11 septembre 1973 : coup d'état militaire au Chili.
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
11 septembre 1973 : coup d’état militaire au Chili. Difficile aujourd’hui d’imaginer comment le coup d’état militaire d’Augusto Pinochet au Chili a pu bouleverser la population française dans toutes ses composantes et en particulier les jeunes lycéens que nous étions. Un souvenir : cette semaine là la direction du lycée Camille Vernet autorise les internes (filles) à suivre les actualités et de nombreuses jeunes filles peinent à cacher leurs larmes. Dans les années qui suivent on ne compte plus les soirées « solidarité Chili » animés par les nombreux réfugiés chiliens qui affluent vers l’Europe, contexte dans lequel le groupe « Quilapayun » se taille un grand succès. Le Chili, un drôle de pays tout en longueur qui s’étend sur 4 300 km du Nord au Sud, mais dont la largeur n’excède pas 180 km d’est en ouest. Une population pauvre mais des richesses, en particulier les mines de cuivre exploitées par des compagnies Nord américaines. Une réelle pratique démocratique qui voit les luttes idéologiques tranchées par des élections alors que le reste du continent latino américain vit au rythme des coups d’états militaires, des guérillas et des dictatures. En 1970, le leader du parti socialiste, Salvador Allende, accède à la présidence du pays et constitue un gouvernement « d’unité populaire », entendez par là un gouvernement de gauche auquel participent socialistes et communistes. En fait Salvador Allende n’a pas la majorité du pays derrière lui mais profite d’un mode de scrutin uninominal à un tour pour être élu : arrivé en tête avec 36 % (contre 34% à son principal rival) des voix il accède directement à la présidence. Cela n’empêche pas Allende de lancer un profond programme de réformes : nationalisation des mines de cuivre, réforme agraire qui redistribue la terre aux plus pauvres, programme de santé publique, d’éducation et de logement en faveur des classes populaires, tout en jouant le jeu des élections. Dans un monde coupé en deux par la Guerre Froide, les USA voient d’un mauvais œil cette expérience dans leur arrière cour latino américaine. Dés lors la CIA ne va pas ménager ses efforts et ses fonds pour exploiter les mécontentements internes au Chili, financer la grève des camionneurs, pousser les militaires à réagir. C’est ce qui se passe le 11 septembre 1973. Attaqué dans le palais présidentiel Allende refuse de quitter le pays et se suicidera lors de l’assaut des putschistes contre la résidence présidentielle.
Allende au centre quelques instants avant sa mort. 45 000 chiliens sont arrêtés par les militaires en quelques jours et regroupés dans des stades. La pratique de la torture devient monnaie courante et les exécutions expéditives se multiplient. Victor Jara est un grand chanteur chilien, engagé au côté du gouvernement de Salvador Allende. Arrêté et interné au stade national de Santiago le 11 septembre, il est reconnu par les militaires quelques jours plus tard (le 16). Un militaire lui écrase les mains (il est guitariste), ce qui n’empêche pas Victor Jara d’entonner l’hymne de l’unité populaire et d’entrainer avec lui les prisonniers du stade. C’en est trop pour les soldats qui exécutent le chanteur. Victor Jara.
La chanson proposée ici est un des grands succès de Victor Jara : « Te recuerdo Amanda » : une jeune femme amoureuse court retrouver l’être aimé à l’usine pour une courte pause de 5 minutes. L’amant est parti lutter dans la montagne où il trouvera la mort. http://www.youtube.com/watch?v=GRmre8ggkcY Te recuerdo Amanda Te recuerdo Amanda (Souviens-toi, Amanda) Te recuerdo Amanda Souviens-toi, Amanda la calle mojada La rue mouillée corriendo a la fabrica donde trabajaba Et toi, courant à la fabrique où travaillait Manuel Manuel La sonrisa ancha, la lluvia en el pelo, Le grand sourire, la pluie dans les cheveux, no importaba nada Rien n'avait d'importance ibas a encontrarte con el, Tu allais le retrouver, con el, con el, con el, con el Lui, lui, lui, lui Son cinco minutos Ce sont cinq minutes la vida es eterna, La vie est éternelle en cinco minutos En cinq minutes Suena la sirena, La sirène retentit, de vuelta al trabajo De retour au travail y tu caminando lo iluminas todo Et toi, en marchant, tu illumines tout Les cinq minutes los cinco minutos Te font fleurir te hacen florecer Te recuerdo Amanda Souviens-toi, Amanda la calle mojada La rue mouillée corriendo a la fabrica Et toi, courant à la fabrique donde trabajaba Manuel Où travaillait Manuel La sonrisa ancha Le grand sourire, la lluvia en el pelo La pluie dans les cheveux, no importaba nada, Rien n'avait d'importance ibas a encontrarte con el, Tu allais le retrouver, Lui, lui, lui, lui con el, con el, con el, con el Qui est parti à la sierra Que partió a la sierra Qui n'a jamais fait de mal, que nunca hizo daño, Qui est parti à la sierra que partió a la sierra Et en cinq minutes, y en cinco minutos, Est resté brisé quedó destrozado Suenan las sirenas Les sirènes retentissent de vuelta al trabajo De retour au travail muchos no volvieron Beaucoup ne sont pas revenus Et Manuel non plus
