Analyse discursive des rapports RSE des entreprises familiales vs non familiales - OpenEdition Journals

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Analyse discursive des rapports RSE des entreprises familiales vs non familiales - OpenEdition Journals
Finance Contrôle Stratégie
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                          Varia

Analyse discursive des rapports RSE des entreprises
familiales vs non familiales
DISCURSIVE ANALYSIS OF CSR REPORTS BY FAMILY AND NON-FAMILY
COMPANIES

Claire Gillet-Monjarret et Anne-Laurence Lafont

Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/fcs/4709
DOI : 10.4000/fcs.4709
ISSN : 2261-5512

Éditeur
Association FCS

Édition imprimée
Date de publication : 28 janvier 2020
ISSN : 1287-1141

Référence électronique
Claire Gillet-Monjarret et Anne-Laurence Lafont, « Analyse discursive des rapports RSE des entreprises
familiales vs non familiales », Finance Contrôle Stratégie [En ligne], 23-1 | 2020, mis en ligne le 01 mars
2020, consulté le 29 mars 2020. URL : http://journals.openedition.org/fcs/4709 ; DOI : https://doi.org/
10.4000/fcs.4709

Ce document a été généré automatiquement le 29 mars 2020.

Tous droits réservés
Analyse discursive des rapports RSE des entreprises familiales vs non familiales   1

    Analyse discursive des rapports RSE
    des entreprises familiales vs non
    familiales
    DISCURSIVE ANALYSIS OF CSR REPORTS BY FAMILY AND NON-FAMILY
    COMPANIES

    Claire Gillet-Monjarret et Anne-Laurence Lafont

    Les auteurs remercient le Labex Entreprendre de l'Université de Montpellier pour le soutien
    financier.

    INTRODUCTION

1   Ces dernières années, les entreprises ont vu le champ de leur responsabilité s’élargir en
    ajoutant à leur responsabilité économique, une responsabilité à la fois
    environnementale, sociale et sociétale. Ainsi, elles se sont peu à peu intéressées aux
    notions de Responsabilité Sociétale (RSE) et de performance sociétale de l’entreprise,
    qui se sont introduites au fil du temps dans leurs préoccupations. Cela a notamment eu
    pour conséquence d’inciter les entreprises à rendre compte de ces nouvelles
    responsabilités à travers la diffusion d’informations extra-financières. Il s’agit d’un
    reporting sociétal à destination des différentes parties prenantes qui se formalise à
    travers différents supports simultanément ou indépendamment de la reddition
    financière (Capron et Quairel, 2004). Ce reporting RSE est devenu une pratique courante
    dans la communication des entreprises sur leur performance extra-financière (Hahn et
    Kuhnen, 2013 ; Diouf et Boiral, 2014 ; Fonseca et al., 2014 ).
2   Cette évolution s’est accompagnée de changements au niveau de l’élaboration de lois,
    réglementations et recommandations. Ainsi, une normalisation internationale la Global
    Reporting Initiative (GRI) a vu le jour afin d’édicter des lignes directrices et des
    indicateurs pour la publication d’informations sociétales. En France, la dimension
    réglementaire relève essentiellement de la loi sur les Nouvelles Régulations
    Economiques (NRE) de 2001 et de la loi Grenelle 2 (loi n°2010-788) du 12 juillet 2010. De

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    nombreuses entreprises ont également recours à un reporting discrétionnaire en
    matière de RSE notamment à travers les rapports RSE. L’analyse de ce type de rapport
    semble être un bon outil pour étudier le discours des entreprises en matière de RSE
    (Garric et al., 2006). Ces rapports ont pour objectif de séduire divers acteurs tels que les
    actionnaires, les clients, les salariés, les fournisseurs et leur fonction est de légitimer
    les activités de l’entreprise (Igalens, 2007). Dans le cadre de la théorie des parties
    prenantes, les attentes de l’ensemble des parties internes et externes à l’entreprise
    doivent être prises en compte (Freeman, 1984). L’entreprise met en place un reporting
    sociétal pour répondre à celles-ci (Roberts, 1992). De plus, en réponses à diverses
    pressions institutionnelles émanant de l’apparition d’un cadre légal et de la diffusion de
    normes internationales spécifiques à la publication d’informations extra-financières,
    les entreprises ont de plus en plus recours à un reporting RSE (Higgins et Larrinaga,
    2014 ; Higgins et al., 2018). Ainsi, ces pressions vont conduire les entreprises à être de
    plus en plus semblables et à adopter des pratiques en réponse à celles-ci dans un
    objectif d’obtention de légitimité (Meyer et Rowan, 1977 ; DiMaggio et Powell, 1983 ;
    BenMlouka et Boussoura, 2008). Nous analysons donc les rapports RSE sous le prisme
    d’un double cadre théorique : la théorie des parties prenantes et la théorie néo-
    institutionnelle de la légitimité.
3   Les chercheurs se sont également questionnés sur le recours aux pratiques de RSE dans
    le contexte particulier des entreprises familiales (EF) (Coville, 2014). Cependant, bien
    qu’il existe un intérêt croissant pour les questions d’éthique dans le champ de
    recherche des EF, peu de travaux ont exploré les pratiques de diffusion d’informations
    sociétales dans les rapports RSE des entreprises familiales (Campopiano et De Massis,
    2015). Cela est d’autant plus étonnant compte tenu du rôle important des EF dans les
    économies mondiales (Schulze et Gedajlovic, 2010). Des recherches empiriques ont
    montré que des divergences existent entre les EF et ENF notamment en terme de
    gouvernance (Randoy et Goel, 2003), d’internationalisation (Piva et al., 2013) et de
    financement (Romano et al., 2001). Ces recherches laissent suggérer qu’il pourrait y
    avoir des différences dans la divulgation sociétale des EF et ENF (Campopiano et De
    Massis, 2015).
4   L’objectif de cet article est de décrire et de comprendre la place des discours
    managériaux dans le processus de diffusion d’informations sociétales à travers les
    rapports RSE. La présente recherche a pour finalité d’analyser le discours en matière de
    RSE dans le contexte particulier des EF. Existe-t-il des formes caractéristiques du
    discours managérial des EF en matière de RSE ?
5   Pour ce faire, une analyse textuelle longitudinale a été menée auprès d’un échantillon
    d’entreprises françaises. Pour analyser le discours des entreprises en matière de RSE,
    nous avons mené une étude sur 153 rapports RSE diffusés par 18 entreprises françaises
    qui publient ces informations depuis plusieurs années. Il s’agit d’étudier le discours des
    entreprises à travers un support de communication privilégié en matière de RSE : les
    rapports RSE.
6   Dans un premier temps, nous présenterons le cadre conceptuel et théorique relatif à la
    RSE et aux entreprises familiales (1). Dans un second temps, nous exposerons la
    méthodologie de recherche utilisée (2). Dans un troisième temps, les résultats de
    l’étude seront présentés (3).

