Analyse rapide des impacts socio-économiques du COVID-19 au Mali - 21 Mai 2020 - UNDP
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Contents Executive summary ...................................................................................................................... 3 Introduction ................................................................................................................................... 4 Partie I : L’impact sur l’économie .................................................................................................. 5 1. Vue d’ensemble ................................................................................................................. 5 2. Finances publiques ............................................................................................................ 6 3. Commerce international ................................................................................................... 10 4. Transferts de fonds provenant des migrants ................................................................... 11 5. Emploi et moyens de subsistance ................................................................................... 12 Partie II : L’impact sur le Capital Humain .................................................................................... 15 1. Santé ................................................................................................................................ 17 2. Sécurité Alimentaire et la Nutrition ................................................................................... 22 3. Education ......................................................................................................................... 27 4. Protection Sociale ............................................................................................................ 29 Partie III : Conclusions et voie à suivre ....................................................................................... 35 2
Executive summary Lourde chute de la croissance et augmentation de la pauvreté. La pandémie du COVID-19 affecte profondément le Mali. Ces effets indirects sont potentiellement beaucoup plus dévastateurs que ses effets directs. La récession économique globale et ses conséquences sur l’économie nationale vont entraîner une chute anticipée de la croissance du Produit Intérieur Brut de plus de 80%. Celle-ci va passer de 5% à 0,9% en 2020. Pour la première fois depuis six ans, la croissance du PIB va être bien en-deçà de la croissance démographique. Cette chute va jeter 800 000 Maliens dans la pauvreté. A ce jour, moins de 50 décès dus au COVID-19 ont été rapportés. Endettement des générations futures et retardement des progrès pour le développement durable. La contraction économique va affecter la capacité de l’Etat à mobiliser les ressources domestiques nécessaires à son développement. Ceci compromettra plus encore les progrès vers les Objectifs de Développement Durables. Le taux de pression fiscale, qui était prévu à 15,5%, et qui était sur une pente favorable, va chuter à 13,3%, soit un manque à gagner de plus de 230 milliards de FCFA pour l’Etat en 2020. La crise aura de lourdes conséquences pour les générations futures : la dette va passer de 39% à 45% du PIB. Transparence dans la gestion des finances publiques et les financements extérieurs. La rapidité avec laquelle les Institutions Financières Internationales ont répondu à la demande du Mali pour des crédits additionnels, ainsi que la nécessité de mettre en œuvre la réponse urgemment, sollicitera une attention particulière sur la bonne gestion des finances publiques. Cela demandera aussi aux partenaires de développement plus de transparence et de coordination afin que tous les fonds extérieurs mobilisés pour répondre à la crise soient enregistrés dans le Budget de L’Etat. L’emploi est lourdement affecté. Une augmentation brutale des pertes d’emploi est observée, en particulier dans les secteurs tertiaire et secondaire. Les mesures d’appui à l’économie, particulièrement pour les petites entreprises, risquent d’être insuffisantes pour mitiger l’impact de la crise. Détérioration du capital humain. Le Capital Humain, un des piliers essentiels du Cadre stratégique pour la relance économique et le développement durable (CREDD) du Gouvernement, est très négativement affecté. La pandémie arrive dans un contexte de développement fragile, où les indicateurs socio-économiques n’arrivent pas à suivre le rythme de l’expansion démographique. A cela s’ajoute une crise sécuritaire et humanitaire, ainsi que de graves inégalités liées au genre. Le COVID-19 fragilise encore plus les perspectives de développement du capital humain: (i) près de 4 millions d’enfants ne vont plus à l’école ; (ii) la mobilisation entière du secteur de la santé a des conséquences négatives sur des programmes essentiels comme la vaccination ; et (iii) la crise économique va augmenter la pauvreté à un moment où la période soudure va accroître le nombre de personnes en besoin d’assistance alimentaire de plus de 70%, pour atteindre 1,3 million dans les prochains mois. Le COVID-19 approfondie la vulnérabilité des populations et fragilise encore plus leur résilience. La protection sociale joue un rôle essentiel dans la réponse du Gouvernement. Les réponses de protection sociale annoncées correspondent à 1,3% du PIB. La capacité à concrétiser ces mesures efficacement, de façon coordonnée, transparente et en temps voulu, sera essentielle pour le succès de la réponse auprès des populations les plus vulnérables. 3
