Agence FRONTEX : quelles garanties pour les droits de l'Homme ? - Étude sur l'Agence européenne aux frontières extérieures en vue de la refonte de ...
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Agence FRONTEX : quelles garanties pour les droits de l’Homme ? Étude sur l’Agence européenne aux frontières extérieures en vue de la refonte de son mandat
Étude réalisée par : Sara Casella Colombeau (politiste), Marie Charles (juriste), Olivier Clochard (géographe), Claire Rodier (juriste), sous la direction des eurodéputées Hélène Flautre, Franziska Keller et Barbara Lochbihler. Merci à Caroline Intrand (juriste / Migreurop) pour sa contribution. Merci à Sophie Chabridon pour son suivi méticuleux lors de la réalisation de ce document. Cartographie : Olivier Clochard. Photos : Sara Prestianni (Migreurop). Mise en pages : Martin Granger. Ce document a été édité en novembre 2010 avec le soutien du groupe des Verts / ALE au Parlement européen. Photo de couverture : frontière de Melilla, 2006 © Sara Prestianni (Migreurop)
Agence FRONTEX : quelles garanties pour les droits de l’Homme ? Étude sur l’Agence européenne aux frontières extérieures en vue de la refonte de son mandat 3
SOMMAIRE INTRODUCTION . ............................................................................................................................. 5 Les enjeux d’un amendement au règlement FRONTEX : une menace pour le respect des droits fondamentaux aux frontières ?............................. 6 Un nouveau cadre institutionnel : le Traité de Lisbonne. ..................................................... 7 I. QUELQUES EXEMPLES DE VIOLATIONS DES DROITS FONDAMENTAUX .............................. 8 A. Non respect du droit d’asile ............................................................................................. 9 1. Lors d’interceptions aux frontières de l’Union européenne................................................ 9 2. Lors d’opérations d’identification. ................................................................................10 B. Entraves au « droit de quitter tout pays ».......................................................................10 C. Traitements inhumains et dégradants..............................................................................12 1. Dans les pays de renvoi...............................................................................................12 2. Au cours des opérations conduites par FRONTEX............................................................13 Actes de violence. ......................................................................................................13 Abus de confiance......................................................................................................15 Mauvais traitements...................................................................................................17 D. Droit à la protection des données à caractère personnel...............................................17 Manque de transparence. ...............................................................................................18 E. Discrimination....................................................................................................................19 II. UN CADRE JURIDIQUE QUI FAVORISE LA DILUTION DES RESPONSABILITÉS ................... 20 A. États membres, FRONTEX, Union européenne : qui est responsable des activités de l’agence FRONTEX ?................................................. 22 1. Des textes insuffisants pour déterminer la responsabilité des contrôles mis en place par l’agence : d’une impasse juridique à une schizophrénie politique................ 22 2. L’extraterritorialité des dispositions communautaires..................................................... 23 3. Le droit international applicable aux opérations de FRONTEX en haute mer. .................... 25 B. Les partenariats de l’agence FRONTEX : vers un report des responsabilités ?............. 27 1. Le partenariat avec le HCR et avec l’AEDF : alibis ou coopérations ?................................ 28 2. La coopération avec les États tiers : des accords en marge du droit pour quelle responsabilité ? ............................................... 31 III : INCIDENCES DU PROJET DE MODIFICATION DU RÈGLEMENT 2007/2004 SUR LES DROITS FONDAMENTAUX ............................................................................................ 34 A. Une « facilitation » à risques de la coopération avec les pays tiers ............................ 35 1. Objectifs poursuivis. .................................................................................................. 36 2. Faiblesse des garanties............................................................................................... 36 B. Quel encadrement des opérations de retours conjointes ?. .......................................... 38 1. Code de bonne conduite et contrôle indépendant pour les vols groupés........................... 38 2. Des opérations à haut degré de dangerosité................................................................. 38 C. Droits fondamentaux : un grand décalage entre le texte et l’effectivité....................... 40 1. Lacunes dans la gestion des opérations conjointes. ....................................................... 41 2. Quasi-absence de référence au droit d’asile.................................................................. 42 3. Défaut de transparence.............................................................................................. 42 CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS ..................................................................................... 43 BIBLIOGRAPHIE .............................................................................................................................. 44 ANNEXES ........................................................................................................................................ 45 4
