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  6 Mettre en place un système
                alimentaire durable

               Ce chapitre applique au secteur agricole, et plus généralement aux
               systèmes alimentaires, une approche axée sur le bien-être. Il propose tout
               d'abord de changer de perspective dans l’élaboration des politiques
               publiques, en donnant à l’atténuation du changement climatique, à la
               protection de l’environnement et à la santé humaine le même niveau de
               priorité qu’aux objectifs économiques. Illustrée ici par quelques exemples,
               une approche de ce type met en évidence les synergies existant entre les
               priorités climatiques et les autres priorités en matière de bien-être, ainsi
               que leurs divergences éventuelles. La seconde partie du chapitre propose
               un ensemble d’indicateurs qui peuvent aider à suivre les progrès accomplis
               et à guider les politiques pour qu’elles aillent dans le sens des différentes
               priorités considérées. Elle analyse ensuite les connexions entre ces
               indicateurs et ceux des Objectifs de développement durable et du cadre
               d'évaluation du bien-être et du progrès de l’OCDE. Enfin, elle montre
               comment ces indicateurs permettent de mieux comprendre les synergies et
               les divergences entre les objectifs climatiques et les autres objectifs de
               bien-être.

Les données statistiques concernant Israël sont fournies par et sous la responsabilité des autorités israéliennes
compétentes. L'utilisation de ces données par l'OCDE est sans préjudice du statut des hauteurs du Golan, de
Jérusalem Est et des colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie aux termes du droit international.

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 En Bref
 Mettre en place un système alimentaire durable
 L’agriculture actuelle a réussi à réduire de manière spectaculaire la faim dans le monde, elle
 apporte suffisamment de nourriture au plus grand nombre d’entre nous et contribue au
 développement économique, notamment en fournissant un emploi à 28 % des travailleurs à
 l’échelle mondiale. Elle fournit également des services agro-environnementaux aux sociétés, par
 exemple en réduisant les risques d’inondation et favorisant la résistance face aux épisodes de
 sécheresse. Ces réussites ont toutefois un prix. Nombre des effets indésirables sur l’environnement et
 la santé humaine proviennent de l’intensification des pratiques agricoles (telles que l’utilisation
 excessive des engrais, des pesticides et des antibiotiques).
 Le système alimentaire contribue en outre massivement au changement climatique, et est
 responsable d’environ 30 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, notamment du
 méthane produit par la digestion des ruminants et la culture du riz, du protoxyde d’azote provenant des
 engrais et des déchets animaux, et des émissions indirectes dues au changement d’affectation des
 sols. L’agriculture utilise un tiers de la surface des terres et est un facteur majeur de déforestation. Si
 nous ne nous employons pas à les freiner, les répercussions du changement climatique telles que les
 vagues de chaleur, les sécheresses et les inondations menaceront à l’avenir la sécurité alimentaire et
 la pérennité des schémas actuels de production agricole.
 Par ailleurs, le système alimentaire actuel ne permet pas à tous de bénéficier d’un régime
 alimentaire sain, même s’il dispose des capacités nécessaires à cette fin et si le total calorique qu’il
 produit est suffisant. La malnutrition reste un défi d’ampleur mondiale et les taux d’obésité ne cessent
 de croître : 159 millions d’enfants de moins de 5 ans souffrent d’un retard de croissance, tandis que
 1.9 milliard d’adultes sont en surpoids ou obèses. En outre, un tiers de la production alimentaire est
 gaspillée ou perdue.
 Il est à noter que l’agriculture et la sylviculture peuvent capter le dioxyde de carbone de
 l’atmosphère dans le sol, ce qui pourrait grandement faciliter la réalisation d’objectifs
 d’atténuation exigeants. Les solutions les plus efficientes sont notamment l’afforestation, la
 régénération des sols et le développement d’une bioénergie durable. Cette dernière peut contribuer aux
 objectifs d’atténuation dans d’autres secteurs, mais nécessite une évaluation rigoureuse de son cycle
 de vie, afin d’éviter des changements néfastes au niveau de l’affectation des sols, ainsi que les
 émissions de gaz à effet de serre et la perte de biodiversité qui sont leurs corollaires.
 Un changement de perspective est nécessaire afin de mieux intégrer les difficultés croissantes
 rencontrées en matière de durabilité du système alimentaire. Ce sont actuellement avant tout des
 critères économiques (PIB, échanges, revenu agricole) qui président aux décisions dans l’agriculture et
 les systèmes alimentaires qui lui sont associés. Il est impératif de faire figurer des objectifs sociaux
 parmi les priorités (par exemple, alimentation saine et équilibrée, climat, gestion durable des
 ressources). S’atteler à la durabilité du secteur alimentaire nécessite également d’étudier l’ensemble de
 la chaîne de valeur alimentaire, y compris la demande, ainsi que les institutions et les marchés dans
 lesquels celles-ci s’inscrivent.
 Adopter une approche axée sur le bien-être peut aider les gouvernements à rendre visibles les
 coûts cachés du système alimentaire actuel, à mettre au jour les synergies qui pourraient être
 dégagées (à savoir, santé, amélioration de l’environnement, stockage du carbone) et à mieux gérer les