Introduction Ce rapport du Système des Nations Unies, mené par le PNUD et l’UNICEF en étroite collaboration avec toutes les agences des Nations Unies, fournit une analyse rapide de l'impact de la crise du COVID-19 au Mali. L’analyse se concentre sur deux aspects essentiels : 1. L'impact sur l'économie en général, avec un accent particulier sur les aspects macro-économiques, la gestion des finances publiques, et l’emploi et les moyens de subsistance; 2. L’impact sur le développement du capital humain, notamment sur la santé, la nutrition et la sécurité alimentaire, l'éducation et la protection sociale. La résilience et le genre sont inclus de façon transversale. Ce rapport met l’accent sur le capital humain, en raison de son importance pour le développement du pays, et de sa vulnérabilité face à la crise sanitaire et économique actuelle. Cette étude rapide est fondée sur la revue de nombreux rapports nationaux, régionaux et internationaux, ainsi que sur des entretiens avec des acteurs clés au sein du système des Nations Unies, Gouvernement, patronat, et des jeunes. Les statistiques nationales utilisées viennent principalement de l’Institut National de la Statistique (INSTAT). Des observations indépendantes faites sur le terrain par les Nations Unies ont aussi été utilisées. Afin d'évaluer la perception des jeunes sur le COVID-19 et son impact, une enquête à laquelle plus de 1 600 jeunes ont répondu a été réalisée à l'aide de la plateforme U-Report. Dans la mesure du possible, toutes les sources d'informations ont été référencées à l'aide de liens internet pour faciliter l'accès des lecteurs aux sources d’informations utilisées pour l’analyse. Cette analyse rapide a pour objectif de compléter les analyses faites par le FMI et la Banque Mondiale. Cette analyse marque la première phase d’une évaluation plus approfondie que le système des Nations Unies conduira dans les mois à venir. Cette seconde phase inclura des collectes de données parmi les ménages et ira au-delà du capital humain, pour se concentrer sur tous les secteurs principaux du Cadre stratégique pour la relance économique et le développement durable (CREDD) du Mali, ainsi que le suivi de l’impact du COVID-19 sur les Objectifs de Développement Durable. 4
Partie I : L’impact sur l’économie 1. Vue d’ensemble L’impact économique du COVID est désastreux pour le Mali avec une croissance très en baisse attendue en 2020. La croissance économique pour 2020 va chuter de 5% à 0,9% (FMI, Staff Report May 2020). Cela signifie que la croissance annuelle tombera bien en dessous du taux de croissance moyen de la population nationale de 3%, ce qui poussera encore plus de Maliens dans la pauvreté. Cette chute de la croissance va augmenter le taux de pauvreté de 2,7%, ce qui correspond à presque 800 000 nouveaux pauvres1. Le montant de la chute du PIB nominal projeté après deux mois de crise correspond à ce qui aurait été nécessaire pour éradiquer la pauvreté au Mali. En terme nominal, la chute du PIB correspond à une perte de 490 milliards de FCFA (PIB nominal 10 917 milliards pré-crise versus une nouvelle estimation du PIB post-crise 10 427 milliards). Ce montant est équivalent à ce que le Gouvernement estime comme l’effort d’investissement nécessaire pour éradiquer la pauvreté, mesuré par sa profondeur, c'est-à-dire le déficit collectif moyen des dépenses des pauvres par rapport au seuil de pauvreté pour l'ensemble de la population. En 2018, ce montant était estimé à 480,9 milliards de FCFA. Croissance du PIB (prix constant) 8.0 7.0 6.0 5.0 4.0 3.0 2.0 1.0 0.0 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 Mali COVID Mali Source : FMI Staff Report, May 2020 1 Voir section Capital Humain – données Banque Mondiale bureau pays. Le seuil national de pauvreté est estimé à 181 000 FCFA. 5
La combination de plusieurs facteurs affecte l'activité économique du Mali : (i) la perturbation des échanges et des chaînes de valeur affecte les exportateurs de produits de base et les importations; (ii) la réduction des flux de financement étranger (baisse des investissements directs étrangers, aide étrangère, envois de fonds des migrants, revenus du tourisme) ; (iii) l'impact sanitaire direct de la propagation du virus (le nombre de personnes infectées et le nombre de décès) ; et (iv) les perturbations causées par les mesures de confinement et d'atténuation imposées par le gouvernement et la réponse des citoyens (voir encadré page suivante). Ces facteurs ont un impact direct sur : (i) les finances publiques ; (ii) le commerce international ; (iii) les transferts des migrants ; et (iv) l’emploi et les moyens de subsistances des ménages. 2. Finances publiques Décrochage par rapport aux critères de convergence de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Le 27 avril, les chefs d'État de l’UEMOA ont adopté une déclaration suspendant temporairement l'application du Pacte de l'Union pour la convergence, la stabilité, la croissance et la solidarité entre ses pays membres. Cette suspension permet aux pays membres d'augmenter temporairement leur déficit budgétaire global et d'accéder à un soutien extérieur supplémentaire de la part des donateurs en réponse à la crise du COVID-19. Sur les cinq critères de convergence de l’UEMOA, le Mali ne respectera plus que 2 critères : (i) le taux d’inflation annuel (inférieur à 3%) ; et (ii) le ratio de l’encours de la dette publique rapporté au PIB (inférieur à 70%). La situation par rapport aux trois autres critères va se dégrader : Ø Le ratio du solde budgétaire global, dons inclus, va chuter de -3% à -6,2% du PIB (critère UEMOA : supérieur ou égal à -3%) Ø Le ratio de la masse salariale sur recettes fiscales va augmenter de 37% à 47% (critère UEMOA : ne pas excéder 35%) Ø Le taux de pression fiscale va chuter de 15,5% à 13,3% (critère UEMOA : supérieur ou égal à 20%). 6
