se
                que douze, ont fait profil bas).                           ravivèrent, et certains problèmes de fond que
           4.   Causes ethniques. Des éléments ethniques et                l’on croyait enterrés depuis la fin de la seconde
                religieux (ou plutôt aux accents religieux) ont fa-        guerre mondiale refirent surface. De fait, il s’agit
                vorisé le conflit, de même que le déséquilibre             d’une étrange accumulation accélérée de « sti-
                démographique et le fossé socio-économique                 mulateurs de crise » qui précipita l’effondrement
                entre les groupes. Aujourd’hui, les experts                final.
                s’accordent majoritairement sur le fait qu’il faut
                d’abord identifier la responsabilité (le pro-           L’évaluation de l’importance des causes fait appa-
Bilan

                gramme) du radicalisme serbe pour le démem-             raître que certaines découlent d’autres, ou que les
                brement de la Yougoslavie, à partir du mémoran-         interactions entre plusieurs d’entre elles ont agi
                dum de l’académie serbe en 1986 et l’arrivée au         comme une chaîne de facteurs provoquant une suc-
                pouvoir de Milosevic en 1987. Il convient de            cession de conséquences. Par exemple, l’impact du
                garder à l’esprit que l’annulation unilatérale (par     nationalisme a été multiplié par les différences éco-
                le parlement serbe) du statut d’autonomie du            nomiques et démographiques. Ou du moins par la
Med.2010

                Kosovo (garanti par la constitution fédérale) date      perception que la population avait d’elles.
                de mars 1989, bien avant les élections de 1991.
           5.   Causes démographiques. L’équilibre démogra-
                phique du Kosovo s’est progressivement rompu            Conclusion : la Bosnie et Herzégovine et les
                pour pencher davantage dans la balance alba-            Accords de Dayton, paradigme et métaphore
                naise (en raison d’un plus fort taux de natalité et
                de flux d’immigration plus importants) ce qui a         Les faits postérieurs sont bien connus : des guerres
 236

                été considéré comme une menace, provoquant              successives à partir de l’été 1991 jusqu’en sep-
                une poussée de nationalisme serbe et un rejet           tembre 1995, la destruction définitive de la Yougos-
                des Albanais. Mais il s’agissait d’un facteur nou-      lavie fédérale, etc. Mais le dernier acte de cette série
                veau, utilisé à partir de 1987 par Milosevic sur le     mérite une réflexion finale puisque tous les aspects
                plan politique.                                         les plus destructeurs de ce processus historique
           6.   Causes économiques. La crise économique à la            particulier se retrouvent en Bosnie et Herzégovine,
                fin des années 1970 et au début des années              mais non en vain.
                1980, ainsi que le fossé accru entre les régions
                développées et non développées (républiques
                ou provinces) ont rendu l’existence même de la          L'équilibre démographique du
                Yougoslavie impossible. Les républiques les             Kosovo s'est progressivement
                plus développées ont demandé l’indépendance,
                                                                        rompu pour pencher davantage
                faisant valoir leur futur développement. La crise
                a dégénéré en conflit constitutionnel, lequel a         dans la balance albanaise ce qui a
                entraîné une crise de l’État proprement dit.            été considéré comme une menace,
           7.   Causes nationalistes. Le communisme a mar-              provoquant une poussée de
                qué l’économie ainsi que les aspects sociaux et
                                                                        nationalisme serbe
                psychologiques de la société de son empreinte.
                La chute du régime a ouvert la voie à de nou-
                velles opportunités de progrès économique et            En 1995, trois importantes décisions ont été prises
                social. L’alternative de l’identification nationale a   pour mettre un point final à la guerre en République
                réveillé de vieux griefs sous de nouvelles formes,      de Bosnie et Herzégovine, et par extension en ex-
                et cela a définitivement marqué la transition. Le       Yougoslavie. D’abord, les Accords de Dayton (Ac-
                nationalisme en Yougoslavie fut la plus forte des       cord-cadre général de paix en Bosnie et Herzégo-
                idéologies en lice, et donc l’alternative qui béné-     vine) signés le 21 novembre, le paraphe officiel
desdits accords à Paris le 14 décembre et, entre les         matique, si nous attendions au minimum le respect
deux, la Conférence de Londres pour la mise en               intégral desdits accords dans un délai d’un an (ou
œuvre des accords, les 8 et 9 décembre. Quinze               moins si l’on s’en tient au calendrier initial des élec-
ans plus tard, il semble opportun de faire le bilan de       tions générales), le bilan est nettement insuffisant,
l’une des opérations les plus ambitieuses d’établis-         pour ne pas dire désastreux. Mais si l’on attend plu-
sement et de maintien de la paix menée par la com-           tôt, comme point de départ, la fin de la guerre, la
munauté internationale, au moins sur le sol euro-            consolidation de la fin des hostilités, la séparation
péen, depuis la fondation de l’Organisation des              des belligérants et une pression lente mais perma-
Nations unies. En effet, et si l’on considère la ques-       nente à l’égard des parties au conflit pour qu’elles
tion sous un certain angle, il convient de remarquer         avancent vers une seule issue, alors le bilan est plus
l’incohérence dans l’action de la communauté inter-          complexe et plus positif. Tout dépend donc du cri-
nationale (pour l’ensemble du conflit en ex-Yougos-          tère d’évaluation et de la mesure du délai pour obte-
lavie) entre, d’un côté, ses ambivalences et contra-         nir des résultats.En somme, le bilan final (et cela vaut