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 arbitrages éventuels (par exemple, emplois, accessibilité et caractère abordable de la nourriture) entre
 les objectifs climatiques et les objectifs plus vastes en matière de bien-être. Ainsi, attacher une
 importance particulière à la protection et la formation des travailleurs pourrait faciliter la transition du
 secteur.
 De nouveaux indicateurs seront nécessaires pour mesurer et assurer le suivi des performances,
 et faciliter le double alignement des objectifs climatiques et des autres objectifs de bien-être. Ainsi,
 l’élaboration d’indicateurs fiables sur l’accessibilité et le coût d’un régime sain, en particulier pour les
 ménages à faible revenu, aiderait les responsables à procéder aux arbitrages pertinents, ce qui
 améliorerait de fait le double alignement. Afin d’étayer l’élaboration de l’action publique, la mesure des
 performances doit également évoluer vers une comptabilisation totale des coûts, y compris des coûts
 environnementaux. Ce changement de perspective offre un cadre dans lequel inscrire une conception
 de politiques plus efficientes et exhaustives à l’égard du système alimentaire.

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 Infographie 6.1. Mettre en place un système alimentaire durable

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6.1. Introduction

Le chapitre 1 explique l’importance d’adopter une approche axée sur le bien-être qui permettrait de
prendre en compte et d’évaluer les synergies et les incohérences entre les objectifs climatiques et les
autres objectifs de bien-être générées par les politiques climatiques, et donc de parvenir à un double
alignement1. Adopter une approche axée sur le bien-être implique de :
       définir les objectifs sociétaux en termes de bien-être (y compris la limitation du changement
        climatique par des actions d’atténuation) et les intégrer systématiquement dans les processus
        décisionnels dans tous les secteurs de l’économie ;
       prendre les décisions en tenant compte de plusieurs dimensions du bien-être au lieu de se
        concentrer sur un seul objectif ou sur un très petit nombre d’objectifs ;.
       bien comprendre les relations entre les différents secteurs et éléments du système dans lequel
        une mesure intervient.
Partant de ces considérations, ce chapitre applique une approche axée sur le bien-être au secteur agricole
et au système alimentaire.
L’agriculture du XXIe siècle représente l’une des plus importantes réalisations des civilisations humaines
en ce qu’elle produit de grandes quantités de denrées alimentaires relativement abordables, plus que
suffisantes, en théorie, pour nourrir une population mondiale en augmentation. Pourtant, l’ensemble du
système alimentaire2 est également confronté à des défis majeurs, tant sur le plan de la soutenabilité
environnementale que du bien-être humain.
L’impact négatif du système alimentaire actuel sur certains aspects du bien-être comme la santé ou
l’environnement a été sous-estimé car, jusqu’à présent, le fonctionnement du secteur a été dicté
principalement par des objectifs de revenus, de marchés et de productivité. Le système alimentaire actuel
sollicite à l’extrême précisément les ressources (l’eau, la qualité du sol) et les écosystèmes dont il dépend,
mettant ainsi en péril sa propre pérennité. Une bonne partie de ces pressions est liée à l’intensification des
pratiques agricoles dans le but de satisfaire la demande alimentaire mondiale croissante (recours excessif
aux engrais, aux pesticides et aux antibiotiques, systèmes d'élevage industriels, surpâturage, par
exemple), à la spécialisation et l’uniformité des paysages, et à la conversion de terres pour l’agriculture
(Hardelin et Lankoski, 2018[1]).
La production agricole est responsable d’environ 10 à 12 % des émissions mondiales de gaz à effet de
serre (GES)3. Ensemble, l’agriculture, la foresterie et les autres affectations des terres représentent
environ un quart des émissions mondiales de GES (Smith et al., 2014[2]). La plupart des émissions
agricoles directes correspondent au méthane provenant de la fermentation entérique des ruminants (39 %
des émissions mondiales de GES imputables à l’agriculture en 2016, en éq. CO24), de l’épandage
d’effluents d’élevage dans les pâturages (16 %) et de la riziculture (10 %). Les engrais de synthèse, qui
libèrent du protoxyde d'azote (N2O) dans l’atmosphère, représentent 13 % des émissions de GES du
secteur agricole dans le monde (soit un peu moins de 2 % des émissions de GES mondiales).
Parallèlement, les changements apportés par l’homme à l’environnement, notamment l’augmentation de
la fertilisation due à la plus grande quantité de carbone dans l’air, amplifie la séquestration de carbone
dans les sols ; le puits de carbone net ainsi provoqué équivaut à 29 % du total des émissions de CO2
d’origine anthropique (Arneth et al., 2019[3]).
L’atténuation du changement climatique revêt une importance vitale pour le système alimentaire : une
hausse de 2 degrés Celsius (°C) de la température mondiale par rapport au niveau de la fin du XX e siècle
compromettrait gravement la sécurité alimentaire (Field et al., 2014[4]). Les ressources en eaux
superficielles et souterraines vont se réduire, avec des effets négatifs potentiels sur les rendements (même
si la situation pourra varier d’un endroit à l’autre, certaines régions pouvant en réalité bénéficier du
changement), et la viabilité des systèmes d’irrigation s’en trouvera fragilisée dans certaines parties du

