9 LE RÔLE DE L'HYDROGÈNE ET DES COUPLAGES - RTE
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9 LE RÔLE DE L’HYDROGÈNE ET DES COUPLAGES FUTURS ÉNERGÉTIQUES 2050 l PRINCIPAUX RÉSULTATS l OCTOBRE 2021 369
9 LE RÔLE DE L’HYDROGÈNE ET DES COUPLAGES ENTRE LES SECTEURS DU GAZ ET DE L’ÉLECTRICITÉ 9.1 La place de l’hydrogène dans le mix énergétique fait l’objet de nombreux débats récents 9.1.1 La promesse de l’hydrogène bas-carbone La place de l’hydrogène dans les scénarios de neu- permettent a priori de gérer la chaîne logistique de tralité carbone est l’un des grands enjeux actuels l’hydrogène. de la prospective énergétique. Pourtant, il demeure des questions fondamentales Depuis quelques années seulement, et en parti- sur le rôle de l’hydrogène dans le système énergé- culier depuis la parution en 2019 du rapport de tique de demain, qui intéressent directement les l’Agence internationale de l’énergie The Future analyses des « Futurs énergétiques 2050 ». of Hydrogen, le développement de « l’hydrogène vert » ou « hydrogène bas-carbone » a été érigé D’une part, il existe une confusion entre deux utili- dans de nombreux pays, dont la France, parmi les sations distinctes de l’hydrogène : priorités de politique énergétique. uu la première consiste à le consommer comme un vecteur énergétique distinct, appelé à alimen- Ce renversement est d’autant plus spectaculaire ter certains usages énergétiques de manière que l’hydrogène tenait jusqu’alors une place margi- directe (industrie, transports) ou indirecte (en nale dans les stratégies énergétiques et climatiques étant transformé en méthanol ou ammoniac de mondiales. Le renforcement des objectifs de lutte synthèse, pouvant alimenter des cargos ou des contre le changement climatique, avec notamment avions par exemple); l’adoption de l’objectif de neutralité carbone plu- uu la seconde consiste à l’utiliser comme un moyen tôt que de « facteur 4 », a largement joué pour en de stockage d’énergie sous-tendant le fonction- renforcer l’intérêt dans la mesure où il requiert une nement d’un système électrique à haute com- décarbonation plus stricte de l’ensemble de l’éco- posante en énergies renouvelables. nomie, et du secteur gazier en particulier. Au-delà, il est certain que la promesse d’une « révolution Si ces deux finalités peuvent s’alimenter l’une et de l’hydrogène » peut apparaître comme une solu- l’autre dans la perspective d’un système hydro- tion séduisante aux défis de la neutralité carbone, gène intégré, elles demeurent conceptuellement l’hydrogène étant un vecteur combinant flexibilité, distinctes dans l’analyse : il est possible de déve- absence d’émission au niveau consommateur et lopper une économie de l’hydrogène bas-carbone faculté à être produit en masse à base d’électri- même sans besoin de flexibilité saisonnière pour le cité bas-carbone. L’hydrogène n’en est pas moins système électrique, et a contrario il serait possible un vecteur possédant certains défauts (carac- d’utiliser de l’hydrogène dans un système 100 % tère explosif, densité plus faible que le méthane, renouvelable même sans en développer l’usage volatilité…), même si les technologies disponibles final. 370
Le rôle de l’hydrogène et des couplages .9 D’autre part, des questions fondamentales et d’être connectés à un grand réseau gazier demeurent sur le fonctionnement technique et interconnecté. l’économie générale d’un système hydrogène. uu les stratégies d’utilisation : s’il apparaît relative- Parmi les interrogations figurent notamment les ment consensuel d’utiliser les premiers volumes suivantes : d’hydrogène bas-carbone pour remplacer les uu le lieu de production : alors que la stratégie fran- consommations actuelles d’hydrogène fossile, çaise consiste à produire l’hydrogène sur le ter- les stratégies divergent au-delà, allant d’usages ritoire national selon le principe de souveraineté comme la mobilité lourde (ferroviaire sur les énergétique posé par la SNBC, d’autres pays lignes difficilement électrifiables, aviation par comme l’Allemagne comptent spécifiquement la production de combustibles de synthèse) sur des imports d’hydrogène, depuis des pays ou l’industrie (sidérurgie, chaleur…) à d’autres européens ou extra-européens, pour atteindre usages comme le chauffage. la neutralité carbone ; uu les méthodes de production : le plan de relance Ainsi, plusieurs visions contrastées s’articulent sur et la stratégie française promeuvent le déve- la place de l’hydrogène à long terme et sur l’enver- loppement de l’hydrogène bas-carbone, produit gure des infrastructures à déployer pour assurer à partir d’électrolyse de l’eau en utilisant une son développement. électricité bas-carbone comme celle produite en France. À moyen terme, cette stratégie passe D’un côté, des études portées par la Commission par le développement de gros électrolyseurs, européenne ou par certains gestionnaires de réseau installés à proximité des zones industrielles ou gaz (étude Tennet – Gasunie, sur la zone Pays-Bas/ des centres de consommation, et soutirant sur Allemagne ou encore l’étude « European Hydrogen le réseau en bande. À plus long terme, les pers- Backbone »1 portée par un consortium de gestion- pectives sur les modèles de développement des naires de réseau gaz européens) projettent un déve- électrolyseurs sont plus ouvertes et certains loppement très important de l’hydrogène à long projettent la possibilité de produire l’hydrogène terme (plusieurs centaines voire milliers de térawat- bas-carbone