ANALYSE DE LA STRUCTURE DE COUT DE L'INDUSTRIE CANADIENNE DE TRANSFORMATION ALIMENTAIRE

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STEVE COUTURE

      ANALYSE DE LA STRUCTURE DE COUT DE
           L'INDUSTRIE CANADIENNE DE
         TRANSFORMATION ALIMENTAIRE

                                   Mémoire présenté
               à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval
              dans le cadre du programme de maîtrise en économie rurale
                pour l'obtention du grade de maître es sciences (M. Se.)

            DEPARTEMENT D'ECONOMIE AGROALIMENTAIRE
                 ET SCIENCES DE LA CONSOMMATION
    FACULTÉ DES SCIENCES DE L'AGRICULTURE ET DE L'ALIMENTATION
                         UNIVERSITÉ LAVAL
                               QUÉBEC

                                  OCTOBRE 2007

© Steve Couture, 2007
iii

Résumé
        Dans un contexte de libéralisation des marchés agroalimentaires, la taille des firmes
et des filières semble être un facteur déterminant de leur compétitivité. L'objectif de cette
étude est de déterminer s'il existe des économies de taille dans l'industrie canadienne de la
transformation alimentaire. L'analyse est effectuée pour les provinces canadiennes dans les
secteurs de la boulangerie, de la viande et des produits laitiers. Une fonction de coût de type
translog est construite pour chaque secteur afin de mesurer l'impact d'un accroissement
marginal de la production sur le coût moyen de l'industrie. La fonction de coût inclut
quatre intrants, soit le matériel, le capital, la main-d'œuvre et l'énergie. Les données
proviennent de l'enquête annuelle sur les manufactures administrée par Statistique Canada.
Elles couvrent la période de 1990 à 1999. Une procédure économétrique est utilisée pour
désagréger les dépenses en capital au niveau des provinces puisque les données ne sont
disponibles qu'au niveau national. Une technologie à proportions fixes de type Léontief a
aussi été utilisée dans le secteur des produits laitiers pour intégrer le système de
contingentement de la production de lait à la ferme et son impact sur la structure de coût
des transformateurs de produits laitiers.

        Les économies de taille sont mesurées au niveau de l'industrie. Elles incluent donc
les économies de taille au niveau des usines et des firmes ainsi que les économies de taille
externes à la firme. D'une manière générale, il existe des économies de taille dans
l'industrie de la transformation alimentaire. Ces économies de taille dépendent cependant
de la taille de l'industrie dans les provinces canadiennes. Des économies de taille sont
présentes dans la majorité des provinces pour l'industrie de la viande. Cependant, les
provinces les plus importantes au niveau de la transformation des produits laitiers ne
semblent pas posséder des économies de taille lorsqu'elles sont évaluées au niveau de
production de 1999. Dans les secteurs des produits laitiers et de la boulangerie, les petites
provinces ont un potentiel plus élevé d'exploiter les économies de taille que les provinces
dont la taille est plus importante.
iv

Abstract
       Broad globalization forces are changing the compétitive environment of Canadian
agri-business firms. One important factor that potentially increases processing firms'
competitiveness is the ability to achieve économies of scale. This paper uses Statistics
Canada's Annual survey of manufactures to estimate économies of scale at the industry
level in the méat, dairy and bread and bakery sectors of each province. The data cover the
period 1990-1999. Capital expenses in each province were imputed from available
observations at the national level and cross-sectional variations in input price indices were
computed using retail price indexes at the provincial level.
       A translog cost function with four inputs (material, capital, labour and energy) was
specified to estimate potential économies of scale in each sector. The homogeneity property
was imposed through cross-equations restrictions while concavity was imposed at one
sample point following the methodology of Ryan and Wales (2000). The existence of
supply management at the farm level was introduced in the empirical model through the
assumption of fixed proportions between output, raw milk and the basket of other inputs.
       The empirical model reveals that there exist statistically significant économies of
scale in the méat sector for many provinces. In the other two sectors (dairy and bread and
bakery), the présence of économies of scale is dépendent on industry output. The two
largest producing provinces in the dairy sector (Québec and Ontario) did not hâve
économies of scale to exploit in 1999. Economies of scale in the bread and bakery sector
are particularly important for the small provinces.
V

Avant-propos
       J'aimerais remercier les personnes qui m'ont appuyé tout au long de la rédaction de
ce mémoire. Je tiens particulièrement à remercier mon directeur de mémoire Jean-Philippe
Gervais. Il m'a orienté et supervisé dans ce projet. J'ai reçu son aide et la motivation pour
mener ce projet de recherche à terme. J'ai pu compter sur Jean-Philippe peu importe la
situation et peu importe la distance. J'ai toujours obtenu des réponses à une vitesse
incroyable. Olivier Bonroy m'a aussi grandement aidé. Peu importe le genre de problème
rencontré, Olivier a toujours été présent pour répondre à mes questions et m'aider à trouver
des pistes de solution. Les gens du Centre de recherche en économie agroalimentaire
(CRÉA) ont aussi été une grande source d'aide et d'inspiration. J'aimerais remercier Rémy
Lambert, Bruno Larue ainsi que tous les professeurs qui m'ont appuyé. À tous mes
collègues et amis qui m'ont supporté, je tiens également à vous remercier. L'appui et
l'implication de tous ont grandement contribué à l'élaboration de ce projet. Enfin, ce projet
n'aurait pu être réalisé sans la participation financière du Fonds de développement de la
transformation alimentaire. Je tiens donc à souligner cette contribution.
vi

