ÉTUDE SUR L'ÉDUCATION: L'ENSEIGNEMENT DES IMMIGRÉS DANS L'UNION EUROPÉENNE - Direction Générale des Études

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Direction Générale des Études

           Document de travail

   ÉTUDE SUR L'ÉDUCATION:

L'ENSEIGNEMENT DES IMMIGRÉS

  DANS L'UNION EUROPÉENNE

        Série "Éducation et Culture"

              EDUC 100 FR
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ÉDITEUR :          Parlement européen
                   Direction Générale des Études
                   L - 2929 Luxembourg

RESPONSABLE :             D.M. MORINA, Administrateur Principal
                          Tél. : (352) 4300-22924
                          Fax : (352) 4300 27720
                          Division des Affaires Sociales et de l'Emploi, de la Santé Publique et de
                          la Protection des Consommateurs, des Droits de la Femme, de la Culture,
                          de la Jeunesse, de l'Éducation et des Médias.

AUTEURS :                 Monsieur Léonce Bekemans, professeur permanent au Collège d'Europe
                          à Bruges(B) et Mme Yera Ortiz de Urbina, ancienne étudiante du
                          Collège d’Europe.

Les points de vue exprimés, qui n'engagent pas le Parlement européen en tant qu'institution, sont
de la responsabilité exclusive de son auteur.

Reproduction et traduction autorisées, sauf à des fins commerciales, moyennant mention de la
source, information préalable de l'éditeur et transmission d'un exemplaire à celui-ci.

Manuscrit achevé en novembre 1997
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nérale des Études

                       Document de travail

               ÉTUDE SUR L'ÉDUCATION:

         L'ENSEIGNEMENT DES IMMIGRÉS

             DANS L'UNION EUROPÉENNE

                    Série "Éducation et Culture"

                          EDUC 100 FR

                              1-1998
L'enseignement des immigrés dans l'Union européenne

                                            TABLE DES MATIERES

PRÉFACE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

INTRODUCTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
     Présupposés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

I- PREMIÈRE PARTIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
      1- Le contexte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
      2- L’état des lieux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
             A- Quelques données sur la migration . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
             B- Les enfants des migrants à l’école . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
             C- L’action de l’UE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

II- DEUXIÈME PARTIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .23
      1- Les objectifs et les instruments . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
             A- Les objectifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
             B- Les instruments . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
      2- Les approches . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .28
             A- L’analyse politique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
             B- L’analyse juridique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
             C- L’analyse sociétale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
                     -le cadre économique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
                     -la notion d’éducation interculturelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
                     -l’enseignement des langues . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
                     -la formation des enseignants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
                     -les nouveaux instruments pédagogiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
                     -les liens sociaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41

III- CONCLUSIONS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .45
       1- Évaluation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .45
       2- Prospective ouverte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47

ANNEXES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .51

BIBLIOGRAPHIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .89

                                                               3                                                    PE 167.225
L'enseignement des immigrés dans l'Union européenne

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L'enseignement des immigrés dans l'Union européenne

« L’école ne continue pas la vie des familles, elle inaugure et prépare la vie des sociétés ».

                                            PRÉFACE

Nous avons été sollicités pour établir une étude sur l'enseignement des immigrés dans l'Union
Européenne (UE). L'étude se situe dans un cadre multiculturel des politiques d'éducation de l'UE,
et veut contribuer à la réflexion sur l'éducation des enfants des migrants de l'UE dans les cas
spécifiques de l'enseignement maternel, primaire et secondaire. Une telle étude s'insère dans la
double préoccupation d'un processus d'intégration européenne ultérieure et du respect de la diversité
culturelle dans l'application des politiques européennes.

L'objectif de l'étude est, d'une part, une réflexion basée sur des données qualitatives et quantitatives
des actions entreprises par l'UE et par les États Membres dans l'enseignement des immigrés dans
l'UE, et d'autre part, un essai d'identifier les problèmes, les lacunes et les opportunités de l'avenir
pour l'enseignement des immigrés dans l'UE.

Nous avons divisé l'étude en deux parties. Dans une première partie, nous introduisons d'une
manière descriptive le contexte et présentons un état des lieux basé sur une analyse quantitative,
qualitative et comparative des données sur la population immigrée dans les systèmes éducatifs
européens.

Dans une deuxième partie, nous analysons les actions de l'UE dans l'enseignement des immigrés
en étudiant ses objectifs et ses instruments ainsi que les programmes communautaires récents,
notamment SOCRATES et son action spécifique pour les enfants des migrants dans le cadre de
COMENIUS. Dans l'élaboration concrète des aspects les plus importants des actions en matière de
l'enseignement des immigrés dans l'UE ainsi que dans l'aperçu critique des problèmes, lacunes et
opportunités des programmes nous avons suivi une analyse politique, juridique ainsi que socio-
économique afin d'avoir une vue globale des enjeux.

Dans la conclusion, nous tentons d'identifier et d'évaluer des problèmes et des perspectives pour
l'avenir de l'enseignement des immigrés dans l'UE, mis dans un cadre ouvert qui accepte l'éducation
comme instrument de transformation de la société.

Pour réaliser cette étude, nous avons recueilli des données statistiques et des informations
qualitatives sur l'enseignement maternel, primaire et secondaire des immigrés dans l'UE à travers
une analyse approfondie de la littérature scientifique et spécialisée, des documents officiels des
organisations européennes et internationales et à travers des entretiens informels avec les
spécialistes qui s'occupent du thème dans les organisations européennes, que nous tenons à
remercier.

Il va sans dire qu'une telle étude ne peut être exhaustive mais se veut être une contribution à la
recherche d'information quantitative, qualitative et comparative relative à l'éducation interculturelle

                                                   5                                            PE 167.225
L'enseignement des immigrés dans l'Union européenne

dans l'UE. Le thème de l'enseignement des immigrés dans l'UE s’insère dans une pensée sociale qui
pourrait mener l'Europe à un futur meilleur.