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monde. Des événements météorologiques extrêmes plus fréquents et intenses (vagues de chaleur,
précipitations violentes, inondations côtières) liés au changement climatique pourraient également
menacer la production agricole.
Le secteur agricole a un rôle important à jouer en matière d’atténuation du changement climatique par les
possibilités qu’il offre non seulement de réduire les émissions de GES, mais aussi de capter du dioxyde
de carbone atmosphérique. Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat
(GIEC) (GIEC, 2018[5]), les trajectoires d’émission limitant le réchauffement à 1.5°C prévoient des
émissions nettes négatives d’ici la deuxième moitié du XXIe siècle. Les solutions les plus efficaces pour
ces types d’émissions font intervenir l’agriculture et la foresterie, notamment par le reboisement et le
développement de bioénergies durables, qui contribuent à atténuer le changement climatique dans
d’autres secteurs.
Les bioénergies peuvent atténuer le changement climatique, dans certaines circonstances, et font donc
partie de nombreuses stratégies de développement à faibles émissions (voir par exemple (Popp et al.,
2017[6])). Toutefois, beaucoup d'études montrent que la production de biocarburants pourrait émettre
davantage de GES que ceux qu’ils stockent, en particulier du fait des changements d’affectation des sols
(voir (Fargione et al., 2008[7]) et (Searchinger et Heimlich, 2015[8])). Le dernier rapport en date du GIEC
sur le changement climatique et les terres émergées (Arneth et al., 2019[3]) souligne le fait que l’utilisation
de terres pour produire des bioénergies peut entrer en conflit avec la production de nourriture et donc
compromettre la sécurité alimentaire, risque qui augmente avec l’accélération de la croissance
démographique. Le déploiement de mesures d’atténuation reposant sur les terres, comme les bioénergies
et le reboisement, est donc limité. Dans le cas des bioénergies, la concurrence pour l’utilisation des terres
pourrait être moindre avec des biocarburants plus évolués (de seconde et troisième génération). Il est
donc essentiel de vérifier le caractère durable des bioénergies en analysant leurs émissions sur tout le
cycle de vie.
La production agricole a des répercussions plus générales sur le bien-être, notamment à travers la
pression exercée sur la biodiversité, et donc sur un certain nombre de services écosystémiques 5 tels que
la pollinisation ou la protection naturelle contre les ravageurs 6. Le changement d’affectation des sols dû à
l’expansion des terres arables contribue largement aussi aux émissions de dioxyde de carbone (CO 2)
(GIEC, 2018[5]) et à l’érosion de la biodiversité (Díaz et al., 2019[9]) (Newbold et al., 2014[10]), alors que les
terres agricoles couvrent déjà un tiers des terres émergées (Díaz et al., 2019[9]). Toute la question est de
trouver comment gérer ces pressions tout en nourrissant convenablement une population en hausse et en
répondant à la demande de produits bioénergétiques qui risque de s’accélérer.
Une partie de la réponse peut consister à stimuler les rendements pour fournir une quantité de denrées
suffisantes en limitant la consommation de terres. D'après (Arneth et al., 2019[3]), augmenter la productivité
alimentaire pourrait contribuer de façon significative à atténuer les émissions de GES dans l’agriculture,
car cela ralentirait la course à l’expansion des terres agricoles. L’intensification durable, c’est-à-dire la
restauration de terres déjà dégradées pour accroître la production alimentaire et la séquestration du
carbone, aurait des effets bénéfiques sur le climat comme sur les écosystèmes, mais sa faisabilité est
extrêmement variable selon l’écosystème et la région. Il faut noter cependant qu’une hausse des
rendements ne freine pas nécessairement l’expansion des terres agricoles. (Rudel et al., 2009[11])
constatent que l’intensification agricole n’a généralement pas permis à un pays de stabiliser ou de réduire
sa surface de terres cultivées (voir aussi (Ewers et al., 2009[12])) : le plus souvent, une hausse de la
productivité s’accompagne d’un accroissement de la surface agricole. La consommation plus importante
d’intrants pourrait en outre compenser les effets climatiques positifs de l’économie de terres, comme l’a
montré l’intensification de la riziculture et de l’élevage porcin au Viet Nam ces vingt dernières années
(Arneth et al., 2019[3]).
De plus, le système alimentaire actuel ne permet pas totalement d’atteindre l’objectif d’assurer à chacun
une alimentation saine, même s’il en a la capacité et qu’il produit un nombre total de calories suffisant.

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Selon les estimations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) (OMS, 2018[13]), 452 millions d’adultes
dans le monde sont en déficit pondéral, et 159 millions d’enfants de moins de cinq ans souffrent d’un retard
de croissance ; dans le même temps, 1.9 milliard d’adultes sont en surpoids ou souffrent d’obésité.
Compte tenu de l’importance vitale du système alimentaire pour le développement humain et les défis
auxquels il reste confronté, l’objectif « Faim « zéro » » figure à la deuxième place des 17 Objectifs de
développement durable (ODD) (voir la section 6.3).

                           Le secteur agricole a un rôle important à jouer en matière
                           d’atténuation du changement climatique par les possibilités qu’il offre
                           non seulement de réduire les émissions, mais aussi de capter du
                           dioxyde de carbone atmosphérique.

