Améliorer l'accès au foncier en Belgique et à l'étranger - Mettre en oeuvre les Directives volontaires du Comité de la Sécurité Alimentaire ...

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Améliorer l’accès au
foncier en Belgique et
     à l’étranger
   Mettre en œuvre les Directives
volontaires du Comité de la Sécurité
       Alimentaire mondiale
  pour une gouvernance foncière
            responsable
Janvier 2013

                               Editeurs : Diane Mertens (FIAN Belgium), Stefaan Declercq (Oxfam-Solidarité)
                                       Auteurs : Florence Kroff, Stéphane Parmentier, Claire Guffens
                                                       Photographe : Florence Kroff
                                                       Graphisme : Cécile Van Caillie
                                                        Impression : Copy-Systems

                                                Publié par Oxfam-Solidarité et FIAN Belgium

                                                    Pour plus d’informations, contactez :
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      Ni la Commission européenne ni le Ministère belge des Affaires Etrangères ne sont responsables du contenu de cette publication.
Améliorer l’accès au foncier
en Belgique et à l’étranger

     Mettre en œuvre les Directives volontaires
   du Comité de la Sécurité Alimentaire mondiale
    pour une gouvernance foncière responsable
Sommaire
1. Introduction			                                                                        7

2. Présentation du contenu                                                                8

    2.1 Partie 1 : Objectifs, nature et portée                                            8

    2.2 Partie 2 : Principes généraux, droits et responsabilités                          9

    2.3 Partie 3 : Droits des peuples autochtones et d’autres communautés,
			               droits informels et biens communs                                       10

    2.4 Partie 4 : Marchés, investissements, remembrement, restitution,
			               réformes redistributives et expropriation                               10

    2.5 Partie 5 : Administration des régimes fonciers                                    11

    2.6 Partie 6 : Réponses au changement climatique et aux urgences                      11

    2.7 Partie 7 : Promotion, mise en œuvre, monitoring et évaluation                     12

3. Recommandations pour la mise en œuvre des Directives                                   13

    3.1 Mettre en œuvre les Directives, la responsabilité de tous                         13

    3.2 Importance du suivi dans la mise en œuvre                                         15

    3.3 Conditions principales pour une mise en œuvre cohérente à l’échelle nationale     15

    3.4 Responsabilités de la Belgique                                                    17

		        3.4.1 Diffusion et promotion                                                    17

		        3.4.2 Mise en œuvre                                                             17

			            3.4.2.1 Amélioration de la gouvernance foncière en Belgique et en Europe   17

			            3.4.2.2 Amélioration des impacts des politiques belges et européennes
				                   sur le foncier à l’étranger                                        20

4. Conclusion			                                                                          21

5. Références			                                                                          22
Améliorer l’accès au foncier en Belgique et à l’étranger - 7

1. Introduction
Depuis des décennies, des mouvements sociaux                                     Comme mentionné dans la préface, ce nouvel ins-
représentant des femmes rurales, paysans, agri-                                  trument se veut être un document de politique et
culteurs familiaux, communautés de pêcheurs,                                     de gouvernance foncières. La gouvernance fon-
peuples autochtones, sans-terres, travailleurs                                   cière est un élément crucial pour déterminer si,
des zones rurales et urbaines, migrants, pas-                                    et comment, les individus, les communautés et
teurs, communautés forestières et jeunes, alliés à                               autres sont capables d’acquérir des droits et les
d’autres Organisations de la Société Civile (OSC),                               obligations qui y sont associées pour utiliser et
exigent un accès et un contrôle équitables et du-                                contrôler les terres, les pêches et les forêts. Son
rables des ressources naturelles pour la produc-                                 objectif est d’aider les États et les acteurs non éta-
tion alimentaire. Un accès et un contrôle sécurisés                              tiques à éviter les problèmes fonciers liés à une
des ressources, à eux seuls, permettront aux indi-                               faible gouvernance. Il s’agit du premier instrument
vidus de produire une alimentation nutritive, saine                              de droit international traitant de la question très
et culturellement appropriée1 pour eux-mêmes et                                  sensible et complexe de l’accès à la terre, en se
leurs familles, tout en aidant à traiter les causes                              référant continuellement aux droits humains et
à l’origine de la crise alimentaire. Ces causes                                  aux responsabilités des États et des acteurs non
incluent la distribution extrêmement inégale de                                  étatiques en la matière.
la propriété de terres dans de nombreux pays, la
tendance vers la reconcentration de la propriété                                 S’inspirant de l’esprit inclusif et participatif de la
foncière et le manque de processus de réformes                                   CIRADR3 et dans le cadre de la réforme du CSA ini-
agraires redistributives, ainsi que le phénomène                                 tiée en 2009, l’Organisation des Nations Unies de
accru d’accaparements de terres pour des projets                                 l’Agriculture et de l’Alimentation (FAO) a créé les
agro-industriels de tous types.                                                  conditions permettant aux représentants des mou-
                                                                                 vements sociaux et autres acteurs de la société
Les « Directives volontaires pour une gouvernance                                civile, ainsi qu’à d’autres acteurs non-étatiques
responsable des régimes fonciers applicables aux                                 de participer activement, dès le début et tout au
terres, aux pêches et aux forêts dans le contexte                                long du processus, à la formulation de nouveaux
de la sécurité alimentaire nationale2 » ont officiel-                            principes et politiques-cadres pour la gouvernance
lement été adoptées par 125 pays membres du                                      des régimes fonciers applicables aux terres, aux
Comité de la Sécurité Alimentaire mondiale (CSA)                                 pêches et aux forêts. Ceci confère une légitimité
le 11 mai 2012. Cet instrument est une réponse                                   importante aux Directives. Au sein du Mécanisme
remarquable à un problème urgent : la promotion                                  de la Société Civile (MSC), chargé de faciliter et
de droits fonciers sécurisés et un accès équitable                               coordonner la participation de l’ensemble des OSC
aux terres, aux pêches et aux forêts comme outil                                 (mouvements sociaux et ONG) aux discussions et
pour éradiquer la faim et la pauvreté, soutenir le                               décisions du CSA, les OSC prennent directement
développement durable et protéger l’environne-                                   part aux négociations avec les gouvernements et
ment. « Les présentes directives volontaires ont                                 autres participants du CSA. Pour la société civile,
vocation à devenir un document de référence et à                                 ce niveau de participation et d’ouverture élevé de-
fournir des indications qui permettent d’améliorer                               vrait servir d’exemple au système entier de l’ONU
la gouvernance des régimes fonciers applicables                                  et à d’autres forums politiques à tous les niveaux.
aux terres, aux pêches et aux forêts dans le but ul-
time de garantir la sécurité alimentaire pour tous                               Rigoureusement détaillées en quarante pages, les
et de promouvoir la concrétisation progressive du                                Directives sont divisées en sept parties, chacune
droit à une alimentation adéquate dans le contexte                               divisée en deux à six chapitres et sont assez tech-
de la sécurité alimentaire nationale. »                                          niques en raison de l’essence même du sujet. La
                                                                                 présente étude vise d’abord à donner un aperçu du
                                                                                 contenu des Directives. Dans une seconde partie,
                                                                                 l’étude explore et propose quelques pistes pour
                                                                                 contribuer à leur mise en œuvre effective par la
                                                                                 Belgique.
1 Selon le Comité des Nations Unies pour les Droits Économiques, Sociaux
et Culturels dans son Observation Générale 12, le droit à une alimentation
adéquate ne doit donc pas être interprété dans le sens étroit ou restrictif du
droit à une ration minimum de calories, de protéines ou d’autres nutriments
spécifiques. C’est bien plus que cela : la nourriture doit être disponible,
physiquement et économiquement accessible, qualitativement adéquate,
culturellement acceptable et durable (E/C.12/1999/5).                            3 Conférence Internationale pour la Réforme Agraire et le Développement
2 Ci-après «les Directives».                                                     Rural, mars 2006.
8 - Améliorer l’accès au foncier en Belgique et à l’étranger