de manière flexible selon la pro- theures en Europe) et proposent des plans de déve- duction des énergies renouvelables : certains loppement d’un réseau d’hydrogène à grande échelle acteurs bâtissent ainsi des modèles d’affaires couvrant l’ensemble du continent européen. sur la base de systèmes intégrant des grands parcs solaires à des électrolyseurs fonctionnant De l’autre, d’autres acteurs comme Agora donc de manière plus ponctuelle. Enfin, d’autres Energiewende2 ou l’IDDRI3 suggèrent de concentrer pays, notamment sur le pourtour de la Mer dans un premier temps le développement de l’hy- du Nord, entendent promouvoir « l’hydrogène drogène sur des usages privilégiés dans l’industrie bleu » produit à base d’énergies fossiles mais et indiquent par ailleurs que la construction d’un associées à des dispositifs de CCS ; réseau d’hydrogène transeuropéen n’est pas la prio- uu les modes de stockage et de transport : une rité. D’après ces acteurs, ce type d’infrastructures fois produit, l’hydrogène doit être stocké, puis présente un risque de coûts échoués important, en distribué. Certains modèles pointent vers la l’absence de vision claire et consensuelle sur les création de petits stocks-tampons à proximité projections de demande d’hydrogène, le dévelop- des centres industriels, tandis que d’autres pement des modes de production et les arbitrages nécessitent d’être couplés à de grands stoc- possibles entre utilisation du réseau électrique et kages, par exemple dans des cavités salines, développement d’un réseau hydrogène. 1. Gas for Climate, 2020 – https://gasforclimate2050.eu/sdm_downloads/european-hydrogen-backbone/ 2. Agora Energiewende, 2021, No-regret hydrogen – https://www.agora-energiewende.de/en/publications/no-regret-hydrogen/ 3. IDDRI, Agora Energiewende, 2021, Hydrogène : un réseau transeuropéen n’est pas la priorité – https://www.iddri.org/fr/publications-et-evenements/billet- de-blog/hydrogene-un-reseau-transeuropeen-nest-pas-la-priorite FUTURS ÉNERGÉTIQUES 2050 l PRINCIPAUX RÉSULTATS l OCTOBRE 2021 371
Figure 9.1 I llustration de différentes configurations possibles pour le développement de l’hydrogène à long terme (liste non exhaustive) Vision d’un système Référence : Vision d’un hydrogène largement Système hydrogène système hydrogène interconnecté flexible peu flexible et très flexible •É lectrolyseurs non flexibles : Électrolyse • Électrolyseurs flexibles • Électrolyseurs flexibles fonctionnement en bande •S tockage largement accessible •S tockage largement accessible • Possibilités de stockage à l’échelle européenne (soit via les interconnexions, soit très limitées via son développement en France) Stockage •F ortes interconnexions • Pas d’imports-exports & réseau + routes commerciales •É changes possibles avec avec le reste du monde, l’étranger pour mutualiser pour importer de l’hydrogène les capacités de stockage, à moindre coût mais pas d’imports massifs • Centrales thermiques •C entrales thermiques utilisant • Centrales thermiques utilisant l’hydrogène principalement l’hydrogène alimentées par du méthane du réseau (produit en du réseau de synthèse produit Production France ou importé) localement thermique •V ariante avec combinaison de méthane de synthèse et de biométhane Coût du gaz pour la production • Environ 70 €/MWhPCI • Environ 120-130 €/MWhPCI • Environ 160 €/MWhPCI d’électricité Europe Europe Cartographie schématisée du réseau Électrolyseur Stockage H2 Centrale thermique Routes commerciales d’import de gaz décarboné Interconnexions 372
Le rôle de l’hydrogène et des couplages .9 9.1.2 La prise en compte de l’hydrogène dans les « Futurs énergétiques 2050 » Les « Futurs énergétiques 2050 » accordent une Dans ce contexte, l’une des évolutions impor- place importante au sujet de l’hydrogène, qui s’est tantes projetées dans les scénarios de décar- traduite, d’une part, par la création d’un groupe bonation consiste à développer la production de travail dédié sur les interfaces entre secteur d’hydrogène par électrolyse à partir d’électri- électrique et les autres vecteurs, d’autre part sur cité bas-carbone. L’hydrogène ainsi produit peut l’élaboration d’une variante spécifiquement consa- alimenter certains usages directs ou être trans- crée à l’analyse d’une perspective de développe- formé en combustibles ou carburants de synthèse ment très poussé du vecteur hydrogène (variante sous forme gazeuse (méthane…) ou liquide (ammo- « hydrogène + »). niac, méthanol…) qui pourront eux-mêmes servir à des usages énergétiques. L’hydrogène ou ses déri- Les systèmes gazier et électrique sont d’ores et vés peuvent également être réutilisés pour produire déjà en interface, via les centrales thermiques de l’électricité dans des centrales thermiques. produisant de l’électricité à partir de gaz. À long terme, les interactions entre le système électrique Le développement de ces nouvelles interfaces et les autres vecteurs sont appelées à se dévelop- implique en conséquence des évolutions profondes per et se multiplier : la décarbonation complète de l’organisation du système énergétique. du secteur énergétique conduit en effet à envisa- ger de nouveaux transferts entre vecteurs en vue Les analyses réalisées par RTE dans le cadre de de décarboner plus facilement certains usages de l’étude « Futurs énergétiques 2050 » ne visent pas l’énergie ou de bénéficier de complémentarités à prendre parti sur l’intérêt d’un développement à entre vecteurs. grande échelle des infrastructures de production et Figure 9.2 Principales interactions entre l’électricité et les autres vecteurs énergétiques Production décarbonée Consommation Carburants finale et stockage de synthèse Électrolyse Consommation Consommation finale et stockage Hydrogène finale et stockage Méthanation Énergies renouvelables Pile à H2 Consommation Turbine finale et stockage Électricité à H2 Turbine CH4 Méthane Nucléaire Consommation de synthèse finale et stockage et biogaz Pompe à chaleur Chaleur/froid Cogénération Biomasse FUTURS ÉNERGÉTIQUES 2050 l PRINCIPAUX RÉSULTATS l OCTOBRE 2021 373