TABLE DES MATIÈRES

Résumé....                                                  iii
Abstract                                                    iv
Avant-propos ...„                                            v
TABLE DES MATIÈRES                                          vi
1 Introduction et problématique                              1
  1.1 Introduction                                           1
  1.2 Problématique                                          2
2 Description des secteurs                                   4
  2.1 Secteur de la boulangerie                              4
  2.2 Secteur de la viande                                   6
  2.3 Secteur des produits laitiers                          8
3 Revue de littérature                                      10
  3.1 Définition du concept d'économies de coût             10
  3.2 Fonction de coût et propriétés                        13
4 Méthodologie                                              17
  4.1 Présentation du modèle                                17
       4.1.1   Secteurs de la boulangerie et de la viande   17
       4.1.2   Secteur des produits laitiers                23
  4.2 Imposition de la concavité                            30
5 Description de la base de données                         32
6 Analyse des résultats                                     43
  6.1 Fonction de coût estimée pour la province de Québec   43
  6.2 Économies de taille                                   49
  6.3 Élasticités-prix                                      56
       6.3.1   Secteur de la boulangerie                    56
       6.3.2   Secteur de la viande                         58
       6.3.3   Secteur des produits laitiers                61
vii

7 Conclusion                 63
  7.1 Résumé et extensions   63
  7.2 Limites                65
BIBLIOGRAPHIE                67
viii

Liste des tableaux
Tableau 1 : Détail des secteurs étudiés                                       32
Tableau 2 : Coefficients des régressions du capital canadien                  36
Tableau 3 : Coefficients de la fonction de coût translog
            pour le secteur de la boulangerie                                 46
Tableau 4 : Coefficients de la fonction de coût translog
            pour le secteur de la viande                                      47
Tableau 5 : Coefficients de la fonction de coût translog
            pour le secteur des produits laitiers                             48
Tableau 6 : Économies de taille de l'industrie de la transformation           49
Tableau 7 : Estimation des élasticités-coûts dans le secteur des produits
            laitiers                                                          52
Tableau 8 : Intervalles de confiance des mesures d'élasticités-coûts          53
Tableau 9 : Intervalles de confiance des mesures d'élasticité-coût
            pour le secteur des produits laitiers                             55
Tableau 10 : Élasticités-prix pour la province de Québec, 1999                56
Tableau 11 : Élasticités-prix pour la province de l'Ontario, 1999             57
Tableau 12 : Élasticités-prix pour la province de la Nouvelle-Ecosse, 1999    57
Tableau 13 : Élasticités-prix pour la province de Québec, 1999                59
Tableau 14 : Élasticités-prix pour la province de l'Ontario, 1999             59
Tableau 15 : Élasticités-prix pour la province de la Nouvelle-Ecosse, 1999    59
Tableau 16 : Élasticités-prix pour la province de Québec, 1998                61
Tableau 17 : Élasticités-prix pour la province de l'Ontario, 1999             61
Tableau 18 : Élasticités-prix pour la province de la Nouvelle-Ecosse, 1999    62
ix

Liste des figures
Figure 1 : Parts des dépenses dans secteur de la boulangerie           5
Figure 2 : Parts des dépenses dans le secteur de la viande             7
Figure 3 : Parts des dépenses dans le secteur des produits laitiers    9
Figure 4 : Zones d'économies de taille                                12
1 Introduction et problématique

1.1 Introduction
       Depuis quelques décennies, le secteur agroalimentaire a subi de nombreux
bouleversements en Amérique du Nord. Tous les maillons de la chaîne de distribution sont
aujourd'hui de mieux en mieux organisés et le nombre de transformateurs est en
diminution. La production des différents secteurs de transformation agroalimentaire est
toutefois plus élevée. La taille moyenne des entreprises de transformation est aussi plus
grande. Les entreprises de transformation ont le rôle d'intermédiaires entre les producteurs
et les distributeurs. Elles font face à une concentration accrue en aval comme en amont de
la chaîne. La structure du marché actuel dans plusieurs filières agroalimentaires est telle
qu'il n'y a que quelques distributeurs. Les producteurs sont nombreux mais de mieux en
mieux organisés. Ils possèdent différents mécanismes de mise en marché collective leur
permettant d'obtenir de meilleurs prix.

       Sous ces conditions, il est difficile pour les entreprises de transformation
d'augmenter leur marge de profit ou leur part de marché en réduisant le prix payé pour
leurs intrants ou en augmentant le prix de vente de leur production. Une possibilité pour
accroître leurs profits ou parts de marché est de réduire leurs coûts de production. Certains
observateurs argumentent que la taille des firmes (et de la filière) dans un marché est
devenue un déterminant important de la compétitivité. En fait, un volume de production
plus important pourrait engendrer des économies de taille permettant aux entreprises de
diminuer leur coût moyen de production, augmentant ainsi leur compétitivité sur les
marchés. Cette possibilité pourrait expliquer les changements observés au cours des
dernières années dans le secteur agroalimentaire. À cet effet, le nombre d'établissements de
transformation agroalimentaire est passé de 3147 à 2790 entre 1988 et 1995. La valeur des
expéditions, en dollars courants, est passée de 40 à 49 milliards de dollars durant cette
même période (Agriculture et Agroalimentaire Canada, 2004). Il est donc évident que la
structure de l'industrie de la transformation a évolué au cours des dernières années et il est
probable qu'elle continue de changer au cours des prochaines années.
2

1.2 Problématique
       La libéralisation des marchés agroalimentaires inquiète plusieurs intervenants du
secteur. Certains transformateurs agroalimentaires redoutent les effets de la libéralisation
sur leur compétitivité. D'autres supportent le courant de libéralisation en pensant que
l'ouverture des marchés génère des opportunités de profits additionnels. Le principal
marché d'exportation des transformateurs québécois est le marché américain. En 2000, les
exportations québécoises atteignaient 2,4 milliards de dollars. De ces ventes à l'étranger,
près de 75% de la valeur était destinée aux États-Unis (MAPAQ, 2002). De plus, les
entreprises américaines constituent souvent le plus important compétiteur des entreprises
québécoises sur les marchés étrangers. L'organisation du secteur agroalimentaire aux Etats-
unis est fondamentalement différente de l'organisation au Québec et jusqu'à un certain
point dans le reste du Canada. Il est difficile pour les transformateurs d'augmenter ses
recettes monétaires en vendant plus cher et/ou en diminuant ses coûts en achetant à un prix
moins élevé. Il devient alors important d'analyser leur structure de coût de production. Cela
permet de déterminer s'il est possible de réduire le coût moyen de production en
augmentant la taille des firmes. Il n'existe pas, à ce stade, d'études traitant des économies
de taille potentielles au niveau de la transformation agroalimentaire appliquées au Canada.
Pourtant, le coût de production est un facteur déterminant de la compétitivité sur les
marchés locaux et étrangers.