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     1. RSE ET ENTREPRISES FAMILIALES
7    Après avoir présenté le concept de reporting sociétal et les principaux cadres
     théoriques applicables retenus (1.1), nous exposerons le contexte particulier des EF
     (1.2).

     1.1. RSE et reporting sociétal
     1.1.1. Définition

8    La discussion sur la relation entre l’activité humaine et l’écosystème est omniprésente
     dans les grands débats économiques et dans les recherches académiques. Les
     entreprises se sont peu à peu intéressées à la notion de RSE, qui s’est introduite au fil
     des années dans leurs préoccupations.
9    L’élargissement du champ des responsabilités des entreprises s’est notamment traduit
     par la volonté des entreprises de rendre compte des nouvelles responsabilités
     auxquelles elles font désormais face. Ainsi, dans le prolongement des recherches sur la
     RSE, des études sur la manière dont l’entreprise doit et peut en rendre compte ont vu le
     jour (Antheaume et Teller, 2001). Cette nouvelle forme de reddition des comptes a donc
     émergé dans un contexte où les entreprises devant faire face à des changements
     sociaux et environnementaux, rendent compte à diverses parties prenantes de leurs
     nouvelles responsabilités. Il s’agit d’un dialogue entre les entreprises et divers groupes
     intéressés, consistant à leur fournir des comptes (Capron et Quairel, 2004).
10   La dimension discursive devient une dimension croissante du fait de pressions externes
     ou internes à l’entreprise, les dirigeants communiquent au public intéressé par diverses
     formes et pour diverses raisons. Le champ du reporting sociétal apparaît comme un
     champ en constante évolution. Depuis les débuts de l’apparition de telles pratiques
     jusqu’à aujourd’hui, les définitions du reporting sociétal n’ont cessé de foisonner,
     créant des confusions sémantiques. Ce questionnement sur la définition du reporting
     sociétal amène une réflexion sur les enjeux que ce type de diffusion d’informations
     peut avoir pour les producteurs, mais également pour les destinataires de
     l’information. Malgré les multiples apports de ce reporting, des incertitudes
     apparaissent, notamment quant à la qualité des informations diffusées (Quairel, 2004,
     Rivière-Giordano, 2007 ; Gillet-Monjarret, 2015). A la suite de la remise en cause de la
     qualité et de la fiabilité du reporting sociétal, la pratique de vérification des
     informations extra-financières s’est développée (Cho et al., 2012 ; Gillet-Monjarret et
     Martinez, 2012 ; Herda et al., 2014 ; Gillet-Monjarret, 2015).
11   Le contenu et la forme du reporting sociétal sont étroitement liés à l’identification des
     destinataires de l’information (Capron et Quairel, 2007). Le reporting sociétal doit
     permettre de satisfaire le besoin d’informations des personnes intéressées. La
     communication doit être adaptée aux différents interlocuteurs (Damak-Ayadi, 2004), ce
     qui implique une définition précise des destinataires de l’information. Les motivations
     de la mise en place d’un reporting sociétal peuvent être diverses, elles peuvent par
     exemple être d’origine éthique, juridique, économique ou encore marketing.
12   Le reporting sociétal est appréhendé comme un moyen de communication à part
     entière. Il désigne toute diffusion d’informations à des tiers portant sur les aspects
     environnementaux, sociaux et sociétaux de l’activité de l’entreprise. Il est destiné, non

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     plus aux seuls acteurs financiers, mais à toutes les parties prenantes de l’entreprise. Le
     reporting sociétal va au-delà du reporting financier en proposant un élargissement des
     relations entre l’entreprise et l’environnement qui l’entoure (Gray et al., 1996). Il est
     alors vu comme un outil permettant de rendre compte de la responsabilité sociétale de
     l’entreprise. Les rapports RSE ont donc ici toute leur utilité.

     1.1.2. Les supports du reporting sociétal

13   Une évolution concernant l’utilisation des différents supports de reporting est visible.
     Les premiers travaux de recherche sur le reporting sociétal utilisent le rapport annuel
     comme support de reporting (Wiseman, 1982 ; Cowen et al., 1987 ; Patten, 1991 ; Déjean
     et Martinez, 2009a et b). Cependant d’autres études élargissent le champ d’analyse à des
     supports tels que les rapports RSE (Cormier et al., 2004 ; Igalens, 2004 ; Terramorsi,
     2009), voire même les sites Internet des entreprises (Mitchell et Ho, 1999 ; Oxibar, 2003 ;
     Jose et Lee, 2007). S’agissant de ces supports, il s’agit d’une communication corporate
     (Catellani, 2015). Outre cette communication institutionnelle, l’ISO 26 000 précise qu’il
     existe nombre de méthodes et de moyens différents susceptibles d'être utilisés pour la
     communication RSE. Les entreprises peuvent donc également diffuser des informations
     RSE à travers des supports en lien avec les médias tels que les communiqués de presse
     ou les éditoriaux, des documents internes tels que les affichages, les bulletins
     d’informations internes ou plus récemment à travers les réseaux sociaux ou les forums
     de discussion (Iso 26000, novembre 2010, p.93).
14   Les outils de communication externe spécifiques à la RSE comme les rapports RSE, sont
     devenus des outils considérés comme privilégiés par les entreprises pour communiquer
     sur leurs activités liées à la RSE. Ils ont des fonctions de pilotage stratégique, de
     communication interne et essentiellement de communication externe. S’agissant des
     rapports RSE, Gray (2001) précise que ce support est pour l’entreprise le meilleur
     moyen d’afficher sa responsabilité sociétale et qu’il fournit des informations plus
     précises que dans les autres documents. Les rapports RSE comportent essentiellement
     des données qualitatives et non financières, contrairement aux rapports annuels, qui
     eux contiennent majoritairement des informations financières et quantitatives. Le
     rapport RSE a pour visée de rendre compte de la performance des entreprises dans des
     domaines divers et d’offrir une vision claire et objective de la situation de l’entreprise
     au regard de ses impacts (Persais, 2004). De plus, comme les attentes spécifiques de
     chaque partie prenante sont prises en compte dans ces rapports, cela permet
     d’observer dans quelle mesure elles ont été prises en considération (Persais, 2004).