de transport d’hydrogène mais intègrent un point être modulé en fonction des conditions d’équilibre d’attention spécifique sur le rôle des couplages offre-demande. entre les secteurs du gaz et de l’électricité dans le développement du système électrique français. Toutefois, de nombreuses variantes sont étudiées, à la fois sur le volume d’hydrogène produit et sur Le cas de référence restitué dans l’étude s’appuie les modalités de développement et de flexibilisa- (i) sur un développement modéré de l’utilisation tion du système hydrogène, et les conditions adhé- de l’hydrogène dans le mix énergétique corres- rentes à chaque configuration sont précisées dans pondant aux ambitions de la Stratégie nationale la suite de ce chapitre. Ces différentes variantes bas-carbone (légèrement rehaussées pour tenir et analyses de sensibilité permettent ainsi d’iden- compte de la stratégie Hydrogène France), (ii) sur tifier les enjeux sur le dimensionnement du mix le cas d’un système hydrogène flexible dans électrique et sur la contribution de l’hydrogène à la lequel le fonctionnement des électrolyseurs peut flexibilité du système. 374
Le rôle de l’hydrogène et des couplages .9 9.2 Deux raisons distinctes de développer la production d’hydrogène bas-carbone à partir d’électrolyse Le développement de l’hydrogène bas-carbone simultanée du modèle agricole. L’hydrogène appa- constitue l’une des solutions mises en avant pour raît alors comme un moyen de traiter le cas des atteindre la neutralité carbone. énergies fossiles non abattues. Au cours des dernières années, des visions ambi- Dans l’étude « Futurs énergétiques 2050 », la pro- tieuses de développement de l’hydrogène se sont duction d’hydrogène bas-carbone est intégrée aux développées, et les pouvoirs publics ont défini en scénarios. Elle constitue un poste de consommation septembre 2020 une stratégie hydrogène en lien d’électricité qui peut être significatif. Le vecteur avec le plan France Relance adopté à l’issue de hydrogène peut également, dans certains scéna- la crise sanitaire de 2020. La Commission euro- rios, être utilisé pour stocker de l’énergie injectée péenne ainsi que de nombreux États européens depuis le réseau électrique ou produite directe- ont également publié des stratégies sur l’hydro- ment par des énergies renouvelables dédiées. gène prévoyant un développement ambitieux au cours des prochaines décennies : l’intérêt pour le RTE a analysé en détail les principaux modes de vecteur hydrogène est donc largement partagé en production d’hydrogène dans un rapport dédié Europe. Dans cette perspective européenne, l’un publié en janvier 2020. Ce rapport avait déjà mis des rôles fondamentaux du vecteur hydrogène en évidence les deux raisons distinctes qui peuvent serait d’élargir l’effort de décarbonation à des sec- justifier le développement de l’hydrogène à long teurs laissés aux énergies fossiles dans la majorité terme. Ces deux motifs sont bien distingués dans des scénarios. L’électrification totale des secteurs la nouvelle étude, même si les développements actuellement utilisateurs d’énergies fossiles est potentiels de l’hydrogène qu’ils induisent pour- difficilement atteignable et des incertitudes sub- raient générer des synergies d’infrastructures. sistent sur la possibilité du recours à la biomasse en quantités suffisantes, nécessitant la mobilisation D’une part, l’hydrogène constitue un moyen de d’un potentiel important en lien avec la transition décarboner des secteurs difficiles voire impossibles à Figure 9.3 Deux raisons distinctes de développer la production d’hydrogène bas-carbone 1 2 Décarboner les usages via le Contribuer à l’équilibre du système remplacement des énergies fossiles électrique en apportant une solution ≠ dans l’industrie ou le transport de stockage/déstockage Pour répondre aux objectifs Stockage saisonnier via la nationaux et internationaux boucle power-to-gas-to-power de décarbonation >S olution indispensable >O pportunités aux scénarios M0, M1, dès maintenant M23 et N1 à compter de l’horizon 2040 FUTURS ÉNERGÉTIQUES 2050 l PRINCIPAUX RÉSULTATS l OCTOBRE 2021 375