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L'enseignement des immigrés dans l'Union européenne

                                         INTRODUCTION

PRÉSUPPOSÉS

Le point de départ fondamental de l’étude est l’importance croissante de l’éducation et de la
migration dans le débat européen général. L’action accomplie par l’UE jusqu’à présent montre un
état plus avancé de la coopération entre les États membres dans le domaine de l’éducation que dans
celui de l’immigration. Désormais, l’immigration constitue une donnée de caractère global qui
affecte l’ensemble du tissu social et qui doit être prise en compte dans l’élaboration de toute
politique sociale, comme dans le cas de la politique d’éducation. Sur cette base, on peut présenter
les points de départ qui guident cette étude:

. L’importance de l’éducation pour les États membres comme sujet politique et culturel et comme
voie de socialisation des citoyens n’a pas empêché une intense coopération au niveau européen,
surtout dans l’enseignement supérieur. D’abord, comme mesure d’accompagnement à l’achèvement
d’un Marché Unique complet et efficace, et ensuite, depuis le Traité de Maastricht, avec l’objectif
du développement d’un espace éducatif avec une dimension européenne. À ce moment-là, la
diversité culturelle des sociétés européennes, à laquelle s’ajoute la présence d’un nombre croissant
d’immigrés, est reconnue comme une réalité sociale. Si auparavant l’éducation des immigrés avait
fait l’objet de mesures concrètes et isolées dans le cadre du programme d’action lancé en 19761 et
de la Directive 77/486/CEE2 , maintenant la notion d’éducation interculturelle devient le fondement
de toute action de l’UE dans le domaine éducatif, notamment dans le cadre du programme
SOCRATES.

.       Dans cette approche autour de la notion d’éducation interculturelle, l’éducation doit être
comprise comme une condition pour développer non seulement la créativité individuelle, mais aussi
une meilleure participation à la vie sociale, économique, culturelle et politique et comme une
contribution plus efficace au développement humain. Pour cela, l’éducation doit se développer
d’une façon efficace et concrète en lien étroit avec la société : le phénomène éducatif ne doit pas
être séparé du phénomène social. Il faut traiter le sujet de l’immigration non seulement en termes
de différences culturelles mais aussi en termes socio-économiques et créer les conditions pour que
les immigrés puissent participer pleinement à la vie politique, sociale et économique de l’UE. Cette
participation agit comme véhicule à travers lequel la sphère sociale s’intègre dans la conscience des
individus, et permet à l’individu de se reconnaître comme partie d’une communauté, en contribuant

 1
         Résolution du Conseil et des ministres de l'éducation réunis au sein du Conseil datée du 9/2/1976 et
         comportant un programme d'action en matière d'éducation. JOCE No C38 du février 1976.

     2
         Directive du Conseil 77/486/CEE du 25 juillet 1977 visant à la scolarisation des enfants de travailleurs
         migrants. JOCE No L199/32 du 6/8/1977. Ces actions avaient été cependant précédées par le
         règlement 1612/68 relatif à la libre circulation des travailleurs dans lequel on reconnaissait l’égalité
         dans les conditions d’admission. Règlement CEE No 1612/68 du Conseil daté du 15/10/1968 relatif à
         la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la CE. JO No L257 du 19/10/1968.

                                                        7                                            PE 167.225
L'enseignement des immigrés dans l'Union européenne

avec sa propre expérience au développement commun. La diversité culturelle résultante contribue
à développer le caractère innovateur et dynamique des sociétés3.

.       Finalement, il est important de remarquer que si auparavant l’éducation des immigrés en
Europe accompagnait l’achèvement d’un espace de libre circulation des personnes4, aujourd’hui,
avec l’élargissement du champ d’application aux enfants des immigrés originaires des pays tiers,
le sujet de l’éducation des immigrés se pose en termes politiques et de droits de l’homme et non
plus en termes économiques liés au Marché Intérieur. Ainsi, les questions relatives à l’enseignement
des langues aux immigrés d’origine non-communautaire se posent en d’autres termes que celles
concernant l’enseignement des langues aux ressortissants des États membres. Du point de vue du
droit communautaire, la libre circulation des travailleurs et des membres de leurs familles doit être
distinguée de l’intégration des immigrés, en raison du problème posé par le niveau de jouissance
de la libre circulation des personnes. Cette distinction est à l’origine de la confusion entre les
concepts de migrants (notion utilisée pour parler de la migration à l’intérieur de l’espace
économique européen) et d’immigrés (notion utilisée pour parler des ressortissants des pays tiers).

@        On peut donc affirmer que l’immigration constitue aujourd’hui une opportunité décisive de
transformation d’enrichissement du contenu conceptuel de l’état de droit et de la démocratie,
fondements de l'UE. La clé de ces fondements est la garantie et l’expansion des droits de l’homme.
Il ne s’agit pas d’une exigence d’humanité envers ceux qui n’ont pas nos privilèges, il s’agit d’une
question de cohérence avec la logique des droits de l’homme et avec la notion de l’éducation
interculturelle.

  3
        Report of the World Commission on Culture and Development, Our Creative Diversity, UNESCO
        Publishing, 1995, page 26.

  4
        Comme le dit le Rapport de Mme P.J. Viehoff sur l’éducation des enfants des travailleurs migrants, PE
        -1-329/81, page 7, "l’absence de mesures favorisant l’éducation des enfants des travailleurs
        étrangers entraverait la libre circulation des travailleurs et bafouerait le principe de l’égalité de
        traitement des personnes dans les États Membres. C’est pourquoi ce problème est étroitement lié à celui
        de la réalisation d’un marché libre".

                                                      8                                             PE 167.225
L'enseignement des immigrés dans l'Union européenne

                                   I- PREMIÈRE PARTIE

1 - LE CONTEXTE

«La condition humaine se développe dans un contexte politique, économique et social qui
conditionne les politiques de l’éducation de l’Europe plurielle5 ». Le contexte actuel conditionne
l’action de l’Union Européenne (UE) et des États Membres dans le domaine éducatif avec
l’imposition de défis et de besoins d’une importance croissante. Il s’agit d’un contexte caractérisé
par des processus comme la libre circulation des personnes au sein de l’UE, l’internationalisation
du marché du travail, l’augmentation continue des taux d’immigration, etc. Ces dynamiques
rendent nécessaire la réflexion sur la façon dont les divers systèmes éducatifs peuvent coopérer
et répondre aux nouveaux besoins : les besoins éducatifs des enfants qui sont exposés, entre
autres, à un environnement plus divers culturellement.