INTRODUCTION Le renforcement des contrôles à l’UE (Islande, Norvège, Suisse) ➜➜ des opérations conjointes aux frontières extérieures sont mis à sa disposition en vue établies pour des durées est une priorité depuis qu’au du déploiement des opérations limitées et reconductibles, qui sommet européen de Tampere de surveillance qu’organise sont organisées par un État de 1999 les États membres de l’Agence. membre et auxquelles plusieurs l’Union européenne (UE) ont pays participent, décidé de mettre en place une Le budget de l’Agence est ➜➜ des contrôles menés par politique commune en matière en constante augmentation : des policiers de plusieurs États d’asile et d’immigration. de 6,3 millions d’euros en membres au sein d’un ou de Après plusieurs opérations 2005, il est passé à près de 42 plusieurs passages frontaliers conjointes menées dans millions d’euros en 2007 pour (focal points) ; établis sur une le cadre de la coopération atteindre plus de 87 millions période relativement longue, intergouvernementale, les d’euros en 2010. Cette hausse ils permettent à chaque État ministres de l’Intérieur des permet le développement des membre de partager leurs quinze premiers pays membres opérations coordonnées par expériences en la matière. réunis à Rome envisageaient FRONTEX, de deux types : celles en mai 2002 la création qui visent à surveiller les zones d’un corps spécial pour la frontalières afin de renvoyer Ces différentes coopérations surveillance des frontières les ressortissants de pays tiers peuvent s’effectuer avec l’appui extérieures de l’Union. Inscrit hors du territoire de l’Union, des gardes-frontières, des dans la communication de la et celles qui ont pour objectif douanes et des autorités de Commission du 7 mai 2002 « le retour groupé des étrangers police d’États non européens. Vers une gestion intégrée des en situation « irrégulière » de frontières Union européenne », plusieurs États membres. En cas de « pression le projet est officialisé en juin [migratoire] urgente et 2002 dans les conclusions du Le premier groupe exceptionnelle »[1] sur les Conseil européen de Séville d’interventions qui s’opèrent frontières d’un État membre ou (Espagne). en mer, aux frontières terrestres d’un État avec lequel FRONTEX et dans les grands aéroports a signé un accord, l’Agence L’agence européenne pour européens, comprend : peut aussi dépêcher depuis la gestion de la coopération 2006 des équipes d’intervention aux frontières extérieures des ➜➜ des projets pilotes rapide aux frontières (RApid États membres de l’Union qui sont des opérations Border Intervention Teams / européenne (FRONTEX) expérimentales, visant à obtenir RABITS). Ces groupes – dont est créée en octobre 2004 des renseignements sur des l’effectif total au début de et devient opérationnelle régions considérées comme l’année 2010 avoisine les 700 en octobre 2005. Basée à sensibles. L’un des objectifs de Varsovie, FRONTEX a pour ces missions est de convaincre [1] Règlement (CE) no 863/2007 du principal objectif d’améliorer la les gouvernements européens Parlement européen et du Conseil de mettre à disposition de du 11 juillet 2007 instituant un gestion intégrée des frontières mécanisme de création d’équipes extérieures des États membres l’Agence des moyens humains d’intervention rapide aux fron- de l’Union européenne. Des et matériels supplémentaires, tières et modifiant le règlement indispensables à l’organisation (CE) no 2007/2004 du Conseil pour gardes-frontières de chaque ce qui a trait à ce mécanisme et État membre et d’États associés d’actions plus ou moins définissant les taches et compé- pérennes, tences des agents invités. 5
gardes-frontières – visent à l’Union s’apparentent bel et en toute indépendance son rôle apporter une « assistance bien à une force militaire de d’ordonnateur » (FRONTEX, technique et opérationnelle dissuasion. Pour exemple, 2006 : 22), en 2007, il affirmait renforcée »[2] en coordination l’opération Poséidon à laquelle d’ailleurs : « nous sommes avec les unités nationales. 21 États membres ont participé fiers de ce que nous avons À la demande de la Grèce, ces en 2009 a mobilisé 23 navires accompli, et nous sommes prêts équipes d’interventions sont (soit plus de 11 000 heures de à faire plus encore » (FRONTEX, intervenues pour la première patrouille) ainsi que 6 avions et 2007 : 4). fois en novembre 2010. 4 hélicoptères (802 heures de patrouille). Les enjeux d’un Dans le second groupe, on amendement trouve les « opérations de En menant ce type retours conjointes » qui ont d’opérations, FRONTEX est au règlement considérablement augmenté devenue « un acteur clé » FRONTEX : une (1 622 personnes en 2009 dans le déploiement des menace pour le contre 428 en 2007), le politiques européennes d’asile budget de l’Agence destiné et d’immigration aux frontières respect des droits à coordonner ces vols étant extérieures de l’UE. Au regard fondamentaux aux d’ailleurs passé d’un demi- de ses premières expériences, frontières ? million d’euros en 2005 à plus l’Agence se définissait déjà en de sept millions en 2010. 