60 ANS D'HISTOIRE PARTAGÉE POUR CHAQUE ENFANT - L'UNICEF AU SÉNÉGAL 1958 2018
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Publié par : UNICEF Sénégal Route des Almadies Immeuble Madjiguène Dakar, Sénégal dakar@unicef.org www.unicef.org/senegal © Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF) Novembre 2018 La reproduction de toute partie de cette publication est sujette à autorisation. Pour plus d’informations sur les droits d’utilisation, veuillez contacter : dakar@unicef.org Cette publication a été réalisée sous la direction de Laylee Moshiri Entretiens et textes : Sonia Nguyen, avec les contributions de Georges Gonzales Création graphique: Green Eyez Design Photo de couverture : © UNICEF Sénégal/2018/Tardif
Les dates clés 5 avril Requête d’assistance d’urgence du Ministère du Plan et de la Coopération adressée à l’UNICEF dans le 29 juillet L’UNICEF cadre de la réponse Le Sénégal signe participe à la sécheresse L’UNICEF la Convention sur Août au premier 22 janvier soutient l’élimination de Premières distributions programme Signature de l’Accord l’extension toutes les formes de lait de l’UNICEF aux national de de Siège entre le des soins de discrimination enfants du canton de lutte contre Gouvernement du de santé à l’égard des Popenguine la lèpre Sénégal et l’UNICEF primaires femmes 1952 1953 1956 1958 1964 1973 1978 1980 1987 Prendre son destin Les prémices d’un engagement Les années du développement Crise et résilience en main L’UNICEF participe Ouverture 19 mai Soutien aux enfants de 20-23 mars au premier essai du Bureau Signature du Guinée Bissau réfugiés Tenue du premier d’éradication du de l’UNICEF premier plan en Casamance Symposium paludisme à Dakar d’opération pour international sur le programme la contribution des d’Animation artistes et intellectuels Rurale entre le pour la survie et le Gouvernement développement de du Sénégal et l’enfant africain à l’UNICEF Dakar 2 L’UNICEF au Sénégal 1958 - 2018
Mars l’UNICEF participe au 13 septembre lancement Adoption par Septembre le Conseil Le Sénégal du premier Plan-Cadre des d’Administration participe au de l’UNICEF Sommet Mondial Nations Unies pour l’Aide au du Programme pour les Enfants Pays du Sénégal organisé au Développement au Sénégal pour la période Siège des 2019-2023 Nations Unies (UNDAF) Création du Février L’UNICEF 20 juin Partenariat L’UNICEF Tenue de la 31 juillet lance son Ouverture du pour le L’UNICEF soutient la Conférence sur Le Sénégal programme de Bureau/antenne 26-28 avril retrait et la soutient la réponse du le financement ratifie la réhabilitation d’urgence de Tenue du Forum réinsertion réponse du gouvernement du Partenariat Convention des droits l’UNICEF à mondial sur des enfants gouvernement à l’épidémie Mondial pour des Droits des enfants Ziguinchor pour l’Education de la rue à la crise de maladie à l’éducation de l’Enfant talibés la Casamance à Dakar (PARRER) nutritionnelle virus Ebola (GPE) à Dakar 1990 1991 1992 1997 1999 2000 2001 2006 2012 2013 2014 2017 2018 Les objectifs d’un nouveau La promesse d’un avenir meilleur L’avènement des droits de l’enfant millénaire Avril Juillet Juin 2001 Décembre 13 octobre Youssou N’Dour Les femmes de Malicounda Lancement de adoption de Ouverture du est nommé Bambara s’engagent la campagne la Stratégie Bureau de zone Ambassadeur publiquement, à travers le ‘Dites oui pour Nationale de de l’UNICEF de bonne ‘Serment de Malicounda’ les enfants’ par Protection à Kolda volonté de à abandonner la pratique le Mouvement de l’Enfant l’UNICEF des mutilations génitales mondial en (SNPE) féminines faveur des enfants Octobre Création du Ministère de la Bonne Gouvernance et de la Protection de l’Enfance L’UNICEF au Sénégal 1958 - 2018 3
Table des matières Préface 07 Message de la Représentante 09 01. Les prémices d’un engagement | 1952 - 1959 11 02. Les années du développement | 1960 - 1967 19 03. Crise et résilience | 1968 - 1979 27 04. Prendre son destin en main | 1980 - 1989 37 05. L’avènement des droits de l’enfant | 1990 - 1999 49 06. Les objectifs d’un nouveau millénaire | 2000 - 2009 61 07. La promesse d’un avenir meilleur | 2010 - 2018 71 Génération 2030, perspectives d’avenir 85 Des partenariats pour réussir 89 Bibliographie 96
Préface © Primature Sénégal/Seck L’initiative à l’origine de laquelle la publication de l’histoire de l’UNICEF au Sénégal a été prise, est à saluer grandement. Et il est vrai qu’en soixante ans, d’immenses efforts couronnés de succès au seul bénéfice des enfants ont été fournis. La qualité et la diversité des actions menées en faveur des enfants sont la conséquence heureuse de cette relation durable synonyme de confiance partagée entre l’Etat du Sénégal et l’UNICEF. Du reste, l’enfant a toujours été considéré au Sénégal comme une richesse incomparable au même titre que la conviction et le credo qu’en a l’UNICEF. Aussi n’est ce point un hasard si depuis 1958 des progrès incontestables touchant l’enfance ont-ils été réalisés en santé, en nutrition, en hygiène, à l’accès à l’eau potable, à l’éducation, à la protection. Je n’oublie pas les facteurs amplifiants que sont la promotion de la jeune fille et de la femme, les politiques dédiées aux enfants et les réponses adéquates face aux urgences de toutes sortes. L’UNICEF s’est toujours mis face aux endémies et la malnutrition