       Depuis l'ouverture des frontières aux échanges de produits agroalimentaires, deux
constats peuvent être observés. Le premier se situe au niveau de la taille des firmes. La
tendance est à la croissance de la taille moyenne des firmes. Quant au second, il s'agit du
nombre de firmes qui diminue dans le temps. Cela résulte en une augmentation de la
concentration dans la plupart des secteurs agroalimentaires. La demande des produits
alimentaires est relativement stable dans le temps. Par conséquent, de moins en moins de
firmes sont nécessaires pour desservir le marché puisque la taille des firmes restantes est de
plus en plus grande. On a souvent fait référence aux économies de coût, plus
spécifiquement les économies de taille, pour expliquer ce phénomène. Un accroissement du
volume de production permet de répartir les coûts fixes sur un plus gros volume, réduisant
3

ainsi le coût de production moyen. Cette définition ne représente toutefois qu'une simple
partie de la définition globale du concept des économies de taille.

        La définition des économies de taille va plus loin que la simple répartition des coûts
fixes sur une production donnée puisque la réallocation des intrants lors de l'accroissement
de la production a aussi un effet important. En fait, c'est le coût total moyen qui doit être
analysé pour évaluer les économies de taille, que ce soit au niveau des firmes individuelles
ou bien au niveau de l'industrie. L'objectif de ce mémoire est de déterminer l'effet de la
taille d'une industrie sur sa structure de coût en mesurant les économies de taille pour les
secteurs de la boulangerie, de la viande et des produits laitiers de chaque province
canadienne. En d'autres mots, il s'agit de vérifier si une industrie peut diminuer son coût de
production moyen en augmentant la production. Les mesures d'économies de taille dans
chaque province seront utilisées pour comparer la structure de coût de l'industrie
québécoise à celle des autres provinces canadiennes.

        Le choix des trois secteurs agroalimentaires mentionnés est dicté par la disponibilité
des données. Chaque secteur a par contre son attrait spécifique. Par exemple, l'analyse du
secteur de la boulangerie amène une nouveauté dans la littérature. La plupart des études ont
analysé le secteur de la viande, particulièrement aux Etats-Unis. L'industrie de la
transformation bovine a été particulièrement ciblée par rapport à sa très forte concentration
du début des années 90. Cependant, il n'existe pas d'études spécifiques aux économies de
taille des transformateurs canadiens. Enfin, pour le secteur des produits laitiers, le
contingentement à la production influence certainement la structure de coût pour l'industrie
de la transformation. Ce secteur mérite d'être analysé dans le contexte actuel de
libéralisation.
4

2 Description des secteurs

2.1 Secteur de la boulangerie
       Les produits de boulangerie comprennent le pain, les produits de boulangerie
(détail, fabrications commerciales ou congelés), les biscuits, les craquelins, les pâtes
alimentaires, les mélanges de farine et de pâte à partir de farine achetée et les tortillas. Au
Canada, ces produits sont normalement vendus frais et doivent être expédiés rapidement à
l'exception de certains qui sont congelés. Les exportations des produits congelés
représentaient d'ailleurs 14% des ventes en 1997. Quant à la demande des produits de
boulangerie, elle augmente plus rapidement que celle de nombreux autres produits
alimentaires depuis les années 90 (Agriculture et Agroalimentaire Canada, 2004).

       La structure du marché de la boulangerie est demeurée relativement stable entre
1988 et 1997. Au cours de cette période, les entreprises de moins de 20 employés
obtenaient moins de 10% des ventes. Celles dont le nombre d'employés variait de 20 à 200
avaient 50% des ventes. Enfin, celles ayant un nombre d'employés (plus de 200) détenaient
40% des ventes (Agriculture et Agroalimentaire Canada, 2004). La périssabilité des
produits et la distance par rapport au marché dans ce secteur influencent beaucoup la
structure du marché. Les produits doivent être distribués rapidement pour éviter la perte de
qualité et de valeur. Il est préférable pour les firmes d'être à proximité des importants
marchés de consommation. Les plus grosses firmes produisent ainsi les produits de
consommation courante et les produits congelés tandis que les plus petites réussissent à se
tailler une place dans des marchés de niche. Le ratio de concentration des quatre plus
grandes entreprises canadiennes (CR-4) était d'environ 51% en 1997 (Agriculture et
Agroalimentaire Canada, 2004). En 2004, Maple Leaf détenait 30% du marché. Le reste du
marché est divisé entre des entreprises artisanales, les marques privées et les autres
entreprises avec respectivement       12%, 38% et 20% du marché (Agriculture et
Agroalimentaire Canada, 2006).
La figure 1 illustre la part des dépenses de chaque intrant de production pour les
provinces canadiennes ayant la plus grande production. La région de l'Atlantique regroupe
les provinces suivantes : Terre-Neuve, la Nouvelle-Ecosse, l'île-du-Prince-Edouard et le
Nouveau-Brunswick. Cette région est illustrée pour montrer que les parts de dépenses sont
similaires à celles des provinces ayant un volume de production plus important. L'année la
plus récente pour laquelle les données sont disponibles est indiquée sur l'abscisse. Le coût
des matières et fournitures est le coût de transformation le plus important dans le secteur de
la boulangerie. Le coût de cet intrant représente plus de 65% du coût total pour la plupart
des provinces. Le coût de la main-d'œuvre représente un peu moins de 25%. Les coûts du
capital et de l'énergie représentent environ 10% du coût total.