tampoco Manuel Te recuerdo Amanda, Souviens-toi, Amanda la calle mojada La rue mouillée corriendo a la fábrica, Et toi, courant à la fabrique Où travaillait Manuel donde trabajaba Manuel. Et en France, les références au Chili fleurissent dans les chansons. Le mot « stade » devient synonyme de prison. Retenons les deux chansons suivantes : Laissez vous pénétrer par les paroles, elles sont merveilleuses. « Camarade Chili » de Jean Max Brua. Jean Max Brua a déjà trouvé place dans « la chanson de la semaine » pour son titre « 200 mètres/Mexico » Voir le lien : http://www.ac-grenoble.fr/lycee/vincent.indy/spip.php?article1655 Jean Max Brua appartenait à « la bande des cinq », jeunes chanteurs (avec Jacques Bertin le chrétien, Gilles Elbaz l’anarchiste, Jean Vasca le poète, Jean-Luc Juvin le sarcastique) qui tentaient de secouer la scène musicale française en mariant poésie et chanson. Jean Max Brua est le militant de la bande, résolument engagé au Parti Communiste Français. Il est mort en 1999. http://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=2&ved=0CDIQtwIwAQ&url=http %3A%2F%2Fwww.dailymotion.com%2Fvideo%2Fx1076sh_jean-max-brua-camarade- chili_music&ei=DqQwUtryO-qF4gTS34HYAw&usg=AFQjCNHoNQASwOf- 0GVwfFeNVk4nJRWP8w&bvm=bv.51773540,d.bGE&cad=rja Paroles de « Camarade Chili » Camarades chantiers, camarades labours, Ils ont osé tirer camarade chanson***, J’ai le cœur écrasé de misère et d’amour, Ils ont tué celui qui parlait bel et bon, Et je cherche les mots de la douleur à dire. Leurs bottes ont le fumet des fauves Camarades marins, camarades mineurs, d’occident. Des larmes sur tes joues, camarade pudeur, Ils ont enfin tué camarade poète. Et nous aurions la honte presque de le dire : Ils ont le mufle court et le front de la bête. Ils ont osé tuer Salvador Allende !* Quand tu trembles de l’homme ils te cassent les dents. Camarade soleil, camarade Chili, Ils ont osé toucher à Pablo Neruda**** ! Nous aurons des voix d’hommes et des ventres durcis. Les valets vont disant que le peuple s’est tu. Quand les radios complices installent le Camarade traqué, camarade têtu. silence, Les chasseurs (avions) dans ton ciel et les Mon frère vertical, camarade vivant, chars dans tes rues. Ils te veulent muet, ils te veulent couchant. Mais tu sais les mots clairs, camarade Les donneurs de leçon lessivent leurs attentif, consciences. les mots contre la houle, les vérités récifs,
Ils ont osé toucher à Luis Corvalan **(au Je sais que tu n’as pas devant eux les mains peuple du Chili) nues. Ils ont osé toucher au peuple du soleil ! Ils ont osé toucher au peuple du soleil ! Je ne résiste pas à l’envie de vous glisser la version de Francesca Solleville toujours très active sur les scènes ardéchoises. http://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=5&ved=0CEYQtwIwBA&url=http %3A%2F%2Fwww.youtube.com%2Fwatch%3Fv%3DnEcUZDFSap4&ei=7aUwUp_lLYmH4gSS8IDQAw& usg=AFQjCNEQheu2zLaQKDmFn5cuhxa82tyzuQ&bvm=bv.52109249,d.bGE&cad=rja *Salvador Allende : le président Chilien du gouvernement de l’unité populaire, encerclé par les putschistes dans le palais présidentiel, il est sommé de se rendre et de quitter le pays. Il préfère se suicider. **Luis Corvalan, premier secrétaire (leader) du parti communiste chilien, très proche de l’URSS. Arrêté au moment du coup d’état de 1973, il fait l’objet d’un échange entre la dictature chilienne et l’URSS : libération du dissident Vladimir Boukovski par l’URSS contre la libération de Luis Corvalan. Cet échange a été assez mal vécu par de nombreux militants communistes. Est-ce pour cela que la version chantée par Francesca Solleville ne comporte plus la référence à Luis Corvalan ? *** Camarade chanson : vraisemblablement le chanteur Victor Jara, arrêté et exécuté lors du coup d’état dans le stade national de Santiago. **** Pablo Neruda. Immense poète Chilien, prix Nobel de littérature en 1971, un des symboles artistiques de l’unité populaire chilienne. Le 23 septembre 1973 il meurt dans sa maison saccagée par les militaires qui sont venus brûler ses livres. Officiellement mort des suites d’un cancer, les probabilités d’un assassinat restent fortes. « Camarade Chili » est sorti en 1976 sur l’album « la Trêve de l’aube » « Ambassade du Chili » de Jacques Bertin. Un autre membre de la bande des cinq, toujours en activité. Au lendemain du coup d’état les manifestations de solidarité avec le peuple chilien se multiplient à travers le monde. Ambassades et consulats chiliens sont souvent pris pour cible. Les gouvernements mettent en place une protection de ces bâtiments officiels. Comme souvent dans ses chansons, Jacques Bertin s’interroge sur le sens de son engagement, sa portée, sur ce qu’il peut faire au quotidien de son métier de chanteur. Il prône une résistance qui prolonge celle de la Seconde Guerre mondiale et permet de préserver le bonheur et la joie de demain.