     1.1.3. Cadres théoriques applicables au reporting sociétal

15   Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à publier volontairement des
     informations extra-financières. Cet accroissement de la publication par les entreprises
     des informations sociétales illustre l’importance de la communication entre
     l’entreprise et ses parties prenantes. Le rapport RSE est aujourd’hui considéré comme
     un instrument inéluctable de communication entre l’entreprise et ses parties prenantes
     (Persais, 2004). En publiant des rapports RSE, les entreprises tentent de répondre aux
     attentes de divers acteurs (Persais, 2004). Selon Freeman (1984, p. 25), les parties
     prenantes sont définies comme « tout groupe ou individu qui peut affecter ou être affecté par
     la réalisation des objectifs de l'entreprise ». Selon Carroll (1989) on distingue deux types de

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     parties prenantes, les parties prenantes primaires ou contractuelles et les parties
     prenantes secondaires ou diffuses. Les parties prenantes primaires regroupent les
     parties qui sont en relation directe avec l’entreprise et qui sont reliées
     contractuellement avec celle-ci. Les parties secondaires comprennent les parties ayant
     un lien avec l’entreprise mais ce lien n’étant pas contractuel. Donaldson et Preston
     (1995 p.76) soulignent que « les parties prenantes sont définies par leur intérêt légitime dans
     l’entreprise plutôt que simplement par l’intérêt de l’entreprise en elles ». L’entreprise est vue
     comme un nœud de contrats visant à étendre le rôle des dirigeants de la protection des
     seuls actionnaires, à l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise. Les relations
     entre actionnaires et dirigeants ne sont plus les seules relations prises en compte,
     d’autres relations avec des groupes ou individus apparaissent également importantes.
     Ainsi, en publiant des rapports RSE les entreprises répondent à la pression exercée par
     ces parties prenantes (Pellé-Culpin, 1998 ; Damak-Ayadi, 2004 ; Fernandez et al., 2014).
16   Les théories néo-institutionnelles analysent l’influence des institutions sur les
     pratiques des organisations qui adoptent des structures et/ou des modes de
     management considérés comme légitimes vis-à-vis de l’extérieur (Meyer et Rowan,
     1977 ; DiMaggio et Powell, 1983). En quête de légitimité et sous l’effet de pressions
     institutionnelles, les organisations reproduisent les pratiques d’autres organisations.
     Les pressions institutionnelles peuvent être coercitives, normatives et mimétiques.
     Dans l’adoption de pratiques de RSE et notamment dans la mise en place d’un reporting
     extra-financier, il s’agit pour les entreprises d’être légitimes aux yeux de la société dans
     son ensemble et de répondre aux différentes pressions institutionnelles (Larrinaga-
     Gonzalez, 2007 ; Klarsfeld et Delpuech, 2008 ; Higgins et Larrinaga, 2014 ; Higgins et al.,
     2018). Force est de constater que la diffusion d’informations extra-financières à travers
     divers supports se généralise et que la motivation du recours à cette pratique relève de
     la volonté de répondre aux pressions institutionnelles émanant notamment des lois et
     réglementations croissantes (Dagilienè, 2014). Ainsi, le développement de normes en
     matière de reporting RSE telles que la GRI et l’ISO 26 000 et dans le contexte français,
     l’apparition de lois telles que la loi NRE et Grenelle 2, sont de nature à exercer des
     pressions incitant les entreprises à recourir à un reporting extra-financier. De plus, la
     mise en place progressive de ces différentes normes et réglementations semble
     s’accompagner d’une certaine normalisation des discours (Igalens, 2007, Thorne et al.,
     2014, Dagilienè, 2014 ; Diouf et Boiral, 2017).

     1.1.4. Réglementation et normalisation du reporting RSE

17   Les entreprises étrangères et françaises qui publient des informations sociales et
     environnementales s’inscrivent soit dans une démarche volontaire ou peuvent
     également répondre à des contraintes légales en vigueur dans leur pays d’origine ou
     dans les pays où elles sont cotées. Ainsi, la volonté de mise en conformité avec les
     réglementations en vigueur est un facteur incitatif des entreprises dans la diffusion
     d’informations sociétales (Mikol, 2003). Cependant, la publication d’informations extra-
     financières est moins uniformisée que la publication d’informations financières (IAS/
     IFRS, US-GAAP…), et de multiples normes ou recommandations voient le jour sans
     qu’un consensus soit établi entre elles.
18   Dans le contexte français, les pratiques de reporting sont de plus en plus réglementées.
     Il s’agit notamment de la loi sur les Nouvelles Régulations Economiques (NRE) du 15
     mai 2001 qui fixe l’obligation pour les sociétés françaises cotées sur un marché