Impact du COVID Tauxsur de les indicateurs pression fiscaleéconomiques (% du PIB) clés (% du PIB) 50 18 16 40 14 12 30 10 8 20 6 4 10 2 00 2016 Dette publique 2017 Balance 2018 des taxes des paiements Mobilisation 2019 publiques Depenses 2020 (projected with Service de la dette COVID) -10 COVID No COVID 2020 (projected) 2020 (projected with COVID) Source : FMI Staff Report, May 2020 La contraction économique représente une lourde perte de revenus pour l’Etat, ce qui retardera encore plus les progrès vers les Objectifs de Développement Durable. Bien que le taux de pression fiscale au Mali soit encore loin d’atteindre l'objectif de 20% du PIB fixé par l'UEMOA, le Mali était sur une tendance positive encourageante avec un taux de pression fiscale passant de 11,9% en 2018 à 14,7% en 2019. Une nouvelle amélioration à 15,5% était attendue en 2020 (équivalent à 1 694 milliards de FCFA). Avec la baisse de l’activité économique et les mesures d’allègement et d’exonération fiscales, le taux de pression fiscale est désormais estimé à 13,3% (équivalent à 1 389 milliards de FCFA, soit un manque à gagner de 305 milliards de FCFA). A ceci s’ajoutent des recettes non fiscales qui devraient également baisser, passant de 1,3% du PIB à 0,8% du PIB, engendrant une autre perte estimée à plus de 50 milliards de FCFA. Au total, la perte de recettes fiscales et non fiscales correspond à 2,7% du PIB. 7
Taux de pression fiscale (% du PIB) 18 16 14 12 10 8 6 4 2 0 2016 2017 2018 2019 2020 (projected with COVID) COVID No COVID Source : FMI Staff Report, May 2020 Augmentation de la dette pour les générations futures. La suspension du paiement de la dette accordée par le G20 au Mali se traduit par une liquidité supplémentaire estimée à 10 millions de dollars américains pour les 6 prochains mois (avril-septembre 2020). Cette mesure a donc eu un impact positif immédiat sur les liquidités disponibles pour le gouvernement pour faire face à la crise. Cependant, cette suspension n’est qu’un report. Une des conséquences de la crise est l’augmentation de la dette publique, qui va passer de 39% du PIB à 45% du PIB cette année. Cette augmentation de la dette est un des impacts majeurs de la crise du COVID sur le moyen et long terme. Impact du COVID sur la dette publique (% PIB) 50.0 45.0 40.0 35.0 30.0 25.0 20.0 15.0 10.0 5.0 0.0 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 2024 COVID No COVID Source : FMI Staff Report, May 2020 8
La bonne gestion des finances publiques va être essentielle. Le FMI a répondu très rapidement à la demande d’appui du gouvernement malien. Il n'a fallu que 30 jours entre la demande de facilité de crédit de la part du gouvernement (31 mars 2020) et l'approbation par le Conseil du FMI d'un crédit de 200 millions de dollars au titre de la facilité de crédit rapide (30 avril 2020). Le FMI avait également approuvé un allégement de la dette de 6 mois à 25 pays à faible revenu (dont le Mali) le 13 avril 2020. Le suivi de la transparence et de l'opérationnalisation de la réponse est nécessaire. La rapidité et l'ampleur exceptionnelles de la réponse du FMI (équivalente à 5% du budget de l'État), ainsi que la levée des critères de convergence de l'UEMOA, vont bousculer l'approche traditionnelle pour garantir la transparence, la participation du public et le contrôle budgétaire. Les nouveaux résultats de l’Enquête sur le Budget Ouvert 2019 indiquent des problèmes persistants de transparence, de participation et de contrôle budgétaire au Mali. À la lumière de ces préoccupations, le gouvernement s'est engagé dans sa lettre d'intention au FMI à présenter trimestriellement un rapport sur les dépenses de ces fonds, à commander une vérification indépendante et rigoureuse de ces dépenses dans un an et à publier ses résultats. Le gouvernement adoptera également un budget supplémentaire 2020 intégrant toutes les dépenses liées au COVID et publiera régulièrement sur son site Web de la documentation sur les grands projets de marchés publics, ainsi qu'une validation ex post de la livraison de même que le nom des entreprises récompensées et le nom de leur propriétaire(s) bénéficiaire(s). En complément de cette mesure, il est nécessaire de suivre l'utilisation et l'impact réel des mesures politiques. Ceci est particulièrement important car ces mesures visent à atténuer l'impact sur les plus vulnérables. Au niveau du contrôle budgétaire, cela impose un comité dédié dans le Parlement nouvellement élu pour exercer un contrôle de la réponse. Au niveau opérationnel, cela signifie suivre l'impact de la crise à travers : (i) des enquêtes de suivi à haute fréquence ; et (ii) tirer parti de la présence des Nations Unies sur le terrain et des mécanismes de cluster (Groupes de Coordination Humanitaire) de manière coordonnée pour être les «yeux et les oreilles» sur le terrain et compléter la réponse du gouvernement malien avec des informations en temps réel pour répondre de manière agile. Enregistrer dans le budget de l’Etat tous les soutiens financiers extérieurs mobilisés : Actuellement, la majorité de l'aide au développement ainsi que de l'aide humanitaire n'est pas enregistrée dans le budget de l’Etat. En plus des crédits du FMI, une grande quantité de fonds supplémentaires devrait être mobilisée pour soutenir la réponse du Mali (par exemple via le Humanitarian Response Plan -HRP- des Nations Unies). Il est essentiel d’appuyer le Secrétariat à l’Harmonisation de l’Aide (SHA) à mettre en place un mécanisme efficace pour enregistrer toute l'aide extérieure annoncée et décaissée afin de soutenir le contrôle budgétaire par le Parlement et l'institution supérieure de contrôle. Le gouvernement s'est déjà engagé à adopter un budget supplémentaire 2020 pour intégrer tous les fonds et dépenses liés au COVID. La coordination des partenaires pour garantir l'exhaustivité de ce budget supplémentaire sera essentielle. 9