électrifier sur le plan technique ou économique (pro- renouvelables variables : comme présenté au duction d’ammoniac, sidérurgie, aviation, transport chapitre 7, cinq des six scénarios étudiés dans maritime, certains volets de la mobilité lourde…). les « Futurs énergétiques 2050 » impliquent Pour certains usages, l’hydrogène apparaît en com- de disposer de cette solution en France d’ici pétition avec l’usage direct de l’électricité. Celle-ci 2050. Dans l’étude « Futurs énergétiques 2050 », présente des avantages : les véhicules à hydro- le bouquet de flexibilités de chaque scénario (com- gène ont une meilleure autonomie que les véhicules binaison de batteries, flexibilité de la consomma- électriques et peuvent se recharger rapidement ; tion, écrêtements de production, construction de ils peuvent donc parcourir de longues distances centrales thermiques utilisant des combustibles ou transporter de lourdes charges. Mais l’utilisa- décarbonés comme l’hydrogène bas-carbone ou tion de l’hydrogène n’est pas exempte d’inconvé- du méthane de synthèse, recours aux importations nients : la production d’hydrogène bas-carbone et via les interconnexions) est déterminé par optimi- sa conversion en électricité (pour un moteur élec- sation en choisissant la solution de moindre coût. trique par exemple) nécessite des étapes de trans- formation qui occasionnent des pertes, le stockage Les scénarios de référence de l’analyse de RTE d’hydrogène doit obéir à des normes strictes, son supposent que la France n’utilise pas de biomé- stockage en grands volumes requiert des cavités thane pour la production d’électricité, la ressource « étanches »... Les incertitudes associées se traitent en biomasse étant utilisée prioritairement pour par les variantes. d’autres usages. Les gaz décarbonés requis pour l’équilibrage du système électrique sont produits D’autre part, le développement de centrales via une boucle de power-to-hydrogen-to-power. thermiques et de stockages de gaz décar- L’alternative de disponibilité de biométhane pour bonés pour couvrir les besoins de flexibi- la production d’électricité (ou d’imports de gaz lité inter- saisonnier du système électrique verts peu onéreux) et l’alternative de recours au s’avère indispensable dans les scénarios méthane de synthèse en remplacement de l’hydro- comprenant de larges proportions d’énergies gène sont traitées par des variantes. 376
Le rôle de l’hydrogène et des couplages .9 9.3 L’hydrogène comme matériau et combustible énergétique (« hydrogène final ») : un développement tiré par la décarbonation des usages dans l’industrie et dans le transport lourd, dans des proportions incertaines 9.3.1 De multiples usages possibles pour l’hydrogène à long terme, avec des perspectives plus particulièrement dans l’industrie et le transport lourd L’hydrogène est dès aujourd’hui utilisé dans diffé- uu les usages énergétiques directs de l’hydro- rents secteurs industriels, avec environ un million gène : l’hydrogène est dans ce cas utilisé en de tonnes consommées en France chaque année et tant que combustible comme source d’énergie plus de soixante millions à l’échelle mondiale. directe, sous forme gazeuse ou liquide, pour la mobilité (par exemple avec des piles à com- L’utilisation actuelle de l’hydrogène est néan- bustibles), pour la production d’électricité (piles moins concentrée essentiellement sur des usages à combustible ou turbines) ou pour la chaleur « matériau » et non sur des usages énergétiques. (chaudières). Il convient en effet de distinguer plusieurs types uu la fabrication de combustibles de synthèse à d’usages pour l’hydrogène : partir d’hydrogène (usages énergétiques indi- uu les usages matériau, essentiellement indus- rects) : il peut s’agir de méthane gazeux, ou triels : l’hydrogène est alors utilisé en tant que encore de combustibles liquides comme le matière première dans le cadre de procédés méthanol, l’ammoniac (à vocation énergétique), chimiques en particulier, par exemple pour la etc. L’hydrogène n’est dans ce cas pas utilisé désulfuration de composés pétroliers (raffinage comme combustible direct mais constitue un de pétrole) ou encore pour la fabrication d’am- des éléments de base des gaz ou carburants de moniac pour la production d’engrais. synthèse. Figure 9.4 Consommation actuelle d’hydrogène en France et sources Raffinerie Ammoniac Chimie Métallurgie Spatial H2 matériau issu de coproduits Sidérurgie H2 énergie issu de coproduits H2 matériau par vaporeformage 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 TWh H2 PCI/an FUTURS ÉNERGÉTIQUES 2050 l PRINCIPAUX RÉSULTATS l OCTOBRE 2021 377
Figure 9.5 Usages de l’hydrogène à moyen et long terme Utilisation comme Combustible de synthèse Usages industriels vecteur énergétique dérivé de l’hydrogène matériaux Transport Raffineries Transport (hydrocraquage et routier aérien hydrodésulfuration de carburants pétroliers) Transport Transport maritime Engrais ferroviaire (production d’ammoniac) Transformation Production en méthane de de chaleur synthèse Chimie et/ou d’électricité (industrie, tertiaire, résidentiel…) Sidérurgie Injection directe (réduction du dans le réseau minerai de fer) de gaz Autres usages industriels (verrerie, métallurgie, électronique, agro-alimentaire) Pour le secteur de l’hydrogène, le premier enjeu décarbonation de l’économie et la transformation consiste à décarboner la production pour les du système agricole. De nouveaux usages maté- usages matériau actuels de l’hydrogène, qui est riau, notamment dans la sidérurgie ou les biocar- aujourd’hui quasi-totalement issue d’énergies fos- burants, pourraient en revanche se développer. siles via des procédés fortement émetteurs de gaz à effet de serre. Ses usages énergétiques sont quant à eux ame- nés à croître, dans une logique d’élargissement du À moyen terme, le développement de l’électrolyse marché de l’hydrogène, pour permettre la décar- pour remplacer les unités actuelles de production bonation de certains usages spécifiques. Le déve- d’hydrogène (notamment unités de vaporefor- loppement de ces usages de l’hydrogène à long mage du méthane) constitue ainsi un des axes terme dépendra de la concurrence avec d’autres prioritaires identifiés dans la stratégie hydrogène solutions de décarbonation (électrification directe, de la France, ainsi que dans celles d’autres pays. biocarburants, biométhane…). À plus long terme, les usages matériau actuels Dans le détail, le développement de l’hydrogène de l’hydrogène sont appelés à se réduire, étant bas-carbone, au-delà des usages traditionnels donné que les principaux secteurs concernés (raf- dans les raffineries et les usines d’engrais, pourrait finage, production d’engrais) sont marqués par concerner plus spécifiquement quelques secteurs des projections de baisse d’activité, en lien avec la et usages bien identifiés : 378