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     réglementé de rendre compte dans leur rapport annuel de leur gestion sociale et
     environnementale au travers de leur activité. La loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010 (article
     225) et son décret d’application du 24 avril 2012 étend l’obligation fixée par la loi NRE
     aux entreprises non cotées dont le total du bilan ou le montant du chiffre d’affaires
     dépasse 100 millions d’euros et dont le nombre moyen de salariés permanents
     employés au cours de l’exercice est supérieur à 500. Elle introduit également
     l’obligation de vérification des informations sociétales par un organisme tiers
     indépendant accrédité par le Comité français d’accréditation (COFRAC). Plus,
     récemment, le Parlement et le Conseil Européen ont adopté une directive (22 octobre
     2014, directive 2014/95/UE) qui concerne l’obligation de publication d’informations
     extra-financières. Elle a été transposée en droit français par l’Ordonnance n°201/1180
     du 17 juillet 2017 et est applicable à compter des exercices ouverts depuis le 1 er janvier
     2017. Elle impose aux entreprises concernées de publier dans leur rapport de gestion
     des informations sur leurs politiques, les risques liés et les résultats obtenus en ce qui
     concerne les questions sociales, d’environnement, de personnel, de respect des droits
     de l’homme et de lutte contre la corruption, ainsi que de diversité dans la composition
     de leurs conseils d’administration ou de surveillance. Cette directive ne s’applique qu’à
     certaines grandes entreprises comptant plus de 500 salariés et notamment aux
     entreprises cotées. Celles-ci peuvent fournir les informations selon les modalités
     qu’elles jugent les plus utiles, éventuellement dans un rapport distinct « rapport de
     développement durable ». Les entreprises peuvent utiliser les lignes directrices
     internationales, européennes ou nationales qu'elles jugent les plus appropriées (lignes
     directrices de la GRI, norme ISO 26000…). Enfin, le contrôleur légal des comptes doit
     vérifier que les informations requises ont été publiées.
19   Parallèlement à cette réglementation accrue on assiste à une volonté de normalisation
     internationale. En effet les diverses organisations internationales cherchant à
     promouvoir de bonnes pratiques de RSE ont élaboré des normes facultatives dans le
     cadre de programmes volontaires publics, qui peuvent être mises en place librement
     par les entreprises qui le souhaitent. On distingue essentiellement deux normes : d’un
     côté, les lignes directrices de la GRI et d’un autre côté, la norme ISO 26000.
20   La GRI (Global Reporting Initiative), qui est un organisme international et multipartite
     non gouvernemental à but non lucratif, a été créé en 1997. Son objectif est de renforcer
     la qualité du reporting du développement durable. La GRI vise à accompagner les
     entreprises dans la préparation de leurs rapports RSE en proposant un format standard
     pour faciliter les comparaisons entre entreprises d'un même secteur d'activité et ainsi
     permettre une meilleure diffusion des informations sociales et environnementales.
     Plusieurs principes ont été mis en avant. Concernant les processus de rédaction du
     rapport, la transparence, le dialogue entre parties prenantes et l’auditabilité sont des
     règles à respecter. Les informations publiées dans le rapport doivent être pertinentes et
     significatives, celles susceptibles de renseigner les personnes lisant le rapport sur les
     impacts sociaux, économiques et environnementaux de l’organisation doivent être
     spécifiées, en précisant leur périmètre et les dates auxquelles elles s’appliquent. Les
     données fournies dans les rapports doivent être précises, neutres et comparables.
     Enfin, les rapports doivent être clairs et produits de manière régulière. La GRI a pour
     mission de développer des indicateurs mondialement utilisables, rendant compte des
     performances économiques, sociales et environnementales des entreprises 1. Ces

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     indicateurs sont présentés dans un document intitulé « Sustainability Reporting Guidelines
      » (SRG).
21   Plus récemment, c’est la norme ISO 26000, qui donne un nouveau souffle à
     l’encadrement des entreprises pour la mise en place de leur responsabilité sociétale et
     du reporting sociétal. Cette norme a pour objectif de définir et de clarifier le concept de
     RSE et de le rendre applicable à tout type d’organisation (entreprises, collectivités
     territoriales, associations….). Elle repose sur deux fondamentaux qui sont, d’une part,
     la volonté de l’organisation d’assumer la responsabilité des impacts de ses activités et
     de ses décisions sur l’environnement et la société et, d’autre part, d’en rendre compte
     au public à travers divers types de diffusion. Les lignes directrices ISO relatives à la RSE
     soulignent l’importance de l’élaboration de rapports relatifs à la performance en
     matière de RSE à destination de parties prenantes internes et externes. Cela reflète
     l’importance que revêt au niveau international la problématique du reporting. L’ISO
     26000 ne fournit pas de recommandations concernant les rapports de performance en
     matière de RSE ; toutefois, elle couvre un ensemble de domaines très similaires à ceux
     des lignes directrices du GRI pour le reporting. Selon un extrait des lignes directrices de
     l’ISO 26000, « il convient que, à intervalles appropriés, une organisation adresse aux parties
     prenantes concernées un rapport sur ses performances en matière de responsabilité sociétale. »
     (Extrait de l’ISO 26000, paragraphe 7.5, Encadré 15 – Rapport sur la responsabilité
     sociétale).

     1.2. Contexte particulier des EF
     1.2.1. Définition

22   Selon le FFI (Family Firm Institue, 2015), les EF représentent les deux tiers du nombre
     total des entreprises au niveau mondial et génèrent chaque année plus de 70% du PIB
     mondial. L’EF est une réalité économique à travers toutes les économies développées et
     émergentes. Elles occupent une place croissante dans l’activité économique des pays
     (Fletcher, 2002 ; Griffeth et al., 2006). Ainsi, l’EF est la structure commerciale la plus
     répandue dans le monde. Les EF emploient des millions de personnes et produisent une
     part considérable de la richesse mondiale. Dans les faits, elles affichent souvent un
     meilleur rendement que les sociétés dotées d’une plus large base d’actionnaires (Etude
     menée par PriceWaterhouseCoopers, 2008 ; 2012). Cependant, bien que l’importance des
     EF dans l’économie actuelle soit indéniable, la question suivante « qu’est-ce qu’une EF
     ? » reste encore d’actualité. En effet, depuis plusieurs années, la définition de l’EF fait
     l’objet de nombreux débats (Poulain-Rehm, 2006).
23   Les nombreuses définitions de l’EF varient selon que l’on choisisse comme critère la
     propriété de capital ou l’implication de la famille dans le management. Ainsi, selon
     Allouche et Amann (2000), les EF ne peuvent être appréhendées à travers des tailles ou
     des formes juridiques particulières. D’après la littérature antérieure, les définitions des
     EF peuvent être classées en deux catégories : les définitions monocritères et les
     définitions pluri-critères.
24   Concernant les définitions monocritères, elles sont moins courantes et retiennent en
     général l’un des critères suivants : la propriété (appartenance à une ou plusieurs
     familles), le contrôle (contrôle dans les faits effectué par une ou plusieurs familles) et
     l’interaction famille/entreprise (présence de la famille au conseil d’administration).
     Selon Barnes et Hershon (1976), une entreprise est familiale si le contrôle de la