Le Gouvernement a réagi très rapidement à l'émergence de la pandémie par des mesures de confinement préventif. Celles-ci ont été misent en place depuis mi-mars 2020 et incluent : (i) la suspension des vols commerciaux (sauf les vols de fret), (ii) la fermeture des frontières terrestres, (iii) un couvre-feu de 21h00 à 5h00, (iv) la suspension de tous les rassemblements publics, (iv) l'interdiction des rassemblements sociaux, sportifs, culturels et politiques de plus de 50 personnes, (v) la fermeture des discothèques et des bars, et (vi) la fermeture des écoles (initialement prévue jusqu'au 9 mai). Les horaires de travail dans l'administration publique ont été réorganisés pour se terminer plus tôt (à 14h30), afin de protéger les fonctionnaires. Les marchés restent ouverts de 6h00 à 16h00, pour éviter des perturbations dans l'approvisionnement de la population en produits de base. Après une évaluation de ces mesures et de l’évolution de l’épidémie, le Gouvernement a annoncé le 8 mai 2020 les mesures suivantes : (i) le port obligatoire du masque dans les espaces publics ; (ii) la prorogation jusqu’au 2 juin de la fermeture des écoles primaires, secondaires et supérieures ; et (iii) la levée du couvre-feu sur l’étendue du territoire national. Source : Enquête U-Report sur la perception des jeunes sur le COVID-19 réalisée 1-3 Mai 2020 3. Commerce international Le Mali est tributaire de la fluctuation du prix de l‘or et du coton sur les marchés internationaux qui sont clés pour son économie : au niveau mondial, l’or s’apprécie, mais le coton est en chute libre. La valeur totale des exportations et des importations de biens et services pour l’économie du Mali représente 57% du PIB. Les exportations représentent 23% du PIB du Mali. Les principales exportations et leur part respective sont l'or (62%), le coton (11%) et le bétail (8%). Les principales destinations d'exportation du Mali sont l'Afrique du Sud (780 M $), la Suisse (578 M $), l'Inde (137 M $), le Burkina Faso (116 M $) et le Bangladesh (111 M $). L’ampleur des conséquences du COVID-19 chez les partenaires commerciaux du Mali devrait perturber les circuits d’approvisionnement et entraîner des retards dans la mise à disposition des entrants aux producteurs céréaliers et cotonniers, les quantités disponibles des marchandises 10
qui rentrent dans la composition des produits finis étant jugées insuffisantes. La disruption du commerce international a donc un impact majeur sur l’économie du pays. Depuis janvier 2020, le prix de l'or a augmenté de près de 15%, montrant sa valeur refuge. Cependant les prix sont très volatils. Les mesures vigoureuses prises par les banques centrales au niveau international pourraient soutenir le cours dans les mois à venir, ce qui peut être en faveur du Mali. Cependant la perturbation du transport aérien et l’arrêt de l’activité de certaines raffineries vont très certainement limiter les exportations d’or. Il est donc difficile de prévoir dans quelle mesure le Mali bénéficiera de l'appréciation de l'or. Quant au prix du coton, il s’est effondré de près de 25% depuis janvier 2020. Les cours du coton à l'international sont fortement impactés par la chute brutale de la demande entraînée par la fermeture des magasins de vêtements et de textile, ainsi que des industries intervenant dans ce secteur. Ce contexte est renforcé par un stock déjà important au niveau mondial, aggravant ainsi la tendance baissière des cours. On ne sait pas encore dans quelle mesure l'appréciation du prix de l'or compensera la perte des exportations de coton. Ce qui est certain, c’est que les prévisions de recettes dans le budget de l’Etat ont été directement impactées en raison de la part importante de l’or et du coton dans les recettes fiscales. 4. Transferts de fonds provenant des migrants Les envois de fonds des migrants maliens, particulièrement ceux vivant en France et Italie, jouent un rôle majeur dans les moyens de subsistance des ménages. Les envois de fonds représentent 6% du PIB malien (2018). Ceci correspond à plus 565 milliards de FCFA2. Les envois de fonds des migrants aident les familles à assurer leurs dépenses alimentaires et de santé et à subvenir à leurs besoins essentiels. Dans une moindre mesure, ils contribuent aussi à faciliter l’investissement, l'accès au crédit, et le remboursement des dettes. L’augmentation massive du chômage en Europe risque d’affecter particulièrement les migrants maliens et faire chuter les envois de fonds. Ce déclin aura un impact économique majeur pour les familles les plus vulnérables. Pendant une crise économique, les travailleurs migrants sont plus vulnérables au risque de perte d’emploi que les travailleurs nationaux. Par exemple, pendant la crise financière mondiale de 2008, le taux de chômage moyen des travailleurs nés à l'étranger dans les 28 pays de l'Union Européenne est passé de 11,1% en 2007 à 16,4% en 2009, ce qui était nettement supérieur à l'augmentation constatée chez les travailleurs nationaux. La crise économique actuelle en Europe est beaucoup plus importante que celle de 2008. C’est la raison pour laquelle il est très probable que les transferts de fonds des migrants maliens vont diminuer. La Banque Mondiale estime que les envois de fonds vers l’Afrique subsaharienne vont diminuer de plus de 20% en 2020. 2 2018 PIB nominal = 9.426 milliards de FCFA 11