                 Figure 1 : Parts des dépenses dans secteur de la boulangerie

            100

            SI)
                                                                          ■ Matières et fournitures
            60                                                            D Travail
                                                                          □ Capital
            40
                                                                          □ Énergie

            20
                                                !
                     L_Q=>      Eb      i tbi        JDm       i LL
                    Alberta Colombie- Ontario       Québec   Atlantique
                     2001   Britannique 2002         2002       2001
                                2002

                  Source : CANSIM
6

2.2 Secteur de la viande
       Le secteur de la viande peut être décomposé principalement en trois types de
production : le bœuf, le porc et la volaille. La production de ces biens a évolué
différemment au cours des années suite aux changements dans les préférences des
consommateurs et dans la structure de chaque marché. De plus, la production n'est pas
répartie également entre les provinces. Par exemple, le Québec et l'Ontario transforment
actuellement la plus grande part du cheptel porcin (Agriculture et Agroalimentaire Canada,
2006), alors que l'Ouest canadien transforme le bouvillon d'abattage (Conseil des viandes
du Canada, 2006). Dans le cas de la volaille, la production à la ferme est contingentée.
L'Ontario produit la plus grande part de la volaille vendue au Canada (Conseil national des
produits agricoles, 2003). L'industrie de la viande combine donc plusieurs types de
produits pour lesquels les structures de marché sont différentes. Le niveau de désagrégation
des données employées dans l'analyse empirique ne permet toutefois pas de traiter
l'industrie de la volaille séparément des autres industries.

       Les préférences des consommateurs ont définitivement évolué favorablement vers
les viandes blanches. La consommation annuelle moyenne de poulet par exemple a
grandement augmenté depuis les années 60 au Canada. Elle est passée de 10 à 30
kilogrammes per capita entre 1960 et 2004 (CANS1M). Le niveau du contingentement de la
production de poulet s'est ajusté à la forte croissance de la demande intérieure. Cela a
permis à l'industrie de la volaille de prendre de l'expansion. Dans l'industrie porcine, la
demande per capita est demeurée relativement stable. Elle a oscillé entre 25 et 30
kilogrammes annuellement durant cette période (CANSIM). Ce sont les marchés
d'exportation qui ont permis aux transformateurs de viande porcine d'accroître rapidement
leur production. La production est passée de 45 tonnes à 982 tonnes (CANSIM).
Finalement, la consommation de viande de boeuf a plafonné au cours des années 70 au
Canada comme dans tout le reste de l'Amérique du Nord. Elle a ensuite continuellement
diminué jusqu'au début des années 90. Les quantités consommées sont maintenant stables
avec un peu plus de 30 kilogrammes per capita (CANSIM). Lous les facteurs précédents
ont un impact sur le développement de l'industrie de transformation de la viande.
Le secteur de la viande est relativement concentré. Les quatre plus grosses firmes
détenaient 79% des parts de marché en 2001 (Harrison et Rude 2004). Cette structure
pourrait malgré tout être appelée à changer au cours des prochaines années. Les pressions
environnementales (par exemple, moratoire sur le développement de la production porcine
au Québec), la croissance du nombre d'épizooties (par exemple, grippe aviaire, vache folle)
et la libéralisation des marchés agroalimentaires affecteront nécessairement l'évolution des
ces industries dans le futur.

       Les parts de dépenses des intrants pour les principales provinces productrices et la
région de l'Atlantique sont illustrées à la figure 2. Tout comme pour le secteur de la
boulangerie, l'Atlantique est une petite région en termes de transformation des produits de
la viande. Les dépenses en matières et fournitures représentent une très grande part des
dépenses encourues du secteur avec plus de 80% dans chaque province. Le coût de la main-
d'œuvre représente un peu plus de 10% des coûts. Finalement, les coûts du capital et de
l'énergie représentent à peine 5% des coûts totaux.

                   Figure 2 : Parts des dépenses dans le secteur de la viande

            100

             80
                                                                        ■ Matières et fournitures
             60                                                         □ Travail
                                                                        D Capital
             10
                                                                        □ F.nergic
             20

                    Alberta   Colombie- Ontario   Québec   Atlantique
                     2002     Britannique 2002     2002       2002
                                  2002

                  Source : CANSIM
8

2.3 Secteur des produits laitiers
       La production laitière est sous gestion de l'offre au Canada. Les transformateurs
laitiers ne peuvent donc pas augmenter leur production librement puisque l'offre de biens
primaires est contingentée. De plus, très peu de produits laitiers sont exportés ou importés.
(Agriculture et Agroalimentaire Canada, 2005) D'après les données de Statistique Canada,
compilées par Groupe AGECO (2004), la consommation de lait per capita a diminué entre
1990 et 2002. Elle est passée de 96 à 86 litres de lait. 11 y a aussi une tendance à la baisse
pour les produits laitiers transformés. Elle est plus prononcée dans les produits riches en
matières grasses. Par contre, la consommation yogourt est à la hausse, de même que certain
produit à plus faible teneur en gras comme le lait glacé. Les fromages de spécialité ont
aussi connu une hausse au cours de la même période. La production laitière est tout de
même demeurée stable au cours de cette période avec 7,35 milliards de litres de lait
(CANSIM). Les prix et la quantité de lait acheté par les entreprises de transformation sont
prédéterminés. Les coûts de transformation sont donc affectés par cette rigidité au niveau
de la structure du marché.

       Le document Portrait de l'industrie laitière canadienne produit par Agriculture et
Agroalimentaire Canada en 2005 documente bien la structure de l'industrie. La
transformation des produits laitiers s'effectue principalement au Québec et en Ontario où la
production est aussi la plus importante. Ces provinces transforment 70% des produits
laitiers au Canada. Les entreprises sont aussi situées près des marchés importants. Par
ailleurs, l'industrie laitière est aujourd'hui très concentrée. Trois entreprises se partageaient
71% de la transformation des produits laitiers en 2004.
9

       Les parts de dépenses de chaque intrant pour les provinces les plus importantes et la
région de l'Atlantique sont illustrées à la figure 3. Le coût des matières et fournitures est le
plus important avec plus de 85% des coûts. Le coût de la main-d'œuvre occupe un peu
moins de 10% des coûts. Les coûts du capital et de l'énergie ne représentent que 5% des
dépenses totales.