Ces dernières années, les responsables publics ont pris de plus en plus la mesure des nouveaux enjeux
de l’agriculture, et des efforts ont été faits pour intégrer des objectifs environnementaux dans les politiques
agricoles. La Déclaration sur des politiques meilleures pour un système alimentaire mondial productif,
durable et résilient, signée en 2016 par les ministres et représentants de 47 pays, énonce plusieurs
objectifs communs pour le secteur agricole et alimentaire, à savoir :
       l’accès à des aliments sûrs, sains et nutritifs ;
       la possibilité pour les producteurs où qu’ils soient, petits ou grands, hommes ou femmes, d’opérer
        dans un système commercial mondial transparent et ouvert, et de saisir les opportunités que leur
        offre le marché pour améliorer leur niveau de vie ;
       l’utilisation des ressources et productivité durables ;
       la fourniture de biens publics et de services écosystémiques ;
       la croissance inclusive et développement.
Depuis, pourtant, aucun mouvement de fond n'a été observé dans les politiques agricoles ou leur gestion
(voir par exemple (OCDE, 2019[14]), qui suit les aides publiques à l’agriculture).
L’adoption d’une approche axée sur le bien-être7 pour l’agriculture constitue une mise en pratique de cette
déclaration. Elle oblige à élargir le champ de vision au-delà des critères de marché et de revenu pour
donner une place plus importante à d’autres dimensions du système alimentaire. Il s'agit de considérer
l’ensembe des enjeux, c’est-à-dire chercher notamment à assurer l’accès à une alimentation saine,
garantir un environnement sain et sûr, atténuer les risques de changement climatique, et gérer de manière
durable les ressources naturelles (terre, eau, sols et diversité génétique).
Une approche de ce type peut éviter aux pays d’engager des politiques inefficaces, en permettant aux
responsables publics d’identifier les mesures qui améliorent les synergies entre l’atténuation du
changement climatique et les autres ODD, d’anticiper les arbitrages qui pourraient émerger et, finalement,
de faciliter le double alignement entre ces objectifs(voir le chapitre 1). Ils seront ainsi à même de prendre
des décisions en connaissant pleinement les difficultés associées, qu’ils pourront choisir de réduire ou de
compenser. À titre d’exemple, mettre l’accent sur la formation et la protection des travailleurs peut faciliter
la transition du secteur.
Le changement de perspective nécessaire implique d’analyser les possibilités d’agir sur les différents
leviers du système alimentaire, tant au niveau de l’offre (agriculture) que de la demande (consommation
finale). Le système devrait respecter les cycles naturels (eau, nitrate) en ce qui concerne la production,
mais aussi privilégier l’accès de tous à une alimentation saine.
Pour concevoir des politiques propres à construire un système alimentaire durable, il faut faire évoluer le
système de mesure des performances et utiliser un ensemble complet d’indicateurs rendant compte de
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l’impact du système alimentaire sur les nombreuses dimensions du bien-être, conformément aux priorités
définies. Des indicateurs de ce type aideraient les responsables publics à fixer des objectifs et à suivre les
progrès réalisés. Ils peuvent aussi contribuer à établir des critères de choix, et faciliter la coordination
nécessaire entre les secteurs et entre les pays.
La section 6.2 explore les mesures d’atténuation du changement climatique applicables à l’agriculture. Elle
examine comment le changement de perspective pourrait aider à redéfinir les priorités relatives et les
arbitrages entre les différents objectifs. Elle met en avant les mesures susceptibles d’avoir un impact
seulement minime – voire négatif – sur la production totale, mais qui pourraient être hautement bénéfiques
en termes d’amélioration de la nutrition et de l’environnement. Elle montre aussi comment certaines
manières de concevoir les politiques, d’évaluer les situations et de prévoir des compensations peuvent
grandement renforcer les synergies et aider à minimiser les effets négatifs potentiels lors de la mise en
œuvre de politiques climatiques, ce qui pourrait augmenter l’acceptabilité du public. Le chapitre 11 (dans
la partie 2 de ce rapport) développe le chapitre 6 en analysant des mesures et des pratiques précises
destinées à décarboner l'agriculture tout en réalisant d’autres objectifs indispensables pour rendre le
système alimentaire durable.

6.2. Une approche axée sur le bien-être pour l’agriculture

La production agricole peut générer des effets tant positifs que négatifs (Tableau 6.1). Sa fonction
première est de fournir de la nourriture, ce qui constitue une condition préalable au bien-être humain. Mais
elle peut aussi avoir un impact négatif sur de nombreuses dimensions du bien-être présent et futur,
notamment sur la durabilité de l’agriculture et la disponibilité future de denrées alimentaires. Par exemple,
l’utilisation intensive d’engrais ou de pesticides a des conséquences néfastes sur l’environnement,
notamment sur la qualité de l’eau et du sol, et sur la biodiversité (OCDE, 2019[15]). La production agricole
est également une source d’émissions directes de GES (Smith et al., 2014[2]). L’expansion des terres
agricoles entraîne une libération de carbone dans l'atmosphère du fait du déboisement ou de la destruction
d'autres types d'écosystèmes (comme les tourbières ou la savane).
De la même manière que l’environnement assure des services écosystémiques, l’agriculture peut fournir
à la société des services agro-environnementaux tels que l’atténuation des risques d’inondation et la
résistance aux sécheresses (en améliorant la qualité des sols agricoles) 8, la séquestration de carbone (par
exemple par l’amélioration de la qualité des sols, une bonne terre contenant davantage de matière
organique, ou par la plantation d'autres végétaux – arbres, haies... – sur des terres agricoles), le cycle de
l’eau et la fourniture d'habitats pour de nombreuses espèces. Le Tableau 6.1présente différents impacts
positifs et négatifs de l’agriculture.
Les impacts de la production agricole peuvent aussi à leur tour se répercuter sur la durabilité de
l’agriculture à moyen et long terme, menaçant la disponibilité future de nourriture et la capacité du secteur
à fournir des bioénergies durables qui pourraient être utilisées pour générer des émissions de CO 2
négatives. L’agriculture dépend de la biodiversité 9 pour une multitude de services de support – protection
contre les ravageurs et les maladies, fertilité des sols et pollinisation animale, etc. –, de services
d'approvisionnement – fourniture de nourriture, de fibres, de médicaments et d’eau douce –, et de services
de régulation – qualité du sol et de l’eau, régulation du climat, et pollinisation. Le secteur est aussi
fortement touché par le changement climatique (voir l’Encadré 6.1). Par exemple, un réchauffement
planétaire de 1.5°C provoquera probablement une diminution des rendements dans les zones tropicales
et aura sans doute aussi des conséquences sur la qualité nutritionnelle des aliments, ce qui pourrait avoir
des retombées importantes sur la sécurité alimentaire et la viabilité de l’élevage dans certaines régions ;
dans le scénario d’un réchauffement de 2°C, les rendements baisseraient aussi dans les zones tempérées
(GIEC, 2018[5]).