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     propriété est resté entre les mains d’un individu ou entre les mains des membres d’une
     seule famille. Pour Barry (1975) et Handler (1989) une entreprise est considérée comme
     familiale si elle est en pratique contrôlée par une seule famille. Enfin, Beckhard et Dyer
     (1983) ainsi que Davis (1983) retiennent la présence de la famille au conseil
     d’administration lieu d’interaction entre 2 entités (famille et entreprise).
25   La méta-analyse réalisée par Missonier et Gundolf (2017) met en évidence que la
     majorité des recherches se concentre sur une approche multicritères (propriété,
     management direct et/ou indirect, transmission, pouvoir d’influence, capital social) et
     ce conformément aux recommandations de plusieurs auteurs (Allouche et Amann, 2000
     ; Poulain-Rehm, 2006 ; Arrègle et Mari, 2010), sans pour autant toujours les combiner.
     Pour Missonier et Gundolf (2017) ce constat témoigne de la volonté des chercheurs de
     s’orienter vers une prise en compte de la complexité des EF, même si la définition de
     chacun des critères reste encore assez hétérogène.
26   La typologie opérationnelle de Poulain-Rhem (2006) a particulièrement retenu notre
     attention car elle s’adapte bien à un cadre d’entreprises cotées. Il propose la typologie
     opérationnelle suivante :

                                                                      Actionnariat                  Actionnariat
      Famille                   Actionnariat minoritaire
                                                                      majoritaire relatif           majoritaire absolu

      Fonctions            de Entreprises               familiales Entreprises familiales Entreprises familiales
      direction                 « ouvertes »                          « contrôlées »                « types »

      Absence              de
                                Entreprises         familiales Entreprises familiales Entreprises familiales
      fonctions            de
                                « professionnelles »           « déléguées »          « mandatées »
      direction

     1.2.2. Spécificités des EF et RSE

27   Une partie de la littérature sur la gouvernance d'entreprise distingue les EF des autres
     formes et met en avant le fait qu‘elles ont des caractéristiques communes et des
     particularités par rapport aux autres entreprises tant au niveau de leur performance
     que de leur politique financière (Allouche et Amann, 2000).
28   Ainsi, Les EF auraient des stratégies financières de long terme (Allouche et Amann,
     1995). Selon Harvey (1999) une des raisons de la domination des EF en tant que forme
     d’organisation réside dans le fait que les managers familiaux ont un horizon plus
     étendu que les autres et que les dirigeants ont des perspectives à long terme qui
     agissent comme incitation. Cet horizon plus étendu tend à encourager l’intégration des
     critères sociétaux en inscrivant ces choix dans la durée.
29   Pour certains auteurs, les EF auraient une meilleure politique sociale et
     environnementale et un plus grand respect des traditions (Longenecker et al., 1989 ;
     Lyman, 1991). Selon Davis (1991), parmi les objectifs poursuivis par les dirigeants d’EF
     « bâtir une entreprise citoyenne » est primordial. Le désir de transmission du patrimoine à
     la génération future (Harvey, 1999), la quête de légitimité sociétale (Mignon, 2000) ainsi
     que la préservation des valeurs familiales (Allouche et Amann, 1998) sont des objectifs
     partagés par les entrepreneurs familiaux. Blodgett, Dumas et Zanzi (2011) identifient

     Finance Contrôle Stratégie, 23-1 | 2020
Analyse discursive des rapports RSE des entreprises familiales vs non familiales   9

     les tendances des valeurs fondamentales des EF. Il ressort de leur étude que les EF
     véhiculent dans leur discours plus de valeurs éthiques et en particulier celles liées à la
     qualité et au respect, que les ENF.
30   La littérature semble donc s'accorder sur le fait que les EF comportent des spécificités
     liées à la nature de liens familiaux, aux valeurs véhiculées telles que la loyauté, le
     respect, l’honnêteté et la confiance, ainsi qu’à leurs objectifs de pérennité liée à la
     volonté de transmission et à leur ancrage local (Dumas et Blodgett, 1999 ; Harvey, 1999 ;
     Haugh et McKee, 2003 ; Blodgett, Dumas et Zanzi, 2011 ; Blondel, 2012 ; Coville, 2014).
31   Ainsi, comme le titre un rapport d’Ernst and Young (2013) « Construire pour durer- Les EF
     montrent la voie de la croissance durable », un élément inévitable de la vision à long terme
     caractéristique des EF est l’attention portée au développement durable. Selon l’étude de
     Family Business France (2011), 61% des EF déclarent avoir engagé une démarche de
     développement durable et avoir adopté une démarche de RSE. Selon Campopiano et De
     Massis (2015), par rapport aux ENF, les EF diffusent de manière proactive et volontaire
     des informations RSE à travers une plus grande variété de supports RSE, tels que les
     sites web ou les rapports dédiés. Cela reflète l’attention que ces entreprises portent à la
     promotion de leur visibilité et à la réputation familiale dans un objectif d’accroître leur
     légitimité. Il apparaît également que les EF sont moins conformes aux normes en
     matière de RSE que les ENF. Enfin, les auteurs mettent en évidence que les informations
     diffusées par les EF sont plus axées sur des sujets liés aux questions environnementales
     et aux actions philanthropiques du fait de leur orientation à long terme et de leur degré
     d’altruisme plus élevé.
32   Coville (2014) souligne, que les EF, du fait de l’accent mis souvent sur les valeurs
     familiales, pourraient à première vue paraitre plus éthiques que les autres. Selon
     Aranoff et Ward (1995) des comportements tels que l’attention portée aux relations
     humaines ou encore l’importance des relations de long terme devraient conduire les EF
     à adopter des démarches responsables. Cependant, la méta-analyse de Coville (2014)
     montre que d'un point de vue empirique il semble impossible de trancher clairement
     sur le lien entre l'EF et l'éthique (et ou RSE) et conclue en faveur d'une contingence de
     ce lien. La spécificité des EF que ce soit en termes de capital social familial, de
     confiance, d'horizon à long terme ne semble pas constituer pour autant une garantie de
     comportement socialement responsable. Les résultats semblent montrer qu'une même
     cause peut produire deux comportements opposés ; si l’on envisage, par exemple la
     volonté spécifique de pérenniser l'EF, cela peut conduire le dirigeant selon les
     circonstances à un comportement responsable ou à un comportement irresponsable
     (privilégier l’entreprise au détriment de certaines parties prenantes).
33   Alors que le débat sur le lien entre RSE et EF n'est pas tranché, la littérature s'accorde
     davantage sur le fait que les EF comportent des spécificités liées notamment à la nature
     des liens familiaux et aux valeurs éthiques véhiculées. Ces valeurs se retrouvent-elles
     dans les discours des dirigeants d’EF cotées notamment à travers leur reporting sociétal
     et ce dans un cadre de normalisation accrue qui semble uniformiser les discours ? Selon
     Campopiano et de Massis (2015), l’étude du reporting en matière d’informations
     sociétales des EF vs ENF est négligée dans la littérature.