Malgré la diversité qui caractérise les systèmes éducatifs en Europe, ils sont sans doute confrontés
à des défis similaires non seulement sous la pression des mutations économiques et sociales, mais
aussi en raison de l’évolution même de l’intégration européenne6 . D’ailleurs, la part des enfants
des immigrés dans la population scolaire européenne a tendance à s’accroître. Les changements
intervenus au cours des années 80 dans les types de migration font que tous les pays de l’UE sont
à présent des pays d’immigration7. On peut donc parler d’un développement général de la
diversité linguistique et culturelle au sein des États Membres et d’une conséquente apparition de
communautés linguistiques et culturelles nouvelles, qui confrontent les systèmes d’enseignement
et les établissements scolaires à la nécessité d’intégrer tous les élèves dans un cadre éducatif,
susceptible d’assurer l’égalité des chances et la réussite optimale de tous les élèves, tout en
respectant les identités culturelles spécifiques.
Cette argumentation explique en partie les fondements des nouveaux programmes lancés par l’UE.
Ils soutiennent surtout la coopération transnationale pour trouver des solutions adaptées aux
besoins éducatifs particuliers de chaque pays, région ou localité à travers des échanges
d’expériences.
Ainsi, il s’agit d’explorer les potentialités de l’éducation interculturelle et du facteur de
changement qu’amène la présence des groupes d’immigrés dans les écoles et dont tous les enfants
pourraient bénéficier de manière durable. Cette recherche coïnciderait avec le souci déjà exprimé
par les autorités éducatives et les écoles d’un besoin de modernisation des programmes scolaires
provoqué par l’internationalisation des échanges et des communications.

 5
         Bekemans, L., La dimension européenne dans l'enseignement des sciences économiques, sociales et
         politiques : un enjeu fondamental, Collège d'Europe, 1994, page 1.
     6
         Vademecum Socrates, 1995, page 11.

     7
         Commission Européenne, La Communauté du Savoir – L’éducation interculturelle, 1994, page 7.

                                                    9                                             PE 167.225
L'enseignement des immigrés dans l'Union européenne

Au-delà de cette ambiance de réforme, l’intérêt de l’éducation interculturelle réside dans le fait
qu’elle s’adresse à tous les enfants, spécialement dans le cadre du développement de la
citoyenneté européenne qui diminue pour les immigrés communautaires la distinction entre
immigrés et locaux, mais aussi dans le cadre d’une préoccupation croissante sur la montée de
l’exclusion sociale et du racisme en Europe.
Cette préoccupation est aussi une des caractéristiques du contexte dans lequel s’inscrivent ces
mouvements migratoires et les politiques d’éducation. En Europe de l’Ouest, l’embauche massive
de travailleurs immigrés commença pendant les années d’expansion de la décennie 1960. Après
le choc pétrolier de 1973 et la récession qui la suivit, les travailleurs étrangers furent encouragés
à rentrer chez eux. Après une baisse au début des années 80, la proportion de population étrangère
a augmenté progressivement. Mais, à la différence des années 60, ce dernier boom de la
croissance, à laquelle il faut ajouter le regroupement des familles et l’arrivée à l’âge de la maturité
des migrants de deuxième et troisième génération résidants de plein droit, a eu lieu dans un
environnement de chômage croissant qui exacerbe les tensions sociales et développe la
xénophobie.

C’est donc en 1992, que l’UE a officiellement reconnu cette dimension et a placé l’éducation
interculturelle dans le cadre des préoccupations sur la montée du racisme et la xénophobie8 et sur
la lutte contre l’exclusion sociale. Le Conseil Européen lors du Sommet d’Edimbourg en 1992,
déclarait que des mesures fermes et efficaces devraient être prises afin de lutter par la voie de
l’enseignement et par celle des lois contre toute forme de préjudice causé aux étrangers9. C’est
le contexte de la naissance du programme d’action SOCRATES et de l’idée de la dimension
européenne de l’éducation. Dans ce programme, on parle de l’importance du degré de flexibilité
au sein des systèmes socioculturels pour intégrer politiquement, économiquement et
culturellement la population immigrée en dehors de toute pensée dans le pays d’accueil qui
considérerait les immigrés comme une menace à l’identité culturelle, aux politiques publiques et
à la stabilité du marché du travail.
Dans la résolution sur 1997, Année Européenne contre le Racisme, le Conseil exprimait sa
préoccupation quant à la persistance du racisme et des attitudes xénophobes qui nuisent à la
cohésion économique et sociale dans l’UE et qui peuvent constituer un obstacle à l’exercice
effectif des droits à la libre circulation, et formulait la nécessité de les combattre au niveau local,
national et régional, entre autres, à travers l’éducation.10

2 - L’ÉTAT DES LIEUX

  8
         Selon la Commission Européenne, le racisme et la xénophobie sont des croyances ou des attitudes
         fondées sur des stéréotypes ou des craintes irrationnelles de *l’autre+ ; le racisme est la *croyance que
         la race est le déterminant principal du caractère et des capacités de l’individu et que les différences
         raciales donnent la supériorité intrinsèque à une race particulière ; et la xénophobie est la peur et la
         haine des étrangers ou de toute chose étrange ou étrangère+, Commission des CE, Moyens juridiques
         pour combattre le racisme et la xénophobie, décembre 1992, Luxembourg, 1993.

   9
         Conclusions du Conseil Européen, Sommet d’Edimbourg, décembre 1992.

  10
         Résolution du Conseil et des représentants des Gouvernements des États Membres, réunis au sein du
         Conseil, du 23 juillet 1996, concernant l’Année Européenne contre le Racisme (1997).

                                                       10                                             PE 167.225
L'enseignement des immigrés dans l'Union européenne

A - QUELQUES DONNÉES SUR LA MIGRATION

Pour avoir une vue plus détaillée du contexte dans lequel l’UE agit, il faut d’abord regarder les
caractéristiques de la population migrante, qui sont présentées par les indicatifs qui suivent.