dès les années cinquante. Il a mené une bataille de tous les instants contre les effets néfastes des années de sécheresse à partir de 1970. Dans les années quatre-vingt, il mena la lutte de l’immunisation, s’engagea avec force en faveur de l’application de la Convention internationale des droits de l’enfant et batailla pour que soit assuré à l’enfant un environnement protecteur. Ces hauts faits d’arme valent sans aucun doute d’être consignés par écrit pour que ne s’es- tompent dans la mémoire collective des sénégalais les actes posés par l’UNICEF. Le Gouvernement du Sénégal se réjouit de l’accompagnement multisectoriel de l’UNICEF tout le long de ces années post indépen- dance. Nous ne doutons pas que l’UNICEF, sur cette lancée, continuera d’être à nos côtés en nous faisant bénéficier de son savoir-faire et de ses compétences en tant qu’agence des Nations Unies leader mondial en matière d’enfance. La capture du dividende démographique, élément important du capital humain, est élevée au rang de priorité au Sénégal tant et si bien que ces enfants d’aujourd’hui, adultes de demain, seront au coeur de l’émergence. C’est pour s’être investi dans une telle perspective qui l’honore, que le Gouvernement du Sénégal sait pouvoir compter sur le soutien de l’UNICEF pour l’atteinte des Objectifs de dével- oppement durable liés à l’enfance pour qu’aucun enfant ne soit laissé sur le bord du chemin. © UNICEF Sénégal/2016/Dispa Mahammed Boun Abdallah DIONNE Premier Ministre du Sénégal L’UNICEF au Sénégal 1958 - 2018 7
Message de la Représentante C’est une chance rare et inestimable de se retrouver à ce carrefour de l’histoire, qui célèbre le voyage de soixante ans de combat de l’UNICEF en faveur des droits de l’enfant au Sénégal. Le Sénégal, qui a accueilli l’un des premiers bureaux de l’UNICEF en Afrique, a été un fidèle compagnon de route animé par la volonté de faire du bien-être et des droits de chaque enfant une réalité. Ce voyage n’eût été possible sans l’engagement des autorités natio- nales et des populations, et la mobilisation de tous les acteurs. Cet ouvrage, dédié aux enfants, met la lumière sur les grands moments et les initiatives majeures entreprises avec et pour plusieurs générations d’enfants sénégalais. Il adresse un vibrant hommage aux enfants anonymes et vulnérables, aux petites filles et aux petits garçons, aux adolescents et aux jeunes envers lesquels nous sommes redevables. Je forme ainsi le vœu que cette histoire les inspire, pour qu’ils portent en eux l’espoir d’un meilleur avenir et l’envie d’agir en faveur d’un environnement qui leur soit bénéfique et protecteur. L’histoire de l’UNICEF au Sénégal nous rappelle nos responsabilités et nous amène à tirer les leçons de notre passé, de nos succès et des défis, de faire constamment preuve d’innovation et de bâtir de nouveaux partenariats. Il nous est impératif d’assurer ensemble qu’aucun enfant ne souffre de pauvreté, d’exclusion et de malnutrition; qu’aucun enfant ne meurt de maladies évitables; que chaque enfant bénéficie d’une éducation de qualité et de protection contre toutes formes de violences et d’exploitation et que chaque enfant jouisse de son droit à l’identité. Au Sénégal, l’histoire de l’UNICEF, première organisation mondiale de défense des droits de l’enfant, offre l’occasion de rendre hom- mage aux différents Représentants et personnels de l’UNICEF qui, tous animés par le désir ardent de changer la vie et le quotidien des enfants, n’ont pas ménagé leurs efforts, et ont donné de leur temps et de leur énergie, avec passion et générosité, de manière admirable. Enfin, ce récit constitue une opportunité unique pour renouveler notre reconnaissance et notre gratitude envers le Gouvernement du Sénégal et l’ensemble des partenaires qui nous ont soutenu. Grâce à nos efforts partagés, des millions de vies ont été préservées, et autant d’enfants ont vu leurs perspectives d’avenir améliorées. Les liens forts qui nous unissent nous invitent à poursuivre ensemble le voyage pour bâtir un monde meilleur pour chaque enfant. © UNICEF Sénégal/2018/Tardif Laylee Moshiri Représentante de l’UNICEF au Sénégal L’UNICEF au Sénégal 1958 - 2018 9
Les premices d’un engagement 1952 - 1959 01 © UNICEF/Pudlowski
Les premices d’un engagement 1952 - 1959 Dans les années 50, les interventions pionnières de Pour les autorités coloniales, quelque peu réticentes aux inter- l’UNICEF en soutien à la lutte contre les endémies et la ventions des organismes internationaux, la valeur ajoutée de malnutrition au Sénégal lui permettent d’acquérir une l’UNICEF réside dans sa capacité à assurer l’acheminement de connaissance et une compréhension uniques des pro- fournitures essentielles auprès des populations vivant en milieu rural. C’est ainsi qu’en août 1952, l’UNICEF initie une première blématiques liées à l’enfance en milieu rural. Cet enga- distribution de plusieurs dizaines de tonnes de lait en poudre à gement historique, ainsi que les évolutions rapides du destination des enfants du canton de Popenguine, dans le cadre mandat de l’UNICEF ouvrent la voie à l’établissement d’une étude sur la malnutrition menée par la Mission anthropolo- de son Bureau à Dakar en 1958. gique de l’AOF. Un pays encore inconnu Des premières campagnes d’envergure En 1952, à la suite d’une décision de son Conseil