2006 comme « un coordinateur Donner à FRONTEX l’occasion communautaire opérationnel de « faire plus encore », tel En février 2010, FRONTEX fiable et un contributeur est l’objectif de la révision du déclarait disposer de 26 pleinement respecté et soutenu règlement portant création hélicoptères, 22 avions légers par les États membres et les de l’Agence proposée par la et 113 navires. Selon l’Agence, pays tiers » (FRONTEX, 2006 : 5), Commission européenne en la base de données CRATE ce qui l’amène à envisager de février 2010 pour renforcer son (Centralised Record of Available devenir « un puissant “centre” action. Technical Equipment) recense opérationnel » (FRONTEX, 476 appareils techniques 2006 : 2). En 2008, « FRONTEX Ce renforcement des utilisés pour lutter contre se donne pour but de devenir compétences de l’Agence se lit l’immigration « clandestine » : l’acteur central dans la à plusieurs niveaux : d’abord, radars mobiles, caméras promotion de l’harmonisation par la « possibilité d’un soutien thermiques, sondes mesurant des doctrines, des besoins, des financier accru »[3], ensuite le taux de gaz carbonique émis, procédures administratives et par une autonomisation de détecteurs de battements de opérationnelles et des solutions l’agence par rapport aux cœur, radar PMMW (Passive techniques qui soutiennent une États membres. FRONTEX Millimetric Wave Imager), etc. gestion efficace des frontières pourra en effet disposer de Ces équipements, qui sont extérieures de l’UE » (FRONTEX, basés dans différents pays de 2008 : 9). Un an plus tard, [3] COM (2010) 61 final, Proposi- l’UE, sont mis à la disposition l’Agence s’auto-désigne comme tion de règlement du Parlement de l’État membre qui en fait la « la pierre angulaire du concept européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 2007/2004 demande. Au vu des moyens européen de gestion intégrée portant création d’une Agence employés, les opérations des frontières » (FRONTEX, européenne pour la gestion de la de FRONTEX menées aux 2009 : 3). Pour arriver à ces coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États frontières extérieures de résultats, son directeur exécutif membres de l’Union européenne se félicite d’avoir « pu exercer (FRONTEX), Bruxelles, 24 février [2] Ibid. 2010. 6
ses propres équipes de garde- à des opérations concrètes. statuer à titre préjudiciel pour frontières dans les opérations Cette préoccupation vient les questions de visas, d’asile, de surveillance. Elle pourra s’ajouter aux nombreuses zones d’immigration et questions liées également « décider de d’ombres qui entourent d’ores à la circulation des personnes. financer ou de cofinancer »[4] et déjà le fonctionnement de des opérations de retour FRONTEX et la dilution des Par ailleurs, le rôle du conjointes, avec ses propres responsabilités entre l’Agence Parlement européen est avions. Sur le plan interne, et les États membres. Et ce, renforcé, puisqu’avec l’Agence pourra « elle-même malgré le nouveau cadre l’extension du système de prendre l’initiative d’opérations institutionnel instauré par le codécision il sera plus présent conjointes et de projets pilotes Traité de Lisbonne. dans les domaines liés à la à mener en coopération avec gestion de l’immigration les États membres »[5]. Un nouveau cadre ainsi qu’aux domaines justice, sécurité et libertés. institutionnel : le Sur le plan externe, la Il faut cependant tempérer proposition de règlement Traité de Lisbonne ces changements car de augmente également ses nombreuses dispositions compétences en lui permettant L’entrée en vigueur du traité du Traité maintiennent d’établir des coopérations avec sur le fonctionnement de encore la prééminence des les pays tiers et d’y financer l’Union européenne (Traité de États membres. La logique des projets, par exemple en Lisbonne) en décembre 2009 intergouvernementale, déployant des officiers de et l’adoption du programme toujours présente, permet aux liaison « Immigration » pour de Stockholm – adopté par gouvernements européens de lutter contre l’immigration « le Conseil européen des 10 conserver des responsabilités illégale » à la source. et 11 décembre 2009 – qui dans certains domaines clefs. demande « une clarification Autant de prérogatives et un renforcement du rôle Dans ce contexte, on peut se qui font peser de sérieuses de FRONTEX dans la gestion demander si ces exigences inquiétudes quant à leur des frontières extérieures de nouvelles suffiront à encadrer compatibilité avec le respect l’Union européenne » auront- l’activité de FRONTEX. De plus des droits fondamentaux. elles un impact sur la mission de en plus, celle-ci joue le rôle de D’ailleurs, dans son analyse l’agence ? « parapluie » pour des États d’impact[6], la Commission membres qui ont tendance européenne souligne le risque Avec le Traité de Lisbonne, à privilégier la fermeté de la qu’un organisme de l’UE et la Charte des droits lutte contre l’immigration « son personnel soient exposés fondamentaux – conçue clandestine » sur l’obligation à des situations de violations comme un des fondements de qui incombe pourtant des droits fondamentaux. l’Union européenne – a acquis aux membres des équipes Si FRONTEX est dans un valeur juridique contraignante. coordonnées par l’agence, rôle de codirection, ces FRONTEX est désormais soumise aux termes de son règlement, difficultés pourraient en effet à cette Charte et pourrait être « de s’acquitter de leurs tâches augmenter car ses agents amenée à répondre de ses actes dans le plein respect des droits seraient davantage associés devant la Cour de Justice de fondamentaux et de la dignité l’Union européenne (CJUE), humaine ». laquelle a vu son pouvoir de [4] Ibid. contrôle étendu, puisqu’elle est [5] Ibid. désormais compétente pour [6] SEC(2010)150 7