Le tableau I montre que dès le début des années 80, presque tous les États membres de la CE
étaient des pays d’immigration. Les taux les plus élevés concernent la Belgique, la France,
l’Allemagne et le Luxembourg. Ces pays ont donc plus d’expérience dans le domaine de
l’intégration sociale des immigrés. On note aussi une importante augmentation aux Pays-Bas,
un État membre des plus actifs dans le développement des mécanismes pour l’insertion des
immigrés par l’éducation.

Tableau I:       Aperçu statistique global de l’évolution de la présence des immigrés et des minorités ethniques
dans les États membres de la CE dans les années 80.Population étrangère comme pourcentage de la population.

 Pays                       1980                       1985                       1988
 B                          8.9                        9.1                        8.7
 DK                         2.0                        2.1                        2.6
 D                          7.2                        7.2                        7.3
 G                          0.7                        1.0                        2.2
 E                          0.5                        0.6                        0.9
 F                          -                          7.4                        6.6
 IRL                        -                          -                          2.4
 I                          0.4                        -                          0.8
 L                          26.0                       27.0                       25.8
 NL                         3.4                        3.9                        4.1
 P                          1.1                        0.8                        0.9
 UK                         3,0                        3.0                        3.1
 EUR 12                     -                          -                          4.0

Source: EUROSTAT, dans “General Secretariat of the Council, Presidency Note on Cultural and Linguistic
Diversity in the Education Systems of the EC – The challenges of the 1990’s, SN 4134/91 (EDUC), 14
November 1991”.

Le tableau II montre l’évolution de la croissance des soldes migratoires des États membres avec
un chiffre global au niveau de l’UE en 1994 trois fois plus élevée que celui de 1970. Dans le cas
de la Belgique, de l’Allemagne, de l’Espagne, de l’Italie et du Royaume-Uni le changement de
tendance (de grande portée et progressivement croissante) a lieu à la fin des années 70 et au
début des années 80. Le Luxembourg et les Pays-Bas, qui ont une tradition plus ancienne
d’accueil des immigrés, connaissent une augmentation surtout à la fin des années 80. Par contre,
l’Irlande apparaît comme étant un pays d’émigration.
En général, ces évolutions ont un reflet dans les instruments mis en place par les États membres
pour l’application de la directive 77/486/CEE, qui sont, comme on l’a déjà mentionné,
développés aux Pays Bas et au Luxembourg, à des degrés divers de réalisation dans les autres,
et presque inexistants en Irlande.

                                                       11                                            PE 167.225
L'enseignement des immigrés dans l'Union européenne

Tableau II:     Solde Migratoire Total, 1970-1994.

                   1970          1975           1980         1985            1990            1994
 EU 15           -390 044       294 403       588 360       155 500       1 030 211        787 331
 B                -32 718       24 636         -2 436       -1 036          19 961          18 388
 DK               21 113        -10 273         570          9 794           8 553          10 556
 D               -271 686       -210 023      304 410       67 166         656 166         315 568
 EL               -46 222       58 550         50 105        6 005          71 135          27 302
 E                -50 479       14 181        112 659       -18 612          1 532          26 648
 F                182 509       13 626         43 974       38 000          80 000          50 000
 IRL              -2 796        17 295          -492        -32 875         -7 667          -6 548
 I               -107 276       22 424          4 914       -20 405         24 212         150 764
 L                 1 084         3 488          1 344         933            3 937          4 049
 NL               32 516        70 347         50 557       20 165          48 730          20 429
 A                10 406        -24 543         9 357        9 934          71 913          13 107
 P               -121 951       346 972        42 123       -27 373         -60 068         10 314
 FIN              -36 381        -3 786        -2 180        2 229           8 604          3 611
 S                46 644        16 327          9 663       11 087          34 817          50 859
 UK               -14 807       -44 818        -36 208      90 758          68 386          92 284

Source: EUROSTAT, Statistiques sur la Migration, 1996.

Le tableau III concerne la provenance de la population migrante. Ce tableau montre que le
nombre d’immigrés au niveau de l’UE provenant des pays tiers et plus grand que celui des
migrants de l’intérieur de l’UE (en pourcentage, 1,5% sont des non-nationaux d’autres pays de
l’UE et 3,2% proviennent des pays tiers). La libre circulation des personnes et la mobilité qui
en résulte sont moins importantes en termes de chiffres que l’immigration venue des pays tiers.
Si l’on regarde les chiffres concernant la provenance des immigrés, on constate que si dans
certains pays les immigrés de l’intérieur de l’UE sont plus nombreux, la croissance relative est
plus faible comparée à celle des immigrés des pays tiers. La migration au sein de la CE a eu lieu
plutôt dans les années 70: ces immigrés constituent maintenant ce qu’on appelle les immigrés
de deuxième et troisième génération auxquels s’adressait la directive 77/486/CEE et auxquels
il faut ajouter la population immigrante actuelle, majoritairement issue des pays tiers.

                                                     12                                         PE 167.225
L'enseignement des immigrés dans l'Union européenne

Tableau III:    Population par nationalité au 1er Janvier, 1985-1994.

                                   1985                       1990                       1994
 Non-Nationaux
 d’autres pays UE
 EUR 15                             1,4                         1,5                       1,5
 B                                  6,0                         5,5                       5,4
 DK                                 0,7                         0,7                       0,8
 D                                  2,0                         1,9                       2,2
 EL                                 0,4                         0,5                       0,4
 E                                  0,4                         0,4                       0,5
 F                                   ..                         2,3                        ..
 IRL                                1,8                         1,8                       2,0
 I                                   ..                          ..                       0,2
 L                                   ..                          ..                       28,8
 NL                                 1,3                         1,1                       1,3
 A                                   ..                          ..                        ..
 P                                  0,2                         0,3                       0,4
 FIN                                0,2                         0,2                       0,2
 S                                  2,6                         2,3                       2,1
 UK                                 1,3                         1,6                       1,4
 Non-nationaux de
 pays non-UE
 EUR 15                             2,1                         2,6                        3,2
 B                                  3,1                         3,4                        3,7
 DK                                 1,4                         2,2                        2,8
 D                                  3,6                         4,2                        6,3
 EL                                 2,0                         2,3                        1,0
 E                                  0,2                         0,6                        0,6
 F                                   ..                         3,9                         ..
 IRL                                0,6                         0,5                        0,3
 I                                   ..                          ..                        0,9
 L                                   ..                          ..                        3,0
 NL                                 2,6                         3,2                        3,8
 A                                   ..                          ..                         ..
 P                                  0,4                         0,5                        1,2
 FIN                                0,1                         0,2                        0,8
 S                                  2,1                         3,0                        3,7
 UK                                 2,9                         2,8                        2,1

Source: EUROSTAT, Statistiques sur la Migration, 1996.