                            2. Présentation
                            du contenu
                            2.1 Partie 1 : Objectifs, nature et                                              implique en outre que l’usage qu’ils font des pâtu-
                                                                                                             rages et leurs pratiques d’élevage soient reconnus,
                            portée                                                                           protégés et encouragés en tant qu’activités contri-
                                                                                                             buant substantiellement à la sécurité alimentaire
                                                                                                             et à la gestion durable de certains écosystèmes.
                            « Les présentes directives volontaires visent à
                                                                                                             Les politiques économiques prétendant ‘dévelop-
                            améliorer la gouvernance foncière des terres, des
                                                                                                             per leurs terres inoccupées et sous-utilisées’ ou
                            pêches et des forêts, au profit de tous, en accor-
                                                                                                             ‘moderniser leurs pratiques d’élevage’ peuvent fi-
                            dant une attention particulière aux populations
                                                                                                             nir par contribuer dans une large mesure à les dé-
                            vulnérables et marginalisées. Elles visent à faire de
                                                                                                             posséder de leurs terres (Monsalve Suarez, 2012).
                            la sécurité alimentaire une réalité, à réaliser pro-
                                                                                                             Autre remarque importante relative à la portée des
                            gressivement le droit à une alimentation adéquate,
                                                                                                             Directives, celle-ci n’inclut pas les ressources en
                            à éliminer la pauvreté, à faire en sorte que les
                                                                                                             eau, à l’exception de la préface stipulant briève-
                            populations disposent de moyens de subsistance
                                                                                                             ment que les États pourront tenir compte de ces
                            durables, à assurer la stabilité sociale, la sécurité
                                                                                                             Directives pour une gouvernance responsable
                            en matière de logement, le développement rural,
                                                                                                             d’autres ressources naturelles indissociables des
                            la protection de l’environnement et un développe-
                                                                                                             terres, des pêches et des forêts, telles que l’eau et
                            ment économique et social durable4. »
                                                                                                             les ressources minérales.
                            S’inspirant de cet objectif principal, les Directives
                                                                                                             Concrètement, la mise en œuvre des Directives
                            visent à améliorer et développer les cadres poli-
                                                                                                             devrait être conforme aux obligations existantes
                            tiques, juridiques et organisationnels qui régulent
                                                                                                             des États en matière de droits humains, telles
                            tous les types de droits fonciers sur ces res-
                                                                                                             qu’elles découlent de la Déclaration Universelle
                            sources ; de renforcer la transparence et d’amé-
                                                                                                             des Droits de l’Homme (DUDH) et autres instru-
                            liorer le fonctionnement des systèmes fonciers ;
                                                                                                             ments internationaux relatifs aux droits humains.
                            de renforcer les capacités et les opérations de
                                                                                                             Les nombreuses références aux droits humains
                            toutes les personnes concernées par la gouver-
                                                                                                             peuvent être considérées comme un des succès
                            nance foncière, ainsi que de promouvoir la coopé-
                                                                                                             majeurs des Directives. Les OSC ont fortement
                            ration entre elles5. Par conséquent, les Directives
                                                                                                             contribué à ce qu’elles se fondent sur la DUDH, la
                            s’appliquent uniquement à la question de la gou-
                                                                                                             Déclaration des Nations Unies sur les droits des
                            vernance foncière et non à l’utilisation et à la ges-
                                                                                                             peuples autochtones (DNUDPA) et les principes
                            tion des ressources naturelles, alors qu’en réalité
                                                                                                             et les interprétations des droits humains. Les Di-
                            ces deux dimensions sont étroitement liées. En
                                                                                                             rectives précisent également et confèrent plus de
                            effet, de nombreux problèmes liés à l’accès et au
                                                                                                             visibilité aux droits d’accès des femmes, paysans,
                            contrôle des ressources naturelles par les petits
                                                                                                             pasteurs, peuples autochtones et communautés
                            producteurs sont liés à des problèmes de gouver-
                                                                                                             de pêcheurs aux terres, aux pêches et aux forêts.
                            nance concernant leur utilisation et leur gestion.
                                                                                                             Ces références aux instruments internationaux de
                            Les pasteurs constituent un cas d’espèce : la seule
                                                                                                             droits humains rendent les Directives juridique-
                            reconnaissance formelle de leurs droits fonciers
                                                                                                             ment pertinentes au niveau national et internatio-
                            ne suffit pas pour sécuriser leur accès adéquat
                                                                                                             nal, même si elles sont dites « volontaires ».
                            aux territoires qu’ils occupent. Cette sécurisation

                            4 FAO, Directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes
                            fonciers applicables aux terres, pêches et forêts dans le contexte de la
                            sécurité alimentaire mondiale, mai 2012, page 1, http://www.fao.org/nr/tenure/
                            voluntary-guidelines/fr/
                            5 Organismes d’exécution, autorités judiciaires, collectivités locales,
                            organisations d’agriculteurs et petits producteurs, pêcheurs et utilisateurs
                            de la forêt, pasteurs, peuples autochtones et autres communautés, société
                            civile, secteur privé, monde universitaire, et toute personne concernée par la
                            gouvernance foncière.
Améliorer l’accès au foncier en Belgique et à l’étranger - 9