d’Administra- L’année suivante, à la suite de la signature d’une convention entre tion, l’UNICEF devient le premier organisme des Nations Unies à le Gouvernement français au Sénégal, l’Organisation Mondiale fournir une aide matérielle en Afrique sub-saharienne1. Créé six ans de la Santé (OMS) et l’UNICEF à Genève, le Fonds participe au plus tôt par l’Assemblée générale des Nations Unies pour porter premier essai d’éradication du paludisme. L’enjeu est de taille: une assistance aux enfants des pays dévastés par la Seconde Guerre étude initiale, réalisée dans le cercle de Thiès, révèle que le palu- Mondiale, l’UNICEF, qui a déjà élargi ses interventions à différents disme est endémique dans la zone, et que plus de 50 pour cent pays d’Amérique latine, d’Asie et du Moyen Orient, s’engage alors des enfants âgés de 5 à 10 ans sont affectés. L’objectif est alors sur un continent qui lui est encore, totalement inconnu. d’identifier des méthodes efficaces et efficientes permettant de lutter contre ce fléau à l’origine d’une mortalité significative. Dans les années 50, le Sénégal, pays d’Afrique Occidentale Fran- çaise (AOF), compte environ 2,5 millions d’habitants, dont près de L’expérience pilote s’inspire des premières campagnes anti-palu- la moitié sont âgés de moins de quinze ans. Différentes études sa- diques qui avaient donné des résultats immédiats en Amérique nitaires mettent en évidence des taux de morbidité et de mortalité latine et en Asie. En 1953, insecticides, appareils de pulvérisa- infantiles élevés, en particulier parmi les enfants en bas âge, et sur tion, véhicules et médicaments fournis par l’UNICEF permettent lesquels la politique sanitaire coloniale n’a qu’un impact limité. Peu de lancer l’opération dans les villages ruraux situés aux alentours adaptée aux réalités socioculturelles du pays, sa mise en œuvre de la ville de Thiès. L’expérience donne des signes encourageants souffre du manque d’infrastructures sanitaires en milieu rural, en particulier au Sénégal Oriental, en Casamance et dans la région du Fleuve Sénégal, où elles font cruellement défaut. 1 L’UNICEF dans les pays de l’Afrique au sud du Sahara: une perspective historique 1948 - 1986, Michel G. Iskander, UNICEF, 1987 12 L’UNICEF au Sénégal 1958 - 2018
Garçon du Sénégal © UNICEF Sénégal/Diop L’UNICEF au Sénégal 1958 - 2018 13
Des jeunes élèves à l’école © UNICEF/YS-1-36.01/Pirozzi 14 L’UNICEF au Sénégal 1958 - 2018
et limite l’apparition généralisée de nouveaux cas, sans toutefois parvenir à l’éradication totale du paludisme dans la zone. Les recherches sont alors réorientées et ouvrent la voie à une cam- pagne de chimioprophylaxie de masse mieux adaptée au contexte et pour laquelle le soutien logistique de l’UNICEF sera, une fois encore, décisif. En 1956, l’UNICEF participe au lancement du premier programme national de lutte contre la lèpre et favorise, par son appui, l’adoption d’une nouvelle approche basée sur l’intervention d’équipes mobiles. Le Fonds fournit aux unités de traitement des médicaments, du matériel médical et de campement, ainsi que des moyens de trans- port. De moindre envergure mais aux effets plus spectaculaires, une campagne contre le pian, maladie infectieuse défigurante, est mise en œuvre en Basse-Casamance avec le soutien de l’UNICEF. L’efficacité du traitement, basé sur l’administration de pénicilline, permet d’éradiquer rapidement la maladie. A la suite des résultats positifs obtenus dans le cadre de l’étude sur la malnutrition menée à Popenguine, l’UNICEF participe à une vaste opération qui permet, de 1957 à 1960, de distribuer un total de 25 millions de capsules vitaminées et de lait par le canal des écoles et des centres de Protection Maternelle et Infantile (PMI) du Sénégal. L’UNICEF au Sénégal 1958 - 2018 15
Les défis à relever Roland Marti, premier personnel de l’UNICEF à avoir vécu et travaillé en Afrique, occupe alors les fonctions de Chef du Bureau Central de l’UNICEF pour l’Afrique. Bien qu’étant basé à Braz- zaville, il suit avec attention la mise en œuvre de ces opérations, dont les résultats s’avèrent déterminants pour les années à venir. Il deviendra d’ailleurs lui-même le premier Représentant de l’UNICEF basé à Dakar. A l’occasion d’un rapport qu’il présente au Conseil d’Administration de l’UNICEF à New York en 1954, il souligne les défis et les enjeux liés à ces interventions d’un type nouveau: « Les populations rurales, les seules à bénéficier jusqu’à présent de nos programmes (…) sont en général indifférentes au début d’une campagne dont elles ne comprennent pas très bien le pourquoi et sont parfois trou- blées par l’intrusion soudaine d’étrangers ignorant leurs coutumes. Leur intérêt d’éveille seulement lorsque les résultats deviennent réellement spectaculaires2.» Conscient des nouvelles perspectives qui s’offrent alors à l’UNICEF - son mandat ayant été reconduit en 1953 de manière illimitée par l’Assemblée générale des Nations Unies, Roland Marti plaide également en faveur des activités prio- ritaires à mettre en œuvre: « L’une de nos premières tâches doit être d’accélérer le recrutement de personnel médical indispen- sable en fournissant l’équipement nécessaire à l’enseignement et à la pratique de la médecine. » En matière de formation médicale, la ville de Dakar, qui fait figure de modèle en