                                                     13                                            PE 167.225
L'enseignement des immigrés dans l'Union européenne

Le tableau IV montre aussi que la provenance croissante des immigrés des pays tiers est une
caractéristique générale. Cette caractéristique présente ensuite des particularités dans chaque État
membre selon la provenance concrète des immigrés qui s’explique souvent par des raisons
géographiques et historiques.

Tableau IV:     Population immigrée 1994.

                                     UE                   Non UE
 B                                  48,3                    51,7
 DK                                 32,5                    67,5
 D                                  19,3                    80,7
 EL                                 23,7                    76,3
 E                                  31,2                    68,8
 F                                    ..                     ..
 IRL                                71,6                    28,4
 I                                  12,8                    87,2
 L                                    ..                     ..
 NL                                 23,1                    76,9
 A                                    ..                     ..
 P                                  43,5                    56,5
 FIN                                13,7                    86,3
 S                                   9,3                    90,7
 UK                                 22,2                    77,8

Source: EUROSTAT, Statistiques sur la Migration, 1996.

Le dernier aspect général que l’on va aborder pour caractériser la population immigrée dans l’UE
est le taux de chômage relatif des immigrés par rapport aux nationaux de quelques États
membres, donnée clé en ce qui regarde l’éducation et l’intégration sociale des immigrés.

Tableau V:      Taux de chômage relatif par nationalité 1994.(toutes nationalités = 100).

                        Nationaux            Autres UE               Non-UE                  Total
 Belgique                    88                   176                   355                   100
 Danemark                    95                   162                   310                   100
 France                      93                   106                   263                   100
 Pays-Bas                    91                   238                   503                   100
 Finlande                    99                   128                   254                   100
 R.U.                        97                   132                   202                   100

Source: EUROSTAT, Statistiques sur la Migration, 1996.

Le tableau V montre que le taux est de deux à trois fois plus élevé dans le cas des immigrés,
surtout pour ceux provenant des pays tiers. Cette constatation ne fait que rendre plus importante
la lutte contre l’échec scolaire, qui est une des raisons supplémentaires du chômage pour des
enfants qui proviennent d’un environnement de marginalité sociale. L’échec scolaire comme
préambule de l’échec social ne fait que conforter le statut inférieur que souvent on accorde à
l’immigré.

                                                     14                                              PE 167.225
L'enseignement des immigrés dans l'Union européenne

En effet, l’immigration apparaît comme le prolongement accentué de l’accélération brutale des
changements technologiques et économiques qui, dans le pays d’origine, ont précipité les
mutations socioculturelles à l’origine de l’obligation d’émigrer dans les pays industrialisés, pour
survivre. Mais l’expérience vécue dans la société d’accueil montre souvent à l’immigré que ce
statut inférieur n’est que la reproduction fidèle du statut inférieur accordé au pays d’origine dans
l’actuel ordre politique et économique international. Comme conclusion, on peut constater que
les immigrés dans l'UE sont majoritairement issus des pays tiers et que ces immigrés sont
généralement plus affectés par le chômage que les nationaux ou les immigrés d’origine
européenne.

B - LES ENFANTS DES MIGRANTS À L’ÉCOLE

Aujourd’hui, les enfants et les jeunes constituent la majorité de la population mondiale : 1/5 de
la population mondiale a entre 15 et 24 ans. Tandis que dans les pays de haut revenu le nombre
diminue et continuera à diminuer dans les prochaines années (la croissance viendra fortement
des immigrés), dans les pays en développement, il y aura une forte augmentation, pour constituer
plus de la moitié de la population.11 De plus, la réalité actuelle de la migration permet de
constater que la majorité des élèves d’origine immigrée reste dans le pays d’accueil. Dans le cas
de l’UE, les tendances globales se répètent.

Le tableau VI présente les pourcentages de non-nationaux par groupes d’âge correspondant à
l’âge scolaire. Ce sont la Belgique, l’Allemagne, la France, le Luxembourg, les Pays-Bas et
l’Autriche qui ont toujours les taux les plus élevés.

  11
       Op.cit., UNESCO, 1995, page 152.

                                                15                                            PE 167.225
L'enseignement des immigrés dans l'Union européenne

Tableau VI:      Non-nationaux par groupes d’âge 1994.(pourcentage de la population totale de chaque pays par
groupe d’âge).

                         0-4               5-9                10-14           15-19
 B                       8,8                9,5               9,8                10,4
 DK                      5,7                5,1                4,5                4,2
 D                      10,4                9,7               9,6                11,4
 EL                      0,2                0,5                0,5                0,6
 E                        ..                 ..                 ..                 ..
 F                       5,3                7,2                7,4                6,9
 IRL                     1,4                 ..                 ..               3,2
 I                       0,2                 ..                 ..               0,7
 L                      39,8               36,0               35,2               39,1
 NL                      7,0                6,3                6,5                6,3
 A                       7,1                6,7                6,6                8,1
 P                       1,0                1,8                2,1                2,2
 FIN                     1,1                1,3                1,2                0,9
 S                       7,2                6,6                6,7                6,0
 UK                      2,0                2,2                1,9                2,2

Source: EUROSTAT, Statistiques sur la Migration, 1996.

Les tableaux VII et VIII montrent également l’importance de la population immigrée dans
l’ensemble de la population scolaire12.

Tableau VII: Elèves étrangers à l'école primaire comme % de la population scolaire.
                           1975 / 76              1980 / 81            1985 / 86             1989 / 90
 Belgique                      10.2                 12.9                  12.0                  11.2
 France                         7.4                  8.9                  10.6                  10.1
 Italie                          -                    -                    0.1                   0.2
 Luxembourg                    28.2                 38.3                  36.1                  32.0
 Pays Bas                       1.6                  4.2                   5.7                   7.0

Source: General Secretariat of the Council, Presidency Note on Cultural and Linguistic Diversity in the Education
Systems of the EC – The challenges of the 1990’s, SN 4134/91 (EDUC), 14 November 1991.