Le rôle de l’hydrogène et des couplages .9 uu dans la sidérurgie, l’utilisation de l’hydrogène est autonomies requises sont très importantes (fret envisagée pour la réduction du minerai de fer grande distance, …). Le recours à l’hydrogène (procédé type Hybrit), avec des volumes pou- est une possibilité, avec là encore plusieurs vant être conséquents à l’échelle européenne à solutions concurrentes : véhicules électriques long terme. Les perspectives précises restent à batteries ou à caténaires, biodiesel et autres néanmoins incertaines dans la mesure où des biocarburants, bio-GNV, etc. procédés sidérurgiques alternatifs pourraient uu dans le transport ferroviaire, l’hydrogène consti- également se développer, comme la réduction tue un combustible de substitution envisageable directe via des solutions électriques (procédé pour les trains au diesel. Ce segment représente Ulcowin) ; toutefois des volumes qui devraient rester limi- uu dans le reste de l’industrie, l’hydrogène pourrait tés en France où la part des lignes électrifiées être utilisé pour la production de chaleur dans de est déjà importante et où le gisement de substi- nombreux procédés et secteurs. Le développe- tution au diesel devrait rester faible. ment de cet usage dépendra de la concurrence uu dans le transport aérien et maritime, l’hydro- avec d’autres solutions : chaudières biomasse gène ou ses dérivés sont également envisagés (sous réserve de disponibilité de la ressource), comme solution pour fournir des carburants de pompes à chaleur ou chaudières électriques synthèse bas-carbone. (qui peuvent techniquement répondre aux dif- uu enfin, une partie de l’hydrogène produit pourrait férents besoins de chaleur mais sont plus per- être injecté directement dans le réseau de gaz, tinents pour les besoins de chaleur à basse et dans des limites de volumes compatibles avec moyenne température), ou encore chaudières à les caractéristiques du réseau et des équipe- gaz utilisant du biométhane ou des dispositifs ments, ou être transformé en méthane de syn- de captage et de stockage du carbone ; thèse pour contribuer à la décarbonation des uu pour le transport routier, l’hydrogène présente réseaux de méthane, même si cette dernière un intérêt plus particulier pour les poids lourds perspective semble aujourd’hui plus incertaine (bus, autocars et camions). La décarbonation et moins d’actualité du fait des pertes supplé- de ce secteur est en effet plus difficile que mentaires induites par l’étape de méthanation pour les véhicules légers (remplacés par des et de la difficulté à assurer un approvisionne- voitures électriques) en particulier lorsque les ment en carbone. FUTURS ÉNERGÉTIQUES 2050 l PRINCIPAUX RÉSULTATS l OCTOBRE 2021 379
9.3.2 Plusieurs trajectoires contrastées de développement de l’hydrogène final sont étudiées pour évaluer les conséquences sur le dimensionnement et le fonctionnement du système électrique Les perspectives de développement de l’hydrogène avec les orientations les plus récentes de la ont fait l’objet de nombreuses discussions au cours stratégie hydrogène et avec les retours issus des ateliers de travail. Au vu des incertitudes pré- de la consultation publique. La trajectoire de sentées dans la section précédente sur l’essor des référence atteint ainsi environ 45 TWhPCI d’hy- différents usages de l’hydrogène, l’étude a retenu drogène bas-carbone en 2050 pour les seuls plusieurs trajectoires contrastées : usages finaux (donc hors contribution à la uu une trajectoire de référence, qui s’inscrit flexibilité du système électrique), mais avec dans les orientations du scénario AMS de une partie qui resterait issue de coproductions la SNBC et intègre les objectifs du plan fatales. Les volumes à produire à partir d’élec- de relance et de son volet hydrogène. La trolyse seraient ainsi de l’ordre de 35 TWhPCI, SNBC se concentre essentiellement sur la soit environ 50 TWhe d’électricité. décarbonation des usages industriels actuels uu une trajectoire « hydrogène + », qui de l’hydrogène et un développement ciblé sur repose sur un développement plus fort de quelques usages comme le transport routier. ce vecteur dans certains secteurs indus- Malgré la décroissance des secteurs historiques triels (sidérurgie en particulier) et pour (raffinage, engrais), les volumes d’hydrogène la décarbonation des soutes maritimes et consommés augmentent à long terme. Par rap- aériennes du transport international, via port aux projections de la SNBC, les volumes des carburants de synthèse. Dans cette ont été légèrement rehaussés, notamment dans trajectoire, les usages de l’hydrogène se déve- le transport routier et l’industrie, en cohérence loppent de manière importante, conduisant à Figure 9.6 Consommation d’hydrogène (hors utilisation pour la production électrique) dans les trajectoires de référence et « hydrogène + » 140 120 100 Méthanation TWh H2 PCI 80 Transport aérien Transport maritime Transport ferroviaire 60 Transport routier Injection directe en mélange 40 Chaleur industrielle Sidérurgie Raffinage 20 Divers Chimie 0 Ammoniac et engrais référence hydrogène + référence hydrogène + référence hydrogène + 2030 2040 2050 Note : une partie de l'hydrogène consommé est couverte par de la coproduction fatale 380