Afrique avec son École de Médecine et de Pharmacie, dispose d’une offre de qualité qui se révèle toutefois Une jeune femme se rend dans une pharmacie encore peu adaptée aux besoins des populations rurales. En © UNICEF Sénégal/Diop octobre 1957, l’inauguration du Centre pilote de Khombole dans la région de Thiès, dont l’objectif est « d’étudier les conditions d’application de la médecine sociale dans une zone de brousse et offrir la possibilité de stages fructueux au personnel médical et paramédical » ouvre alors de nouvelles perspectives. Dépendant du Centre International de l’Enfance (CIE), institution internatio- nale de protection de l’enfance co-financée par le Gouvernement français et l’UNICEF, le Centre se prépare à accueillir une équipe pluridisciplinaire spécialisée en nutrition et en prévention des maladies infectieuses. 2 L’histoire de l’UNICEF au Sénégal, Henriette Alavo Koné, UNICEF Sénégal, 1983 16 L’UNICEF au Sénégal 1958 - 2018
Un nouveau départ Fort du succès de ses premières interventions au Sénégal et des perspectives à venir, l’UNICEF ouvre son Bureau pour l’Afrique Occidentale à Dakar en 1958. Dirigé par Roland Marti, il est consti- tué d’une équipe de douze experts et personnels d’appui, qui ne ménagent pas leurs efforts pour développer les interventions de l’UNICEF dans l’ensemble des pays de la zone. Signe de son im- portance dans les programmes de l’époque, le Sénégal est alors le pays de la région auquel le Fonds dédie la part la plus importante de ses financements et de son assistance. Jusqu’à l’ouverture du Bureau de l’UNICEF à Abidjan en 1962, le Bureau couvrira treize pays: la Côte d’Ivoire, le Dahomey (actuel Benin), la Gambie, la Guinée, la Haute-Volta (actuel Burkina Faso), le Liberia, le Mali, la Mauritanie, le Niger, Sainte Helene, le Sénégal, la Sierra Leone et le Togo. Situé dans le quartier du Plateau, au numéro 43 de l’avenue Albert Sarraut (actuelle avenue Hassan II), le Bureau de l’UNICEF jouit d’une position idéale au cœur des structures administratives et politiques, transférées cette année-là de Saint Louis à Dakar. L’année 1958 est en effet marquée par des événements politiques majeurs qui changeront l’avenir du Sénégal, tel que le souligne Valdiodio Ndiaye, Ministre de l’Intérieur du Sénégal, dans son Une mère et un enfant au Sénégal discours prononcé face au général de Gaulle et devant une foule © UNICEF/YS-1-81.01/Pirozzi en liesse, le 26 août 1958: « Le peuple d’Afrique, comme celui de France, vit en effet des heures qu’il sait décisives, et s’interroge sur le choix qu’il est appelé à faire. Dans un mois, le suffrage po- pulaire, déterminera l’avenir des rapports franco-africains. » Le 15 novembre 1958, le Sénégal devient une République. De l’autre côté de l’Atlantique, le 20 novembre 1959, l’Assemblée générale des Nations Unies adopte la Déclaration des droits de l’enfant dans sa résolution 1386. Premier document international proclamant le droit des enfants à la protection, à l’éducation et à la santé, il marque un tournant décisif dans l’évolution du rôle de l’UNICEF, dont le mandat prend alors une envergure inédite. L’UNICEF au Sénégal 1958 - 2018 17
Les années du développement 1960 - 1967 02 © UNICEF/HQ98-0236/Grossman
Les années du développement 1960 - 1967 L’année 1960 marque l’accession à l’indépendance du souligne qu’en milieu rural, où vit 80 pour cent de la population, Sénégal. Fort de la nouvelle dynamique qui anime les les enfants meurent, le plus souvent, sans avoir jamais vu un mé- dirigeants du pays, l’UNICEF élargit progressivement decin. Le Gouvernement définit alors un programme de santé pu- le champ de ses interventions. Le soutien en matière blique ambitieux axé sur les services de santé en milieu rural, la formation et l’assainissement auquel l’UNICEF apporte, en colla- de santé, centré sur la médecine préventive en milieu boration avec l’OMS, un appui décisif en termes de financement rural, tout comme l’appui au développement commu- et d’appui technique. Afin de favoriser la formation de personnels nautaire mettant l’accent sur les femmes favorisent médicaux, l’UNICEF dote les écoles médicales et paramédicales l’amélioration de la survie et du bien-être des enfants. existantes en matériel d’enseignement qui permet d’améliorer Grâce à l’Accord de Siège signé avec le Gouvernement, les cursus et de les adapter aux besoins des populations rurales. l’approche de l’UNICEF se structure pour passer de la L’Ecole de médecine de Dakar, érigée au rang de faculté en 1962 mise en œuvre d’aides ponctuelles à une planification et qui accueille un nombre croissant d’étudiants sénégalais et sectorielle élaborée et marquée par la recherche de africains, bénéficie également de l’appui de l’UNICEF qui équipe solutions innovantes qui caractérise encore aujourd’hui sa maternité et y facilite l’introduction d’un enseignement en son travail. santé publique. Sur le terrain, l’UNICEF équipe plus de 200 centres de santé, centres secondaires et dispensaires. Les équipements incluent Priorité santé du matériel audiovisuel et de radiologie dans les centres les plus importants, ainsi que des véhicules et des bicyclettes qui En 1960, Adelaïde Sinclair, Directrice Générale adjointe de permettent aux équipes médicales d’accéder aux populations l’UNICEF, effectue une visite en