                                                                                 (p. ex. les évictions forcées) et les violations, leur
    Les Directives sont une réaction à un                                        donner un accès à la justice et un droit de recours
    problème actuel et complexe. Elles sont                                      (incluant la restitution, l’indemnisation, la com-
    « volontaires », mais :                                                      pensation et la réparation) en cas de violation de
                                                                                 leurs droits fonciers légitimes. Une attention par-
    • Elles découlent d’obligations contrai-                                     ticulière devrait être accordée aux droits fonciers
      gnantes inscrites dans des traités de droit                                des femmes et des filles. A cet égard, les États
      international.                                                             devraient interdire toute forme de discrimination.
    • Elles s’appliquent à tous les États.                                       Les acteurs non étatiques, en ce compris les
                                                                                 entreprises, ont également la responsabilité de
    • Elles s’appliquent aussi à d’autres acteurs :
                                                                                 respecter les droits humains et les droits fonciers
      le secteur privé, les tribunaux, les agences
                                                                                 légitimes. Cela signifie également que les États
      gouvernementales et intergouvernemen-
                                                                                 d’accueil et les États d’origine des entreprises
      tales, etc.
                                                                                 transnationales ont l’obligation de garantir qu’au-
    • Elles sont le fruit d’un processus légitime                                cune violation des droits humains et des droits
      de consultation et d’élaboration et jouissent                              fonciers légitimes n’ait lieu. Le paragraphe 12.15
      d’une reconnaissance universelle.                                          des Directives renforce ce principe général, en sti-
                                                                                 pulant que lorsqu’ils investissent ou encouragent
                                                                                 des investissements à l’étranger, les États de-
                                                                                 vraient s’assurer que leur conduite soit cohérente
2.2 Partie 2 : Principes généraux,                                               avec la protection des droits fonciers légitimes,
droits et responsabilités                                                        la promotion de la sécurité alimentaire et leurs
                                                                                 obligations existantes en vertu du droit national et
                                                                                 international, ainsi que des engagements volon-
Plusieurs principes généraux fondamentaux                                        taires pris conformément aux instruments régio-
aux yeux des OSC sont reconnus dans les Direc-                                   naux et internationaux applicables. Cela constitue
tives, dont l'importance de respecter et protéger                                une étape importante vers la reconnaissance des
les droits humains dans le contexte des régimes                                  obligations extraterritoriales (ETO) en matière de
fonciers. Par ailleurs, les Directives établissent                               droits humains telles que définies dans les nou-
clairement des principes de mise en œuvre, en                                    veaux « Principes de Maastricht7 ». Le paragraphe
particulier la dignité humaine, la non-discrimina-                               3.2 stipule également que dans les cas où des
tion, l'équité et la justice, l'égalité des genres, la                           entreprises transnationales sont impliquées, les
gestion holistique et durable des ressources natu-                               États d’origine doivent aider tant ces entreprises
relles ainsi que la consultation et la participation.                            que les États d’accueil à garantir que ces socié-
Ce dernier principe de consultation et de partici-                               tés ne sont pas impliquées dans des violations
pation (3B6) peut être un outil très utile, surtout                              de droits humains et de droits fonciers légitimes.
pour les groupes non autochtones qui ne peuvent                                  Cela inclut la responsabilité positive de diligence
pas s'appuyer sur le principe du « consentement                                  raisonnable (« due diligence »), par exemple des
libre, informé et préalable6 » qui en tant que droit                             systèmes appropriés de gestion des risques pour
ne s’applique malheureusement qu’aux peuples                                     empêcher et dénoncer des impacts pervers sur
autochtones. Selon Monsalve, certains gouverne-                                  les droits humains et les droits fonciers légitimes.
ments auraient tenté d’affaiblir les dispositions                                « Les États devraient, conformément aux obliga-
prévues par la DNUDPA et se seraient notamment                                   tions internationales qui leur incombent, assurer
opposés à l’inclusion de dispositions spécifiques                                l’accès à des voies de recours efficaces en cas
aux peuples autochtones quant à la question de la                                d’atteinte aux droits de l’Homme ou à des droits
restitution dans le texte final des Directives.                                  fonciers légitimes par des entreprises. Les États
                                                                                 devraient prendre des mesures supplémentaires
S’agissant d’obligations concrètes, les États de-                                pour prévenir les violations des droits de l’Homme
vraient reconnaître et respecter tous les déten-                                 et des droits fonciers légitimes par des entreprises
teurs de droits fonciers légitimes et leurs droits                               appartenant à l’État ou contrôlées par celui-ci, ou
(y compris ceux qui ne sont pas actuellement pro-                                bénéficiant d’un appui ou de services importants
tégés par la loi), les protéger contre les menaces                               de la part d’organismes publics » (paragraphe 3.2).

6 Le principe du «consentement libre, informé et préalable» (CLIP) est le
principe selon lequel une communauté a le droit de donner ou de retirer son
consentement à des projets proposés susceptibles d’affecter les terres qui lui
appartiennent, qu’elle occupe ou utilise autrement en vertu de la coutume. Il    7 Les Principes de Maastricht relatifs aux obligations extraterritoriales des
constitue à proprement parler un droit international à l’échelle des peuples     Etats dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels : http://
autochtones (http://www.forestpeoples.org/guiding-principles/free-prior-and-     www.fian.org/resources/documents/others/maastricht-principles-on-
informed-consent-fpic).                                                          extraterritorial-obligations-of-states
10 - Améliorer l’accès au foncier en Belgique et à l’étranger