I. QUELQUES EXEMPLES DE VIOLATIONS DES DROITS FONDAMENTAUX Dans une résolution adoptée en décembre 2008, le Parlement européen demandait « que le mandat de FRONTEX inclue l’obligation expresse de respecter les normes internationales en matière de droits de l’homme et un devoir de sollicitude envers les demandeurs d’asile lors d’opérations de sauvetage en haute mer », et invitait à une révision de ce mandat « afin de combler les vides juridiques (…) notamment les conditions juridiques précises des interventions de sauvetage en mer »[7]. Melilla (frontière hispano-marocaine), 2006 Une lecture optimiste de cette résolution permet d’y voir un encouragement à améliorer passent les opérations que l’Agence coordonne, le fonctionnement de FRONTEX. Elle révèle les rendent particulièrement hermétiques aux cependant une réalité fort inquiétante : pour le regards extérieurs. Des atteintes aux droits Parlement européen, l’agence FRONTEX, qui se fondamentaux ont en effet été mises en targue dans ses rapports annuels, depuis quatre évidence soit par des témoignages directs, ans, de faire diminuer le nombre d’arrivées de soit par des observations d’organisations migrants « irréguliers » notamment grâce à ses internationales ou d’ONG, soit par l’analyse a opérations d’interceptions maritimes, n’offre posteriori de certains événements relatés par pas, à ce jour, suffisamment de garanties la presse. On s’attache ici à reconstituer les quant au respect des droits humains et du droit principales violations identifiées, commises d’asile, et les conditions de ses interventions le plus souvent lors des deux activités de ne sont pas clairement encadrées sur le plan FRONTEX à l’occasion desquelles le respect juridique. des droits fondamentaux est le plus sujet à caution : les opérations de contrôles qui Ces graves carences ne sont pas pointées à la s’opèrent aux frontières extérieures de l’Union légère par le Parlement. avec pour objectif de refouler les migrants vers les pays voisins, et les « opérations de À plusieurs reprises depuis la création de retours conjointes », euphémisme désignant FRONTEX, les conditions dans lesquelles se ce qui s’apparente souvent à des expulsions collectives. [7] Parlement européen, Résolution sur l’évaluation et le développement futur de l’agence FRONTEX et du système européen de surveillance des frontières EUROSUR (2008/2157(INI), 18 décembre 2008. 8
A. Non respect du droit d’asile « faux demandeurs d’asile » qui tenteraient de franchir les frontières de l’UE, sans se référer 1. Aucun des États contractants n’expulsera à une quelconque méthode lui permettant ou ne refoulera, de quelque manière que de distinguer entre « faux » et « vrais » ce soit, un réfugié sur les frontières des demandeurs d’asile. territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, Différents témoignages issus de la presse, de de sa nationalité, de son appartenance à rapports d’Ong ou de migrants ayant été forcés un certain groupe social ou de ses opinions à rejoindre le territoire qu’ils avaient quitté, politiques. montrent que le principe de non refoulement inscrit dans la convention de Genève a été mis 2. Le bénéfice de la présente disposition à mal à plusieurs occasions. ne pourra toutefois être invoqué par un réfugié qu’il y aura des raisons sérieuses de L’exemple le plus caractéristique est la remise considérer comme un danger pour la sécurité entre les mains d’une patrouille maritime du pays où il se trouve ou qui, ayant été libyenne, en juin 2009, par des garde-côtes l’objet d’une condamnation définitive pour italiens assistés par un hélicoptère allemand un crime ou délit particulièrement grave, dans le cadre de l’opération Nautilus IV, de 75 constitue une menace pour la communauté boat people interceptés à proximité des côtes dudit pays. de l’île italienne de Lampedusa. Cet événement Article 33 de la Convention a fait l’objet d’un rapport de l’organisation de Genève sur les réfugiés Human Rights Watch, qui dénonce clairement la violation du principe de non refoulement : 1. Lors d’interceptions aux frontières de l’Union européenne On June 18, 2009, for the first time in its history, a FRONTEX operation resulted in Dans les rapports annuels de l’Agence, l’accent the interdiction and push back of est volontiers mis sur les résultats chiffrés en migrants in the central Mediterranean Sea to Libya. matière d’interceptions, d’arrestations et de A German Puma helicopter operating as part of « refoulements d’immigrés clandestins » aux Operation Nautilus IV coordinated Italian coast principales frontières de l’Union (FRONTEX, guard interception of a boat carrying about 75 2006 : 7, 12). Dans le rapport 2007, il est ainsi migrants 29 miles south of Lampedusa. The Italian indiqué que 130 000 ressortissants de pays Coast Guard reportedly handed the migrants over tiers ont été refoulés de l’Ue, tandis que le to a Libyan patrol boat, which took them to Tripoli rapport de l’année 2008 fait état de 140 000 where they were reported to have been “handed refus d’entrée. Dans ces deux rapports, la over to a Libyan military unit”.[8] présence éventuelle, parmi ces refoulés, de demandeurs d’asile potentiels ou les personnes Sans reconnaître totalement les faits, FRONTEX vulnérables (mineurs isolés, etc.) n’est jamais a souligné la nécessité d’apporter assistance aux évoquée. Les besoins spécifiques de protection boat people, et a écarté toute responsabilité des migrants ne semblent pas pris en compte, au regard du risque, pour les personnes ainsi et il n’est nullement fait référence au principe de non refoulement tel qu’il est défini dans [8] Human Rights Watch (2009) Pushed Back, Pus- l’article 33 de la convention de Genève de hed Around Italy’s Forced Return of Boat Migrants 1951. Ce silence est d’autant plus troublant and Asylum Seekers, Libya’s Mistreatment of Mi- grants and Asylum Seekers, 98 p. [disponible sur In- que FRONTEX n’hésite pas par ailleurs à faire ternet] ; Karl Stagno-Navarra, Handover of Migrants des commentaires sur le nombre croissant de to Italy Results in Forced Repatriation, Malta Today (2009, June 21st). 9