            Figure 3 : Parts des dépenses dans le secteur des produits laitiers

            100

                    I I I I I                                           | ■ Matières et fournitures
            « ]                                                         □ Travail
            40 |                                                        O capital

                    I I I I I °
                    Alberta
                     2001
                              Colombie- Ontario
                              Britannique 2002
                                                  Québec
                                                   2002
                                                           Atlantique
                                                              1996
                                  2002

                  Source : CANSIM
10

3 Revue de littérature

3.1 Définition du concept d'économies de coût
       Les économies de coût sont divisées en deux types : les économies de gamme et les
économies de taille. Ces dernières sont parfois appelées économies d'échelle, bien qu'une
distinction doit être faite entre les deux. Les économies d'échelle font appel à une fonction
de production tandis que les économies de taille réfèrent à une fonction de coût. Les
économies de gamme sont réalisées lorsqu'il est plus profitable de produire plusieurs biens
ensemble dans une même usine que de produire ces différents biens dans plus d'une
installation. Les économies de taille représentent les économies reliées à l'augmentation de
la production d'un bien spécifique. Elles sont observées lorsque le coût total moyen
diminue avec l'augmentation de la production d'un bien.

       Les économies de taille sont internes ou externes à la firme. Elles peuvent être
analysées de la perspective de l'usine, de la firme ou de l'industrie. Il peut y avoir des
économies de taille à chacune de ces sources. L'usine peut réduire son coût de production
moyen par l'augmentation de la productivité des facteurs de production. Une firme peut
aussi répartir sa production totale en plus d'une usine. Les économies de coût engendrées
sont dites d'usines multiples. Elles sont associées à la publicité, la recherche, le
management, etc. Les économies de taille de l'industrie sont externes à la firme. La
spécialisation des fournisseurs d'intrants, l'abondance de la main-d'œuvre spécialisée, la
localisation de l'industrie et la diffusion des connaissances sont différentes variables qui
affectent le coût de production moyen de la firme. La firme n'a cependant pas de contrôle
sur ces différents facteurs qui lui font bénéficier des économies de taille.

       Puisque les données des firmes canadiennes sont confidentielles, l'origine des
économies de taille mesurées n'a pas pu être identifiée. La mesure des économies de taille
provient à la fois des économies de taille internes et externes. Certaines firmes peuvent
bénéficier d'économies de taille reliées à la répartition de la production dans plusieurs
usines. D'autres peuvent directement en bénéficier par une augmentation de la production
des usines. Elles peuvent aussi provenir de plusieurs sources à la fois.
11

       L'étude de Morrison Paul (2001) mesure les économies de taille au niveau de la
firme. Elle décompose la mesure globale d'économies de taille selon les économies de coûts
reliées à l'augmentation de la production et le nombre d'usines. Ollinger, MacDonald et
Madison (2005) ont utilisé des données des firmes américaines pour comparer les
économies de taille des entreprises de grande taille par rapport à celles de plus petite taille.
Des analyses de ce genre ne peuvent être aussi approfondies avec les données agrégées des
industries canadiennes. Les industries peuvent être comparées régionalement, mais il n'est
pas possible de faire des comparaisons inter-firmes et identifier les firmes (ou usines) qui
réalisent les économies de taille. Déterminer des économies de taille au niveau de
l'industrie n'implique pas nécessairement que l'augmentation de la production réduira le
coût moyen de chaque firme sur le marché. Ce sont les firmes qui sont en mesure
d'exploiter des économies de taille qui devraient normalement augmenter leur production.
Elles pourraient ainsi accroître leur compétitivité en bénéficiant d'économies de coût.

       En raison de la confidentialité des données, seulement les données de l'industrie sont
disponibles pour chaque secteur agroalimentaire. La mesure d'économies de coût est limitée
à la mesure des économies de taille. Il est donc pertinent de voir la manière dont il est
possible d'obtenir cette mesure pour une industrie. D'abord, il existe un lien entre la
fonction de production et la fonction de coût. Définissons une fonction de production
comme suit : y = f(K,L,E,M);          où y mesure l'output de l'industrie en fonction des
intrants K,L,E,M ; respectivement les quantités de capital, de main-d'oeuvre, d'énergie et
de matières et fournitures. La relation entre l'output et les intrants est représentée par la
fonction / ( • ) . Elle représente la technologie disponible. La fonction de coût est obtenue en
minimisant les dépenses d'intrants sous contrainte de la technologie disponible (Jehle et
Reny, 2000). Elle est définie par c(y,p)         où p est le vecteur de prix des intrants

K,L,E,M-

       Il existe différents types de coûts. Les coûts variables évoluent en fonction du
niveau de production. À l'opposé, les coûts fixes ne varient pas en fonction du niveau de
production. Le coût total est la somme des coûts fixes et des coûts variables. Le coût total
12

moyen est le coût total divisé par la quantité d'output. Enfin, le coût marginal est le coût
pour produire une unité supplémentaire d'output.

        L'élasticité-coût pour un certain niveau de production donné est définie par la
variation en pourcentage des coûts suite à une variation en pourcentage du niveau de
production :

                                                                                           (1)
                                              dQ C

Une façon simplifiée de décrire les économies de taille est la suivante : sc =CmICmoy où

Cm est le coût marginal et C      représente le coût moyen. Le rapport du coût marginal sur

le coût moyen produit la variation du coût de production en pourcentage suite à une
variation de 1% de la production. De manière générale, il y a trois zones importantes à
retenir par rapport au calcul des économies de taille. Elles sont présentées à la figure 4 qui
suit.