  12
         Les chiffres sont encore plus élevés dans le cas des villes, où la diversité est toujours plus importante
        et où les problèmes de ségrégation sont plus présents. Voir annexe 7.

                                                       16                                              PE 167.225
L'enseignement des immigrés dans l'Union européenne

Tableau VIII: Elèves étrangers à l'école secondaire comme % de la population scolaire.

                           1975 / 76              1980 / 81             1985 / 86              1989 / 90
 Belgique                      7.5                    9.2                    7.8                    8.0
 Danemark                       -                     1.2                    1.4                    3.5
 Allemagne                     3.7                    6.4                    7.8                   10.2
 France                        4.9                    5.6                    6.6                    7.0
 Italie                         -                      -                     0.1                    0.1
 Pays Bas                       -                     1.9                    3.0                    3.8

Source: General Secretariat of the Council, Presidency Note on Cultural and Linguistic Diversity in the Education
Systems of the EC – The challenges of the 1990’s, SN 4134/91 (EDUC), 14 November 1991.

Au-delà de ces indicatifs, on peut conclure qu’il existe un manque de données précises au niveau
européen sur la performance des élèves immigrés à l’école. Or, dans plusieurs documents et
rapports on insiste sur le taux d’échec scolaire, qui reste très élevé chez les immigrés. Il n’y a
pas non plus de comparaison au niveau européen entre le pourcentage d’enfants immigrés
engagés dans des études secondaires au delà de la période de scolarité obligatoire et celui des
enfants autochtones. Ce sont pourtant des données importantes parce que l’absence de
scolarisation et l’échec scolaire sont des causes ultérieures de chômage, d'inadaptation et de
marginalité sociale.

Le taux d’échec scolaire, qui touche de manière grave les populations immigrées est un
phénomène qui, dans la situation économique actuelle, contribue à porter gravement atteinte aux
possibilités de formation professionnelle et d’emploi de ces jeunes.13 Il devient donc nécessaire
d’évaluer les disparités qui existeraient entre les enfants d’immigrés et la population locale, en
ce qui concerne l’obtention du diplôme aux différents niveaux, les taux d’élèves qui redoublent
ou abandonnent les études ainsi que les possibilités d’accès à l’enseignement secondaire et
professionnel14.

C - L’ACTION DE L’UE

Finalement, pour avoir un état des lieux complet sur l’éducation des enfants immigrés en Europe,
il faut analyser l’action menée actuellement par l’UE pour traiter la scolarisation des enfants
immigrés dans des conditions optimales.
D’abord, il faut insister sur le fait qu’on ne peut pas parler de l’existence d’une politique
européenne de l’éducation ni d’une politique européenne de la migration15 . D’un côté, il semble

  13
        PE , Rapport de M. Papapietro sur l’application de la directive 77/486/CEE relative à la scolarisation
        des enfants des travailleurs migrants, 3 avril 1985, A 2-0012/85.
 14
         Il y a des facteurs déterminants tels que la langue parlée à la maison, la taille de la famille, le niveau de
        formation des parents, la préscolarisation qui influenceront les performances scolaires de ces enfants.

 15
        Nous nous référons ici à l’immigration en provenance des pays tiers, car la libre circulation des
        personnes à l’intérieur de l’UE élimine la nécessité d’une autre politique de la migration.

                                                         17                                               PE 167.225
L'enseignement des immigrés dans l'Union européenne

que la diversité des situations, des systèmes éducatifs et des politiques migratoires existantes
dans chaque État Membre rend difficile tout essai d’harmonisation, de l’autre, les deux sujets
font partie des prérogatives fondamentales des États Membres en termes de souveraineté.

Les engagements des États membres, même si faibles, commencent au niveau international.Tous
les États membres sont signataires de la Convention relative aux Droits de l’Enfant16. Ce
document de l’ONU, datant de 1989, est important car il sert de base aux volets “éducation” des
accords internationaux.
Ensuite, au niveau de l’UE, il y a plusieurs instruments d’action. Un des plus importants pour
sa force juridique est la directive 77/486/CEE. Le dernier rapport issu de la Commission sur
l’application de cette directive dans les États Membres date de 1988 et donne une image plutôt
négative17. Il n’y a plus eu de rapports (il y en a un en 1994 qui n’évalue pas de façon spécifique
l’application de la directive) et dans le même temps la Commission changeait d’approche. Il est
tout de même intéressant d’étudier les résultats de ce rapport, présentés dans le Tableau IX, en
tenant compte des données énoncées plus haut sur la présence des immigrés dans les différents
États membres18.

 16
       Voir annexe 3.

 17
        La Commission avait fait un autre rapport en 1984 sur les projets pilotes de la Commission mis en place
       entre 1976 et 1982 qui montre ces projets comme exemples. La Commission commence là à s’approcher
       à la notion d’éducation interculturelle pour tous. COM (84)54 Final.

 18
       Les aspects relatifs à la formation des enseignants seront traités dans un chapitre ultérieur.

                                                       18                                               PE 167.225
L'enseignement des immigrés dans l'Union européenne

Tableau IX:     État d’application de la directive 77/486/CEE.