Le rôle de l’hydrogène et des couplages .9 réduire la sollicitation d’autres sources d’éner- fabrication de combustibles de synthèse, son gies décarbonées (par exemple la biomasse) et/ utilisation à échelle industrielle facilite la décar- ou de se substituer aux énergies fossiles dont bonation des soutes. Cette trajectoire aboutit l’utilisation est encore rendue possible par la finalement à une consommation d’hydrogène SNBC dans la mesure où elle est compensée final d’environ 130 TWhPCI à l’horizon 2050. par des puits. L’hydrogène prend alors une part très significative de la production de chaleur Ces deux trajectoires conduisent à un dimension- haute température dans l’industrie et du trans- nement différent du mix électrique, afin de couvrir port routier de marchandises (35 % du parc de les besoins d’électricité pour l’électrolyse. camions et tracteurs routiers en 2050). Pour la FUTURS ÉNERGÉTIQUES 2050 l PRINCIPAUX RÉSULTATS l OCTOBRE 2021 381
9.4 L’hydrogène au service de l’équilibre du système électrique 9.4.1 Des centrales thermiques nécessaires dans certains scénarios et pouvant être alimentées directement par de l’hydrogène ou indirectement par du méthane de synthèse lui-même issu de l’hydrogène Les simulations du fonctionnement du système couplage avec l’électricité à privilégier : hydrogène électrique et les analyses restituées dans le cha- produit en France ou importé, méthane de syn- pitre 7 ont montré que le recours à des moyens thèse, biométhane… Des éléments de comparaison thermiques fonctionnant aux « gaz verts » appa- des coûts des technologies des différentes solu- raît nécessaire a minima dans les scénarios à forte tions sont présentés à la partie 11.3.5.3 (les coûts part en énergies renouvelables. Cette nécessité du thermique décarboné et des gaz verts). est liée à l’absence d’autres technologies permet- tant de stocker des quantités importantes d’éner- Pour suivre les orientations de la SNBC adoptée gie sur des durées longues, à défaut de disposer en 2020 et plus particulièrement afin de limiter la de moyens de production d’électricité pilotables pression sur la ressource en biomasse, le recours comme le nucléaire ou, comme c’est envisagé par aux technologies de captage et de stockage de d’autres pays, de centrales à combustibles fossiles carbone ou encore l’import massif de combus- avec capture et stockage de carbone (CCS). tibles décarbonés, deux solutions sont susceptibles d’être privilégiées : Des approfondissements sont nécessaires pour uu L’utilisation d’hydrogène produit en France par qualifier proprement le type de « gaz vert » et de électrolyse, dans des centrales thermiques ou Figure 9.7 Diagramme illustrant le fonctionnement de la production d’électricité thermique à partir d’hydrogène (valeurs correspondant au scénario M23 2050 dans une configuration de système hydrogène flexible) Électricité Centrale à cycle combiné 7 TWhe/an restituée au système électrique pour Hydrogène produit Turbine à combustion 2 TWhe/an l’équilibrage Une partie du parc Électricité par électrolyse de production renouvelable renouvelable 19 TWhH2/an est atttribuée 10 TWh/an à la boucle dite de power-to-gas- to-power 27 TWhe/an 8 TWh/an Pertes de combustion Pertes d’électrolyse 382
Le rôle de l’hydrogène et des couplages .9 des piles à combustible pour produire de l’élec- place d’une logistique d’approvisionnement en tricité. Cette possibilité nécessite l’accès à des CO2 et des pertes supplémentaires de rendement. infrastructures de stockage en quantité suf- Cette option admet néanmoins des prérequis fisante (voir ci-après), afin de pouvoir stocker importants et est soumise à des incertitudes l’hydrogène produit lors des périodes les plus technologiques (la mise au point des turbines favorables pour le système électrique et de le à hydrogène est encore en cours d’expéri- restituer lors des périodes de tension sur l’équi- mentation) et surtout industrielles : dispo- libre offre-demande ; nibilité de stockages d’hydrogène (stockage uu Le recours à du méthane de synthèse produit salins notamment) et développement d’un en France, via des procédés de méthanation réseau d’hydrogène. transformant l’hydrogène en méthane avant l’utilisation dans les centrales thermiques : ceci Des analyses économiques complémentaires requiert une étape supplémentaire de transfor- seront toutefois nécessaires pour conforter l’option mation et dégrade le rendement énergétique la plus compétitive et/ou la plus favorable sur le d’ensemble mais permet d’utiliser les infrastruc- plan industriel. tures gazières existantes sans devoir les adap- ter à un gaz différent. Dans l’ensemble, la boucle consistant à produire des gaz verts (hydrogène ou méthane) à partir Dans ces deux cas, la production de gaz de syn- d’électricité pour ensuite produire de l’électricité thèse (hydrogène ou méthane) en vue d’alimenter lors des périodes de tension du système électrique des centrales électriques implique de disposer de présente un rendement relativement faible. Dans suffisamment de capacités de production d’électri- l’exemple de la boucle power-to-hydrogen-to- cité bas-carbone dans le mix. Il est donc néces- power, en prenant en