                            2.3 Partie 3 : Droits des peuples                         2.4 Partie 4 : Marchés,
                            autochtones et d’autres communautés,                      investissements, remembrement,
                            droits informels et biens communs                         restitution, réformes redistributives et
                                                                                      expropriation
                            La reconnaissance et la protection de droits
                            fonciers coutumiers, informels et secondaires             Le cœur des Directives traite rigoureusement de la
                            (comme la collecte) sont essentielles pour des mil-       question délicate des transferts des droits fonciers,
                            lions de communautés dans le monde. À ce niveau           que ce soit dans le cadre des marchés, investis-
                            également, les Directives mentionnent explicite-          sements, restitutions, réformes redistributives ou
                            ment les droits fonciers « légitimes » afin d’inclure     des expropriations. Le texte définit ce qu’est un in-
                            tous les droits fonciers, y compris ceux qui ne sont      vestissement « responsable »8 et contient diverses
                            pas (encore) reconnus par la loi. Cette reconnais-        mesures de protection que les OSC peuvent utiliser
                            sance s’applique aussi aux terres, pêches et forêts       localement et/ou nationalement pour organiser la
                            publiques, qui sont utilisées et gérées collective-       résistance contre l’accaparement de terres. Entre
                            ment, souvent appelées « biens communs » ainsi            autres dispositions utiles : (1) les États devraient
                            que les systèmes d’utilisation et de gestion qui y        introduire des « plafonds sur les transactions fon-
                            sont associés. Les mouvements sociaux se sont             cières autorisées et une réglementation portant
                            battus pour voir apparaître les biens communs             sur les transferts dépassant un certain seuil, ces
                            dans les Directives. Cette reconnaissance est par-        transferts étant par exemple soumis à l’approba-
                            ticulièrement importante pour les groupes vulné-          tion du parlement » (12.6) ; (2) les États devraient
                            rables comme les pasteurs ou les communautés              « procéder à des évaluations préalables indépen-
                            de pêcheurs.                                              dantes des incidences potentielles – positives et
                            En général, les droits fonciers légitimes et leurs        négatives – que ces investissements sont suscep-
                            détenteurs ne sont pas formellement enregis-              tibles d’avoir sur les droits fonciers, sur la sécu-
                            trés. Par ailleurs, les individus peuvent détenir des     rité alimentaire et la réalisation progressive du
                            droits fonciers légitimes sur les terres, les pêches      droit à une alimentation adéquate, sur les moyens
                            et les forêts même si un autre acteur détient un          de subsistance et sur l’environnement » (12.10)
                            droit légal sur une même ressource acquis de fa-          ; (3) les États devraient « se conformer aux obli-
                            çon illégitime. Ces réalités et droits, souvent ba-       gations existantes qui leur incombent en vertu de
                            foués et ignorés en toute impunité, sont examinés         la législation nationale et du droit international et
                            en profondeur par les Directives. Les paragraphes         dûment tenir compte des engagements volontaires
                            4.4, 5.3, 7.1 et 8.2 exigent des États d’établir, en      contractés en vertu des instruments régionaux et
                            cohérence avec leur législation nationale et sur          internationaux applicables » (12.15) ; (4) Les États
                            base d’une cartographie de tous les types de droits       devraient assurer la restitution en cas de perte
                            fonciers, des mesures de protection pour empê-            (14.1) et, en fonction de leur législation nationale
                            cher des violations des droits fonciers légitimes         et du contexte national, les États devraient recourir
                            des individus. De manière générale, les États de-         à l’expropriation uniquement lorsque l’acquisition
                            vraient faciliter, promouvoir et protéger l’exercice      de droits sur des terres, des pêches ou des forêts
                            de droits fonciers et déléguer la gouvernance de          est nécessaire à des fins d’ « utilité publique » et
                            manière transparente et participative, par le biais       définir clairement le concept d’ « utilité publique »
                            de procédures claires, accessibles et compréhen-          en droit (16.1).
                            sibles pour tous, en particulier pour les peuples         Autre avancée importante, les Directives recon-
                            autochtones et d’autres communautés pourvues              naissent la pertinence de la mise en œuvre par
                            de systèmes fonciers coutumiers.                          les États de réformes redistributives de la gestion
                            Enfin, en référence à la Déclaration DNUDPA, les
                            États et les acteurs non étatiques devraient recon-
                            naître la valeur sociale, culturelle, spirituelle, éco-   8 « Les investissements responsables ne devraient pas nuire, devraient
                            nomique, environnementale et politique des terres,        comporter des mesures de sauvegarde contre la privation de droits fonciers
                                                                                      légitimes et contre les dommages environnementaux et devraient respecter les
                            pêches et forêts pour les peuples autochtones et          droits de l’homme. Ces investissements devraient être réalisés dans le cadre de
                            les autres communautés, et donc protéger ces              partenariats avec les niveaux administratifs compétents et avec les détenteurs
                                                                                      locaux de droits fonciers sur les terres, les pêches et les forêts, dans le respect
                            dernières contre les évictions forcées et l’utilisa-      de leurs droits fonciers légitimes. Ils devraient s’efforcer de contribuer à la
                                                                                      réalisation d’objectifs de politiques, tels que l’élimination de la pauvreté ; la
                            tion illégale de leurs terres, pêches et forêts par       sécurité alimentaire et l’utilisation durable des terres, des pêches et des forêts
                            des tiers.                                                ; de soutenir les communautés locales ; de contribuer au développement rural
                                                                                      ; de promouvoir des systèmes locaux de production alimentaire et d’en assurer
                                                                                      le maintien ; de favoriser un développement social et économique durable ;
                                                                                      de créer des emplois ; de diversifier les moyens de subsistance ; d’apporter
                                                                                      des avantages au pays et à sa population, notamment aux pauvres et aux plus
                                                                                      vulnérables ; et de respecter la législation nationale et les principales normes
                                                                                      internationales du travail ainsi que, le cas échéant, les obligations découlant
                                                                                      des normes de l’Organisation internationale du travail. » (12.4).
Améliorer l’accès au foncier en Belgique et à l’étranger - 11