5. Emploi et moyens de subsistance Multiplication du chômage technique et perte massive d’emplois dans les activités économiques et dans les couches sociales les plus affectées. La contraction de la demande mondiale, la perturbation consécutive des approvisionnements en marchandises qui rentrent dans la composition des produits finis et en biens intermédiaires, les mesures barrières et le couvre-feu qui ont suivi, ont accentué le ralentissement économique, voire l’arrêt sans précédent de nombreuses activités économiques obligeant les entreprises à recourir au mieux à du chômage partiel et au pire à des licenciements massifs. Les résultats d’une enquête préliminaire commanditée par le Conseil national du patronat du Mali (CNPM) font notamment état d’une augmentation brutale des pertes d’emploi, en particulier dans les secteurs tertiaire et secondaire. Sur environ 200 entreprises/groupements interrogés dans les services assurance-banque, hôtellerie-tourisme-billetterie-restauration, industrie de transformation, énergie/distribution, le CNPM a reporté une perte de 4 296 emplois sur 8 476 enregistrés (50%). Les pertes de chiffre d’affaires subies sont évaluées pour l’instant à 21%. Effet particulièrement négatif sur l’emploi dans le secteur tertiaire avec des conséquences disproportionnée pour les femmes. Bien qu’il n’y ait pas encore de données sur l’impact réel de la crise, les statistiques sur l’emploi permettent de faire des projections sur l’impact différencié en termes de secteur affecté et selon les sexes, les âges et les milieux géographiques. Au Mali, la vaste majorité des emplois est dans le secteur informel. En zone rural, plus de 80% de la population travaille dans le secteur primaire. En zone urbaine, particulièrement à Bamako, le secteur tertiaire est la source principale d’emplois avec 83% des personnes travaillant dans le commerce et les services. Repartition de la population en emploi par secteur/branche d'activités (en %) 90 81.5 80 70 60 50 45.5 37.8 40 33.7 28.8 30 24.1 20 15.4 13.4 10 5.3 6.7 7.2 1.3 0 Primaire Industrie Commerce Service Bamako Autres villes Rural Source : INSTAT, EMOP, mars 2020, tableau II.4 12
Ce secteur a été particulièrement affecté par les mesures de restriction de mouvement, en particulier parmi les toutes petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME). L’impact du couvre-feu a été immédiat sur les activités nocturnes dans lesquelles de nombreux emplois sont rémunérés à la nuit ou à la semaine : les agents de sécurité et le personnel de service dans les bars, boîtes de nuit et restaurants. La complémentarité avec d’autres activités de jour a aussi entraîné un effet négatif de grande ampleur. En effet, l’arrêt d’activité dans les boîtes de nuit/hôtels/restaurants a dû affecter directement les activités de jour dans le secteur des brasseries et des sociétés de nettoyage qui emploient principalement les femmes. L’impact sur l’emploi des femmes est très disproportionné, dans la mesure où les femmes sont beaucoup plus représentées dans les activités d’hébergement et de restauration (71% des travailleurs) et les activités de commerce de détail (63%). Ces deux secteurs d’activité, particulièrement en zone urbaine, ont été lourdement affectées par la crise. Les jeunes de 15 à 35 ans qui occupent un emploi informel sont aussi disproportionnellement plus affectés car ils représentent 69% des emplois informels du secteur hôtels- restaurants. L’impact sur les moyens de subsistance des femmes sera aussi plus lourd dans la mesure où le salaire moyen des femmes est deux fois moins élevé que celui des hommes. Des entretiens individuels conduit par ONU Femmes parmi des femmes dans le secteur économique au Mali indique que presque toutes les femmes interviewées ont perdu leurs revenus à cause de la pandémie. Ces entretiens montrent que 20% des femmes ont dû arrêter leurs activités économiques parce qu’elles ne pouvaient plus transformer les matières premières, exporter, faire les activités qui nécessitent le regroupement comme la teinture. Par ailleurs, à cause de la limitation des voyages entre les différents pays limitrophes du Mali, la demande a considérablement diminué étant donné qu’une partie importante du chiffre d’affaires des femmes proviennent de ces pays. Il est peu probable que la levée du couvre-feu à partir du 9 mai se traduise systématiquement par le rétablissement complet des activités affectées et le retour des personnes à leurs emplois perdus. Difficultés financières avec les banques. La très forte contraction de l’activité économique a conduit les entreprises à une perte de 21% de leur chiffre d’affaires, selon les premiers résultats de l’enquête commanditée par le CNPM citée plus haut. En l’absence de reprise et d’amélioration de la demande, le seul rééchelonnement des dettes pourra difficilement régler les difficultés financières des entreprises. Les banques deviennent plus frileuses pour de nouveaux prêts, même face à des clients plus crédibles dont les motivations paraîtront suspicieuses au regard de la conjoncture. Analyse des mesures d’accompagnement prises par le gouvernement. Pour l’instant, les mesures prises par l’’Etat malien sont essentiellement d’ordre social. Selon le patronat, il y a un risque que les mesures prises par le gouvernement pour relancer l’activité économique et l’emploi soient insuffisantes. Ceci risque de pénaliser le Mali face à d’autres pays africains comme le Cameroun et le Sénégal qui, ont adopté des mesures beaucoup plus importantes pour soutenir l’emploi et l’économie. 13
Les trois mesures principales prises pour soutenir l’économie sont les suivantes : 1. Le Fonds de Garantie du Secteur Privé sera doté d'un montant de 20 milliards de FCFA destiné à garantir les besoins de financement des PME/PMI, des industries et de certaines grandes entreprises affectées par la pandémie. 2. Des remises d'impôts, au cas par cas et secteur par secteur, bénéficiant aux entreprises privées impactées par les mesures de prévention du COVID-19, en l’occurrence les secteurs les plus sinistrés comme les filières touristiques (hôtellerie, voyages et restauration), culturelles et les transports, afin de protéger les emplois. 3. Les crédits de toutes les entreprises sinistrées seront restructurés et des orientations seront données aux banques, afin que les entreprises maliennes puissent bénéficier des concessions accordées par la Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest. Mais le faible volume d’activités qui caractérise les TPE et PME ne leur assure pas un accès effectif aux bénéfices de ces mesures. En effet, si l’Etat renonce pour un temps à l’impôt sur le bénéfice industriel et commercial, l’entreprise, pour en bénéficier doit vendre et avoir un profit. Actuellement, l’ampleur de la contraction de l’activité économique est loin de permettre aux TPE et PME les plus affectées de remplir cette condition. Pour des questions d’efficacité, de transparence et la nécessité de rendre des comptes sur l’usage de l’argent donné, les représentants des différentes organisations du secteur privé expriment fortement le besoin d’être associés dans la gestion du Fonds de Garantie du Secteur Privé. 14