                            Figure 4 : Zones d'économies de taille

    Coût

                                                             Coût total
                                                             moyen

                                                                  variable moyen

                                                           Coût fixe moyen
                                                                 —► Production
                                   -M-

                   sc < 1        ec = 1          sc>\
13

La figure 4 illustre trois zones définies par :
    1) £•,. < 1 : zone d'économies de taille

   2) e(. = 1 : économies de taille constantes (échelle de production minimum efficace)

   3) s( > 1 : zone de déséconomies de taille

       Dans la première zone, on retrouve ec\    implique que le coût moyen des firmes augmente avec l'augmentation de la
production. Le point où les profits de la firme sont maximisés dépend du positionnement
des coûts mais aussi du prix de l'output et de la possibilité d'exercer du pouvoir de marché.

3.2 Fonction de coût et propriétés
       Plusieurs études ont documenté les économies de taille dans le secteur des viandes
aux États-Unis. Bail et Chambers (1982) documentaient il y a plus de 20 ans la présence
d'économies de taille dans le secteur de la viande. Plus récemment, MacDonald et al.
(2000) ont trouvé que l'élasticité-coût dans les industries porcine et bovine était de 0,93 en
1992 dans chaque industrie. Ollinger, MacDonald et Madison (2005) rapportent que les
mesures d'élasticité-coût pour les industries du poulet et de la dinde étaient respectivement
0,91 et 0,89 en 1992. Morrison Paul (2001) estime que les économies de taille pour une
firme moyenne dans l'industrie bovine sont mesurées par une élasticité-coût de 0,92.
14

          Par ailleurs, l'incitation à exploiter les économies de taille amène les firmes à
augmenter leur production souvent plus rapidement que l'accroissement de la demande sur
le marché. Cela se traduit par une baisse du nombre de firmes sur le marché. L'effet de
concentration peut amener les firmes à dévier des comportements généralement observés en
concurrence parfaite. Le nombre peu élevé de firmes permet potentiellement d'exercer un
certain pouvoir de marché. Dans ce cas, le niveau de production peut être sous le niveau
prévalant dans un cadre de concurrence pure et parfaite. Cela a pour effet de hausser le prix
de l'output ou d'abaisser le prix des intrants. Les études de Lopez, Azzam et Libon-Espana
(2001), Schroeter, Azzam et Zhang (2000), Azzam (1997), Azzam et Pagoulatos (1990),
Appelbaum (1979) et Morrison Paul (2000 et 2001) soutiennent de façon générale qu'il
existe un pouvoir de marché dans l'industrie bovine américaine mais qu'il est relativement
faible.

          Par ailleurs, l'objectif du mémoire est de mesurer les économies de taille dans les
secteurs de la boulangerie, de la viande et des produits laitiers. Cela requiert la modélisation
d'une fonction de coût afin d'obtenir les paramètres qui servent au calcul des économies de
taille. La fonction de coût est directement reliée à la technologie. Il n'est toutefois pas
possible de connaître la technologie disponible dans chaque secteur avec certitude. La
fonction de coût possède aussi diverses propriétés théoriques. Lorsque la fonction de
production est continue et strictement croissante, la fonction de coût est :

    •     Continue sur son domaine ;
    •     Strictement croissante en y pour tout p > 0 ;
    •     Croissante en p ;
    •     Homogène de degré 1 en p . Ceci signifie que si le prix de tous les intrants
          augmente dans les mêmes proportions, le coût augmentera aussi du même
          pourcentage ;
    •     Concave en p ;
    •     Différentiable en p lorsque la fonction de production est strictement quasi-concave.
          Le lemme de Shephard s'applique pour évaluer la part de chacun des intrants dans
          la fonction de coût. (Jehle et Reny, 2000)
15

         Il est aussi important que ces propriétés soient respectées en travaillant de façon
empirique. La forme fonctionnelle utilisée pour représenter la fonction de coût de chaque
secteur doit donc être assez flexible pour représenter diverses technologies. Elle doit inclure
un nombre minimal de paramètres à estimer, idéalement sans restreindre le calcul des
mesures d'élasticités de coûts ou les possibilités de substitution entre les intrants (Diewert,
2005).

         Une série de formes fonctionnelles flexibles ont été développées au cours des
années 70. Elles permettent d'estimer les différentes élasticités de substitution entre les
intrants de même que les élasticités-coûts sans devoir assumer une certaine forme
particulière pour représenter la technologie disponible. La littérature note l'introduction par
Diewert des formes Léontief généralisée, Cobb-Douglas généralisée et la Léontief
généralisée quadratique (cas spécifique de la Léontief généralisée) en 1971, 1973 et 1974
respectivement. Christensen, Jorgensen et Lau (1973) ont développé la forme fonctionnelle
flexible appelée translog en 1973 (Berndt et Khaled, 1979).

         Une forme fonctionnelle flexible est une approximation de second ordre d'une
fonction de coût arbitraire. Elle représente un développement de séries de Taylor limité à la
deuxième dérivée, d'où l'approximation de second ordre pour estimer la réelle fonction de
coût. Celle-ci doit d'ailleurs être continue et dérivable deux fois (Diewert, 2005). Tout
dépendant de la forme fonctionnelle choisie pour approximer la fonction de coût, il est
possible d'obtenir des résultats différents. Les mesures d'économies de coût et les élasticités
de substitution peuvent varier entre la translog et la Léontief généralisée par exemple.

         La flexibilité de la forme fonctionnelle est le facteur déterminant dans le choix de
celles-ci. C'est d'ailleurs pour cette raison que peu d'études utilisent une forme de type
Cobb-Douglas bien que tous les manuels de microéconomie en font habituellement usage.
Elle est généralement trop restrictive pour examiner la structure de coût d'une industrie
(Kim, 2005). Les deux autres formes fonctionnelles, la translog et la Léontief généralisée,
sont toutes les deux très utilisées bien que la Léontief généralisée soit plus flexible. La
forme translog est contrainte par les propriétés logarithmiques. Les manipulations des
équations peuvent parfois être complexes. C'est d'ailleurs pour cette raison que la Léontief
16

généralisée est mieux adaptée pour les cas où des intrants sont fixes. Par exemple, le capital
est souvent considéré comme un intrant fixe à court terme. Les études de Diewert (1971),
Denny (1974), Appelbaum (1979), Thomsen (2000), Morrison (1988, 1997), Morrison Paul
(2000 et 2001), Schroeter (1988), Park et Kwon (1995), Kambhampaty et al. (1996),
Morrison Paul et Siegel (1999), Azzam (1997), Azzam et Anderson (2001), Lopez, Azzam
et Lirôn-espana (2001), ont toutes utilisé la forme Léontief généralisée.