Afrique durant laquelle elle se des villages isolés. rend successivement au Ghana, au Nigéria, au Cameroun, au Congo, au Zaïre et au Sénégal. Lors du Conseil d’administration Grâce aux liens privilégiés qu’entretient Roland Marti, Représen- de l’UNICEF cette année-là, elle évoque son passage à Dakar, tant de l’UNICEF avec le Professeur Sénécal, fondateur du Centre où elle a assisté aux « célébrations gaies, colorées et joyeuses » de Khombole, le Centre prend un essor fulgurant dans les années qui ont marqué l’accession à l’indépendance, et relate les propos 60 et devient un véritable centre d’application et de stages tenus par les membres du Gouvernement dirigé par Mamadou pour les personnels de santé formés à Dakar. Découvrant avec Dia: « Les célébrations sont terminées; maintenant, nous enthousiasme un univers bien différent de celui des hôpitaux de devons nous mettre au travail. » la capitale, toute une génération de praticiens réalise ainsi que beaucoup peut être fait avec peu de moyens, en particulier en En matière de santé, les besoins sont immenses: le rapport Lebret appliquant les principes de la médecine préventive auprès des de 1960 sur les perspectives de développement du Sénégal enfants. Ils sont également les témoins privilégiés des premiers 20 L’UNICEF au Sénégal 1958 - 2018
Des femmes participent à une formation dans un centre féminin d’Animation rurale équipé par l’UNICEF © UNESCO/Vierra L’UNICEF au Sénégal 1958 - 2018 21
Une sage-femme réalise une consultation postnatale avec une jeune maman en milieu rural © UNICEF Sénégal/Diop succès enregistrés sur le terrain par les équipes mobiles du engagées auprès des populations, qui bénéficient des premières Centre qui parviennent, en quelques années, à endiguer le palu- pompes à eau et latrines installées par l’UNICEF au Sénégal. disme dans la zone. A quelques kilomètres de là, à Touba Toul, la première maternité En matière d’eau et assainissement, l’UNICEF participe à la rurale du Sénégal, équipée par le Fonds, est inaugurée en 1962. création en 1960 de la zone-pilote de Khombole. Tout un dispositif Son objectif est d’améliorer les conditions d’accouchement et la intégré est alors mis en place afin de jeter les bases de l’éduca- formation des matrones en mettant l’accent sur la prévention du tion sanitaire au Sénégal. Au sein de l’Ecole des Agents d’Assai- tétanos ombilical, identifié comme l’une des causes principales de nissement nouvellement créée, formation et recherche per- mortalité néonatale en milieu rural. La maternité sert également de mettent d’appréhender les besoins spécifiques du milieu et des lieu de consultations de PMI, et près de 5400 consultations préna- populations. Des activités de sensibilisation sont parallèlement tales et de nourrissons sont recensées dès la première année. 22 L’UNICEF au Sénégal 1958 - 2018
Un accord historique Alors que les activités de terrain prennent de l’ampleur, le 22 jan- La voie du développement vier 1964, l’Accord de Siège entre le Gouvernement du Sénégal et l’UNICEF est signé. Cet Accord, qui constitue désormais la Ben Mady Cissé, qui dirige le Service d’Animation base de leurs relations, marque une étape décisive de l’histoire rurale au lendemain de l’indépendance du Sénégal, de l’UNICEF au Sénégal. Il permet le passage de la mise en développe dans ses écrits la démarche adoptée, qui vise œuvre de projets, en tant qu’entités distinctes, à des services plus complets faisant partie intégrante des efforts de développe- à initier un changement profond chez les populations, ment nationaux. en rupture avec les politiques coloniales précédentes: « Il ne devait plus y avoir deux mondes, deux autorités, C’est ainsi que l’UNICEF deviendra la première agence des Na- dont l’une voudrait cajoler l’autre, historiquement, tions Unies à s’engager dans l’opérationnalisation du programme économiquement et politiquement; chaque citoyen national d’animation rurale. Programme phare des premiers plans était impliqué et devait jouer son rôle dans le travail de développement du Sénégal, il a pour objectif de créer les de réforme devenu impérieux. » conditions d’un développement accéléré à travers la participation effective des populations et des communautés de base. L’UNICEF donne alors une impulsion majeure aux activités de Améliorer la nutrition développement communautaire. Le Fonds équipe les centres d’Animation rurale destinés à la formation des animatrices et Ce nouvel environnement favorise également le développement animateurs ruraux qui assurent l’encadrement des populations, de jardins potagers et la promotion d’aliments locaux nutritifs au et fournit les moyens mobiles indispensables à leurs déplace- sein des communautés, qui concourent à diversifier l’alimentation ments. En quelques années, près de 10 000 animateurs, dont un des enfants. L’UNICEF contribue par ailleurs à cette dynamique en tiers sont des femmes, et 3 500 chefs de villages, présidents et facilitant la mise en place de jardins et de poulaillers au sein des animateurs de coopératives agricoles sont formés et inaugurent écoles, tandis que le Gouvernement intègre l’enseignement de l’ère du changement à travers tout le Sénégal. Les populations la nutrition dans les programmes de l’Ecole Normale de Mbour. villageoises voient alors leur quotidien changer