 Belgique           Mêmes mesures d’accueil depuis 1982.
                    Belgique néerlandophone: 18% des enfants d’immigrés dans
                    l’enseignement primaire bénéficient d’un enseignement intégré ou
                    différent de leur langue d’origine; dans l’enseignement secondaire,
                    10 écoles l’offrent.
                    Belgique francophone: 10% des enfants d’immigrés bénéficient de
                    cet enseignement au niveau primaire; il est pratiquement nul au niveau
                    secondaire.
 Danemark           Mêmes mesures d’accueil qu’en 1982.
                    Environ 17% du total des enfants de travailleurs migrants bénéficient
                    d’un enseignement d’accueil et plus de 55% d’entre eux reçoivent
                    un enseignement de leur langue et culture d’origine.
 RFA                Progrès dans l’éducation préscolaire. Nombreuses réalisations dans
                    l’enseignement des langues et cultures d’origine, il reste à les
                    favoriser dans l’enseignement secondaire.
 France             Mêmes mesures d’accueil qu’en 1982. Progrès dans
                    l’enseignement spécifique du français aux élèves non francophones
                    trop dispersés pour être inscrits dans les structures d’accueil. Peu de
                    progrès dans l’enseignement de la langue et de la culture d’origine.
                    Accords bilatéraux insuffisants avec les pays communautaires.
 Grèce              Les mesures d’accueil et d’enseignement des langues et cultures
                    d’origine concernent uniquement les enfants de travailleurs grecs qui
                    rentrent en Grèce après avoir séjourné à l’étranger.
 Italie             Mesures d’accueil concernant seulement l’enseignement primaire et
                    le premier cycle du secondaire. Quelques progrès dans l’enseignement
                    des langues et cultures d’origine.
 Luxembourg         Dispositifs d’accueil satisfaisants dans l’enseignement primaire,
                    insuffisants dans le secondaire. L’enseignement des langues et cultures
                    d’origine est largement extrascolaire.
 Pays-Bas           Enseignement d’accueil valable. Enseignement des langues et cultures
                    d’origine valable au niveau primaire, en retard au niveau secondaire.
 R.U.               Dispositifs d’accueil au niveau de l’enseignement primaire
                    satisfaisants, pas au niveau du secondaire. Peu de dispositifs locaux
                    pour l’enseignement des langues et cultures d’origine, toujours
                    extrascolaires.

Source: Commission Européenne, Rapport sur l’application dans les États membres de la directive 77/486/CEE
visant à la scolarisation des enfants des travailleurs migrants, COM(88)787 Final, janvier 1989.

Cet engagement au sein de la CEE n’a pas donné lieu à une législation nationale et, dans
quelques cas, ces matières se sont essentiellement concrétisées par des expériences pilotes qui
ont débuté vers la fin des années 80. La Commission a cessé de poursuivre les États membres

                                                     19                                            PE 167.225
L'enseignement des immigrés dans l'Union européenne

pour leurs manquements dans l’application de la directive et a adopté une stratégie de promotion
des coopérations et des projets pilote spécifiques déjà en fonctionnement. D’où la récente mise
en oeuvre du programme SOCRATES, avec une action spécifique pour les enfants des immigrés,
des tsiganes et des familles avec des professions itinérantes dans le cadre de l’action
COMENIUS, action qui sera analysée plus en détail dans la deuxième partie.

Le tableau X montre le nombre de projets subventionnés par la Commission dans le cadre de
COMENIUS en 1997 (3ème année d’activité) et leurs lignes d’action. Les projets pour des
enfants des migrants sont considérés au même temps que ceux pour des enfants de tsiganes, etc.
Il n’y a plus de traitement spécifique des enfants de travailleurs migrants comme dans les actions
précédentes basées sur la directive.

Tableau X:        COMENIUS 2 – Projets transnationaux dans l’éducation interculturelle 1997

 Lignes d’action                                  Nombre demandes            Nombre projets accordés
 Education interculturelle                        78                         51
 Migrants                                         54                         34
 Tsiganes et voyageurs                            17                         12
 Travailleurs itinérants                          2                          1
 Total                                            151                        98

Source: Commission Européenne, Compendium SOCRATES, 1997.

Il est intéressant de prendre en compte la participation et l’activisme des différents États
membres dans le cadre de l’action 2 de COMENIUS, même si les données relatives au nombre
de projets ne permettent pas de tirer des conclusions du niveau d’attention accordé aux besoins
des immigrés. Ces projets, coordonnés et suivis par le groupe ad hoc d’éducation interculturelle
créé par le Conseil des Ministres de l’Education, sont cependant mis en place par des partenaires
sociaux et des écoles.

Le tableau XI montre le nombre de projets que chaque pays participant coordonne. Chaque pays
participe aussi à d’autres projets coordonnés par d’autres pays, donc le nombre de projets en
fonctionnement dans chaque pays est dès lors plus élevé.

Tableau XI: Projets par pays coordinateur 1995-1997.

                 BE   DK     DE   GR   ES    FR        IE      IT     LUX NL          AT      PT      FI     SE   GB
 Total projets   3    2      5    6    9      7         1      19       1         6     6      5       4      4   8
 accordés=95

Source: Commission Européenne, Compendium SOCRATES 1997.

Ces chiffres sont basés sur l’action 2 de COMENIUS. Ils incluent donc les projets d’éducation
interculturelle et ceux pour des enfants des tsiganes, des voyageurs et des travailleurs de

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L'enseignement des immigrés dans l'Union européenne

professions itinérantes19 . Outre la diversité de destinataires, les projets développent une diversité
des contenus. En conclusion, une action exhaustive adressée spécifiquement aux besoins des
enfants immigrés demanderait un niveau d’engagement législatif supérieur. L’expérience de
l’échec de l’application de la Directive 77/486/CEE montre l’inefficacité et le rejet des États
membres d'un tel engagement.

L’action de l’UE s’étend aussi à la coopération avec les pays tiers. L’article 126.3. du TUE
stipule que “la Communauté et les États Membres favorisent la coopération avec les pays tiers
et les organisations internationales compétentes en matière d’éducation, et en particulier avec
le Conseil de l’Europe”.

La coopération avec les pays tiers est certainement plus que nécessaire, si l’on veut donner aux
enfants immigrés une éducation adaptée à leurs besoins réels tout en leur permettant de garder
leur identité. De plus, si les pays industrialisés peuvent aider les pays en voie de développement
par des expériences d’évaluation positive, leurs technologies et les ressources financières et
matérielles, l’Europe peut à son tour apprendre des moyens de transmettre l’héritage culturel,
de fournir des approches à la socialisation des enfants et, surtout, différentes cultures et façons
de vivre.

 19
       Le traitement conjoint de cet ensemble rend difficile l’évaluation spécifique de l’action envers les
       enfants immigrés.