       Un autre avantage de la forme Léontief généralisée est qu'il est facile de considérer
les cas où plus d'un output est produit et que le niveau de production de certains biens pour
certaines firmes est nul. La forme translog est basée sur les transformations logarithmiques
des variables et n'admet donc pas de valeurs nulles.

       Lorsqu'il n'y a pas de contraintes spécifiques à l'utilisation de la forme translog, il
est possible de choisir entre celle-ci et la Léontief généralisée. La forme translog demande
davantage de manipulations, sauf que l'interprétation des résultats est plus simple que pour
la Léontief généralisée. Cela rend la fonction translog plus populaire lorsque le modèle
estimé n'est pas complexe. Tel que Morrison Paul (1988) le souligne, la forme translog
permet de calculer rapidement les élasticités de substitution en plus de faciliter l'imposition
des conditions de régularité et d'homogénéité de la fonction de coût. Ces restrictions sur
l'estimation de la fonction de coût sont en fait les propriétés théoriques définies plus haut.
La forme translog se prête donc très bien à l'estimation des économies de taille où tous les
intrants sont variables. Christensen, Jorgensen et Lau (1973) ont été les premiers à proposer
la forme translog. Bail et Chambers (1982), Tremblay (1987), Kambhampaty et al (1996),
Lame, Dissou et West (1996), MacDonald et Ollinger (2000), OUinger, MacDonald et
Madison (2005) et Hailu, Jeffrey et Unterschultz (2005) ont tous utilisé la forme translog
afin de mesurer les économies de taille des firmes ou de l'industrie.
17

4 Méthodologie

4.1 Présentation du modèle
        En raison de sa simplicité, la forme fonctionnelle translog a été retenue pour cette
étude. Le modèle développé par Ollinger, MacDonald et Madison (2005) pour différentes
industries de la viande aux États-Unis est repris dans ce mémoire pour estimer les
économies de taille. La démarche est similaire pour les secteurs de la boulangerie, de la
viande et des produits laitiers. Les intrants utilisés dans chaque secteur sont le capital, la
main-d'œuvre, l'énergie et les matières et fournitures. Une différence par rapport au modèle
d'Ollinger, MacDonald et Madison (2005) est liée au fait que c'est la structure de coût de
l'industrie canadienne qui est modélisée. Il n'est donc pas possible de faire une distinction
entre la structure de coût d'une petite ou d'une grosse firme par exemple. Le modèle doit
aussi être adapté pour tenir compte des effets du contingentement de la production laitière
sur les activités de transformation. Pour cette raison, la modélisation des fonctions de coût
est divisée en deux sections. La première présente le modèle utilisé à la fois pour le secteur
de la boulangerie et pour le secteur de la viande. La seconde section présente le modèle
adapté pour le secteur laitier.

4.1.1 Secteurs de la boulangerie et de la viande

       Il est important de noter que chaque secteur de transformation a sa propre fonction
de coût qui est indépendante des autres secteurs. Cependant, la façon d'estimer la fonction
de coût de l'industrie pour les secteurs de la boulangerie et de la viande est identique.
Considérons la forme générale de la fonction de production d'un secteur :

                                     y=      f(K,L,E,M)                                    (2)
IX

où y mesure la production et K,L,E,M          mesurent respectivement les quantités d'intrants
en capital, en main-d'œuvre, en énergie et en matières et fournitures. Puisqu'il existe un
lien direct entre la fonction de production et la fonction de coût, considérons que les coûts
sont :

                                         C = g(y,p,t)                                       (3)

où C est le coût de production total et p est un vecteur de prix des intrants capital (pK),

main-d'œuvre (p,),      énergie (pE)      et matières et fournitures (pM).        Chaque prix

correspond à l'indice de prix provenant (ou calculé) des bases de données de Statistique

Canada. Les détails sont fournis à la section 5. La variable temps (/) représente une

tendance pour potentiellement capter le changement technologique au cours de la période.
La forme translog de la fonction de coût de l'industrie s'exprime de la façon suivante :

                   In C = a0 + £ a, In p, + ay In y + 0 , 5 ^ £ atj In p, In p]
                                i                         i   J

                        + £ aiy In pi\x\y + 0,5ayy (In yf + a,t + £ a„i In pi                (4)

                        +avlt\ny + Q.5allt2

où i, j = K,L,E,M.     L'utilisation du lemme de Shephard permet d'obtenir les parts de
dépenses s, pour chaque intrant :

                          s, (p,y,t) = a, + YJaa In Pj + aiy \x\y + aht                     (5)

         Puisque la sommation des parts de dépenses égale un W^l.si =1], une des équations

ne doit pas être estimée pour éviter la singularité du système d'équations définies par (4) et
(5) (Greene, 2003). Trois équations des parts de dépenses seront employées dans
l'estimation. La part de dépenses de l'énergie à l'équation (5) ne sera pas estimée dans le
modèle. Les résultats ne varient pas selon la part de dépenses de l'intrant mise de côté dans
l'estimation (Barten, 1969; cité par Greene, 2003) en raison des propriétés de l'estimateur
19

du maximum de vraisemblance employé plus loin. Même si la part des dépenses en énergie
n'est pas estimée, les paramètres de cette équation sont facilement retrouvés étant donné les
propriétés de la fonction de coût décrites ci-après.