                                                                                                                          Bilan
dictions de 1991 à septembre 1995 et, de l’autre, la         pour les Balkans dans leur dimension géopolitique
force de la sanction contre les Serbes de Bosnie à           régionale) est clair : après 20 ans de crises, de
partir de cette date, à laquelle il faut ajouter l’accélé-   guerres, d’instabilités, il y a un horizon et il s’appelle
ration du calendrier jusqu’à la signature des Accords        l’Europe. On y arrive par un processus de recons-
de Dayton. Comme nous le disions, cela ouvre une             truction interne dans chaque pays impliqué, et par
réflexion indispensable sur les enseignements que la         l’entrée et l’intégration dans les différentes « mai-

                                                                                                                          Med.2010
communauté internationale doit – ou devrait – tirer          sons de l’architecture européenne de sécurité » :
du conflit balkanique, tant dans la phase de préven-         OTAN, UE, OSCE et Conseil de l’Europe. Il n’y a
tion des conflits que dans la gestion de l’après-            tout simplement pas de plan B et il est significatif
guerre et de la reconstruction.                              que la Serbie ait tant tardé à rejoindre le mouvement
                                                             régional.

En somme, le bilan final (et cela

                                                                                                                           237
vaut pour les Balkans dans leur                              Bibliographie
dimension géopolitique régionale)
                                                             AAVV. Le sud des Balkans : vues de la région, Insti-
est clair : après 20 ans de crises,                              tut d’études de sécurité de l’Union européenne,
de guerres, d’instabilités, il y a un                            Paris, 2001
horizon et il s’appelle l’Europe                             Glenny, Misha.The Fall of Yugoslavia. Londres :
                                                                 Penguin, 1996
                                                             Malcolm, Noel. Bosnia, a short story. Londres :
Il est temps aujourd’hui de faire le point sur l’actif et        Macmillan, 1996
le passif du processus initié par les accords de Day-        Mazower, Mark. The Balkans. Londres : Weidenfeld
ton, un bilan contradictoire. L’évaluation dépend                & Nicolson, 2000
dans une large mesure des attentes qu’elle a susci-          Silber Laura et Little Allan. The Death of Yugosla-
tées en son temps. Pour l’expliquer de façon sché-               via. Londres : BBC-Penguin, 1996.
Vous pouvez aussi lire