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Tableau 6.1. Quelques impacts de la production agricole et du système alimentaire sur le bien-être
                          Effets positifs                                                 Effets négatifs
 Climat             Séquestration de carbone       Émissions de GES, provenant principalement de l’élevage et des engrais (voir
                    dans les sols agricoles        l’encadré 6.1)
                    Contributions potentielles     Disparition de puits de carbone à la suite de changements d’affectation des sols liés à
                    des bioénergies à la           l’agriculture
                    décarbonation dans d’autres
                    secteurs
 Santé              Sécurité alimentaire           Risques sanitaires pour les agriculteurs en raison de leur exposition à des pesticides et de
                    Aliments nutritifs             la pénibilité du travail
                    Génétique                      Risque de nourriture polluée
                                                   Propagation de bactéries ayant développé une résistance aux antimicrobiens et
                                                   antibiotiques employés de plus en plus dans les élevages intensifs
                                                   Zoonoses, exacerbées par l'élevage intensif
                                                   Régimes alimentaires malsains entraînant des taux croissants de surcharge pondérale et
                                                   d’obésité, régimes alimentaires carencés
 Écosystèmes        Restauration des               Disparition de services écosystémiques due à la dégradation des sols : l’agriculture abîme
                    écosystèmes dans les           les sols i) physiquement (érosion des sols due à l’exposition au vent, au compactage
                    milieux agricoles              généré par le travail du sol et par les machines agricoles lourdes) ; ii) chimiquement
                                                   (acidification due à l’épandage de quantités excessives d’engrais à base de nitrate
                                                   d’ammoniac et contamination des sols par les pesticides) ; et iii) biologiquement (diminution
                                                   de la faune et de la matière organique du sol) (FAO, 2015[16])
                                                   Disparition d’habitats en raison du déboisement : la disparition d’habitats due aux activités
                                                   agricoles contribue au déclin d’une grande majorité des espèces de mammifères et
                                                   d’oiseaux menacées
 Eau                Atténuation des risques        Pollution de l’eau (pollution des eaux par le phosphore et les nitrates contenus dans les
                    d’inondation dans les          engrais chimiques)
                    milieux agricoles              Baisse du niveau des nappes phréatiques entraînée par l’irrigation intensive
                    Recharge des nappes
                    phréatiques
 Air                                               Pollution atmosphérique due aux émissions d’azote réactif (ammoniac, oxydes d’azote et
                                                   PM2.5) provenant des terres agricoles et de la combustion de biomasse ; pollution par les
                                                   pesticides
 Dimension socio-   Structure des paysages
 économique et      Augmentation des revenus
 culturelle         pour les acteurs du système
                    alimentaire (salaires,
                    bénéfices et rentes, impôts)
                    Tourisme et loisirs

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 Encadré 6.1. Le climat et le système alimentaire
 Comme on le voit sur le Graphique 6.1, l’agriculture, la foresterie et les autres affectations des terres
 représentent pas moins de 25 % des émissions anthropiques mondiales de GES ( (Vermeulen,
 Campbell et Ingram, 2012[17]) ; (Smith et al., 2014[2])). Sur ce total, les émissions liées au changement
 d'affectation des sols représentent entre 7 et 14 % des émissions anthropiques mondiales de GES (ou
 36 % des émissions liées au système alimentaire) et proviennent principalement de la libération de
 carbone due au déboisement ou à la conversion de tourbières en terres agricoles.
 Les émissions directes représentent entre 10 et 12 % des émissions anthropiques mondiales de GES
 (ou 46 % des émissions liées au système alimentaire) (Lankoski, Ignaciuk et Jésus, 2018[18]). Elles
 comprennent les émissions de N2O des sols, des engrais, et des excréments et urines animales, et le
 méthane dégagé par les ruminants et la riziculture (Herrero et al., 2013[19]).

 Graphique 6.1. Émissions de GES des systèmes alimentaires

 Note : La catégorie « pré-production » comprend la fabrication des engrais, la consommation d’énergie nécessaire pour produire les
 aliments pour animaux, et la production des pesticides. La catégorie « post-production » comprend la transformation primaire et secondaire,
 le stockage, l’emballage, le transport, la réfrigération, la vente au détail, la gestion des denrées alimentaires dans le cadre de la restauration
 domestique et collective, et l’élimination des déchets. À chaque fois qu'une plage de valeurs d’émissions était indiquée dans (Vermeulen,
 Campbell et Ingram, 2012[17]), le milieu de la plage a été utilisé.
 Source : Auteurs, à partir de (Smith et al., 2014[2]) et (Vermeulen, Campbell et Ingram, 2012[17]).