compte les rendements des saire d’en tenir compte dans le dimensionnement étapes d’électrolyse (~70 % de rendement PCI), du mix électrique. de stockage (quelques pourcents de pertes) et de reconversion en électricité dans des centrales ther- Dans leurs configurations de référence, les scé- miques (~60 % dans des CCG et ~40 % dans des narios des « Futurs énergétiques 2050 » sont TAC), le rendement final d’ensemble est de l’ordre présentés en retenant la première option, de 30 %. Une partie des pertes de transformation c’est-à-dire en considérant que des centrales dégagées sous forme de chaleur pourrait être récu- thermiques utilisent un stock d’hydrogène pérée pour alimenter des réseaux de chaleur et bas-carbone (boucle power-to-hydrogen-to- améliorer le rendement énergétique d’ensemble. power) plutôt qu’un stock de méthane de Ceci requiert cependant des conditions spéci- synthèse. fiques : localisation géographique des électroly- seurs et des centrales de thermiques à proximité Ce choix de fonder les scénarios sur un « système de réseaux de chaleur, coordination temporelle des hydrogène » plutôt qu’un « système méthane » transformations et des besoins de chaleur (avec tient à la perspective qu’un tel système soit à éventuellement stockage de la chaleur pour resti- terme plus compétitif, en évitant notamment les tution plusieurs mois après), etc. coûts liés à l’étape de méthanation, la mise en FUTURS ÉNERGÉTIQUES 2050 l PRINCIPAUX RÉSULTATS l OCTOBRE 2021 383
9.4.2 Des besoins significatifs dans les scénarios à haute part en énergies renouvelables D’après les analyses sur l’équilibre offre-demande variables (voir chapitre 7). Pour les scénarios 100 % d’électricité restituées dans le chapitre 7, le ther- renouvelable, la production nationale annuelle mique décarboné constitue une solution nécessaire moyenne d’hydrogène requise pour alimenter les pour assurer la sécurité d’approvisionnement dans besoins d’équilibrage du système électrique est les scénarios à haute part en énergies renouve- de l’ordre de 25 TWhH2-PCI en 2060. Elle est égale- lables, mais avec des volumes qui varient signifi- ment significative pour le scénario N1 (de l’ordre de cativement selon les scénarios. 15 TWhH2-PCI) et moindre pour le scénario N2 (envi- ron 3 TWhH2-PCI). Le scénario N03 ne recourt pas à L’optimisation économique du bouquet de flexibilités la production d’électricité à partir de gaz verts en de chaque scénario conduit à développer le recours France, mais s’appuie uniquement sur les autres à l’utilisation de gaz verts pour la production d’élec- flexibilités : batteries, flexibilité de la consomma- tricité, et ce de manière plus importante dans les tion, écrêtements de production, recours aux flexi- scénarios à forte part en énergies renouvelables bilités à l’étranger à travers les importations. Figure 9.8 Besoins d’hydrogène pour l’équilibrage en France aux différents horizons (configuration de référence : absence de flexibilité de la production d’électricité au biogaz) 40 35 30 TWh H2 PCI 25 20 15 10 5 0 M0 M1 M23 N1 N2 N03 M0 M1 M23 N1 N2 N03 M0 M1 M23 N1 N2 N03 2040 2050 2060 Boucle power-to-hydrogen-to-power Boucle power-to-methane-to-power 384
Le rôle de l’hydrogène et des couplages .9 9.5 Dans l’ensemble, un volume total d’hydrogène produit par électrolyse en France compris entre 35 et 65 TWhPCI selon les scénarios, dans la trajectoire de référence Au total, en additionnant les consommations d’hy- une part importante du besoin total d’hydro- drogène pour les usages finaux et pour les besoins gène en France, avec des volumes consommés du système électrique (dans le cas où l’hydrogène du même ordre que pour l’hydrogène final. Cette est la solution privilégiée pour l’approvisionnement part est par ailleurs susceptible de varier d’une des centrales thermiques) et en tenant compte année sur l’autre, en fonction des besoins réels de la satisfaction de ces besoins par coproduc- d’équilibrage du système associés en particulier tion à hauteur d’environ 10 TWhPCI/an, le volume aux conditions météorologiques (ce point est dis- annuel moyen d’hydrogène produit par élec- cuté au chapitre 9.8). trolyse en France est compris entre 35 et 65 TWhPCI selon les scénarios (dans la trajec- Compte-tenu du rendement des électrolyseurs, toire de référence pour la consommation). ces volumes représentent entre 50 et 93 TWhe de consommation d’électricité à l’horizon 2050. Une Dans les scénarios à forte part en énergies renou- partie de l’hydrogène est ensuite restituée au sys- velables, le recours à l’hydrogène pour alimen- tème électrique via les centrales thermiques. ter des centrales thermiques représente ainsi Figure 9.9 Volume total d’hydrogène utilisé en France dans les différents scénarios à l’horizon 2050 (configuration de référence : développement d’une boucle power-to-hydrogen-to-power en France avec possibilités de stockage de l’hydrogène) 100 90 80 70 TWh H2 PCI 60 50 Demande pour équilibrage du système électrique 40 Demande pour usage final 30 Production pour équilibrage du système électrique 20 Production pour usage final non coproduit 10 Production pour usage final 0 coproduit M0 M1 M23 N1 N2 N03 2050 FUTURS ÉNERGÉTIQUES 2050 l PRINCIPAUX RÉSULTATS l OCTOBRE 2021 385