http://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=1&ved=0CC8QtwIwAA&url=http %3A%2F%2Fwww.youtube.com%2Fwatch%3Fv%3DpGitdpLmkIs&ei=qaQwUrPQAZHE4gTawYDQBQ& usg=AFQjCNHxrVLrdpKNuRYh88wo9loB52xt3A&bvm=bv.51773540,bs.1,d.bGE&cad=rja Paroles de « Ambassade du Chili » L'Ambassade est une bouche fermée Désormais pour longtemps On y a mis pour faire respecter les lois De l'hospitalité des gendarmes français Toujours les mêmes pour faire circuler le cœur des gens Cela sera un peu plus dur de vivre avec Le souvenir de ce crime au coin de la rue et tout ce sang Il y a eu un crime, on a tué un peuple, on fait circuler les passants Je circule donc. La vie me pousse sans ménagements Je m'en vais me construire, Avec le mortier des reculs, des renoncements Une maison où je place chacun à sa place, mon enfant Mes amis et cent mille générations de pauvres gens Sur la toiture je mettrai cet arbuste fait de grands mots La dignité ou la justice - Tout ça fait un peu théâtral. Dessinateur prudent, je bâtis une maison pour dix mille ans Dix mille ans de lutte contre dix mille ans de mensonges, Je suis patient, je me bats quelquefois le dos a mur, Avec le bonheur fou que je protège sous ma veste Comme un message, Ou une bombe destinés à quelques clandestins A cause de ce bonheur-là je dis que je suis invincible A cause du fil qui dans les siècles se tend je ne faiblis jamais A cause de ce bonheur, Je suis partout chez moi et je ne suis jamais déraisonnable. Tous ceux que je méprise sont nus. Je les soupèse. Je les dévisage ... Craignez le regard qui écrit votre vrai nom sur vos visages Comme une gifle cinglante ou comme une balafre. L'insolence Est à la jeunesse du monde, à la passion Je suis partout dans ma maison Je n'oublie rien, jamais. Je ne faiblis jamais J'écris, j'écris sur des papiers pour les saboteurs Courez la nuit le long des voies, j'écris sur le bonheur Et sur la joie. J'écris pour le Chili, pour le temps qui va Qui ne donne sa force qu'à ceux qui ont un monde à gagner J'écris à cause du feu dans ma tête et de la mort qu'il faut nier J'écris à cause de Tant d'amour et tant de douleur Dans cette chanson, Jacques Bertin est entouré de quelques uns des meilleurs musiciens de Jazz français de l’époque, le contrebassiste Didier Levallet, le pianiste Siegfried Kessler, le flutiste Michel
Roques. La chanson « Ambassade du Chili » est parue sur l’album « Permanence du fleuve » sorti en 1975. La junte militaire chilienne restera au pouvoir jusqu’en 1989. Sous la pression d’une très large opposition démocratique les militaires finiront par quitter le pouvoir mais en négociant en contre partie des lois d’amnistie qui leur évitent de se retrouver devant les juges pour rendre compte de leur nombreux crimes : 3200 assassinats, 35 000 cas de torture avérée, 200 000 exilés. Augusto Pinochet « Craignez le regard qui écrit votre vrai nom sur vos visages Comme une gifle cinglante ou comme une balafre». Jacques Bertin. « Ils ont le mufle court et le front de la bête ». Jean Max Brua Augusto Pinochet est mort en 2006 à Santiago du Chili sans avoir jamais été jugé. Le dernier numéro de la passionnante revue « L’Histoire », disponible au CDI présente son dossier mensuel sur le coup d’état de septembre 1973 et ses suites.
Vous pouvez aussi lire