refoulées, de ne pas voir leur éventuelle traduction ou participation à la prise de décision demande de protection internationale prise sur la mesure de renvoi ?). La presse s’est fait en considération. Pour Gil Arias Fernandez, l’écho de protestations d’un fonctionnaire grec directeur adjoint de FRONTEX, en effet : dénonçant l’absence de concertation entre les autorités grecques et les agents de FRONTEX, qui Our agency does not have the ability to auraient décidé seuls – sur la base des entretiens confirm if the right to request asylum as qu’ils avaient conduits – de l’identification et du well as other human rights are being transfert en vue de leur rapatriement de plusieurs respected in Libya”.[9] dizaines de migrants. Cet évènement fait craindre à des ONG locales, pour certains d’entre eux, la Une façon de confirmer que l’accord signé le 13 violation du principe de non refoulement[10]. juin 2008 entre FRONTEX et le Hcr – visant à que les actions de l’agence ne portent pas atteinte Le bureau du HCR en Grèce s’est d’ailleurs inquiété aux droits des réfugiés « et des personnes de cette confusion des rôles et a recommandé la sollicitant une protection internationale, mise en place d’un cadre clair de coopération en particulier en ce qui concerne le non entre les autorités grecques et FRONTEX afin, refoulement » (v. Partie II) – se limite à une notamment, de permettre la contestation des « sensibilisation » des policiers par les agents décisions administratives prises à l’encontre de onusiens. Cette déclaration ne souligne en ressortissants étrangers[11]. aucun cas le respect effectif du droit d’asile lors des opérations coordonnées par FRONTEX. On B. Entraves au « droit de notera qu’avant la conclusion de cet accord, les quitter tout pays » rapports d’activité de FRONTEX mentionnaient de simples « contacts » avec le HCR, ce qui laisse Toute personne a le droit de quitter tout supposer que les situations relatives au droit pays, y compris le sien, et de revenir dans d’asile n’étaient nullement prises en compte. son pays. 2. Lors d’opérations d’identification Article 13.2 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme (Dudh) du 10 décembre 1948 Dans le cadre du projet-pilote « Attica », mis en œuvre en 2009 en Grèce pour assister les Toute personne est libre de quitter autorités locales dans l’identification des migrants n’importe quel pays, y compris le sien. irréguliers et leur renvoi dans leur pays d’origine, Article 12.2 du Pacte international relatif des représentants de FRONTEX et des experts aux droits civils et politiques mandatés par les États membres ont participé, aux côtés de fonctionnaires grecs, à l’interview de personnes qui avaient franchi illégalement la La mise en place par FRONTEX d’opérations se frontière et avaient été placés dans des camps de déroulant dans les eaux territoriales de pays détention. Dans son rapport 2009, FRONTEX se tiers et avec l’aide de leurs forces de police ou de félicite de ce déploiement d’interprètes parlant sécurité fait peser de sérieux risques quant au diverses langues. Ce dispositif avait permis respect du principe posé par la DUDH et par le d’identifier un nombre significatif de personnes PIDCP. L’examen des conditions dans lesquelles se faisant passer pour des ressortissants de pays se sont déroulées les opérations HERA depuis confrontés à la guerre civile ou a des violences 2006, avec pour objectif de protéger les ethniques, sans que soient précisés ni le statut ni la portée du rôle de ces interprètes (simple [10] “Migration : Fortress europe starts With Greece”, IPS, 31 January 2010. [9] ibid. [11] UNHCR, press release, 16 June 2010. 10
Après l’arraisonnement d’un bateau de migrants à Tenerife (îles Canaries), 2006 demandant combien, parmi ce « millier de personnes » supposées avoir été empêchées de quitter le Sénégal, auraient pu prétendre à îles Canaries contre les arrivées de cayucos une protection internationale si elles avaient chargés de migrants en provenance des côtes pu rejoindre l’Espagne ? mauritaniennes et sénégalaises – et présentées comme un grand succès par FRONTEX (2006), Accessoirement, on peut également se puisqu’elles ont contribué à quasiment tarir demander, comme dans le cas grec évoqué cette route migratoire vers l’Europe – est un plus haut, quelles techniques d’interrogatoire bon terrain d’analyse à cet égard. ont été utilisées pour obtenir ce résultat performant de « 100 % » de réussite… Un volet de ces opérations concerne l’identification des migrants arrivés par mer Trois ans plus tard, le même scénario, inscrit aux Canaries, et placés dans des centres de dans le cadre de la mise en œuvre désormais détention. Dans son rapport général 2006, permanente d’HERA, est mis en évidence FRONTEX se félicite que ses experts, avec s’agissant des départs de migrants depuis la les autorités espagnoles, aient pu identifier Mauritanie et le Sénégal. Ainsi FRONTEX (2009) « 100 % des migrants clandestins » qu’ils se félicite-t-elle de la réduction du nombre de avaient interviewés, et souligne : « grâce aux migrants interceptés dans cette région, grâce informations recueillies