foncière des terres, des pêches et des forêts afin                               2.5 Partie 5 : Administration des
de faciliter un accès sécurisé et équitable aux res-
sources à tous, surtout lorsqu’une forte concentra-
                                                                                 régimes fonciers
tion de la propriété est associée à un niveau élevé
de pauvreté rurale (paragraphes 15.1, 15.2 et 15.3).
                                                                                 Outre des recommandations plus techniques,
Un accès égal pour les hommes et les femmes de-
                                                                                 telles que des systèmes d’enregistrement non
vrait être garanti. Le paragraphe 15.8 déclare que
                                                                                 discriminatoires, transparents, accessibles et
les États devraient garantir que des programmes
                                                                                 simples pour les droits fonciers individuels et col-
de réforme agraire redistributive fournissent tout
                                                                                 lectifs, les Directives soulignent les intérêts des
l’appui requis par les bénéficiaires. Toutefois,
                                                                                 groupes les plus vulnérables lors de l’élaboration
notons que le concept de réformes redistribu-
                                                                                 de programmes d’aménagement du territoire, ou
tives a été modifié pour inclure des mécanismes
                                                                                 encore recommandent de tenir compte de la ges-
de marchés tels que des schémas d’acheteurs et
                                                                                 tion durable des terres, pêches et forêts, y compris
de vendeurs volontaires (« willing seller - willing
                                                                                 au moyen d'approches agroécologiques. Les États
buyer »), qui ne relèvent pas à proprement parler
                                                                                 sont également invités à lever des impôts comme
d’une logique redistributive et se sont révélés être
                                                                                 outil pour empêcher la spéculation et la concen-
inefficaces en termes de redistribution de terres9.
                                                                                 tration de la propriété. En outre, les États devraient
Avant tout, il est crucial d’interpréter le texte à la                           améliorer la gouvernance foncière transfrontalière
lumière de l’objectif global défini au paragraphe                                en portant une attention particulière à la protection
1.1, qui apporte un appui spécifique aux individus                               des moyens de subsistance des éleveurs et des pê-
vulnérables et marginalisés, comme les petits pro-                               cheurs. Enfin, les États devraient lutter contre la
ducteurs, gardant à l’esprit les objectifs de sécu-                              corruption par le biais de processus décisionnels
rité alimentaire, la réalisation du droit à une ali-                             transparents et en mettant en place des mesures
mentation adéquate, l’éradication de la pauvreté,                                de protection. Cette cinquième partie des Direc-
la protection environnementale et le développe-                                  tives devrait être lue à la lumière de la section 6
ment social et économique durable. A cet égard,                                  qui contient des principes généraux concernant la
les États ont l’obligation de protéger les commu-                                « fourniture de services ».
nautés locales et les groupes marginalisés contre
la spéculation et la concentration foncière, ainsi                               2.6 Partie 6 : Réponses au changement
que de réguler les marchés fonciers par le biais de
politiques et de lois et de protéger la gouvernance
                                                                                 climatique et aux urgences
et les droits humains des communautés locales en
cas d’investissements qui impliquent le transfert
                                                                                 Le respect et la protection des droits fonciers légi-
de droits fonciers.
                                                                                 times des petits producteurs dans le contexte de
Le texte souligne également l’importance des                                     la prévention et de la réaction aux effets du chan-
petits producteurs pour la sécurité alimentaire                                  gement climatique sont essentiels. Les Directives
nationale et la stabilité sociale (11.8, 12.2), recom-                           mentionnent la participation des petits producteurs
mandant aux États d’accorder une attention par-                                  dans les négociations et la mise en œuvre de pro-
ticulière à la protection des droits fonciers de ces                             grammes d’atténuation et d’adaptation. Le texte
producteurs lorsqu’ils facilitent des transactions                               reconnaît également les problèmes fonciers dans
foncières. Les Directives reconnaissent le rôle clé                              le contexte des conflits armés ou d’autres types de
des femmes, paysans, communautés de pêcheurs,                                    conflits, y compris en cas d’occupation. En outre, il
pasteurs et peuples autochtones pour la sécurité                                 mentionne des dispositions ancrées dans le droit
alimentaire. Un succès notable à cet égard est le                                humanitaire international et aux « Principes de
renforcement des droits des femmes (3B4, 4.6, 4.7,                               Pinheiro » sur la restitution pour les réfugiés et les
5.3, 5.4, 5.5, 7.1 et 25.5).                                                     personnes déplacées. Toutefois, le droit de retour
                                                                                 dans des situations d’après-guerre tel que contenu
                                                                                 à l’article 13 de la DUDH n’est pas réaffirmé. Même
                                                                                 si un conflit violent (tel une guerre) a clairement un
                                                                                 impact majeur sur les régimes fonciers des res-
                                                                                 sources naturelles, p. ex. en déplaçant des petits
                                                                                 producteurs et d’autres communautés, le retour
                                                                                 de leurs terres à ces peuples une fois le conflit ter-
                                                                                 miné est loin de faire partie de la norme.
9 Voir, par exemple, Food First (Institution for Food and Development Policy),
«Promised land: Competing visions of Agrarian Reform», août 2006, http://
www.foodfirst.org/node/1587
12 - Améliorer l’accès au foncier en Belgique et à l’étranger

                            2.7 Partie 7 : Promotion, mise en                        à tous les niveaux (local, régional et national). Ce
                                                                                     processus devrait être inclusif, participatif et tenir
                            œuvre, monitoring et évaluation                          compte de l'égalité des sexes : « À l’échelle mon-
                                                                                     diale, le comité de la sécurité alimentaire mondiale
                                                                                     devrait être l’enceinte où l’ensemble des acteurs
                            Étant donné le caractère volontaire de l'instrument,
                                                                                     compétents mutualisent l’expérience acquise et
                            les États n'ont pas été prêts à accepter la création
                                                                                     évaluent les progrès accomplis dans l’application
                            d'un mécanisme fort pour surveiller les politiques
                                                                                     des présentes directives, ainsi que leur pertinence,
                            et actions des gouvernements et des organisations
                                                                                     leur efficacité et leur impact. Par conséquent, le
                            internationales ayant un impact sur les régimes
                                                                                     secrétariat du comité, en collaboration avec le
                            fonciers. Toutefois, sur base du soutien univer-
                                                                                     groupe consultatif, devrait rendre compte aux
                            sel des Directives et de leur adoption officielle, il
                                                                                     membres du comité des progrès accomplis dans
                            revient aux États, à l’échelle nationale, de mettre
                                                                                     l’application des présentes directives, et évaluer
                            en œuvre, d'organiser le suivi et d'évaluer la bonne
                                                                                     l’impact de celles-ci et leur contribution à l’amé-
                            application des Directives et leur impact sur la
                                                                                     lioration de la gouvernance foncière. Ces rapports
                            gouvernance des terres, des pêches et des forêts,
                                                                                     devraient avoir une portée universelle et notam-
                            la sécurité alimentaire et sur la réalisation du droit
                                                                                     ment mentionner les expériences régionales ainsi
                            à une alimentation adéquate. Pour ce faire, les
                                                                                     que les meilleures pratiques et les leçons tirées de
                            États sont notamment invités à établir ou à utili-
                                                                                     l’expérience acquise. » (26.4).
                            ser des plates-formes participatives multi-acteurs
Améliorer l’accès au foncier en Belgique et à l’étranger - 13