Partie II : L’impact sur le Capital Humain La pandémie du COVID-19 arrive dans un contexte de développement fragile, où les indicateurs socio-économiques ne suivent pas le rythme de l'explosion démographique. Dans les 30 prochaine années, la population va doubler, passant de 20 millions aujourd'hui à plus de 40 millions d'ici 2050. Dans un contexte de situation sécuritaire fragile, de pauvreté élevée, d'extrême vulnérabilité aux chocs et de ressources limitées pour financer le développement, les indicateurs socio-économiques avant la crise du COVID-19 ne suivaient déjà pas le rythme de l'expansion démographique. Par exemple, en chiffres absolus, il y a aujourd'hui plus d'enfants mal nourris et non vaccinés qu'il y a 30 ans. L'explosion démographique signifie également que le nombre d'emplois créés chaque année (moins de 50 000 emplois) ne peut pas absorber l'offre de main-d'œuvre (300 000). C’est dans ce contexte qu’il faut apprécier l’impact du COVID-19 sur le capital humain. La crise fragilise encore plus les perspectives de développement du pays. L’indice du capital humain montre que le Mali a l'un des plus faibles indices au monde, se classant 154ème sur 157 pays. Les carences en matière de santé et d’éducation sont des facteurs clés de la sous- performance du pays dans l’indice du capital humain. A cela s’ajoutent de graves inégalités entre les sexes. L’indice d'inégalité entre les sexes au Mali est un des plus élevé au monde, avec une valeur de 0,676, ce qui le classe le Mali 158 sur 162 pays. Les effets directs et indirects de l’épidémie compromettent encore davantage le développement de ce capital et les progrès vers les Objectifs de Développement Durable, en particulier sur (i) les maladies transmissibles, l’espérance de vie et le renforcement du système de santé (ODD 3.1 et 3.2; 3.3, 3.4, 3.7, 3.8,3.c. and 3.d), (ii) l’éducation (ODD 4), (iii) la faim, l’extrême pauvreté et la sécurité alimentaire (ODD1, ODD2), (iv) le travail décent et la croissance économique (ODD 8), (v) l’égalité des sexes (ODD 5), (vi) la réduction des inégalités (ODD 10), et (vii) la paix, la justice et les institutions efficaces (ODD 16) . La crise va pousser 800 000 personnes de plus dans la pauvreté. Le niveau de pauvreté dans le pays est très élevé : 44 % de la population vit sous le seuil de pauvreté national (soit 8,5 millions de personnes) avec d’importantes variations entre les zones rurales (54%) et les zones urbaines (4% à Bamako et 25% dans les autres villes). La pauvreté non-monétaire, ou multi- dimensionnelle (privation de biens non monétaires comme éducation, eau, santé...), est encore plus élevée. Parmi les enfants (0-17 ans) la pauvreté non-monétaire est en moyenne de 54% - et plus de 80% dans les régions de Mopti, Tombouctou, Gao et Meneka3. Les disruptions causées par le COVID-19, notamment dans le domaine de l’éducation, vont accroître encore plus la pauvreté non-monétaire. 3 Privations Multidimensionnelles et Pauvreté des Enfants au Mali – UNICEF – Octobre 2018 15
Sur la base de l’Enquête Harmonisée des Conditions de Vie des Ménages4, et en utilisant le seuil de pauvreté national, les projections faites par la Banque Mondiale5 montrent que la chute du PIB à 0,9% va entraîner une augmentation de la pauvreté de 2.7%, soit presque 800 000 pauvres additionnels. En utilisant le seuil international de pauvreté de 1,90US$, le taux de pauvreté subira une augmentation estimée de 2,3%. La crise accroit les risques de protections et de violences liés au genre. Le Mali compte 240 000 personnes déplacées internes, dont la majorité vit dans les communautés d’accueil, sur des sites spontanés. Le pays accueille également 29 800 réfugiés et demandeurs d’asiles vivant dans les communautés villageoises et dans les centres urbains. L’émergence de la pandémie du coronavirus vient exacerber la vulnérabilité de ces populations aux besoins humanitaires multiples et crée d’importants risques de protection. Ceux-ci sont liés à la protection des civils et à la réduction des mouvements des forces de maintien de la paix, la perturbation des services publics et de l’accès à l’assistance humanitaire, la restriction de la liberté de mouvement et le déplacement forcé, l’augmentation des stigmatisations et des tensions communautaires, l’augmentation des violences liées au genre, les abus et exploitations contre les enfants et la réduction de l’accès aux autres services de santé essentiels à la protection de la population. La violence basée sur le genre (VBG) est très répandue au Mali. Selon le DHS 2018, la moitié des femmes (49 %) de 15-49 ans en union ou en rupture d’union ont subi à n’importe quel moment des actes de violence émotionnelle, physique et/ou sexuelle. Les dispositions prises par le Gouvernement malien pour riposter au COVID-19 risquent d’accroitre les inégalités de Genre et VBG. Bien qu'il soit trop tôt pour disposer de données complètes, il existe déjà de nombreuses 4 EHCVM – 2019 – non publié 5 L’équipe des Nations Unies est très reconnaissante à l’équipe pays de la Banque Mondiale pour avoir partagé leur analyse préliminaire sur l’impact de la crise sur la pauvreté au Mali. 16