lors des entretiens, il à « une surveillance aérienne et maritime a été possible d’interpeller plusieurs passeurs, optimisées » à proximité des territoires des deux essentiellement au Sénégal, et d’éviter le pays, avant même, donc, que les candidats à la départ de plus d’un millier de personnes ». Une traversée ne quittent la côte africaine. Le réseau affirmation qui fait s’interroger l’organisation Migreurop, qui a pu consulter des documents Amnesty International sur « les bases sur de la Sûreté nationale mauritanienne faisant lesquelles [a] été calculé ce chiffre d’un état de personnes « interceptées suite à millier de personnes dont le départ avait été évité »[12]. On complètera la question en se sonne ne veut de nous » ; arrestations et expulsions collectives de migrants interdits d’Europe, juillet [12] Amnesty International, Mauritanie : « per- 2008, AFR 38/001/2008. [disponible sur Internet] 11
une tentative d’un voyage clandestin vers (cf. ci-dessus). On notera qu’il s’agit là d’une l’Europe » (29 septembre 2009), confirme ces position très inquiétante dès lors que l’Agence entraves au droit de quitter le territoire d’un est habilitée à passer des accords avec des pays pays (en l’occurrence la Mauritanie)[13]. tiers qui ne sont pas liés, au même titre que les États membres de l’UE, par des engagements C’est ici la « déterritorialisation » des contraignants dans le domaine des droits opérations coordonnées par l’Agence qui fondamentaux, ou qui sont connus pour les est en cause. Dans un contexte de dilution enfreindre. des responsabilités (v. Partie II), il est difficile d’identifier qui, de FRONTEX, des autorités des Sans nous étendre ici sur les risques évidents qui États membres qui collaborent aux opérations, sont encourus par les personnes renvoyés en de celles des États tiers qui y sont impliqués sur Libye, la situation des migrants et réfugiés dans la base d’accords conclus avec l’agence ou dans ce pays étant largement documentée par de le cadre du partenariat bilatéral qui les lie avec nombreuses études, analyses et enquêtes ainsi un État membre, est appelé à répondre des que par la presse[14], on mentionnera l’exemple violations commises. mauritanien, qui vient également conforter ces inquiétudes. De façon récurrente, depuis C. Traitements inhumains et plusieurs années, des observateurs attestent des mauvais traitements qui sont infligés dégradants aux migrants en Mauritanie soit lorsqu’ils Nul ne peut être soumis à des traitements sont interpellés parce qu’ils sont en situation inhumains ou dégradants irrégulière – et parfois même s’ils travaillent légalement – soit lorsqu’ils sont internés Article 3 de la Convention européenne dans le centre de détention de Nouadhibou de sauvegarde des droits de l’homme (qualifié de Guantanamito par les migrants). et des libertés fondamentales Dans son rapport 2009-2010 sur les frontières de l’Europe, le réseau Migreurop, s’appuyant Nul ne peut être soumis à la torture, ni à sur ses propres enquêtes ainsi que sur les des peines ou traitements inhumains ou rapports d’autres organisations, notamment dégradants. Amnesty International, le CEAR (Commission Article 4 de la Charte espagnole d’aide aux réfugiés) et l’Association des droits fondamentaux de l’UE mauritanienne des droits de l’homme, consacre un long développement à ces violations 1. Dans les pays de renvoi répétées des droits humains en Mauritanie, faites de violences, d’humiliations, de vols, de On a déjà vu ci-dessus, à travers la déclaration rackets et de comportements arbitraires de la de son directeur adjoint dans l’affaire des part des forces de l’ordre[15]. Cet état de fait boat people remis aux mains des garde-côtes bien connu n’empêche pas FRONTEX, dans libyens en juin 2009, que FRONTEX ne se son rapport général 2009, de citer l’opération considère pas comme responsable d’apprécier HERA comme « la plus réussie » qu’ait menée si les droits humains sont respectés ou non l’agence, grâce à « la coopération étroite avec dans le pays vers lequel sont refoulés des les pays d’Afrique de l’Ouest » – parmi lesquels migrants lors d’opérations qu’elle coordonne la Mauritanie – et en particulier grâce aux [14] Voir par exemple les nombreux articles consa- [13] Migreurop, « Les pays sahélo-sahariens, nou- crés aux non-respects des droits des migrants sur le velles vigies de l’Europe » in Aux frontières de l’Eu- site Fortress Europe rope ; Contrôles, enfermements, expulsions, Rap- port 2009-2010. [15] Migreurop, op. cité 12
arrestations qui y sont effectuées, faisant ainsi Jusqu’en 2009, les ressortissants du Nigeria totale abstraction du traitement qu’y subissent ont été les plus concernés par ces opérations : les personnes arrêtées. deux vols ont été organisés en 2007 pour une centaine de personnes contre dix-sept vols en 2. Au cours des opérations 2009 pour plus de huit cents personnes. En conduites par FRONTEX 2009, les expulsions groupées vers ce pays ont été organisées par l’Autriche (4)[16], l’Italie (3), Les expulsions collectives d’étrangers sont l’Irlande (2), les Pays-Bas (2), le Royaume-Uni interdites. (2) et la Suisse (1). La quasi-totalité des États membres ont participé à ces opérations. Article 4 du Protocole no4 à la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales Actes de violence 1. Les expulsions collectives sont interdites. Ces opérations – visant à renvoyer dans leur pays d’origine des personnes contre leur gré 2. Nul ne peut être éloigné, expulsé ou – sont souvent sources de violences. Il est extradé vers un État où il existe un risque rare de pouvoir recouper des informations sérieux qu’il