9.6 La flexibilité de la production d’hydrogène par électrolyse : des impacts déterminants pour la sécurité d’approvisionnement électrique 9.6.1 Différents modes opératoires sont envisagés pour les électrolyseurs Le rapport publié par RTE en janvier 2020 sur le approvisionnement en électricité à bas coût et développement de l’hydrogène bas-carbone avait bas-carbone, avec des effets très positifs sur les mis en évidence des impacts très variables pour émissions de gaz à effet de serre. En revanche, il le système électrique en fonction des modes de implique un fonctionnement intermittent de l’élec- fonctionnement des électrolyseurs, à la fois sur trolyse et donc un amortissement plus difficile des le plan technique et sur les enjeux économiques coûts fixes des électrolyseurs. et environnementaux (effet sur les émissions de CO2 notamment). Plusieurs modes de fonctionne- À l’inverse, un fonctionnement en bande des élec- ment distincts avaient ainsi été étudiés, selon que trolyseurs (mode n° 2) permet de limiter les pro- les électrolyseurs opèrent en base ou uniquement blématiques de stockage pour les consommateurs lors des périodes de prix faibles lorsqu’existent d’hydrogène souhaitant un approvisionnement des marges de production renouvelable ou continu. Avec des durées de fonctionnement éten- nucléaire, ou qu’ils sont couplés avec des moyens dues, les coûts fixes des électrolyseurs sont en d’autoproduction. outre plus rapidement amortis. Toutefois, un tel mode opératoire contribue faiblement à la flexi- Un fonctionnement fondé sur les signaux de bilité du système électrique et à l’optimisation de prix faibles (mode n° 1) permet de cibler un l’utilisation du mix. Figure 9.10 Illustration de différents modes de fonctionnement possibles pour les électrolyseurs 40 000 En période de tonnes H2/jour 30 000 Fonctionnement marginalité 1 renouvelable 20 000 lors des périodes de prix faibles ou nucléaire 10 000 0 40 000 Fonctionnement tonnes H2/jour En base, 30 000 toute l’année sauf 2 hors situations 20 000 en cas de prix de tension 10 000 élevés 0 40 000 Couplage avec de tonnes H2/jour 30 000 Fonctionnement l’autoproduction 3 (par exemple 20 000 sur site de production photovoltaïque) 10 000 0 386
Le rôle de l’hydrogène et des couplages .9 Enfin, un mode opératoire intégrant un couplage au réseau électrique (afin de valoriser des surplus avec l’autoproduction (mode n° 3) conduit à désen- de production photovoltaïque par exemple) ou à sibiliser l’approvisionnement en électricité des prix l’inverse non raccordées au réseau électrique en de marché. Plusieurs variantes de ce mode opéra- autoproduction dite offgrid (la quasi-totalité de toire sont envisageables, avec différents couplages la production électrique est alors consommée par possibles (photovoltaïque, éolien voire nucléaire) les électrolyseurs mais avec un facteur de charge et avec des installations pouvant être raccordées potentiellement faible). FUTURS ÉNERGÉTIQUES 2050 l PRINCIPAUX RÉSULTATS l OCTOBRE 2021 387
9.6.2 À moyen terme, un fonctionnement des électrolyseurs majoritairement en base À moyen terme (horizon 2030-2035), il est l’hydrogène, les analyses réalisées par RTE attendu que les électrolyseurs fonctionneront ont montré que le contenu carbone horaire majoritairement en bande. Ceci serait en effet de de l’hydrogène produit par électrolyse reste- nature à favoriser l’équation économique de la rait inférieur à 3 kgCO2/kgH2, même à l’horizon production d’hydrogène bas-carbone en permet- 2025. tant des durées de fonctionnement élevées. Il en résulte un meilleur amortissement des coûts fixes Sous réserve que la méthode de calcul soit proche des électrolyseurs et in fine une réduction des de celle testée ici et que le seuil définissant l’hydro besoins de soutien public et des surcoûts par rap- gène bas-carbone soit fixé autour de 3 kgCO2/kgH2 port aux solutions fossiles. Une telle configuration (ou à une valeur supérieure), cette définition ne permet également de fournir un approvisionne- serait pas contraignante pour le fonctionnement ment continu en hydrogène sans nécessiter d’in- des électrolyseurs en France : ceux-ci pourraient frastructures lourdes de transport et de stockage ainsi opérer en base en soutirant de l’électricité sur d’hydrogène, favorisant ainsi le déploiement pour le réseau, tout en conservant un bilan d’émissions décarboner des usages industriels existants (raffi- permettant de qualifier l’hydrogène produit de nerie, engrais) qui ont des besoins d’alimentation « bas-carbone » et ainsi être éligible aux dispositifs en hydrogène tout au long de l’année. de soutien spécifiques. Le mode opératoire privilégié et les périodes de Ce modèle pourrait en outre être favorisé par la fonctionnement dépendront également de la régle- mise en œuvre des dispositifs de compensation des mentation européenne, de la taxonomie verte coûts indirects du carbone permettant de désensi- européenne et des méthodes de comptabilisation biliser le prix de marché payé par les exploitants du bilan carbone des électrolyseurs. En appliquant d’électrolyseurs de l’évolution du prix du CO2 sur une méthode consistant à évaluer le contenu CO2 le marché ETS, et par des mécanismes de soutien horaire de l’électricité (i.e. émissions moyennes public adaptés visant à couvrir l’écart par rapport de la production d’électricité nationale à chaque aux solutions reposant sur les énergies fossiles. heure) et à le convertir en contenu carbone de Figure 9.11 Distribution du contenu carbone de l’hydrogène produit par électrolyse (hypothèse de rendement des électrolyseurs : 70 %) 100 % 90 % 80 % 70 % 60 % 50 % 40 % 30 % 4 kgCO2/kgH2 2015 2020 2025-2026 388
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