informations très préoccupantes concernant une augmentation de la violence à l'égard des femmes dans le monde en conséquence aux impacts socioéconomique du COVID 19. Les restrictions à la liberté de mouvement, combinées à la peur, à la tension et au stress liés à la maladie, et aux impacts négatifs sur les revenus des ménages, font que les risques de violence augmentent. Les femmes sont également plus vulnérables à la fragilité économique pendant les contraintes de confinement et de déplacement, pour des raisons qui incluent leur représentation beaucoup plus importante dans les emplois du secteur informel au Mali. L’impact sur les femmes veuves mérite aussi une attention particulière. Source : Enquête U-Report sur la perception des jeunes sur le COVID-19 réalisée 1-3 Mai 2020 1. Santé Le Mali fait partie des cinq pays au monde où la « charge » de morbidité/ mortalité est la plus importante. Le COVID-19 risque d’aggraver encore plus cette situation. Environ 70 000 années de vie ajustées sur l'incapacité6 (AVAI) pour 100 000 habitants sont perdues chaque année. Les maladies transmissibles, néonatales, maternelles et nutritionnelles représentent plus de 70% de la « charge » globale. En moyenne, environ 160 000 femmes et enfants de moins de 5 ans meurent chaque année (soit environ 400 décès par jour). La mortalité due au COVID est encore très faible, avec moins de 30 décès signalés depuis le premier décès enregistré fin mars (données au 6 mai 2020). Cependant, la mortalité est probablement sous-déclarée en raison de la sous-détection des cas et de la capacité limitée de tests. Il est probable que la crise entraînera une augmentation des AVAI si la transmission communautaire et la propagation du COVID-19 ne sont pas contrôlées en temps opportun et si la continuité des services de sauvetage pour les mères et les enfants est compromise. 6 Les années de vie ajustées sur l'incapacité (AVAI) est un indicateur utilisé en économie de la santé. Cet indicateur intègre les notions de mortalité et de morbidité. Il permet d’estimer le nombre d’années de vie en bonne santé, perdues à cause d’une incapacité ou d’un décès prématuré. Il représente donc la « charge » d'une maladie exprimée en tant que nombre d'années perdues dû à une mauvaise santé, incapacité ou décès prématuré. 17
La crise du COVID-19 doit se mesurer dans le contexte du système de santé au Mali. Avant que le coronavirus n’affecte le pays, le secteur de la santé souffrait (i) d’une insuffisance de ressources financières et humaines ; (ii) de capacités institutionnelles et d'infrastructures limitées ; et (iii) de systèmes d'information sanitaire faibles. Les dépenses du secteur public pour la santé ont été historiquement très basses. Dans le budget de l'État de 2020, le secteur était doté de 5,2% du budget global, comme dans les années précédentes (loin de l’objectif d'Abuja de garantir que 15% des dépenses publiques soient allouées à la santé). En moyenne, le pays compte 0,6 personnel de santé (infirmières, médecins) pour 1 000 habitants, vs 2,3 pour 1 000 selon la norme de l’OMS. En outre, la distribution géographique du personnel est très inégale : Bamako a près de 2 personnels pour 1 000 contre moins de 0,3 à Taoudénit, Gao, Sikasso and Mopti. L'évaluation externe conjointe (EEC) du Mali a aussi relevé des lacunes en termes de surveillance des maladies infectieuses et de résistance aux antimicrobiens, de préparation aux épidémies et de riposte. La crise du COVID a eu l’effet d’une vague de fonds sur le système de la santé. Depuis que le virus a frappé le pays en mars 2020, l'ensemble du système de santé et du personnel a été mobilisé pour répondre à la crise, perturbant ainsi la continuation des activités sanitaires de base. En réponse à l’épidémie, le Ministère de la Santé et des Affaires Sociales (MSAS) est en train de mettre en œuvre un plan d'action national autour de cinq stratégies : (1) prévention ; (2) gestion des cas et rupture de la chaîne de transmission ; (3) réponse multisectorielle ; (4) santé ; et (5) communication. Ce rapport n’entre pas dans les détails de la situation car des mises à jour quotidiennes sont données par le MSAS. Les points saillants des défis posés par l’épidémie sont les suivants : § Capacité de testage limitée (à peu près 100 tests par jour sont réalisés et centralisés à Bamako) ; § Manque de matériels, équipements de protection, kits et équipements de prise en charge du COVID-19 dans les centres de santé à travers le pays (par exemple, le pays dispose pour le moment de moins de 60 ventilateurs) ; et § Insuffisance dans l’identification des contacts des personnes infectées. L’accès aux services et prestations de santé publique se sont considérablement dégradés pour les Maliens : § Interruption des services de base. Ceci est particulièrement notoire dans le domaine de la vaccination, qui est un bon indicateur indirect pour les autres programmes essentiels de santé publique. Les nombreuses rumeurs et la peur des utilisateurs des services de santé d’être contaminés lors de la fréquentation des structures sanitaires, ont entraîné une certaine méfiance de la population vis-à-vis de l’utilisation des services de santé de façon générale et des services de vaccination en particulier. § Les observations faites par les équipes des Nations Unies dans les régions et à Bamako7 ont fait l’état d’interruptions/disruptions importantes. Certaines de ces 7 Observations réalisées par les équipes conjointes de l’UNICEF, OMS et du PEV dans 4 régions et 6 communes de Bamako durant la période 10 avril au 1er mai 2020. 18