soit soumis à la peine de sur leur déroulement, puisque les personnes mort, à la torture ou à d’autres peines ou sont éloignées de force et qu’on ne connaît traitements inhumains ou dégradants. généralement pas le sort qui leur est réservé à l’arrivée. Il est donc difficile d’établir ou de Article 19 de la Charte maintenir avec elles un contact. Cependant, des droits fondamentaux de l’UE régulièrement, certains témoignages d’expulsés font état de violences se traduisant par des L’idée de mettre en place des vols auxquels humiliations, des insultes, de l’agressivité, des plusieurs États membres participeraient pour coups jusqu’au tabassage durant les tentatives expulser un grand nombre de ressortissants d’embarquement. Ces sévices mènent les vers leur pays d’origine, a été lancée en juillet étrangers rencontrés à vivre dans une profonde 2005 à Evian par les ministres de l’Intérieur angoisse : jambes sanglés et poignets menottés, de cinq pays de l’Ue (Allemagne, Espagne, la bouche parfois recouverte pour empêcher France, Grande-Bretagne et Italie). Ce projet la personne de parler ou hurler, quand ce s’appuyait notamment sur le règlement de n’est pas l’usage de sprays paralysants qui création de l’agence FRONTEX qui, dans son empêche de crier. L’action des agents, souvent article 9, prévoit l’organisation « d’opérations en uniforme, chargés d’exécuter ces mesures de retours conjointes ». coercitives marque autant leurs victimes que les autres étrangers maintenus dans les centres de Entre 2006 et 2009, FRONTEX a accéléré rétention ; ils deviennent des « transmetteurs considérablement le rythme des expulsions d’inhumanité »[17]. groupées, passant de 1 à 28 vols organisés (soit près de 1 % de l’ensemble des expulsions mises en oeuvre par les États membres de l’Ue, au cours de la même période). Parallèlement le nombre total d’étrangers expulsés est passé entre 2008 et 2009 de 801 à 1 622 personnes. Le budget est en constante augmentation et [16] Entre parenthèses est indiqué le nombre devrait avoisiner les 9,4 millions d’euros en d’opérations que le pays a coordonné avec l’agence. 2010. [17] Agier Michel (2002) Aux bords du monde, les réfugiés, Paris, Flammarion, 187 p. 13
Année 2006 2007 2008 2009 2010* Retours conjoints 1 15 15 32 32 Nombre de personnes - 428 801 1 622 - concernées Tableau 1 – Les opérations de retour conjointes sous l’égide de Frontex Source : Frontex (-) Information non disponible * Pour l’année 2010, les statistiques concernent seulement les neuf premiers mois. À chaque opération, plusieurs États membres sécurité se sont aperçus que PBBB, qui a de sont impliqués, en conséquence certains avions graves problèmes de circulation, souffrait des sont amenés à faire des arrêts dans plusieurs jambes à la suite de sa longue immobilisation. aéroports européens. Ces arrêts successifs L’équipe médicale, appelée, a déclaré alors engendrent une attente disproportionnée qu’il n’était pas en état d’être dans un vol pour les étrangers qui sont parfois entravés, d’expulsion. Les agents de sécurité ont alors situations qui peuvent mettre en danger la autorisé PBBB à marcher. «C’est en Espagne santé des personnes. que ça a été le plus affreux (…) beaucoup de personnes ont été maltraitées, (…) les Deux témoignages d’étrangers expulsés qui détenus étaient insultés, la police les agressait sont restés en contact avec des amis en Europe verbalement et les battait » Lorsque PBBB a font état de mauvais traitements subis lors de demandé à des policiers espagnols la raison vols groupés coordonnées par FRONTEX ont de ces mauvais traitements, ces derniers ont été mis en ligne sur le site Mille Babords[18] : commencé à le frapper jusqu’au moment où les policiers anglais leur ont dit d’arrêter, à ➜➜ Expulsion dans un vol groupé le 3 février cause de son état. 2010, depuis la Grande-Bretagne vers le Nigéria. Le récit est celui de PBBB : transféré ➜➜ Expulsion dans un vol groupé le 10 mars en bus, avec d’autres personnes, depuis le 2010, vol Paris-Lagos (Nigeria) avec escale centre de rétention de Tinsley House pour à Madrid (Espagne), organisé par la France, gagner l’aéroport, il y est resté de 11 heures coordonné par FRONTEX. Le récit est rapporté à 18 heures, sans pouvoir sortir du véhicule, comme étant celui d’un des expulsés, avec interdiction de se lever, chaque détenu prénommé Ricky, embarqué à l’aéroport de étant escorté par deux agents de sécurité, Schiphol vers le transfert duquel les policiers avant d’embarquer dans l’avion. Selon PBBB, lui ont mis des menottes aux mains et l’ont « des enfants pleuraient (…) en voyant la entravé avec un « bodycuff » à la taille. À façon dont leurs parents étaient traités. [Des] l’aéroport, ils lui ont aussi attaché les pieds mineurs séparés de leurs parents portaient la et ensuite expulsé dans un avion privé pour tristesse sur leurs visages ». Lors d’une escale Paris, avec une escorte de trois policiers et à Dublin, d’autres expulsés ont été amenés, un médecin. Le voyage entre Amsterdam les mains entravées par des menottes, se et Lagos a au total duré presque 24 heures. plaignant d’avoir été battus. L’avion s’est À Lagos, on l’a sorti de l’avion sans lui ensuite arrêté à Madrid, où des agents de remettre de certificat médical ni lui donner de médicaments comme cela avait été promis à [18] http://www.millebabords.org/spip.php?article13938 14