        Des restrictions sur les paramètres doivent être appliquées pour que les propriétés de
la fonction de coût (symétrie et homogénéité linéaire dans les prix) soient respectées :

                        a
                        ij = aa> X a>=l ' S % = °» X a; = °> S ai< = °                            ^
                                                       j          j

Les équations (4) et (5) sont estimées simultanément, c'est-à-dire comme un système
d'équations apparemment non reliées (acronyme SUR en anglais). Cette méthode
d'estimation permet de considérer la corrélation entre les termes d'erreur des parts de coûts.
(Greene, 2003) Les restrictions en (6) sont aussi imposées directement dans la fonction de
vraisemblance. Une variable pour potentiellement capter la tendance a été incluse dans le
modèle à estimer. Le test du ratio de vraisemblance (LR) qui suit permet de vérifier si la
tendance est significative ou non :

                                      LR = 2      4-4]~*2(6)
Lc et    Lnc     sont   respectivement      les   maximums   de       vraisemblance   contraint

(a, =alt =ait =ayl =0;Vn et non contraint du modèle défini par (4) et (5). La statistique

LR suit une distribution Chi-carrée avec 6 degrés de liberté qui correspondent au nombre
de paramètres contraints sous l'hypothèse nulle que la variable tendance n'est pas
significative.

        Une fois l'estimation des paramètres de la fonction de coût translog complétée,
l'élasticité-coût se calcule comme suit :

                                   ôlnC
                                   d\ny                                                     (8)
20

L'équation (8) permet de calculer les économies de taille pour les secteurs de la boulangerie
et de la viande.

       Une précision doit être apportée sur l'estimation du modèle. Celui-ci est estimé à
partir des données de l'industrie disponibles pour chaque province. La période couverte est
de 1990 à 1999. Dans le but d'obtenir un nombre de degrés de liberté suffisant pour estimer
le modèle, la technologie est supposée identique entre les provinces. Ainsi, plutôt que
d'estimer une fonction de coût pour chaque province, une seule fonction est estimée pour
l'ensemble d'entre elles. La concavité a aussi été imposée localement dans le modèle en
suivant la méthode de Ryan et Wales (2000) décrite à la section 4.2. On s'assure ainsi que la
fonction de coût respecte la concavité au point où l'élasticité-coût est mesurée.

4.1.1.1 Élasticités de substitution
       Les paramètres estimés permettent de mesurer l'élasticité de substitution entre les
intrants. Elle est mesurée au point où la propriété de concavité de la fonction de coût est
imposée (voir section 4.2) sur la fonction de coût. Il s'agit aussi du point de référence
servant à la normalisation des données. Il est choisi de façon arbitraire. Par contre, on
simplifie les équations et l'interprétation des paramètres estimés en normalisant
directement au point où la concavité est imposée localement. Les prix et quantités sont
divisés par rapport aux prix et quantités au point de référence qui est choisi. Au point de
référence, les quantités et les prix normalisés sont égaux à 1. Par conséquent, le log(l) = 0.

Dans ce cas-ci, on impose la propriété de concavité de la fonction de coût au même point.
C'est ce qui simplifie l'équation. Même si les paramètres estimés prennent une valeur
différente de zéro, le résultat demeure nul pour plusieurs termes. Par exemple, les termes de
l'équation (8) deviennent tous nuls sauf le terme a , ce qui donne directement la mesure

d'économies de taille estimée. Le même principe s'applique pour les élasticités de
substitution. Les calculs et les interprétations auraient été plus complexes si un autre point
de normalisation avait été choisi.
21

         Les élasticités de substitution déterminent l'impact d'une augmentation de coût d'un
intrant sur la demande pour un autre intrant tout en maintenant les autres variables
exogènes (prix et quantité) constantes. L'équation suivante fournit une mesure d'élasticité
de substitution partielle de Hicks-Allen :

                                                  CCti   eu
22

Dans cette situation, l'augmentation du prix d'un intrant (7) entraîne une diminution de la

consommation d'un autre intrant (/). Deux situations extrêmes peuvent aussi survenir. S'il

y a une parfaite substitution des intrants, sfj = 00. Dans l'autre cas extrême où il n'existe

pas de substitution entre les intrants, etj = 0. Il est aussi possible de parler de

complémentarité parfaite ente les intrants. Ceci est l'exemple d'un cas spécifique où la
proportion des intrants est fixe. Il s'agit d'une technologie Léontief.

        Il y a un inconvénient à l'utilisation des élasticités de substitution partielles de
Hicks-Allen. Elles fournissent une mesure de la substitution dans le sens hicksien
seulement dans le cas où il n'y a que deux intrants utilisés dans la fonction de coût. S'il y
en a davantage, les élasticités ne fournissent pas une mesure du degré de substitution dans
le sens de Hicks (Blackorby et Russell, 1989). En fait, lorsque le prix d'un intrant change,
alors que celui des autres intrants reste constant, tous les ratios de prix changent. Cette
information n'est pas captée par les mesures d'élasticité de Hicks-Allen. Les élasticités
calculées suggèrent alors une complémentarité des intrants dans plusieurs cas. Pour en tenir
compte, les élasticités de Morishima sont utilisées. Les élasticités de Morishima prennent
en compte l'information sur les rapports de prix des intrants. Tous les ratios de prix sont
changés même si un seul intrant voit son prix changer. Comme le modèle comporte quatre
intrants, les élasticités de Morishima sont plus appropriées pour déterminer la substitution
entre les intrants. Le concept d'élasticité de Morishima conserve la notion de substituabilité
hicksienne; c'est-à-dire du changement dans le ratio d'utilisation des intrants lorsque les
prix relatifs changent.

       Les élasticités de Morishima se mesurent par la différence entre F élasticité-prix
directe et l'élasticité-prix croisée. Elles tiennent alors compte de l'ajustement relatif de la
quantité d'intrant face aux variations du prix des intrants (Bail et Chambers, 1982). En
utilisant (10) et (11), les élasticités de Morishima sont :
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