     Finance Contrôle Stratégie, 23-1 | 2020
Analyse discursive des rapports RSE des entreprises familiales vs non familiales   10

     2. MÉTHODOLOGIE
34   L’objectif de la présente recherche est d’analyser le discours en matière de RSE dans le
     contexte particulier des EF. Existe-t-il des formes caractéristiques du discours
     managérial des EF en matière de RSE ?
35   Pour répondre à la problématique de recherche, une analyse du contenu des rapports
     RSE d’entreprises françaises cotées a été menée à partir d’un échantillon (2.1) et d’une
     méthodologie présentés ci-dessous (2.2).

     2.1. Échantillon

36   Une analyse longitudinale des rapports RSE d’entreprises françaises a été menée.
     L’échantillon de l’étude porte sur des entreprises appartenant au CAC40 au 31/12/2014.
37   Les entreprises communiquent sur leurs activités en matière de RSE à travers des
     rapports spécifiques qui sont rédigés de façon volontaire et leur permet d’informer
     toutes les personnes susceptibles d’être intéressées par leurs pratiques. Ce rapport
     n’étant pas une obligation, il n’y a pas de forme spécifique imposée et la fréquence de
     publication n’est donc pas homogène d’une entreprise à l’autre mais l’analyse de ce
     type de rapport semble être un bon outil pour étudier le discours des entreprises en
     matière de RSE (Garric et al., 2006).
38   La sélection des entreprises a été faite sur le critère de la publication de rapports RSE
     depuis plusieurs années (au moins 2 ans). Les entreprises ne publiant pas de rapport
     dédié aux informations sociétales ont été exclues de l’échantillon. 18 entreprises
     composent l’échantillon final. L’échantillon est décrit dans le tableau 1.

     Tableau 1 : Description de l’échantillon

                                   EF /                                                                          Nbre      de
                Entreprise              Ind Années de publication des rapports
                                   ENF                                                                           pages

                Alcatel            ENF         1   2006.2007.2008.2009.2010.2011.2012.2013.2014                  735

                Alstom             ENF         1   2006.2008.2010.2013.2014                                      168

                                                   2003.2004.2005.2006.2007.2008.2009.2011.2012.
                Axa                ENF         0                                                                 768
                                                   2013.2014

                                                   2003.2004.2005.2006.2007.2008.2009.2010.2011.
                BNP                ENF         0                                                                 1 085
                                                   2012.2013.2014

                                                   2001.2002.2003.2004.2006.2007.2008.2009.2010.
                Carrefour          EF          0                                                                 1 411
                                                   2011.2012.2014

                Crédit
                                   ENF         0   2006.2007.2008.2009.2010.2013.2015                            709
                Agricole

                Danone             EF          1   2004.2005.2006.2007.2008.2009.2012.2013                       1 837

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Analyse discursive des rapports RSE des entreprises familiales vs non familiales   11

                                                   2001.2002.2003.2004.2005.2007.2010.2011.2012.
                Lafarge            ENF         1                                                                 828
                                                   2013.2014

                L'oréal            EF          1   2005.2006.2007.2008.2009.2010.211.2012.2013.2014 885

                                                   2001.2002.2003.2004.2005.2006.2007.2008.2010.
                LVMH               EF          1                                                                 568
                                                   2011.2012.2013.2014

                Michelin           EF          1   2006.2008.2009.2010.2012.2013.2014                            951

                Peugeot            EF          1   2007.2008.2009.2010.2011.2012.2013.2014                       491

                Publicis           ENF         0   2009.2010.2011.2012.2013.2014                                 316

                Saint Gobain       ENF         1   2010.2011.2012.2013                                           401

                Sanofi             ENF         1   2006.2007.2008.2009.2010.2011.2012.2013                       1 717

                Schneider          ENF         1   2004.2006.2007.2010.2011.2012.2013.2014                       422

                Société
                                   ENF         0   2013.2014.2015                                                410
                Générale

                                                   2003.2004.2005.2006.2007.2008.2009.2010.2011.
                Total              ENF         1                                                                 1 044
                                                   2012.2013

      18 entreprises        153 rapports / Nombre total de pages = 14 746 dont 6 769 170 mots

     Note : EF = Entreprises Familiales ; ENF = Entreprises Non Familiales ; Ind = secteur industriel avec 1=
     oui, 0= non.