                                                                                  StatLink 2 https://doi.org/10.1787/888933993180

 L’une des solutions employées pour nourrir une population en augmentation rapide a été d'utiliser
 davantage d’engrais de synthèse. Cela a accéléré le cycle mondial de l’azote (OCDE, 2019[15]),
 entraînant des problèmes environnementaux à différentes échelles spatiales et temporelles. En
 particulier, les émissions accrues de N2O, un GES puissant dont la durée de vie est relativement longue,
 ont provoqué un forçage radiatif faible mais sensible entre 1750 et 2011 (environ 0.17 watt par mètre
 carré [Wm-2,] contre une valeur estimée à 1.68 Wm-2 pour le dioxyde de carbone ([O2]) (voir (GIEC,
 2013[18])). Les émissions de méthane (CH4) ont aussi progressé rapidement du fait du nombre croissant
 de ruminants, mais aussi des émissions dues au pétrole et à la riziculture. Ce GES puissant mais à
 courte durée de vie augmente aussi dans les couches d’ozone troposphériques, menaçant la santé
 humaine et endommageant les écosystèmes.
 La durée de vie des différents GES détermine leur potentiel de réchauffement planétaire (PRP) et donc
 la stratégie adaptée d'atténuation du changement climatique. Le CH 4 est un gaz à courte durée de vie
 qui reste dans l’atmosphère pendant 12 ans (Pierrehumbert, 2014[19]) ; son PRP sur un siècle est

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 28 fois plus élevé que celui du CO2 (Myhre et al., 2013[20]). De son côté, le N2O persiste dans
 l'atmosphère pendant 114 ans, et son PRP est 265 fois supérieur à celui du CO2. C’est pourquoi la
 réduction des émissions de N2O est une priorité pour les stratégies d’atténuation à long terme, par
 rapport à la réduction des émissions de méthane, qui aura des effets plus rapides mais plus limités à
 longue échéance. En d’autres termes, une réduction ponctuelle d’un GES à très longue durée de vie
 comme le CO2 équivaut à une réduction permanente du taux d'émissions d’un GES à courte durée de
 vie comme le méthane.
 L'élevage est responsable de la plus grosse part des émissions agricoles directes (Blandford et
 Hassapoyannes, 2018[21]), les ruminants représentant plus de 80 % du total des émissions provenant
 du bétail (Herrero et al., 2013[22]). Outre les émissions directes, l’élevage et la culture des plantes
 fourragères contribuent aussi à la déforestation. Les émissions post-production sont générées par les
 activités de transformation alimentaire et de vente au détail qui utilisent de plus en plus de nombreux
 emballages synthétiques (Alpro, 2010[23]), et par les « kilomètres alimentaires » nécessaires pour
 acheminer les produits ultratransformés et non saisonniers auxquels les consommateurs se sont
 habitués (Schnell, 2013[24]).
 La capture des GES contenus dans la biomasse, notamment par la production de bioénergie durable,
 offre d'importantes possibilités d’atténuation dans le futur, en particulier pour atteindre des objectifs
 d’atténuation ambitieux comme 1.5°C (GIEC, 2018[5]). D’après le GIEC, les scénarios permettant plus
 facilement de limiter le réchauffement planétaire à 1.5°C d’ici 2100 prévoient des émissions négatives
 nettes au cours de la seconde moitié du siècle, c’est-à-dire que les quantités de carbone atmosphérique
 séquestrées seront supérieures aux émissions. Plusieurs solutions existent pour capter du carbone de
 l’atmosphère. Les plus simples et réalistes résident dans la foresterie et l’agriculture. Il est difficile
 d'établir avec certitude la faisabilité et les conséquences potentiellement négatives des autres solutions,
 à savoir le boisement et le reboisement, la bioénergie avec captage et stockage du carbone (BECSC),
 et la modification des pratiques agricoles (biochar, séquestration du carbone du sol, par exemple).
 Selon (Smith et al., 2016[25]), la BECSC est la solution réaliste offrant le meilleur potentiel de stockage,
 tandis que les bioénergies présentent l’avantage de réduire les émissions dans d’autres secteurs en
 fournissant un combustible moins émetteur.

À l’heure où l’on se demande comment créer un système alimentaire capable de nourrir la population
mondiale (ODD 2), tout en contribuant plus généralement au bien-être et aux ODD, une approche axée
sur le bien-être englobant plusieurs priorités permet d’intégrer les nombreuses dimensions du bien-être en
jeu. Cette vision va dans le sens de la définition de la sécurité alimentaire énoncée lors du Sommet mondial
de l’alimentation qui s’est tenu en 1996 : « La sécurité alimentaire existe lorsque tous les êtres humains
ont, à tout moment, la possibilité physique et économique de se procurer une nourriture suffisante, saine
et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins et préférences alimentaires pour mener une vie saine
et active ».
Les politiques agricoles seraient analysées en tenant compte des priorités suivantes : assurer la sécurité
alimentaire et contribuer à des alimentations saines, limiter le changement climatique, préserver un
environnement sain et sûr, et assurer la gestion durable des ressources naturelles. Le Tableau 6.3
présente les connexions entre ces priorités et les ODD, ainsi qu’avec les domaines et les dimensions du
bien-être définis par le cadre d'évaluation du bien-être et du progrès de l’OCDE (ci-après dénommé « le
cadre du bien-être de l’OCDE »).
Il est nécessaire de considérer le système alimentaire de manière globale, en intégrant toutes ses
dimensions et ses acteurs, pour atteindre ces objectifs d’une manière efficace. Elargir le champ d’analyse
amène non seulement à réaligner les objectifs, mais aussi à regarder au-delà du secteur agricole pour
englober la transformation, la distribution et la consommation. Le Graphique 6.2 donne une représentation

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complète du système alimentaire, des différents acteurs et des quatre stocks de capital en jeu, soulignat
la complexité des relations et la nécessité d’une approche globale10.