3. Recommandations
pour la mise en œuvre
des Directives
La nature volontaire des Directives ne signifie pas                         la Belgique en la matière, tant sur le plan domes-
que les principes contenus dans les Directives                              tique qu’à l’échelle internationale.
doivent être interprétés comme étant « faculta-
tifs », comme si les gouvernements ou d’autres                              3.1 Mettre en œuvre les Directives, la
acteurs pouvaient décider de simplement les igno-                           responsabilité de tous
rer à défaut d’en tenir compte. En effet, comme
expliqué précédemment, malgré leur nature « vo-                             Au-delà de la dissémination au sein de leurs
lontaire », les Directives sont fortement ancrées                           propres instances, tous les acteurs détiennent des
dans une approche de droits humains bien établie.                           responsabilités spécifiques au regard de la mise
Les références aux obligations de droits humains                            en œuvre des Directives. On peut synthétiser les
sont en effet nombreuses dans tout le document,                             responsabilités du point de vue des OSC de la ma-
y compris dans les sections clés. Cet ancrage clair                         nière suivante :
des Directives dans des cadres de droits humains
souligne les responsabilités des États en garan-                            • Les États sont chargés d’initier les proces-
tissant la mise en œuvre des principes contenus                               sus de mise en œuvre au niveau national et de
dans les Directives. Dans une certaine mesure, les                            garantir que ces processus de mise en œuvre
Directives peuvent être systématiquement inter-                               suivent une approche cohérente et atteignent
prétées comme une application et une clarification                            leurs objectifs. Cela n’implique pas que les
des obligations de droits humains dans le contexte                            gouvernements agissent seuls, par exemple
spécifique des régimes fonciers applicables aux                               lorsqu’il s’agit de définir des actions prioritaires
terres, aux pêches et aux forêts. Tenant particuliè-                          nécessaires pour améliorer la gouvernance fon-
rement compte du fait que les obligations de droits                           cière nationale et régionale. En l’occurrence, le
humains revêtent une nature générale qui requiert                             processus de mise en œuvre au niveau natio-
davantage d’interprétation en fonction de contextes                           nal devrait être mené dans le cadre de plates-
différents et de situations plus concrètes et spéci-                          formes nationales multi-acteurs. De telles
fiques. En approuvant leur adoption (ou à tout le                             plates-formes devraient évaluer la qualité de
moins en ayant eu l’occasion de le faire ou de s’y                            la gouvernance foncière, tout en identifiant les
opposer au contraire10)), les États membres du CSA                            défis prioritaires à relever pour l’améliorer, défi-
ont validé cette interprétation des responsabilités                           nir des plans d’action pertinents et évaluer les
et obligations des droits humains dans le contexte                            progrès de manière périodique (voir point 2.3
de la gouvernance foncière des terres, des pêches                             pour plus d’explications). Toutefois, les États
et des forêts. En outre, lors de l’approbation des                            ont la responsabilité première de garantir que
Directives le 11 mai 2012, rappelons que tous les                             de telles plates-formes soient effectivement
groupes régionaux ont insisté sur le besoin de les                            mises en place et fonctionnent. Pour lancer
mettre en œuvre de manière efficace.                                          les processus nationaux, les États, en collabo-
                                                                              ration avec le Rapporteur spécial sur le droit à
Cette deuxième partie de l’étude met d’abord                                  l’alimentation et la FAO, pourraient explorer la
l’accent sur les responsabilités respectives des                              possibilité d’organiser des missions conjointes
différents acteurs dans la mise en œuvre. Elle sou-                           pour évaluer les problématiques foncières sur
ligne ensuite l’importance du suivi dans la mise en                           base des Directives et faire des recommanda-
œuvre. Dans un troisième temps, l’étude introduit                             tions. Par ailleurs, en termes de mise en œuvre
les conditions majeures nécessaires à une mise en                             des Directives, les États ont également la res-
œuvre cohérente des Directives à l’échelle natio-                             ponsabilité d’examiner leurs politiques et de
nale. Enfin, elle insiste sur les responsabilités de                          les mettre en cohérence, là où c’est nécessaire,
                                                                              avec les Directives, tant au niveau des impacts
10 96 Etats membres du CSA ont pris part à la négociation des Directives.     de ces politiques sur le territoire national que
14 - Améliorer l’accès au foncier en Belgique et à l’étranger

                                des impacts sur l’accès à la terre et aux autres                              • Les institutions internationales ont la respon-
                                ressources naturelles liées à la terre à l’étran-                               sabilité de mettre en œuvre les Directives à leur
                                ger.                                                                            niveau, mettant leurs politiques et pratiques en
                                                                                                                cohérence avec celles-ci (en plus de fournir des
                            • La FAO est chargée d’appuyer tous les acteurs                                     fonds pour appuyer la mise en œuvre dans les
                              dans la mise en œuvre des Directives, en veillant                                 pays). C’est entre autres la responsabilité du
                              à assurer une utilisation cohérente des fonds                                     Groupe de la Banque mondiale, dont l’implica-
                              disponibles en fournissant les informations et                                    tion directe et indirecte dans l’accaparement de
                              l’assistance technique nécessaires à ce niveau,                                   terres est largement documentée12.
                              d’une manière qui évite la duplication et assure
                              la complémentarité avec d’autres initiatives vi-                                • Les mouvements sociaux et autres OSC de-
                              sant l’amélioration de la gouvernance foncière.                                   vraient utiliser autant que possible les Directives
                              Ce rôle moteur de la FAO dans l’appui de la mise                                  pour renforcer les luttes locales visant à amé-
                              en œuvre des Directives au niveau national est                                    liorer l’accès à la terre et aux autres ressources
                              bel et bien reconnu par tous les acteurs. A cet                                   naturelles en faveur des groupes marginalisés
                              égard, depuis l’adoption des Directives le 11 mai                                 et vulnérables. Si les Directives n’apparaissent
                              2012, la FAO développe un programme de sou-                                       pas comme un moyen efficace pour répondre à
                              tien de quatre ans (période initiale) afin que la                                 des besoins urgents (p. ex. lutter de manière effi-
                              gouvernance foncière améliorée devienne réali-                                    cace contre les accaparements de terres à court
                              té. Ce programme est développé en consultation                                    terme), elles constituent un instrument poten-
                              avec tous les acteurs. La FAO s’est fortement                                     tiellement très utile pour répondre aux besoins
                              engagée dans ce cadre à lier et soutenir d’autres                                 fonciers des populations les plus marginalisées
                              initiatives pertinentes pour améliorer la gouver-                                 et vulnérables dans le plus long terme. A cette
                              nance foncière, telles que l’Initiative de Politique                              fin, il est essentiel que les OSC développent
                              Foncière (LPI) ou le Programme Détaillé de Dé-                                    elles-mêmes des outils adéquats, les diffusent
                              veloppement de l’Agriculture Africaine (PDDAA).                                   au sein de leurs propres instances et réseaux, en
                              Un travail préparatoire est en cours visant le                                    expliquant aussi clairement que possible com-
                              développement d’un mécanisme d’appui, « qui                                       ment les utiliser concrètement pour renforcer le
                              répondra aux demandes directes de fonds limi-                                     plaidoyer, les campagnes et les luttes pour amé-
                              tés afin de mener des actions visant à améliorer                                  liorer l’accès à la terre et aux autres ressources
                              la gouvernance foncière, et principalement de                                     naturelles par les communautés. Parce que les
                              répondre aux besoins spécifiques des pays »11.                                    mouvements sociaux représentent celles et ceux
                              Le budget visé du programme s’élève à 20-30                                       qui souffrent d’un manque de gouvernance fon-
                              millions de dollars US répartis sur quatre ans.                                   cière responsable, ils devraient être le moteur
                              En octobre 2012, la FAO confirmait la promesse                                    des efforts joints des OSC pour développer de
                              d’une mise à disposition initiale par les dona-                                   tels outils. Les ONG devraient les appuyer de ma-
                              teurs de près de 10 millions de dollars US au                                     nière aussi efficace que possible. Dans le même
                              soutien de la mise en œuvre des Directives par                                    temps, les OSC devraient aussi solliciter le sou-
                              les pays, et a appelé les donateurs à accroître                                   tien de la FAO pour répondre à leurs besoins en
                              leurs efforts en la matière.                                                      matière de diffusion des Directives, en dévelop-
                                                                                                                pant des stratégies régionales et nationales et
                            • Le CSA est responsable d’assurer le suivi au                                      des plans de travail pour entrer en contact avec
                              niveau global de la mise en œuvre des Direc-                                      les bureaux régionaux et nationaux de la FAO.
                              tives, et d’évaluer ainsi les progrès réalisés                                    Fruit du processus de consultation auto-organisé
                              dans leur application ainsi que leur pertinence,                                  par les OSC ayant précédé la négociation du texte
                              leur efficacité et leur impact. Ce mécanisme                                      des Directives, le document « Propositions des
                              doit encore être défini. Cette définition dépend                                  organisations de la société civile pour les Direc-
                              de discussions plus larges menées au sein du                                      tives de la FAO sur la Gouvernance Responsable
                              CSA sur la manière d’assurer à l’avenir une                                       de la Tenure des Terres et des Ressources Natu-
                              meilleure mise en œuvre des décisions du CSA.                                     relles »13 fourni de précieuses orientations aux
                              Pour les OSC, les décisions innovatrices en dé-                                   OSC et autres acteurs pour interpréter et éclairer
                              veloppement concernant le monitoring du CSA                                       la mise en œuvre des Directives.
                              devraient aboutir à renforcer le fait que les États
                              et d’autres acteurs sont redevables de leur im-
                              plication.
                                                                                                              12 Voir par exemple Oxfam, « Notre terre, notre vie: halte à la ruée mondiale
                                                                                                              sur les terres », octobre 2012, p. 28.
                                                                                                              13 OSC, Propositions des organisations de la société civile pour les Directives
                                                                                                              de la FAO sur la Gouvernance Responsable de la Tenure des Terres et des
                                                                                                              Ressources Naturelles, FIAN International, mai 2011, http://www.fian.org/
                            11 Voir FAO, “Building on the consensus: FAO’s first steps after endorsement of   resources/documents/others/propositions-des-organisations-de-la-societe-
                            the Voluntary Guidelines on Tenure”, octobre 2012 (note technique discutée lors   civile-pour-les-directives-de-la-fao-sur-la-gouvernance-responsable-de-la-
                            de la réunion technique du 4-5 octobre 2012).                                     tenure-des-terres-et-des-ressources-naturelles/?searchterm=FAO
Améliorer l’accès au foncier en Belgique et à l’étranger - 15