39   Les entreprises composant notre échantillon publient en moyenne des rapports sur une
     période de 10 ans avec des documents qui comportent entre une dizaine de pages et
     plus de cent pages. La période de publication des rapports par les entreprises de
     l’échantillon s’étend de 2001 à 2015.
40   Les entreprises composant l’échantillon ont été scindées en Entreprises Familiales (EF)
     et Entreprises Non Familiales (ENF). Pour effectuer ce classement, une définition de l’EF
     opérationnelle se basant sur la dimension actionnariale et managériale du contrôle
     familial a été privilégiée. Plus spécifiquement, nous nous sommes appuyés sur la
     typologie de Poulain-Rhem (2006) (annexe). Sur les 6 entreprises familiales identifiées,
     5 font partie de la catégorie d’entreprises à actionnariat familial relatif avec un
     minimum de 15 %2 de capital (ou de droits de votes) détenu par la famille en 2014 3 et
     une entreprise à actionnariat familial minoritaire4.
41   Dans de nombreuses études, le secteur d’activité de l’entreprise est un facteur affectant
     le niveau de diffusion d’informations sociétales (Wiseman, 1982 ; Patten, 1991 ; Roberts,
     1992 ; Deegan et Gordon, 1996 ; Cormier et Magnan, 1999 ; Damak-Ayadi, 2004 ; Kolk,
     2005 ; Ben Rhouma, 2008 ; Chen et Bouvain, 2009 ; Cho et al., 2010 ; Gillet-Monjarret et
     Martinez, 2012). Nous avons donc également opéré une classification des entreprises en
     fonction de leur caractère industriel (EI) ou non (ENI). Dans notre échantillon, 12
     entreprises sont considérées comme EI et 6 entreprises sont considérées comme ENI.

     Finance Contrôle Stratégie, 23-1 | 2020
Analyse discursive des rapports RSE des entreprises familiales vs non familiales   12

42   La volonté d’analyser le discours des EF et ENF a pour objectif de mettre en lumière des
     caractéristiques communes ou des divergences dans le contenu des informations
     sociétales diffusées et de les comparer entre elles. Leur communication volontaire
     reflète-t-elle les valeurs qui leur sont spécifiquement attribuées au regard des valeurs
     éthiques identifiées dans la littérature antérieure ?
43   Le corpus textuel total analysé est composé de 14 746 pages comportant 6 769 170 mots.
     La description de l’échantillon permet de mettre en évidence des aspects significatifs
     dans le reporting sociétal des EF étudiées. Tout d’abord, s’agissant de la dénomination
     des rapports, il apparaît qu’une évolution au fil des années est visible avec, pour la
     majorité des entreprises, un changement de dénomination. Le nombre de pages semble
     également augmenter au cours des années.

     2.2. Méthodologie d’analyse

44   Le corpus analysé est composé des informations textuelles contenues dans les rapports
     RSE des 18 entreprises constituant notre échantillon. Il s’agit de l’ensemble des données
     textuelles présentes dans les documents diffusés par les entreprises. L’analyse s’insère
     donc dans une recherche consacrée aux caractéristiques des discours produits et
     véhiculés par l’entreprise et ses dirigeants. L’analyse de contenu lexicale est retenue
     pour étudier ce corpus. L’analyse de contenu permettra de déduire une vérité ou de
     tirer des conséquences de ces discours (Bardin, 1998 ; Thiétart 2007).
45   L’analyse de données textuelles regroupe de nombreuses méthodes, et de nombreux
     outils, qui visent à découvrir l'information « essentielle » contenue dans un texte. La
     question de recherche guide la méthode d’analyse textuelle. La taille du corpus est
     également déterminante dans ce choix. L’analyse lexicale est privilégiée lorsqu’un
     grand nombre de données doivent être traitées (Fallery et Rhodain, 2007). Tout comme
     Pastore-Chaverot (2011), nous avons réalisé une analyse de contenu quantitative
     lexicométrique. Cette analyse est appropriée à notre recherche puisqu’elle répond à la
     question suivante « une unité de lexique est-elle présente dans le corpus analysé et, dans
     l’affirmative, avec quelle densité ? » (Labbé et Labbé, 2013). Selon Thiétart (2007), les
     logiciels lexicographiques sont bien adaptés à l’analyse de larges corpus textuels car ils
     permettent de mettre en évidence des formes sémantiques récurrentes associées à des
     contextes spécifiques.
46   Pour effectuer l’analyse, le logiciel Sphinx iQ2 (Sphinx Quali) a été utilisé. Ce logiciel
     mélange les approches et les ressources d’analyse. C’est un ensemble complet d’outils
     permettant d’analyser des corpus très volumineux de diverses origines. Il permet
     également de combiner des synthèses automatiques, des analyses de contenu et des
     fouilles de texte (Boughzala et al, 2014). Les fichiers traités par le logiciel sont
     exclusivement des fichiers textes. Les rapports RSE ont donc été transformés en fichier
     texte puis certains signes non reconnus par le logiciel ont dû être éliminés. Ensuite des
     balises ont été définies. Elles permettent d’analyser le texte en fonction de critères
     préalablement définis et de comparer les observations entre elles. On utilise également
     les balises pour définir le document et les éléments qui le composent. Nous avons
     retenu 4 balises : la balise 1 est le nom de l’entreprise, la balise 2 l’année du rapport, la
     balise 3 est son caractère familial ou non familial, la balise 4 est son caractère industriel
     ou de service.