Graphique 6.2. Stocks de capital et flux de valeur dans les systèmes éco-agroalimentaires

Source : (TEEB, 2018[26])

Les politiques et mesures qui ne considèrent qu’un seul objectif ou se concentrent uniquement sur le
secteur agricole risquent de négliger des divergences importantes – entre des actions d’atténuation du
changement climatique et la sécurité alimentaire, par exemple – et de manquer des occasions de
synergies. (Fujimori et al., 2019[27]) souligne que « des mesures d'atténuation du changement climatique
prises de manière irréfléchie » augmenteraient de 160 millions d’ici 2050 le nombre d’êtres humains
risquant de souffrir de la faim si rien n’est fait pour l’empêcher 11. De même, les politiques visant à assurer
la compétitivité des prix alimentaires peuvent s’avérer inefficaces si elles entraînent une réduction des
coûts de production au détriment de l’environnement ou de la santé humaine. De plus, certains secteurs,
tels que le système de santé ou le système hydrique, payent pour les dégâts causés par l’agriculture à
l’alimentation et à l’environnement. En particulier, les aliments produits par le système actuel peuvent avoir
des effets sanitaires indésirables qui coûtent cher à la collectivité et ne sont pas pris en compte (voir
Encadré 6.2).
La production actuelle privilégie également des denrées de base très énergétiques (comme le blé ou le
maïs), aux dépens des légumineuses et d’un large éventail de végétaux moins cultivés dont la valeur
nutritionnelle est supérieure (Hawkes, 2006[29]) (DeFries et al., 2015[30]). Par ailleurs, les systèmes
moins portés sur les améliorations génétiques à même d’accroître la productivité ont obtenu des densités
nutritionnelles plus élevées (Barański et al., 2014[31]) (AFSSA, 2003[32]). Deux milliards d’individus sur
Terre ont une alimentation qui ne leur apporte pas suffisamment de micronutriments, d’où un ensemble
de problèmes de santé tout au long de leur vie, par exemple des risques de retard de croissance, de

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diminution des fonctions immunitaires (avec les risques d’infection qui en résultent), de perte de
productivité, de baisse des capacités mentales et de maladies chroniques (Bailey, West Jr. et Black,
2015[33]) ; (Schaible et Kaufmann, 2007[34]) ; (IFPRI, 2016[35]). Le programme Health Plus s’attaque à
ce problème en introduisant des cultures contenant naturellement plus d’éléments nutritifs dans les pays
émergents et en développement. L’encadré 6.2 présente quelques études ayant analysé les coûts cachés
du système alimentaire actuel qui fournit de grandes quantités de nourriture à bas prix.

 Encadré 6.2. Les coûts cachés du système alimentaire
 Bien que les prix alimentaires aient diminué par rapport aux revenus et soient devenus plus abordables
 (Dorward, 2013[28]), le système alimentaire induit des coûts pour la santé humaine et l’environnement
 qui ne sont pas intégrés dans les prix alimentaires, et dont le poids est réparti sur l’ensemble de la
 société. Même s’il n’existe pas de méthode unique ayant permis d’estimer le total des coûts cachés du
 système alimentaire, de nombreuses études en fournissent des estimations. Les exemples ci-dessous
 montrent les montants en jeu pour les pays, et donc l’intérêt d’investir dans certaines mesures :
 L’usage de produits chimiques en agriculture occasionne des coûts supportés par les systèmes de
 santé :
        Une étude a évalué à 42 milliards USD (dollars des États-Unis) les coûts sanitaires annuels liés
         aux perturbateurs endocriniens aux États-Unis engendrés par la seule exposition aux pesticides
         (Attina et al., 2016[29]). Dans l’Union européenne, on a estimé que les pesticides
         organophosphorés avaient les conséquences les plus coûteuses en termes d’exposition aux
         perturbateurs endocriniens, d’un montant de 121 milliards USD par an.
        Aux États-Unis, les infections résistantes aux antimicrobiens ont été associées à 8 millions de
         journées d’hospitalisation supplémentaires et à des coûts sanitaires de 20 à 34 milliards USD
         par an (Paulson et al., 2015[30]).
 La malnutrition (à savoir la consommation insuffisante ou excessive de nourriture) toucherait 2 milliards
 de personnes, ce qui coûte cher à la société non seulement du point de vue des dépenses de santé,
 mais aussi de la diminution des capacités cognitives.
        L’IFPRI (2016[31]) évalue ce coût à 3.5 milliards USD pour l’ensemble de la planète, soit 11 %
         du PIB mondial.
        L’OMS souligne qu’un retard de croissance pendant la petite enfance a des répercussions non
         seulement sur la santé future (mortalité et morbidité) mais aussi sur le développement cognitif
         (OMS, 2017[32]).
        Du côté des régimes alimentaires malsains, un rapport de l’institut McKinsey Global a conclu
         que, d'après les données des « années de vie corrigées de l’incapacité », l’obésité avait un
         impact économique d’environ 2 milliards USD, soit 2.8 % du PIB mondial (McKinsey Global
         Institute, 2014[33]).
        Selon les estimations de l’OMS, les coûts directs du diabète, souvent causé par l’obésité,
         dépasseraient les 827 milliards USD par an au niveau mondial (OMS, 2016[34]). Aux États-Unis,
         le coût annuel du diabète en 2017 a été estimé à 327 milliards USD, dont 237 milliards USD de
         coûts médicaux et 90 milliards USD de baisse de productivité (American Diabetes Association,
         2018[35]).
 Les pratiques agricoles peuvent menacer les services écosystémiques dont elles bénéficient, et donc
 leur capacité future à générer des profits. On en a une illustration très forte avec l’effondrement des
 populations d’insectes dans le monde, imputable principalement à l’usage d’intrants agricoles ainsi qu’à