observations incluent : Ø Fermeture pendant 2 semaines du Centre de Santé de référence (Hôpital de District) de Kayes, une des régions les plus pauvres ; Ø Une baisse marquée du nombre des enfants vaccinés dans les Centres de Santé Communautaires (CSCom) des grandes agglomérations de Kayes, Sikasso et Bamako ou certains CSCom sont passés de 100 enfants vaccinés par séance à 50, toutes vaccinations confondues ; Ø L’augmentation des paiements directs par les patients (par exemple, le matériel de protection n’étant pas suffisamment disponible, il a été observé que la mère devait acheter la paire des gants pour faire vacciner son enfant) ; Ø L’arrêt des visites à domicile par les relais communautaires et la réduction du nombre de prestataires dans les formations sanitaires (travail par alternance) ; Ces observations ont été confirmées par une nette baisse du nombre d’enfants ayant reçu leur dose de Penta 38 dans les structures sanitaires en mars 2020. Une réduction notable du nombre d’enfants vaccinés au cours du 1er trimestre de 2020 comparés au 1er trimestre des deux années précédentes a été enregistrée, très remarquable pour les mois de février et mars 2020. La comparaison en incluant le mois d’avril pourrait être encore plus édifiante (données pas encore disponibles). Comparaison entre enfants vaccinés au penta 3 au 1er trimestre des années 2018, 2019 et 2020 71292 72000 69008 70000 67576 68000 65421 65022 64931 65190 66000 63659 64000 61710 62000 60000 58000 56000 2018 2019 2020 2018 2019 2020 2018 2019 2020 Janvier Fevrier Mars Source : DVD-MT 2018-2019 et DIHS2 2020 L’arrêt des campagnes de vaccination de masse risque de faire resurgir des épidémies. Depuis janvier 2020, le pays a signalé des flambées/épidémies de maladies infectieuses majeures, notamment la fièvre jaune, la fièvre de la vallée du Rift (RVF), la fièvre hémorragique de Crimée-Congo (CCHF), la dengue et la rougeole. En plus des disruptions/interruptions enregistrées dans les services de routine, plusieurs campagnes de vaccination essentielles pour 8 Diphtérie, coqueluche, tétanos, hépatite B et Haemophilus influenza de type B. 19
réduire la morbidité et la mortalité chez les femmes et les enfants n’ont pas pu avoir lieu. Par exemple, plus de 3 millions d’enfants de moins de 5 ans n’ont pas pu être vaccinés contre la polio durant une campagne qui était prévue en avril 2020. Cette campagne est pour le moment reportée à juin, mais elle sera peut-être encore repoussée suivant l’évolution de l’épidémie de COVID-19. Ces retards font courir un risque majeur de la résurgence de la polio pour le Mali (qui est déjà un pays à grand risque de polio), ainsi qu’un risque sur les efforts globaux pour éradiquer cette maladie sur le continent et dans le monde9. En plus de la polio, d’autres campagnes de vaccinations ont été retardées10. L’approvisionnement en vaccins au niveau national est aussi affecté à cause de l‘arrêt des vols commerciaux internationaux. Le Mali est actuellement en rupture de Vaccin Anti Amaril (fièvre jaune) au niveau central alors que 363 800 doses couvrant 5 mois de consommation devraient dans les conditions normales êtres déjà disponibles pour le pays. La réduction du nombre des prestataires dans les formations sanitaires et l’arrêt des visites à domicile des relais communautaires ont aussi négativement affecté la capacité de surveillance des maladies à déclaration obligatoires. Bien qu’il n’y ait pas de données actualisées sur les autres programmes sanitaires essentiels, comme l’accès à la planification familiale ou les soins VIH, il est probable que ces programmes vitaux souffrent des mêmes disruptions constatées que pour la vaccination. La sévérité de l’impact de la crise sanitaire sur le système de la santé demande une réflexion politique sur la réponse à la pandémie. En l’espace de 40 jours, l’épidémie du COVID-19 a mis à jour la capacité limitée du système de santé à faire face à la crise et assurer la continuité de la santé publique pour la population. Ceci soulève d’importantes questions quant à la balance et la meilleure réponse sanitaire possible à apporter. Une réflexion sur les coûts et bénéfices constatés jusqu’à présent mérite d’être menée pour déterminer comment aller de l’avant. Dans l’immédiat, toutes les actions en rapport avec le COVID devront prendre en compte trois dimensions : (1) Prévenir la transmission et assurer une prise en charge de qualité ; (2) Assurer la continuité des services de santé et de nutrition pour réduire la morbidité et mortalité des groupes de population les plus vulnérables (e.g. assurer la disponibilité des marchandises Les ménages disposent d’installation limitée pour le lavage des mains Le lavage des mains est une action hygiénique importante qui permet d’éviter la transmission du coronavirus. Le DHS 2008 indique que 61 % de la population ne disposent que d’une installation limitée pour le lavage des mains, c’est-à-dire sans disponibilité de savon ou de l’eau et 14 % disposent d’une installation qualifiée d’élémentaire, c’est-à-dire avec de l’eau et du savon. 9 Ceci est particulièrement inquiétant dans un contexte ou l’immunité collective demeure encore faible (en témoigne le cas de PVDVc actuellement en investigation dans la région de Menaka). L’analyse de risque de polio faite au 1er trimestre 2020 fait apparaître 45 districts à risque élevé (échelle de 1-3) sur les 75 districts que compte le Mali, soit environ 60%. Il s’agit des districts de région du Nord (Ségou, Mopti, Tombouctou, Taoudeni, Gao, Kidal, Menaka) et Bamako. 10 La campagne de vaccination néonatale contre le tétanos qui ciblait 80 000 femmes en âge de procréer devait avoir lieu du 29 mars au 7 avril 2020 et a été retardée. La campagne de vaccination de 20 000 enfants contre la rougeole dans la Commune 4 du District de Bamako planifiée en mars a été annulée. 20
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