son avocat par le Department of Repatriation qu’il ne soit expulsé vers le Nigeria dans un vol and Departure. L’intéressé a reçu 50 euros commun coordonné par l’Autriche et l’agence pour payer les transports et survivre les FRONTEX. premiers jours. Il raconte : I was deported on the 3rd March 2010 Ont été embarqués dans un très vieil after spending two years and three avion de la compagnie Egyptair : 8 months at immigration detention center Nigérians de Norvège, 5 Nigérians du of Block 10, located in Nicosia. On the day of the Danemark, 8 à 10 Nigérians de France, 1 Nigérian event, I was informed by the immigration officer des Pays-Bas. En Espagne ont été embarqués 20 that I was due for transfer to Vienna to meet the autres Nigérians. Parmi les passages, on comptait new constituted European council responsible of 10 à 15 femmes et 2 à 3 enfants. Chaque expulsé-e asylum seekers. I accepted this move without était personnellement escorté-e par 3 policiers du knowing that I was heading for deportation, this pays qui les expulse, et du personnel médical des means that I made no previous plan. I requested to Pays-Bas et de France. go with my valuable but this opportunity was denied by the immigration who promised that I Tou-te-s les expulsé-e-s étaient menotté-e-s mains must be back in Cyprus in two days time. We met a et pieds (avec une sangle qui attache les menottes man in the Airport Mr. Androu Marous who des mains à celles des pieds) et entravé-e-s par un confirmed that he worked in the Ministry of Finance, “bodycuff” (fixation de la taille et des mains). Ils he also confirmed that we shall return after two ont juste été détaché-e-s avant d’arriver à Lagos. days in Austria. An immigration officer forcefully pulled the handcuff and inflicted wounds on my Il y a eu du retard à Madrid, causé par la résistance wrist and it bleed. des quelques 20 expulsé-e-s à l’embarquement. Durant le vol, aucun repas chaud ne leur a été servi, When we got to Vienna, a combined police team juste du pain et du fromage, ce qui n’a pas du tout (Cyprus and Austrian Police) dehumanized me, tied suffi. Pas de télévision, ni de radio sur ce vol. me up and threw me into the flight. This is one of the worst things I have experienced so far. I requested Ils ont été relâché-e-s dans la partie réservée aux to be deported with my family, I also asked for my cargos de l’aéroport de Lagos.“ valuables, money. They promised to give me when we get to Nigeria but such never happened. Abus de confiance On 4th March, 2010, we got to Nigeria. The Nigerian Migreurop a pour sa part recueilli le immigration seized all traveling documents. I was témoignage d’un ressortissant nigérian – told to go to Alagbo Police station if I need the Chigozie Emegoakor (l’identité est réelle car documents. I refused to go with the immigration l’intéressé veut faire connaître sa situation)[19] – insisting that I must be given my money, they qui a été conduit en Autriche par les autorités brought Nigerian police in the flight who over chypriotes sous un prétexte mensonger : powered me. Finally, I was left stranded in the les policiers chypriotes lui avaient promis Airport.” qu’il devait se rendre à Vienne pour que sa demande d’asile soit à nouveau instruite[20]. En réalité, Vienne n’était qu’un transit avant Cette situation n’est pas exceptionnelle. Les conditions familiales de cet homme expulsé n’ont nullement été prises en compte, seule [19] Témoignage recueilli au mois de septembre 2010 par Olivier Clochard. semble importer la rentabilisation du vol commun. Chigozie Emegoakor est père de [20] Il n’a donc pris aucune de ses affaires person- nelles, et n’a pu récupérer l’argent qu’il avait gagné deux enfants nés et vivant à Chypre. Âgés durant les années où il a vécu à Chypre. 15
de deux et sept ans, ils y sont restés avec son mobilisées lors des « opérations de retours épouse. conjointes ». Il n’existe aucune information sur les règles applicables lors des renvois groupés À la suite de plusieurs décès de personnes impliquant plusieurs États membres, et survenus lors d’expulsions organisées par des l’Agence n’a jamais communiqué sur l’existence États membres[21], certains gouvernements ont de protocoles éventuellement mis en œuvre élaboré des règles précisant les techniques lors des retours qu’elle coordonne. Au vu du d’immobilisation des personnes concernées nombre important de personnes expulsées et les matériels que les forces de l’ordre sont dans le cadre d’opérations de JRO sous l’égide habilitées à utiliser. Le manque de clarté dans de FRONTEX, on peut légitimement s’inquiéter la distribution des responsabilités entre les quant aux risques de survenance de ce type de États membres et l’agence FRONTEX (v. Partie drame. II) ne permet pas de savoir si ces règles sont [21] Voir le site Internet de Statewatch qui men- tionne les différentes situations. 2007 2008 2009 Total Nombre de vols Nombre de vols Nombre de vols Nombre de vols Ressortissants Ressortissants Ressortissants Ressortissants Destination(s) Albanie et Kosovo 36 1 - - 203 4 239 5 Arménie et Géorgie - - - - 56 2 56 2 Bangladesh - - 69 1 - - 69 1 Bénin et Togo 13 1 - - - - 13 1 Cameroun 29 2 - - - - 29 2 Cameroun et Ghana 28 1 - - - - 28 1 Cameroun et Nigeria - - - - 52 1 52 1 Cameroun et Togo 47 2 - - - 47 2 Colombie et Equateur 132 2 293 3 183 2 608 7 Côte d’ivoire et Togo - - - 6 1 6 1 Gambie et Nigeria - - 102 2 30 1 132 3 Ghana - - 6 1 - 6 1 Géorgie - - - - 89 3 89 3 Kosovo 22 1 17 1 - - 39 2 Mongolie - - 44 1 124 2 168 3 Nigeria 98 2 164 4 767 15 1 029 21 Pakistan 23 1 106 2 - - 129 3 Vietnam - - - - 112 1 112 1 Totaux 392 12 801 15 1 419 28 2 612 55 Tableau 2 – Ressortissants du Nigeria, Colombie et Equateur principalement concernés par les « opérations de retours conjointes » (2007 - 2009) Source : Frontex 16
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