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 la disparition d’habitats et à la conversion de sols à l’agriculture intensive, l’étalement urbain et la
 pollution (Sánchez-Bayo et Wyckhuys, 2019[36]).
           La valeur économique mondiale des pollinisateurs pour le secteur agricole a été estimée entre
            235 et 577 milliards USD par an (Potts et al., 2016[37]).
           De même, (Sandhu et al., 2015[38]) estiment que la valeur mondiale de la lutte biologique contre
            les ravageurs et de la minéralisation de l’azote assurées par les services écosystémiques
            fournis aux cultures ciblées (pois, haricots, orge et blé) s’élève à 34 milliards USD par an.
 Se fondant sur la littérature (Costanza et al., 2014[39]), le dernier rapport en date du Groupe des sept
 (G7) sur la biodiversité évalue entre 125 et 140 billions USD par an le coût total des services
 écosystémiques (régulation du climat, pollinisation et régulation du cycle de l’eau) (Costanza et al.,
 2014[39]).

Il est nécessaire d’évoluer vers une alimentation plus saine et plus durable pour faire face aux défis
évoqués plus haut, en créant d’importantes synergies entre les objectifs climatiques et les autres objectifs
de bien-être. Les mesures encourageant des régimes alimentaires moins générateurs d’émissions
peuvent avoir un important potentiel d’atténuation ( (Poore et Nemecek, 2018[40]) ; (Bajželj et al., 2014[41]) ;
(Wollenberg et al., 2016[42])) tout en étant bénéfiques pour la santé. Dans beaucoup de pays, les régimes
alimentaires ne sont pas conformes aux recommandations nutritionnelles de l’OMS : la consommation de
viande et de sucre est supérieure aux préconisations, tandis que la consommation de fruits et de légumes
n'atteint pas le niveau des apports recommandés (OCDE, 2019[43]). À titre d'exemple, 70 % des adultes
de plus de 18 ans étaient en surpoids12 aux États-Unis en 2016, 67 % au Royaume-Uni, 64 % au Mexique,
61 % en Roumanie et 51 % au Guatemala. À Singapour, d'après (Epidemiology & Disease Control
Division, Ministry of Health et Institute for Health Metrics and Evaluation, 2019 [44]), l’alimentation figurait
parmi les principaux facteurs de risque pour la santé. En Europe, l’Institut du développement durable et
des relations internationales (IDDRI), un club de réflexion français, estime que l’adoption de régimes
alimentaires conformes aux recommandations nutritionnelles de l’OMS réduirait de 40 % les émissions de
GES dues à l’agriculture et améliorerait les indicateurs de santé (Poux et Aubert, 2018[45]). La Commission
EAT-Lancet sur l’alimentation, la planète et la santé (EAT-Lancet Commission, 2018[46]) a indiqué
récemment que, pour parvenir à une alimentaire saine dans le monde entier, il serait nécessaire de diviser
par près de trois (par plus de six en Amérique du Nord) la consommation de viande rouge (viande bovine,
agneau et porc)13.
L'adoption de régimes alimentaires reposant davantage sur les protéines végétales peut contribuer de
façon importante aux objectifs climatiques, car la production de protéines végétales libère habituellement
moins de GES14 que la production de protéines animales – le secteur bovin en émettant le plus. (Popp,
Lotze-Campen et Bodirsky, 2010[47]) souligne que, si les tendances alimentaires et démographiques
actuelles se poursuivaient, les émissions de gaz autres que le CO 2 (méthane et N2O) tripleraient d’ici 2055.
À l’inverse, les scénarios limitant le réchauffement planétaire à 1.5°C d’ici la fin du siècle comprennent
tous une baisse rapide des émissions de méthane avant 2025, et la plupart incluent une diminution des
émissions de N2O (GIEC, 2018[5]). Cela suppose une chute du nombre de ruminants, les émissions de
méthane étant principalement dues à la fermentation entérique. Une telle modification des régimes
alimentaires atténuerait le changement climatique par deux processus distincts, d’une part en réduisant
les émissions directes des animaux, et d’autre part en diminuant la pression sur l’utilisation des terres dans
la mesure où une part importante des cultures sert à nourrir les animaux d’élevage. Dans son rapport sur
le changement climatique et les terres émergées (Arneth et al., 2019[3]), le GIEC estime que l’évolution de
l’alimentation recèle un important potentiel de réduction des GES (de 3 Gt éq.CO2 par an pour un régime
méditerranéen à 8 Gt éq.CO2 pour un régime végétalien).

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