radicalement. A la rentrée scolaire 1967, près de 9 000 écoliers fréquentent Premières campagnes de propreté, construction de postes de les cantines scolaires et participent à des activités d’éducation secours, de latrines et introduction de boîtes à pharmacie, entre nutritionnelle. autres, permettent à des centaines de milliers d’enfants de béné- ficier d’un cadre de vie amélioré. En parallèle et compte-tenu de la faible disponibilité en lait local et du prix élevé des aliments complémentaires importés, l’UNICEF continue de procéder à la distribution de lait à travers tout le pays. Conscient du manque de viabilité de ce schéma sur le long-terme, l’UNICEF participe alors au lancement de deux structures indus- trielles innovantes visant à renforcer la production alimentaire au niveau national. L’UNICEF au Sénégal 1958 - 2018 23
Face aux défis, l’innovation A Gossas, dans le Sine Saloum, l’UNICEF participe à la mise en Dans les années 60, l’UNICEF lance ses premières opéra- place de la première unité de production industrielle d’aliments tions ‘cartes de vœux’, qui représentent alors un méca- complémentaires pour les enfants. L’initiative est pionnière et nisme original de mobilisation de ressources. Les ventes l’entreprise, ambitieuse; un ingénieur du Siège de l’UNICEF est de cartes prennent progressivement leur essor grâce même détaché pour superviser la mise en place des équipements. aux populations qui y voient un moyen de contribuer, Dès 1966, quatre tonnes d’aliments font l’objet de distributions parfois même malgré de faibles moyens, aux actions sociales et sont mises en vente sous l’appellation Ladylac. Malgré menées au bénéfice des enfants. A la fin de la décennie, les fortes potentialités et les résultats encourageants enregistrés, la rentabilité du complexe ne peut être assurée, et la production le volume des cartes vendues a doublé, et le Gouverne- sera finalement abandonnée après quelques temps. Il reste à noter ment décide de les adopter pour ses vœux officiels. que cette initiative est à l’origine de l’une des premières structures industrielles mise en place hors de Dakar après l’indépendance. En 1968, un imposant complexe laitier intégré est inauguré à Des hommes d’exception Saint Louis. Edifié grâce aux efforts conjoints du Gouvernement, de l’UNICEF et de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimen- Willie Meyer, Représentant de l’UNICEF au Sénégal de 1966 à tation et l’agriculture (FAO), il comprend un centre de traitement 1968 au terme d’une longue carrière durant laquelle il a no- pour lequel l’UNICEF fournit, outre des financements destinés à tamment initié la création des Comités nationaux, contribue à sa construction, des équipements technologiques de pointe et l’expansion des activités du Bureau grâce aux relations étroites des véhicules isothermes réfrigérés. Dès la mise en fonctionne- qu’il entretient avec les partenaires de terrain. Son tempérament ment du complexe, d’importantes quantités de lait sont collectées d’homme d’action s’illustre avec acuité durant les derniers mois auprès des éleveurs locaux, et la production se diversifie. Le de son mandat au Sénégal. Mobilisé d’urgence dans le cadre de complexe fonctionnera ainsi plusieurs années, jusqu’à ce que la crise du Biafra à l’été 1968 et bien qu’extrêmement malade, il les éleveurs, frappés par la sécheresse, ne parviennent plus à se rend alors à deux reprises, seul, sur l’île de Fernando Po pour fournir suffisamment de lait à l’usine qui sera alors fermée. obtenir une évaluation des besoins au Biafra. Son engagement jouera un rôle déterminant dans le lancement des opérations de En Casamance, c’est une initiative féminine purement locale qui secours humanitaire. L’année suivante, l’UNICEF y expédiera près retient l’attention de l’UNICEF. Au cours de l’hivernage 1962, lors de 30 000 tonnes d’aliments, de médicaments et de fournitures d’une causerie au centre d’Animation rurale, les femmes du village médicales à destination des enfants touchés par la famine. de Tendième, près de Bignona, émettent l’idée de créer une gar- derie d’enfants. En effet, sur les bords des rizières où les enfants En 1967, Cheikh Hamidou Kane, ancien ministre et écrivain, prend les attendent à longueur de journée, pluies, orages et morsures de la tête du nouveau Bureau régional de l’UNICEF pour l’Afrique de serpents provoquent régulièrement des accidents auxquels elles l’Ouest et du Centre ouvert à Abidjan, en Côte d’Ivoire. De renom- parviennent à mettre un terme en créant des cases dédiées à la mée internationale - son roman, ‘L’Aventure ambiguë’, lui vaut le garde des enfants. Identifiant le potentiel de la démarche, l’UNICEF Grand prix littéraire d’Afrique noire en 1962, il est l’une des figures décide d’accompagner cette initiative et fournit un appui aux majeures de l’engagement en faveur des enfants au Sénégal. Il communautés qui permet d’améliorer l’encadrement pédagogique, deviendra par la suite, entre autres, Président du conseil d’adminis- médical et récréatif des cases. Des formations en nutrition et des tration de l’association ‘Les enfants d’abord,’ qui co-organise avec campagnes de scolarisation sont également initiées. À la suite des le Bureau de l’UNICEF au Sénégal, les opérations ‘cartes de vœux’ résultats encourageants enregistrés, l’UNICEF soutiendra la mise à dans les années 2000, ainsi que du Partenariat pour le retrait et la l’échelle de cette initiative dans d’autres villages de Casamance. réinsertion des enfants de la rue (PARRER). 24 L’UNICEF au Sénégal 1958 - 2018