• Les entreprises et intermédiaires finan-                  jets susceptibles d’affecter l’accès aux terres, aux
  ciers devraient mettre en œuvre les Directives            pêches et aux forêts des usagers locaux devrait
  à leurs niveaux, en mettant particulièrement              être rendue disponible.
  leurs politiques et pratiques en cohérence avec
  celles-ci lorsque c’est nécessaire, pour s’assu-          Par ailleurs, les États devraient encourager et
  rer que ces politiques et pratiques ne contri-            appuyer la mise en place d'institutions spéci-
  buent pas directement ou indirectement à une              fiques qui soient capables de recevoir des plaintes
  gouvernance foncière irresponsable.                       concernant des violations de droits fonciers et ils
                                                            devraient encourager les institutions nationales
                                                            de droits de l'Homme à surveiller la gouvernance
3.2 Importance du suivi dans la mise                        foncière et les violations de droits humains qui y
en œuvre                                                    sont liées.

                                                            3.3 Conditions principales pour une
Le suivi sera crucial pour assurer l’amélioration
continue de la gouvernance foncière grâce à la              mise en œuvre cohérente à l’échelle
mise en œuvre des Directives. Ce suivi devrait avoir        nationale
lieu à tous les niveaux de mise en œuvre, y compris
au niveau national, au niveau des cadres juridiques
et institutionnels, ainsi que des politiques, activi-       Afin de garantir que la mise en œuvre des Direc-
tés et projets qui affectent les droits fonciers des        tives au niveau national mène à l’amélioration de
usagers locaux des terres, des pêches et des fo-            la gouvernance foncière, il est fondamental qu’elle
rêts. Pour ce faire, des indicateurs et benchmarks          soit fondée sur une approche cohérente.
appropriés doivent être développés avec la partici-
pation des OSC afin d’évaluer si les pratiques exis-        Du point de vue des OSCs, une telle approche im-
tantes dans la gouvernance des terres, des pêches           plique les étapes principales suivantes :
et des forêts sont en cohérence avec les principes
                                                            1. Mettre en place des plates-formes multi-ac-
et bonnes pratiques inscrites dans les Directives.
                                                               teurs nationales inclusives. Le paragraphe
Le suivi de la mise en œuvre des Directives devrait            26.2 des Directives recommande en effet : « Les
se fonder sur les droits humains et devrait, non               États sont encouragés à constituer des cadres
seulement évaluer si les actions des acteurs per-              et des plateformes multipartites aux niveaux
tinents sont conformes aux Directives, mais aussi              local, national et régional, ou à utiliser ceux qui
évaluer plus largement si elles sont conformes aux             existent, pour collaborer à la mise en œuvre
obligations et principes de droits humains. Le suivi,          des présentes Directives […] Pour s’acquitter
en termes de droits humains, devrait être fondé sur            de ces tâches, les États peuvent solliciter un
la responsabilité verticale, c’est-à-dire sur le fait          appui technique auprès d’organes régionaux et
que les gouvernements et les autres institutions               internationaux. » Des plates-formes nationales
sont responsables envers les détenteurs de droits,             devraient être mises en place pour traiter aussi
tels que les pauvres en milieu rural. En outre, tout           bien des problématiques de gouvernance do-
nouveau système de suivi ou tout mécanisme de                  mestiques que des impacts des politiques natio-
rapportage dans le contexte des Directives devrait             nales sur l’accès au foncier à l’étranger. Dans la
être considéré comme complémentaire aux sys-                   mesure où ces deux dimensions ne dépendent
tèmes de suivi de droits humains existants (p. ex.             pas des mêmes politiques et n’impliquent pas
les rapports parallèles).                                      les mêmes acteurs, différentes plates-formes
                                                               multi-acteurs devraient être établies pour gérer
Pour être crédible, le suivi doit cibler les réali-            soit l’une, soit l’autre. Le nombre de plates-
tés du terrain concernant la sécurité foncière et              formes requises pour traiter des problèmes de
l’accès aux ressources actuels des communau-                   gouvernance domestique dans un pays donné
tés rurales, des petits producteurs alimentaires               devrait logiquement dépendre du/des niveau/x
et d’autres groupes marginalisés et vulnérables.               d’autorité/s (seulement national et/ou régio-
Il devrait s’appliquer à toutes les organisations et           nal – sous-national) responsable/s de réguler
institutions régionales et internationales dont les            la gouvernance foncière. Dans les pays où la
activités et projets sont susceptibles d’affecter              gouvernance foncière domestique dépend uni-
l’accès des usagers locaux aux terres, aux pêches              quement des autorités nationales, une seule
et aux forêts. Il devrait être inclusif et participatif :      plate-forme est à priori requise pour la mise
les petits producteurs et les groupes vulnérables,             en œuvre des Directives à l’échelle du territoire
ensemble avec les OSC, doivent y jouer un rôle                 national. Dans les pays où la gouvernance fon-
central. Une information adéquate, détaillée et op-            cière est régulée à un niveau sous-national, par
portune sur toutes les politiques, activités et pro-
16 - Améliorer l’accès au foncier en Belgique et à l’étranger