                                                    21                                           PE 167.225
L'enseignement des immigrés dans l'Union européenne

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L'enseignement des immigrés dans l'Union européenne

                                 II- DEUXIÈME PARTIE

1 - LES OBJECTIFS ET LES INSTRUMENTS
A - LES OBJECTIFS

L'action récente de l’UE dans le domaine de l’éducation s’inscrit dans l’objectif d’ensemble de
promotion l’éducation interculturelle pour tous. Cette promotion s’insère dans l’expérience
passée et par conséquent, n’intervient pas sur le contenu et l’organisation de l’enseignement. Il
s’agit de favoriser la coopération entre les écoles dans l’enseignement des langues, dans
l’innovation pédagogique, par des projets et des partenariats multilatéraux ainsi que par un
renforcement des échanges d’informations et d'expériences.
On peut affirmer que, globalement, l’éducation interculturelle telle qu’elle est introduite dans
l’action de l’UE, se veut le développement ultime d’une pédagogie qui, tout en respectant la
spécificité culturelle, tend à dépasser les cloisonnements pédagogiques et institutionnels non par
une banale information des acteurs de formation, mais plutôt par une introduction des méthodes
favorisant l’intercompréhension des groupes en présence.

Pour la première fois dans les programmes éducatifs, SOCRATES introduit l’action au niveau
de l’école. L’école est considérée comme lieu clé pour encourager les jeunes à être confiants en
leurs identités et conscients de leur appartenance à une UE plus vaste et tournée vers l’extérieur.
La scolarisation précoce peut contribuer à la promotion de l’égalité des chances et aider à
surmonter les handicaps initiaux de la pauvreté et d’un milieu social et culturel défavorisé20 . En
fait, l’objectif de l’action à ce niveau est aussi d’aider les enfants à être conscients de leur
environnement et d’encourager la participation sociale dans leurs communautés. L’éducation des
immigrés favorise l’intégration sociale qui est un élément important de la lutte contre le racisme
et la xénophobie.

B - LES INSTRUMENTS

L’éducation des enfants des migrants a été abordée par des instruments divers par la Commission
ou par les États membres. Ces instruments ont évolué des premières années d’expérimentation
indépendante dans chaque État membre à aujourd’hui, où l’on cherche l’efficacité en tirant le
maximum de profit des découvertes et des apports des projets mis en place dans d’autres États
membres.

 20
         L’existence de facilités en matière d’éducation pour des enfants en âge d’aller à l’école
       maternelle ou à l’école primaire contribue en plus à la participation des femmes à la vie sociale et
       économique.

                                                   23                                            PE 167.225
L'enseignement des immigrés dans l'Union européenne

Depuis 1976, la Commission a soutenu environs 40 projets-pilote multi-annuels dans les États
membres. Quelques uns ont représenté des contributions théoriques très significatives au
développement ultérieur de modèles éducatifs et organisationnels. Les États membres ont
expliqué leurs difficultés à appliquer la directive 77/486 et la nécessité de son adaptation aux
changements continus de l’éducation. Cette action, selon les États membres, demande une tâche
de révision permanente ainsi que de l’innovation au niveau des théories concernant la politique
d’éducation. L’idée de l’éducation interculturelle pour tous est précisément le résultat d’une
volonté de lier les différents projets éducatifs à un contexte européen et international pour
pouvoir répondre à ces besoins de révision et d’innovation.
Cette approche, sur laquelle se basent les nouveaux programmes, était déjà envisagée en 1984,
dans les Conclusions du Conseil réuni au niveau des Ministres de l’éducation. Le Conseil invitait
les États membres «à orienter leur action en s’inspirant des conclusions tirées de l’évaluation
comparative des expériences pilotes, et à contribuer ainsi au développement ultérieur et au
renforcement d’une politique éducative en faveur des enfants de travailleurs migrants». Il invitait
la Commission «à poursuivre et élargir dans les limites de ses disponibilités financières le
programme d’expériences pilotes».
En 1990, la Commission a cessé d’apporter son soutien aux projets nationaux, et a mis l’accent
sur la coopération entre les instances compétentes des États membres. En 1991, un nouveau
financement est introduit, qui fonctionne sur la base de quotas nationaux pour les subventions
des projets d’éducation interculturelle, sans insister sur la dimension de coopération européenne.
Jusqu’en 1993, les États membres continueront à prendre des initiatives selon leurs priorités sans
chercher des partenaires ailleurs. À partir de cette année-là les subventions commenceront à être
versées au travers de COMENIUS, programme dans lequel les travaux sont obligatoirement
organisés par réseaux.

SOCRATES

Le programme SOCRATES, inspiré des lignes d’action proposées par le Livre Vert sur la
dimension européenne de l’éducation (29 septembre 1993) est un programme global qui
regroupe l’ensemble des actions antérieures et nouvelles. COMENIUS constitue sa première
innovation avec l’introduction de la coopération européenne dans l’enseignement scolaire à
travers le soutien aux partenariats inter-écoles, aux échanges de professeurs et à la formation
continue des enseignants. L’ensemble du programme a été mis en oeuvre pour le période 1995-
99.
L’action 2 de COMENIUS contient un volet qui s’adresse spécifiquement à l’éducation des
enfants de migrants, pour répondre à leurs besoins spécifiques et aider à leur intégration. Le
programme souligne l’importance de la pratique d’une pédagogie d’accueil réellement ouverte
aux différences culturelles, ainsi que d’un enseignement intégré des langues d’origine. On peut
considérer l’ensemble de SOCRATES comme un instrument ayant pour objectif l’éducation des
enfants des migrants, car tous ses programmes doivent être dominés par deux aspects qui sont
la dimension européenne de l’éducation et l’éducation interculturelle. La Commission
européenne s’éloigne de cette façon de l’approche qui consiste à défendre la nécessité d’avoir
des politiques différentes pour les enfants immigrés et pour les enfants autochtones.
Ce n’est donc pas seulement l’action 2 de COMENIUS qui devrait être suivie et appliquée : de
nombreuses possibilités d’action sont offertes dans le cadre global de SOCRATES, d’autant plus
que l’aspect interculturel a été reconnu comme priorité. Un exemple est l’ensemble des mesures
transversales dans le cadre du programme LINGUA pour la coopération dans l’enseignement des

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