Des enfants se rendent à une garderie communautaire en Casamance © UNICEF Sénégal/Diop L’UNICEF au Sénégal 1958 - 2018 25
Crise Et Resilience 1968 - 1979 03 © UNICEF Sénégal/Diop
Crise et résilience 1968 - 1979 L’appui aux secours d’urgence en réponse à la séche- lent ont des implications sévères sur la santé et le bien-être de resse des années 70 constitue un tournant décisif pour millions d’enfants. l’UNICEF au Sénégal. Son soutien sans précédent, centré sur la prise en charge médicale et l’accès à Dans le cadre du lancement d’une opération de secours d’urgence sans précédent, le Gouvernement adresse une requête d’assis- l’eau, permet de sauver un nombre incalculable de vie tance à l’UNICEF en avril 1973, à laquelle le Fonds répond sans d’enfants. L’UNICEF s’investit alors également dans des délai. Il achemine alors des millions de médicaments et de vaccins, programmes de plus long terme visant les populations ainsi que des solutés de réhydratation et des aliments enrichis et les plus affectées. Les activités de promotion de la thérapeutiques dont les formules ont été mises au point seulement jeune fille et de la femme, renforcées à partir de l’année quelques années plus tôt. Grâce à l’introduction massive de ces internationale de la femme en 1975, permettent d’accé- intrants et à l’ouverture de centres de réhabilitation nutritionnelle lérer cette nouvelle dynamique à travers tout le pays. dans les régions les plus affectées, l’UNICEF révolutionne la prise en charge des enfants victimes de la malnutrition. Une opération d’urgence sans précédent De 1968 à 1974, le Sénégal est affecté par la plus longue période de sécheresse connue à ce jour, qui frappe par sa rigueur, son Développée en 1968, la Thérapie de Réhydratation caractère généralisé et sa persistance. La situation est inédite et Orale (TRO), solution basique composée d’eau, de les conséquences, dramatiques. En milieu rural, les populations sel et de sucre qui avait démontré son efficacité lors sont touchées de plein fouet: les points d’eau sont asséchés, les d’une précédente épidémie de choléra au Bangladesh pertes de bétail sont spectaculaires et les paysans, qui ne parvi- ennent plus à nourrir leurs familles, affluent vers les villes avec est utilisée pour soigner les enfants souffrant de femmes et enfants. Le Gouvernement prend alors des mesures déshydratation et de diarrhées, et leur éviter une mort immédiates pour gérer les flux de populations et limiter l’impact certaine. L’introduction de l’aliment thérapeutique de la crise en milieu rural. K-Mix 2, mis au point en 1967 par l’UNICEF dans le cadre de la réponse humanitaire au Biafra, permet de En 1973, la situation devient critique. La production arachidière, nourrir les enfants trop affaiblis pour s’alimenter par qui génère les trois cinquièmes des revenus en milieu rural, eux-mêmes. Des aliments de sevrage à base de farines chute de 40 pour cent. Toutes les cultures, mêmes irriguées, de maïs et de soja enrichies (CSM) sont également sont touchées. A la sécheresse s’ajoutent les effets de la crise économique mondiale, qui engendre une augmentation du prix importés et distribués aux plus jeunes enfants des matières premières. Les pénuries alimentaires qui en décou- victimes de la crise. 28 L’UNICEF au Sénégal 1958 - 2018
Un homme charge un camion de l’UNICEF mobilisé dans le cadre des opérations de secours d’urgence en réponse à la sécheresse © UNICEF Sénégal/Diop L’UNICEF au Sénégal 1958 - 2018 29
Des femmes en zone rurale puisent de l’eau dans un puit réhabilité par l’UNICEF © UNICEF Sénégal/Diop 30 L’UNICEF au Sénégal 1958 - 2018
Pour faire face à l’augmentation considérable des opérations Faire renaître l’espoir en cours, le Bureau de l’UNICEF au Sénégal voit ses effectifs doubler. Afin d’accélérer la délivrance des intrants sur le terrain, En 1974, les effets de la sécheresse sont plus terribles que une section autonome dédiée aux approvisionnements est créée jamais. Le Secrétaire Général des Nations Unies, Kurt Waldheim par le nouveau Représentant de l’UNICEF, Knud Christensen, effectue alors une tournée de trois semaines en Afrique de qui prend fonction en pleine crise durant l’année 1973. Dès son l’Ouest durant laquelle il se rend au Sénégal et dans six autres arrivée au Sénégal, il participe lui-même à plusieurs distributions pays du Sahel. Témoin des ravages causés par la sécheresse, il d’intrants en zone rurale. Lors d’un déplacement, il est interpellé lance un appel à l’aide internationale pour renforcer les secours par la situation des femmes et des enfants de Guinée-Bissau dans la région. acculés par l’insécurité liée à la guerre d’indépendance et qui trouvent refuge par centaines en Casamance. Il demandera alors Face à l’urgence, le Gouvernement du Sénégal créé le Commis- à son équipe de redoubler d’efforts pour leur porter assistance. sariat à l’aide aux sinistrés de la sécheresse, qui identifie l’accès à l’eau, dont sont privés des centaines de milliers de villages, comme une priorité absolue. L’UNICEF est alors en première ligne pour déployer