     Finance Contrôle Stratégie, 23-1 | 2020
Analyse discursive des rapports RSE des entreprises familiales vs non familiales   13

47   Tout d’abord, une prise de connaissance du corpus a été effectuée à travers une analyse
     lexicale avec une lemmatisation. Ainsi, les principaux mots ont été identifiés sous leur
     forme lemmatisée (nombre d’occurrences et nombre d’observations). De plus, cette
     exploration a permis de construire un dictionnaire de mots ad hoc notamment afin
     d’exclure certains mots. Il s’agit des mots trop spécifiques au secteur d’activité, les
     noms d’entreprises et les expressions écrites sur chaque en-tête et pieds de pages du
     type « rapport de développement durable » afin de ne pas surévaluer artificiellement
     certains mots. La lemmatisation est une opération de regroupements « des formes qui
     correspondent aux différentes flexions d’une même racine ou lemme » (Marchand 2007, p.
     557). Cette étape a pour objectif d’obtenir une synthèse globale, permettant une
     première appropriation du contenu du corpus au travers notamment du nuage de mots
     qui permet d’afficher les principaux mots surreprésentés. Le nombre de mots
     surreprésentés va varier notamment en fonction de la taille du corpus. Dans notre
     étude, environ 120 mots sont présents dans le nuage car elle contient un très gros
     corpus. Cette première analyse nous a permis d’identifier les principaux mots
     surreprésentés et qui pouvaient se rapporter à un des thèmes de la RSE. Les thèmes
     identifiés sont issus d’une analyse de la littérature et reflètent une adaptation des
     classifications de Pastore-Chaverot (2011) et de Campopiano et De Massis (2015). Nous
     avons retenu d’une part les 3 thèmes retenus par Campopiano et De Massis (2015) à
     savoir la façon dont l’entreprise communique vis à vis des parties prenantes, sur sa
     politique sociétale et sur sa politique environnementale. Concernant la communication
     envers les parties prenantes, il existe les sous-thèmes suivants : actionnaires, salariés,
     clients, fournisseurs, auxquels nous avons rajouté la société civile à l’instar de Pastore-
     Chaverot (2011). Nous avons également rajouté un quatrième thème qui se réfère à une
     normalisation des pratiques RSE5.
48   Ensuite, nous avons vérifié les verbatims associés aux mots quand il y avait certaines
     ambiguïtés sur leur contexte d’utilisation et puis nous les avons affectés dans chaque
     thème. Nous avons enrichi cette grille de mots à partir de la grille d’analyse de Pastore-
     Chaverot (2011) en recherchant l’occurrence pour les mots supplémentaires qui y
     figurent. Nous avons alors retenu pour notre analyse les mots qui présentaient des
     occurrences significatives sur plusieurs années.
49   Pour analyser les résultats, nous avons tout d’abord retenu comme indicateur les
     occurrences brutes (fréquences d’apparition du mot) pour chaque mot-clés
     surreprésentés pour chaque entreprise et chaque année. Ensuite, pour permettre la
     comparabilité des résultats provenant de supports de tailles hétérogènes, nous avons
     calculé deux types d’indicateurs : les occurrences relatives sur le poids total et les
     occurrences relatives sur les occurrences totales surreprésentées. Nous avons ainsi pu
     comparer les résultats selon le caractère ou non familial des entreprises et établir des
     tests de significativité de ces différences de moyennes.

     3. RÉSULTATS
50   Dans un premier temps, nous présentons pour chaque thème et sous thème des
     discours le poids des occurrences relatives sur l’ensemble de la période en fonction du
     caractère familiale ou non (3.1). Dans un second temps, nous analyserons ces discours
     d’un point de vue longitudinal (3.2).

     Finance Contrôle Stratégie, 23-1 | 2020
Analyse discursive des rapports RSE des entreprises familiales vs non familiales   14

     3.1. Analyse des différences de discours des EF vs ENF sur
     l’ensemble de la période

51   L’analyse lexicométrique des rapports RSE entre les EF et les ENF sur l’ensemble de la
     période a pour objectif de mettre en lumière des différences de discours entre les deux
     types d’entreprises. Les principaux résultats figurent dans le tableau suivant :

     Tableau 2 : Pourcentage moyen des éléments de discours sur le RSE selon le caractère familial ou
     non sur l’ensemble de la période

                                                Moyenne EF Moyenne ENF Khi2 Sign diff

      Discours parties prenantes

      Actionnaires                              2,02%           3,62%             6,77 ***

      Salariés                                  7,72%           9,41%             6,45 ***

      Clients                                   2,88%           1,98%             6,21 ***

      Fournisseurs                              3,11%           1,12%             8,88 ***

      Société civile                            2,63%           2,65%             0,32 NS

      Discours Environnemental                  11,45%          8,36%             7,74     ***

      Discours Sociétal                         5,00%           5,51%             2,21 NS

      Référence à une normalisation 3,20%                       3,22%             0,17 NS

     *** significatif au seuil de 1%

52   Ce tableau montre qu’il existe des différences significatives de discours entre les EF et
     ENF concernant la plupart des parties prenantes et l’environnement. Les EF
     communiquent davantage que les ENF vis-à-vis de leurs clients (2,88% contre 1,98%), de
     leurs fournisseurs (3,11% contre 1,12%) et sur leur politique environnementale (11,45%
     contre 8,36%). Pour les clients, les mots suivants sont dominants dans le discours des
     EF : « consommateurs », « clients », « prix », « satisfaction client », ou encore « pouvoir
     d’achat ». Pour les fournisseurs, nous retrouvons des mots tels que « fournisseur »,
     « filière », « fabriquant », « producteur ». Enfin, concernant la politique
     environnementale, il s’agit notamment des mots « énergie », « émission », « CO 2 »,
     « déchet ». Concernant la divulgation d’informations sur la politique
     environnementale, nos résultats sont conformes à ceux de Campopiano et De Massis
     (2015). L’environnement est un élément clé pour les EF dans lesquelles la famille exerce
     une forte influence sur la poursuite de stratégies environnementales proactives
     (Sharma et Sharma, 2011). Pour ces entreprises, les enjeux de maintien de la réputation
     sont forts car le nom de la famille est associé à la raison sociale (Godfrey, 2005).
53   A l’inverse, les ENF communiquent davantage vis à vis des salariés (9,41% contre 7,72%)
     et des actionnaires (3,62% contre 2,02%). Pour les salariés, les rapports RSE contiennent
     les mots « collaborateurs », « formation », « diversité », ou encore « emploi ». S’agissant

     Finance Contrôle Stratégie, 23-1 | 2020
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