                                des États régionaux (p. ex. en Inde), davantage       3. Évaluer soit la durabilité de la gouvernance
                                de plates-formes devraient être mises en place           foncière domestique, soit la durabilité des im-
                                à cet égard, afin d’être en mesure d’identifier les      pacts des politiques sur le foncier à l’étranger.
                                défis spécifiques et de définir des actions posi-        L’évaluation devrait être gérée par les plates-
                                tives ad hoc. Pour être cohérentes, les plates-          formes multi-acteurs, sur base des différents
                                formes multi-acteurs devraient respecter les             critères et indicateurs susmentionnés.
                                critères suivants:
                                                                                      4. Définir des actions prioritaires nécessaires
                                • Dans le cas de plates-formes traitant de               pour améliorer soit la durabilité de la gou-
                                  problèmes de gouvernance domestique :                  vernance foncière domestique, soit la durabi-
                                  les plates-formes devraient uniquement                 lité des impacts des politiques sur le foncier à
                                  inclure des acteurs nationaux (ou régio-               l’étranger. Lors de la définition de plans d’ac-
                                  naux - sous-nationaux lorsque c’est perti-             tions ad hoc, les plates-formes multi-acteurs
                                  nent). Cela signifie que des acteurs inter-            devraient établir des responsabilités claires
                                  nationaux comme la Banque mondiale,                    pour les acteurs concernés, tout comme des
                                  des ONG internationales ou des multi-                  objectifs et des indicateurs clairs afin de faciliter
                                  nationales ne devraient pas y participer,              le suivi des progrès réalisés.
                                  seuls des acteurs domestiques pouvant
                                  sérieusement prétendre comprendre                   5. Évaluer de manière périodique les progrès
                                  les défis d’une meilleure gouvernance à                atteints grâce à la mise en œuvre de plans
                                  l’échelle du territoire national ;                     d’action, et mettre ces derniers à jour en fonc-
                                                                                         tion des résultats de cet examen. La périodicité
                                • Les acteurs de la société civile devraient             relève de la responsabilité des plates-formes
                                  être autonomes et auto-organisés dans                  multi-acteurs (une fois par an par exemple). Le
                                  leur participation aux plates-formes mul-              suivi régulier des progrès réalisés et la mise
                                  ti-acteurs ;                                           à jour des plans d’action sont essentiels pour
                                                                                         assurer un processus d’amélioration continue.
                                • Dans le but de rendre le processus aussi
                                  inclusif que possible, tous les acteurs             A tout moment, les plates-formes multi-acteurs
                                  pertinents devraient y être associés : les          peuvent demander l’assistance de la FAO. Dans
                                  autorités publiques, les organisations re-          ce contexte, du point de vue des OSC, la FAO ne
                                  présentant celles et ceux dont l’accès aux          devrait pas s’engager à fournir une quelconque
                                  ressources est hautement menacé (tels               aide à un quelconque gouvernement demandeur
                                  qu’identifiés dans les Directives), les en-         ou autre acteur si cette requête n’a pas d’abord
                                  treprises nationales et les autres acteurs          été discutée et approuvée au sein des plates-
                                  domestiques pertinents ;                            formes multi-acteurs. Cette condition doit être
                                                                                      rigoureusement remplie afin d’éviter des risques
                                • Les organisations représentant les                  de mauvaise utilisation ou instrumentalisation
                                  groupes les plus vulnérables et margi-              des Directives en les mettant en œuvre par des
                                  nalisés, dont l’accès aux ressources est            méthodes bureaucratiques bilatérales, gérées par
                                  hautement menacé, devraient être la force           les gouvernements et des bureaux nationaux de la
                                  motrice des plates-formes.                          FAO, processus dont les mouvements sociaux et
                                                                                      autres OSC concernés seraient essentiellement
                            2. Définir une série de critères et d’indicateurs
                                                                                      exclus.
                               pour évaluer soit la durabilité de la gouver-
                               nance foncière domestique, soit la durabilité          Bien entendu, là où les gouvernements mani-
                               des impacts des politiques sur le foncier à            festent spontanément un intérêt pour la mise en
                               l’étranger. Les critères et les indicateurs de-        œuvre des Directives, les OSC devraient théorique-
                               vraient être définis à partir des Directives, et       ment bénéficier d’une marge de manœuvre plus
                               devraient cibler autant les processus que les          conséquente pour plaider en faveur d’une mise
                               résultats des politiques. Si les plates-formes         en œuvre cohérente des Directives et les chances
                               multi-acteurs concernées l’estiment néces-             que cette dernière ait lieu seront en principe plus
                               saire, ces critères et indicateurs pourraient          grandes. Là où les OSC sont confrontées à une
                               être éventuellement complétés par des critères         forte opposition des États à mettre en œuvre de
                               additionnels pour autant que ces derniers ne           manière cohérente les Directives, elles pourraient,
                               contredisent pas le texte des Directives.              entre autres, demander l’assistance de la FAO pour
                                                                                      renforcer leur position (la FAO étant censée fournir
                                                                                      de l’assistance à tous et pas seulement aux gou-
                                                                                      vernements).
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