son expertise en matière d’hydraulique, acquise lors des opérations d’urgence mises en œuvre face à la Opération Teranga sécheresse en Inde quelques années plus tôt. En coordination avec les partenaires internationaux, des ‘brigades hydrauliques‘ En 1973, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour sont déployées à travers tout le pays pour réhabiliter les puits asséchés et en construire de nouveaux. Ces aménagements per- les Réfugiés (UNHCR) et l’UNICEF joignent leurs forces mettent d’améliorer progressivement l’état de santé des enfants, afin de porter assistance aux enfants de Guinée-Bissau et font renaître l’espoir au sein des communautés. réfugiés en Casamance. En quelques semaines, une maternité est ouverte et équipée a Simandi-Ballante, Parallèlement à la mise en œuvre des secours d’urgence, le non loin de Ziguinchor, où des écoles sont également Gouvernement définit une stratégie visant à relancer la production construites et accueillent des centaines d’enfants. Le agricole au nord du pays, et plus particulièrement dans le bassin complexe de la nouvelle institution ‘Teranga’ en parti- du fleuve Sénégal, zone considérée comme étant sinistrée à cent pour cent. A partir de 1977, l’UNICEF soutient la mise en place de culier, offrira un internat pour les enfants isolés. petits périmètres irrigués villageois (PIV) avec l’installation de mo- topompes sur les rives du fleuve Sénégal dans les départements de Matam, Podor et Bakel. Après de longues années d’inactivité et grâce à ces équipements, les communautés riveraines peuvent à nouveau pratiquer l’agriculture. Après les premières récoltes, leur alimentation s’améliore, et les mouvements de migration vers les villes diminuent. Le succès rencontré auprès des villageois ouvrira la voie à des aménagements plus conséquents par la suite. L’UNICEF au Sénégal 1958 - 2018 31
Une année pour toutes les femmes En 1975, l’Année internationale de la femme favorise l’émergence de la recommandation qui favorise la proclamation de la Décennie d’un débat national sur la promotion de la condition des femmes et des Nations Unies pour la femme (1976-1985) par l’Assemblée ouvre la voie à des actions concrètes en faveur de leur autonomi- générale des Nations Unies. sation. Les femmes sénégalaises se mobilisent alors à tous les ni- veaux pour accélérer le nouveau processus en marche. A Mexico, Au Sénégal, les nombreuses interviews publiées dans la presse lors de la première Conférence mondiale sur le statut des femmes, soulignent la nécessaire reconnaissance de la contribution des Léna Diagne, Vice-Présidente de la Commission de la femme des femmes aux efforts de développement. Caroline Diop, Vice-Prési- Nations Unies, participe activement aux débats et à l’élaboration dente de l’Assemblée nationale, déclare à ce sujet aux journalistes du Soleil en janvier 1975: « Tout le monde comprend maintenant le rôle de la femme dans le développement économique et social de nos pays, et l’exemple du Sénégal est évocateur, voyez nos femmes des zones rurales! » L’UNICEF saisit l’engouement suscité par cette Année interna- tionale pour renforcer ses programmes en direction des femmes et des jeunes filles. Le Fonds souhaite notamment favoriser leur autonomisation économique et sociale et mettre l’accent sur l’éducation à laquelle elles n’ont encore que peu ou pas d’accès, et qui constitue un puissant levier pour répondre à l’ensemble des besoins des enfants. L’UNICEF apporte un soutien considérable au programme de Promotion Féminine mis en place par le Gouvernement et qui se traduit, en milieu rural, par la formation des femmes à travers des structures d’éducation non-formelles. Au total, 57 Centres de Promotion Féminine sont équipés dans tout le pays, et proposent des activités diversifiées dans les domaines de la nutrition, de l’hygiène, de la puériculture, ainsi que des cours d’alphabétisation qui concourent à l’autonomisation des femmes. Sept Centres régionaux d’Enseignement Technique Féminins sont par ailleurs construits et équipés grâce au concours financier de l’UNICEF. Ouvrant des perspectives inédites aux jeunes filles et aux femmes qui les intègrent avec enthousiasme, ces centres permettent alors de rééquilibrer l’offre de formation profession- nelle et technique, encore essentiellement réservée aux garçons. Des jeunes filles discutent à la sortie d’un Centre d’enseignement technique féminin équipé par l’UNICEF © UNESCO/Tessore 32 L’UNICEF au Sénégal 1958 - 2018
Afin de libérer les femmes du poids des tâches quo- que moulins à mil, décortiqueuses, presses et égre- tidiennes, l’UNICEF soutient l’introduction de four- neuses, qui permettent d’augmenter la production neaux améliorés connus sous l’appellation ’ban ak et d’améliorer les revenus des femmes. Ils favorisent suuf’, qu’elles peuvent confectionner elles-mêmes et également le développement socio-économique local qui génèrent des économies de bois allant de 40 à 60 grâce à la mise en place d’ateliers de fabrication et de pour cent. Le Fonds procède également à la fourniture maintenance au sein des communautés. de matériels d’allègement des travaux agricoles tels Des femmes participent au programme de Promotion Féminine © UNICEF Sénégal/Diop L’UNICEF au Sénégal 1958 - 2018 33
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